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Diabète

P. Gerber
Rev Med Suisse 2001; volume -3. 21051

Résumé
Pendant des années les sulfamides hypoglycémiants et les biguanides ont été les seuls antidiabétiques oraux.
Depuis trois ans, les choses bougent avec l'introduction d'abord des potentialisateurs de l'action de l'insuline que
sont les glitazones : troglitazone (Rezuline®), rosiglitazone (Avandia®), pioglitazone (Actos®) et plus
récemment des stimulateurs de la production d'insuline les glinides : natéglinide (Starlix®), répaglinide
(Novonorm®). Ces substances sont nouvelles, originales et efficaces, mais l'efficacité métabolique n'est pas
forcément synonyme d'efficacité «curative». Aucune étude nous prouve qu'elles vont prévenir ou retarder les
complications du diabète à long terme. En l'absence de cet élément crucial comment le médecin pourra-t-il
décider d'utiliser ces nouvelles molécules ? Cet article apporte des informations importantes pour nous guider
dans ce choix difficile.Dans le domaine de l'insuline, la famille des analogues s'agrandit avec l'arrivée d'un frère
jumeau pour la lispro (Humalog®) à savoir l'aspart (Novorapid®) et surtout avec l'annonce de la mise sur le
marché du premier analogue à longue durée d'action, la glargine (Lantus®).

Pendant des années les sulfamides hypoglycémiants et les biguanides ont été les seuls antidiabétiques oraux à
disposition. Il y a dix ans les inhibiteurs de l'alpha glycosidase sont venus s'ajouter à la liste. Depuis trois ans,
avec l'introduction des glitazones d'abord et plus récemment des glinides, les choses semblent bouger. L'industrie
pharmaceutique met à notre disposition des substances nouvelles originales et efficaces sur la glycémie.
L'efficacité métabolique n'est pas forcément synonyme d'efficacité «curative» (améliorer les complications du
diabète). En l'absence de cet élément crucial comment le médecin pourra-t-il décider de l'utilisation de ces
nouvelles molécules ? Cet article apporte des informations importantes pour nous guider dans ce choix difficile.

Dans le domaine de l'insuline la famille des analogues s'agrandit avec l'arrivée d'un frère jumeau pour la lispro
(Humalog®), à savoir l'aspart (Novorapid®) et surtout avec l'annonce de la mise sur le marché du premier
analogue à longue durée d'action, la glargine (Lantus®) qui sera peut-être suivie par d'autres analogues de ce type
dont le développement est déjà à une phase avancée.

LES NOUVEAUX ANTIDIABÉTIQUES ORAUX


Dans la famille des glitazones ont été introduits aux Etats-Unis et dans certains pays européens le pioglitazone
(Actos®) et le rosiglitazone (Avandia®) qui succèdent au «défunt» troglitazone (Rezulin®), le premier et
malheureux membre de cette famille. En phase de développement, nous trouvons un autre stimulateur des
PPAR-gamma (pour Peroxysome proliferator activated receptor gamma, en français récepteur activé
proliférateur du peroxysome gamma) et alpha, une nouvelle molécule qui a le même point d'impact que les
glitazones sans en avoir la structure. Une nouvelle famille d'antidiabétiques oraux est également venue compléter
notre arsenal thérapeutique. Ce sont les glinides avec deux représentants : le natéglinide (Starlix ®) et le
répaglinide (Novonorm®).

AVONS-NOUS VRAIMENT BESOIN DE NOUVEAUX


ANTIDIABÉTIQUES ORAUX ?
L'étude UKPDS,1 qui est et restera pendant longtemps l'étude de référence pour le traitement du diabète de type
2, a apporté la preuve qu'un contrôle métabolique plus strict retarde ou prévient les complications liées à cette
forme de diabète et que la metformine : Glucophage® (biguanide), le glibenclamide : Euglucon®,
Daonil® (sulfamides hypoglycémiants) et l'insuline n'ont pas d'effets délétères même après des années
d'utilisation (dix ans en moyenne). L'étude UKPDS a aussi démontré que chez le diabétiques de type 2 la
sécrétion d'insuline par la cellule bêta du pancréas diminue avec les années et, ceci, d'une façon inexorable. Or,
aucun des traitements énumérés plus haut n'a été en mesure d'enrayer cette évolution. Ces conclusions, qui
confirment et expliquent un phénomène souvent observé dans la pratique diabétologique, sont une justification
pour la recherche de nouveaux hypoglycémiants capables de maintenir le pouvoir sécrétoire de la cellule bêta du
pancréas. C'est dans cette perspective que s'inscrivent les deux nouvelles classes d'antidiabétiques oraux que sont
les glitazones et les glinides. Seul l'avenir nous dira si les glinides ou les glitazones peuvent réussir là où les
anciens antidiabétiques oraux ont échoué.

