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ISBN : 2-914133-00-6
22€uros
Illustration de couverture :
Jacques Courtens
(Bruxelles 1926 - Grasse 1988)
“Intemporel” 1982 - Huile sur toile
ISBN : 2-914133-00-6
Décembre 1999
“Le pédagogue doit partager intimement la vie de ses élèves,
pénétrer leur personnalité, leur psychologie, et se développer
avec eux.”
Yuri Yankelevitch
Remerciements à Madame Elena Yankelevitch
sans qui ce livre n’existerait pas.
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PRÉFACE
Alexandre Brussilovsky
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Il me semble que cette particularité réside en premier lieu dans une
approche éminemment scientifique. En effet, Yankelevitch a étudié très
précisément la nature de la production du son au violon à travers ses
aspects ses différents paramètres physiques: c’est ainsi qu’il a étudié dans
les moindres détails les rapports entre le poids et la vitesse de l’archet,
l’angle d’attaque par rapport à la corde et l’endroit sur la corde. Il savait
expliquer tout ce savoir à ses étudiants, leur fournissant ainsi toute une
palette de sons et coups d’archet: mais par dessus tout, il arrivait toujours
à faire chanter le violon, à produire une “cantilène” (chant) même dans les
passages les plus virtuoses.
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en une seule phrase la spécificité de l’École de Yankelevitch, la spécificité
de l’École russe de cordes en général, je dirais que son secret réside dans un
mélange d’intuition, de recherche artistique permanente et de méthode
scientifiquement élaborée de la maîtrise des cordes, mise au service de
l’expression artistique.
***
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Vladimir Grigoriev
LA MÉTHODE DE YANKELEVITCH
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L’assimilation des cours de Yankelevitch était facilitée par leur forme
extrêmement logique, rigoureuse et précise. Les questions complexes y
étaient subdivisées en paragraphes, et les déclarations argumentées et
laconiques. On sentait que Yankelevitch s’était posé des questions
semblables au cours de son travail et qu’il recherchait inlassablement les
réponses.
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concertiste. À chaque stade ses problèmes, mais dans l’ensemble, toutes les
questions étaient abordées au cours des études du jeune musicien, ce qui
permettait à Yankelevitch de “construire avec plus d’efficacité l’édifice de la
maîtrise instrumentale” de chaque élève et de le conduire au sommet de l’art.
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particularités et de ses capacités, et la recherche d’une juste approche qui
favorise l’apprentissage; 2) le choix du répertoire technique et artistique
individuel, et l’évaluation de la progression de l’élève; 3) le fondement
psychophysiologique de la technique rationnelle du violon, et les systèmes
qui permettent de parvenir à la maîtrise de l’instrument, au
professionnalisme; 4) les indications méthodologiques concrètes
concernant les problèmes particuliers que posent l’apprentissage de
certains moyens d’expression, les coups d’archet, l’organisation des cours,
etc; 5) les problèmes liés à la scène, la méthode de préparation au jeu sur
scène et l’orientation de tout le processus pédagogique vers ce but.
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respectant ces règles générales. Le rôle du pédagogue consiste alors à aider
l’élève, avec tact et intelligence, à mettre en forme son propre placement,
même s’il ne correspond pas toujours aux normes idéales. Le critère
principal est ici l’aisance des mouvements, et non pas une norme formelle
qui reste une abstraction”. Yankelevitch aimait citer Yampolsky:
“Malheureusement, le grand défaut de beaucoup d’enseignants est de ne
pas savoir écouter le violoniste, ils observent simplement ses mouvements
pour savoir s’ils sont “corrects”. Alors que le résultat des mouvements, l’idée
que le violoniste veut exprimer, leur échappe totalement.’’
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autre chose.” Cependant, disait-il, savoir travailler ne consiste pas
seulement à se montrer persévérant dans l’effort. Cela consiste avant tout à
réfléchir avec ou sans instrument dans les mains. Les mains peuvent
travailler davantage que le cerveau, largement au-delà de la durée
maximale de concentration. Mais est-ce vraiment nécessaire? “On ne
devrait jamais fatiguer les mains. La fatigue est un signe d’une mauvaise
méthode de travail. Plus les mouvements sont naturels, moins on se fatigue.
Mais le plus important, c’est la concentration, le contrôle des mouvements.
Ce ne sont pas les mains que l’on doit forcer mais la concentration.
Toutefois, même si les bras sont parfaitement détendus, on peut ressentir
de la fatigue lorsque le travail est prolongé. Pour l’éviter, il faut alterner
correctement le travail et les moments de détente.”
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l’interprétation scientifique du processus du jeu et de l’apprentissage du
violon. Mais tout comme la pédagogie, elle ne doit pas être un schéma
abstrait mais un processus créatif. La psychologie et l’intuition y jouent le
rôle principal. Le pédagogue doit savoir davantage que le meilleur
violoniste: il doit connaître l’instrument, la psychologie de l’élève, les lois de
la scène et du jeu en public, et bien d’autres choses. Transmettre ses
connaissances n’est pas chose facile, c’est un art particulier. Abram
Yampolsky fut un grand pédagogue non seulement parce qu’il connaissait
la technique de l’interprétation, mais aussi parce qu’il avait un “sixième
sens” pédagogique : il parlait très peu en cours, mais chacun comprenait
tout ce qu’il voulait dire. Il connaissait à la perfection la psychologie de
l’élève. Il disait, par exemple, qu’il fallait céder à un élève “rebelle” mais que
celui-ci devait changer de voie imperceptiblement pour lui-même quelques
mois plus tard. C’est réellement la plus haute expression de l’art
pédagogique.
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développer en premier lieu les facettes les plus brillantes et les plus
originales de la personnalité, tout en corrigeant les côtés faibles.”
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partant de ce point de vue, Yankelevitch s’efforçait de -stimuler l’intérêt de
ses élèves pour les problèmes qu’il estimait primordiaux, en argumentant
toutes ses remarques, en faisant découvrir la portée technique et artistique
de chaque procédé, chaque méthode, chaque conseil.
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milliers de gradations, de délicats changements d’un état à un autre. Là, les
remarques et les explications justes de l’enseignant peuvent aider l’initiative
artistique de l’élève à émerger, car ces processus sont intimement liés.
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par Flesch, entre les enseignants du primaire et les enseignants du
secondaire et du supérieur. Il estimait que les enseignants du supérieur
étaient parfois trop détachés du “contexte de la consolidation des acquis, de
la “cuisine” réelle de la formation du jeune talent, tandis que les
enseignants du primaire, et même parfois de l’École Centrale de Musique,
ne voyaient pas les perspectives de leur travail. Comment alors être sûr que
la technique qu’ils enseignent sera véritablement efficace? Cette distinction
porte préjudice aux premiers et aux seconds.”
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mais il se fit longtemps attendre. Lorsqu’on alla le chercher dans sa loge, on
entendit ce merveilleux violoniste travailler le Prélude de Bach qu’il venait juste
d’interpréter brillamment. En voyant les visages étonnés de ses invités, il dit
tout embarrassé : “Je l’ai si mal joué que je dois le retravailler sur le champ!”
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2. Le placement
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Yankelevitch avait très bien vu également que les éléments du
placement dépendent directement des orientations esthétiques et des
exigences d’une époque envers la sonorité et les moyens d’expression, et
qu’ils dépendent aussi des préférences stylistiques du violoniste et de
l’amplitude de son jeu. “Pourquoi tous mes élèves jouent-ils différemment
et ont des placements différents? disait Yankelevitch. Parce que ce n’est pas
le résultat visuel du placement, ses caractéristiques extérieures qui
m’intéressent avant tout, mais les perceptions de mes élèves et la
coordination intérieure de la perception musicale et de la motricité.”
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l’élève, c’est justement de choisir une variante rationnelle parmi toutes les
possibilités existantes.
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légèreté. En ce qui concerne l’index, il ne doit pas dépasser de la baguette
au-delà de la première articulation, sinon on ressent une gêne lorsqu’on
joue dans la partie inférieure de l’archet. L’index, le majeur et l’annulaire
régulent la pression de la main sur la baguette.
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donc de contracter les muscles du bras: “J’ai pu voir que l’un de mes élèves
contractait même les muscles de sa jambe pendant qu’il jouait en
extension! C’est pourquoi je commence toujours à travailler avec la barre,
préférable au coussin qui assourdit les sons. Lorsque mes élèves ont déjà
acquis un bon niveau technique et qu’ils désirent travailler sans barre ni
coussin, surtout si leur morphologie s’y prête, (cou court et épaules hautes),
je ne m’y oppose pas, mais je veille à ce que leurs épaules ne se relèvent pas
trop et ne penchent pas d’un côté ou d’un autre.”
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des doigts au-dessus des cordes et à leur placement correct. Toutes les
parties du bras agissent alors comme un tout coordonné qui exécute des
mouvements préparatoires. “Il est particulièrement important de placer la
main dans le prolongement de l’avant-bras.” C’est seulement alors que sont
réunies les conditions indispensables pour pouvoir acquérir l’aisance
technique et des sensations motrices justes.
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Yankelevitch croyait que le réflexe de préhension se renforçait si l’on
passait trop de temps à étudier la première position. La main du violoniste
débutant “se fige” alors dans une position statique. Et plus tard, quand il
s’attaque aux autres positions, “il découvre que la main doit bouger, se
déplacer le long de la touche. Tous ses repères psychophysiologiques sont ;
perturbés et il se trouve confronté à de nouvelles difficultés. Premièrement,
il s’est habitué à tenir le violon dans la main gauche, tandis que pour
pouvoir la déplacer le long de la touche on doit d’abord la libérer. Et
deuxièmement, il constate qu’il doit soutenir le violon avec l’épaule, ce dont
il n’a pas l’habitude. Ainsi, la nécessité de déplacer la main gauche le met
face à d’autres interrogations et problèmes. Je crois que l’on doit trouver un
placement différent dès le départ pour éviter que de tels problèmes ne
surgissent plus tard.”
Mais on ne doit pas oublier que l’appui des doigts est une grandeur
variable qui est fonction de plusieurs éléments. Plus la distance parcourue
par la main lors du démanché est grande, moins l’appui doit être important
dans les positions supérieures, où les cordes opposent plus de résistance et
sont plus éloignées de la touche, l’appui peut être augmenté, et dans les
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positions inférieures il doit être diminué. L’appui varie également en
fonction de la vitesse du mouvement. Si elle est grande, les doigts se
soulèvent moins. Dans le contrôle de l’appui Yankelevitch accordait la plus
grande place à l’intuition de l’interprète, étroitement liée Si “l’adaptabilité
instrumentale et à la capacité à “sentir” l’instrument et la touche, cette
capacité révélant le vrai talent”. Il recommandait “d’essayer d’obtenir un
appui constant en le corrigeant d’après la qualité du son et la perception de
l’élasticité tactile, et en accordant l’appui des doigts à l’appui de l’archet sur
les cordes.”
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articulations ne doivent pas intervenir dans les flexions et les extensions des
doigts. Cette règle permet de développer au maximum le potentiel
technique de l’interprète et de parvenir au sommet de ses possibilités.”
L’archet, tel un levier, écrase la corde par son seul poids. La pression,
répartie inégalement sur la surface de l’archet, diminue vers la pointe est
doit par conséquent être corrigée. Or, cela est impossible si l’on se contente
d’appuyer sur la baguette avec l’index, comme on le conseille la plupart du
temps, “ce serait simpliste”. Faire appel au poids du bras ne résout pas non
plus le problème : “L’appui doit être spécifique, délicat et souple. On y tient
compte du ressort de l’archet. L’interprète doit éduquer et affiner ses
perceptions, sentir non seulement le ressort de la mèche mais aussi la
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réaction de la corde à la pression. Cette sensation est liée à l’utilisation du
poids de la main et du bras. Il faut aider l’élève à trouver la sensation juste,
à progresser comme le fait un pianiste, du poids de la main vers le résultat
sonore, en adaptant la hauteur du coude. Mais la perception du poids de
l’archet reste le facteur initial essentiel dans ce travail.’’
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Cependant la sensation de pression exercée par la main droite ne doit être
qu’intérieure, semblable à celle qu’éprouvent les pianistes lorsque la note
est jouée “à partir de l’épaule”. Le plus important est alors de conserver
l’équilibre entre la densité et la puissance de la sonorité.
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Yankelevitch montra que le niveau des connaissances esthétiques de
l’élève influait sur sa capacité à diversifier la sonorité. Les pièces courtes
qui demandent une qualité sonore diversifiée sont ici d’une grande utilité,
car elles stimulent la recherche du coloris.
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dire sa résistance”, et également parce que le bras reste tendu au bout de
l’archet.
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En ce qui concerne le tempo, Yuri Yankelevitch avait pour règle de
dire que le tempo très lent était un moyen parfait pour vérifier
scrupuleusement la qualité, pour déterminer l’origine d’une gêne, etc, mais
qu’il ne convenait pas aux exercices quotidiens. On doit développer sa
concentration pour pouvoir tout vérifier et tout remarquer sans trop
ralentir le tempo, sinon “on n’a plus de temps à consacrer au répertoire”.
On doit passer progressivement du tempo lent au tempo plus rapide. Mais
l’accélération doit être raisonnable, sans saccades: “Jouer lentement , puis
passer immédiatement à un tempo rapide est une très grande erreur. Il est
préférable de l’accélérer progressivement pour éviter la crispation
musculaire.” Pour illustrer ses propos, Yankelevitch racontait l’histoire d’un
jeune Spartiate qui entendit un jour son maître lui proposer de faire très
lentement le tour de la cité avec un veau sur les épaules afin de développer
sa force. “Il le fit si lentement qu’il ne s’aperçut pas qu’au bout d’un certain
temps il transportait un taureau sur son dos. Le veau eut le temps de
grandir.”
Les gammes font partie de l’entraînement. “Il existe une théorie qui
affirme que les gammes remédient à tous les maux. Mais il exista également
une autre théorie qui accorde plus d’importance aux études et aux passages
difficiles des différentes pièces en niant tout-à-fait le rôle des gammes.
Quant à moi, j’estime que l’on doit tout de même consacrer un certain
temps aux gammes, tout en sachant qu’un entraînement abrutissant de
plusieurs heures est nuisible. Une heure et demi, c’est déjà beaucoup
trop. On doit comprendre clairement que le but des gammes est
d’entretenir l’appareil impliqué dans le jeu et de permettre de maîtriser la
touche. Rabinovitch conseille à ce propos de jouer en un quart d’heure
tout le cycle des quintes: d’abord une gamme par quatre notes liées, puis
des arpèges de trois notes liées. Toutefois, afin de mobiliser tout l’appareil
impliqué, il est préférable de s’exercer sur des passages techniquement
difficiles.” Yankelevitch faisait également remarquer l’importance du
simple entraînement musculaire, “différent de celui d’une danseuse, bien
évidemment”. “L’instrumentiste acquiert un grand nombre de procédés
qu’il doit entretenir. Et la gamme en est le moyen le plus approprié. Mais il
est important de travailler d’abord tous les éléments séparément et de les
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réunir ensuite dans la gamme. C’est beaucoup plus efficace. Cependant, on
ne doit jamais faire de la gamme un but en soi.”
L’interprète doit éviter les schémas rigides qui ne sont que la conséquence
d’un mauvais enseignement.”
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mains sont gelées, bien qu’il serait préférable dans ce cas de les réchauffer
en les massant afin de les amener dans de bonnes conditions de jeu. Il est
malheureux de commencer à jouer avec les mains et la tête froides.”
Yankelevitch protestait contre l’utilisation d’exercices spéciaux de
gymnastique qui n’offrent pas l’essentiel, à savoir le toucher, et sont
détachés de la musique. Selon lui, on accède à 1’état supérieur lorsque “les
mains obéissent au point d’exécuter n’importe quel ordre”. Pour l’illustrer,
il citait la question d’un élève de Yampolsky qui avait voulu connaître le
doigté le plus approprié pour exécuter un passage compliqué de l’”Étude-
Valse” de Saint-Saëns / Ysaye. Yampolsky prit le violon des mains de l’élève:
“Vous utilisez ce doigté-là?” Et il joua le passage dans un tempo très
rapide. “Mais on peut également utiliser celui-ci.” Et il rejoua le passage
toujours aussi vite. “Un troisième doigté est également possible”, dit-il
après réflexion et recommença d’une manière toujours aussi virtuose.
Nous étions tous stupéfaits. Il nous sourit: “Je les ai joués au préalable dans
ma tête.” Il lui suffisait seulement de comprendre la difficulté et il pouvait
jouer.
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La dernière étape est l’étape supérieure. On y réalise tout ce qui
concerne la sonorité et le mouvement grâce à la représentation intérieure.
Cette étape est semblable au “training autogène” utilisé en psychologie. La
nécessité de développer la représentation intérieure poussa Yankelevitch à
recommander la méthode suivante: “La lecture uniquement visuelle de la
partition permet de prévoir le résultat sonore et de pressentir les
mouvements. C’est très important. En préparant un programme important
pour un concert ou un concours par exemple, lorsqu’on ne peut pas et ne
doit pas beaucoup travailler, il vaut mieux s’asseoir sur un banc dans un
parc, s’imaginer la musique et pressentir le mouvement. Mais cette
méthode peut également servir à apprendre une nouvelle oeuvre.”
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L’étudiant doit procéder d’une manière analogue lorsqu’il travaille chez lui.
Il doit devenir son propre enseignant, s’adapter en souplesse aux problèmes
les plus importants, et ne pas s’acharner sur des détails, des choses
secondaires. Sinon, il sera toujours en manque de temps.”
5. L’intonation
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Yankelevitch estime que le problème de l’intonation ne se résout pas
grâce au placement, même si son rôle est important, ni grâce aux
perceptions auditives, car l’intonation ne dépend pas uniquement de
l’oreille. La solution consiste à tenir compte des problèmes esthétiques de
l’intonation, du mode et du style: “Parler d’une intonation absolument
irréprochable est absurde. C’est une notion abstraite. L’accord naturel du
violon donne une intonation beaucoup plus fine que le piano et permet une
expressivité nettement plus riche. Les variations de l’intonation deviennent
évidentes dès les doubles-cordes. Si et do, par exemple, sonnent
différemment lorsqu’ils sont joués sur la corde de La en première position
et en combinaison avec la corde de Mi que lorsqu’ils sont joués seuls. Les
formations instrumentales ont tendance à “tempérer” l’intonation. Les
quatuors, par exemple, font apparaître une “intonation moyenne”. Mais
aucune balance ne permet de “peser” l’intonation. Seul le contrôle auditif
fournit un critère sûr.”
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6. Le vibrato
Du point de vue psychologique, “le vibrato est l’un des problèmes les
plus complexes du violon.” Il l’expliquait par l’intervention de deux
facteurs: “Premièrement, la vitesse et la faible amplitude de ce mouvement
compliquent son analyse et son contrôle de l’extérieur. Et deuxièmement, le
vibrato fait partie des habitudes inconscientes que l’on peut difficilement
appréhender. Le contrôle du vibrato, la variation de ses paramètres au
cours du jeu rencontrent de sérieux obstacles, l’élève peut difficilement
changer le mouvement du vibrato et même simplement arrêter le vibrato là
où il a en général l’habitude de l’exécuter.”
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ce mouvement oscillatoire, contrairement au vibrato de l’avant-bras,
généralement plus uniforme et plus standardisé.”
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défauts pourrait également être l’apprentissage prématuré du vibrato,
lorsque la contraction des bras, naturelle dans une certaine mesure pour le
débutant, n’est pas encore totalement évacuée, et lorsque le désir d’avoir
une sonorité expressive n’est pas encore formé dans l’inconscient.
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démanchés, ni pour toutes les notes des passages rapides. Je ne
recommande généralement pas d’utiliser le vibrato dans les gammes et
dans des exercices particulièrement techniques.” Mais il remarque
toutefois que “le vibrato permanent est utilisé beaucoup plus fréquemment
aujourd’hui qu’autrefois. Il doit par conséquent être plus diversifié pour ne
pas devenir monotone et continuer à remplir sa fonction esthétique.” C’est
pourquoi Yankelevitch essaya, dans la mesure du possible, de faire
assimiler des formes variées du vibrato à ses élèves, en fondant ses
exercices sur la forme du vibrato qui détermine la sonorité individuelle de
l’élève. “Savoir utiliser le vibrato volontairement, pouvoir produire le son
que l’on désire entendre, et non pas s’émerveiller passivement du résultat,
même s’il est très beau était pour Yankelevitch l’expression ultime de l’art
du violon.
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du contenu des coups d’archet et du doigté. Si les difficultés proviennent de
la conception musicale, il faut les dépasser et ne pas chercher à les
contourner. Il illustrait ses affirmations par cet exemple du doigté complexe
qu’utilisait Szigeti pour donner plus de relief aux différentes voix des
œuvres de Bach “Une grande souplesse est nécessaire dans tout ce qui
touche au doigté et aux coups d’archet. Ce sont des questions éternelles de
la musique classique. Prenons Mozart par exemple. On fait des recherches,
on retrouve des manuscrits, et on se trouve obligé de changer beaucoup de
choses. Il n’existe pas de principes permanents, tous ces processus sont
vivants. On voit apparaître de nouvelles rédactions, de nouvelles idées, de
nouveaux disciples...”
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1. Conduite linéaire de l’archet ;
2. Détaché ;
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Une fois les bases du “détaché” bien assimilées, Yankelevitch
proposait de travailler les différentes combinaisons de ce coup d’archet. Par
exemple jouer une note “détaché” et trois notes “legato” permet de
maîtriser l’alternance du mouvement lent et accéléré. L’exercice le plus
utile, selon Yankelevitch, est celui-ci: on divise conventionnellement
l’archet en six-parties, et l’élève s’exerce sur chacune d’elles en jouant les
différentes combinaisons. “La sensation de confort” alors recherchée
procure aux mouvements légèreté et adresse, et apprend à l’élève à “sentir
l’archet. Cette méthode permet d’en accélérer sensiblement l’assimilation.”
Yankelevitch répétait souvent que “tous les coups d’archet ont pour
origine le détaché”. Souvent répétée mais rarement comprise, cette formule
est encore moins appliquée, “alors que c’est la clé de la maîtrise des coups
d’archet. Le sens du détaché réside dans le fait que l’archet est guidé sur la
corde. Quant au spiccato, on peut le considérer comme un “détaché
complexe”. Le mouvement du détaché court et du spiccato doit être
contrôlé. Le spiccato est un détaché effectué au-dessus de la corde où
l’archet touche la corde au milieu du coup d’archet, mais la manière de le
faire glisser reste identique.” Ainsi, Yankelevitch établissait la parenté entre
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les coups d’archet et “le caractère originel” du détaché, en s’appuyant sur la
notion du mouvement global du bras.
