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c Christophe Bertault - MPSI

Ensembles finis et dénombrement

Définition (Ensemble fini/infini) Soit E un ensemble. On dit que E est fini s’il est vide ou si, pour un certain n ∈ N× , il
existe une bijection de l’ensemble J1, nK sur E ; on dit sinon que E est infini.

   Explication Ce chapitre est intégralement dirigé par une idée : l’idée selon laquelle une bijection de E sur F établit
une correspondance parfaite entre les éléments de E et les éléments de F ; c’est la manière qu’ont trouvé les mathématiciens
pour décrire la taille, le nombre d’éléments des ensembles — appelé cardinal. Cette théorie nous permettrait de parler aussi des
ensembles infinis si nous le voulions, mais cela n’est pas au programme — et c’est plus compliqué.

1 Cardinal d’un ensemble fini

Définition (Cardinal d’un ensemble fini) Soit E un ensemble fini non vide. On appelle cardinal de E ou nombre d’éléments
de E tout entier n ∈ N× pour lequel il existe une bijection de J1, nK sur E.
On convient que le vide est de cardinal 0, ce qu’on note : card(∅) = 0.

Théorème (Unicité du cardinal)


(i) Soient m, n ∈ N. Il existe une bijection de J1, mK sur J1, nK si et seulement si m = n.
(ii) Soit E un ensemble fini. Il existe un et un seul cardinal de E, noté card E (ou #E ou |E|).

Démonstration
(i) Résultat admis.
(ii) Soient m et n deux cardinaux de E, i.e. deux entiers naturels non nuls pour lesquels existent une bijection
f : J1, mK −→ E et une bijection g : J1, nK −→ E. Alors g −1 ◦ f est une bijection de J1, mK sur J1, nK, et
aussitôt m = n via l’assertion (i). 

Exemple Soient m, n ∈ Z tels que m 6 n. Alors Jm, nK est fini et card Jm, nK = n − m + 1.

J1, n − m + 1K −→ Jm, nK
En effet Soit f l’application . Cette application est bijective car l’appli-
k 7−→ k + m − 1

Jm, nK −→ J1, n − m + 1K
cation en est la réciproque. Cela montre bien le résultat voulu.
k 7−→ k−m+1

Théorème Soient E et F deux ensembles. On suppose que E est fini et qu’il existe une bijection de E sur F . Alors F est fini
et card E = card F .

Démonstration Si E est vide, le résultat est immédiat car F est alors vide lui aussi. Supposons donc que E
n’est pas vide, et puisque E est fini, donnons-nous une bijection g de J1, card EK sur E.
Soit alors f une bijection de E sur F , conformément à l’hypothèse du théorème. Alors f ◦ g est une bijection de
J1, card EK sur F , donc en effet F est fini, et card F = card E par unicité du cardinal. 

Théorème (Parties d’un ensemble fini) Soient E un ensemble fini et A une partie de E.
Alors A est finie et card A 6 card E. De plus A = E si et seulement si card A = card E.

   En pratique Pour montrer que deux parties finies A et B d’un ensemble E sont égales, au lieu de montrer que
A ⊆ B et que B ⊆ A, on peut se contenter de montrer, grâce au théorème précédent, que A ⊆ B et que card A = card B. Cette
remarque est très utile dans certains contextes.

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Démonstration Récurrence sur n = card E.

• Initialisation : Pour n = 0, E est vide, et donc A aussi. Ainsi A = E et il n’y a rien à montrer.

