T. E. Lawrence (chapeau gris), Sir Herbert Samuel (casque colonial blanc) et l'émir Abdullah à l'aérodrome d'Amman en 1921.
Jacques Bergier et Pierre Nord reprendront un point de vue marqué par la rivalité franco-britannique
en 1967, reprenant les affirmations de Richard Aldington dans Lawrence of Arabia: a biographical
enquiry, de 1955 traduit en français sous le titre Lawrence l'imposteur : « Le travail par Lawrence en
tant qu’agent a été de très mauvaise qualité et nullement comparable à celui qui fut accompli, à la
même époque et dans la même région, par le capitaine français Collet, dont on a beaucoup moins
parlé. Mais Lawrence d’Arabie était un grand écrivain et son livre, Les Sept Piliers de la Sagesse,
restera dans la littérature anglaise. Il a su créer un mythe qui fut ensuite soigneusement entretenu».
L’après-guerre
Dans l’immédiat après-guerre, Lawrence travaille pour le Foreign Office et assiste à la conférence de
paix de Paris entre janvier et mai 1919 en tant que membre de la délégation de Fayçal. Il est ensuite
conseiller de Winston Churchill au Colonial Office jusque vers la fin de 1921. C'est lui qui obtient,
avec son amie l'orientaliste Gertrude Bell, que la couronne d'Irak soit remise à Fayçal, qui vient de
perdre le trône de Syrie.
En 1922, il met fin à sa carrière de conseiller politique pour les affaires proche-orientales et signe un
engagement comme simple soldat dans la Royal Air Force, sous le nom de J.H. Ross, affecté pour se
former à l'école de photographie de Farnborough. Des journalistes ayant appris le fait, il doit, à son
grand regret, la quitter en mars 1923.
Sous le pseudonyme de « Shaw », il s’engage alors dans le Royal Tank Regiment. Il y prépare la
version populaire des Sept piliers de la sagesse, écrite de 1919 à 1922 et publiée dans une édition
limitée et qui ne devait pas être livrée au public avant le cinquantième anniversaire de la mort de
l'auteur. Revolt in the Desert est publié en 1927. Lawrence avait été réintégré dans la R.A.F en juillet
1925. En 1927, il est affecté à Karachi, puis à Miranshah. Posté dans cette garnison où il manque
d'occupations, il utilise son temps d'abord en écrivant The Mint, puis en traduisant l'Odyssée jusqu'en
1931.
Selon une des nombreuses légendes sur la vie de Lawrence, il ne bouge point de sa base alors qu'à la
même époque, un certain « Pir Karam Shah », un saint homme, fait son apparition dans la zone
pachtoune de la frontière et prêche contre le roi Amanullah Khan d'Afghanistan. Un article du New
York World publié en 1928 affirme que des témoins accusent ce dernier d'être Lawrence déguisé en
Afghan et qu'il aurait été reconnu par des Occidentaux. Face à l'importance du scandale naissant, les
Britanniques prétendent que ces rumeurs sont infondées mais rapatrient Lawrence au début de 1929.
Aujourd'hui encore, il existe deux versions de l'histoire : l'une, pro-britannique, qui prétend que
Lawrence, qui se faisait appeler « Shaw », n'était qu'un soldat de la RAF, et l'autre le contraire. On
peut se poser la question : « Pourquoi le colonel Lawrence a-t-il accepté d'aller dans une zone hostile
aux Britanniques et à lui-même avec un pseudonyme et un grade subalterne ? ». Seule réponse
possible pour les théoriciens du complot : « il avait une mission particulière dans la région ». Il faut,
pour accepter cela, considérer la traduction de l'Odyssée, encore diffusée aujourd'hui, comme une
tâche secondaire.
Par la suite, il travaille à la mise au point de canots à grande vitesse pour le sauvetage des pilotes
d'hydravion tombés en mer, au sein de la base RAF de Plymouth (« Air Sea Rescue »). En février
1931, il avait vu le S238 Iris Blackburn s'écraser à l’amerrissage. Analysant l'accident, il conclut que
l'interférence de la hiérarchie dans une fonction technique en est à l'origine. Un supérieur
hiérarchique, excellent pilote mais sans expérience des hydravions, avait enlevé, de force, le contrôle
de l'appareil à son pilote expérimenté, mais de rang inférieur. Sans doute, Lawrence pouvait s'appuyer
sur son expérience du combat avec des personnels qui n'étaient soumis à aucune hiérarchie. Il rendit
au commandement un rapport préconisant de rendre la fonction technique supérieure au rang
hiérarchique dans le poste de pilotage. Des réformes prendront en compte officiellement ce principe.