PRÉVENTION DU DIABÈTE ET ÉPUISEMENT DU


PANCRÉAS
La baisse de la capacité sécrétoire endocrine du pancréas ne commence pas au moment du diagnostic du diabète,
mais précède celui-ci de plusieurs années. Si les glitazones ou les glinides sont capables de préserver la
production insulinique, il serait intéressant de les proposer également comme traitement préventif du diabète de
type 2. C'est dans cet ordre d'idée que le troglitazone avait été inclus dans une étude sur la prévention du diabète
de type 2 chez des patients intolérants au glucose (étude DPP 2). Vu les problèmes de toxicité hépatique
rencontrés par le troglitazone, ce bras de l'étude a dû être interrompu.

LE DIABÈTE EST-IL AVANT TOUT UN PROBLÈME DE


SÉCRÉTION OU UN PROBLÈME DE RÉSISTANCE À
L'INSULINE ?
Si l'on veut prévenir le diabète ou, une fois qu'il s'est manifesté, arrêter son évolution faut-il s'occuper de la
cellule bêta directement ou, au contraire, préserver cette dernière en la soulageant de la surcharge de travail que
constitue la résistance à l'insuline ? Les connaissances actuelles ne permettent pas de trancher. Pour les
stimulateurs de l'insuline que sont les sulfamides ou tout au moins le glibenclamide utilisé dans l'étude UKPDS,
on peut dire qu'ils ne sont pas en mesure de prévenir le déclin de la cellule bêta ; en ce qui concerne les nouveaux
stimulateurs de la sécrétion insulinique (natéglinide (Starlix ®), répaglinide (Novonorm®)) des études in vitro
montrent que l'une et l'autre de ces substances sont capables de stimuler la synthèse d'insuline à l'intérieur de la
cellule bêta («regranulation»). L'importance clinique de ces résultats in vitro ne sera connue que lorsque les
études appropriées seront publiées.

En ce qui concerne les molécules qui agissent sur la résistance à l'insuline que ce soit la metformine
(Glucophage®) ou les glitazones, la question reste ouverte. Les glitazones comme les glinides sont en mesure de
«regranuler» la cellule bêta. En ce qui concerne la metformine, en s'appuyant sur les résultats de l'étude UKPDS,
on est en droit de dire qu'il n'y a aucun effet protecteur sur la cellule productrice d'insuline une fois le diabète
installé. Pour les glitazones, en l'absence de résultats, on ne peut qu'émettre des hypothèses. Pour la metformine
les résultats de l'étude DPP2 devraient nous dire si elle freine la conversion des sujets intolérants au glucose
(IGT) en diabétiques. Ces résultats sont attendus pour 2002.

LES NOUVEAUX ARRIVANTS


Les glinides

Le natéglinide (Starlix®)3 et le répaglinide (Novonorm®)4 n'ont pas une structure chimique semblable, mais leur
mode d'action est très proche puisque tous les deux stimulent la sécrétion d'insuline par la cellule bêta avec un
début
d'effet rapide et de courte durée.

Attention à la glycémie post-prandiale !

Il y a un renouveau d'intérêt pour la glycémie post-prandiale et ceci pour plusieurs raisons. La période post-
prandiale constitue une partie importante de la journée. Chez le sujet âgé surtout, l'altération de la glycémie post-
prandiale précède souvent celle de la glycémie à jeun. Une augmentation pathologique de la glycémie post-
prandiale comme chez les
22 476 sujets non diabétiques suivis dans l'étude Decode5 est un meilleur paramètre que la glycémie à jeun pour
prédire la mortalité cardiovasculaire et la mortalité générale. Enfin, seule la glycémie post-prandiale ou le test de
tolérance au glucose permet parfois de poser le diagnostic de diabète.
Ces différentes constatations nous font penser qu'il est probablement important non seulement d'avoir une bonne
glycémie à jeun et une Hba1c acceptable, mais que la correction de la glycémie post-prandiale est aussi un
moyen
d'éviter en particulier les complications cardiovasculaires du diabète.