• Hérédité : Soit n ∈ N. On suppose que pour tout ensemble fini E de cardinal n et toute partie A de E, A
est finie telle que card A 6 card E, et que de plus A = E si et seulement si card A = card E.
Donnons-nous alors E un ensemble fini de cardinal (n + 1) et A une partie de E. Si A = E, tout va bien.
Supposons donc A 6= E.
Cette preuve étant abstraite, donnons-en rapidement l’idée. Partant d’une bijection f de J1, n + 1K sur
E, nous allons
n restreindre
o celle-ci à l’ensemble J1, nK. Nous récupérerons ainsi une bijection de J1, nK sur
E 0 = E r f (n + 1) , ce qui montrera en particulier que card E 0 = n. Nous espérons ainsi pouvoir appliquer
l’hypothèse de récurrence à l’ensemble E 0 , mais pour que cela nous parle de A, il faut être sûr d’avoir A ⊆ E 0 .
Or cela n’est vrai que si f (n + 1) ∈
/ A. La question pertinente est donc la suivante : peut-on toujours choisir
f de façon à avoir f (n + 1) ∈/ A?
1) Montrons qu’il existe une bijection f de J1, n + 1K sur E telle que f (n + 1) ∈ / A.
Ce qui est vrai en tout cas, c’est qu’il existe une bijection f de J1, n + 1K sur E, puisque card(E) = n + 1.
Si f (n + 1) ∈
/ A, nous sommes heureux. Supposons au contraire que f (n + 1) ∈ A. Comme A 6= E, il existe
un élément ω ∈ E extérieur à A. Définissons alors l’application f˜ : J1, n + 1K −→ E en posant :
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< f (k) si f (k) 6= ω et k 6= n + 1 ;
∀k ∈ J1, n + 1K, f˜(k) = ω si k = n + 1 ;
:
f (n + 1) si f (k) = ω.
En somme, f˜ et f sont identiques à ceci près qu’on a échangé leurs valeurs ω ∈
/ A et f (n + 1) ∈ A. Vous
montrerez seuls, proprement, que f˜ est bijective de J1, n + 1K sur E. Comme f˜(n + 1) = ω ∈ / A, on a
montré ce qu’on voulait montrer.
2) Conformément au point précédent, nous npouvons nous
o donner f une bijection de J1, n + 1K sur
/ A. Posons alors E = E r f (n + 1) . Comme voulu, A est une partie de E 0 car
E telle que f (n + 1) ∈ 0

f (n + 1) ∈/ A. Nous allons montrer que E 0 est de cardinal n pour pouvoir lui appliquer notre hypothèse
de récurrence.
Or la restriction de f à J1, nK induit une bijection de J1, nK sur E 0 , par construction. Cela montre que
E 0 est fini de cardinal n. Par hypothèse de récurrence, A est donc un ensemble fini et de plus on a les
inégalités card A 6 card E 0 = n < n + 1 = card E.
Au passage, nous venons de montrer par contraposition l’implication « card A = card E =⇒ A = E »
grâce à l’inégalité stricte précédente. 

Théorème (Injectivité, surjectivité et ensembles finis) Soient E et F deux ensembles et f : E −→ F une application.
(i) Si f est injective et si F est fini, alors E aussi est fini et card E 6 card F . Si de plus card E = card F , f est en fait
bijective de E sur F .
(ii) Si f est surjective et si E est fini, alors F aussi est fini et card F 6 card E. Si de plus card E = card F , f est en
fait bijective de E sur F .
(iii) Si E et F sont finis de même cardinal, on a l’équivalence suivante :
f est bijective ⇐⇒ f est injective ⇐⇒ f est surjective.

   Explication
• Tâchons de comprendre intuitivement l’assertion (i).
Dire que f est injective, c’est dire que pour tous x, x0 ∈ E,
si x 6= x0 alors f (x) 6= f (x0 ). En français, ceci signifie que
F
deux points distincts dans E sont envoyés par f sur deux
points distincts de F . Ainsi f transporte les points de E E f injective f (E)
dans F sans en faire disparaître aucun, sans qu’aucun se b b

retrouve au même endroit qu’aucun autre. Dit autrement, b b


ceci veut dire que f crée une copie de E dans F . Or une b b

telle copie n’est possible que si F est « plus gros » que E,


que s’il y a dans F assez de place pour accueillir une copie
de E. Voilà pourquoi card E 6 card F .
• Faites l’effort de comprendre intuitivement l’assertion (ii) tout comme nous venons de comprendre l’assertion (i).
• L’assertion (iii) vous rappelle certainement un théorème du chapitre « Espaces vectoriels de dimension finie » que nous
avons beaucoup aimé car il était très utile et facile à manipuler. De même qu’on avait alors impérativement besoin de la
condition « dim E = dim F », on a dans le cas présent besoin de la condition « card E = card F ».