En poussant davantage sa réflexion sur les liens qui existent entre les;
différents coups d’archet, il considéra le staccato comme un cas particulier
du martelé et conseilla en conséquence de commencer à s’y exercer en
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tirant brusquement l’archet, (le détaché accentué se rapprochant fort du
martelé), et d’essayer ensuite de jouer staccato six notes vers les aigus. Le
caractère du début doit correspondre à celui du martelé énergique. “Il faut
en outre saisir la sensation du mouvement efficace et ne pas avoir peur
d’une certaine dureté sonore.” “Le grincement est le compagnon du travail
sur le staccato, remarqua une fois Yampolsky. Mais un conseil ou une
image juste de l’enseignant suffisent à faire “démarrer” le staccato.
Cependant, ce coup d’archet émerge plus facilement si la main suit une
évolution naturelle.”
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décontraction un mouvement dont le débute est fulgurant. On doit tenir
l’archet avec la plus grande légèreté, comme une plume. Le but est
d’attaquer le mouvement et d’utiliser ensuite des propriétés de flexibilité de
l’archet et de la corde. Il est très profitable de s’exercer en augmentant
progressivement le nombre de notes par mouvement d’archet, d’abord des
triolets, puis des quartolets, etc.
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Ainsi, Yankelevitch créa un système cohérent d’apprentissage des
coups d’archet en partant les deux principes progresser d’abord du simple
au complexe, et ensuite du mouvement général au mouvement particulier.
Il voyait le lien profond qui reliait les coups d’archet grâce au mouvement
principal de la main droite, le mouvement l’archet sur la corde. Il pensait
en outre qu’il était très important que l’on apprenne à sentir “la flexibilité
de la baguette et la résistance de la corde”, forces actives qui participent à
la formation du mouvement juste. L’interdépendance des coups d’archet se
traduit également, selon Yankelevitch, par le fait que la maîtrise d’un coup
d’archet facilite l’apprentissage de tous les autres. C’est pourquoi il
conseillait au minimum de “survoler quotidiennement tous les coups
d’archet, de les garder toujours en mémoire. Cela stimule énormément la
main droite et réduit le temps d’assimilation des autres éléments
techniques des pièces.” Cependant, si l’on continue à rencontrer des
difficultés techniques, non seulement les coups d’archet sont d’un grand
secours pour les dépasser, mais ils permettent d’atteindre un but beaucoup
plus ambitieux la maîtrise de toute la technique de la main et du bras droit.
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prévoir la totalité du parcours de l’élève, (sur 4 ou 5 ans), et établir un
répertoire pour toute cette période. Mais on ne doit évidemment pas s’y tenir
aveuglément, car la vie apporte toujours ses corrections et ce que l’on prévoit
peut devenir inutile parce que l’élève a dépassé le cadre préétabli, ou parce
qu’au contraire, le plein est devenu pour lui trop difficile à suivre. Une grande
partie du succès de l’enseignant dépend de sa souplesse pédagogique.
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Les œuvres originales de Bach et de Mozart “posent des problèmes
artistiques tellement complexes qu’un jeune enfant ne peut même pas
prétendre essayer de se rapprocher de la solution. On doit former les notions
que l’enfant possède de la musique classique en commençant par des
adaptations les plus simples. “Faust” de Goethe ou la symphonie de
Beethoven ne sont évidemment pas à la portée d’un enfant. Il a besoin de
contes et de matériau accessible et facile.” Nombre de pédagogues excluent
malheureusement les œuvres de Bériot, Vieuxtemps et Spohr du répertoire
des écoliers, ainsi que les pièces romantiques virtuoses considérées comme
de la “mauvaise” musique. Toutefois, “en dépit de leur caractère primitif, les
pièces de Bériot, comme celles de Vieuxtemps sont mélodieuses et faciles à
comprendre pour les enfants, elles réveillent en eux le sens artistique. Je
donne à jouer beaucoup de musique différente aux enfants, mais je réserve
Mozart aux grands de l’École Centrale de Musique, après leur avoir fait
jouer les concertos de Vieuxtemps et même le concerto de Tchaïkovsky.
L’essentiel est de trouver les justes proportions du matériau proposé, pour
un bon développement de la pensée esthétique et du sens de l’instrument.”
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était de la musique solide, de qualité et utile, et qu’il ne concevait même pas
de former un violoniste sans ces concertos. Je suis du même avis. Quant
aux œuvres de Vieuxtemps et de Wieniawski, elles apprennent le goût,
l’envol, le tempérament et la construction de la phrase.”
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et de Dont, constituent la base de l’apprentissage technique. On doit les
apprendre attentivement, en étant très exigent envers la qualité. Plus tard,
on peut les faire suivre par des études de Fiorillo, Dankle, etc. Lorsqu’il est
nécessaire de développer la technique du bras droit, (le poignet, les coups
d’archet), on peut prendre 2 ou 3 études de Gavinies, certaines études de
Schradieck et de Rovelli.” Pour les petites classes, il recommandait les
études de Kaiser et celles de Mazas, (en particulier pour ceux qui ne sont pas
très avancés au niveau musical), et enfin les études simples de Dont.
Les critères qui permettent de juger le travail accompli sur une pièce
ou une étude sont également importants, par exemple “jouer de mémoire,
dans une ambiance de récital, dans le tempo indiqué.” (...) “Si l’on essaie de
mener chaque oeuvre jusqu’à la perfection, la progression de l’élève se
ralentit. L’essentiel est d’arriver au but, c’est-à-dire résoudre le problème
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concret que pose l’étude ou la pièce. “Le Mouvement perpétuel” de Ries, par
exemple, pose le problème du sautillé et de la coordination entre les
mouvements de l’archet et la main gauche. Si l’élève arrive à respecter le
tempo et s’il obtient une sonorité et un phrasé corrects, on peut estimer que
le problème est résolu.” On peut mettre de côté les études et les pièces les
plus difficiles, et les revoir plus tard pour les “polir” et présenter aux récitals
de classe. Le reste n’a pas besoin d’être aussi irréprochable. Yankelevitch
“excusait” même momentanément les imperfections esthétiques, lorsque
l’élève n’était pas encore en mesure de comprendre toute la profondeur de
l’oeuvre, mais il la reprenait toujours plus tard, car il aimait perfectionner
ce qu’il avait commencé.
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Les concours donnent souvent l’occasion de voir des violonistes qui
jouent des œuvres classiques avec beaucoup de goût et de sensibilité, mais
qui sont complètement désemparés devant les œuvres romantiques
virtuoses qui figurent au programme de tous les concours. “Si l’on prétend
être un violoniste de haut niveau, on doit avoir plusieurs cordes à son arc
pour pouvoir changer de visage comme le fait un acteur et jouer aussi bien
des drames que des vaudevilles! Une courte pièce de Kreisler, par exemple,
raffinée et pleine de charme, nécessite une approche très particulière. Elle
ne comporte que trois ou quatre phrases musicales mais dont chaque note,
chaque tournant prennent une très grande importance. De nos jours,
malheureusement, l’art de ces petites pièces s’oublie de plus en plus, de
même que la manière de les interpréter. Elles apprennent cependant à
exprimer des idées puissantes et profondes, et éduquent le sens esthétique.”
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début de leur carrière, les créateurs tirent parti des influences et des
courants artistiques précis. Plus tard, ils choisissent leur voie personnelle
qui les pousse à devancer leur époque et à progresser vers l’avenir. Par
conséquent, il est important de savoir à quelle époque de création
appartient l’œuvre étudiée et quels étaient alors les points d’intérêt de
l’auteur, car cela permet de déterminer les éléments de l’oeuvre qui doivent
être accentués”.
59
“bachotage” fait perdre le fil musical de l’œuvre, son caractère et sa forme.
Yampolsky s’est toujours élevé contre cette pratique. Il conseillait, au
contraire, de déterminer en premier lieu la cause de la difficulté et de
prendre conscience du mouvement ou du procédé erroné, et ensuite, de
faire appel à un exercice adapté pour éviter de rechercher la solution du
problème technique à l’aide de l’œuvre elle-même. Il imaginait lui-même de
tels exercices et apprenait à le faire à ses élèves. Les passages
techniquement difficiles peuvent servir de point de départ aux exercices des
coups d’archet, du doigté etc. Lorsque plusieurs passages freinent
l’assimilation de la totalité de l’œuvre, il est préférable d’en commencer une
autre et de continuer parallèlement l’étude de la première beaucoup plus
progressivement.
60
respecté avec une précision de métronome. Tous les refrains des rondos,
par exemple, doivent être exécutés avec une précision absolue, s’ils ne
comportent pas d’indications particulières de l’auteur. Je peux vous citer
l’interprétation du premier mouvement du concerto de Brahms par Szigeti.
Chez lui, le début du mouvement est défini par un tempo très précis. Il s’en
écarte beaucoup par la suite, mais le thème principal le ramène au tempo
initial; il s’en écarte encore, mais les accords recréent le tempo initial qui
avait défini le développement du thème; le thème secondaire est alors joué
plus librement. Szigeti parvenait ainsi à donner l’impression d’une forme
libre, mais unifiée et monolithique où l’on suit aisément le tempo de part
en part de l’œuvre. Quant à la “Bohémienne” où Ravel fait alterner l’allegro
et le moderato, on doit d’abord établir leur juste corrélation et ensuite
chercher à les stabiliser.”
61
L’intuition y joue en effet un rôle considérable. C’est elle notamment qui
permet de faire la différence entre le violoniste-”artiste” et le violoniste-
”artisan”. L’intellect ne suffit pas pour comprendre la musique. Le vrai
talent est intuitif. Il est, par conséquent, primordial d’unir l’intuition et la
réflexion.
62
Cette attitude professionnelle s’acquiert grâce à la totalité de
l’enseignement pédagogique, bien avant que l’élève ne joue en public.
Yankelevitch s’est toujours dit l’adversaire de l’opinion répandue selon
laquelle l’état d’esprit nécessaire pour “affronter” la scène devait se
manifester chez l’interprète au moment de commencer à jouer, c’est-à-dire
lorsqu’il était déjà face au public. “Cet état “esprit doit apparaître lorsqu’on
commence à étudier l’œuvre. Le musicien doit être constamment absorbé
par la musique, il doit vivre par la musique, au lieu d’attendre que
l’inspiration lui vienne sur scène. Je ne me souviens pas que Tretiakov ait
jamais joué en cours sans se dompter totalement, qu’il ait jamais gardé
quelque chose pour la scène. Lorsqu’on a posé la question à Stern pour
savoir comment il travaillait chez lui, s’il se dépensait totalement ou s’il
préférait la manière analytique, il a répondu: “Comment le dit-on en russe
? ... Comme le mari de la vache!” Le musicien doit se former pour la scène
sans relâche, car c’est elle qui constitue la finalité de son travail.”
63
empêcher le violoniste de progresser vers son but unique : parvenir à la fois
à la perfection de l’expression artistique et aussi à ce que sa propre
conception artistique soit globale et convaincante.
64
Pour lui, la seule approche possible était d’évaluer l’interprétation de
l’œuvre et elle seule. “La note produit son meilleur effet “pédagogique” si
elle reflète très exactement la qualité de l’interprétation. Cette approche
développe chez l’étudiant l’exigence créative. Qualité fondamentale du
musicien, elle est la caution de son futur développement. De plus, une telle
notation profite non seulement à l’étudiant lui-même, mais également à
tous les autres élèves.” Selon toute logique, si la complexité de l’œuvre
dépasse les capacités de l’élève, la note le révélera inévitablement et
constituera un indice pour l’enseignant qui a choisi une œuvre trop
difficile. “L’intérêt supplémentaire de cette approche est qu’elle
responsabilise davantage l’enseignant en ce qui concerne le choix du
programme.”
65
j’adresse à de nombreux enseignants, mais aussi à moi-même. Nos opinions
manquent quelquefois d’envergure. Nous devons faire plus confiance aux
étudiants et leur accorder davantage de liberté dans la formation de leur
personnalité.”
10. CONCLUSION
66
sous forme d’aphorismes, elles avaient de meilleures chances d’être
mémorisées et n’écraseraient pas l’imagination de l’élève par un ordre trop
direct. Yankelevitch faisait tout son possible pour éviter d’employer la
pression.
67
se forme l’interprète, que se développe sa mémoire, sa capacité à déchiffrer
instantanément la musique et à assimiler rapidement le répertoire.”
68
et c’est pourquoi leurs élèves continuent à employer uniquement les
accords pour jouer le thème de la “Chaconne” de Bach, qu’ils ne veulent pas
non plus connaître le texte, et les coups d’archet originaux de Mozart, et
qu’il se raccrochent obstinément au passé.”
*****
69
70
PREMIÈRE PARTIE
Yuri Yankelevitch
71
placement adéquat, placement qui en s’adaptant à de nouvelles exigences
change lui-aussi.
72
beaucoup plus loin, ce qui requiert des qualités de grande concentration, de
sensibilité et une profonde connaissance de l’instrument.
Il a déjà été noté que les mouvements de l’interprète ne font pas partie
du domaine purement mécanique, isolé de la sonorité. Un mouvement libre
produit une belle sonorité, alors qu’un mouvement crispé ne peut pas
donner de bon résultat et crée, de surcroît, d’importants obstacles au
développement de la technique.
On note dans “L’École” de Léopold Mozart (28) que l’on doit placer le
pouce de la main gauche près du deuxième ou même du troisième doigt.
73
extrême dans ce domaine , en affirmant que le pouce doit être penché si
possible en arrière, vers la tête du violon (60) . Il est contredit par Walter
qui recommande le contraire, en remarquant qu’il faut placer le pouce le
plus loin de la tête, en direction du corps du violon (11).
74
son élève. C’est pourquoi il doit observer attentivement le processus de son
adaptation, et l’aider à acquérir les procédés qui lui sont propres sans
s’attacher aux dogmes.
75
des mouvements du bras, est la stabilité et l’attitude naturelle du corps, qui
dépend elle-même de la répartition du poids du corps sur les pieds et de
leur positionnement.
76
Quant au placement de l’instrument pendant le jeu, deux points de vue
prédominent. Selon le premier, très largement répandu dans la pratique, le
violon n’a qu’un seul point d’appui. L’instrument se fixe solidement entre le
menton et la clavicule, ce qui libère entièrement le bras gauche.
77
est clair qu’en pratique, l’exécutant a besoin de mouvements auxiliaires,
(correcteurs), qui dirigent sa main selon une ligne droite et non pas un
cercle. Ces mouvements auxiliaires sont réalisés grâce à une légère
élévation du coude et à un éloignement simultané de l’épaule, (pour le
passage aux positions inférieures); ou grâce à l’abaissement du coude et au
rapprochement de l’épaule, (pour le passage aux positions supérieures).
Les violonistes débutants qui doivent assimiler les positions font deux
erreurs contraires: soit ils rejettent le violon vers le haut, soit ils l’abaissent
excessivement. En rejetant le violon vers le haut, l’épaule et le coude ne
réalisent pas le mouvement auxiliaire correcteur; en l’abaissant, ils le
réalisent beaucoup trop activement. Si l’on examine les mouvements de la
main dans la partie supérieure de la touche, on établit que, dans ce cas
également, l’épaule exécute ce mouvement auxiliaire. Seulement, lors du
changement de position dans la partie supérieure de la touche, il est de
nature quelque peu différente: au lieu d’être vertical, il est horizontal. Il en
résulte que ces mouvements d’épaule sont nécessaires pour assurer le
placement normal de l’instrument et la liberté du mouvement de la main le
long de la touche.
78
C’est la longueur des bras qui permet de définir le maintien de
l’instrument de manière très individuelle. Il est préférable de déplacer le
violon à droite, si les bras sont courts et plutôt à gauche, s’ils sont longs. Par
ailleurs, il ne faut pas oublier que l’inclinaison du violon joue également un
rôle important. On régule l’inclinaison en faisant varier la hauteur du
coussin: plus le coussin est haut, plus l’inclinaison est grande mais
inversement, l’inclinaison du violon détermine la position du coude gauche:
plus l’instrument est tenu à plat, plus on décale le coude à droite, ce qui
n’est pas du tout naturel.4
D’autre part, lorsque les bras sont un peu courts, il arrive qu’il soit
quelque peu difficile de faire glisser l’archet jusqu’à son extrémité. Pour y
arriver malgré tout, on voit les violonistes tenir l’archet en éloignant les
doigts de la hausse. C’est ainsi que procédait Auer dont les bras n’étaient
pas très longs.
On l’observe aussi chez les débutants lorsque l’archet est trop lourd.
Les élèves, en essayant intuitivement d’ alléger la masse, déplacent la main
vers le centre de l’archet. On peut constater des particularités analogues de
placement de la main droite également dans le cas d’une répartition
incorrecte du poids de l’archet.
Très souvent les enseignants conseillent aux élèves de ne pas aller
jusqu’au bout de l’archet si celui-ci est trop long. Ils indiquent la limite du
mouvement en fixant un fil sur la baguette. Zeitlin proposait plutôt de
déplacer la main vers le centre de l’archet afin d’en diminuer non seulement
la longueur mais également le poids. Ce choix est sans doute le plus
judicieux. Cependant, il serait certainement encore plus avantageux
4 Nous avons déjà remarqué que pour un violoniste, la position naturelle du coude
gauche est une question des plus délicates. Or, le maintien de l’instrument éloigne encore
plus le bras gauche de sa position naturelle.
79
d’adapter directement la longueur et le poids de l’archet à l’élève pour ne
pas avoir à recourir à de telles méthodes. Le placement de la main sur la
baguette de l’archet détermine aussi la position du pouce par rapport à la
hausse. Il doit se positionner sur la baguette même et ne pas s’appuyer sur
la saillie de la hausse, comme on le recommande fréquemment.
La position du pouce par rapport aux autres doigts fait, elle aussi,
l’objet de bien des controverses. Struve note (39) que c’est l’articulation
même du pouce qui détermine sa position. Effectivement, chaque personne
a sa manière particulière de serrer le poing, et on constate que le pouce
prend à chaque fois une position différente. Partant de là, il est plus naturel
pour certains violonistes de placer le pouce contre le médius, et pour
d’autres contre l’annulaire. Il va sans dire que des positions intermédiaires
peuvent également exister. Mais il faut tout de même remarquer que le
point de vue de Struve n’est pas unique dans ce domaine. Les intentions
artistiques des différentes écoles sont déterminantes lorsqu’il s’agit de
résoudre des problèmes techniques de cette sorte.
80
indispensable pour qu’ils puissent exécuter de légers mouvements
auxiliaires pendant les changements d’archet, ainsi que pour les différents
coups d’archet. Afin d’atteindre cette aisance, le pouce, associé aux autres
doigts posés sur la baguette, doit être lié à celle-ci de façon mobile, comme
une articulation, quelle que soit la partie de l’archet utilisée. Par contre, si
on maintient le pouce dans une position rigide, (pliée ou droite), on limite
le mouvement des autres doigts.
Fort souvent, cette indissociabilité des mouvements des différentes
parties du bras lorsqu’on joue à l’extrémité de l’archet s’explique par une
position trop tendue du pouce. Mais en même temps, on rencontre des
violonistes qui sont très à l’aise dans leur utilisation de l’archet malgré une
position droite ou même concave du pouce, comme par exemple celle de
Auer ou Kogan. Il est évident qu’une telle position ne les gênait pas. En
réalité, chez certains violonistes les articulations de la main sont
extrêmement souples et flexibles. C’est cette flexibilité qui permet
d’effectuer les mouvements nécessaires malgré le pouce incurvé. Mais il est
clair que cette position doit être examinée plutôt comme une exception.
Leur position sur la baguette peut être plus ou moins profonde, ce qui
dépend en grande partie de leur longueur. Ils ne doivent pas être trop serrés
ou trop écartés. De nos jours, on ne tient plus l’archet du bout des doigts,
comme cela se faisait auparavant, car ce procédé ne permet pas d’atteindre
une sonorité puissante. La position normale de la main permet de reporter
son poids sur la baguette, le son étant ainsi produit naturellement. Les
doigts doivent être alors arrondis. On voit parfois que les doigts de la main
droite de l’élève exagérément tendus font ressortir la première phalange. Ce
défaut est facile à corriger: il suffit d’arrondir les doigts en les pliant
légèrement.
81
d’exécuter tous les mouvements fléchisseurs et extenseurs tout en retenant
l’archet. C’est ce qu’un bon placement doit assurer.
Flesch donne dans son “École” (41) trois manières de tenir l’archet:
l’ancienne manière allemande, lorsque l’archet est tenu du bout des doigt,
5 En fait d’exemple, on pourrait citer le violoniste Joseph Szigeti dont les bras
étaient si longs que lorsqu’il atteignait la pointe de l’archet, son avant-bras formait
un angle droit avec son épaule, angle normalement atteint par les autres violonistes
dès le milieu de l’archet. Ceci explique pourquoi Szigeti n’enlevait presque jamais
l’auriculaire de la baguette, ce qui ne lui occasionnait aucune difficulté.
82
la manière franco-belge un peu plus profonde et la manière russe, la plus
profonde des trois. Cependant, même dans ce dernier cas, la baguette ne
dépasse pas l’articulation de la première phalange de l’index. Il existe bien
sûr des façons personnelles de tenir l’archet, mais elles ne peuvent
évidemment pas servir de référence.
83
l’interprète jouent un rôle prédominant. Cette affirmation trouve une
illustration dans la comparaison des styles du jeu des grands interprètes
tels que Kreisler, Sarasate, Grigorovitch. Kreisler tendait fortement les
crins de l’archet qu’il inclinait beaucoup ; ses mouvements n’étaient
généralement pas très amples, mais la sonorité produite se distinguait
toujours par sa richesse et son expressivité. Sarasate, lui, sans trop tendre
les crins, produisait le son avec presque uniquement le poids de l’archet,
(car il utilisait un archet très lourd), et également grâce à des mouvements
larges et légers. Grigorovitch, qui avait un jeu semblable, possédait en outre
une extraordinaire légèreté et liberté de la main droite. On sait qu’en
s’exerçant, il jouait le prélude de la Partita en mi majeur de Bach en
utilisant toute la longueur de l’archet et dans le tempo se rapprochant du
tempo réel.
84
En tenant compte des difficultés qui apparaissent fréquemment au
début de l’apprentissage, le professeur Mostras conseille de commencer le
mouvement au milieu de l’archet et de l’élargir ensuite des deux côtés, (vers
la pointe et le talon). On peut également conseiller de commencer le
mouvement de l’archet par le coup d’archet ascendant.
