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La gestion prévisionnelle des ressources humaines: histoire et perspectives

Article · January 1999

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Patrick Gilbert
Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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La Gestion Prévisionnelle des Ressources
Humaines : histoire et perspectives
Revue française de gestion ,124, 66-75, Lavoisier, 1999

par Patrick GILBERT

La Gestion Prévisionnelle des Ressources Humaines se laisse difficilement saisir


compte tenu de la variété des vocables qui l'ont désigné et des formes différentes qu'elle
a revêtues au cours de son histoire. L'auteur s'efforce d'en clarifier les origines et les
conditions de structuration. Après en avoir déterminé les grandes caractéristiques, il
met en évidence quatre conceptions successives qu'il confronte ensuite pour dégager
des invariants et des facteurs de structuration communs. En conclusion, il décrit le
scénario qui a présidé à la constitution et au renouvellement des différentes
conceptions.

Dans l'entreprise, le besoin de raisonner sur l'avenir s'impose au gestionnaire quelle que
soit la fonction dans laquelle il exerce son activité (Merlin, 1989). L'application des
méthodes de prévision concerne a priori aussi bien les marchés, les prix, les indicateurs
financiers que le personnel. Chaque domaine s'approprie ces méthodes en les adaptant à
la nature des ressources et aux enjeux qui leur sont associés.

Le développement de démarches prévisionnelles suivies par les entreprises en matière


de main-d'oeuvre est un phénomène qui date de plus de trente ans (voir par ex. D. H.
Gray, 1966 ; E. Vetter, 1967 ; A. Mallèvre, 1968 ; C. G. Lewis, 1969). Pourtant il
n'existe pas de terminologie admise par tous et consacrée par l'usage. La gestion
«prévisionnelle» peut être également nommée «préventive» (R. Ribette, 1988 ; D.
Thierry, 1990) 1 , «anticipée» (N. Mandon, 1990), «anticipatrice» (G. Egg, 1988) voire
«anticipative» (C.N.P.F., 1992). Elle peut porter sur la main d’oeuvre, mais également
sur les effectifs, les emplois ou les compétences. Elle peut être considérée comme un
corps de méthodes délimité, aussi bien que comme un ensemble hétérogène de
pratiques. C'est qu'elle est encore un domaine mal balisé (L. Mallet, 1990) et qu'il
n'existe pas (pas encore) d'appellation contrôlée (X. Baron, 1993).

Face à la profusion des vocables et des formes de la gestion prévisionnelle, L. Mallet


(1991) a proposé d'adopter le terme générique de gestion prévisionnelle des ressources
humaines (GPRH) : «La GPRH recouvre l'ensemble des démarches, procédures et
méthodes ayant pour objectif de décrire et d'analyser les divers avenirs possibles de
l'entreprise en vue d'éclairer les décisions concernant les ressources humaines» (p. 10).

Partant du constat de la multiplicité des formes de GPRH et du flou qui entoure cette
notion, notre étude vise à apporter des éléments de repérage sur son évolution et ses
conditions de structuration. Dans une première partie, nous présenterons les

1 Ces deux auteurs donnent d’ailleurs une acception différente à l'expression «gestion préventive». Pour
D. Thierry (1983), ce terme désigne «l'ensemble du dispositif qui permet à l'entreprise d'intégrer les
divers éléments économiques, technologiques et humains dans le processus de prise de décision , et ce
dans le cadre d'une stratégie globale à moyen terme» (p. 18). Pour R. Ribette (1988), il s'applique à une
gestion qui s'exerce à l'initiative de l'individu.
2

conceptions qui se sont succédé depuis les années soixante, le contexte de leur
apparition et les principales idées qui les sous-tendent. La deuxième partie portera sur
les conditions d’émergence de ces conceptions, la manière dont elles se structurent et se
renouvellent. En conclusion, nous nous interrogerons sur l’avenir de la GPRH.

I.— LES CONCEPTIONS SUCCESSIVES

1. Première conception : les modèles de gestion prévisionnelle des effectifs (années


1960)

L'entrée de la prévision dans la gestion du personnel s'est faite en quelque sorte au nom
de la science, grâce au progrès de la recherche opérationnelle et à l'avènement de
l'informatique. Les premières recherches ont été faites dans l'armée américaine, les
grandes industries, l'administration publique, les compagnies aériennes. En France, les
expériences significatives de gestion prévisionnelle des ressources humaines ont débuté
dans les années soixante (J. L. Guignard, 1968 ; R. Benayoun, J.-P. Decostre, P. Leyrat,
1969 ; F. Morin, 1969).

«L'ère de la gestion scientifique a commencé», proclament R. Faure, J.-P. Boss et A.


Le Garff (1967) dans l'ouvrage qu'ils consacrent à la recherche opérationnelle et,
précisent-ils, «Grâce aux méthodes de la recherche opérationnelle, et plus spécialement
à celles de la simulation, l'accumulation des chiffres aboutit à un résultat qualitatif : on
ne s'intéresse plus aux nombres exacts, mais à leur signification relative, de laquelle
dépend l'orientation du choix. Ainsi les calculateurs deviennent-ils des moyens de
gestion prévisionnelle. Un bel avenir attend les méthodes scientifiques de gestion.» (p.
126).

