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dessus. » Depuis sept ans, Alain* travaille sur des


bateaux espagnols d’Albacora, pour des journées de
En Côte d’Ivoire, des marins pêcheurs
travail allant de cinq à dix-neuf heures, sans pause.
dénoncent un «esclavagisme moderne» à
bord de bateaux français et espagnols
PAR NEJMA BRAHIM
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 24 AOÛT 2020

Photo fournie par l'une des personnes qui ont témoigné dans l'article. © CM
Abidjan, 27 décembre 2007. Des poissons saisis à
bord de deux bateaux chinois. © Kambou Sia/AFP « Un jour, j’ai fait de la peinture durant des heures
Discriminations, mauvais traitements et faible pour m’entendre dire de tout refaire une fois que
rémunération : Mediapart a enquêté sur les conditions j’avais fini. Le commandant nous traite comme des
de travail des marins pêcheurs ouest-africains à bord moins que rien, l’esclavage existe toujours ! » Le
de bateaux français et espagnols. Et c’est effarant. plus dangereux, selon lui, serait lorsque les marins se
Abidjan (Côte d’Ivoire).– Le thon en boîte des verraient demander de nettoyer le pont alors que le
marques Saupiquet ou Albacora a comme un arrière- bateau est en mouvement. « On doit le faire à quai
goût de racisme. Malgré la peur des représailles, des pour éviter tout risque d’accident. »
marins pêcheurs ivoiriens ont accepté de se livrer sur Au port autonome d’Abidjan, en Côte d’Ivoire,
leur quotidien à bord de thoniers français et espagnols. les docks sont impénétrables sans le badge d’une
Des injures racistes aux grossièretés – « Regarde-moi compagnie opératrice. Il faut s’enfoncer dans les
ce singe ! », « Sale nègre », « Hijo de puta », « Va quartiers en périphérie de la capitale économique,
chier ! » –, la vie en mer est devenue un cauchemar connus pour abriter les pêcheurs, pour espérer croiser
auquel ces travailleurs sans autre qualification ne leur chemin.
peuvent échapper.
Dans les allées boueuses de Gonzagueville, un vieil
Sans parler de la discrimination et des inégalités. « homme est allongé sur un banc sur le pas de sa porte.
À bord du bateau, les Blancs sont aux postes de Ici, le métier de marin se transmet de génération en
commandement tandis que nous, les Noirs, sommes génération. Il sort d’une sacoche deux carnets. Sur
assignés aux tâches manuelles et physiques », déplore la couverture est inscrit « Carnet de navigation »en
Constant*, qui travaille pour une compagnie du groupe dorures passées. Des pages de voyages en mer
Albacora (Espagne). consignés, avec le nom du bateau, la compagnie,
« On fait tous les travaux difficiles, enchaîne un autre. les ports, le type de poisson, la date : Via Mistral,
Même ceux que le mécanicien devrait faire. Pendant Via Euros… Saupiquet… Dakar, Abidjan… Thon
ce temps, l’équipage blanc se repose et nous crie albacore… 2005, 1998, 1983 et aussi loin que 1976.
« J’ai été matelot toute ma vie. Je suis à la retraite
depuis quinze ans, bougonne-t-il. Tout ce quartier est
rempli de pêcheurs. Tu reconnais ceux qui font la
pêche industrielle, car ce sont les seuls qui ont les
moyens de construire une maison en dur, comme ici.
Les autres ne peuvent même pas. »

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Une maison « en dur » se résume à quelques murs en sont surtout « racistes ». « Ils n’aiment pas les
béton brut percés de minuscules fenêtres sans carreau. Noirs,tranche Célestin. Et si on n’aime pas ta tête à
Pour les autres, des cabanes en tôle froissée à même bord, tu es foutu, car on va t’exploiter. »
la terre. « Les marins sont maltraités et ont peur de Contacté, le BEA Mer indique avoir enregistré, depuis
parler. C’était déjà le cas à mon époque et ça continue 2018, deux accidents mortels à bord de thoniers
aujourd’hui. Ils sont aussi très mal payés, un salaire français, l’un dans l’océan Indien et l’autre dans
d’un Français peut payer tous les pêcheurs africains. » l’Atlantique. Mais rien ne permet au bureau d’enquête
La démarche peu assurée, suspicieux, Célestin* vient de faire le lien entre ces récits et des problèmes de
le rejoindre sur le banc avec trois camarades. À 31 ans, sécurité à bord.