85
La première, qui a trait au changement près du talon, est le retard pris
dans le mouvement inverse du bras droit. Il doit être exécuté au tout
dernier moment à l’aide du mouvement de liaison des doigts, sinon la pause
devient audible.
***
6 Les indications de l’auteur sur le placement du bras gauche et sur les change-
ments de position sont abrégés. Ces questions sont développées de façon détail-
lée dans le chapitre suivant, également de Yuri Yankelevitch, “Les changements
de position et les problèmes de l’interprétation.”
86
LES CHANGEMENTS DE POSITION
ET LES PROBLÈMES DE L’INTERPRÉTATION
Yuri Yankelevitch
Avant-propos
87
tonalité, la seconde majeure, la seconde mineure, ou encore la seconde
augmentée. Par conséquent, l’intervalle qui définit la seconde position
peut être soit la tierce diminuée, soit la tierce majeure, soit la tierce
mineure, soit la tierce augmentée, (dans les tonalités incluant le si dièse, et
le fa double dièse). La tierce position est définie par la quarte diminuée, la
quarte juste, la quarte augmentée etc. L’intervalle qui définit la position
reste inchangé uniquement lorsque la note initiale d’une gamme majeure
est jouée sur la corde de Sol avec l’index ou l’auriculaire. Dans ce cas, le
mouvement de l’index sur les quintes justes n’est pas perturbé tout au long
des deux octaves et demies qui correspondent à l’étendue de la position.
Ceci concerne les gammes majeures à la première position qui
commencent par la corde à vide.
Mais déjà dans l’”École” pour violon de Léopold Mozart (28) éditée en
1756, nous trouvons une approche plus développée des différentes
positions. Mozart décrit un grand nombre de positions, (qui correspondent
aux positions actuelles), et les appelle “les doigtés”. Il distingue de plus les
positions paires et les positions impaires en fonction de leur utilisation
pratique, et appelle les positions impaires “doigté entier” et les positions
paires “demi doigté”.
88
En 1797 parut l’”École” de Campagnoli (48) dans laquelle l’auteur
divise également la touche en doigtés entiers et en demi doigtés. Une telle
division de la touche nécessitait des précisions sur chaque doigté et demi
doigté, ce qui rendait difficile leur classification. C’est sans doute pour cette
raison que Campagnoli a introduit en plus pour chaque position une
notation littérale correspondant à la dernière note d’une position donnée.
Ainsi, Campagnoli appelait la IIe position demi doigté ou doigté C; la IIIe
position, doigté entier ou doigté D; la IVe position, doigté entier ou doigté
E; la Ve position, doigté entier ou doigté F, etc.
89
les cordes, Davydov, lui, partait de la tonalité majeure correspondant à
chaque corde en particulier.
Fig.1
Fig. 2 Fig. 3
90
existants de subdivision de la touche”. Yampolsky écrit : “le changement
enharmonique d’un son ou d’une série de sons ne permet pas de les reporter
à une autre position si l’on conserve le même doigté. Par exemple:
Fig. 4
91
Fig. 7. Khatchaturian. Concerto, 3e mouvement.
92
Il est significatif que Sevcik (43) donne dans ses nombreux exercices,
conçus pour le développement multiforme de la technique du violon, non
seulement l’étude des positions dans le placement en quarte mais
également dans le placement en quinte.
Dans chaque position, il est possible d’atteindre des sons qui se trouvent
hors des limites de la position. Plus la position est élevée, plus les sons
peuvent être pris au-delà de ses limites. On utilise pour cela soit l’extension,
c’est-à-dire l’étirement de l’index vers le bas ou l’étirement de l’auriculaire
vers le haut, (voir les exemples 13 et 14); soit le glissement du doigt sur la
corde, (voir l’exemple 15).
93
Lorsqu’un son produit à l’aide de l’extension, se trouve dans les
limites d’une autre position, l’avant-bras et la main peuvent se déplacer
légèrement dans la direction de l’extension du doigt. Par exemple dans le
cas suivant :
Cependant, l’index reste ici à sa place. Il faut souligner qu’il existe une
différence notable entre ce mouvement de la main et celui qui se fait lors
du changement de position, car dans ce dernier cas on observe le
déplacement de tout le bras et de la main.
Ainsi, dans la pratique, ce ne sont pas tant les notations chiffrées des
positions qui ont de l’importance que le déplacement de tout le bras,
effectué en fonction des problèmes techniques précis. Cette conception fut
très adroitement exprimée par Mostras qui indique que pour un violoniste
qui maîtrise déjà son instrument, la question de l’appartenance
94
positionnelle des sons ne se pose plus, puisque le processus du jeu se trouve
pour lui dans la réalisation sonore de la pensée musicale. De nombreux
interprètes trouvent par exemple difficile le changement de position sur la
corde de Mi, où l’on passe du majeur en Ie position à l’auriculaire en IXe
position, alors qu’ils exécutent facilement le même changement de position
si, sans nommer les positions, on n’indique que les notes.
95
remarquer que lors du changement de position, la justesse de l’intonation
est assurée non pas tant par les mouvements des doigts que par les
mouvements des autres parties du bras: le poignet, l’avant-bras et l’épaule.
Les liens de coordination se créent également entre les mouvements de ces
parties du bras.
Flesch (41) estime que pour parvenir à l’intonation juste dans une
nouvelle position, il faut prolonger la première note dans cette nouvelle
position afin qu’il soit aisé de la corriger. Toutefois, on ne peut pas être
d’accord avec cette affirmation. Cette méthode ne permet pas d’arriver au
“réflexe de précision des doigts”, car elle n’étudie pas, et donc ne fixe pas,
la perception de la distance parcourue. À l’opposé de cette méthode,
Mostras (26) indique que l’on ne peut pas se limiter à la correction des
fausses notes, et qu’il est nécessaire de répéter le changement de position
plusieurs fois, afin de mémoriser l’intervalle et le caractère du mouvement.
96
justesse par la division graduelle correspondante de la touche! Par exemple,
en ce qui concerne le placement de la main gauche des débutants, Sass
montre dans sa méthode que l’index doit se poser près du sillet, le majeur
à la distance de 44 mm du sillet, l’annulaire à 79 mm et l’auriculaire à 93
mm. Il est parfaitement clair qu’on ne peut considérer ce genre de
directives que comme l’exemple d’une approche mécanique stérile.
On peut citer en premier lieu Eberhardt qui, dans son étude sur les
exercices des changements de position (51), notait que la main et l’index
semblaient, à première vue, jouer le rôle prédominant vis-à-vis de la
justesse du son, alors qu’en réalité, ils n’avaient pas cette importance; c’est
pourquoi, ils ne devaient pas être actifs, mais guidés par le bras. Cependant,
cette affirmation d’Eberhardt ne s’applique pas à tous les cas. On le voit
clairement lorsqu’on analyse le mouvement de la main dans les positions
supérieures où la main apparaît comme étant un maillon prédominant.
97
Koeckert (60) maintient un point de vue opposé. Il indique dans sa
méthode que lors d’un changement de position, le mouvement part de
l’articulation du poignet. Le poignet entame le mouvement qui est prolongé
ensuite par tout le bras. Mais être d’accord avec Koeckert, c’est affirmer que
le poignet est l’élément actif, et non guidé, de la main gauche dans toutes
les positions sans exception. Or, ceci se révèle exact uniquement dans les
positions supérieures.
98
ces mêmes cas le phénomène inverse, à savoir l’abaissement du violon
provoqué par une implication trop importante de l’épaule. Tous ces défauts
rendent difficiles les changements de position et les privent d’aisance et
d’agilité. D’autre part, cela entraîne des variations au niveau du placement
de l’instrument et crée des conditions contraignantes pour les mouvements
de la main droite, et en particulier pour les mouvements lents et souples
comme le legato par exemple.
99
de poser le coude gauche sur la table, comme dans la première expérience.
On effectue ensuite le changement de position de la même manière, c’est-
à-dire en faisant glisser l’index de la note mi sur la corde de Mi, (VIIe
position), à la note si, (XIe position). On constate que le changement de
position s’effectue normalement. Mais si l’on essaie d’atteindre la note mi
avec l’auriculaire, tout en restant au niveau de si, on se rend très vite
compte que c’est totalement impossible. Pour que l’auriculaire puisse
atteindre la touche, il est indispensable de retirer le coude de la table, de
libérer l’épaule et d’effectuer un mouvement auxiliaire vers l’intérieur, (vers
le bras droit). Ce n’est qu’à cette condition que les doigts prennent la
position désirée. Ce mouvement auxiliaire du bras se révèle d’autant plus
important que la distance du changement de position est grande. Au cours
du mouvement des positions supérieures vers les positions inférieures, (au-
delà de la IVe position), l’épaule effectue le mouvement inverse.
100
Après avoir étudié les particularités du mouvement de la main au
cours des changements de position, on s’efforcera de définir le mouvement
qui lie les différents placements de la main tout au long de la touche.
Lorsque l’on passe dans les positions supérieures, ce lien est matérialisé par
le mouvement de l’épaule gauche vers l’intérieur, (vers la droite), ce qui
rend possible le mouvement du poignet, évoqué ci-dessus. Le mouvement
de l’épaule provoque un certain redressement de la main au-dessus de la
touche, le glissement du pouce sous le manche du violon, et le déplacement
du bout de l’index qui s’écarte de la touche. Bien évidemment, les
mouvements inverses ont lieu au cours de la progression de la main dans
la direction opposée. Ce mouvement de liaison que l’épaule effectue vers la
droite, se produit un peu avant le changement de position. Il pourrait, de
ce fait, être défini comme un mouvement de préparation.
101
démanchés de façon indépendante, que ce soit dans le sens ascendant ou
descendant, on observe des modifications correspondantes dans le
mouvement de la main. Ainsi, dans l’exemple 18, la main se place de
manière à pouvoir facilement contourner le corps du violon au cours d’un
démanché rapide, alors qu’elle se trouve encore dans une “demi position”.
En revanche, en effectuant le “saut” vers les positions inférieures, la main
garde le même placement que dans la position initiale, durant presque tout
le changement de position. Et c’est seulement en se rapprochant de la
position d’arrivée qu’elle adopte le placement correspondant à cette
position. Cela se vérifie surtout dans les cas demandant de l’intensité et de
l’expressivité du timbre ainsi qu’on peut l’observer dans l’exemple 19.
102
l’extension simultanée du coude créent une tension au niveau des muscles
de l’avant-bras et de l’épaule, ce qui entraîne des difficultés considérables
dans les positions inférieures. Par conséquent, il n’est possible de faciliter
les mouvements de la main sur la touche qu’en tenant compte des
particularités naturelles du placement, que la main adopte sur les
différentes aires de la touche.
On peut affirmer avec certitude que dans beaucoup de cas, les défauts
techniques de la main gauche sont dûs non seulement aux causes locales,
mais également à d’autres phénomènes qui déterminent les processus de
régulation du système nerveux central. Ce fait doit toujours être pris en
considération dans la pratique et en particulier dans l’analyse des différents
défauts du jeu.
103
Parmi les premiers, il faut citer avant tout le rapprochement excessif
de l’avant-bras et du corps, qui entrave le mouvement de l’épaule et, donc,
le déplacement de toute la main. Ce défaut, qui paraît purement extérieur,
perturbe non seulement le mouvement de la main gauche mais également
celui du poignet et des doigts.
104
la position de départ.) Mais, fidèle aux traditions de l’école allemande
classique, (Spohr, David), Joachim ne reconnaissait que partiellement le
caractère nuisible de ce procédé.
105
maintien est de toute évidence insuffisante, toutes les fonctions de la tenue
de l’instrument sont assurées par la main gauche, ce qui pousse
inévitablement à serrer excessivement le manche. Cette manière de tenir le
violon comporte de réels inconvénients, c’est pourquoi on trouve dans la
littérature spécialisée autant de tentatives de créer un placement de la main
gauche qui permettrait de trouver un point d’appui différent sur le manche.
Dans son manuel cité plus haut, Voicu (12) émet une supposition
parfaitement correcte que seuls les mouvements libres et naturels de tout
le corps assurent l’acquisition d’une bonne technique. Il produit cependant
une série de conclusions erronées en ce qui concerne le maintien du
manche. Il propose notamment de réduire au maximum le rôle du pouce
dans la tenue de l’instrument, car, selon lui, celui-ci n’acquiert une certaine
signification que dans les positions supérieures, lorsque, logé dans la
concavité du manche, il sert d’appui aux doigts au moment de vibrer, c’est-
9 On le voit nettement chez les débutants qui éprouvent de la fatigue et le
besoin de relâcher le bras après seulement quelques minutes d’exercices dans
une position correcte.
106
à-dire au moment où la main ne touche plus l’éclisse. Ainsi, le manche
reposerait sur le coussinet de la première phalange de l’index, qui, selon
Voicu, est un point d’appui nature Ceci conduit à plusieurs conséquences
négatives.
107
Il faut souligner que toutes les “Écoles”, mises à part celles de
Mikhaïlovsky, Voicu et Campagnoli, recommandent de tenir le manche du
violon entre le pouce et l’index. C’est en effet la méthode la plus utilisée
dans la pratique. Par exemple, dans l’”École” du Conservatoire de Paris,
Rode, Baillot et Kreutzer (33) signalent que le violon doit être soutenu et
très légèrement serré entre la deuxième phalange du pouce et la troisième
phalange de l’index. Il ne doit surtout pas toucher la concavité entre ces
deux doigts.10 “L’École” de Baillot (47), parue en 1834, donne une
indication encore plus précise la pointe de l’archet doit pouvoir passer dans
l’espace ainsi créé entre le manche du violon et la paume de la main. Les
représentants de l’ancienne et de la nouvelle école française, comme
Alard (1), Léonard (64), Pennequin (67), ont des avis analogues.
Tout cela montre clairement que l’opinion de Mikhaïlovsky ne
correspond pas à la réalité. En effet, il refuse le placement qui, créé
exclusivement par l’école allemande, est devenu, selon lui, suranné et n’est
plus utilisé depuis longtemps par les violonistes. Comme on le constate, les
écoles allemandes, mais aussi l’école française classique actuelle, se servent
de cette position.
108
coordination. Par conséquent, l’apprentissage de ces mouvements doit se
dérouler essentiellement en tenant compte de leurs interactions.
109
avec la main gauche, (des mouvements d’aller-retour de la Ie position à la
IIIe). Cet exercice simple est très efficace, car il permet à l’élève d’apprendre
dès le début, et par sa propre expérience, que la main gauche n’est pas rivée
au manche. Cela se révèle très utile plus tard, lorsque l’on perfectionne la
coordination des mouvements. De plus, l’élève intègre simultanément la
représentation exacte de la tenue de l’instrument et du rôle que jouent le
menton, la clavicule et la main gauche.
Enfin, et ceci est sans doute le point le plus important, les conditions
de l’obtention du réflexe doivent être déterminées par les problèmes que le
réflexe est censé résoudre. Si 1’on travaille le réflexe de la tenue
décontractée du violon, dans le but d’obtenir le déplacement libre de la
main le long du manche, on ne doit surtout pas s’y consacrer sans que
toutes les conditions ne soient réunies. Et inversement, les bonnes
conditions doivent être obligatoirement présentes au début de tout travail
sur le réflexe. C’est pourquoi, l’analyse profonde et détaillée des conditions
du travail sur un réflexe donné doit à tout prix précéder le travail réel sur
le réflexe, sans oublier de tenir compte des particularités de l’élève. Dans le
cas contraire, l’apprentissage peut se révéler inadapté et même nuisible.
110
indications est de prévenir un appui insuffisant. Beaucoup de manuels, et
surtout des manuels allemands, emploient les termes “solide”, “fort”, etc,
qui supposent non plus un appui suffisant, mais un appui plutôt intense.
Les manuels de Kayser (59), de Jockisch (58), de Walther (11)
recommandent quant à eux un appui réellement très important. Jockisch
conseille, par exemple, de s’habituer dès le départ à ce que les doigts
arrondis tombent sur la touche d’une hauteur suffisante, “comme des petits
marteaux”, et avec une force considérable. Il estime que l’intensité du son
dépend uniquement de l’archet et que les doigts de la main gauche doivent
toujours appuyer “fortissimo” sur la corde, même lorsque l’on joue
“pianissimo”. On ne peut pas être d’accord avec ce point de vue: sans
évoquer la tension et la dépense d’énergie inutiles qui gênent le mouvement
de la main gauche, l’appui excessif des doigts entraîne une réaction du
pouce ce qui contraint la main à serrer davantage le manche du violon.
111
Ces exemples prouvent bien que le procédé étudié ne peut être
identique dans les conditions de jeu différentes. Toutefois, bien que les
conditions soient extrêmement variables, il ne faut pas oublier que le procédé
technique n’est jamais un but en soi, mais seulement un moyen permettant
d’obtenir la sonorité définie par un problème musical particulier. Par
conséquent le caractère et le degré d’appui des doigts sur les cordes doivent
être définis, dans tous les cas sans exception, uniquement par les exigences
esthétiques qui correspondent au contenu musical de l’œuvre, et non pas par
des considérations purement formelles. Seul le contrôle de la sonorité, qui
est fonction du contenu musical, peut clarifier le problème de la qualité des
procédés techniques, y compris celui du caractère de l’appui.
112
directement, d’une part, des exigences de la dynamique du jeu et de la
nature de la liaison des sons, d’autre part de la distance du démanché, et
enfin du tempo dans lequel ces liaisons sont exécutées.
113
Toutefois, on peut difficilement reconnaître l’utilité de cette méthode.
La pratique montre que la pression excessive ou la surélévation des doigts
diminue sensiblement la qualité du son et du vibrato, et limite l’aisance
générale des mouvements et 1’agilité des doigts. Ce défaut reste, sans aucun
doute, l’une des raisons principales des difficultés du déplacement de la
main gauche sur la touche.
114
n’acquièrent leur signification que dans le contexte des problèmes de
l’interprétation, plus encore, elles y sont totalement soumises.
Struve (39) avait à ce sujet une opinion différente. Il pensait qu’il était
possible d’utiliser les deux procédés, mais que le choix entre les deux devait
se faire non pas en fonction des problèmes de méthode, mais uniquement
en fonction de la complexion du violoniste, c’est-à-dire de ses particularités
anatomiques. Les violonistes qui ont des épaules basses doivent opter, selon
lui, pour deux points d’appui, car s’ils fixent l’instrument uniquement avec
le menton, ils soulèvent considérablement l’épaule gauche et contractent
les muscles du bras. Inversement, un seul point d’appui convient aux
violonistes qui ont des épaules hautes. Struve estime, tout comme
Nemirovsky, que fixer le violon en deux endroits nécessite une coordination
spéciale entre les mouvements du pouce et les déplacements de la main
115
gauche le long de la touche. Mais lorsque la coordination est insuffisante,
Struve penche pour l’utilisation du coussin, car cela évite de soulever
l’épaule et crée des conditions favorables au maintien du violon en un seul
point d’appui, tout en rendant inutiles les mouvements auxiliaires du
pouce.
116
Struve (39) partageait cette opinion. Pourtant, il croyait que si le violoniste
avait des épaules hautes, il ne subissait pas cette contraction, alors que la
pratique montre que la contraction existe bien dans les deux cas, mais
qu’elle se manifeste différemment.
13 Dans la classe de Yuri Yankelevitch, tous les étudiants utilisaient, non pas le
coussin, mais une épaulière Kun. Cette fixation ne touchait pas le fond du
violon, contrairement au coussin, et n’assourdissait pas le son.
117
expressive des sons, (fig. 20). La préparation du pouce crée une sorte
d’appui et assure une exécution sereine.
Campagnoli (48) considérait que le pouce devait être placé “en face du
si sur la corde de Sol”, (c’est-à-dire en face de la note fa#). Auer (5) pensait
qu’il devait prendre place vis-à-vis de la note fa sur la corde de Ré. L’”École”
de Bériot (7) indique que le positionnement du pouce se fait entre le la et
le si sur la corde de Sol. Singer et Seifriz (70) sont eux aussi de cet avis,
mais ils soulignent que le pouce doit être incliné plutôt vers le la que vers
le si. Joachim et Moser (57) recommandent de placer le pouce contre
l’index, posé, lui, à la distance d’un ton par rapport à la corde à vide, c’est-
à-dire contre le la. Walther (11) et Koeckert (60) occupent dans ce débat les
118
positions extrêmes. Ainsi, Walther croit que le bout du pouce doit être
orienté vers le violoniste et non pas vers la tête du violon. Et Koeckert, au
contraire, conseille de l’orienter le plus loin possible vers la tête du violon.
Étant donné que le pouce n’a pas de fonction directe dans le jeu, son
placement doit être déduit de l’aide qu’il apporte à l’activité des autres
doigts. C’est pourquoi son placement dépend de toute une série de
conditions: des propriétés anatomiques de la deuxième articulation du
pouce qui lui donne son orientation14, de la longueur des autres doigts, du
rapport entre la longueur du pouce et les autres doigts, de la largeur de la
paume etc. Par exemple, si l’auriculaire est trop court, sa tâche est rendue
plus difficile. Il faut donc le compenser en écartant davantage le pouce en
arrière, vers la tête du violon, plus que la structure de l’articulation du
pouce ne laisserait envisager, car ce mouvement du poignet facilite l’activité
de l’auriculaire. Ainsi, les violonistes adaptent le placement du pouce aux
particularités anatomiques de leur main. On pourrait alors supposer que
chaque auteur, parmi ceux qui ont été cités, recommande précisément la
position qu’il trouve la plus adaptée à lui-même. Or, le pédagogue ne doit
jamais partir de la structure anatomique de sa propre main mais de celle
de son élève.
119
les positions inférieures. Chez certains violonistes cette position “basse”
devient constante et fait que l’extrémité du pouce ne touche pas le manche.
Ceci est très caractéristique de l’école tchèque. Une telle position est la
conséquence de vouloir conserver la même position de la main sur toute la
longueur de la touche. D’après Eberhardt (50), ce placement était
recommandé par Sevcik.
Cependant cette préparation ne doit pas être obligatoire dans tous les
cas. Parfois le pouce peut descendre sous le manche, en exécutant un
mouvement autour de la saillie du manche, tandis que la main se déplace
le long de la touche. Ce glissement est une conséquence des adaptations
individuelles du violoniste, il permet de passer par une série de
mouvements intermédiaires. En IVe ou en Ve position, on a le choix entre
deux placements du pouce: soit on conserve celui qui correspond aux
positions inférieures, soit on choisit de garder le pouce sous le manche,
comme dans les positions supérieures. Le choix est déterminé par le
mouvement qui suit dans le contexte musical.