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Démonstration
(i) Supposons f injective de E sur F . Comme f (E) est une partie de F , nous savons que f (E) est fini et que
card f (E) 6 card F . Or f est bijective de E sur son image f (E). Via un théorème précédent, la finitude
de f (E) implique donc la finitude de E et de plus card f (E) = card E. Finalement, nous avons montré que
card E 6 card F comme voulu.

(ii) Supposons f surjective de E sur F et donnons-nous ϕ une bijection de J1, card EK sur E. Alors f ◦ ϕ est
surjective de J1, card EK sur F par composition.
−1  n o
Posons, pour tout y ∈ F , Ay = f ◦ ϕ J1, card EK = k ∈ J1, card EK/ f ◦ ϕ(k) = y . Cet Ay
est une partie de N, il possède donc un plus petit élément µ(y). Nous disposons ainsi d’une application
µ : F −→ J1, card EK. Par ailleurs, pour tout y ∈ F , µ(y) ∈ Ay , donc f ◦ ϕ µ(y) = y ; on a donc
f ◦ ϕ ◦ µ = IdF .
 
Montrons que µ est injective. Soient y, y 0 ∈ F tels que µ(y) = µ(y 0 ). Alors y = f ◦ϕ µ(y) = f ◦ϕ µ(y 0 ) = y 0 ,
et voilà le travail. Finalement, µ est injective de F dans J1, card EK. Le premier point montre aussitôt que
F est fini et que card F 6 card E, comme voulu.

(iii) Supposons E et F finis de même cardinal. Alors bien sûr, si f est bijective, f est injective et surjective.
• Supposons f injective. Alors nous avons vu dans la preuve de (i) que card f (E) = card E. Du
coup, card f (E) = card E = card F . Or f (E) est une partie de F , donc f (E) = F , et enfin f est surjective,
donc également bijective.
• Supposons f surjective et reprenons l’application µ utilisée en (ii). Cette application µ est injective
de F dans J1, card EK. Puisque E et F sont supposés finis de même cardinal, le point précédent dans (iii)
montre que µ est mieux qu’injective, elle est en fait bijective. L’égalité f ◦ ϕ ◦ µ = IdF peut donc s’écrire
f = µ−1 ◦ ϕ−1 et ainsi f est bijective. 

Théorème (Parties finies de N) Soit A une partie de N.

A est finie si et seulement si A est majorée.

Dans ce cas, si de plus A 6= ∅, il existe une et une seule bijection (strictement) croissante de J1, card AK sur A.

   Explication Mais à quoi ce théorèmenpeut-il bien serviro ? Quand on travaille avec une partie finie A de N, on a
naturellement envie d’écrire A sous la forme A = a1 , a2 , . . . , an où n = card A et où a1 < a2 < . . . < an . Bref, on a bien
envie de ranger les éléments de A dans l’ordre croissant. Maisest-ce au moins possible ? Eh bien oui, c’est ce que nous dit le
J1, nK −→ A
présent théorème. La bijection qu’il décrit est ici l’application , qui permet en effet un classement croissant
i 7−→ ai
des éléments de A.

Démonstration
• Si A est finie, de deux choses l’une : ou bien A est vide, donc évidemment majorée par tout entier ; ou bien
A est non vide, et possède donc un plus grand élément, donc est majorée. Dans les deux cas, A est majorée.
Réciproquement, si A est majorée, disons par M ∈ N, alors A ⊆ J0, M K. Or J0, M K est fini, donc A également.

• Supposons à présent A finie non vide et notons n = card A. Nous voulons montrer qu’il existe une et une
seule bijection strictement croissante ϕ de J1, card AK = J1, nK sur A.