l’homme travaille en mer depuis sept ans. Son visage « Mon frère travaille pour les Espagnols et m’a
juvénile tranche avec des avant-bras et des mollets raconté que son ami avait fini le corps tranché en deux
balafrés de cicatrices et de brûlures. Il vient de mettre parce que le bosco [maître de manœuvre – ndlr] avait
pied à terre après quatre mois en mer durant lesquels, trop bu et avait forcé sur la manivelle, faisant céder
à cause de la pandémie de Covid-19, il n’a pas eu le la corde… Ils ont mis son corps dans un sac plastique
droit de débarquer une seule fois. En temps normal, qu’ils ont entreposé dans la chambre froide et ils
c’est autorisé le temps d’une nuit ou lors des relèves. ont demandé à l’équipage africain de poursuivre le
travail », raconte un ancien habitant du village. «Moi,
j’ai perdu un pouce en travaillant. J’ai été dédommagé
1 000 euros », complète Constant.
« Un carré blanc et un carré noir »
Tous les récits se rejoignent et révèlent des injustices
flagrantes. « Les Français ne nous laissent pas manger
le même poisson qu’eux, raconte encore un marin
Des pêcheurs ivoiriens déchargent un chalutier contenant 500 tonnes de thons, ivoirien. Parfois, on pêche de grosses pièces que les
le 18 octobre 1999, au port autonome d'Abidjan. © Jean-Philippe Ksiazek/AFP
Blancs gardent pour eux. Nous, on n’a pas le droit.
Il se dit chanceux : on ne l’a soumis à aucune Les seuls poissons qu’on peut manger sont les petits
quatorzaine ni extension de son temps de navigation, de moins bonne qualité, les bananes et les chachas. »
contrairement à d’autres, coincés en mer depuis des
Et Constant de poursuivre : « Certains jours, lorsqu’on
mois. Célestin assure d’abord qu’il n’y a « aucun
ne trouve pas assez de poisson en mer, on nous prive
problème » sur les bateaux.
de repas. C’est pourtant inclus dans la mission. »
Sous le regard désapprobateur de l’ancien, qui l’invite Alfred*, cuisinier sur un bateau français pendant plus
à briser le silence, sa langue se délie : « Je descends de vingt ans, a été licencié l’an dernier pour une
tout juste du Montecello, de l’entreprise espagnole histoire de Magnum proposés à un équipage qui
Calvopesca El Salvador, mais je navigue aussi sur préférait des boules de glace au chocolat avec amandes
le Via Avenir de Saupiquet. On nous paie mal. Le effilées…
salaire français est meilleur, mais la prime au tonnage
Il confirme les informations relatées par ses confrères :
est très faible.» Moins de 600 CFA par tonne (0,90
des postes à responsabilités réservés aux Blancs,
euro), contre 1 000 à 2 000 CFA chez les Espagnols
des couchettes individuelles pour les Européens mais
(1,50 à 3 euros).
partagées par au moins quatre personnes pour les
On explique aussi que les Espagnols sont « moins Ouest-Africains. Des réfectoires divisés, aussi, « le
durs, moins agressifs ». Les équipages français sont carré blanc et le carré noir », avec des horaires et
présentés comme des chefs « qui ne font pas grand- menus différents. « Il y a des produits qu’on n’a
chose, alors qu’ils sont payés bien plus », mais qui

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pas le droit de servir aux Africains, affirme Alfred, répondu. Il a donc été débarqué. Et les compagnies
comme la côte de bœuf et le bon poisson, réservés aux européennes se foutent des procédures. » Il constate
Français. » que, bien souvent, le marin doit attendre entre six mois
Dans l’armement Saupiquet, tous les officiers (sept à et un an pour obtenir ses droits de rupture.
