Le management agricole
Un secteur inégal
Depuis son lancement, durant la période de la colonisation,
l’agriculture moderne a connu, au Maroc, des tournants significatifs
qui ont façonné son développement. La situation actuelle de
l’agriculture n’est que le fruit des succès et échecs des diverses étapes
par lesquelles elle est passée. Retour en arrière…
Dossier réalisé par Fady Sediki
A
u Maroc, toutes les condi- marocaine. Ce sont ces aspects managé- développement d’un secteur agricole or-
tions sont réunies pour riaux que nous nous proposons d’analyser ganisé. C’est dans ce cadre que la France
mener une activité agricole dans ce dossier. Un travail qui a rarement s’est appropriée de larges superficies agri-
réussie et ce, dans l’ensem- été réalisé, aussi bien dans la presse que coles et les a distribuées à des colons, afin
ble des régions. Terrains, ressources en dans la recherche scientifique en agricul- d’y développer des plates formes de pro-
eau et climat sont largement propices ture. Il suffit de «taper» management et duction plus ou moins modernes. A cette
au développement d’un secteur agricole agriculture sur le moteur de recherche époque, les grandes zones de production
prospère. Il suffit juste d’adapter le type Google pour se rendre compte qu’il n’est agricole et les premiers systèmes d’irriga-
et le mode de production au contexte pas aisé de trouver de la documentation. tion modernes voient le jour. C’est le cas,
naturel et économique de chaque région En l’absence de ce background documen- par exemple, de Tadla, El Gharb et Mou-
ou localité. Dans certaines régions, no- taire étoffé, nous avons eu recours à cinq loya. Ou encore à Afourar, près du barrage
tamment celles qui sont irriguées, c’est consultants, dont trois de renommée Bin el Ouidane, dont les canaux d’irriga-
une réalité. Mais, dans beaucoup d’autres, mondiale, pour analyser les divers aspects tion datant de l’époque coloniale, conti-
le déficit est flagrant. Cela explique le stratégiques et managériaux. nuent à fonctionner, à ce jour. D’ailleurs,
fait que nous soyons, d’un côté, un pays les français sont à l’origine du dévelop-
exportateur de produits agricoles tels Colonisation,début pement de variétés agricoles nouvelles,
que les agrumes et les primeurs issus de d’unegestionagricole à l’époque, tels que les agrumes à Tadla
régions spécifiques et de l’autre côté, un moderne et Moulouya, les rosacées dans le Moyen
grand importateur de céréales et de bien Les débuts des premiers principes de Atlas et les betteraves sucrières dans le
d’autres aliments, indispensables pour la management dans le secteur agricole re- Gharb. Néanmoins, les filières dont dé-
sécurité alimentaire des citoyens. montent à l’époque coloniale. C’est durant pendait la survie de populations locales,
Qu’est-ce qui explique un tel déséquilibre cette période que sont nées les premières telles que la céréaliculture et l’oléiculture,
entre des espaces agricoles modernes et exploitations agricoles organisées, avec sont en majeure partie régies par les mo-
d’autres qui n’arrivent pas à se structurer, l’introduction des techniques de mécani- des de production vivrières ancestrales.
malgré de multiples années de réformes? sation et d’amélioration des rendements Des modes qui, malheureusement, de-
Plus que les ressources naturelles, ce sont (engrais, insecticides…). Etant un pays meurent d’actualité, cinquante ans après
surtout les problèmes de gestion et d’or- de grande tradition agricole, la France l’indépendance.