1) Analyse : Supposons l’existence de ϕ. Soit k ∈ J1, nK. Comme ϕ est strictement croissante, nous
disposons de la chaîne d’inégalités suivante :
ϕ(1) < ϕ(2) < . . . < ϕ(k − 1) < ϕ(k) < ϕ(k + 1) < . . . < ϕ(n).
Comme ϕ est bijective d’image A, il faut bien remarquer que tous les éléments de A figurent dans
cette chaîne d’inégalités. Il apparaît alors que ϕ(k)
n est le plus petit élémento de A privé des valeurs
ϕ(1), ϕ(2), . . . , ϕ(k − 1). Bref : ϕ(k) = min A r ϕ(1), ϕ(2), . . . , ϕ(k − 1) . Fin de l’analyse.
| {z }
∅ par convention si k=1

2) Synthèse : Définissons ϕ de façon récursive en posant, pour tout k ∈ J1, nK :


n o
ϕ(k) = min A r ϕ(1), ϕ(2), . . . , ϕ(k − 1) .
| {z }
∅ par convention si k=1
(initialisation)

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Montrons que ϕ est strictement croissante. Soit k ∈ J1, n − 1K. Partons de l’inclusion :
n o n o
A r ϕ(1), ϕ(2), . . . , ϕ(k) ⊆ A r ϕ(1), ϕ(2), . . . , ϕ(k − 1) ,
n o
et passons-la aux « min » : on obtient ϕ(k) 6 ϕ(k + 1). Et comme ϕ(k) ∈
/ A r ϕ(1), ϕ(2), . . . , ϕ(k) , il
est impossible d’avoir ϕ(k) = ϕ(k + 1). On a donc l’inégalité stricte désirée : ϕ(k) < ϕ(k + 1).
Pour conclure, remarquons que ϕ est une application strictement croissante, donc injective de J1, nK dans
A, et que card J1, nK = card A. Un théorème vu précédemment affirme enfin que ϕ est bijective comme
nous l’attendions. 

2 Dénombrement

2.1 Réunion, intersection et différence d’ensembles finis

Théorème (Cardinal de la réunion/intersection/différence de deux ensembles finis) Soient A et B deux ensembles


finis.  
(i) Alors A ∪ B est fini et card A ∪ B = card A + card B − card A ∩ B .
En particulier, si A et B sont disjoints, card A ∪ B = card A + card B.
 
(ii) card A r B = card A − card A ∩ B . 
En particulier, si B est une partie de A, card B c = card A r B = card A − card B.

   Explication
On peut dessiner quelques patates pour bien visualiser ce théorème. Dans le cas de la réunion, pour trou- A
ver le nombre d’éléments dans A ∪ B, il faut compter les éléments de A et ceux de B en les additionnant,
mais en faisant cela, on compte deux fois les éléments qui sont à la fois dans A et B, i.e. les éléments de A∩B
A ∩ B ; c’est pourquoi il convient de les retrancher. B

Démonstration Posons m = card A et n = card B.


• Commençons par démontrer l’assertion (i) dans le cas où A et B sont disjoints. Le résultat étant évident
si A ou B est vide, nous nous donc plaçons dans le cas contraire. Soient α (resp. β) une bijection de J1, mK
sur A (resp. de J1, nK sur B). Nous définissons l’application γ de A ∪ B dans J1, m + nK en posant :

α−1 (x) si x ∈ A
∀x ∈ A ∪ B, γ(x) = .
m + β −1 (x) si x ∈ B
Bien sûr, une application est ainsi proprement définie car A et B sont supposés disjoints — x appartient
à A ou à B, pas aux deux. Il se trouve alors que γ est une bijection de A ∪ B sur J1, m + nK comme nous
allons le prouver à présent.

Injectivité de γ : Soient x, y ∈ A ∪ B tels que γ(x) = γ(y). Plusieurs possibilités s’offrent à nous.
1) Si x et y sont dans A, alors α−1 (x) = γ(x) = γ(y) = α−1 (y), et comme α−1 est injective, x = y.
2) Si x et y sont dans B, alors β −1 (x) = γ(x) = γ(y) = β −1 (y), et comme β −1 est injective, x = y.
3) Enfin, si x est dans A et y dans B — idem si c’est l’inverse — alors γ(x) = α−1 (x) ∈ J1, mK et
γ(y) = m + β −1 (y) ∈ Jm + 1, m + nK. Nous avons donc :
γ(x) = γ(y) ∈ J1, mK ∩ Jm + 1, m + nK = ∅. La situation 3) est donc contradictoire.