huit à bord) doivent être français, avec des diplômes C’est le cas d’Alain, qui a osé se plaindre des
spécifiques. Néanmoins, le groupe italien Bolton mauvais traitements qu’il subissait à un représentant
Food, auquel appartient Saupiquet, marque dont le d’Albacora au niveau local. « C’était il y a un an
siège est en région parisienne à Courbevoie, maintient et huit mois, et, depuis, on ne m’a plus donné de
que « tout l’équipage bénéficie des mêmes conditions : travail »,soupire-t-il. Sa femme concocte des plats
mesures de sûreté et de sécurité, protocole en cas qu’elle vend devant sa porte pour leur permettre de
de problème, directives, durée de séjour en mer, survivre.
assurance-maladie et espaces communs pour tout le Mathurin, 42 ans, marin pour l’entreprise Saupiquet
monde ». depuis seize ans, affirme ne pas avoir « cautionné » les
Mais un scientifique, ancien observateur sur les insultes d’un commandant à l’égard des Noirs. « On
bateaux, vient contredire ces faits. « Pour toute m’a répondu qu’il était Blanc et donc supérieur à
personne qui embarque avec un regard objectif, nous. Il a fait un rapport sur moi et on m’a coupé mes
la ségrégation saute aux yeux. Certaines raisons primes. » Son ami a été débarqué pour avoir refusé
peuvent l’expliquer, sans le justifier : les Africains d’être « l’esclave » d’un autre Blanc à bord. « Sans être
et les Européens, surtout les Français, demandent licenciés, ils se retrouvent coincés à la maison, sans
des choses très différentes au cuistot. Cela peut salaire et sans droits. »
entraîner des tablées divisées mais ne justifie pas que Une impunité confortée par la complicité des
la conception même de ces bateaux soit faite pour que intermédiaires
les équipages soient séparés », analyse-t-il.
Dans une étude intitulée « Modern slavery and
L’homme ajoute avoir assisté à « des engueulades the race to fish »publiée en 2018, une dizaine de
systématiques », des propos « malheureux parfois, chercheurs mettaient en garde contre la dégradation
clairement racistes » et beaucoup de « disputes qui inquiétante des conditions de vie et de travail des
dégénèrent », avec, sans surprise, des Européens équipages en mer, évoquant un esclavage moderne.
prenant le dessus sur des Ouest-Africains. « Compte tenu de la nature du travail en mer, les
« L’officier blanc a tous les droits, même celui conditions des équipages de pêche sont difficiles
d’insulter l’Africain, mais ce dernier n’a pas le droit à contrôler. Les thoniers peuvent rester en mer
de répliquer. C’est grave pour des pays qu’on donne pendant des mois durant lesquels l’équipage n’est
en exemple pour les droits de l’homme », tacle pas toujours en mesure de débarquer. Les conditions
Alfred, le cuisinier, qu’on a tantôt qualifié de « sale sur ces navires échappent donc à la surveillance des
bamboula », tantôt de « bonobo ». « Ces navires sont le régulateurs », pointe le rapport.
prolongement des territoires européens, mais le droit Un phénomène que confirme un ancien contrôleur
ne s’y applique pas. » social et sécurité de navires de pêche français :
Au port d’Abidjan, Yobo, juriste membre du syndicat « On peut passer à côté de certaines choses, mais
de défense de pêcheurs Symicomoopa, croule sous les l’administration française a l’obligation d’inspecter
dossiers litigieux. « Les officiers européens traitent les ses navires et de rencontrer le personnel à bord. »
Africains comme des bêtes… » Dans son petit bureau, Dans l’un de ses récents rapports, Interpol alerte
les murs sont recouverts de photos des marins qu’il aussi sur la vulnérabilité des marins travaillant sur les
défend. Il ouvre un dossier au hasard : « Là, on a bateaux de pêche. « Les pêcheurs, dont beaucoup sont
un officier qui a proféré des injures et le pêcheur a

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des travailleurs migrants, sont exposés à de graves directions des groupes Bolton Food (pour Saupiquet)
violations des droits humains. […] En vertu du droit et Albacora se disent, elles, « surprises » et se réfugient
international, l’État du pavillon a la responsabilité de derrière leur code de conduite, ici et là.