Avec la mise à disposition d'insuline plus rapide (analogue de l'insuline (Humalog® et Novorapid®), il est
aujourd'hui plus facile de prévenir les hyperglycémies post-prandiales. Dans un intéressant parallélisme entre les
deux formes de thérapie (antidiabétiques oraux-insuline) voilà qu'apparaissent des antidiabétiques oraux, les
glinides, qui, comme la lispro, agissent sans délais et ont une durée d'action plus courte, évitant une
hyperinsulinisation entre les repas, quand l'insuline trop abondante au mauvais moment, fait courir le risque
d'une hypoglycémie. Les glinides, avec leur action incisive et courte, s'inscrivent à merveille dans cette
stratégie.

Le natéglinide (Starlix ) et répaglinide (Novonorm )


® ®

Le natéglinide (Starlix®)

Le natéglinide (Starlix®) est un dérivé de la phénylalanine qui stimule la production d'insuline par un mécanisme
d'action proche de celui des sulfamides hypoglycémiants, en particulier du glibenclamide Le natéglinide n'est
cependant pas un sulfamide hypoglycémiant. Il se distingue de ces derniers par une dépendance plus marquée de
son pouvoir stimulant par le glucose ambiant. Bien que le natéglinide puisse, de par lui-même, stimuler la
sécrétion d'insuline, son effet est proportionnel au niveau de la glycémie, c'est-à-dire qu'en présence d'une
glycémie basse ou normale son effet sera négligeable. Le natéglinide doit être pris avant chaque repas. Il peut
être utilisé seul ou en association avec d'autres antidiabétiques oraux comme la metformine ou les glitazones.
Comme il stimule la production d'insuline par des mécanismes proches de ceux utilisés par les sulfamides
hypoglycémiants, le natéglinide n'a que peu d'effet s'il est associé à une substance de cette famille. En raison de
son effet glucose-dépendant les hypoglycémies sont plus rares qu'avec, par exemple, un sulfamide.

Le répaglinide (Novororm ) ®

La structure chimique du répaglinide est plus voisine de celle des sulfamides hypoglycémiants qu'à celle du
natéglinide. Comme le natéglinide, le répaglinide n'est pas un sulfamide : il stimule rapidement la production
d'insuline par la cellule bêta et son effet est également de courte durée. Si l'on compare les deux glinides et leur
mode d'action on peut constater que le natéglinide (Starlix®) se lie plus rapidement et pour un temps plus court à
son récepteur sur la cellule bêta que le répaglinide (Novonorm®).

Utilisations des glinides

Les glinides sont des stimulateurs de la sécrétion d'insuline. Le natéglinide, en particulier, est en mesure de
rétablir la première phase de la sécrétion d'insuline souvent absente ou réduite chez le diabétique de type 2. Les
glinides s'inscrivent donc comme une alternative à un traitement par un sulfamide soit seuls ou le plus souvent en
association avec un antidiabétique oral qui favorise l'action de l'insuline (metformine, rosiglitazone ou
pioglitazone).

Les glitazones 6

Les glitazones constituent une nouvelle classe d'antidiabétiques oraux qui n'ont aucun effet sur la sécrétion
d'insuline mais qui favorisent son action au niveau des tissus sensibles à cette hormone à savoir surtout le tissu
adipeux, le muscle et le foie. Les glitazones, comme la metformine, agissent sur la sensibilité à l'insuline et se
différencient des sulfamides hypoglycémiants ou des glinides qui sont eux des stimulateurs de la sécrétion
d'insuline.

Qui sont-ils ?

Le troglitazone (Rezulin®), a été le premier à être utilisé. Après son homologation par la FDA il a été prescrit
largement aux Etats-Unis de 1977 à 2000. Il a été retiré du marché par la maison productrice en raison de plus de
soixante cas d'atteintes hépatiques graves, les unes mortelles, d'autres nécessitant une transplantation. L'efficacité
du produit n'a pas été mise en cause et son retrait a été uniquement dû a sa toxicité hépatique imprévisible aiguë
et souvent irréversible.
Le rosiglitazone commercialisé sous le nom d'Avandia®, actuellement à disposition aux Etats-Unis (depuis 1990)
et plus récemment en Europe. Bien qu'appartenant à la même famille que le troglitazone il ne partage pas avec
lui la toxicité hépatique. Son effet hypoglycémiant est comparable à celui des deux autres glitazones.

Le pioglitazone également présent sur le marché américain et dans certains pays européens, commercialisé sous
le nom d'Actos®, n'a pas démontré à ce jour de toxicité hépatique. Son effet hypoglycémiant est comparable à
celui des deux autres glitazones.