Ce message a semble-t-il été entendu par les spécialistes de la gestion du personnel. En


effet, quelques années plus tard, paraît un livre consacré à des réflexions et expériences
de gestion prévisionnelle. La filiation avec la recherche opérationnelle est directe,
puisque «Approches rationnelles dans la gestion du personnel» (R. Benayoun, C.
Boulier, 1972) est le fruit d'un groupe de travail de la section Recherche Opérationnelle
de l'A.F.C.E.T. (Association Française pour la Cybernétique Economique et
Technique). Créé à la fin de 1969, ce groupe était composé de responsables du
personnel, de chercheurs opérationnels, d'informaticiens et de psychologues
d'entreprises et d'administrations (R.N.U.R., R.A.T.P., Air France, Kodak-Pathé, Shell,
Education Nationale, …) ainsi que de consultants (AVA, Quaternaire Education, S.I.A.,
SEMA). Le travail de groupe restreint à l'origine à la gestion prévisionnelle des effectifs
s'est étendu à d'autres sujets (formation et appréciation du personnel, notamment) Le
processus de création de la gestion prévisionnelle semble avoir été similaire en Grande-
Bretagne où les réflexions initiales sur le «manpower planning» ont été formulées au
sein de l'Operational Research Society (voir A. R. Smith, 1970, 1976).

Les modèles de gestion prévisionnelle 2 sont constitués sur une base purement
numérique et se limitent à ce qui est calculable. Ils interviennent essentiellement dans la
gestion économique à long terme des effectifs. Il y eut à l'origine quelques tentatives
pour intégrer des éléments qualitatifs et une certaine fascination pour des travaux nord-

2 Pour une description de ces modèles voir par exemple les modèles Escale (du groupe A.V.A.) et Polca
(de la S.E.M.A.) in R. Benayoun et C. Boulier (1972) ou le modèle GOSPEL de la Shell Française (J.
Duchene, 1977).
3

américains allant dans ce sens 3 . Mais les réalisations en la matière furent peu
nombreuses.

Les modèles utilisés sont de deux sortes :

— Les modèles de simulation qui portent, par exemples, sur les évolutions
démographiques, les hypothèses concernant la structure des emplois, l'estimation
d'écarts quantitatifs entre besoins et effectifs disponibles à l'horizon de la prévision. Ils
ont pour objet de prévoir les conséquences d'un choix politique. Ce choix sera exprimé
par les valeurs de variables, tels que les taux de recrutement annuels par type de postes,
les taux de promotion, les taux de mobilité, etc. Le modèle simule année après année
l'évolution de la structure des effectifs sur la base définie a priori et fournit les résultats
de la politique envisagée. Il est alors possible de déterminer les conséquences de cette
politique et de savoir si elle répondra aux intentions des dirigeants ou si elle est
susceptible de créer des problèmes.

— Les modèles d'optimisation qui visent à déterminer par calcul la valeur optimale de
certains paramètres, par exemple le taux de promotion interne à la position cadre et le
taux de recrutement annuel de jeunes cadres diplômés, de sorte que ces paramètres
respectent certaines contraintes imposées (limiter l'évolution de la masse salariale à tel
montant ou le nombre des cadres non diplômés à tel pourcentage de la population totale
des cadres, etc.). Difficiles de maniement et opaques pour l'utilisateur, les modèles
d'optimisation ont eu une application très réduite.

On relève un échec relatif de la cette période quantitativiste : les dirigeants n'y ont pas
cru, les professionnels de la gestion du personnel maîtrisaient mal les techniques et
surtout certains aspects de gestion de la main d'oeuvre, parmi les plus critiques, étaient
oubliés. Les principes sur lesquels se fondaient les prévisions laissaient de côté les
évolutions de l’environnement (développements de la technologie, de la concurrence,
du marché du travail, de la législation sociale, etc.) et celles du système social interne
(en particulier, les contre-pouvoirs des organisations syndicales). Examinant les
politiques de personnel à un niveau général et anonyme, les modèles de gestion
prévisionnelle se concentraient sur quelques aspects des politiques de personnel tels
qu'une structure de postes ou une prévision d'embauche (J. Laufer, G. Amado,
G. Trepo, 1978). L'importance croissante de la population cadre a souligné la nécessité
d'adopter une perspective plus globale et plus qualitative.