120
cours du passage des positions intermédiaires vers les positions supérieures,
il est fréquemment accompagné par l’inversion de la courbure du poignet en
sens contraire du mouvement. Cela complique considérablement le jeu dans
les tempos rapides.
Fig.21.
121
Campagnoli dit très explicitement que dans les positions supérieures, il est
nécessaire de faire glisser le pouce du dessous du manche jusqu’à l’éclisse
du violon, (que le menton doit alors serrer davantage), pour ne pas le laisser
échapper à cause de la perte de l’équilibre provoquée par le changement du
point d’appui. Les autres “Écoles”, et principalement les allemandes,
interdisent catégoriquement d’utiliser ce procédé. Jockisch écrit
notamment dans sa “Catéchèse du violon et de son jeu” que le pouce ne doit
jamais quitter le manche.
122
Le retour de la main gauche des positions supérieures vers les
inférieures est accompagné par l’abaissement du pouce qui retourne à sa
position normale sans toucher le manche du violon. Ce procédé est fort
utile dans les cas illustrés par la figure 23:
Comme on l’a vu, les fonctions du pouce sont très diverses, souvent
complexes, et demandent beaucoup de souplesse et d’agilité. Elles dépendent
étroitement de l’état général de toute la main gauche. Et inversement,
l’activité de la main reflète le placement du pouce et ses fonctions.
L’angle sous lequel les doigts arrivent sur la touche a également une
grande importance. Il dépend en partie des particularités anatomiques du
violoniste, mais quelles que soient ces particularités, la position la plus
rationnelle pour les doigts est de former un léger angle par rapport à la
corde. Il doit rester peu important et ne jamais se transformer en angle
droit. On assure ainsi les meilleures conditions pour l’aisance de la main
gauche et la qualité du son.
123
Un autre facteur important de l’aisance des mouvements de la main
gauche est l’angle formé par les doigts et la touche, en fonction de la
courbure de cette dernière. Mikhaïlovsky (26) traite cette question en
profondeur. Il montre que les doigts doivent suivre la normale à la tangente
de la touche. Effectivement, dans cette position, la surface de l’extrémité du
doigt qui touche la corde est maximale. Cela améliore la qualité du son et
assure une meilleure stabilité au doigt pour les changements de position. Si
l’on modifie cet angle, on observe comme conséquence négative un certain
étirement de la corde sur le côté, (de la corde de Sol vers la corde de Mi).
L’angle correct, formé par les doigts et la corde, est obtenu en tournant
la main en fonction de la position du coude. Si la direction des doigts change
en fonction de la courbure de la touche, le placement du coude doit changer
également. Le coude se déplace légèrement à gauche si les doigts sont sur la
corde de Mi, alors qu’il rentre à l’intérieur si les doigts sont sur la corde de Sol
Par ailleurs, le placement du coude dépend de la manière de tenir l’instrument:
plus elle est horizontale et plus le coude se déplace à droite, sous le violon, et
inversement. D’autre part, lorsque la main se trouve dans les positions
supérieures, la position du coude est plus décalée vers la droite que dans les
positions intérieures. Par conséquent, le coude atteint sa position extrême, à
droite, lorsque la main se trouve dans les positions supérieures sur la corde de
Sol. Selon le même raisonnement, le coude est décalée le plus à gauche,
lorsque la main se trouve dans les positions inférieures sur la corde de Mi.
124
6. Les aspects particuliers des changements de
position au cours du mouvement descendant. Les
problèmes de coordination entre les principaux
mouvements du bras et de la main gauche au cours
des changements de position.
L’une des conditions primordiales de la haute technicité de la main
gauche est l’exécution irréprochable des changements de position. L’analyse
détaillée des différents démanchés fera l’objet des chapitres suivants. Celui-
ci sera consacré aux techniques générales des changements de position.
125
L’autre distinction notable entre les mouvements ascendant et
descendant est la spécificité de l’intonation. Elle présente une difficulté en
elle-même, car si dans une suite de notes ascendante les doigts tombent sur
la corde pour produire les sons, dans un passage ascendant, au contraire,
ils se soulèvent. Cela crée un problème supplémentaire qui consiste à
préparer le doigt avant de jouer la note. C’est ce qui explique pourquoi le
doigté de la gamme ascendante diffère de celui de la gamme descendante.
Dans la gamme ascendante, on alterne le plus souvent l’index et le majeur,
(fig.24), tandis que dans la gamme descendante, on passe à l’annulaire, ou
même à l’auriculaire, pour préparer les autres doigts à réaliser les deux ou
trois notes suivantes, (fig.25). Si l’on essaie d’utiliser le doigté inverse,
comme d’alterner l’index et le majeur dans une gamme descendante, on
constate que c’est nettement moins commode.
Fig.24. Fig.25
126
Cependant, il n’est pas rare qu’au cours du perfectionnement de ces
mouvements l’attention se porte essentiellement à la forme extérieure du
mouvement et que son lien direct avec la sonorité passe au second plan. Les
exemples tirés de l’enseignement de la technique des deux mains sont très
nombreux. Le travail sur les coups d’archet, par exemple, est très
significatif. Lorsque l’on ne tient pas suffisamment compte de ses résultats
sonores, il se transforme parfois en exercice de gymnastique pure pour tout
le bras droit, ou seulement pour certaines parties du bras. En ce qui
concerne le bras gauche, ce défaut apparaît le plus souvent au cours du
travail sur les démanchés.
127
sérieusement gêné dans ses déplacements. Seul l’apprentissage méthodique
de la bonne coordination des deux mouvements assure leur unité et
garantit une entière liberté à l’activité de la main gauche.
128
La mauvaise coordination des mouvements est un problème très
actuel. Il faut remarquer qu’elle est due en grande partie à une maîtrise
insuffisante des mouvements horizontaux, directement liés aux
démanchés. Les changements de position, qui demandent de rassembler les
différents éléments du mouvement en un seul, conduisent au contraire,
dans le cas d’une mauvaise coordination, à la rupture de l’unité.
Les exemples suivants illustrent bien cette méthode. Le n°26 est tiré
de l’ouvrage de Yampolsky et les n°s 27 et 28 de celui de Mostras:
Fig.26.
a)
b)
129
Fig.27.
a)
b)
Fig.28.
a)
b)
130
Lorsqu’il enseigne les mouvements corrects des démanchés, le
professeur doit constamment attirer l’attention de l’élève sur la qualité de
ses mouvements, qui est en étroite relation avec la qualité sonore, étant
donné que les sensations et les techniques qui permettent d’atteindre la
souplesse, la légèreté et 1’élasticité dans les déplacements horizontaux de la
main, ne peuvent être obtenus que dans ces conditions. L’élaboration et la
consolidation de ce genre d’acquis détermine en grande partie, sinon en
totalité, la qualité des mouvements sans laquelle le violoniste ne peut pas
réaliser les portamentos souples et diversifiés de la cantilène, ni rendre les
changements de position légers et imperceptibles.
On doit commencer à travailler tous ces procédés dès que l’on débute
le violon. Ils doivent être le fruit d’un enseignement régulier et méthodique.
131
violonistes le phénomène suivant: la main, guidée par l’avant-bras, devance
le mouvement du doigt et se déplie légèrement dans la direction de la tête
du violon. En se redressant, elle entraîne l’index dans son mouvement.
L’index glisse sur la corde et reprend finalement sa forme normale au
moment où le majeur appuie sur la corde. On l’observe encore mieux si le
tempo est lent. Lorsque celui-ci s’accélère, le volume des mouvements de la
main diminue, et à partir d’un tempo particulier, spécifique pour chaque
violoniste, il disparaît complètement.
Le jeu de David Oïstrakh est l’un des exemples les plus brillants de
l’adaptation individuelle des différentes parties du bras au caractère du
mouvement. L’aisance et la souplesse de ses mouvements lui permettaient
de résoudre ces problèmes avec une étonnante facilité.
132
Si on ne comprend pas que la décontraction de la main se trouve à la
base des mouvements corrects, on aboutit à de mauvais résultats. Le
mouvement anguleux et brusque, exécuté par saccades et qui rappelle
plutôt un saut qu’un glissement, est l’une des erreurs les plus répandues et
les plus nocives. Parmi ses causes on trouve l’appui trop prononcé sur la
corde. Au cours du changement de position, le doigt qui appuie fortement
sur la corde, se détache brusquement et s’arrête tout aussi brusquement en
atteignant une nouvelle position. Cela diminue la précision des doigts et
rend les changements de position bien audibles et anguleux si le tempo est
rapide, et surtout si l’on doit jouer legato. Dans certains cas, cela se
répercute même sur la souplesse du mouvement de l’archet.
133
changements de position par saccades compliquent au contraire la création
des liaisons sensori-motrices nécessaires et le travail sur la précision des
distances sur la touche.) De plus ce procédé est une excellente préparation
aux démanchés que l’on effectue dans la cantilène, où le contexte musical
demande fréquemment de lier certains sons au ralenti.
Nous avons déjà signalé que le travail de tel ou tel procédé est
accompagné par l’apparition et la consolidation des perceptions liées au
caractère des mouvements exécutés: à leur souplesse, leur forme, leur
rapidité, etc. Les exercices appropriés permettent d’intégrer efficacement
ces perceptions. C’est ainsi que plus tard elles réapparaissent non
seulement lorsqu’on exécute les mouvements concernés, mais aussi au seul
rappel mnémonique de ces mouvements, qui précède d’ordinaire le
mouvement. Dans la pratique pédagogique ce phénomène est appelé “pré-
sensation”. On doit souligner qu’un mouvement ne peut se dire acquis que
lorsque apparaissent ces “pré-sensations”.
134
certains changements de position qui seront examinés ultérieurement, (cf
chap.9). Le glissement assure également le lien ininterrompu avec
l’instrument et facilite à l’interprète la perception des distances.
135
fort), ainsi que le caractère du portamento, (“lyrique” ou “héroïque”), en
fonction du doigté. On développera cette question plus loin. Il est
parfaitement clair qu’étant donné que la classification proposée du
portamento ne tient compte que de son degré d’audibilité et ignore sa
qualité sonore et son caractère, cette classification est une approche
purement mécanique. De la même manière, il serait faux de mettre en
relation le caractère sonore du portamento et le doigté du changement de
position.
136
définit quatre catégories principales de démanchés: 1) le démanché est
effectué d’un seul doigt; 2) une corde à vide se trouve entre la position de
départ et la position d’arrivée; 3) la première note de la position d’arrivée
est jouée avec un doigt “supérieur” au doigt qui joue la dernière note de la
position de départ; 4) la première note de la position d’arrivée est jouée
avec un doigt “inférieur” au doigt qui joue la dernière note de la position de
départ.16
137
8. Les propriétés du caractère d’exécution des
différents démanchés. La dépendance des procédés
d’exécution des exigences artistiques.
17 s = seconde
138
Schéma 2. 1 div. = 0,01 s. Durée du démanché 0,23 s.
Les changements du même type ont été analysés ensuite, mais cette
fois dans un contexte musical précis.
139
Schéma 5. 1 div. = 0,04 s. Durée du démanché = 0,3 s.
140
Schéma 8. 1 div. = 0,03 s. Durée du démanché = 0,18
141
Schéma 11. 1 div. = 0,02 s. Durée du démanché = 0,29 s.
L’un des défauts les plus répandus que l’on remarque chez les
débutants est l’absence de souplesse en début de mouvement, ou au
contraire l’absence de l’accélération. Dans le premier cas le démanché est
nettement saccadé et dans le deuxième cas il possède un timbre désagréable.
142
Ainsi, il est indispensable de diminuer l’appui du doigt afin de conserver
l’aisance maximale au moment du changement de position, et surtout
lorsque la distance ou la vitesse du démanché augmente.
Cependant, il faut garder à l’esprit le fait que chez les débutants qui ne
maîtrisent pas encore parfaitement ce procédé, il peut conduire à un résultat
contraire à celui qui était espéré: diminuer l’appui de façon trop importante
pourrait ralentir le mouvement. Lorsque le doigt se soulève légèrement pour
exécuter le démanché et qu’il se pose à nouveau sur la corde au moment où
la note suivante est atteinte, il exécute un mouvement “dans la touche”, selon
l’expression de Yampolsky, et non pas “sur la touche”. C’est justement ce qui
ralentit le mouvement. On observe fréquemment ce phénomène au niveau de
l’auriculaire lorsque l’on joue les octaves.
143
Fig.31. Rimsky-Korsakov. Mazurka
Lesmann (23) montrait que lors d’un tel démanché, le doigt devait
changer de corde au même moment que l’archet. Il nous semble que le
procédé proposé par Zeitlin est plus justifié. Il propose de se préparer au
préalable à jouer une quinte, c’est-à-dire de poser le doigt sur les deux
cordes en même temps. Dans ce cas, le démanché se fait uniquement avec
l’archet. Nous considérons que lorsque le démanché coïncide avec le
changement de coup d’archet, il est possible d’utiliser un autre procédé: il
s’agit de faire glisser le doigt sur la corde où l’on joue la note initiale si le
glissando se rapporte au coup d’archet initial, et inversement, de faire
glisser le doigt sur la corde de la note finale si le glissando se rapporte au
coup d’archet suivant. Lorsque le démanché coïncide non seulement avec
un changement de corde mais aussi avec l’activité des autres doigts,
(accords, doubles-cordes), le seul procédé possible est alors de faire glisser
le doigt sur la corde initiale et de le transférer ensuite.
144
Fig.33. Kreisler. “Caprice viennois”
Fig. 36. a) b)
c) d)
145
L’analyse oscillographique des démanchés de cette catégorie montre
clairement quelles sont les limites réelles du mouvement du doigt
effectuant la liaison, et dans quelle mesure la note atteinte correspond à la
note dite auxiliaire.
146
On met nettement en évidence une coupure semblable pour un autre
démanché effectué sur la même distance do-sol, (schéma 14). Comme le
montre la courbe, le doigt qui exécute la liaison n’atteint que la note ré, et
encore reste-t-il un quart de ton en dessous, alors que la note auxiliaire est
théoriquement mi. Par conséquent, la coupure dépasse ici un ton.
147
Dans un autre cas, l’analyse du changement de position sol #- si
(extrait tiré du concerto de Rakov), effectué par Oïstrakh (schéma 17),
montre une coupure d’un ton, ce qui est considérable; tandis que Tsiganov
(schéma 18) en exécutant ce même changement de position atteint
pratiquement la note auxiliaire.
148
Schéma 19. 1 div. = 0,013 s. Durée du démanché = 0,173 s.
149
Schéma 21. 1 div. = 0,013 s. Durée du démanché = 0,106 s.
150
Schéma 23. 1 div. = 0,013 s. Durée du démanché = 0,187 s.
151
La spécificité des démanchés de ce type, liée à la qualité de la
sonorité, est l’affaiblissement progressif de l’appui du doigt jusqu’à son
complet redressement au moment où l’on pose le doigt suivant. Mais dans
certains cas, lorsqu’il est indispensable de préparer la note suivante,
(comme pour un démanché avec glissando), l’affaiblissement de l’appui du
doigt peut se faire sans soulever le doigt de la corde.
152
et de mauvais goût”, selon l’expression de Yampolsky (45, p.108). À ce sujet,
Spohr (71), par exemple, arrive à une conclusion fort catégorique. Il
demande de ne pas utiliser le glissement du doigt qui suit le doigt effectuant
le démanché, car ce moyen ne permet pas d’éviter un effet sonore
désagréable. David (49) , Alard (1) et d’autres, refusent d’utiliser ces
démanchés en tant que moyen d’expression et ne l’admettent que rarement,
comme un moyen purement technique qui facilite la résolution des
problèmes bien spécifiques. David note que le glissement du doigt qui joue
la deuxième note n’est possible que “dans des cas exceptionnels et dans les
sauts importants vers les positions supérieures”. Alard écrit de même que
les démanchés de ce type ne peuvent être employés que comme exception,
(à la place des démanchés de la 2e catégorie), et uniquement lorsque les
notes liées sont séparées les unes des autres par une ou plusieurs cordes. Ce
n’est plus alors le doigt initial qui exécute le glissement mais un autre doigt.
153
Fig. 40.
(faux) (juste)
Toutefois les enregistrements oscillographiques montrent que pour ce
démanché, (extrait tiré du Concerto de Glazounov et du Concerto n°5 de
Vieuxtemps, interprétés par Oïstrakh, Rabinovitch et Tsiganov), le
glissement de liaison ne débute jamais par une note auxiliaire, (voir les
schémas ci-dessous). Dans tous les cas sans exception ce glissement débute
plus ou moins près de la deuxième note et constitue, selon l’expression de
Mostras, “une passerelle” qui conduit à cette note.
154
Schéma 27. 1 div. = 0,034 s. Durée du démanché = 0,25 s.
155
Schéma 30. 1 div. = 0,03 s. Durée du démanché = 0,17 s.
156
Si l’on compare les deux exemples précédents, on constate aisément
que tous les interprètes jouent le portamento plus lentement dans le
deuxième cas que dans le premier. Il ne fait aucun doute que la différence
principale réside dans le caractère même du contexte musical, plus sensuel
et sentimental chez Vieuxtemps, et plus noble et sévère chez Glazounov.
Fig. 42.
Fig. 43.
157
En réalité, les deux méthodes étaient aussi peu justifiées l’une que
l’autre même si leur but était d’assurer une liaison souple des notes. Le sens
musical et l’expressivité du démanché étudié réside dans l’établissement
d’une liaison ininterrompue entre les sons. C’est pourquoi, le glissando n’y
a pas sa place, qu’il sorte des limites des notes liées si l’on utilise la note
auxiliaire “supérieure”, ou qu’il commence en-dessous de la note initiale si
l’on utilise la note auxiliaire “inférieure”.
158
Schéma 33. 1 div. = 0,025 s. Durée du démanché = 0,15 s.
159
La courbe qui représente le glissement de liaison est soit une ligne
continue, soit elle s’en rapproche fortement. Comme on l’a déjà souligné, la
ligne continue est 1’une des caractéristiques des démanchés de la le
catégorie qui sont effectués avec un seul doigt. étant donné que dans les
démanchés de la 4e catégorie, la note initiale est jouée d’un doigt et la
suivante d’un autre, on peut supposer que dans ce cas on alterne les doigts
au cours du glissement. D’autre part, plus l’alternance est harmonieuse et
plus elle se fond dans le mouvement général du bras, plus la courbe du
changement de position se rapproche de la ligne continue. On peut donc
dire, d’après le schéma 32, que le mouvement général de la main est
légèrement ralenti, et que le doigt qui effectue le remplacement refait le
trajet déjà parcouru par le doigt précédent, même si la distance n’est que
d’un quart de ton environ. Le schéma 35 illustre le phénomène inverse: le
mouvement de la main est légèrement accéléré, et le doigt qui effectue le
remplacement est déporté un peu plus loin au lieu de reprendre le glissando
au même endroit. C’est pourquoi une légère interruption apparaît sur le
schéma. Cependant ces interruptions sont si peu significatives et d’une si
courte durée, qu’elles ne sont perçues que par un appareil de mesure très
sensible. On pourrait supposer que dans des conditions de jeu plus
difficiles, lorsque le changement de position n’est pas exécuté par des doigts
voisins mais par des doigts “extérieurs”, (le Ier et le 4e), l’utilisation de
notes auxiliaires soit indispensable. On peut étudier ce problème à l’aide de
données oscillographiques, (voir schémas 37 à 43).
160
Schéma 38. 1 div. = 0,017 s. Durée du démanché = 0,153 s.
Ainsi, on voit clairement que les notes auxiliaires ne sont pas utilisées
en tant que moyen d’exécution des changements de position quelque soient
les doigts qui les effectuent.
161
Schéma 41. 1 div. = 0,03 s. Durée du démanché = 0,09 s.
On remarque que certains démanchés qui ne sont pas joués par des
doigts voisins, (voir schémas 37, 38, 40 et 42), sont représentés par une
courbe comportant une interruption. Cette interruption est due aux
particularités de coordination des mouvements de la main, dont fait aussi
partie le remplacement d’un doigt par un autre.
162
Les oscillogrammes 39 et 43 sont des exemples intéressants d’une
coordination de type intermédiaire, la trajectoire du doigt initial
“supérieur” n’est pas reprise par le doigt qui le suit au cours du mouvement
de translation de la main; le doigt “inférieur” n’est pas non plus déporté au-
delà du point de la touche où le doigt “supérieur” termine son glissement.
Bien au contraire, il y termine son mouvement.
C’est pour cette raison que la durée de la note, qui se trouve à ce point
de la touche, augmente et que l’on observe une ligne continue sur le
graphique, ainsi qu’un certain redressement de plusieurs segments de la
courbe.
Mais ce sont les schémas 31, 33, 34, 36 et 41 qui illustrent le plus
clairement la coordination des mouvements. Les courbes qui caractérisent
le glissement de liaison ne sont pas interrompues.
Fig. 44.
163
Les principes de l’exécution des démanchés de la 4e catégorie restent
les mêmes lorsque les démanchés ne sont pas effectués par des doigts
voisins. Seul le mouvement du bras s’accélère, puisqu’il est nécessaire de
faire parcourir une distance plus importante au doigt qui remplace le doigt
initial, étant donné que les doigts sont plus éloignés l’un de l’autre.
Fig. 45.
Fig. 46.
164
notes descendantes. En revanche, ils sont plus rares dans la cantilène où
l’on ne s’en sert que si l’on peut les jouer avec les doigts voisins; dans les
autres cas, on les remplace par des démanchés d’autres catégories.
165
Fig. 47.
166
Les deux dernières sous-catégories peuvent être utilisées également
dans le mouvement descendant.
Jusqu’à présent nous avons examiné les démanchés effectués sur une
seule corde. Cependant, on utilise aussi les démanchés de ce type pour
167
relier les notes qui se trouvent sur des cordes différentes. Dans ce cas,
quatre variantes de démanchés sont possibles: les deux premières
concernent le mouvement ascendant, (fig. 53, a et b), et les deux autres le
mouvement descendant, (fig. 53, c et d) :
Fig. 53.
a)
b)
c)
d)
168
Fig. 57. Goedicke. Étude
169
Toute une série de manuels démontre le bien-fondé de l’utilisation des
notes auxiliaires “hautes” ou “basses” pour ces démanchés, comme cela a
été conseillé pour les démanchés de la 4e catégorie effectués sur une seule
corde. La note auxiliaire se trouve toujours sur la corde où l’on réalise le
glissement de liaison.