Mode d'action

Il s'agit là d'antidiabétiques oraux, qui sont nouveaux par leur mode d'action. En effet les glitazones ne stimulent
pas la sécrétion d'insuline mais potentialisent son effet. Les glitazones nécessitent donc, pour leur action, la
présence d'insuline qu'elle soit produite (endogène) ou quelle soit injectée. Les glitazones sont des activateurs
d'un récepteur nucléaire le PPAR- gamma, lui-même membre de la super famille des récepteurs nucléaires qui
jouent un rôle central dans la régulation des gènes. Les PPAR- gamma se trouvent au niveau des noyaux de
presque toutes les cellules du corps, mais sont surtout en abondance au niveau du tissu adipeux. A ce niveau les
PPAR-gamma sont des stimulants de la différenciation cellulaire et de la déposition des acides gras libres. Une
fois activé, le PPAR y augmente la transcription de certains gènes insulino-sensibles, en particulier ceux qui
codent pour le transporteur du glucose (le GLUT 4) ainsi que différents enzymes de la lipogenèse. Le fait de
l'abondance de PPAR-gamma au niveau du tissu adipeux nous fait penser que les glitazones agissent à ce niveau
et influencent secondairement le métabolisme du glucose.

Contre indications des glitazones

Toxicité hépatique

La toxicité hépatique ne semble pas être un problème pour le rosiglitazone et le pioglitazone. Le médecin
prescripteur doit cependant être vigilant et ne pas prescrire ce médicament en cas de problèmes hépatiques et
surveiller la dite biologie chez les patients qui le reçoivent.

Lipides7 (tableau 1)

Chez les sujets traités par rosiglitazone le cholestérol total augmente à cause de l'augmentation du LDL et du
HDL-cholestérol. L'index athérogène reste sensiblement le même. Cette augmentation se voit surtout au début du
traitement. L'importance clinique de cette observation reste à définir. Pour le pioglitazone on ob-
serve un effet favorable sur les lipides pour le LDL et le HDL-cholestérol.

Prise de poids (tableau 1)

La prise de poids est particulièrement marquée pour le pioglitazone.

Insuffisance cardiaque (tableau 1)

Les glitazones peuvent induire une rétention hydrique et pour cela leur prescription, en présence d'une
insuffisance cardiaque, doit être restrictive.

Au-delà des glitazones

La recherche sur la famille des récepteurs PPAR a amené l'industrie pharmaceutique à développer des molécules
qui ne sont plus des glitazones mais qui partagent avec elles leur rôle de stimulateur de ces récepteurs nucléaires.
Parmi ces substances il y en a une qui semble dotée d'un intéressant pouvoir hypoglycémiant et qui est désignée
par le sigle GI 1262570. Il s'agit là d'un stimulateur non seulement des PPAR- gamma mais aussi des PPAR-
alpha qui sont stimulés par les fibrates (hypolipémiants). Cette substance a d'ailleurs un effet favorable
également sur les triglycérides, effet comparable d'ailleurs à celui des fibrates. Ces développements sont
fascinants mais ils ne doivent pas nous faire oublier la prudence lorsque l'on passe de modèles expérimentaux à
l'homme et surtout lorsque l'on touche à des systèmes aussi complexes qui modulent l'expression des gènes.

GLITAZONE, GLINIDES, BIGUANIDES OU SULFAMIDES


Plus de 100 000 études sur les antidiabéti-
ques oraux ont été répertoriées dans Medline, mais il y a seulement deux études randomisées contrôlées :
l'UGDP (University Group Diabetes Program publiée en 1977) et l'UKPDS (United Kingdom Prospective
Diabetes Study publiée en 1998). L'étude UGDP n'a pas pu démontrer un bénéfice du traitement par sulfamide
ou biguanide mais ses résultats ont été contestés pour des problèmes méthodologiques. L'étude UKPDS est donc
une étude incontournable et pratiquement unique sur la thérapeutique du diabète de type 2. Or, l'étude UKPDS
nous dit clairement que l'utilisation à long terme des sulfamides (le glibenclamide) et de la metformine n'est pas
nocive pour le patient.