garantir des conditions de travail adéquates à bord « Nous ne tolérons aucune forme de discrimination,
des navires de pêche battant pavillon de son État. » quelle qu’elle soit, et toute forme de harcèlement ou
L’Organisation internationale du travail(OIT) et d’agression physique, verbale ou psychologique sur
l’Organisation maritime internationale (OMI) ont le lieu de travail,assure Patrick Furic, directeur pêche
établi des instruments juridiques contraignants pour et armement du groupe Bolton. Si ces allégations
améliorer les conditions de travail des pêcheurs : la s’avèrent fondées, nous prendrons les mesures les plus
Convention sur le travail dans la pêche, le protocole sévères à l’encontre des responsables en coopération
de Torremolinos et la Convention sur les normes avec les autorités compétentes. »
de commerce, de certification et de surveillance De son côté, le groupe espagnol Albacora explique les
pour le personnel des navires de pêche. Cette différences de responsabilités et de tâches à effectuer
dernière renforce une directive du Conseil de l’Union par les qualifications des membres d’équipage. Il
européenne datant de 2006 obligeant les armateurs dit « condamner les injures et toute manifestation
européens à traiter équitablement les équipages. d’attitudes discriminatoires selon la religion, la race
ou l’orientation sexuelle », faisant de la diversité « une
de ses valeurs principales ».
En novembre 2019, une « chaîne d’alerte
confidentielle » par mail a été créée pour permettre aux
travailleurs de signaler ces abus. Le signe, peut-être,
que ces derniers commençaient à se faire nombreux.
Seul recours pour les marins ivoiriens qui voient leurs
Dans le port d'Abidjan, le 27 décembre 2007, des poissons
saisis à bord de deux bateaux chinois. © Kambou Sia/AFP
droits bafoués : les agences locales de type intérim
connues sous le nom de CMB et CMNP, chargées de
Sollicité par Mediapart, le cabinet de Virginijus
les recruter respectivement pour le compte de thoniers
Sinkevicius, nouveau commissaire européen aux
français et espagnols.
affaires maritimes et pêche, confirme que « cette
directive s’applique à TOUS les pêcheurs travaillant Dans le milieu, ces entreprises sont surnommées « les
sur des navires de pêche battant pavillon UE engagés bureaux ». Interrogé sur les plaintes des marins,
dans la pêche commerciale ». le directeur d’exploitation de CMB explique : « À
la demande de l’armateur [Saupiquet, Sapmer ou
La Maritime Labor Convention de 2006, à portée
CFTO – ndlr], le marin signe un contrat avec nous
internationale, s’est ajoutée à cette batterie de textes
qui est validé par l’Inspection des affaires maritimes.
censés protéger les marins. Mais la Côte d’Ivoire ne
Les salaires sont réglementés, variant selon le grade
l’a pas ratifiée. Une information également confirmée
avec une base : un maître d’équipage est payé 236 000
par le bureau du travail maritime français, rattaché au
CFA, un second 135 000 CFA, un matelot 133 000
ministère de la mer.
CFA, plus la prime au tonnage. Ce sont des salaires
Face à ces accusations, l’armement de la Compagnie ITS** encadrés par l’OIT », souligne-t-il dans la salle
française du thon océanique (CFTO) a refusé de de réunion du bureau, où un panneau « Réception des
répondre aux questions de Mediapart, arguant être navigants et des journaliers » est retenu par un clou.
« très occupé à gérer la crise du Covid ». Les
« Partout où nous opérons, nous versons des salaires
conformes ou supérieurs à ce qu’impose la législation
locale et aux normes du secteur. Nous nous engageons

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à respecter les conditions de travail fixées par le CMB, affirmant se déplacer sur le navire au besoin. Je
droit local et établies par les conventions de l’OIT », n’appellerais pas ça du racisme, mais il y a peut-être
indique le directeur pêche et armement du groupe des accrochages, des écarts de langage et des blagues
italien Bolton Food, auquel appartient la marque qui peuvent être acceptables dans une culture et pas
Saupiquet. dans une autre. »
Mais, dans les faits, le salaire minimum de base Une tolérance qui, aux yeux des marins, est
fixé à 545 dollars par mois (471 euros ou 310 000 incompréhensible. « Qu’il s’agisse de CMB ou de
CFA) n’est pas respecté. Les rares qui parviennent à CMNP, on signale ces problèmes aux responsables
toucher un montant flirtant avec ce chiffre affirment des bureaux, qui nous répondent ne rien pouvoir
que c’est en cumulant leurs primes sur plusieurs mois faire et nous blacklistent ensuite. Ils sont complices »,
de navigation. « C’est un salaire brut, reconnaît CMB, dénonce l’un d’eux.