Selon F. Sarindar, l'accident aurait rappelé à Lawrence la mort de son frère William lors d'une
reconnaissance aérienne le 23 octobre 1915. L'engin avait disparu en mer, et c'est ainsi que Thomas
Edward s'intéressera à la conduite de vedettes rapides en suivant également de près leur construction
(l'auteur rappelle aussi à cette occasion que leur grand-père maternel, John, était charpentier de
marine).
Mort
Lawrence a possédé consécutivement sept motos Brough Superior, faites sur commande, qu'il
appelait « Boa » ou « Boanerges », ce qui signifie « fils du tonnerre » en araméen. Le 13 mai 1935,
alors qu'il roule à grande vitesse sous la pluie sur sa motocyclette, il perd le contrôle de sa machine
en voulant éviter deux jeunes cyclistes. Il meurt le 19 mai.
Sa mort a éveillé l'imagination de plusieurs auteurs, qui ont produit au moins trois « hypothèses »
évoquant des complots. L'une évoque « les sionistes », en relation avec l'action de Lawrence au
Moyen-Orient, à moins qu'il ne faille incriminer les services secrets britanniques, dans des luttes
internes au moment de leur réorganisation, ou bien le parti fasciste britannique, que Lawrence aurait
infiltré, ou, selon une variante, dont il aurait été un partisan sincère plus populaire que son chef
Oswald Mosley. Aucune de ces thèses, nouvelles ou non, « ne présente d'élément concret à l'appui de
ses hypothèses » qu'un biographe réputé de Lawrence a toutes réfutées.
Il est inhumé dans le petit cimetière de la commune de Moreton, dans le comté du Dorset.
Le théoricien de l'insurrection
Au-delà du mythe, Lawrence d’Arabie reste l’un des officiers les plus influents dans le
développement d’une doctrine insurrectionnelle au xxe siècle. En 1946 le général français Raoul
Salan reçut le général vietnamien Võ Nguyên Giáp. Ce dernier sera vainqueur de la bataille de Diên
Biên Phù, en mai 1954, lors de la guerre d'Indochine contre les Français. Le général Giap disait:
«Lawrence combinait la sagesse, l’intégrité, l’humanité, le courage et la discipline avec l’empathie,
soit l’aptitude à s’identifier émotionnellement aussi bien avec les subordonnés qu’avec les
supérieurs» Pendant ces entretiens de 1946, Salan a été frappé par l’influence de Lawrence sur la
pensée de Giap. Il a dit à Salan : « Les Sept Piliers de la sagesse de T. E. Lawrence est mon évangile
du combat. Il ne me quitte jamais. »
L’essence de la théorie de la guérilla à laquelle se réfère Giap peut être trouvée à deux endroits. La
première et la plus accessible est constituée par les nombreuses éditions des Sept Piliers de la sagesse,
notamment le chapitre 33. La deuxième est un article portant le titre The Evolution of a Revolt, publié
en octobre 1920 dans le Army Quarterly and Defense Journal. Toutes deux sont basées sur
l’évaluation pratique et réfléchie par Lawrence de la situation à laquelle faisaient face les forces
arabes dans la région du Hedjaz, au sein du désert saoudien, en mars 1917.
L’écrivain
L'auteur des Sept Piliers de la sagesse eut également une correspondance fournie, notamment avec
Edward Thurlow Leeds (en), Charles M. Doughty (en), D. G. Hogarth, George Bernard Shaw et son
épouse Charlotte, Thomas Hardy et son épouse, Lionel Curtis, John Buchan, Siegfried Sassoon,
Edward Elgar, Winston Churchill, Nancy Astor, Robert Graves et Edward Morgan Forster. Plusieurs
recueils épistolaires furent publiés, dont certains furent expurgés par sa famille et par leurs éditeurs.
Il écrivit La Matrice (« The Mint (en) »), le récit de ses expériences en tant que simple soldat dans la
Royal Air Force, publié à titre posthume. Travaillant à partir de ses notes écrites lors de son service
dans la RAF, Lawrence raconte la vie quotidienne des soldats et son envie de faire partie de la RAF.
Il traduisit en 1923 Le Gigantesque (en), un roman français peu connu d'Adrien Le Corbeau publié
en 1922, et de 1928 à 1931 L'Odyssée d'Homère publiée en 1932.
Œuvres