La mise en place d’une gestion prévisionnelle des effectifs chez Kodak-Pathé

L’entreprise est en forte expansion et la formation ne parvient pas à alimenter les


niveaux supérieurs de l’encadrement. Cependant, la direction de Kodak-Pathé estime
devoir offrir des carrières suffisamment attrayantes pour conserver le personnel
confirmé. Elle décide la mise en place d’un outil de prévision des effectifs. A cette fin,
un modèle de simulation est établi par un groupe réunissant des responsables
hiérarchiques et des chercheurs opérationnels. En dix-huit mois d’expérimentation,
jalonnés par une dizaine de réunions de ce groupe, trois générations de modèles voient
le jour. Le système finalement élaboré est destiné à fournir un ensemble cohérent
(besoins en effectifs, structure). Selon ses concepteurs, le modèle permet, entre autres,

3cf. Manplan, un simulateur des relations supérieurs-subordonnés destiné à «expliquer et prévoir les
mouvements de personnel d'une organisation» in R. Benayoun et C. Boulier (1972).
4

de connaître les effectifs idéaux qui seraient nécessaires pour que l’ensemble soit stable
(effectifs dans les activités, effectifs à embaucher, effectifs sortants) et d’identifier les
points névralgiques (engorgements ou déficits structuraux).

(Source : Benayoun et Boulier, 1972 )

2. Deuxième conception : la gestion prévisionnelle des carrières (1970-1975)

Le premier ouvrage, en langue française, entièrement consacré à la GPRH, et présentant


en plus des méthodes des éléments de doctrine, a été publié en 1972. «La gestion
prévisionnelle du personnel» est l'oeuvre d'un psychologue, P. Jardillier, consultant au
CENTOR (Centre d'études et d'assistance pour l'organisation humaine des entreprises).
Le souci de rationalité est toujours présent, en particulier à travers le concept de gestion
intégrée : la gestion est conçue comme un système dans lequel les différentes
composantes interagissent.

Mais la «gestion prévisionnelle intégrée» s'accompagne d'une recherche d'un


«management à visage humain» 4 . L'auteur écrit en effet dans son avant-propos : «les
méthodes décrites dans ce petit livre sont pratiquées par les entreprises qui entendent
rationaliser et systématiser ces possibilités d'allier le développement de l'homme à celui
de l'entreprise».

Pour P. Jardillier, l'objectif de la gestion prévisionnelle du personnel est la prévision des


affectations individuelles conformes aux besoins de l'entreprise et aux aspirations des
individus. Si la gestion prévisionnelle est celle des individus, elle est précédée d'une
démarche quantitative et collective qui porte sur les besoins et les possibilités. Mais sur
les neuf chapitres que comprend l'ouvrage cité un seul est consacré à l'étude
prévisionnelle des besoins.

Cette orientation de la GPRH a surtout été appliquée à la gestion des cadres et plus
précisément à la gestion de leur carrière (c'est pourquoi nous l'appelons gestion
prévisionnelle des carrières). A l'époque, l'argument était le suivant : face à l'entreprise,
le cadre poursuit des objectifs multiples. Il attend d'elle une rémunération, mais
également des possibilités de «se réaliser» : un statut, une formation, etc. Les cadres
attendent de l'entreprise qu'elle leur offre des carrières, plutôt que des emplois.

A la différence de la gestion prévisionnelle des effectifs, la gestion prévisionnelle des


carrières répond à des préoccupations de gestion des individus. Elle procède d'une
recherche anticipée d'adéquation des individus aux emplois de l'entreprise. Ses outils
habituels sont la définition de fonction, l'appréciation du potentiel et les organigrammes
de remplacement.

A la suite du «premier choc pétrolier», l'intérêt pour la prévision marqua une pause. Les
procès en incapacité faits aux prévisionnistes de tous domaines n'ont pas manqué
d'atteindre la GPRH. Au reflux de l'intérêt porté à la prévision en matière de personnel
correspond d'ailleurs un net ralentissement des publications portant sur ce thème.

Une restauration de ce second courant de la gestion prévisionnelle s'est amorcée au


début des années 80 sous l'impulsion de L. Mathis (1982), pseudonyme adopté par un

4 Les expressions citées entre guillemets sont de P. Jardillier.


5

groupe de concertation des responsables de personnel émanant de la Fondation


Nationale des Entreprises Publiques. On retrouve dans cet ouvrage l'orientation
humaniste de la période précédente. En témoignent les objectifs développés en première
partie :

– «Faire converger objectifs économiques et finalité humaine»,


– «Assumer une responsabilité civique et sociale»,
– «Faire de chacun un partenaire»,
– «Anticiper les risques sociaux».

Si le discours général est plus «communiquant», les procédures et outils sont similaires.
Cette prise de position traduit le souci de certains dirigeants du secteur public de sortir
de la gestion de masse, pour fonder la gestion du personnel de ce secteur sur
l'adaptation réciproque des emplois et des personnes, à l'instar du secteur privé.

Cette conception de la gestion prévisionnelle s'est révélée à l'usage trop centrée sur les
individus et pas assez organisationnelle.

