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des déchets
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© Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 2 300 − 1
APPROCHE SOCIO-ÉCONOMIQUE DES DÉCHETS ______________________________________________________________________________________________
1. Le déchet : définition,
fondements économiques Détenteur Receveur
et logiques en œuvre
a marchandise, non-déchet
Le déchet est une marchandise à part. Au plan juridique, la loi-
cadre française du 15 juillet 1975 et la directive européenne adoptée
le même jour le définissent par référence à l’abandon : « tout résidu
d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation,
toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien Détenteur Receveur
meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon ».
Les règles applicables sont différentes suivant :
b déchet
— qu’il est considéré comme dangereux ou non ;
— qu’il est destiné à être valorisé ou éliminé. Dans ce second cas,
le principe de proximité et d’autosuffisance prévaut, contrairement
flux physique flux monétaire
au principe de liberté des échanges commerciaux ; le déchet doit
alors être traité autant que possible près de son lieu de production ;
Figure 1 – Flux physique et flux monétaire des échanges
— que les transferts font intervenir ou non des États membres de
la Communauté européenne ou de l’OCDE, (Organisation de coopé-
ration et de développement économiques), suite à la convention de
Bâle sur les mouvements transfrontaliers des déchets du 22 mars des différents déchets présentent des caractéristiques monopolis-
1989 : listes verte, orange et rouge de l’OCDE fixant suivant les caté- tiques, pour des raisons réglementaires ainsi qu’économiques :
gories de déchets les règles applicables aux échanges. libre-entrée limitée, prix du « ticket d’entrée » élevé, effets de seuil,
économies d’échelle, etc.
Les conditions dans lesquelles un déchet peut devenir un non-
déchet, une marchandise, sont encore floues. La jurisprudence, tant L’offre de service peut elle-même n’être qu’une offre intermé-
française qu’européenne (arrêts Moline de 1983, Bouhours de 1986, diaire, dans le cadre d’une chaîne ou cascade d’opérateurs succes-
Lorban de 1991, arrêts de la Cour de justice des communautés euro- sifs de filières d’élimination ou de valorisation. Dans ce dernier cas,
péennes dans les affaires Vessosso et Zanetti en 1990, etc.), a souli- la chaîne de qualité s’accompagne d’une chaîne de valeur.
gné jusqu’alors que les objets ou substances en question, même Au plan microéconomique, la figure 2 illustre le profil théorique
réemployables ou recyclables, même destinés à être valorisés et de trois types d’entreprises :
même s’ils ont une valeur économique, marchande, restent des
— entreprise classique de production ;
déchets [1]. De plus, le concept de recyclage est mal défini, tant au
— entreprise spécialisée d’élimination ;
plan juridique qu’au plan économique.
— entreprise de recyclage.
Il convient de souligner l’ambivalence du résidu : rebut ou
D’une façon générale, les activités de récupération se traduisent
ressource ? Selon la sagesse populaire, « le déchet des uns fait la
en premier lieu par un écrémage des gisements les plus intéres-
fortune des autres ». Le statut de déchet et son devenir dépendent
sants. Lorsqu’on vise une mobilisation plus poussée des gisements,
de nombreux facteurs : circonstances, lieu, état de l’économie et de
les coûts de collecte et de préparation, à la tonne, tendent à croître,
la technologie, contexte social, réglementaire, etc. De même, la
parce qu’il s’agit de fractions plus dispersées et plus hétérogènes ;
notion de déchet ultime introduite par la loi française de juillet 1992
en d’autres termes, le coût marginal de récupération est croissant.
renvoie aux conditions techniques et économiques du moment.