mais en ajoutant le tonnage, ils arrivent aux salaires Côté syndicats, les pêcheurs pointent du doigt une
ITS. » corruption banalisée. Symapeci, par exemple, ne serait
Mediapart a eu accès à plusieurs contrats de travail pas « crédible ». « Ils adorent ces affaires car ils font
de pêcheurs, où il apparaît le contraire : le salaire du chantage à l’armateur et lui soutirent de l’argent en
reste bien en dessous du fixe imposé, même avec les échange de leur silence. Les plaignants perdent alors
tonnages. Ils sont signés de la mention « CMB/Nom de leur boulot », soupire Mathurin.
la compagnie ». « Un jour, un Blanc m’a dit : “C’est Certains demandent chaque mois des frais de gestion
ça ton salaire ?Mais c’est des jetons pour nous, avec situés entre 5 000 et 10 000 CFA et soustraient
ça on va à la buvette !” », s’exclame un pêcheur. une assurance de 11 000 CFA dont aucun pêcheur
Devant la fiche de paie, le constat est amer : 132 505 n’a pu bénéficier. « On est fatigués, lâche l’un
CFA (202 euros) primes, défraiements et congés payés d’eux. Surtout car nos frères ivoiriens les rendent
inclus. Les Espagnols paient en moyenne 69 000 CFA intouchables. » Mais les pêcheurs se laissent aller à un
par mois (105 euros) avec un tonnage plus fort, mais peu d’optimisme depuis que le directeur du syndicat
la retraite y serait plus mauvaise. Un marin français vient d’être remplacé: « Quelqu’un de bien qui va nous
touche de 10 000 à 13 000 euros par mois. aider »,espère l’un d’eux.
« L’autre problématique, complète Mathurin, c’est Si des problèmes structurels persistent sur les
qu’on ne nous paie qu’à l’issue de notre mission, bateaux français et espagnols, marins et syndicats
parfois au bout de cinq mois, ce qui oblige nos familles ivoiriens s’accordent pour affirmer que le traitement
à s’endetter durant notre absence. » des équipages africains par les états-majors chinois
Le père de huit enfants affirme en avoir référé à CMB, confine, cette fois, à la maltraitance. « Dans le
qui accorde, depuis quelque temps, une avance de cas des Chinois, il s’agit de brutalité à l’état pur.
250 euros. « Ils font semblant de ne pas comprendre, Ils ont l’habitude de frapper les marins. Dans les
mais c’est insignifiant quand on connaît le coût de la cas que nous avons à traiter, il s’agit de coups
vie », poursuit-il, avant d’accuser CMB de prendre une et blessures »,souffle Grégoire Korahi Tapé, de
marge sur chaque contrat. Une information démentie Symicomoopa.
par l’entreprise, qui affirme facturer ses services aux La flottille chinoise est arrivée au début des années
compagnies européennes et non aux marins. 2010 au port d’Abidjan. Une violence notoire qui a
Confrontée aux récits de discriminations et poussé tous les marins qui le pouvaient à basculer
d’injustices, l’agence assure que ce type d’incidents sur les thoniers européens, d’autant que les conditions
est « très rare ». « Le racisme n’est pas toléré par les matérielles à bord seraient désastreuses. « Les
armateurs, car la cohésion du groupe est importante, bateaux sont des épaves qui ne devraient pas obtenir
défend Vincent Boka, directeur de l’exploitation chez

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l’autorisation de partir en mer, les règles de sécurité responsabilité des États africains qui ne font pas
les plus élémentaires ne sont pas suivies», déplore un respecter les règles visant à encadrer l’employabilité
marin, qui fait défiler les photos sur son smartphone. des marins du continent », conclut un observateur.
Contacté, le capitaine Kouamé Konan, l’un des Boite noire
officiers des Affaires maritimes ivoiriennes, chargé * Le prénom a été modifié.
d’apposer sa signature aux contrats présentés par les
armements, n’a pas souhaité réagir. « Il y a une vraie ** ITS : impôt sur les traitements et salaires. Il n’existe
pas de salaire fixé par l’OIT mais un salaire ITS que
la convention de l’OIT doit faire respecter.

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