La gestion intégrée des cadres de Merlin-Gerin

Dans le début des années 1970, Merlin-Gerin s’efforce de donner un caractère intégré à
sa gestion du personnel. Elle se consacre d’abord aux cadres. Une équipe de
Développement et Formation des Cadres apporte une aide à la hiérarchie dans ce
domaine. Une commission de 12 à 15 dirigeants, nommés par le Secrétaire Général, se
réunit régulièrement avec cette équipe, notamment pour actualiser les classifications de
postes et proposer les personnes à promouvoir. Tous les postes ont été évalués et
classés en dix niveaux, correspondant à une plage de salaire. Un entretien annuel de
carrière est systématisé. De plus, des plans de carrière sont établis pour les cadres à haut
potentiel et des plans de remplacement pour chaque poste. Ces derniers sont actualisés
chaque année. Le développement personnel sert de guide dans l’élaboration de plans de
formation réalisés en application de la toute nouvelle loi de juillet 1971.

(Source : Laufer, Amado-Fishgrund et Trepo, 1978 )

3. Troisième conception : la gestion prévisionnelle des emplois (Années 1980)

Le renouveau de la GPRH s'est amorcé à la fin des années 70, en réponse aux
déséquilibres de la situation de l'emploi et de l'aggravation du chômage combinée à des
déficits sectoriels ou locaux de main-d'oeuvre. Il ne s'agit plus d'optimiser une gestion
des ressources humaines en période de croissance, mais de prévenir les crises, à la suite
de réductions massives d'effectifs, en particulier dans l'industrie lourde (charbonnages,
sidérurgie).

Les grandes entreprises industrielles ont été les premières à mettre en oeuvre une
gestion prévisionnelle des emplois (B.S.N., Cogema, Framatome, Renault, Rhône
Poulenc, …). Certaines réalisations ont connu un retentissement médiatique :
l'opération ISOAR menée à l'usine Peugeot de Mulhouse, ou encore le projet «1000 =
1000» de Merlin-Gerin. Les expériences sont plus tardives dans le tertiaire
(essentiellement banques et assurances). Dans d'autres secteurs, tels que le commerce,
le B.T.P., la plasturgie, les transports ou le textile, les réflexions sur l'emploi et
l'évolution des métiers ont plutôt été menées au niveau des branches professionnelles.
6

Le projet de gestion prévisionnelle de l'emploi se développe dans différents cercles de


réflexion (Institut de l'Entreprise, institut Entreprise et Personnel). En 1981, se crée
l'association Développement et Emploi dont l'objectif est de développer de nouvelles
approches de l'emploi.

La gestion prévisionnelle de l’emploi se bâtit sur une critique des précédentes


conceptions de la GPRH (D. Thierry, 1983 ; G. Le Boterf, 1988).

G. Le Boterf (1988) déclare : «La gestion prévisionnelle des effectifs ne suffit plus (…)
Les démarches projectives et prévisionnelles qui "fonctionnaient" bien en période de
croissance assurée et régulière doivent maintenant être complétée par une réflexion
prospective. La planification «dure» cherchant à aller dans le détail de chaque décision,
devient souvent contre-productive par sa rigidité : elle doit faire place à des démarches
de management stratégique» (p. 19). Il propose le schéma directeur des emplois et des
ressources humaines comme outil de management stratégique, selon lui, adapté à un
contexte incertain et instable.

Selon la formule de F. Berton et G. Douenel (1990), la gestion prévisionnelle des


emplois devint «une affaire d'Etat» lorsque le Premier ministre déclara le 27 septembre
1988, au forum des comités d'hygiène, sécurité et conditions de travail, qu'elle était pour
les entreprises «une ardente obligation». Les pouvoirs publics s’efforcent, par
différentes voies, de pousser les entreprises à internaliser les coûts associés à la gestion
de l’emploi.

Le 7 décembre 1988, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation


professionnelle, M. Jean-Pierre Soisson, annonce en conseil des ministres un dispositif
d'«aide à la modernisation négociée des entreprises». Ce dispositif se traduira quelques
années plus tard par des mesures (notamment par des moyens financiers accrus) incitant
les entreprises à anticiper le traitement de leurs problèmes sociaux liés aux évolutions
technologiques et organisationnelles. Au nombre de ces mesures, certaines portent
directement sur la mise en place de démarches prévisionnelles : les contrats d'études
prévisionnelles signés avec des organisations professionnelles de branche et les contrats
LIGE (Ligne d'Innovation pour la Gestion de l'Emploi) qui contribuent au financement
d'actions de gestion prévisionnelle faisant appel à des consultants extérieurs.

La GPE s'inscrit progressivement dans le cadre des réflexions des pouvoirs publics. Les
textes du Ministère du Travail l'envisagent comme «un acte de gestion qui permet à
l'entreprise d'accroître ses compétences, sa réactivité et son adaptabilité aux fluctuations
de son environnement, par une analyse sur le contenu des métiers, l'évolution des
qualifications en relation avec l'organisation du travail, la valorisation de la compétence
et du potentiel individuel et collectif du personnel» (Délégation à l'emploi, 1991).

