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Endocrinologie

C. A. Meier
Rev Med Suisse 2005; volume 1. 30002

Résumé
L'année dernière a été marquée par la publication de grandes études concernant la prise en charge des maladies
endocriniennes tumorales, telles que les tumeurs hypophysaires et les cancers médullaires de la thyroïde. Bien
que ces maladies soient rares, leur prise en charge reposait essentiellement sur les résultats de petites séries de
patients ainsi que sur l'expérience personnelle de l'endocrinologue, et les études mentionnées ci-dessous pallient
partiellement à ces défauts. D'autre part, on a vu la parution d'études qui portent sur des sujets bien plus
fréquents tels que la substitution adéquate en hormone thyroïdienne pendant la grossesse ainsi que le rôle
potentiel de la leptine dans les traitements des femmes souffrant d'une aménorrhée hypothalamique.

TUMEURS HYPOPHYSAIRES
Prolactinome

Le prolactinome est la tumeur la plus fréquente de la glande hypophyse. En dehors de la chirurgie, réservée pour
des cas rares de macroprolactinome ne répondant pas aux traitements médicamenteux, l'approche thérapeutique
de choix consiste en l'administration d'un agoniste dopaminergique tel que la bromocriptine ou la cabergoline.
Cependant, les données disponibles laissaient penser que l'hyperprolactinémie réapparaissait dès l'arrêt de ces
médicaments, raison pour laquelle le traitement dopaminergique a souvent été administré durant plus d'une
décennie. Une grande étude réalisée à Naples a inclus deux cents patients avec des micro- et macroprolactinomes
en les traitant pendant quatre ans en moyenne avec la cabergoline, permettant une normalisation des taux de
prolactine.1 Ce traitement a ensuite été arrêté et ces patients ont été suivis par dosage de la prolactinémie ainsi
que par des IRM. Le résultat de cette étude était surprenant car l'hyperprolactinémie ne réapparaissait que chez
20 à 30% des patients, cinq ans après l'arrêt du traitement de cabergoline. De plus, aucune récidive de la tumeur
hypophysaire n'a été constatée pendant ce suivi.

En résumé, ces résultats nous incitent à interrompre après quelques années le traitement médicamenteux des
patients avec des prolactinomes en les suivant par des dosages de prolactine et éventuellement des IRM. Cette
approche ne s'applique cependant pas aux patients avec des macroprolactinomes qui ne disparaissent pas
entièrement à l'IRM car ces patients récidivent dans 80% des cas, justifiant ainsi une poursuite du traitement par
cabergoline à plus long terme.

Acromégalie

L'acromégalie est une maladie rare, marquée par l'apparition de complications métaboliques, cardiovasculaires,
oncologiques et ostéo-articulaires. Le traitement de première intention est presque toujours une ablation
chirurgicale de l'adénome hypophysaire sécrétant l'hormone de croissance. Cependant, ce geste n'est souvent pas
curatif et des traitements complémentaires s'imposent. Bien que la radiothérapie stéréotaxique soit souvent
proposée dans ces situations, cette modalité thérapeutique ne démontre ses effets qu'après plusieurs mois, voire
plusieurs années, et elle a été associée à une morbidité cérébro-vasculaire augmentée. Pour cette raison, les
options médicamenteuses pour les patients avec une acromégalie non guérie par chirurgie gardent toute leur
place et, dans ces cas, l'octréotide LAR (une forme dépôt de l'octréotide à injection mensuelle) est une molécule
particulièrement efficace. Cependant, les coûts de ce traitement s'élèvent souvent à plusieurs milliers de francs
par mois, raison pour laquelle des stratégies de réduction de dose et/ou d'augmentation de l'intervalle
d'administration ont été recherchées. Deux études montrent maintenant que chez 90% des patients avec une
acromégalie active, l'intervalle d'injection de l'octréotide LAR peut être prolongé à six, huit voire douze
semaines, tout en gardant un contrôle biochimique adéquat de l'acromégalie.2 Or, ces critères biochimiques
définissant une rémission de l'acromégalie ont longtemps été débattus. Une étude anglaise 3 a maintenant fait la
lumière à ce sujet en montrant que la mortalité n'est plus augmentée par rapport à la population normale si le
taux d'hormone de croissance se situe en dessous de 1,5 à 2 mg/l.