Surjectivité de γ : Soit i ∈ J1, card A + card BK.


1) Si i ∈ J1, mK, alors il existe a ∈ A tel que α−1 (a) = i. On a donc γ(a) = α−1 (a) = i.
2) Sinon i ∈ Jm + 1, m + nK, donc i − m ∈ J1, nK. Il existe alors b ∈ B tel que β −1 (b) = i − m. On a
donc γ(b) = m + β −1 (b) = i.
Au final, γ est une bijection de A ∪ B sur J1, m + nK, donc A ∪ B est un ensemble fini de cardinal m + n. On
a finalement obtenu l’égalité : card(A ∪ B) = card A + card B.

• Démontrons l’assertion
 (ii). En tant
 que parties de A, A r B et A ∩ B sont des ensembles finis. Mais par
ailleurs A = hA r B ∪ A ∩ B ,ioù A r B et A ∩ B sont disjoints. Le premier point affirme donc que
   
card A = card A r B ∪ A ∩ B = card A r B + card A ∩ B . C’est justement ce que nous voulions.

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• Finissons-en avec le cas général


 de l’assertion (i). En tant que partie de A, A r B est un ensemble fini. Mais
par ailleurs A ∪ B = A r B ∪ B, où A r B et B sont disjoints. Le premier point affirme donc que A ∪ B
est fini et que card A ∪ B = card A r B + card B. Mais  nous pouvons aussi utiliser l’assertion (ii), et
finalement card A ∪ B = card A + card B − card A ∩ B comme voulu. 

Remarque deux à deux disjoints (n ∈ N× ), on peut généraliser la formule du


Si A1 , A2 , . . . , An sont des ensembles finis !
[ n X
théorème précédent de la façon suivante : card Ai = card Ai .
16i6n i=1

2.2 Produit cartésien d’ensembles finis

Théorème (Cardinal du produit cartésien de deux ensembles finis) Soient E et F deux ensembles finis.
Alors E × F est fini et : 
card E × F = card E × card F .

Démonstration Se donner deux bijections conformes à la définition de la finitude de E et F , ce n’est rien de


plus que numéroter les éléments
n de E et o F pour les distinguer.
n Nous
o pouvons ainsi énumérer les éléments de E
et F en posant : E = e1 , e2 , . . . , em et F = f1 , f2 , . . . , fn , si m = card E et n = card F . Alors par
n o
définition : E × F = (ei , fj ) .
16i6m, 16j6n
n o 
 F −→ Ai
Pour tout i ∈ J1, mK, posons à présent Ai = ei × F = (ei , fj ) ; l’application
étant
f 7−→ (ei , f )
16j6n
clairement bijective, nous pouvons affirmer que Ai est un ensemble fini de même cardinal que F . Il se trouve par
ailleurs que la réunion des Ai (1 6 i 6 m) est E × F tout entier, et que les Ai sont deux à deux disjoints. En vertu
de la remarque du paragraphe précédent, l’ensemble E × F est donc fini et on a :
!
 [
m X
m X
m
card E × F = card Ai = card Ai = card F = m card F = card E × card F. 
i=1 i=1 i=1

Remarque Si E1 , E2 , . . . , En sont des ensembles


 finis (n ∈ N× ), on peut généraliser la formule du théorème précédent de la
façon suivante : card E1 × E2 × . . . × En = card E1 × card E2 × . . . × card En .
 k
En particulier, si E est un ensemble fini et si k ∈ N× : card E k = card E .