Au début des années 1990, la gestion prévisionnelle des emplois fait l'objet de certaines
critiques. Elle résiste mal à un contexte économique peu porteur. On constate, avec le
retournement de la conjoncture, que l'emploi est resté une «variable d'ajustement»
(Cézard, 1993). Les études «prévisionnelles» suivent souvent plus les décisions qu'elles
ne les préparent. Les bases techniques du modèle de référence sont mises en question
(Gilbert, 1994).
7

Gestion prévisionnelle des emplois et mobilité fonctionnelle chez Matra S.A.

Au milieu des années 1980, le centre de recherche et de développement de Matra à


Toulouse compte 600 personnes dont la moitié d’ingénieurs et cadres. Avec la
stabilisation de la charge de travail et l’arrêt du recrutement des employés et
techniciens, la direction du centre décide d’organiser la mobilité de ce personnel, pour
pourvoir les postes vacants. Mais le service du personnel découvre qu’il connaît mal les
emplois et leur devenir. Il décide donc d’engager une opération de GPE qui s’effectuera
sur six mois. Les emplois existants sont tout d’abord décrits à la suite d’une
soixantaine d’entretiens individuels. Une liste des emplois-types est ensuite dressée et
des mobilités fonctionnelles sont recherchées au cours d’entretiens et de réunions avec
les responsables du centre. La communication d’un répertoire des emplois est organisée
auprès de la ligne hiérarchique. Dans le même temps, le comité d’établissement est
informé du travail réalisé.

(Source : P. Gilbert et R. Thionville, 1990)

4. Quatrième conception : la gestion prévisionnelle des compétences (années 1990)

Dans les démarches de Gestion Prévisionnelle et Préventive des Emplois et des


Compétences, le «C» de GPPEC (voir Thierry, 1990) apparaît en 1986 5 , comme pour
jeter un pont entre les études prévisionnelles et la préparation d'actions de gestion
individuelle. Le CEREQ propose la notion d'«emploi-type dynamique» pour «anticiper
la production des compétences» et reprend la classique distinction entre savoirs, savoir-
faire et savoir-être qui se trouve ainsi confirmée (Mandon, 1990). La GPRH s'éloigne
de la visée quantitative et collective, pour revenir à une approche qualitative et
individuelle.

En relation avec le mouvement d'individualisation de la GRH, la notion de compétence


occupe une place de plus en plus grande. Le virage est vraiment pris au début des
années 1990 (voir en particulier V. Merle, 1992). Les entreprises semblent devenir plus
attentives aux contenus des emplois qu'à la question de leur volume (M. Rousseau,
1993). Comme l'ont noté V. de Saint Giniez et A. Bernard (1996), «le développement
des démarches de gestion prévisionnelle s'est progressivement accompagné de celui de
la notion de compétence». Toutefois cette évolution ne peut être interprétée uniquement
sous l'angle du progrès : la gestion des emplois n'est plus prévisionnelle, mais à court
terme, et les responsables des ressources humaines n'ont plus guère de prise sur le
contrôle des évolutions des effectifs. Ils changent donc de terrain … A la fin des
années 1990, la crise de gestion prévisionnelle est patente et des chercheurs en GRH
invitent à s’en construire une nouvelle représentation (C. Defelix, M. Dubois et D.
Retour, 1997).

Dans le discours managérial, il ne s'agit plus, comme dans la période précédente, de


sortir de la logique des plans de licenciement, mais de «gérer l'incertitude» sur
l'évolution du contenu des activités, donc des emplois. Les entreprises cherchent plutôt

5D'après des documents internes à Développement et Emploi et des informations convergentes données
par Xavier Baron, à l'époque consultant dans cet organisme et par Patrick Franchet, responsable Emploi-
Formation de Sollac Florange.
8

à favoriser l'adaptation à un environnement perçu comme durablement turbulent et à


développer l'«employabilité» 6 de leurs salariés :

– en interne, par le développement de la polyvalence, l'accroissement de la mobilité


fonctionnelle et la prévention de l'exclusion ;
– en externe, en accompagnant le salarié dans l'acquisition de compétences reconnues,
valorisables sur le marché du travail.

En relation avec la théorie des ressources qui renouvelle l’analyse stratégique en


l’appuyant sur les compétences organisationnelles internes (voir B. Wernerfelt, 1984 ;
C. K. Pralahad et G. Hammel, 1990), quelques entreprises s’efforcent d’identifier les
salariés détenteurs des compétences stratégiques pour optimiser leur fonctionnement.
Mais, l’articulation entre compétences et stratégie reste malgré tout exceptionnelle
(G. Trépo et M. Ferrary, 1998).

Par ailleurs, des observateurs s'élèvent contre l'impérialisme de la notion de compétence


et la constitution d'ensembles professionnels artificiels qui en résultent (D. Courpasson
et Y. F. Livian, 1991). La «logique de compétence» bute sur une logique d'ordre social
et culturel qui fonde les décisions de gestion sur d'autres critères que celui de
compétence (J. Aubret, P. Gilbert, F. Pigeyre, 1993). Aussi, certains doutent que
l'introduction de la notion de compétence soit un outil efficace de gestion de gestion de
l'emploi. Les entreprises éprouvent des difficultés à définir les modalités concrètes de
reconnaissance des compétences et à articuler à travers cette notion l'ensemble des
processus de GRH (F. Pigeyre, 1994).