Cependant, ce qui n’est pas récupéré doit être éliminé ; il en résulte
Alors que la réglementation européenne est marquée par la un coût. L’élimination fournit ainsi à la récupération un autre réfé-
volonté d’assurer un contrôle aussi étendu que possible, une alter- rentiel, et la possibilité d’une rémunération sur une double base : la
native raisonnable ne consiste pas, en contrepoint, à prôner le libre- vente des produits récupérés et une rémunération correspondant à
échange des déchets, mais à revoir les conditions pour qu’il perde une prestation de service, ou coût évité par rapport à une solution
ce statut. Le ministère de l’Environnement a publié en mars 1997 un d’élimination. De plus, la tendance à l’accroissement des coûts d’éli-
guide méthodologique proposant des critères de nature à garantir le mination joue en faveur de la récupération. La figure 3 en fournit
non-abandon. Il convient également que la nouvelle utilisation res- une illustration, pour des mâchefers d’incinération (donc des sous-
pecte un haut niveau de protection de l’environnement et de la produits de traitement primaire).
santé. Le recyclage permet en outre d’atteindre simultanément deux
D’un point de vue économique, un bien (ou une substance) n’est objectifs : réduire à la fois les quantités à éliminer et les prélève-
pas un déchet s’il a soit une valeur d’usage (une utilité) pour son ments de ressources naturelles.
détenteur, soit une valeur d’échange reconnue, correspondant à une Aux aspects monétaires s’ajoutent des aspects environnemen-
valeur d’usage pour son destinataire final. taux et sociaux. A l’avenir, ces derniers seront de plus en plus inté-
Pour qu’il ne s’agisse pas d’un déchet, la valeur d’échange doit grés dans les coûts économiques (tendance à l’internalisation des
être positive. En d’autres termes, entre les deux parties, le flux phy- coûts externes, selon le langage des économistes).
sique de marchandise et le flux monétaire en contrepartie vont en Un autre débat concerne la hiérarchie éventuelle entre :
sens inverse, tandis que pour des déchets, ils vont dans le même
sens (figure 1). Dans ce second cas, le paiement par le détenteur — réutilisation pour le même usage ;
correspond à une prestation de service assurée par le receveur. — réemploi (pour un autre usage) ;
L’offreur de déchet devient demandeur de service. S’agissant des — recyclage en boucle (pour le même type d’application) ou en
ordures ménagères, ce service est assuré par les collectivités cascade (pour un autre type d’application) ;
locales ; il correspond à un service public, financé surtout par des — valorisation énergétique.
impôts locaux. Hors service public (ou sous couvert de service Dans une optique de développement durable (voir le système
public, lorsque les opérations sont confiées à des prestataires pri- déchets [G 2 000]) et pour limiter l’entropie du système matière (et
vés), le prix à payer résulte du jeu de l’offre et de la demande. énergie), le réemploi permet de conserver, au moins pour partie, la
Cependant, vis-à-vis de mécanismes concurrentiels, les marchés forme initiale, et il est préférable de valoriser les matériaux sur la
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Coûts
p (F/t)
Coût de mise en CET 2
400
Input Output à
classique prix positif Différentiel de coût
300 en faveur de la
q valorisation
0
0 Années
1980 1990 2000
Input
classique
CET 2 : centre d'enfouissement technique de classe 2
Input gratuit
q Figure 3 – Économie associée à la valorisation des mâchefers
0
Input traité Output Output sans valeur
moyennant à valeur et ne nécessitant
paiement
(pour le service)
négative pas un paiement
(neutralisé)
2. Aspects sociologiques
Le déchet ne renvoie pas seulement à une valeur économique
b entreprise spécialisée d'élimination nulle ou négative, mais aussi à un ensemble de valeurs sociocultu-
relles et à leur dynamique, dans le cadre d’un système sociétal. Des
p significations, des enjeux se cachent derrière son apparente insigni-
fiance. Il participe en effet à un jeu de signes, que la sémiotique
s’efforce de révéler.