ganisation de la production, ainsi que la a voulu profiter au maximum de sa pré- La naissance des exploitations agricoles
commercialisation et le financement, qui sence en Afrique du Nord pour bénéficier modernes avec une production organisée
empêchent un réel envol de l’agriculture au maximum des conditions, propices au et des principes basiques de gestion, est
Marocanisationde
lagestionagricole
A l’aube de l’indépendance, les choses sont
plus ou moins restées stables, jusqu’à la pu-
blication, durant les années 60, de la loi sur la
nationalisation des terrains. «Une loi qui a eu
sur l’agriculture le même effet qu’a eu celle de
la marocanisation des activités industrielles et
des services», note Nourreddine El Aoufi, pro-
fesseur d’économie à l’Université Mohamed
V-Rabat-Agdal. En effet, la reprise des terrains
agricoles des mains des colons a, d’une part,
donné naissance aux entreprises nationales
de référence dans le domaine agricole. C’est
le cas des Domaines, Delassus et autres struc-
tures familiales tels que les Domaines Zniber
ou Tazi. En reprenant les terres des colons,
ces derniers ont réussi à capitaliser sur les
principes de gestion agricole moderne intro-
duite par ces derniers, pour bâtir des grou-
pes agricoles structurés. Ce sont ces groupes
qui assurent aujourd’hui le rayonnement de actuellement sous le nom de Crédit Agricole gestion étatique, à travers Sogea et Sogeta.
l’agriculture marocaine, à l’échelle mondiale. du Maroc. Outre le transfert des terres des Une autre expérience managériale qui s’est
D’autre part, certains cas de transfert ont colons, les décennies 60 et 70 ont connu la également soldée par un échec. S’il y a une
entraîné «un aplatissement du management naissance du système coopératif dans sa ver- région agricole qui s’est fortement dévelop-
agricole», notamment dans les terrains qui sion moderne. «Cela se traduit par la création pée depuis les années 70, tant au niveau de
ont été effrités pour être distribués aux petits de trois types de coopératives: les coopératives la production que des méthodes de gestion,
agriculteurs. Le cas le plus saillant est celui dédiées aux activités de production laitière, les c’est bien celle du Souss. Grâce à cet essor,
de la plaine d’El Haouz, près de Marrakech: coopératives de production agricole et les coo- cette région alimente, aujourd’hui, le marché
le grand morcellement des exploitations a pératives qui gèrent les silos de stockage des local et de l’export en primeurs et agrumes.
conduit à une baisse sensible de leurs perfor- céréales», explique Mohamed Bajeddi, expert Durant toutes ces décennies, l’agriculture
mances. agricole international. Hormis quelques ra- traditionnelle est restée le parent pauvre du
Le début des années 60 a également connu res modèles de réussite, ces expériences ont secteur. Les modes de gestion y sont toujours
la mise en place de l’unique modèle de finan- connu un échec cuisant. Les deux décennies aussi archaïques. D’ailleurs, peu d’efforts si-
cement exclusivement destiné à l’agriculture: précitées ont également connu le passage gnificatifs ont été fournis pour améliorer la
la Caisse Nationale du Crédit Agricole, connu de grandes superficies dans le giron de la situation de ces exploitations.
Plan vert
La révolution verte,
quels espoirs ?
Le plan vert, stratégie de développement du secteur agricole lancée en
2007, a introduit une dynamique de changements et ce, à plusieurs niveaux.
Investissements, financements, économie solidaire, agrégation… des aspects qui
connaissent un changement radical, suite à la réforme Plan Maroc Vert.
L
’année 2007 constitue un tournant pour les secteurs de l’agri-
culture et de la pêche au Maroc. Après des décennies de
«hauts et de bas» s’accompagnant de politique de réformes plus
ou moins réussies, le pays se dote enfin d’un plan stratégique
pour le développement de l’agriculture et de la pêche. Au-delà des ob-
jectifs de développement du secteur et des investissements prévus dans
le cadre du Plan Vert, connus de tous, nous nous intéressons à la nou-
velle dynamique managériale introduite par ce plan.
Il y a tout d’abord l’intérêt qu’a généré le lancement du Plan Vert pour
l’investissement, dans le domaine de l’agriculture. En effet, les longues
années de sécheresse et l’instabilité du rendement dans le secteur ont fait
que le Plan Vert n’a pas été aussi attractif, notamment pour les grandes
fortunes commerciales des villes. «Actuellement, on voit de plus en plus de
gens fortunés s’intéresser à l’investissement dans le domaine. Même s’ils ne
sont pas experts, ils veulent absolument profiter de cette dynamique», pré-
Management
L
a grande problématique de l’agri- tes superficies, majoritairement dédiées à la et sa famille vivent du travail familial forcé.