La gestion prévisionnelle des compétences chez Mitsubishi Electric France

Cette entreprise japonaise a créé en 1991 un site de production en Bretagne qui


regroupe 300 salariés dont 30 ingénieurs de recherche. Le Groupe a formulé certains
principes de management tels que «promouvoir le développement personnel de chaque
collaborateur et utiliser au mieux chaque compétence». Chez Mitsubishi Electric, on ne
parle pas de «GPE» mais de «GPC». Ce choix est réfléchi : la gestion prévisionnelle de
l’emploi est considérée comme une approche trop rigide. Régulièrement les
compétences de chaque collaborateur sont évaluées. L’accent est mis sur l’individu,
mais il n’existe aucun plan de carrière. L’entreprise communique sur le fait qu’elle
n’est pas en mesure de donner des prévisions fiables d’évolution de ses activités. Pour
pallier cette incertitude et les risques qui pourraient en résulter, on demande à chacun
de construire son projet professionnel. Le personnel est invité, et aidé, à «apprendre à
apprendre», dans ou hors de l’entreprise.

(Source : Defelix, Dubois et Retour, 1997)

II. — LES CONDITIONS D'EMERGENCE DES FORMES DE GPRH

Les conceptions de la GPRH ne valent pas uniquement pas leurs qualités intrinsèques.
Elles n'émergent que dans des lieux, à des moments et auprès des personnes qui sont
préparés à les recevoir. Derrière l'apparente diversité de ces conceptions, on relève des
«invariants», des facteurs de structuration communs et un même mode de constitution.

6 Pour une analyse de la notion d’employabilité, voir B. Gazier (1990).


9

1. Des facteurs de structuration communs

La structuration de la gestion prévisionnelle des ressources humaines et les différentes


formes qu'elle a prises au cours de sa jeune histoire ne sont pas dues au hasard. Quatre
éléments plus ou moins liés permettent de comprendre son évolution : la situation
dominante de l'emploi, les objectifs des entreprises confrontées à cette situation, la
théorie sous-jacente de l'organisation et les instruments caractéristiques qui découlent
des possibilités offertes par les techniques de gestion.

Tableau 1
Synthèse comparative des conceptions de la GPRH

CONCEPTIONS SITUATION OBJECTIFS THEORIE INSTRUMENTS


DE LA GPRH D'EMPLOI CENTRAUX SOUS- CARACTERIST
JACENTE IQUES
Gestion prévisionnelle des Plein emploi Ajustements Management Modèles de
effectifs quantitatifs scientifique simulation et
d'optimisation
Gestion prévisionnelle des Plein emploi Conjuguer Ecole des Plan individuel
carrières satisfaction au relations de carrière
travail et humaines
efficacité
Gestion prévisionnelle des Crise de Eviter les Entreprise Répertoire des
emplois l'emploi situations de citoyenne métiers, carte
crise des emplois
Gestion prévisionnelle des Crise de Développer Modèle de Référentiel de
compétences l'emploi l'employabilité production compétences
dans et hors de flexible
l'entreprise

Les modèles de gestion prévisionnelle des effectifs sont nés en période de croissance,
dans une situation d'emploi favorable où les évolutions de carrière s'effectuent au sein
des mêmes entreprises. Cette tendance se nourrit à la source du management
scientifique. Enfin, nous l'avons dit, elle a bénéficié de la recherche opérationnelle et de
l'informatique. Le problème central de gestion est de trouver, de choisir et de conserver
des gens.

Tout comme la conception précédente, la gestion prévisionnelle des carrières a son


origine dans la période de plein emploi. Elle correspond au besoin de fidélisation des
cadres diplômés recrutés par les entreprises. Elle s'efforce de conjuguer satisfaction au
travail et efficacité économique. Elle s'appuie sur les enseignements de l'école des
relations humaines.

La GPE est marquée par la crise de l'emploi, dont ses promoteurs voudraient atténuer
les effets et prévenir les nouvelles menaces. Plus précisément, son essor a accompagné
la transformation des structures d'emploi liée à l'accroissement de la pression de la
concurrence internationale et aux mutations technologiques. Elle relève d'une recherche
d'arbitrage entre l'économique et le social par des entreprises décrites comme
«citoyennes».