Fig. 63.
L’utilisation des notes auxiliaires est rendue encore plus difficile par
le glissement de liaison qui s’oppose au sens du mouvement, ce qui a
tendance à séparer encore davantage les notes qui auraient dues être liées.
170
certains changements de position de la 2e catégorie, il est fort recommandé
d’utiliser le glissement que l’on effectue avec le doigt qui suit le doigt initial.
La sonorité acquiert alors une plénitude comparable au chant vocal:
171
les employer dans la cantilène. Ils doivent être réalisés de la façon la plus
discrète possible à l’aide de tous les moyens qui ont été cités.
Nous devons souligner également que lors des sauts effectués vers les
positions supérieures, la main se crispe si l’on utilise les notes auxiliaires;
les utiliser dans ce cas précis ne serait donc pas judicieux. L’exemple
suivant permet de s’en rendre compte:
172
Fig. 69. Paganini. Danse des sorcières
L’une des causes qui faussent l’intonation au cours des sauts est, selon
Mostras (26), le vibrato, qui, exécuté simultanément, amoindrit la
perception des distances.
Afin que l’intonation reste juste lors des sauts sur des distances
importantes, nous conseillons de s’exercer en effectuant des sauts sur des
distances différentes et en les comparant ensuite. Ces exercices contribuent
à éduquer la bonne évaluation des distances de la touche, “le coup d’oeil
juste”, selon l’expression de Yampolsky, et donnent de l’assurance pour
exécuter les sauts.
1. Tout d’abord on exécute les sauts d’une même note vers des positions
différentes. On peut utiliser les deux variantes de l’exercice ainsi que leur
combinaison :
b) le démanché se fait sur des doigts différents mais sur une même
note.
173
liaisons audio-motrices ne peuvent être créées que par cette voie et non par
un entraînement purement mécanique. Les démanchés dont les notes
situées dans des positions différentes sont séparées par un silence, sont
eux-aussi classés dans les cas particuliers.
Fig. 72.
174
L’analyse des différents procédés nous a permis de considérer d’une
manière plus critique leurs principaux éléments et de déterminer le chemin
correct de leur apprentissage. En revenant encore une fois à la question de
l’utilisation des notes auxiliaires, on doit remarquer que ce procédé est
parfaitement justifié au début de l’apprentissage, car il contribue à affiner
la perception des distances sur la touche et à ajuster le placement des doigts
dans la nouvelle position. Mais on ne doit pas l’utiliser trop longtemps pour
que les voies réflexes ne se mettent pas définitivement en place et ne
freinent pas le développement ultérieur.
Fig. 74.
a)
b)
175
Comme le constate Mostras (26), l’utilisation de la corde à vide
trouble parfois également la coordination des mouvements des doigts et
devient ainsi la cause des erreurs techniques. Dans l’extrait tiré du “Coq
d’or” de Rimsky-Korsakov par exemple, on remarque que les erreurs sont
le plus souvent faites non pas dans la partie la plus technique, (dans l’octave
supérieur), mais justement après la corde à vide.
176
Il est clair que dans ce cas précis on ne peut en aucune manière
critiquer l’utilisation du portamento, car si l’extrait choisi avait été écrit
dans une autre tonalité où la note plus basse n’aurait pas été la corde à vide,
l’utilisation du portamento n’aurait pas posé problème. Dans la pratique, le
caractère de la musique peut exiger de rendre plus expressive la liaison
entre deux notes et donc d’employer le portamento entre deux notes de la
même position.
Lorsqu’il s’agit d’effectuer une liaison entre une corde à vide et une
note plus aiguë, on ne remet plus en question la possibilité de faire glisser
le doigt qui joue cette note, (de façon analogue au démanché de la 3e
catégorie), si cela est justifié par le caractère de la musique. Il est
intéressant de remarquer que ces démanchés permettent également de faire
glisser le doigt à partir de la note initiale, (comme pour les démanchés de
la 2e catégorie), en utilisant le procédé décrit par David (49) qui consiste à
poser le majeur sur la corde derrière le sillet et de le faire glisser à partir de
cet endroit. Ce procédé se révèle quelquefois extrêmement judicieux et
contribue à élargir les possibilités expressives du portamento.
177
Fig. 78.
Fig. 80.
178
Fig. 82.
Fig. 83.
Fig. 84.
Cet exercice diffère radicalement de celui qui est proposé par Flesch
pour les démanchés effectués à l’aide de notes auxiliaires. Les exercices où l’on
fait intervenir les notes auxiliaires concernent l’apprentissage du mouvement
différent de celui qui doit être utilisé dans la pratique, alors que l’exercice que
l’on propose est axé précisément sur le procédé indispensable dans ce cas.
179
Les démanchés effectués à partir des harmoniques, décrits ci- dessus,
sont le plus souvent employés lors du mouvement descendant de la main,
bien qu’il soit parfois possible de les utiliser au cours du mouvement
ascendant.
Le glissando chromatique.
180
l’élasticité du mouvement puisse être conservée. Afin d’effectuer le
glissando chromatique dans les meilleures conditions, tous les
mouvements cités doivent être parfaitement coordonnés.
181
La méthode d’apprentissage du glissando chromatique, proposée par
Yampolsky, est de ce point de vue fort intéressante. Ainsi, pour travailler
certains passages du Concerto de Wieniawski, (fig. 87), il recommande les
exercices présentés ci-dessous. Le premier, (fig. 88), esquisse le mouvement
général de la main en tenant compte de l’accélération qui se produit dans
les positions inférieures; et le deuxième, (fig. 89), tout en conservant les
éléments principaux du mouvement de progression général, remplit les
intervalles par de petits déplacements saccadés de demi-ton:
Fig. 87.
Fig. 88.
Fig. 89.
182
Le glissando chromatique descendant est le plus souvent effectué par
le troisième doigt. Mais les exercices qui font travailler les autres doigts
sont également utiles; par exemple, ceux qui font intervenir le premier et le
quatrième doigts développent en même temps la technique des octaves,
alors que ceux conçus pour le deuxième et le troisième sont une bonne
préparation pour les gammes chromatiques en sixte.
183
10. Les démanchés en doubles-cordes, (octaves et
dixièmes tierces et octaves doigtées, sixtes et
quartes).
La technique des démanchés que l’on effectue sur des doubles-cordes
a pour fondement celle des différents démanchés étudiés dans les chapitres
précédents. Sa particularité est le double démanché effectué
simultanément sur deux cordes. Afin de systématiser notre approche nous
regroupons les doubles-cordes de la manière suivante: 1) les octaves et les
dixièmes, 2) les tierces et les octaves doigtées, 3) les sixtes et les quartes.
Les octaves
184
Mostras remarque à ce propos que le quatrième doigt devient un
point d’appui lors du mouvement ascendant, mais lors du mouvement
descendant c’est le premier doigt qui joue ce rôle.
Fig. 91.
Fig. 92.
185
La diminution et l’augmentation de la distance entre le premier et le
quatrième doigts se fait essentiellement grâce au rapprochement, ou à
l’éloignement de l’index dont la courbure change alors quelque peu, (elle
s’aplatit lorsque les doigts se rapprochent et inversement). Cela s’explique
par le fait que l’index se positionne et se meut dans des positions plus
basses que celles où évolue l’auriculaire, et où les distances entre les
intervalles sont évidemment plus grandes.
Nous estimons que l’on atteint les meilleurs résultats avec des
exercices qui font travailler simultanément les deux mouvements cités et
qui assurent une bonne coordination entre le mouvement graduel de la
main et la diminution, ou l’augmentation, de la distance entre le premier et
le quatrième doigts lors du démanché. La solution correcte de ce problème
est donnée, par exemple, dans l’exercice suivant conseillé par Sibor (36):
186
Fig. 94
Les démanchés effectués d’une paire de cordes sur une autre sans
la corde à vide sont très complexes, puisqu’on déplace simultanément deux
doigts dans une position et sur des cordes différentes. La littérature
spécialisée reste muette sur les procédés d’exécution de ces démanchés, ce
qui a permis à Flesch (41) de nommer ses propres recommandations, “le
saut dans l’inconnu”. Quant à Voicu (12), il propose de les effectuer de la
manière suivante :
Fig. 95.
Selon Voicu, lors d’un tel démanché les doigts qui ont été transférés
dans la première position doivent glisser sur mi bémol, (sur les cordes de
Ré et de La), sans perdre la sensation de contact avec les cordes. Ce procédé
se révèle cependant peu efficace, il est fondé sur le glissement simultané de
deux doigts qui entrave la mobilité de la main et altère la sonorité du
démanché par des impuretés. Il ne supprime pas le transfert simultané des
deux doigts sur les autres cordes. Son unique rôle est de les faire passer
dans la position de l’accord suivant.
187
Pour les démanchés descendants Zeitlin recommandait un procédé
légèrement différent: le majeur se positionne sur les deux cordes dès la
position initiale, ce qui fait qu’il glisse simultanément sur les deux cordes
lors du démanché. Mais ce procédé ne peut pas être utilisé par les
violonistes qui ont des doigts trop fins.
Fig. 98 a) b)
Si l’on veut maîtriser ces démanchés, l’un des exercices les plus
complets consiste à jouer les accords, (octaves), de trois notes. Le grand
nombre de démanchés que l’on effectue alors d’une paire de cordes sur une
autre contribue à développer la justesse de l’intonation dans des conditions
où la distance entre les doigts varie constamment sur les différentes parties
de la touche.
On joue souvent les octaves, (plus particulièrement dans les positions
supérieures), avec l’index et l’annulaire et non pas avec l’index et
l’auriculaire. Ceci en raison de la diminution de la distance entre les doigts,
et de l’amélioration de la sonorité dans certains cas.
La cantilène jouée par octaves possède quant à elle toute une série de
particularités spécifiques qui sont dûes au fait que tous les sons d’une
mélodie jouée par octaves sont reliés par des démanchés. Cela peut avoir
des effets néfastes sur la sonorité. Le désir de rendre imperceptibles les
démanchés dans la cantilène conduit vers la perte de son caractère
mélodieux. En revanche, lorsque les accords sont reliés par portamento, la
cantilène devient inacceptable du point de vue esthétique. C’est pourquoi il
est nécessaire de varier les procédés de liaison des octaves en fonction du
sens de la phrase musicale.
Si l’on n’utilise pas le legato pour jouer les octaves, mais des coups
d’archet séparés, il devient possible d’utiliser les différentes catégories de
portamentos.
188
Les dixièmes
Les dixièmes, comme les octaves, sont joués comme des démanchés
de la le catégorie que l’on exécute sur deux cordes en même temps. On
rencontre encore plus souvent ici, et d’une manière encore plus accentuée,
le défaut caractéristique du jeu par octaves, à savoir le déplacement
brusque par à-coups.
Fig. 99
189
l’intervalle correctement et donc à le jouer juste. On doit y faire
particulièrement attention car il n’est pas rare que les élèves abordent
l’étude des dixièmes sans les entendre avec une précision suffisante. Et
enfin, cet exercice contribue à créer un bon placement de la main puisqu’il
impose de replier l’index et non d’étendre l’auriculaire.
L’autre difficulté spécifique des dixièmes, qui cette fois les différencie
des octaves, est le déplacement des doigts sur des intervalles différents lors
de l’exécution des progressions diatoniques. Cependant, la difficulté ne se
limite pas à cela: même si les deux doigts franchissent le même intervalle,
les distances qu’ils parcourent ne sont pas identiques. On l’entend
particulièrement bien lorsque les deux voix montent d’un ton. L’explication
en est une très grande distance entre les doigts.
Fig. 100.
Fig. 101 a) b)
190
Lorsque la tonalité ne comprend pas de corde à vide, on peut
recommander le procédé que Yampolsky propose pour des cas analogues
d’octaves, (voir fig. 96).
Fig. 102.
Les tierces
Pour jouer les tierces on peut utiliser toutes les catégories principales
des démanchés.
On subdivise les démanchés que l’on effectue avec les mêmes doigts,
(le catégorie), en deux sous-catégories. Dans la première, qui comprend des
démanchés de la tierce Majeure vers la tierce majeure et de la tierce
mineure vers la tierce mineure, on ne change pratiquement pas le
191
placement des doigts, (fig. 103 a) et b)). Et dans la deuxième, au contraire,
on modifie sensiblement leur placement lorsqu’on passe de la tierce
majeure vers la tierce mineure ou inversement.
Fig. 103.
a) Rachmaninov. Romance
Fig. 104.
a) Khatchatourian. Concerto, Ier mouvement
d) Rachmaninov. Romance
192
Pour les démanchés qui appartiennent à la deuxième sous-catégorie,
il faut tenir compte de la modification de l’écartement des doigts, (on les
écarte d’abord pour les resserrer ensuite, ou inversement), car prendre
conscience de cet aspect technique améliore la justesse de l’intonation.
Mais en réalité, il est préférable de commencer l’étude des tierces par les
démanchés de la première sous-catégorie, car leur difficulté est moindre.
Par ailleurs, cette catégorie, tout comme les octaves, obéit à la règle établie
pour les démanchés effectués avec un seul doigt, à savoir que le début de
mouvement est serein et qu’il est suivi d’une accélération.
193
Fig. 109. Dvarionas. Concerto, IIIe mouvement
Fig. 112.
Lorsque nous avons abordé les octaves, nous avons déjà noté
l’inutilité d’un tel procédé.
194
Fig. 114. a) b) c)
Il est évident que ce glissement ne peut pas être combiné avec les
notes auxiliaires et ne peut pas non plus suivre les mêmes règles que les
démanchés joués sur une seule corde.
La fonction de la main droite acquiert une grande importance pour les
démanchés où l’on passe d’une paire de corde sur une autre, étant donné
qu’au moment du contact de l’archet avec la corde “commune” on ne doit
pas percevoir l’interruption des deux voix. C’est pourquoi il faut parvenir à
rendre ce contact le plus bref possible, tout en conservant le caractère
souple et harmonieux du changement d’archet, mais sans le mettre en relief.
Le principe d’exécution de ces démanchés reste le même lorsque l’on
ne se sert pas de la corde commune. La distinction principale avec le
premier cas réside dans la manière d’effectuer le glissement de liaison.
Cette fonction est remplie par le doigt le plus proche des deux cordes sur
lesquelles se posent ensuite les deux doigts suivants.
20 Les démanchés analogues, que l’on exécute toujours avec les deux mêmes
doigts et qui correspondent aux démanchés de la 1e catégorie, sont peu
employés. Toutefois, nous pensons qu’il est nécessaire d’indiquer un procédé
plus rationnel. Il coïncide avec le procédé déjà décrit pour les octaves, dans
lequel on n’utilise pas la corde à vide:
Fig. 113.a) b)
195
Comme on le sait les tierces font partie des doubles-cordes les plus
utilisées. Largement présentes dans la cantilène, elles ont, tout comme les
sixtes, une sonorité très expressive. Ceci s’explique par le fait que les doigts
se placent plus près les uns des autres que sur les autres intervalles, (comme
les octaves et surtout les dixièmes), ce qui facilite considérablement le
vibrato, particulièrement important dans la cantilène.
On constate souvent que l’appui excessif des doigts sur les cordes et le
caractère brusque du démanché qui en découle, privent les démanchés de
la souplesse nécessaire et interrompt l’unité logique du mouvement
général. On a déjà remarqué à plusieurs reprises que tous ces défauts
constituent un frein important pour le jeu en général, et sont encore plus
prononcés lorsqu’il s’agit des doubles-cordes et des tierces en particulier.
196
segmenté conseillé par Flesch ne permet pas à l’élève de se concentrer sur la
sensation de l’unité du mouvement, car même si l’élève maîtrise parfaitement
chacun des trois éléments, il n’est pas certain qu’il maîtrise également la
liaison de ces éléments. D’autre part, il est clair que l’on ne doit pas concentrer
ses efforts de la même manière sur chaque élément, mais uniquement sur les
chaînons faibles. Ainsi, si l’on constate un ralentissement à cause de l’un de
ces éléments, on doit y remédier avec des exercices appropriés, mais même
dans ce cas, on doit alterner ces exercices avec le mouvement effectué dans sa
totalité. Ceci afin que l’élève ait une idée correcte de la place qu’occupe
l’élément concerné dans la totalité du processus.
Il est très important de trouver un doigté adapté pour pouvoir jouer avec
légèreté et décontraction les progressions en tierces, plus particulièrement
dans les registres inférieurs, où les démanchés se font d’une paire de cordes
sur une autre. Dans les registres supérieurs, où les démanchés sont au
contraire effectués sur la même paire de cordes, ce problème se réduit à faire
coïncider le démanché avec le temps fort.
Deux doigtés sont conseillés si l’on utilise les cordes à vide: 1. en passant
par la IIIe position (fig. 116); 2. en passant par la IIe position (fig. 117) :
Fig. 116.
Fig. 117.
197
De notre point de vue, le premier doigté ne peut être considéré
comme rationnel, surtout lorsqu’il s’agit du mouvement ascendant. Le
démanché vers la IIIe position que l’on effectue pour une seule note et sur
une distance relativement importante, freine considérablement la vitesse
d’exécution du passage, et c’est pourquoi, même parfaitement exécuté, il
introduit beaucoup de nervosité dans le passage. Ce doigté peut être utilisé
lors du mouvement descendant mais uniquement si l’on n’effectue qu’un
seul démanché et non une série de démanchés, ce qui n’est pas très
commode en particulier si l’on joue staccato. On doit également ajouter que
ce doigté, comme le souligne Flesch (41), interrompt la bonne tenue des
voix, extrêmement perceptible dans la cantilène :
Fig. 118.
Fig. 119.
S’aider des cordes à vide n’aurait pas été commode dans ce cas, car
les démanchés coïncideraient ainsi avec le temps faible et non avec le temps
fort, et seraient effectués de la tierce majeure vers la tierce mineure et non
le contraire.
198
et que les codes de La et de Ré ont un son moins éclatant dans les positions
supérieures. Mais le choix du doigté doit être fondé sur le principe déjà
évoqué de la simultanéité du démanché et de l’accent rythmique.
Ces deux doigtés peuvent également être utilisés dans les passages en
tierces dans les tonalités qui admettent l’utilisation des cordes à vide.
Fig. 121
199
Mais ce procédé, peu efficace pour les tierces, l’est encore moins pour
les octaves doigtées, car il est très difficile de faire ainsi glisser les doigts en
extension.
Fig. 122
200
Fig. 123
Flesch (41) croit que la corde à vide ne peut être employée ici qu’au
début et non au milieu du passage. Cependant, le doigté qu’il propose pour
le Caprice n°17 de Paganini, contient une corde à vide au milieu du
passage, ce qui contredit clairement sa position :
Fig. 124
Fig. 125
Il n’est pas superflu de souligner qu’il est parfois possible de jouer les
octaves doigtées avec un doigté qui implique l’utilisation d’une corde à vide
et des démanchés à la IIe position, comme cela a déjà été décrit pour les
tierces. Ce doigté est conseillé par Doulov (18) pour la gamme ascendante:
Fig. 126
Elle semble difficile à première vue, parce que l’on est obligé de faire
passer le 2e doigt par dessus la corde. Mais on effectue ce transfert au
moment où l’archet se trouve sur la corde “commune”, et cela suffit à le
réaliser, (mais il est particulièrement important de déterminer
correctement le moment du transfert du doigt).
201
Le défaut le plus sérieux de ce doigté est le fait que les doigts
adjacents, (c’est-à-dire le Ier et le 2e, et le 3e et le 4e), sont fréquemment
séparés par une distance d’un demi-ton, complication considérable que l’on
cherche à éviter dans la pratique.
Fig. 127
Il est possible d’utiliser ce doigté aussi bien pour une gamme ascendante
que descendante. En revanche, le doigté proposé par Auer (5) et par Doulov
(18) pour la gamme descendante, qui inclut la corde à vide et le démanché à
la IIIe position, est beaucoup plus problématique, car il ne diminue pas les
distances et altère l’unité de l’exécution du passage, étant donné que le
démanché à la IIIe position n’est effectué que pour une seule note.
Fig. 128
Les sixtes
202
placement des doigts (comme c’est le cas par exemple pour le démanché de
la sixte mineure vers la sixte mineure, ou de la sixte majeure vers la sixte
majeure); 2) soit en changeant de placement, (comme par exemple pour le
démanché de la sixte mineure vers la majeure et inversement). Étant donné
que la justesse d’intonation de ces démanchés pose problème, nous
recommandons de commencer l’étude des sixtes, (tout comme des tierces),
par les démanchés de la le catégorie, où l’on ne modifie pas le placement des
doigts. Plus exactement, il faudrait commencer par apprendre à lier les
degrés de la gamme à partir desquels sont formés les intervalles homogènes.
Les démanchés qui ne font pas intervenir le transfert des doigts sont
également employés lorsque deux doigts remplacent deux autres, c’est-à-
dire lorsque les démanchés se font du Ier et du 2e doigt sur le 3e et le 4e, (ou
inversement), ou bien du Ier doigt et de la corde à vide sur d’autres doigts.
Par conséquent, les démanchés en sixte sans le transfert peuvent être
effectués selon la 2e, la 3e et la 4e catégorie de démanchés. Les procédés de
leur exécution obéissent aux mêmes règles que les démanchés simples.
203
Dans les passages en sixtes comme ci-dessous, il est préférable
d’utiliser le le doigté qui induit le glissement de la même paire de doigts.
Fig. 131.
Fig. 133.
204
C’est pourquoi dans la pratique on utilise ce doigté en le combinant
avec le doigté habituel.
Fig. 134. a) b)
205
Fig. 135.
Fig. 136. a) b)
Dans les démanchés en sixtes d’une paire de cordes sur une autre, on
utilise l’instant durant lequel l’archet se meut sur la corde commune. En
effectuant le démanché précisément à cet instant, on supprime la nécessité
des transferts.
Fig. 137
Dans les registres supérieurs, ainsi que dans les tonalités qui ne
permettent pas d’utiliser la corde à vide, le doigté est construit de la façon
suivante :
206
Fig. 138
Les quartes
Fig. 140.
207
On doit remarquer que les progressions en quartes dans leur forme
pure sont très rares dans la littérature musicale. Mais il nous semble qu’il
est tout de même utile de les travailler, car ces doubles-cordes contribuent
à développer le sens de l’intonation, de même que l’adresse et la souplesse
des mouvements des doigts.