   Explication Ce résultat est souvent utilisé en théorie des probabilités ou lorsqu’on fait du dénombrement. On
introduit alors souvent le vocabulaire suivant : si E est un ensemble fini et si p ∈ N× , on appelle p-liste de E (p-uplet de E) toute
famille de p éléments de E, c’est-à-dire tout élément de E p . On rappelle ci-après deux propriétés fondamentales des listes.
• Dans une liste, l’ordre des éléments compte. Une liste n’est jamais qu’une famille ; or n l’ordre compte
o quand on travaille
avec les familles. Ainsi, (1, 2, 3) et (2, 1, 3) sont deux 3-listes distinctes de l’ensemble 1, 2, 3, 4, 5 .
n o
• Dans une liste, un même élément peut apparaître plusieurs fois. Ainsi (1, 1, 2, 3) est une 4-liste de l’ensemble 1, 2, 3 .
Les listes servent souvent à modéliser des tirages successifs avec remise dans une urne, un jeu de cartes. . .
Le théorème précédent montre en particulier que tout ensemble fini de cardinal n possède np p-listes distinctes. Ainsi le nombre
de façons de tirer 5 cartes successivement avec remise dans un jeu de 52 cartes est 525 .

2.3 Applications entre ensembles finis

Théorème (Nombre d’applications entre deux ensembles finis) Soient E et F deux ensembles finis.
 card E
Alors l’ensemble F E des applications de E dans F est fini et : card F E = card F .

Démonstration Soient n = card E et ϕ une bijection de J1, nK sur E. L’idée de la preuve est la suivante :
nous savons que F n est l’ensemble des applications de J1, nK dans F et que F E est l’ensemble des applications de
E dans F ; or il y a, via ϕ, le même nombre d’éléments dans E et dans J1, nK ; par conséquent, F n et F E ont le
n card E
même nombre d’éléments, i.e. card F E = card F n = card F = card F .

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Pour être précis, considérons les deux applications suivantes :


 
FE −→ Fn  Fn −→ FE  .
S: et T :
f 7−→ f ◦ ϕ(i) 16i6n (fi )16i6n 7−→ x 7−→ fϕ−1 (x)

Alors S ◦ T = IdF n et T ◦ S = IdF E . En effet :


     
∀(fi )16i6n ∈ F n , S ◦ T (fi )16i6n = S x 7−→ fϕ−1 (x) = fϕ−1 (ϕ(i)) = (fi )16i6n
16i6n
     
et : ∀f ∈ F E , T ◦ S(f ) = T f ◦ ϕ(i) 16i6n
= x 7−→ f ◦ ϕ ϕ−1 (x) = x 7−→ f (x) = f.
Nous pouvons donc affirmer que S et T sont bijectives, réciproques l’une de l’autre. En particulier, comme voulu,
n card E
F E est fini et card F E = card F n = card F = card F . 

La définition suivante est un rappel. Nous avons notamment évoqué ces notions dans les chapitres « Groupes, anneaux,
corps » et « Déterminant ».

Définition (Permutation, groupe des permutations) Soit E un ensemble fini non vide.
• Une bijection de E sur E est souvent appelé une permutation de E.
• L’ensemble des permutations de E est appelé le groupe symétrique de E et noté SE (ou parfois SE ). Dans le cas où
E = J1, nK pour un certain n ∈ N× , le groupe symétrique de E est généralement noté Sn (ou parfois Sn ).

Théorème (Nombre de permutations  d’un ensemble fini) Soient E un ensemble fini non vide.
Alors SE est fini et : card SE = card E !

   Explication On peut expliquer ce résultat simplement en agitant les mains. La preuve rigoureuse est cependant plus
compliquée. Ce qu’il faut commencer par comprendre, c’est qu’une permutation de E — qui est fini — n’est en réalité jamais
qu’une injection de E dans E. En effet, injectivité et bijectivité coïncident quand les ensembles de départ et d’arrivée sont de
même cardinal (fini). Du coup, construire une permutation de E revient à construire une injection de E dans E. Or comment
construit-on une injection de E dans E ? Notons x1 , x2 , . . . , xn les éléments distincts de E, avec n = card E. Pour construire
une injection f de E dans E, on commence par associer à x1 un élément f (x1 ) de E ; le choix de f (x1 ) est indifférent — n
possibilités. Ensuite on associe à x2 un certain f (x2 ) qu’il faut choisir différent de f (x1 ) si on veut l’injectivité de f — (n − 1)
possibilités. Vient ensuite un f (x3 ) différent de f (x1 ) et f (x2 ), etc. A la fin, on n’a plus qu’un seul choix pour f (xn ) car tous les
éléments de E ont été appelés une fois, sauf un. Combien avons-nous eu de possibilités de construction de f ? Facile :