NOUS AVONS ABSOLUMENT BESOIN D'ÉTUDES


RANDOMISÉES CONTRÔLÉES9
Etudes à court terme

Les études (encore peu nombreuses à être publiées dans des journaux importants) sur le traitement par les
glitazones ou les glinides confirment leur efficacité à court et moyen terme sur la glycémie. En outre, elles nous
renseignent sur leur non-toxicité à moyen terme. Aucune étude à ce jour n'a apporté la preuve que, de traiter un
diabétique pendant des années avec une glitazone ou un glinide, améliore le pronostic micro- ou macrovasculaire
ou influence la longévité du patient. On peut cependant et justement objecter que pour les antidiabétiques
traditionnels de telles preuves, en particulier sur la maladie macrovasculaire et sur la longévité, n'existent que
partiellement.

Que nous dit l'UKPDS ?

Si l'on veut être rigoureux il faut cependant admettre que dans le domaine des antidiabétiques oraux, seule l'étude
UKPDS nous dit qu'un traitement de longue durée avec le glibenclamide ou la metformine réduit les
complications spécifiques du diabète sans effets délétères sur d'autres systèmes, en particulier sur la maladie
cardiovasculaire. Pour la metformine, si elle est utilisée seule, elle a même un effet favorable sur la longévité et
la maladie cardiovasculaire. A partir des résultats de l'étude UKPDS peut-on affirmer que l'utilisation de tous les
sulfamides hypoglycémiants et tous les biguanides est sans danger et efficace ? Si l'on veut être rigoureux on doit
conclure que d'une part le glibenclamide (certainement) et les autres sulfamides (peut-être), restent des
médicaments de premier choix. La metformine utilisée seule a des avantages certains. Il est raisonnable d'utiliser
les nouvelles molécules, surtout en association, pour améliorer le profil glycémique. Les nouvelles molécules ne
doivent pas être considérées comme premier choix tant que les études prouvant leur innocuité ne sont pas au
moins mises en route.

De quelles études avons-nous besoin ?

Des études randomisées contrôlées comparant le glibenclamide et la metformine aux glitazones et aux glinides
sont nécessaires. De telles études prendront-elles beaucoup de temps ? Dans l'hypothèse qu'un médicament
proposé en alternative aux deux substances, dont l'efficacité est prouvée, est nettement supérieur à ces dernières,
il ne sera pas nécessaire d'attendre très longtemps pour que cette supériorité se manifeste.

Dans l'hypothèse d'un effet secondaire fréquent ou important de la nouvelle substance, là aussi cet effet sera
décelé assez rapidement. Par contre, si les deux médicaments testés sont très voisins soit pour leurs effets
bénéfiques soit pour leurs effets secondaires, l'étude devra être longue pour prouver une éventuelle différence.

Avantages pour le patient d'une étude à long terme

Pour le patient, une telle étude constitue un bénéfice à plusieurs niveaux. Tout d'abord pendant l'étude le patient
est surveillé de près et un éventuel effet secondaire décelé avant qu'il ne soit trop tard. Dans l'hypothèse d'un
médicament significativement supérieur à la thérapie actuelle, l'ensemble des patients pourra en profiter sans
délai. Si l'étude se poursuit pendant des années avec l'approbation du «steering comitee»*, cela signifie pour le
patient et pour le médecin que la thérapie classique et la nouvelle ne diffèrent que de peu. Toutes ces
informations durant et une fois l'étude terminée seront précieuses pour la prise en charge correcte du patient.

Comment prescrire en attendant


Vue la qualité des substances proposées il est tout à fait imaginable que l'une ou plusieurs d'entre elles
deviennent des premiers choix dans le futur. En attendant ces études indispensables le médecin doit, de cas en
cas, soupeser le pour et le contre dans l'utilisation de substances dont l'efficacité et la sécurité ne sont pas
entièrement prouvées.

L'avis des autorités sanitaires

Aux Etats-Unis les glitazones et les glinides (pour l'instant seul le répaglinide) ont une indication large soit
comme médicaments de premier choix soit en association avec d'autres antidiabétiques oraux (ou l'insuline pour
les glitazones). En Europe, par contre le CPMP (commitee of Proprietary Medical Products) de l'Agen-
ce européenne pour l'évaluation de produits médicaux a recommandé l'utilisation du rosiglitazone en association
avec un autre antidiabétique oral quand une monothérapie avec cet agent ne permet pas de contrôler le diabète
d'une façon adéquate. Pour le pioglitazone la réponse est encore pendante.