culture au Maroc est celle du foncier. culture vivrière. Les experts de l’économie Il exercent, en plus de leur métier de base, des
Le morcellement des terrains est le agricole au Maroc distinguent trois types activités annexes tels que commerçant de souk
principal frein au développement d’exploitation agricole. Primo, les micro- ou ouvriers du bâtiment», explique Bajeddi.
d’exploitations modernes», lance d’emblée exploitations, dont la surface ne dépasse par La notion d’exploitation agricole employant
Mohamed Bajeddi, expert agricole, direc- un hectare. La part de celles-ci représente des ouvriers et nécessitant une organisation
teur du cabinet de conseil agricole Bajic. En 8% du total des surfaces. Avec une superfi- de la production ne s’applique pas aux mi-
effet, il est difficile de mettre en place des cie aussi petite, la seule exploitation possible cro-exploitations. «Ces exploitants sont plus
stratégies de développement pour des peti- est l’agriculture traditionnelle. «L’agriculteur des ruraux que des agriculteurs», précise Ali
Petites et Moyennes Nombre: 750.000 n Gestion par unité de production (gestion fami- n Appui par le financement SFDA
Exploitations Agricoles 70% de la SAU liale) (Crédit Agricole)
(PMEA) n Revenu agricole insuffisant n Accompagnement pour une meilleure
n Revenu supplément par les activités pastorales professionnalisation et agrégation
n Main d’œuvre familiale à moyen potentiel n Promotion à l’organisation profession-
n Accès timide à l’économie marchande et aux nelle
technologies n Accompagnement à l’accès au marché
et aux technologies marchandes
Grandes Exploitations Nombre: 150.000 n Existence d’une stratégie d’entreprise n Meilleure structuration des filières
Agricole (GEA) 22% de la SAU n Travail structuré n Diversification de l’avantage compétitif
n GEA Bancables et immatriculables (maîtrise de qualité)
n Main d’œuvre qualifiée n Meilleure pénétration des marchés
n Accès à l’économie marchande et aux technologies (national et international)
Commerce intérieur
Les intermédiaires
s’accaparent la valeur ajoutée !
Quel est le cheminement que suivent les viandes et les fruits & légumes,
des exploitations agricoles à nos assiettes? Une longue chaîne logistique
et commerciale, qui demeure faiblement organisée et dans laquelle les
intermédiaires concentrent l’essentiel de la valeur ajoutée, aux dépens des
agriculteurs et des consommateurs.
L
es intermédiaires… Ce sont réso- tion d’abattage est vital. Mais, lorsque ce lui permettent d’acheminer la marchandise
lument la bête noire de la filière contrôle n’arrange pas les professionnels, ils vers un deuxième maillon: les propriétaires
du commerce intérieur, aussi bien n’hésitent pas à le détourner. Conséquence: des moyens de stockage. Ce sont, en effet,
des viandes que des fruits & légu- dans des villes comme Casablanca, l’abat- ceux qui développent et gèrent les frigos,
mes, à l’échelle nationale. A cause de la lon- tage clandestin bat son plein. A tel point que entrepôts, silos et autres petites et moyennes
gue chaîne de commercialisation de ces deux ce mode de production alimente des quar- infrastructures, aux fins de conserver l’ali-
catégories de produits, le producteur n’arrive tiers entiers, aux dépens du risque de santé ment. Car, il ne faut pas oublier que la gran-
pas à dégager une rentabilité suffisante de publique. de particularité du commerce de fruits &
son cycle de production et le consommateur légumes s’opère sur des produits hautement
ne peut accéder aux fruits, légumes et vian- Fruitsetlégumes, périssables. Celui qui contrôle les moyens de
des, qui constituent l’essentiel de sa nourri- uneforte intermédiation conservation des aliments détient un énor-
ture de base, à des prix proches de la réalité. Dans la filière fruits & légumes, les maillons me pouvoir, qui n’est égalé que par celui des
Résultats: les deux principaux maillons de la de la chaîne de commercialisation sont plus mandataires du marché de gros. Le pouvoir
chaîne, producteur et consommateur, sont ou moins maîtrisés. Mais, cela ne veut pas de ces derniers provient d’un statut attribué
profondément lésés. Les intermédiaires dire qu’ils sont organisés. En effet, tomates, par les pouvoirs publics, pour organiser le
empochent l’essentiel de la valeur ajoutée oranges, courgettes et autres produits de secteur. Finalement, ce statut leur offre une
du secteur. Concernant la ce segment sont rachetés situation de rentier, car ce sont des intermé-
chaîne de commercialisa- auprès de producteurs diaires forcés, contrôlant toutes les transac-
tion des viandes, c’est en La fin de par un premier intermé- tions via les marchés de gros, passage forcé
amont que le désordre est l’intermedia- diaire, communément pour le commerce de ces aliments. Aussi, ils
le plus notable. Le bétail
se négocie dans les souks
tion du marché appelé «Guerraj». Difficile
de trouver une traduction
ne fournissent pas d’efforts pour aller à la re-
cherche de clients ou pour mobiliser la mar-
urbains et ruraux hebdo- de gros ne fait- française précise. Cela veut chandise. Les mandataires achètent chez
madaires, «sans aucune règle elle pas partie plus ou moins dire «rassem- les «stockistes» et revendent aux grossistes.