n × (n − 1) × (n − 2) × . . . × 2 × 1 = n!

Démonstration Par récurrence sur card E. Soyez prévenus : cette preuve est propre mais peu digeste.
• Initialisation : Si card E = 1, alors il existe une et une seule bijection de E sur E : elle envoie
 l’unique
élément de E sur lui-même. Ainsi SE est fini et comme voulu : card SE = 1 = 1! = card E !

• Hérédité : Soit n ∈ N× . Supposons que pour tout ensemble A de cardinal n, SA est fini de cardinal n!

Soit alors E un ensemble fini de cardinal


n (n + 1). Fixonsoune fois pour toutes un élément e ∈ E. Pour tout
x ∈ E, nous noterons Fx l’ensemble f ∈ SE / f (e) = x . Il est assez clair que SE est la réunion disjointe
des Fx , x parcourant E. Nous allons montrer que Fx est fini pour tout
X x ∈ E et calculer son cardinal. Nous
pourrons alors conclure grâce à la formule suivante : card SE = card Fx .
x∈E

Fixons donc x ∈ E ainsi que fx ∈ Fx . Alors pour tout f ∈ Fx , on a : fx−1 ◦ f (e) = fx−1 (x) = e.
−1 −1
En d’autres
 termes, fx ◦ f fixe e. Comme par
ailleurs fx ◦ f est une permutation de E, sa restriction
fx−1 ◦ f est une permutation de E r e . Nous pouvons donc nous pencher un peu sur l’application
Er{e}
(
Fx −→ SEr{e}
Tx : f 7−→ fx−1 ◦ f .
Er{e}

1) Tx est injective. En effet, soient f, f¯ ∈ Fx telles que Tx (f ) = Tx (f¯). Pour montrer que f = f¯,
nous devons montrer que f (t) = f¯(t) pour tout t ∈ E.
Ce qui est clair, c’est ¯ ¯
 que f (e) = f (e) = x puisque f, f ∈ Fx .  
Soit alors t ∈ E r e . Nous savons que Tx (f )(t) = Tx f¯ (t), i.e. que fx−1 f (t) = fx−1 f¯(t) . Or fx est
une permutation de E, donc est injective, et donc f (t) = f¯(t) comme voulu.

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2) Tx est surjective. Eneffet, soit ϕ ∈ SEr{e} . Nous devons construire f ∈ Fx telle que Tx (f ) = ϕ.
x  si t = e  .
Posons : ∀t ∈ E, f (t) =
fx ϕ(t) si t ∈ E r e
Ainsi définie, f est une application de E dans E. Vous montrerez seuls que f est bijective : pour cela, il
vous suffira de montrer que f est injective, puisque E est fini. Finalement, f ∈ Fx . 
Enfin il est clair que Tx (f ) = ϕ car : ∀t ∈ E r e , Tx (f )(t) = fx−1 ◦ f (t) = fx−1 ◦ fx ϕ(t) = ϕ(t).

Finalement, nous avons prouvé que Tx est une bijection de Fx sur SEr{e} . Or E r e est un ensemble de
cardinal n, donc via notre
Xhypothèse deXrécurrence, nous pouvons affirmer que Fx est fini de cardinal n!

Enfin ( !) : card SE = card Fx = n! = card E × n! = (n + 1) × n! = (n + 1)! 
x∈E x∈E

2.4 Parties d’un ensemble fini

Définition (Combinaison d’un ensemble fini) Soient E un ensemble fini et p ∈ N. On appelle p-combinaison de E (ou
combinaison de p éléments de E) toute partie de E de cardinal p.