Que ce soit chez les débutants ou chez les violonistes dont les mauvais
acquis sont trop profondément enracinés, on constate souvent que le
démanché est suivi par l’affaiblissement de l’appui sur la corde. On le
perçoit encore plus nettement lors des grands démanchés. Il n’est pas rare
alors de voir l’archet se soulever de la corde. Ce phénomène est également
présent lors des démanchés plus courts mais qui sont exécutés les uns après
les autres, (comme par exemple dans les progressions en forme de gamme).
C’est sans doute le défaut le plus répandu du fonctionnement de la main
droite au cours des démanchés. On rencontre également le défaut inverse,
lorsque le démanché est accompagné du crescendo provoqué par le
renforcement de l’appui de l’archet. Il ne s’agit évidemment pas du cas où
le démanché est lié au portamento accentué ou masqué par la main droite
en fonction du contenu musical.
208
main droite suit les mouvements de la main gauche en déplaçant l’archet
vers la touche. Bien que ce déplacement soit tout à fait naturel et qu’il
améliore la qualité du timbre, il devient quelquefois tellement excessif que
l’on a l’impression que l’archet glisse vers la touche, comme le remarque
Mostras dans “L’Intonation du violon” (27, page 15).
209
Flesch donne un exemple intéressant des modifications de l’activité
de la main gauche en fonction de celle de la main droite. Il note que dans
les passages qui se terminent par un flageolet ce dernier n’a souvent aucune
portée car le quatrième doigt copie le mouvement de l’archet qui se soulève
de la corde à la fin du passage, et n’atteint donc pas l’emplacement précis
de la note:
Fig. 142.
210
on doit développer la rapidité des processus nerveux dès les premiers pas
de l’apprentissage, surtout lorsque l’aisance et la rapidité de l’élève sont
déficientes.
a)
b)
c)
211
être intéressant de poursuivre ces exercices par des quintolets, des sextolets
et des septolets dans le but d’augmenter la difficulté des figures rythmiques.
Tous ces exercices sont une excellente préparation pour améliorer la
coordination entre la main gauche et les mouvements de l’archet lorsque le
tempo est rapide. Ces exercices sont utiles non seulement au début de
l’apprentissage, mais également lorsque l’on travaille sur la précision de la
coordination en fonction des différents coups d’archet.
L’erreur de Flesch est de ne pas tenir compte du fait que l’on n’est pas
en mesure de prévoir tous les cas possibles lorsque l’on travaille à l’avance des
“complexes” entiers de mouvements. D’autre part, une suite de mouvements
donnée peut demander un tout autre moyen d’exécution, et notamment un
doigté différent, si le contexte change. Le violoniste doit alors modifier la série
de mouvements apprise, ce qui est un problème de beaucoup plus grande
ampleur, car cela brouille les repères au moment du déchiffrage.
212
Lesmann “Les différentes voies de progression du violoniste” (21). Les
exercices proposés peuvent, entre autres, être utilisés pour mettre en place
les voies motrices réflexes, mais leur but principal n’est pas tant de les
mettre en place au début de l’apprentissage, que de corriger les défauts
apparus à la suite d’un apprentissage incohérent. Cependant, chaque
enseignant doit en priorité travailler sur les procédés corrects et prévenir
l’apparition des perturbations de la coordination.
213
les sons qui se trouvent dans des positions différentes, de la manière la plus
adroite et rapide possible, afin que même une oreille attentive puisse à
peine le percevoir. Toutefois, il n’indique pas le moyen pour y parvenir.
Sevcik (43), Woldan (72), et Lesmann (20, 21, 23) croyaient que l’on devait
reporter le début du démanché au deuxième coup d’archet. Nemirovsky
(30) a une opinion contraire. Il considère que le début de tous les
démanchés doit coïncider avec le premier coup d’archet. Mikhaïlovsky, lui,
recommande de “faire une pause après avoir terminé de jouer dans une
position, de changer de position durant cette pause, et seulement après de
passer à un autre coup d’archet” (25, p. 69).
214
liaison au deuxième coup d’archet. Certains auteurs, comme Koeckert (60)
et Yampolsky (45), croient que l’on doit au contraire reporter le glissement
de liaison au premier coup d’archet. Nous pensons toutefois que ce serait
appauvrir les moyens d’expression que de se limiter à un seul de ces
procédés. En réalité, le déplacement du moment du changement de coup
d’archet modifie considérablement la sonorité du procédé choisi. Dans le
premier cas on met en valeur le début du glissement, grâce à la liaison du
portamento avec le premier son, et dans le deuxième cas on souligne son
achèvement, c’est-à-dire la liaison du portamento avec la première note :
Fig. 145.
Fig. 146.
215
dans lesquels le portamento doit donc être relié au premier coup d’archet:
Fig. 148.
216
conclusion qu’afin d’obtenir une meilleure sonorité, le point de contact de
l’archet avec la corde doit être fonction premièrement, de la position où se
trouve la note, deuxièmement, de la dynamique, (forte ou piano), et
troisièmement, de la vitesse de progression de l’archet. La parution de cet
ouvrage eut comme conséquence l’association du nom de Flesch à la
problématique de la sonorité et du point de contact de l’archet avec la
corde. Cela est très certainement justifié. Mais, il ne faudrait pas oublier
que Lesmann a abordé ce sujet dans son “École du jeu pour violon” en
1924, c’est-à-dire sept ans avant Flesch. Il estimait que l’endroit de la
meilleure sonorité variait en fonction de la vitesse et de la densité des coups
d’archet, ainsi qu’en fonction de la longueur du segment de la corde qui
vibre.
Lesmann a également élaboré un tableau spécial, reproduit ci-
dessous:
217
Fig. 149. Brahms. Concerto, IIe mouvement
Dans ce cas, il faut tenir compte des faits suivants. Un tel changement
de doigté supprime effectivement les impuretés désagréables, mais il
confère en même temps un caractère quelque peu pianistique au timbre. Le
doigté courant présente, au contraire l’avantage de rendre la sonorité plus
chantante. C’est pourquoi le choix décisif du moment de transfert de
l’archet doit se faire principalement en fonction de considérations d’ordre
esthétique et musical.
Dans l’exemple a), l’archet doit rester sur la corde inférieure, jusqu’à
ce que la main gauche passe dans la position suivante. Ce cas illustre
parfaitement notre analyse du procédé d’exécution des démanchés de cette
catégorie. En revanche, si l’on passe trop vite à la corde supérieure, on est
confronté à l’apparition du glissando, inacceptable du point de vue
esthétique.
218
démanché effectué à l’aide du glissement du doigt initial devient un
démanché où l’on utilise le glissement du doigt qui suit le doigt initial. Ce
dernier démanché doit, comme on le sait, être évité s’il s’agit du
mouvement descendant. De plus, même si dans ces deux extraits on
transfère l’archet au bon moment, cela ne signifie pas que l’on obtienne
immédiatement une bonne sonorité, car elle dépend aussi du caractère des
mouvements qu’exécute le doigt au cours du démanché. L’affaiblissement
nécessaire de l’appui du doigt qui se produit au cours du glissement peut
difficilement se produire, à cause du doigt qui doit rester en permanence
sur la corde. Le procédé correct consiste à maintenir une telle pression du
doigt qui tout en restant faible ne permet pas au doigt de se soulever au-
dessus de la corde. Ainsi , d’une part le contact du doigt avec la corde n’est
pas rompu, et d’autre part, on supprime une certaine dureté du glissement,
ce qui élimine tout résultat sonore négatif.
Lorsque l’on joue legato les octaves brisées, et que le tempo est
soutenu, le moment du transfert de l’archet sur une autre corde coïncide
naturellement avec le moment du changement de position. Cependant
l’exécution correcte des octaves brisées dans des tempos rapides doit être
préparée par l’apprentissage du procédé cité ci-dessus.
219
L’élément principal qui coordonne l’activité des deux mains est
comme on le sait le rythme dont l’importance s’accroît encore davantage
dans les cas qui viennent d’être analysés. Par conséquent, on doit mettre
avant tout en évidence les éléments essentiels qui pourraient contribuer à
stabiliser le rythme, en sachant que la maîtrise insuffisante des démanchés
entraîne très facilement des perturbations au niveau du rythme, et donc au
niveau de la coordination.
Fig. 152.
220
n’aurait pas pu contester les indications notées au-dessus de la portée. Mais
comme les coups d’archet indiqués impliquent des démanchés peu
commodes, ce qui entraîne de surcroît des défauts d’ordre esthétique et
sonore, il est préférable d’utiliser le deuxième doigté qui permet de mieux
faire coïncider le changement de coup d’archet et le démanché, et de
parvenir à un résultat nettement meilleur. Ainsi, Moser canonise en quelque
sorte la relation existant entre le doigté et le coup d’archet. Cependant,
l’immuabilité d’une telle relation peut dans certains cas contredire
entièrement l’essence artistique de l’œuvre. Dans l’exemple donné par
Moser, cette relation est fondée sur le principe de la simultanéité du
démanché et du changement de coup d’archet. Cela permet de masquer les
manifestations sonores du démanché. L’application de ce principe est
certainement positive, mais uniquement lorsque l’on doit rendre un
passage rapide très précis et brillant. En. revanche, l’utiliser dans d’autres
conditions, comme dans des œuvres demandant une sonorité plus
chantante, conduit au résultat contraire. C’est pourquoi, Yampolsky
conseille d’utiliser dans un extrait analogue, tiré de la Chaccone de Bach,
un doigté totalement différent de celui de Moser. Il obtient ainsi un timbre
beaucoup plus lyrique et expressif :
Fig. 153.
221
fonctions des mains en rapport avec les exigences musicales de l’œuvre.
L’enseignant dont le but est de créer des conditions favorables à
l’acquisition de la coordination, porte donc une lourde responsabilité.
222
souplesse et de l’aisance du changement de position. Elle est également à
l’origine du caractère chantant de la sonorité, et de la légèreté et de l’agilité
techniques.
223
Yuri avec ses parents
224
Premier concert à Omsk
225
En quatuor devant l’Armée Rouge en 1942
Le professeur Nalbandian
Le professeur Berline
226
Assistante Maya Glezarova Avec l’accompagnatrice Natalia Izhevskaya
227
Yehudi Menuhin
Leonide Kogan
228
Avec ses élèves - 1966
Lina Gouberman
Vladimir Lantzman
229
Après le concert - 1969
Mikaïl Bezverkhny
Lidya Doubrovskaya
230
Irina Botchkova
Mikaïl Bezverkhny
Lidya Doubrovskaya
Grigori Zhisline
231
Vladimir Spivakov et Yuri Yankelevitch.
Vladimir Spivakov.
232
Vladimir Spivakov,
Victor Tretiakov,
Vladimir Ivanov,
Nélly Chkolnikova.
Alexandre Brussilovsky
accompagné par
Ludmila Kourakova
en répétition avec le Maître.
Alexandre Brussilovsky.
233
234
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***
242
DEUXIÈME PARTIE
Tatiana Gaïdamovitch
243
L’arrivée à Omsk du violoniste Berline25 fut un grand événement pour
la famille Yankelevitch. Élève de Léopold Auer et excellent musicien,
Anissim Berline était précisément l’enseignant dont avait besoin l’enfant
prodige. Les progrès ne tardèrent pas à se manifester. Deux ans plus tard,
en 1921, le jeune violoniste interprète avec succès, à la soirée de la Société
Philharmonique d’Omsk, “La Ballade” et “La Polonaise” de Vieuxtemps.26
Et trois ans plus tard, Yuri est invité à jouer aux côtés des musiciens
les plus réputés d’Omsk. Ce concert devait aider Chabaline, alors
compositeur débutant, de continuer ses études au Conservatoire de
Moscou.27
244
Concerto de Brahms et manifesta de la maîtrise de soi, le sens du style et
du phrasé et un goût artistique affirmé. Très beau timbre, pianos travaillés.
De grands progrès artistiques et techniques. Promet beaucoup.”30
245
n’étais pas satisfait par mes études à Leningrad, écrit Yankelevitch dans son
autobiographie, j’ai alors déménagé à Moscou et je suis entré dans la classe
de Yampolsky. L’enseignement de ce merveilleux artiste et pédagogue a été
pour moi une véritable révélation. C’est précisément à partir de ce moment
que je me suis davantage, et de plus en plus consciemment, intéressé à la
pédagogie et à l’apprentissage des lois théoriques et pratiques du jeu.
En 1934, deux ans après avoir achevé avec succès ses études au
Conservatoire de Moscou, Yuri Yankelevitch s’inscrit en thèse, aux
Meisterschule, (Cours de Perfectionnement). Ses études et son travail de
recherche, qu’il effectue sous la direction de Yampolsky, le passionnent et
l’absorbent totalement. Yampolsky apprécie de plus en plus les qualités de
son élève et lui confie de plus en plus de missions différentes, en l’orientant
vers le domaine de la pédagogie, si bien que dès la deuxième année de
Meisterschule, Yankelevitch commence à enseigner à l’École Centrale de
Musique et à l’Institut de Musique du Conservatoire de Moscou.
246
obtient la place du deuxième violon solo. Cette époque de sa vie fut donc
riche et passionnante. Cependant, lorsque plus tard Yankelevitch évoque
ces années, il confie qu’il n’était pas entièrement satisfait par ses activités.
“L’idée de me consacrer à l’enseignement m’est venue progressivement,
raconte-t-il. Je comprends à présent que ce domaine m’attirait
intuitivement depuis longtemps. Souvent, lorsque mes camarades me
demandaient de les aider, de montrer comment il fallait jouer tel ou tel
passage ou de choisir un doigté, je le faisais avec plaisir et étais heureux de
voir que mes conseils étaient justes. Plus tard, mes propres conseils me
poussaient à réfléchir davantage aux problèmes, à me perfectionner et à
élargir mes connaissances dans le domaine de l’enseignement de la
musique et de la méthodologie. C’est pourquoi lorsque la question du choix
de carrière s’est ouvertement posée à moi à la fin de ma thèse, j’ai opté sans
hésitation pour l’enseignement. Je suis donc devenu l’assistant d’Abram
Ilitch Yampolsky en 1936, et depuis cette date ma vie s’est trouvée
étroitement liée à la vie du Conservatoire de Moscou.”
247
De retour à Moscou en 1943, Yankelevitch reprend avec la même
énergie son activité d’enseignant d’abord à l’École Centrale de Moscou et à
l’Institut de Musique, puis au Conservatoire.
248
confère une direction nouvelle. C’est ce talent qui donne toute leur valeur
aux travaux, (plus de cinquante ouvrages), de cet enseignant et penseur.
“Ce travail, écrit David Oïstrakh dans son compte-rendu, est une aide
précieuse pour tous nos enseignants, surtout ceux qui exercent en province,
car les divergences d’opinion, encore nombreuses dans ce domaine,
freinent ou empêchent tout simplement la méthodologie et l’enseignement
du violon de progresser.”38
249
“C’est pourquoi, avant de faire une remarque, j’essaie toujours de
comprendre ce que veut exprimer le jeune violoniste, et si son idée me
paraît justifiée, j’essaie de l’aider à la réaliser sans interrompre le cours de
son imagination. Mais travailler avec un musicien talentueux demande
encore plus de tact”.
Malgré cela, une discipline très stricte a toujours régné aux cours de
Yankelevitch. Ses nombreux élèves n’étaient pas tous appelés à devenir
des lauréats, mais chacun d’entre eux savait qu’aucune erreur, aucune
imperfection ne pouvait échapper à leur professeur. La notion du détail
insignifiant n’existait pas pour lui. Son attention restait toujours
vigilante : toutes les erreurs devaient être expliquées et éliminées sur le
champ.
250
échanger ses réflexions et intuitions avec un large cercle d’interlocuteurs.
C’est pourquoi il ne refusait jamais de participer aux séminaires,
symposiums, conférences scientifiques, réunions sur les questions de la
pédagogie, sans oublier les cours de méthodologie du violon qu’il donnait
au Conservatoire avec le Professeur Kouznetsov.
251
manière de tenir l’archet ou de poser les doigts sur la corde qui leur est
propre”.
252
déterminer les points culminants et les effondrements de l’onde
dynamique. Il répétait souvent que tout le monde n’était pas capable de
trouver la meilleure façon d’exécuter une œuvre, mais que pour lui-même
la solution la moins réussie était toujours plus intéressante qu’une
imitation impersonnelle. Le plus grand reproche qu’un élève pouvait
entendre de sa part était le manque d’imagination et la passivité du jeu. “Le
caractère de l’œuvre doit transparaître à chaque fois que l’on joue. Il faut
que le musicien soit emporté par la musique, qu’il vive par la musique, et
surtout qu’il n’attende pas que l’inspiration lui vienne sur la scène! Je ne me
souviens pas, disait-il, avoir vu jouer Tretiakov sans se donner
complètement, l’avoir vu garder quelque chose pour la scène. J’estime
énormément les jeunes musiciens qui réalisent leurs idées avec audace et
qui créent leurs propres concepts, même si leurs solutions sont erronées.
Nous les corrigerons ensemble. Mais il est très important qu’un musicien
apprenne à chercher. C’est essentiel dans l’art. Si au contraire l’élève attend
constamment que l’enseignant lui indique la voie à suivre, et lui souffle une
idée toute prête, il se retrouvera complètement démuni lorsqu’il aura à
travailler seul.”
253
concentré. Mais ses amis et ses élèves connaissaient bien évidemment son
extrême sensibilité, sa capacité à compatir aux malheurs d’autrui et la
simplicité qu’il montrait à ceux qui lui étaient chers.
254
La perception des points particuliers de la langue harmonique du
compositeur est très importante. La tonique lumineuse de la fin de la
phrase ne doit pas ressembler à la note sensible qui la précède et qui doit
être jouée avec plus d’inquiétude et de tension. J’aimerais que le thème
principal soit encore plus libre et imaginatif. Il ne faut pas décider de la
forme de la phrase à l’avance. Il existe des cas où écouter est plus important
que jouer... En revanche, l’Allegro vivace est une toute autre affaire. Le
point décisif y est le rythme. Une pulsation très précise définit le style de
l’exécution et le caractère de chaque phrase. L’énergie des doubles croches
doit être portée au premier plan, indépendamment du coup d’archet, que
ce soit le legato ou le détaché...”42
255
m’efforce de l’aider à la réaliser. Cela veut-il dire qu’il faille suivre l’élève
aveuglément? Bien sûr que non! On doit être à l’écoute de l’individualité,
mais rester intraitable pour les questions de bon goût. Il faut écarter tout
ce qui génère l’ornementation stérile et masque l’émotion sincère qui naît
du flot vivant de la musique.” Tretiakov se souvient: “Souvent, je
commençais à jouer, mais embarrassé par quelque chose j’avais
l’impression d’avancer dans une fausse direction. Yuri Yankelevitch
attendait un court instant, puis prononçait deux ou trois mots, une phrase
tout au plus, ou chantait le début de l’œuvre, et tout se remettait en place!
Mon manque d’assurance disparaissait, l’entrain était là, et, chose
inexplicable, je réussissais à jouer immédiatement comme il le fallait.”
256
La méthode des Yankelevitch a produit des enseignants, des interprètes de
musique de chambre et des musiciens d’orchestre. Il voyait avant tout en
chacun d’entre eux un artiste qui aspirait à parvenir au sommet de l’Art, et
non pas un “artisan” au sens étroit du terme. Chacun recevait la même
attention de la part du Professeur. Yankelevitch ne limitait pas l’intérêt qu’il
portait à ses étudiants à leurs années d’études. Il suivait de près les succès
des jeunes musiciens, toujours transporté par leurs réussites et ému par les
défaites. C’est pourquoi ses carnets contiennent autant de noms devenus
célèbres depuis longtemps. Ses anciens élèves lui rendaient visite de temps
en temps, afin de se ressourcer, de recevoir un conseil professionnel
bienveillant ou même une critique peu flatteuse.
257
gardaient un étroit contact avec lui. Des liens tissés par des échanges de
plusieurs années l’unissaient à des pianistes-accompagnateurs tels que:
Ijevskaïa, Levina, Rakova, Tcherniakhovskaïa, Stern. Yankelevitch leur
faisait partager ses joies et ses échecs, ses plans et ses idées. Il était très
exigeant envers tout ce qui touchait à la musique de chambre, et c’est
pourquoi il demandait aux pianistes de maîtriser parfaitement l’art de
l’ensemble, d’avoir une sonorité profondément lyrique et un jeu de pédales
impeccable. L’”École Yankelevitch” fit son apparition naturellement, dans
la logique de l’évolution de l’art instrumental moderne. Le potentiel
considérable de la méthode Yankelevitch permit de résoudre en même
temps les problèmes d’enseignement artistique et technique. Bien qu’armé
d’un infini savoir, cet homme pour lequel la pédagogie n’avait plus de
secrets, continuait pourtant son inlassable recherche. Il pensait qu’un jeune
musicien devait prendre conscience très tôt de l’objectif ultime de sa
formation, à savoir la portée sociale de son métier. Il affirmait que
l’interprète qui s’interprétait lui-même et qui ne faisait pas suffisamment
attention à l’opinion de son public était inévitablement condamné: “Vos
pensées, vos sentiments, votre approche du Beau doivent être
compréhensibles pour vos auditeurs, et ils doivent trouver écho dans leurs
coeurs.” Ce credo éthique du Maître, fondé sur sa propre compréhension
du monde, son propre savoir et son expérience, continue à exercer une
énorme influence sur le travail de ses disciples.
*****
258
Grigory Jisline
L’ESTHÉTIQUE DE YANKELEVITCH
Les uns voient le secret des succès de Yankelevitch dans son habileté
à choisir ses élèves, les autres dans le fait qu’il se consacrait corps et âme à
son métier, d’autres encore dans ses profondes connaissances techniques et
dans son intuition pédagogique exceptionnelle en ce qui concerne les
questions du positionnement.
259
l’accompagner après les cours dans le Moscou nocturne pendant ses
promenades dont se souviennent encore tous ses étudiants.
Le fait que Yankelevitch était musicien sans être concertiste est déjà
une originalité en soi.
260
Cette contradiction disparaît lorsqu’on s’efforce de comprendre la
dialectique du phénomène communément appelé “personnalité artistique”.
Les traits fondamentaux intimement mêlés d’un telle personnalité sont d’un
côté la faculté de pénétrer la réalité dans toute sa diversité et de l’autre côté
l’expression personnelle.
Il est vrai que les intérêts de Yuri enfant ne se limitaient pas aux seuls
exercices du violon. À l’âge de treize ans, par exemple, il s’est tant passionné
pour la chimie qu’il faillit abandonner la musique. Cependant, l’amour de
l’art finit par l’emporter et après avoir passé le baccalauréat en candidat
libre, il est parti à Leningrad avec sa famille pour entrer au Conservatoire.