commerciale claire ni contrô- de la réforme bleur». Le mot est tiré du C’est là où démarre la chaîne du commerce
le des prix et des marges», terme «Guerja», signifiant de détail. Elle commence chez le grossiste
note Mohamed Bajeddi,
du commerce «achat de grande taille». En et se termine dans une boutique de fruits
expert agricole auprès de intérieur des effet, la particularité de & légumes ou dans la «karouila», marchand
l’USAID. Les grossistes- aliments frais ? ce métier provient du fait ambulant, en passant par le semi-grossiste.
bouchers qui emportent que le Guerraj se spécia- Un simple calcul montre qu’il ne faut pas
leurs matières premières aux abattoirs muni- lise dans un nombre restreint de produits, moins de sept intermédiaires, avant que les
cipaux, constituent le premier maillon, plus qu’il rachète auprès de plusieurs petits et fruits & légumes n’atterrissent dans l’assiette
ou moins organisé, de la chaîne de commer- moyens agriculteurs. La force principale de de la ménagère. Une telle chaîne ne peut être
cialisation. Hygiène et santé publique oblige, ce premier maillon réside dans le fait que le que défavorable pour le consommateur et le
le contrôle sanitaire et vétérinaire de l’opéra- Guerraj détient les moyens de transport, qui producteur. Qu’est-ce qui fait donc la force
Export
Quelle stratégie pour assurer
le succès à l’international?
A l’instar des produits et services, les fruits & légumes nécessitent
une démarche commerciale et marketing solide, pour assurer une
rentabilité satisfaisante à l’export. Maîtriser la chaîne logistique à
l’international constitue également un élément crucial.
L
es filières à l’export sont celles où les conquérir des marchés à l’international et non et même celui des fruits exotiques. Bref, en
systèmes de gestion et de manage- seulement miser sur le facteur prix», nous ex- dépit de toutes les critiques, il est mondia-
ment sont appliquées. C’est en cela plique un responsable de Morocco Fruit lement reconnu que le Maroc est l’un des
que l’on peut parler d’entreprises Board, société spécialisée dans l’exportation exportateurs traditionnels mondiaux de
agricoles», lance d’emblée Mohamed Bajed- des agrumes, principalement produits par produits agricoles et notamment de fruits &
di, expert agricole international. En effet, les les Domaines et autres producteurs de re- légumes.