Les nouvelles insulines (analogues)


Analogues à action rapide

Durant cette dernière décennie un nombre important d'analogues de l'insuline ont été développés à la recherche
d'insulines plus adaptées aux besoins de la thérapie insulinique moderne. La plupart de ces molécules, pour
diverses raisons, n'ont pas trouvé d'utilisation clinique. La lispro (Humalog®) a été le premier analogue
développé pour le traitement des diabétiques et il est aujourd'hui largement utilisé dans le monde entier surtout
chez les diabétiques de type 1. A partir de cette année un nouvel analogue à action rapide, l'aspart (Novo-
rapid®)10 est à disposition. Cet analogue a été obtenu par substitution de la proline en position 28 sur la chaîne b
de l'insuline par l'acide aspartique. Cette modification de structure freine la formation d'hexamères (six
molécules d'insuline qui s'associent) caractéristiques de l'insuline. Les molécules d'insuline ainsi modifiées
restent libres et sont plus rapidement mobilisables à partir du pool sous-cutané après leur injection. C'est aussi
par un tel mécanisme que la lispro agit.

Les études à disposition démontrent qu'en effet l'aspart à un début d'action plus rapide et une durée d'action plus
courte que l'insuline humaine. Dans les études cliniques l'aspart (Novorapid ®) a été comparée à l'insuline
humaine et ces études comme celles précédemment publiées pour la lispro démontrent une meilleure gestion par
ces deux analogues de la glycémie post-prandiale avec, pour certaines études, une diminution des hypoglycémies
et une amélioration marginale, mais inconstante de l'équilibre glycémique (Hba1c). Il n'existe pas d'études
comparatives directes entre la lispro et l'aspart. Compte tenu du fait qu'aujourd'hui la lispro est devenue le «gold
standard» des analogues à action rapide, on peut regretter qu'on n'ait pas considéré de tels protocoles.

Une étude comparative de l'effet mitogénique et de la puissance métabolique arrive à la conclusion que ces deux
analogues de l'insuline ne diffèrent pas d'une façon significative.

Analogues à action prolongée

De nombreux analogues à action prolongée sont actuellement en phase de développement. Parmi ceux-ci
l'analogue glargine (Lantus®) est déjà à disposition dans certains pays et va être mis sur le marché international
en 2001-2002.

L'analogue glargine (Lantus®)11

L'analogue de l'insuline glargine diffère de l'insuline humaine en ce que sur la chaîne a en position 21 l'acide
aminé a été remplacé par la glycine et deux molécules d'arginine ont été ajoutées à la chaîne b. Ces modifications
ne modifient pas l'interaction de l'insuline avec son récepteur mais par contre déplacent le point isoélectrique
vers la neutralité. Ceci fait que lorsque l'analogue glargine est injecté en sous-cutané, il se forme un précipité au
lieu d'injection, à partir duquel l'insuline sera libérée progressivement et d'une façon régulière.

Les études cliniques montrent que la glargine conserve son efficacité. En comparaison avec une insuline NPH, la
glargine a un léger retard dans le début de son action (un peu moins d'une heure pour la NPH, un peu plus d'une
heure pour la glargine). La différence concerne surtout la durée d'action qui est proche des 24 heures pour la
glargine contre 14 heures pour l'insuline NPH. Particulièrement intéressant est le profil plat de la glargine qui
contraste avec la forme en dôme typique de l'insuline NPH.
Le profil plat de la glargine et sa durée prolongée et régulière sont, sans doute, bienvenus en pratique
quotidienne de cet art difficile qu'est l'insulinothérapie. La glargine est l'insuline idéale pouvant être administrée
une seule fois par jour en combinaison par exemple avec un des analogues à action rapide ou un antidiabétique
oral qui stimule la production d'insuline au moment des repas.

Comme pour les autres analogues, les études cliniques ne montrent pas de changement radical de l'Hba1c, mais
une diminution du risque d'hypoglycémie et une stabilisation des profils glycémiques.

CONCLUSION
L'année 2000 a été riche en nouveautés dans le traitement du diabète. Cette abondance de moyens (nouveaux
antidiabétiques oraux, nouvelles insulines) est en contraste avec notre manque de certitude sur la bonne
utilisation de ce nouvel arsenal. Le médecin doit, dans cette situation, être encore plus vigilant et prendre pour
ses patients des décisions même s'il ne peut pas toujours les justifier par des évidences irréfutables.

Bibliographie
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Contact auteur(s)
Dr Pietro Gerber
Centro di diabetologia di Lugano
Clinica Al Parco
Parco Maraini
6900 Lugano
pietrogerber@diabetelugano.com

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