Syndrome de Cushing

En dehors des syndromes de Cushing rencontrés dans un cadre paranéoplasique, l'origine la plus fréquente de
cette maladie est une tumeur hypophysaire sécrétant l'ACTH. Bien que cette maladie soit très rare, elle est
souvent évoquée face à un patient obèse, hypertendu et diabétique. Si la suspicion clinique est élevée sur la base
des signes comportant une certaine spécificité (vergetures pourpres supérieures à 1 cm, atrophie musculaire
périphérique, atrophie cutanée, ecchymoses, pléthore faciale, etc.), le meilleur test de dépistage est une
cortisolurie de 24 heures. Cependant, cet examen peut être difficile à effectuer chez certains patients et les
résultats ne permettent pas toujours de trancher clairement quant à la présence d'un syndrome de Cushing. C'est
pour cette raison que d'autres outils diagnostiques ont été recherchés et, parmi les multiples tests proposés, le
dosage du cortisol salivaire à minuit est simple et maintenant bien validé. 4 A noter cependant que les taux
normaux de cortisol dans la salive sont très bas (

THYROÏDE
Cancer médullaire de la thyroïde

Le syndrome des néoplasies endocrines multiples (MEN 2) est caractérisé par l'apparition d'un cancer médullaire
de la thyroïde, d'un phéochromocytome et d'une hyperparathyroïdie. Dans les familles avec un syndrome de
MEN 2, le risque de cancer médullaire de la thyroïde augmente progressivement avec l'âge, posant la question du
moment idéal pour une thyroïdectomie prophylactique, car cette maladie a une pénétrance de quasiment 100%.
Une grande étude multicentrique5 portant sur plus de deux cents patients asymptomatiques avec des mutations
dans le gène RET, responsable des cancers médullaires de la thyroïde d'origine familiale, a permis d'obtenir des
informations beaucoup plus précises quant à la progression des cancers médullaires. En observant les sujets avec
la mutation RET la plus fréquente (codon 634), l'on constate que 100% des patients ont un cancer médullaire à
l'âge de 20 ans. En moyenne, l'âge de l'apparition d'un cancer médullaire de la thyroïde est de 10 ans et l'âge de
l'apparition des métastases ganglionnaires est de 17 ans. Ces données renforcent clairement la proposition
préalablement faite qu'une thyroïdectomie totale s'impose idéalement avant l'âge de 5 ans chez la majorité des
enfants porteurs d'une mutation RET et descendant d'une famille connue pour des cancers médullaires familiaux.

Hypothyroïdie et grossesse

L'impact d'une hypothyroïdie du nouveau-né a des conséquences catastrophiques sur son développement
cérébral. Cependant, l'impact d'une hypothyroïdie maternelle est beaucoup plus difficile à étudier mais les
données épidémiologiques laissent à penser qu'une dysfonction thyroïdienne de la mère a un impact subtil sur les
fonctions intellectuelles de l'enfant. Une thyroïde normale s'adapte aux besoins augmentés en hormone
thyroïdienne pendant la grossesse et cet ajustement doit être fait par le médecin chez les femmes traitées avec la
T4.

Une étude de Boston6 a étudié dix-neuf femmes avec une hypothyroïdie primaire en observant les besoins en
hormone thyroïdienne au cours de la grossesse, et a permis de constater une augmentation des besoins en T4 déjà
après quatre semaines (en moyenne après huit semaines). Pour cette raison et afin d'éviter toute période
d'hypothyroïdie transitoire, il paraît prudent d'augmenter la dose substitutive en T4 d'environ 30% dès qu'une
grossesse est confirmée chez une patiente substituée pour une hypothyroïdie. Une augmentation ultérieure des
doses de T4 est souvent nécessaire et se fera en fonction des tests thyroïdiens.