La gestion prévisionnelle des compétences prolonge la tendance précédente. Moins


formalisée que la gestion prévisionnelle de l'emploi, elle adapte davantage ses outils aux
objectifs poursuivis. L'ambition n'est plus de garantir le plein emploi mais de favoriser
l'employabilité des salariés dans des entreprises et un marché vus comme flexibles.
10

En analysant la succession des conceptions de la GPRH, L. Mallet (1994) note une


triple évolution :

– «Du technocratique vers le participatif». La GPRH impliquerait désormais des acteurs


plus nombreux.
– «De l'étude à la gestion». On serait passé de modèles mathématiques «au bricolage
empirique, souvent plus utile» et «des préoccupations abstraites aux questions de
gestion».
– «De l'outil technique au "levier de changement"». Aujourd'hui, on s'attacherait moins
aux qualités intrinsèques des instruments qu'à leur appropriation par l'utilisateur.

Les conceptions que nous venons d'exposer correspondent à des idéaux types. Le
mélange des genres est fréquent. En outre, comme toujours en gestion des ressources
humaines, les conceptions nouvelles n'ont pas donné lieu à l'éradication des
précédentes. Ce que l'on observe aujourd'hui est plutôt une sédimentation des
différentes conceptions. La dernière est plus prégnante que celles qui l'ont précédée,
mais n'annihile pas celles-ci.

2. La dynamique du renouvellement des formes de GPRH

La GPRH est née, et s'est renouvelée, dans un jeu d’alliances et de coopérations entre
différents partenaires, au sein d'un réseau social complexe :

— Des grandes entreprises utilisatrices de la GPRH dans les secteurs publics et privés,
— des sociétés de conseils spécialisées qui inspirent les précédentes,
— des associations professionnelles agissant comme catalyseurs et agents de liaison
entre praticiens, d'une part, et entre praticiens et consultants, d'autre part
— des organismes de formation dispensatrices des savoirs qui irriguent le réseau
— et, dans la conception GPE, des ministères assurant un financement de certains
acteurs du réseau et des organisations professionnelles suscitant des réalisations dans
les entreprises.

Ce réseau social est aussi un réseau cognitif dans lequel les différentes formes de
GPRH ont «émergé» en réponse aux besoins et aux sensibilités de l'époque.

Le scénario de constitution et de renouvellement des conceptions de la GPRH peut être


résumé de la façon suivante :

Dans un contexte socio-économique déterminé, une «technologie» nouvelle au sens


large (recherche opérationnelle, micro-informatique, ingénierie des ressources
humaines …), portée par des spécialistes (consultants, analystes de la technostructure)
rencontre une demande sociale, affichée par des responsables d'entreprises. Quelques
spécialistes et responsables d'entreprises échangent ensemble sur un «terrain neutre»,
par exemple dans le cadre d'une association professionnelle, pour trouver un ajustement
entre les possibilités de la technologie et les problèmes qui se posent dans les
entreprises. Après un début de formalisation, des interventions de conseil sont
conduites dans les entreprises, surtout les grandes, parce qu'elles disposent de moyens
de financement et qu'elles emploient elles-mêmes des spécialistes qui sont en mesure de
communiquer avec les consultants.
11

Les PME, dans lesquelles la prise en charge du caractère prévisionnel de la gestion du


personnel est souvent la prérogative du dirigeant et la domination du court terme est
plus forte, restent toujours un peu à l'écart du mouvement. En outre, une
instrumentation aussi formalisée que celle de GPRH n'est sans doute pas adaptée à la
nature de la prise de décision dans ces organisations (voir H. Mahé de Boilandelle,
1988).

Les débuts de réalisations donnent lieu à des témoignages qui font l'objet d'articles
publiés dans des revues spécialisées, revues techniques et revues professionnelles pour
les consultants, revues professionnelles, pour les praticiens. Une demande de GPRH se
fait jour et s'amplifie. Dans l'épisode de la GPE cette demande s'est trouvée amplifiée
par des enjeux de société dont les pouvoirs publics sont les porteurs. Des programmes
de formation se mettent en place pour diffuser le nouveau savoir auprès des praticiens.
Les nécessités de la pédagogie et la recherche de notoriété conduisent à la publication
d'ouvrages. La tendance nouvelle s'affirme en se démarquant des précédentes vis à vis
desquelles elle développe une critique pour s'affirmer et justifier la spécificité de son
discours.

Passés les premiers temps, les expériences des entreprises sont analysées par les
chercheurs et commentées de façon plus nourrie par l'ensemble des observateurs
(organismes patronaux, syndicats, journalistes …). La situation d'emploi évolue et le
scepticisme à l'égard du courant de la GPRH qui prévaut se développe. Dès lors, les
éléments sont en place pour l'avènement d'une nouvelle conception.

3. Les invariants de la GPRH

a) Un vecteur de modernité gestionnaire et d'influence

Les différentes vagues de GPRH ont été porteuses de nouveaux instruments et de


nouvelles pratiques. La fin d'une époque ne marque pas le reflux total de ses
instruments et de ses pratiques, mais plutôt leur relative banalisation et leur inscription
dans la «GRH courante». Une bonne part des instruments de gestion prévisionnelle des
carrières a été retenue par les gestionnaires des cadres des grandes organisations. De
même, malgré les limites du schéma de base de la GPE, L. Cadin, F. Guérin et
F. Pigeyre (1997) relèvent aussi certains apports notamment dans sa contribution à la
cohérence entre les différentes politiques de GRH.