261
artistiques et pédagogiques de l’école dont Auer était sans doute le
représentant le plus brillant et il l’a poursuivi et approfondi plus tard à
Moscou.
262
spectacle d’Erchov. Il parlait avec admiration de son talent d’acteur, de sa
plastique extraordinaire qu’il entretenait par des entraînements quotidiens
ce qui lui permit entre autres de jouer Siegfried jusqu’à un âge assez
avancé.
263
l’enthousiasmaient pas uniquement par la perfection de leur art. Lorsque
Yankelevitch parlait d’Ostoujev, sa voix résonnait d’admiration pour l’exploit
humain de cet artiste qui, comme Beethoven, a su transcender la surdité.
“Pour pouvoir continuer à jouer, Ostoujev devait non seulement connaître
par cœur les répliques de chaque acteur, mais aussi transposer toute l’action
en musique afin de ne pas sortir du rythme de la pièce. Longtemps avant le
début du spectacle, il occupait son “poste” à l’entrée des artistes pour
connaître précisément l’état d’esprit de ses partenaires, savoir si un tel était
d’humeur enthousiaste ou plutôt calme. Il était obligé de tenir compte et de
mémoriser des centaines de petits détails, de nuances, d’impressions,
comme la démarche, la vitesse d’évolution sur la scène, etc., en un mot tout
ce dont ne se soucie jamais un comédien bien entendant. Ce qui était
absolument fantastique, c’était sa manière toujours très précise de placer ses
répliques sans jamais regarder ses partenaires. Il a toujours été au centre de
l’action, alors que tout paraissait parfaitement normal aux personnes qui ne
soupçonnaient pas son handicap. Son art était prodigieux dans ces
moments. Son Othello, son Akostoï vous retournaient littéralement l’âme”.
264
Malheureusement, les publications de Yankelevitch ne contiennent
pas d’exposés concrets sur l’esthétique, bien que les problèmes de
l’interprétation et de la pédagogie ont toujours été pour lui les moyens
d’une approche plus complète du contenu des œuvres étudiées.
265
assemblée avec amour pendant de longues années. Il adorait écouter
chanter, jouer du piano, lire, le chant des oiseaux.
266
la coloration émotionnelle qui imprégnait tous les détails de
l’interprétation.
Mais en ce qui concerne la sonate, son noyau était pour lui la fugue.
Replaçant la fugue dans son contexte historique, il désirait que
l’interprétation en soit rigoureuse par la forme et riche par le contenu
émotionnel, étant donné que les compositions de Bach étaient marquées
267
par la musique d’orgue. D’autre part, comme le sens de la fugue se trouve
dans la répétition de la forme principale, c’est-à-dire du thème,
Yankelevitch insistait pour que le caractère du thème soit unique,
indépendamment du registre des nuances et du nombre des voix. Lorsqu’on
abordait les accords dans les fugues, Yankelevitch rappelait qu’au temps de
Bach, il était possible de jouer des accords de quatre notes sans les casser,
car la particularité de l’archet de l’époque était d’être incurvé, ce qui
permettait de varier la tension des crins au cours du jeu.
268
connue du grand public car elle n’a été publiée qu’après sa mort Au cours
du siècle suivant son œuvre fut complètement oubliée. Schumann et
Mendelssohn l’ont fait redécouvrir et quelque temps après, Joachim et
Moser ont publié ses sonates et concertos pour violon après les avoir
corrigés. Si nous suivions rigoureusement les règles d’interprétation
appliquées du vivant de Bach, nous serions en contradiction avec ce
qu’exige actuellement le jeu des instruments à cordes. Aujourd’hui, il nous
est impossible de revenir à la sonorité de son temps complètement
dépourvue de vibrato, non dénuée de charme mais trop primitive pour
notre oreille, ou aux limitations imposées par les cinq positions utilisées à
l’époque. Nous ne pouvons pas non plus revenir aux cordes fines et à
l’archet de jadis, qui était néanmoins parfaitement adapté pour jouer les
accords. Et enfin, nous ne pouvons pas, nous limiter au petit nombre de
coups d’archet qui existaient alors.
269
par un rythme rigoureux. Les ralentissements doivent être perçus plutôt
comme des “pesante” et doivent être, généralement, présents dans les
dernières mesures, de l’œuvre. Cependant, dans les Sonates et les Partitas
pour violon seul, (Presto en sol mineur de la Sonate n°1, Courante en si
mineur de la Partita n°1, Allegro en la mineur de la Sonate n°2, etc.), il
faudrait les éviter même à la fin de l’œuvre. Les rares exceptions à la règle
sont les accelerando imperceptibles, comme par exemple dans la Fugue en
sol mineur:
Les croches suivantes sont jouées de façon analogue, mais pour les
doubles croches on utilise le coup d’archet large.
270
Fig.5: Bach. Prélude
271
Le détaché de Mozart demande un mouvement uniforme et précis.
Mais certains interprètes ont tendance à accélérer les notes courtes:
Fig.10:
272
Fig.11: Mozart. Concerto en ré majeur, Ier mouvement
273
d’esprit, et surtout le respect de la forme et du texte, car Brahms, tout
comme Beethoven, notait avec beaucoup de soin toutes les nuances
émotionnelles. Parmi les interprètes de Brahms, Yankelevitch tenait en
haute estime Szigeti, Stern, Menuhin et Szering. Lorsqu’il travaillait avec
l’accompagnement, il désirait à tout prix parvenir à rendre la sonorité du
piano mélodieuse et expressive.
274
littéraire, l’extraordinaire diversité de la peinture et de l’architecture, les
principaux courants philosophiques, les contradictions historiques, - était
également très importante pour son enseignement.
275
Yuri Yankelevitch était un interprète remarquable de la musique
russe. Il aimait tout particulièrement le Concerto de Glazounov qu’il
considérait comme l’un des compositeurs nationaux les plus originaux. Ce
Concerto le séduisait par l’amplitude de son souffle mélodieux, par la force
et l’envergure véritablement russe des formes et par la conception optimiste
de l’œuvre. Lorsque Glazounov a entendu son Concerto joué par le jeune
Yankelevitch, il a jugé excellente sa vision de l’œuvre. Yankelevitch était
littéralement porté par l’inspiration lorsqu’il travaillait ce concerto avec ses
élèves. Irina Botchkova, l’une de ses élèves, raconte que pendant le cours, il
pouvait chanter cette composition plusieurs fois du début à la fin.
Yankelevitch exigeait que l’interprète arrive à une construction continue,
qu’il traduise la force émotionnelle et l’envergure de l’œuvre, tout en
préservant la noblesse et la douceur de la sonorité.
276
coups d’archet et qu’il cherchait à parvenir aux accents spécifiques de
Prokofiev, au marcato, etc. On devait rendre expressifs et déclamatoires, les
thèmes lyriques populaires, en conférant à leur sonorité la légèreté propre
à la chanson russe. Yankelevitch trouvait des couleurs fantasques et
mouvantes pour peindre des tableaux semblables à “La Fée de l’Hiver” en
mariant les coloris impressionnistes aux caractères fantastiques.
277
Il faisait preuve d’imagination et de créativité inépuisables en ce qui
concerne les pièces courtes dont chacune avait son propre caractère, sa
propre couleur et sa propre construction. Yankelevitch considérait que les
œuvres de Kreisler, les danses espagnoles de Sarasate, les danses
hongroises de Brahms et les danses slaves de Dvorak étaient très utiles pour
développer la souplesse artistique et éveiller l’imagination de l’élève.
278
Elena Yankelevitch
Nous connaissons les noms des meilleures d’entre eux et nous nous en
souvenons quelquefois lorsque nous entendons jouer leurs élèves. Nous
savons aussi que l’enseignant donne à ses étudiants tout ce qu’il a de plus
remarquable, de plus fort et de plus chaleureux, toute la rigueur et tout
l’amour qu’il porte à son métier. Cependant, même les plus grands d’entre
eux ne parviennent pas toujours à systématiser et à généraliser l’expérience
de nombreuses années d’activité. C’est pourquoi je tenterai ici de décrire
l’héritage pédagogique laissé par Yuri Yankelevitch.
279
Son premier succès date de son assistant dans la classe de Yampolsky,
lorsque Nelly Chkolnikova, qui était alors son élève, a remporté en 1953 le
Grand Prix et le Prix Spécial Ginette Neveu pour son interprétation du
Concerto de Tchaïkovsky au Concours Jacques Thibaud à Paris. Les divers
concours internationaux ont récompensé 40 de ses élèves, dont 20 ont
obtenu le Premier Prix, (Tretiakov, Spivakov, Agoronian, Botchkova,
Grindienko, Jisline, Brussilovsky, Ambartsoumian, Ivanov, Kogan,
Bezverkhy, Sitkovetski, Lantzman, Markov, Doubrovskaïa, Chkolnikova,
Schwartzberg, Belkine, Wilker-Kuchment, Smirnov), 12 le deuxième prix,
(Garlitzky, Kopelmann, Kotorovitch, et d’autres), 6 le troisième et 3 le
quatrième prix, (cf. la liste des élèves de Yankelevitch p. 301).
1. Grâce aux efforts des élèves de Yuri Yankelevitch, résidant sur le sol
280
national ou à l’étranger, des concerts annuels sont organisés dans les salles
de concerts du Conservatoire de Moscou, à la Maison Centrale des Métiers
de l’Art, à la Maison de la Science et à la Philharmonie de Saint-
Petersbourg. Ces concerts attirent un grand nombre d’auditeurs et
constituent de vrais événements pour les amateurs de musique. La recette
des concerts revient toujours aux œuvres de bienfaisance. Ainsi, trente
concerts dédiés “à la mémoire du Maître” eurent lieu depuis la mort de Yuri
Yankelevitch il y la dix-neuf ans.
3. Afin d’encourager les plus talentueux et les moins aisés des jeunes
violonistes, élèves de l’École Centrale de Musique, de l’institut de Musique
et du Conservatoire de Moscou, L’Association mondiale “Musique,
Miséricorde, Paix” a créé la Fondation du professeur Yankelevitch.
L’inauguration de la fondation a eu lieu en février 1991, le jour de
l’anniversaire de Yankelevitch et a été retransmise par la Télévision Russe,
(émission “Kiosque à Musique”), et couverte par la presse. Certains jeunes
violonistes, futurs boursiers, ont tenu à s’exprimer lors de cet événement.
281
Fondation: Fouter, Kogan, Kopelmann, Ivanov, Steinberg, Garlitzky,
Lantzmann, Stenberg, Brussilovsky, Schwartzberg, Pogossova,
Rosnovskaïa, Schister, Wilker-Kuchment, et bien d’autres. De nombreux
élèves de Yuri Yankelevitch résidant à l’étranger, dont Andhevsky,
Kramarova, Belkine, Chkolnikova et d’autres, ont manifesté le désir de faire
partie de la Fondation.
282
Quant au voyage à Leningrad, prévu pour 1973, il fut annulé à cause
de la grave maladie dont était atteint Yuri Yankelevitch.
283
Il m’est arrivé d’assister à plusieurs cours de Yankelevitch qu’il
donnait à ses étudiants à Moscou et aux étudiants d’autres enseignants
dans d’autres villes du pays. Ces colloques rassemblaient énormément de
monde. L’immense enthousiasme qui régnait pendant ces cours nous a
toujours ébloui. Yuri Yankelevitch s’investissait dans son travail jusqu’à
l’oubli de soi même. Chaque leçon devenait une fête, son ambiance
particulière se transmettait à chaque élève et les faisait jouer d’une toute
autre manière. Ces cours étaient suivis par des élèves de niveaux très
différents, du jeune Tretiakov qui n’était alors qu’élève de l’E.C.M., aux
violonistes confirmés.
284
La réalité de cette déclaration est confirmée par l’importante
différence du jeu de ses nombreux élèves qui sont aujourd’hui des
violonistes mondialement connus.
285
spécifique. Yuri Yankelevitch parvint à allier les connaissances
fondamentales sur la nature du jeu à son intuition exceptionnelle. Il lui
suffisait de prononcer une phrase ou deux, de faire une comparaison
judicieuse pour que les auditeurs observent la métamorphose de l’élève qui
se mettait à jouer mieux et avec plus d’aisance.
286
davantage aux élèves les plus doués. Cela se révéla impossible car les cours
pratiques, payés en supplément, donnaient droit à une leçon de cinquante
minutes pour tous ceux qui l’avaient souhaité. Ces cours étaient publics et
duraient de dix heures du matin à quatre heures de l’après-midi. Ils
attiraient les enseignants de “Toho-Gakuen” et d’autres Conservatoires de
Tokyo, les étudiants de différentes spécialisations et leurs parents. Je dois
dire à ce propos que les parents japonais suivent les progrès de leurs
enfants avec encore plus d’ardeur qu’en Russie. Cependant, il m’arriva aussi
de remarquer des personnes qui n’entendaient pas grand chose à la
musique, comme cette femme japonaise en kimono traditionnel qui sans
avoir le moindre rapport à la musique et sans comprendre un mot de russe,
me regardait fixement et hochait la tête après chaque phrase.
287
l’interprétation.”46
288
se familiarisent avec les nouvelles méthodes de la pédagogie et les
nouveaux aspects de l’interprétation de certaines œuvres.
En 1969, le colloque fêta ses dix ans. Cette année on porta une
attention particulière à la préparation des étudiants aux concours
internationaux de Zwickau, de Varsovie et de Moscou. Il est probable que
cette orientation rendra ce colloque encore plus populaire.
Cela signifie-t-il pour autant que l’on doive s’interdire d’écouter des
enregistrements ? Non, bien évidemment. Je conseille à mes élèves
d’écouter non pas un seul mais plusieurs enregistrements de la même
œuvre. Cela les empêche de copier, (car on peut difficilement imiter
289
plusieurs interprètes), leur permet d’élargir la compréhension globale de la
composition et enrichit la perception de ses caractéristiques esthétique et
stylistiques. Le colloque a le même rôle. À ce propos, les rencontres
organisées entre les grands maîtres et les jeunes musiciens ont aussi leur
histoire. Souvenons-nous des “Cours d’été” d’Eugène Ysaye ou de Sevcik.
290
ce travail. Je comprends que vous soyez tous très occupés et que vous ayez
tous beaucoup de matières, mais il me semble que l’on ne devient pas un
bon musicien si l’on ne vit pas d’après les priorités imposées par la
musique, ou si l’on se contente de suivre les cours ou de faire ses devoirs.
Vous êtes tous très jeunes, certains d’entre vous sont en première
année, mais si vous n’apprenez pas à être créatifs dès le départ, dès
l’enfance, vous ne parviendrez jamais à la pensée créative autonome.
Lorsque vous travaillez sur une œuvre, vous devez savoir quelles sont
les autres compositions du même auteur, ou au moins, écouter un
enregistrement de l’œuvre étudiée, mais l’écouter intelligemment. J’ai
constaté plusieurs fois que les enregistrements des meilleurs interprètes
n’apportaient que des nuisances lorsqu’ils étaient mal écoutés. J’ignore la
raison pour laquelle les jeunes ont souvent tendance à copier les éléments
extérieurs de l’interprétation de quelqu’un d’autre, un glissando ou un
rubato par-ci, une nuance ou deux par-là.
291
L’interprète, lui, doit maîtriser tous les moyens techniques mis à sa
disposition, mais il doit aussi et surtout approfondir sa compréhension de
la musique et de la pensée du compositeur. Autrement dit, on doit posséder
non seulement le moyen d’expression, mais également et surtout ce que
tout créateur aspire à dire...”
292
“Les virtuoses de Moscou”, aujourd’hui connu dans le monde entier et qui
a fêté il y a quelque temps son millième concert.
Yuri Yankelevitch organisait deux fois par ans “la soirée de sa classe”,
c’est-à-dire le concert de ses élèves. Cela a toujours été une fête pour les
enseignants, les étudiants et les amateurs de musique qui remplissaient la
Petite Salle du Conservatoire.
293
lieu le dernier des six concerts commémoratifs, le septième de l’année,
donné dans la Petite Salle du Conservatoire par les boursiers de la
Fondation Yankelevitch et élèves des Professeurs Glesarova, Botchkova et
Makhtina. Ce concert qui avait attiré énormément de monde et qui avait eu
un immense succès, est devenu le monument à la mémoire du travail
dévoué de plusieurs décennies du grand pédagogue Yuri Yankelevitch.
***
294
Les souvenirs des collègues, des assistants et des élèves
de Yuri Yankelevitch
Maïa Glesarova
295
Le but de Yankelevitch était que l’étudiant sente au cours du travail
que l’œuvre lui devient proche. “L’interprétation ne sera convaincante,
brillante et authentique que dans ces conditions”.
Il est probable que ce sont précisément ces idées qui révèlent en partie
les objectifs artistiques et pédagogiques de Yuri Yankelevitch et qui ont
rendu si intéressant son travail des études, des exercices et des gammes.
296
1er exercice. L’utilisation de l’archet
a) f
b) p
c) f > p p<f
a) détaché
297
b) détaché + legato
a) main + doigts:
b) main seule:
5e exercice. Martelé
e) staccato
298
a) toute la longueur de l’archet
b) la moitié supérieure de l’archet
Dans les gammes, les études et les coups d’archet, Yuri Yankelevitch
cherchait à obtenir l’exécution libre et souple du procédé qui était travaillé.
Il répétait que “le fondement du jeu devait être le naturel” et désirait que
l’exécution des gammes et des coups d’archet soit virtuose.
299
son est un chant”; cette phrase était le credo véritable de sa méthode
pédagogique. Même à notre époque, malgré l’essor de la virtuosité
technique, on ne peut concevoir le violon que comme un instrument
mélodieux et chantant, ce qui correspond aux principes de l’École russe du
violon. La virtuosité ne doit en aucune manière masquer le caractère
fondamental du violon voué à l’émotion, à l’expression et au lyrisme.
300
artistique de l’œuvre. C’est alors que l’auditeur perçoit la musique non pas
en fonction de sa difficulté technique mais bien en fonction de son
contenu.”
Ce qui importait avant tout pour Yuri Yankelevitch ce n’était pas les
contours extérieurs du positionnement, mais le résultat du jeu, proche de
l’idéal qu’il s’était représenté. J’ai toujours été émerveillée par sa capacité à
“diagnostiquer”, à découvrir les défauts cachés du placement, lorsque le
301
placement semblait correct mais que le résultat sonore était insuffisant à
cause d’un frein intérieur, lorsque la morphologie particulière des bras, du
cou, ou des épaules demandait des adaptations individuelles. Yankelevitch
montrait précisément les causes de la “maladie” et donnait une
“ordonnance” qui la “guérissait” invariablement, y compris dans les cas les
plus difficiles.
302
développement et en corrigeant ses défauts éventuels.”
303
de l’archet, souplesse des changements de corde, régularité rythmique de la
main gauche, justesse de l’intonation, et enfin aisance de l’exécution de
tous les procédés techniques. En troisième et en quatrième année d’études,
on étudiait les gammes dans chaque position, (le, IIe, IIIe, IVe, etc), ainsi
que les gammes de trois octaves.
304
Le sens artistique et l’entrain, si caractéristiques pour les élèves de
Yankelevitch, étaient en grande partie générés par le Maître lui-même. Il
était toujours passionné et actif durant ses cours. Il faisait découvrir
l’essence de la musique interprétée avec beaucoup d’expressivité et de
tempérament, et, poussé par l’inspiration, il apprenait à traduire par le jeu
la richesse des émotions.
Si, au début de son activité, il faisait part de ses réflexions à ses élèves
et n’écoutait que rarement leur prestation jusqu’à la fin, plus tard il
s’efforçait de pénétrer leur pensée; comprendre leurs conceptions devint
une loi de sa méthode pédagogique.
305
Attentif et bon, il était préoccupé par l’avenir de ses élèves se montrait
toujours prêt à les aider. Il ne se repliait jamais sur lui-même, car il aimait
l’autrui et la vie. En consacrant toutes ses forces et son talent à la pédagogie
et à ses élèves, il étudiait sans cesse les particularités de leur caractère, de
leur mentalité et leur vision du monde. L’élève est un “matériau vivant”,
répétait-il. Il grandit, change et dévoile de nouvelles qualités. C’est à ce
moment que l’on a particulièrement besoin d’assouplir et de diversifier les
moyens d’action pour pouvoir continuer à poursuivre le but fixé qui ne peut
être atteint par l’enseignant que s’il connaît parfaitement son élève, et si
cette connaissance est profonde et artistique, éclairée par la pensée et
réchauffée par le cœur.”
Le répertoire des élèves était toujours prévu pour deux ou trois ans à
venir; on le complétait ensuite chaque année par le plan à plus long terme
en fonction des progrès accomplis.
Deuxième année
Riding Concerto
Komarovsky “La Course”
Baklanova Sonatine, Concertino et Allegro
Yanchinov Concertino
Seitz Concerto N°l
Vivaldi Concerto en La mineur
Rubinstein “Le Rouet”
Jenkinson Danse
Alard Nocturne et Sérénade
Danclat Variations
Troisième année
Holender Concerto
Accolai Concerto
Viotti Concerto N°23
Rode Concerto N°7
Bohm “Mouvement perpétuel”
Yanchinov “Le Rouet”
Pergolèse Aria
Spendiarov “Berceuse”
Aubert Presto
Bériot Variations N°l
306
Schubert “L’Abeille”
Prokofiev “Gavotte”
Haydn “Menuet du taureau”
Khatchatourian “Andantino”
Corelli Sonate en Mi mineur
Quatrième année
Mazas Études
Bériot Concerto N°9 (en entier)
Haendel Sonate N°6
Glier Romance “Le Ruisseau”
Bach Concerto en la mineur
Fioccho Allegro
Bach Sicilienne
Cinquième année
Viotti Concerto N°22 (en entier)
Kabalevsky Concerto, 1er mouvement
Mattheson Aria
Franker Sicilienne et Rigodon
Haendel Sonate N°2
Vieuxtemps Fantaisie et Appassionata
Kabalevsky Concerto, 2e et 3e mouvements
Kreutzer Études
Vieuxtemps Ballade et Polonaise
Wieniawski Concerto N°2, 2e mouvement
Vieuxtemps Concerto N°2, 2e mouvement
Sarasate Fantaisie sur le thème de “Faust”
Kreisler Grave
Ries Mouvement perpétuel
Alexandrov Aria
Daken “Le Coucou”
Kreisler Prélude et Allegro (dans le style de
Pugnani)
Chopin/ Auer Nocturne
Wieniawski Concerto N°2, 2e et 3e mouvements
Bruch Concerto en Sol mineur
Vieuxtemps Concerto N°5
Boccherini Allegretto
Vieuxtemps Rondino
307
compositions permettaient par ailleurs de développer le côté généralement
plus faible de 1‘exécution, à savoir le brio et la diversité du jeu, le caractère
mélodieux de la cantilène et le relief de la dynamique.