critiques peuvent être légion, vu la situation nom. Pour les agrumes, les tomates et les
de l’agriculture au Maroc. Mais le Royaume primeurs, le marché se limite à l’Europe de LabelMaroc,
est reconnu comme une référence mondiale l’Ouest. Pour rappel, la période durant la- legoûtauthentique
au niveau des exportations agricoles. En tête, quelle les producteurs marocains sont da- Comment s’effectue l’exportation des pro-
les agrumes et, plus particulièrement, les clé- vantage autorisés à acheminer leurs produits duits agricoles? L’on distingue deux modes
mentines, dont le Maroc produit les meilleu- vers l’Europe est celle de la contre-saison, de commercialisation. D’une part, la métho-
res variétés au monde, telles qu’Afourer ou qui coïncide avec la période d’hiver glacial de des contrats fermes, qui consiste, au préa-
Nour. «D’ailleurs, c’est au niveau que connaît le vieux continent. En lable, en un arrangement entre acheteurs et
de ces produits que l’on sus de ces filières tradition- vendeurs à l’international, en fonction d’un
peut jouer sur l’ima- nelles, le Maroc se incoterm adapté à leur deal: transport à la
ge de marque et positionne de plus charge de l’acheteur ou du vendeur, détermi-
le goût savou- en plus sur le nation de la responsabilité des deux parties,
reux pour segment des avoirs exigés… Les conditions du deal sont
pouvoir fraises, des appliquées et le règlement se fait en fonction
melons d’un délai et d’un mode pré-défini. Ce mode
d’exportation est principalement pratiqué
avec les importateurs de Russie et d’Europe
de l’Est, qui se positionnent notamment sur
les agrumes. Néanmoins, bon nombre d’ex-
portateurs se plaignent d’un recouvrement
difficile auprès de cette clientèle. De plus,
l’exportation se fait selon le mode des com-
missions. Le négociant marocain livre sa
marchandise non pas à son client direct mais
à un commissionnaire. Ce dernier se charge
de la commercialiser, au gré de l’évolution des
prix sur les grandes plates-formes de com-
mercialisation, notamment en Europe de
l’Ouest (Perpignan, Valence, Almeria…), en
contrepartie d’une rémunération pré-défi-
nie. Le problème se pose lorsque la tendance
des prix est à la baisse. L’exportateur maro-
cain est obligé de subir les décisions du com-
Finances
Ressources humaines
L’expertise
des «petites mains»
Dire que les emplois agricoles ne nécessitent pas une expertise
particulière serait sous-estimer le travail qu’accomplissent, chaque jour,
des milliers de petites mains dans les fermes et dans les champs. Dans
un secteur faiblement encadré et peu structuré, ce sont les petits emplois
qui font la différence, en termes de rentabilité.
L
a maximisation du bénéfice dans
l’agriculture est étroitement liée à la
sur-exploitation du facteur humain.
Ce n’est pas unique au Maroc. Cela
concerne l’ensemble des pays, où le secteur agri-
cole fournit une partie significative de la valeur
ajoutée et de l’emploi», explique d’emblée Mo-
hamed Bajeddi, expert agricole internatio-
nal. Les conditions précaires auxquelles sont
liées la majorité des emplois dans l’agricultu-
re sont, si l’on se tient à cette déclaration, une
règle générale à l’échelle mondiale. Serait-ce
lié à la nature de l’activité ou à la nature des
tâches qui, pour l’observateur externe, sem-
blent basiques? Pour Ali Ellissigui, fonda-
teur et gérant du cabinet Fellah Conseil, il
faut en finir avec ce complexe d’infériorité,
que l’on développe vis-à-vis des métiers de
base de l’agriculture. «Cueillir des oranges ou
des fraises semble être une tâche basique. Mais,
sans une expertise particulière, cas notamment
des femmes, il est impossible de le faire comme
l’exigent les règles des produits à l’export». Et
d’ajouter: «les femmes marocaines seraient-
elles autant demandées en Espagne pour la
cueillette des fraises si elles n’avaient, en sus de
leur salaire abordable, une expertise particu-
lière qui maximise la rentabilité des exploita-
tions où elles travaillent?», explique Ellissigui.
Il n’y a qu’à voir ces dames dans les chaînes
de tri des olives, des agrumes et autres fruits.
Debout durant plus de 8 heures par jour, el-
les doivent identifier à la vue et en un temps
record (quelques secondes) les fruits qui cor-
Investissement
Entreprises agricoles
Les modèles de succès
Certes, les entreprises agricoles sont taxées d’une faible structuration et d’une
absence de vision claire à l’export. Cependant, le secteur est riche en modèles
à succès, qui peuvent servir d’exemple. Il ne s’agit pas uniquement de grandes
entreprises, mais également de PME et de structures d’économie solidaire.