Hypothyroïdie infraclinique

L'hypothyroïdie infraclinique caractérisée par un taux de TSH élevé et une concentration de T4 libre normale est
fréquente notamment chez les femmes postménopausées. Cependant, une grande controverse existe quant à la
nécessité d'une substitution hormonale car certaines études montrent des effets assez modestes d'un traitement
par T4 sur les fonctions cognitives et neuromusculaires, qui sont les symptômes les plus précoces dans
l'apparition d'une hypothyroïdie. Un autre argument souvent évoqué est celui de l'apparition ultérieure d'une
hypothyroïdie franche pouvant ainsi justifier l'introduction d'une substitution hormonale précoce. Afin de
préciser ce dernier point, une étude espagnole7 a suivi plus d'une centaine de sujets avec une hypothyroïdie
infraclinique, âgés de plus de 55 ans. Les auteurs démontrent que le risque de progression vers une hypothyroïdie
franche est en fait très faible pour les patients avec une TSH 10 mU/l devrait bénéficier d'une substitution en
hormone thyroïdienne, mais que l'indication à un traitement pour des TSH inférieures à cette valeur doit être
individualisée en fonction de la présence de symptômes potentiellement attribuables à un manque en hormone
thyroïdienne.
LEPTINE
La leptine est une protéine sécrétée par le tissu adipeux en fonction de sa masse, inhibant par la suite la prise de
nutrition et augmentant la dépense calorique au niveau hypothalamique. En raison de ses propriétés anti-obésité,
la somme de plus de 20 millions de dollars a été versée par une firme pharmaceutique il y a une dizaine d'années
pour le brevet de cette découverte. Cependant, les essais cliniques avec la leptine recombinante étaient décevants
et ne sont actuellement plus poursuivis dans cette indication, en dehors des très rares patients pédiatriques
souffrant d'une déficience congénitale de la leptine. Par contre, un traitement par leptine recombinante a été
démontré être hautement efficace chez les patients avec une lipodystrophie diminuant la glycémie ainsi que les
taux très élevés de triglycérides.8

Tout récemment, la leptine a été examinée dans une autre indication qui est celle de l'aménorrhée
hypothalamique. En fait, il est connu depuis de nombreuses années que la leptine est indispensable pour la
maturation sexuelle chez les rongeurs. Une étude clinique9 démontre maintenant que la leptine recombinante
peut restaurer les règles et l'ovulation chez les femmes avec une aménorrhée hypothalamique, ce qui est
intéressant au niveau de la compréhension de la physiologie du système de reproduction mais qui pourrait
également apporter un intérêt thérapeutique ultérieur.

Bibliographie
1 * Colao A, et al. Withdrawal of long-term cabergoline therapy for tumoral and nontumoral
hyperprolactinemia. N Engl J Med 2003 ; 349 : 2023-33.
2 Turner HE, et al. Systemic dose-extension of octreotide LAR : The importance of individual tailoring
of treatment in patients with acromegaly. Clin Endocrinol 2004 ; 61 : 224-31.
3 Ayuk J, Clayton RN, Holder G, et al. Growth hormone and pituitary radiotherapy, but not serum
insulin-like growth factor-I concentrations, predict excess mortality in patients with acromegaly. J Clin
Endo Metab 2003 ; 89 : 1613-7.
4 Yaneva M, et al. Midnight salivary cortisol for the initial diagnosis of Cushing's syndrome of various
causes. J Clin Endo Metab 2004 ; 89 : 3345-51.
5 Machens A, et al. Early malignant progression of hereditary medullary thyroid cancer. N Engl J Med
2003 ; 349 : 1517-25.
6 ** Alexander EK, et al. Timing and magnitude of increases in levothyroxine requirements during
pregnancy in women with hypothyroidism. N Engl J Med 2004 ; 351 : 241-9.
7 * Diez JJ, Iglesias P. Spontaneous subclinical hypothyroidism in patients older than 55 years : An
analysis of natural course and risk factors for the development of overt thyroid failure. J Clin Endo
Metab 2004 ; 89 : 4890-7.
8 Arioglu Oral E, Simha V, Ruiz E, et al. Leptin replacement therapy for lipodystrophy. N Engl J Med
2002 ; 346 : 570-8.
9 Welt CK, Chan JL, Bullen J, et al. Recombinant human leptin in women with hypothalamic
amenorrhea. N Engl J Med 2004 ; 351 : 987-97.
Contact auteur(s)
Pr Christoph A. Meier
Unité d'endocrinologie
Hôpitaux universitaires de Genève, Rue Micheli-du-Crest 24
1211 Genève 14
christoph.meier@medecine.
unige.ch

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