L'usage répété de l'appellation «gestion prévisionnelle» pour désigner, à différentes


époques, des objets apparemment nouveaux et aux contours flous donne à penser que
cette expression désigne des terrains plus ou moins vierges, des territoires à conquérir.
Il s'agit là d'une représentation qui place le régisseur de ces territoires en position
d'avant-garde ... La GPRH contribue à asseoir la légitimité des directions de ressources
humaines, en particulier parce qu'elle fournit des arguments permettant un discours
stratégique (L. Cadin et al., op. cit.).

b) Un révélateur de la tension rationalité/humanité

Les tensions fortes qui traversent la GRH (P. Louart, 1993) s'expriment tout
particulièrement à travers sa gestion prévisionnelle par le fait même qu'elle représente
un potentiel de renouvellement de ses démarches et de ses instruments.
12

A des doses et selon des modalités diverses, la GPRH en appelle toujours à la


rationalité. Elle a constamment à s'affirmer face à la subjectivité des acteurs.
J. Fombonne, dans sa préface à l'ouvrage de R. Benayoun et C. Boulier (1972) indique :
«Il faut je crois, se tenir éloigné aussi bien d'un excessif enthousiasme technique voire
technocratique que d'un refus sentimental à prétexte humaniste ». Dans le même ordre
d’idées, quelques années plus tard, commentant la diffusion de la gestion prévisionnelle
dans l'entreprise, J. Laufer, G. Amado et G. Trepo (1978) évoquent les deux risques
qu'encourt, selon eux, la gestion des ressources humaines :
«— Le risque «quantitatif» : C'est le risque par les modèles mathématiques, statistiques,
économétriques, susceptibles de "déshumaniser" l'homme pour en faire un objet d'étude
semblable à toute autre chose, réductible à des chiffres ou des codes (…).
— Le risque «qualitatif» : c'est celui des subjectivistes endurcis, des poètes ou des
mystiques qui refusent l'analyse scientifique dès qu'on parle des hommes comme si une
telle analyse ne pouvait qu'être impossible ou dangereuse pour eux» (p. 153).

A la suite des espoirs déçus de la gestion prévisionnelle des emplois, les croyances
rationnelles de la GPRH, et plus généralement des techniques de GRH, ont été depuis
lors relativisées (voir notamment C. Piganiol-Jacquet, 1994). Cependant, la tension
rationalité/humanité est inhérente au projet même de gestion prévisionnelle des
ressources humaines, projet soumis au modèle instrumental de GRH (voir J. Brabet et
al., 1993). Aussi, la GPRH est périodiquement remise en cause, mais toujours
reconstruite.

CONCLUSION

En réfléchissant au mécanisme de production/renouvellement des formes de GPRH,


c’est une compréhension nouvelle de l’instrumentation qui s’offre peut-être à nous. On
comprend mieux les apparentes «pertes de mémoire» dont semblent souffrir les
gestionnaires, oublieux des périodes précédentes et de leurs enseignements. Si l’histoire
éclaire le présent, elle ne peut en rien être opposée à ceux qui ont la charge de le
construire. Les instruments de gestion sont contingents. Ils naissent et meurent dans des
environnements particuliers, pour des raisons qui tiennent beaucoup aux acteurs
présents et à leurs enjeux et assez peu aux enseignements tirés des périodes passées.

A l’issue de cette étude, il serait excitant de s’essayer à «prédire l’avenir» de la GPRH.


Mais, comme nous venons de l’indiquer, avancer un avis argumenté sur l'avenir de la
prévision est complètement hors de notre portée. Il nous est toutefois possible
d'anticiper les risques que ferait peser un abandon de tout effort de prévision dans le
domaine de la GRH. La réduction des fonctions régaliennes des DRH et la
décentralisation des décisions posent des problèmes de cohérence des fonctionnements
socio-économiques de l'entreprise, ceux-là mêmes que la GPRH s'efforce de construire.
Dans un contexte où la préoccupation de réduction des coûts domine toutes les autres,
la fonction ressources humaines se doit de démontrer sa capacité à concevoir, à
conduire et à contrôler des processus de décision. C'est-à-dire, à gérer. Certes, il
pourrait être tentant de réduire la gestion du personnel à une gestion des personnes,
pour cause de pragmatisme. Ce serait oublier qu'une gestion individuelle n'est
réellement possible que quand les grands équilibres quantitatifs et qualitatifs sont
respectés.
13

S'il est vrai que gérer, c'est notamment prévoir, renoncer à la gestion prévisionnelle des
ressources humaines, ce serait en fait renoncer à leur gestion. A l'inverse, s'interroger
sur le développement d'une gestion prévisionnelle, c'est s'interroger sur l'amélioration
de la gestion. Faute de parvenir à deviner le futur, le gestionnaire doit redoubler d'effort
pour aider à construire l'avenir.

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