chacune d’elles. Outre les terrains agricoles, chaîne de production. Outre les terrains agri-
Grandes entreprises il existe certains domaines particuliers, telles coles dont elle dispose, elle gère également
que l’unité de conditionnement des agrumes sept stations de conditionnement, dont qua-
LesDomaines, à Casablanca et l’unité de production de tre à Casablanca, deux à Marrakech et une
uneréférencemondiale produits de beauté à base d’élément naturels, à Agadir. Elle dispose de moyens logistiques
Ce n’est un secret pour personne. La famille commercialisés sous la marque Tiyya. Qu’en permettant de faire parvenir les produits de
Royale est l’un des plus importants est-il de la commercialisation, notamment à ses terriens agricoles vers les zones de condi-
investisseurs du secteur l’export ? Ce volet est géré par Geda filiale, tionnement. La production de la société,
agricole au Maroc. qui qui représente d’ailleurs «Les Domai- tous produits confondus, se chiffre à environ
Les domaines, qui nes» dans les foires agricoles internationales. 90.000 tonnes. Les agrumes concentrent la
lui appartiennent, En outre, «Les Domaines» sont actionnaires part la plus importante (60.000 tonnes). Les
figurent parmi les dans la société Morocco Fruit Board, spécia- performances de Delassus proviennent éga-
plus structurés à lisée dans l’exportation des produits agrico- lement d’une politique de marque réussie.
l’échelle nationale. les. A noter enfin que «Les Domaines» vient En effet, la société a réussi à développer trois
L’ensemble de ces ex- de créer un label dédié aux produits bio, «Les marques « ombrelle » qui portent l’ensemble
ploitations est regroupé sous l’enseigne «Les Domaines Bio». de ses produits: agrumes, tomates, pommes
Domaines», référence nationale et inter- de terre. Ses marques portent des noms tels
nationale dans la production et l’exporta- Delassus,uneentreprise que Leila, DFM, Casablanca. A ceux-là,
tion de produits agricoles, toutes catégories trèsperformante s’ajoute la marque Calibra pour les tomates
confondues. En effet, les exploitations gé- La fillette portant un plat d’agrumes sur la cerise et Prim Roses pour les roses coupées.
rées par «Les Domaines» produisent tous tête est une enseigne L’intégration de la chaîne de production et
genres de produits agricoles. Des agrumes que de milliers de de commercialisation de Delassus s’étend à
au maraîchage, des rosacées aux primeurs, consommateurs, au l’export. En effet, Delasssus est actionnaire
sans oublier l’élevage bovin, ovin et caprin et Maroc et à travers le conjoint de « Les Domaines » dans la so-
même la pisciculture. monde, connaissent ciété Morocco Fruit Board, spécialisée dans
La marque est mondialement reconnue, no- et apprécient. Il est l’export des produits agricoles.
tamment pour la variété de ses clémentines, l’emblème de Delassus,
Afourer et Nour. Les exploitations jouissent l’une des sociétés les plus MoroccoFruitBoard,
toutes d’une gestion de production auto- structurées, face aux «Les Domaines», dans leaderdel’export
nome. Parmi les plus importants domaines, le secteur agricole marocain. Le nom Delas- Bien qu’elle ne gère pas en direct les exploi-
il y a celui de Douiyet dans la région de Fès, sus est celui d’agriculteurs français, auprès tations agricoles, Morocco Fruit Board
le domaine du Lac près de Rabat ou encore, desquels la famille Bennani Smirès a racheté (MFB) est la plus grande
le domaine de Dakhla, dont une partie est ses premiers terrains. La société produit des structure spécialisée
dédiée à la production bio. «Les Domaines», agrumes, des primeurs (tomates et pommes dans l’export de fruits
société gestionnaire, est mandatée par les de terre), des rosacées (pêche et nectarines) et légumes à l’échelle
propriétaires pour gérer ces exploitations. La et des roses. Les exploitations sont réparties nationale. C’est une
société assure, en effet, les fonctions support sur plusieurs zones agraires du Maroc, dont filiale commune de
pour l’ensemble des exploitations (finances, notamment Marrakech, Beni Mellal, Sidi plusieurs grands expor-
marketing, informatique…) qu’elle supervise Slimane et Agadir. La performance de De- tateurs de produits agrico-
et assure un contrôle régulier des comptes de lassus s’explique par sa maîtrise de toute la les. Son tour de table est composé de grandes