308
Plan individuel de Tretiakov
309
Brahms Sonate N°3
Weinberg Sonate N°5
Saint-Saëns Rondo-capriccioso
Schedrine/Tsiganov Humoresque.
Brahms Deux danses hongroises
Chostakovitch Concerto N°2
Ravel Tzigane
Brahms Scherzo
Vitali Chaccone
Scott/Kreisler “Au pays du Lotus”
Debussy “Soirée exquise”
Kreisler “Chagrin d’Amour”
Chostakovitch Sonate
Schubert Duo
Chausson Poème
Corelli Folia
Kreisler Caprice viennois
Sarasate Zapateado
Bloch Improvisation
Prokofiev Cinq mélodies opus 35 bis
Brahms Sonate N°l
Paganini Campanelle
Prokofiev Concerto N°l
Franck Sonate en La majeur
Messiaen Thème et variations
Chostakovitch/Tsiganov Dix préludes
Beethoven Sonate N°3
Suk Quatre pièces
Schubert Sonatine en la mineur
Grieg Sonate N°3
Mozart Concerto N°3
Ysaye Poème élégiaque
Schumann “Oiseau prophète”
Granados Danse espagnole
Godart Canzonetta
Tartini/Kreisler Sonate “Le Trille du diable”
Chostakovitch Cinq préludes
Saint-Saëns Havanaise
Vivaldi Adagio
Kreisler “La Joie de l’Amour”
Mochkovski “Guitare”
Beethoven Sonate N°6
310
Inna Gaukhman
311
étaient déjà avancés lorsqu’ils intégrèrent la classe de Yankelevitch, mais il
y en eut bien d’autres.
312
C’est précisément à ces qualités que la science moderne de la
pédagogie accorde le plus d’importance.
313
314
Victor Tretiakov
MON MAÎTRE
C’est ainsi qu’en 1954, à l’âge de sept ans, j’arrivais dans la capitale
avec mes parents. Yuri Yankelevitch me fit passer une audition et m’admit
dans sa classe. C’est ainsi que débuta pour moi, élève et objet de grands
soins de Yankelevitch, la période “d’activité professionnelle”. On entama les
démarches pour le transfert de mon père à Moscou. Son statut de militaire,
(il faisait partie d’un orchestre militaire), rendait difficile tout déplacement.
Cependant, cela n’arrêta pas Yuri Yankelevitch. Il avait joint le chef de
l’Orchestre de l’Armée Rouge, le général Petrov, et réussit à faire transférer
mon père par l’intermédiaire de l’état-major général. Je m’imagine très bien
aujourd’hui les efforts qu’il dut déployer à cette époque.
Ce fut donc le début d’une longue lutte pour la qualité. Durant mes
premières années d’études, j’étais suivi par l’assistante de Yankelevitch,
Inna Issakovna Gaukhman; je n’avais de leçons avec le Maître qu’une fois
pan mois. Progressivement ces leçons sont devenues plus fréquentes et à
partir de la cinquième année je me suis rendu chez lui toutes les semaines.
315
Aujourd’hui, je me remémore ces cours avec un infini plaisir.
Travailler avec lui était facile, mais j’allais tout de même à ses cours avec
une vague crainte, une certaine émotion. Toutes ces sensations avaient une
double origine: la conscience de ma responsabilité et le profond respect
pour l’enseignant. Il m’est souvent arrivé de commencer à jouer, mais
embarrassé par quelque chose j’avais l’impression d’avancer dans une
fausse direction. Yuri Yankelevitch attendait un court instant, puis
prononçait deux ou trois mots, une phrase tout au plus ou chantait le début
de l’œuvre et tout se remettait à sa place! Mon manque d’assurance
disparaissait, l’entrain était là, et chose inexplicable, je réussissais à jouer
immédiatement comme il le fallait. Après sa démonstration et un exemple
bien choisi, tout devenait clair et je reprenais confiance dans mon
interprétation. Ses remarques étaient surprenantes: laconiques, simples, et
en même temps profondes et riches en information. De plus, “l’arsenal”
pédagogique de Yankelevitch renfermait des moyens d’action extrêmement
variés.
Dix ans plus tard, en été 1964, a chance la une fois de plus frappé à
ma porte. J’ai passé un mois entier avec l’assistante de Yankelevitch,
Tchougaieva et avec le Maître lui-même, en Estonie, dans un petit village,
non loin de Parnu. Ce furent de magnifiques journées! Yuri Yankelevitch
était généralement tellement absorbé par son travail, qu’il ne pouvait pas
s’interrompre, n’était-ce qu’une seule journée. Il ne s’accordait en
conséquence que très peu de temps libre. Mais ces rares heures consacrées
au loisir étaient passionnantes! Yuri Yankelevitch communiquait son
316
enthousiasme à tout le monde, grâce à son imagination, son énergie
inépuisable et son amour de la vie et de la nature. Il débordait de joie pour
la plus simple promenade en forêt, pour une baignade ou pour le doux
soleil d’Estonie!
317
conformisme dans la vie quotidienne était l’une de ses premières exigences
en musique. Yuri Yankelevitch exigeait constamment de nous tous, ses
élèves, la sincérité de l’exécution. Il ne supportait pas l’hypocrisie du jeu. En
voici une illustration caractéristique. La perfection technique était pour lui
la principale qualité du violoniste. Constamment attentif à la justesse de
l’intonation, il lui est arrivé néanmoins de dire un jour au concert d’un
violoniste qui possédait une technique parfaite, mais qui jouait sans
s’impliquer émotionnellement, sans chaleur ni sincérité: “C’est tellement
juste que c’en est désagréable!” Cette réplique le décrivait en entier.
S’étant rendu compte un jour que mon jeu n’était pas entravé par la
position de mon coude, légèrement plus relevé qu’il ne l’aurait fallu, Yuri
Yankelevitch m’a dit en plaisant à demi, comme à son habitude “Tu peux
jouer avec ton pied si tu veux, du moment que tu arrives à tout faire
correctement.”
318
esthétique, et de mon point de vue, parfait. Je suis certain que ses autres
élèves sont du même avis. Je garde en mémoire des moments très forts où
mon professeur prenait son violon pour nous montrer des coups d’archets
exceptionnellement affûtés, ce qui provoquait à chaque fois l’admiration
sincère de ses étudiants. Cette haute précision était d’autant plus étonnante
que Yuri Yankelevitch ne les travaillait plus régulièrement durant de
nombreuses années.
Sa vie reste un exemple inoubliable pour nous, ses élèves, et pour bien
d’autres, un exemple de courage et de dévouement pour son métier.
319
320
Vladimir Spivakov
LE MAÎTRE ET L’ÉCOLE
L’école unit les artistes qui la suivent, c’est un lien spirituel, étroit et
profond, assuré par la personne du Maître, de l’Enseignant, dont les élèves
ressentent son contact intime qu’ils gardent à travers toute leur vie. L’école
n’incarne pas uniquement l’affinité des goûts artistiques, ni même l’identité
des principes de création, ni, parfois, la même vision du monde. La nature
esthétique de l’école, et cela est totalement vrai de l’art de l’interprétation,
s’incarne également, selon moi, dans la vie, hors des frontières de l’art. Le
sceau du Maître, le chef de file de l’école, est apposé sur toute la vie de
l’artiste qui appartient à son école.
Il m’est encore très difficile de parler de lui, bien qu’il se soit écoulé
de nombreuses années depuis son décès. Ma mémoire garde intacte
l’expression des visages des proches de Yuri Yankelevitch, de ses élèves et
de ses camarades du chemin difficile de l’art et de la vie, de tous ceux qui
sont venus, je ne veux pas dire “faire leurs adieux” non, saluer
respectueusement le Maître et l’Ami. Cependant, bien que ce terrible
événement ait eu réellement lieu, ni moi, ni probablement ses autres élèves,
nous n’avons et ne pouvons avoir vraiment conscience de la réalité de son
départ.
321
revanche, j’aimerais me contenter de décrire les traits du caractère de Yuri
Yankelevitch qui provoquaient mon étonnement et mon admiration, et qui,
me semble-t-il, permirent à Yuri Yankelevitch de devenir un Maître
authentique et d’acquérir la liberté pédagogique, aussi indispensable à
l’enseignant qu’à l’interprète.
322
lesquels Yuri Yankelevitch, forcent l’étudiant à l’introspection, lui montrent
ce qu’il possède de plus remarquable en lui, pour qu’il apprenne à découvrir
cette qualité, à l’apprécier et à la développer. Ce n’est pas par hasard que
Yankelevitch aimait tellement répéter les mots du virtuose français Lucien
Capet : “L’homme doit méditer sur lui-même, trouver sa croix et son étoile
dans ses abîmes. Se réaliser ne signifie aucunement suivre le chemin de la
facilité. Cela signifie la plupart du temps grimper aux cimes. Le destin exige
deux choses de nous: comprendre ce qu’il nous offre, et cultiver ce don par
l’effort constant et inlassable de la volonté, qui ne fuit devant rien et ne
craint même pas les tourments.”
Il est naturel que toute réussite dans la science ou dans l’art est le fruit
d’un immense travail accompli sur le chemin semé d’obstacles qu’il faut
franchir pour passer du stade de l’apprentissage à celui de l’art véritable.
Yuri Yankelevitch possédait des connaissances théoriques et pratiques
extrêmement profondes qui lui permirent de montrer concrètement
comment doit être perfectionné, de jour en jour, d’une leçon à l’autre, le
côté physique de l’interprétation. Ce travail était toujours relié à l’évolution
spirituelle de l’élève. Mais on pourrait se demander si c’étaient seulement
ces merveilleuses qualités qui menaient l’étudiant vers le résultat tant
attendu, au moment où l’élève devenait un artiste ? On ne pouvait y
parvenir que par un travail de forcené, éclairé par l’esprit. C’est ainsi que
travaillait mon Maître en montrant l’exemple d’un homme au service de
l’art.
323
révéla en même temps leur propre aptitude à comprendre l’harmonie de
l’art musical, l’harmonie des formes musicales et l’harmonie de leur âme.
Son rôle réside justement dans le fait qu’un vrai Maître et Artiste est
un semeur. Les graines qu’il sème ne donnent pas de pousses
instantanément mais demandent du temps et des conditions favorables
pour éclore, mûrir, fleurir et générer de nouvelles graines.
324
Yankelevitch, et je leur dis tout simplement: “Amis, jouons cette phrase
comme l’aurait voulu Yuri Yankelevitch! Il ne me reste alors plus rien à
expliquer, tout reprend sa place. Cela signifie que ce n’est pas seulement la
merveilleuse méthode de Yuri Yankelevitch qui vit, mais également l’esprit
du Maître. Il s’incarne dans les sons aujourd’hui et existera demain. A
jamais!
325
326
Vera Kramarova
327
Pendant ses cours, Yuri Yankelevitch restait très sobre dans ses
encouragements, mais s’il nous arrivait de ne pas très bien jouer sur scène,
il ne nous le reprochait jamais.
Lorsque nous jouions pour lui , nous ressentions toujours une grande
responsabilité, de l’entrain et de la motivation. C’était facile et difficile en
même temps. Chaque cours nous faisait découvrir quelque chose de
nouveau, non seulement en musique mais aussi en nous-mêmes. Nous
prenions alors conscience de possibilités dont nous ne soupçonnions pas
l’existence.
Il n’admettait pas non plus que l’on n’utilise pas toutes ses capacités,
que l’on joue “par-dessus la jambe”. Il écoutait très attentivement, sans
laisser passer une seule impureté. Il y avait toujours beaucoup de monde
dans sa classe, mais on ne pouvait entrer que pendant les pauses pour ne
pas gêner celui qui était en train de jouer. Si quelque chose gênait le jeu ou
détournait l’attention du professeur, ne serait-ce qu’un instant, il faisait tout
rejouer pour avoir une juste idée de chaque note. Il exigeait la même
concentration de la part de tous ses élèves.
328
être techniquement parfaite, et musicalement juste, intéressante et
brillante. Il savait insuffler la confiance à ses élèves, en faisant remarquer,
par exemple, qu’il était facile de jouer du violon à condition de réfléchir
suffisamment. “Pour bien jouer, on n’a pas besoin d’études supérieures,
mais seulement d’un peu de jugeote”, était l’un de ses aphorismes préférés.
329
son tempérament, son niveau d’éveil musical général, ses acquis techniques
et ses objectifs. Il était extrêmement conséquent dans ce qu’il s’était fixé. Le
répertoire étant élaboré pour une période précise, si une partie n’en était
pas assimilée, il ne la laissait pas de côté, mais la reportait à la période
suivante. Il estimait qu’à la fin des études l’élève devait bien connaître les
différent ; styles de musique. Pour lui, la musique de Spohr, de Vieuxtemps
et d’autres compositeurs, que les élèves tiennent généralement pour
secondaires, devait être interprétée de façon à ce que l’on entende ses
qualités et non pas ses faiblesses. Il accordait une grande importance à
l’étude des pièces, car, selon lui, les pièces contribuent dans une grande
mesure à développer et à former l’ensemble des qualités du jeune
interprète. Il pensait qu’il était indispensable d’apprendre au moins quatre
études par mois, chacune traitant l’un des aspects de la technique. Il voulait
que les études soient jouées comme des œuvres à part entière, qu’elles aient
leur propre caractère.
Yuri Yankelevitch était pour nous, ses élèves, l’être le plus proche. Son
autorité égalait certainement celle de nos parents, et quelquefois la
dépassait. Nous avions tous la certitude inébranlable qu’il était intimement
intéressé par l’avenir professionnel et personnel de chacun de nous, et qu’il
nous aiderait en tout par ses conseils et son action.
330
Arcady Fouter
MON MAÎTRE
331
aux concerts, à l’Opéra, visitions des musées et écoutions bien sûr
beaucoup de musique. À ce propos, Yankelevitch pensait qu’il était très
utile de travailler avec des enregistrements, parce que l’élève arrivait ainsi
à éclaircir nombre de points obscurs sans que l’enseignant n’ait à intervenir.
Chaque étudiant avait son propre répertoire, prévu pour une longue
période, qui tenait compte de ses capacités et ses données individuelles. Ce
travail systématique, analysé dans les moindres détails conduisait aux
résultats espérés. La caractéristique des étudiants de Yankelevitch était leur
excellente technique, avec une grande “réserve de solidité”, ce qui est très
important pour le musicien interprète.
332
Yankelevitch, surtout dans les dernières années de son activité. Ses cours
étaient presque toujours des cours publics auxquels assistait énormément
de monde: des étudiants, des enseignants et beaucoup de visiteurs
extérieurs. Cela rapprochait les sensations du jeu des sensations de la scène
et augmentait le sens des responsabilités des élèves.
333
334
LES ACCOMPAGNATEURS RACONTENT...
Maria Stern
J’ai travaillé avec Yuri Yankelevitch durant les dix premières années
de son activité pédagogique indépendante.
C’est ainsi que j’ai gardé en mémoire Victor Tretiakov, Arcady Fouter, Irina
Botchkova et beaucoup d’autres. Chacun d’eux était très proche de Yuri
Yankelevitch, et lui était leur ami et leur protecteur dans les moments
difficiles. Il savait apporter son aide au moment opportun, comme un bon
psychologue, et il pouvait conseiller et offrir sa protection, son affection et
sa douceur lorsque cela se révélait nécessaire. Mais il ne leur permettait
jamais de devenir narcissique, même au-sommet de la gloire.
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Natalia Ijevskaïa
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Quant à la brillante polonaise de Wieniawski, il désirait y voir
conjuguées l’aisance de l’interprétation et la précision du rythme de la
danse. Le travail minutieux et persévérant avait pour résultat d’élever
l’étudiant aux sommets de l’art où la virtuosité de la musique ne présentait
plus pour lui aucune difficulté. Ce n’est pas par hasard que Tatiana
Grindienko remporta le premier prix au Concours Wieniawski; les Polonais
étaient subjugués par son interprétation.
Serafima Tcherniakhovskaïa
337
J’étais constamment étonnée par la maîtrise parfaite avec laquelle il
“préparait” l’œuvre au début de l’apprentissage, c’est-à-dire qu’il affinait les
moindres détails, les phrases les plus courtes, chaque note et chaque
mouvement. Tout cela était “poli” jusqu’au niveau permettant de tout
rassembler en une entité cohérente. Les violonistes voyaient alors
l’ensemble avec clarté, et elle faisait naître en eux la création véritable, la
liberté véritable de l’interprétation, elle faisait s’exprimer leur individualité.
Bella Rakova
J’ai travaillé pendant plus de dix ans avec Yuri Yankelevitch. Ces
années ont vu s’épanouir son activité pédagogique. Durant cette période, les
élèves du Professeur Yankelevitch ont défendu avec honneur l’école du
violon nationale.
338
Je me rappellerai toujours le parallèle qu’il établit avec les comédiens
dramatiques véritables, qui tout en portant en eux le génie des acteurs
tragiques, maîtrisaient parfaitement toute la palette du jeu de comédien et
pouvaient jouer tout aussi bien d’autres rôles, y compris le vaudeville.
Ainsi, le violoniste doit lui aussi savoir bien jouer les caprices de
Paganini, les danses de Sarasate, les études, les œuvres d’Ernst... pour
pouvoir bien jouer la “vraie” musique.
Anna Levina
Le pianiste qui travaillait avec lui participait avec les mêmes droits au
processus de la création, et était son adjoint et ami.
Pendant vingt ans, je me suis rendue au Conservatoire non pas
comme au travail, mais comme à une fête. Je me préparais pour la leçon
comme pour un concert, car Yuri Yankelevitch exigeait de lui-même, de ses
élèves et de l’accompagnateur un investissement total dans le métier.
339
Nous n’avons jamais joué quoique ce soit simplement pour l’entendre, bien
au contraire, nous travaillions longuement chaque phrase, chaque extrait,
chaque étude, les répétant plusieurs fois afin de consolider ce qui était
acquis au cours du travail.
***
340
LISTE DES ÉLÈVES DU PROFESSEUR YANKELEVITCH,
(Y COMPRIS DES LAURÉATS DES CONCOURS
INTERNATIONAUX),
ET LE LIEU DE LEUR FONCTION ACTUELLE
AGARONIAN Ruben - 2e Prix du IIIe Concours Tchaïkovsky (Moscou
1966), 2e Prix du Concours Enesco (Bucarest 1970), 1er Prix du Concours
International du violon (Montréal 1972). Décoré par la République
d’Arménie. Directeur artistique de l’Orchestre de chambre d’Arménie.
Professeur au Conservatoire d’État de Erevan.
341
GELFAT Alexandre - 3e Prix du Concours Léo Weiner (Budapest 1963).
Fait partie de l’Orchestre de chambre “Les Virtuoses de Moscou”.
KOGAN Pavel - Ier Prix du Concours Sibelius (Helsinki 1970). Décoré par
la République de Russie. Chef d’orchestre de l’Orchestre Symphonique
National de Moscou.
342
MARKOV Albert - 1er Prix du Festival International de la Jeunesse
(Moscou 1957), 2e Prix du Concours International de violon - de la Reine
Elisabeth (Bruxelles 1959), 6e Prix du IIe Concours Tchaïkovsky (Moscou
1962). Professeur à la faculté de musicologie de New-York (Etats-Unis).
343
Prix du Concours International des Solistes (Munich 1975), 1er Prix du
Concours Flesch (Londres 1976), Ier Prix du Concours International
“Romano-Romaninift” (Rome 1980 Professeur à l’Académie Supérieure de
Musique de Vienne (Autriche).
***
344
Écrits de Yuri Yankelevitch
345
Exposé fait à la Conférence de la Faculté d’Orchestre du Conservatoire de
Moscou sur les questions du style d’interprétation, le 28 novembre 1958.
Manuscrit.
***
346
PUBLICATIONS DE PARTITIONS SOUS LA DIRECTION DE
YURI YANKELEVITCH
Bruch Fantaisie écossaise. Moscou, 1962
Vieuxtemps Concerto N°1. Moscou, 1968
Vieuxtemps Concerto N°5. Moscou, 1958
Haendel Aria. M., 1955
Haendel Sonate N°2. M., 1951
Goldmark Concerto. M., 1970
Grieg Sonates N°l à 13. M., 1971
Mozart Concerto N°5. M., 1983
Prokofiev 3 pièces tirées du ballet “Roméo et Juliette”. M., 1956
Sarasate Fantaisie “Carmen”. M., 1956
Saint-Saëns Havanaise (reconstitution de la rédaction de Yampolsky).
M., 1957
Tchaïkovsky Méditation (reconstitution de la rédaction de Yampolsky).
M., 1957
Tchaïkovsky Sérénade mélancolique, 1957
Spohr Concerto N°7. M., 1968
Spohr Concerto N°9. M., 1959
347
348
TABLE DES MATIÈRES
Préface
Alexandre Brussilovsky. Mon professeur et l’Ecole russe du violon 7
Vladimir Grigoriev. La méthode de Yuri Yankelevitch 11
Première partie
Yuri Yankelevitch. Le placement initial du violoniste 71
Yuri Yankelevitch. Les changements de position
et les problèmes de l’interprétation 87
Bibliographie 236
Deuxième partie
Tatiana Gaïdamovitch.
L’œuvre du Maître dans la vie de ses disciples 243
Grigory Jisline. L’esthétique de Yuri Yankelevitch 259
Elena Yankelevitch. 279
L’héritage pédagogique de Yuri Yankelevitch aujourd’hui
Les souvenirs des enseignants, assistants et élèves.
Maïa Glesarova.
Les caractéristiques des procédés pédagogiques de Yankelevitch 295
Inna Gaukhman. Mon collègue et ami 311
Victor Tretiakov. Mon maître 315
Vladimir Spivakov. Le Maître et l’École 321
Vera Kramarova. Les leçons du Maître 327
Arcady Fouter. Mon Maître 331
Les accompagnateurs racontent...
Maria Stern, Natalia Ijevskaïa, Serafima Tcherniakhovskaïa,
Bella Rakova, Anna Levina 335
La liste des élèves de Yuri Yankelevitch 341
Les écrits de Yuri Yankelevitch 345
Les partitions éditées sous la direction de Yuri Yankelevitch 347
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Maquette de couverture, photogravure et impression
réalisées par
Dandoy CompoGravure
2791, chemin de Saint Bernard
06225 Vallauris Cedex
Email : dandoy@club-internet.fr