   Explication
• De toute évidence, il n’existe de p-combinaison d’un ensemble à n éléments que si p 6 n.
• Dans une combinaison, qui est un ensemble et non une famille, les éléments sont donnés sans ordre aucun. Quand on
décide de numéroter les éléments d’une combinaison, le choix de la numérotation est totalement arbitraire, la combinaison
en tant que telle n’a pas un premier élément, un deuxième élément, etc.

Théorème (Nombre
! de combinaison d’un ensemble fini) Soient E un ensemble fini de cardinal n ∈ N et p ∈ N, p 6 n.
n n!
Il existe = p-combinaisons distinctes de E.
p p!(n − p)!

Démonstration Pour la clarté de l’exposition, nous ferons ici une preuve « avec les mains ».
• On appelle p-arrangement de E toute p-liste de E dont les éléments sont distincts. Une p-liste n’étant au
fond qu’une famille de p éléments de E, c’est-à-dire qu’une application de J1, pK dans E, un p-arrangement
de E n’est donc jamais qu’une application injective de J1, pK dans E.
Comptons le nombre des p-arrangements de E. Construire un p-arrangement de E, c’est tout d’abord remplir
la première position du p-arrangement en y mettant un élément quelconque x1 de E ; ceci peut se faire de n
façons. C’est ensuite placer un monsieur x2 en deuxième position, lequel ne peut être égal à x1 par définition
ème
d’un p-arrangement — (n − 1)  possibilités. On continue ainsi jusqu’à n’avoir plus qu’au p élément, à
choisir parmi les n − (p − 1) éléments de E non encore sélectionnés. Au final, nous avons pu construire
n!
n × (n − 1) × . . . × (n − p + 1) = p-arrangements distincts. Ce nombre est généralement noté Apn .
(n − p)!
Apn
• Notons alors Kpn le nombre des p-combinaisons distinctes de E. Nous voulons montrer que Kpn = .
p!
Or nous remarquons qu’un p-arrangement de E n’est rien d’autre qu’une permutation d’une p-combinaison
de E. Ainsi, se donner un p-arrangement de E, c’est : 1) choisir une p-combinaison C quelconque de E —
Kpn choix possibles — puis 2) ayant fixé une telle p-combinaison C, qui n’est rien de plus qu’une partie de
E à p éléments, choisir une façon d’ordonner les éléments de C, i.e. choisir une permutation quelconque de
C — p! choix possibles. Tout ceci montre que le nombre Apn des p-arrangements distincts de E satisfait la
formule Apn = Kpn × p! C’est bien ce que nous voulions. 

   Explication
• Les combinaisons servent souvent, en théorie des probabilités par exemple, à modéliser des tirages simultanés dans ! une
52
urne, un jeu de cartes. . . Ainsi, le nombre de façons de tirer 5 cartes simultanément dans un jeu de 52 cartes est .
5
• En dénombrant les p-arrangements d’un ensemble à n éléments, notez bien que nous avons dénombré les applications
injectives d’un ensemble d’un ensemble fini de cardinal p dans un ensemble fini de cardinal n. La démonstration de ce
résultat constitue un exercice classique.

7
c Christophe Bertault - MPSI

Théorème (Nombre de parties d’un ensemble fini) Soit E est un ensemble fini.
L’ensemble P(E) des parties de E est fini et : card P(E) = 2card E .

Démonstration Posons n = card E et notons Pk (E) l’ensemble


! des parties de E de cardinal k pour k ∈ J0, nK
n
— nous venons de voir que Pk (E) est fini de cardinal . Evidemment, d’autre part, P(E) est la réunion
k
disjointe des ensembles Pk (E). Nous en déduisons aussitôt que P(E) est fini et que :
! !
X
n X
n
n X
n
n k n−k
card P(E) = card Pk (E) = = 1 1 = (1 + 1)n = 2n = 2card E . 
k=0 k=0
k k=0
k

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