Au plan des représentations sociales et mentales (car il convient
Input Output à
de remonter au mental et même à l’archéologie du mental, à la
classique valeur positive
construction de l’imaginaire), il s’inscrit dans un système d’axes de
Input gratuit référence que constituent le haut et le bas, le propre et le sale, le
q beau et le laid, l’ordre et le désordre, le dessus et le dessous, le
0
devant et le derrière, le dedans et le dehors, le visible et l’invisible,
Input moyennant le diurne et le nocturne, le centre et la périphérie, le public et le
paiement pour Output à valeur négative privé, l’être et le paraître, la vie et la mort, etc. Un lien étymologique
le service (comme (nécessitant un paiement) unit (par l’intermédiaire du latin proprius) propreté et propriété, et
pour l'élimination) au déchet est traditionnellement associé un espace déchet : il s’agit
d’espaces dont la propriété est floue, non revendiquée, mal identi-
c entreprise de recyclage fiée, collective, d’espaces vacants ne faisant pas l’objet d’une appro-
p prix q quantités priation, et autres espaces « faibles », qui subissent les logiques
dominantes. La ville elle-même se définit autour de la triade ordre-
Les intrants physiques (input) sont comptés négativement, les extrants (output)
positivement.
propreté-beauté, ce qui conduit à éloigner promptement le déchet.
Le bilan matière complet, pour chaque entreprise, inclut des intrants ou/et des
extrants à prix nul (cas des biens libres, comme l'air, en l'absence de rareté). Il
doit être équilibré, donc Σqi = 0
i
En termes monétaires, les figures s'appuient, pour des raisons pédagogiques, 2.1 Le Nimby
sur une hypothèse de profit nul. Dès lors, pour chaque entreprise : Σ (pi x qi) = 0
i
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entre les taux d’apports et la taille de la cuisine et des dépendances. Les dispositifs emplois villes, puis emplois jeunes, bénéficient
L’habitat horizontal groupé et les petits immeubles donnent les d’importantes aides de l’État, pour cinq ans, et d’aides complémen-
meilleurs résultats (ou des résultats plus faciles) que les grands taires d’Éco-Emballages pour les collectes sélectives, conduisent à
ensembles, pour lesquels une prise en charge plus globale apparaît la création de postes d’ambassadeurs du tri, assurant une commu-
nécessaire ; de plus, le gardien joue alors un rôle important. La taille nication de proximité. Cependant, ils font figure d’emplois périphé-
des agglomérations n’est pas non plus indifférente : Jean Gouhier riques, disjoints des emplois centraux ou du noyau dur que
(géographe, fondateur de l’Institut de rudologie) note que l’inertie constitue le corps des agents de salubrité, et leur avenir reste à
est une fonction croissante du poids démographique [3]. consolider.
Le portrait-robot des apporteurs intensifs conduit à mettre en À la greffe en amont que constituent ces ambassadeurs ou anima-
avant la population d’âge moyen (30 à 50 ans et jeunes retraités), teurs s’ajoute la greffe en aval des emplois de trieurs sur chaîne en
mariée avec enfants, à bon niveau d’éducation, exerçant des profes- centre de tri, peu reluisants, peu gratifiants. Il existe un contraste
sions intermédiaires, ayant des revenus moyens à élevés, résidents saisissant entre la fabrication des emballages et le conditionnement
d’assez longue date dans le quartier et propriétaires de leur loge- à des cadences vertigineuses, dans le cadre de chaînes très automa-
ment. La participation est d’autant plus régulière que les ménages tisées, et en aval, le tri de ces mêmes emballages, un à un, à la main.
ont un cadre de vie stabilisé. Pour le futur, cette asymétrie semble peu soutenable.
Le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des En définitive, l’évolution du secteur de collecte et traitement des
conditions de vie) a établi en 1994 une typologie des comporte- déchets urbains, qui s’est faite jusqu’alors par intégration d’élé-
ments face au tri sélectif [4], en distinguant : ments techniques et adjonction de fonctions, aboutit à un émiette-
— les passionnés d’écologie : 25 % ; ment et un cloisonnement des métiers existants ou créés : cela va
— les convaincus, par sens civique : 10 % ; d’emplois du type industriel dans les usines d’incinération à des
— les récalcitrants : 10 % ; emplois de type OS dans les centres de tri, et des emplois de la fonc-
— les suivistes à l’esprit civique : 25 % ; tion publique territoriale à diverses formes de précarité.
— les individus à motivations incertaines et pratique
irrégulière : 25 %.
Cela tend à montrer que la bataille n’est pas gagnée. Il semble bien que la mise en place d’un tri à la source remette
en cause, au-delà des pratiques des habitants, l’ensemble du
La communication, en particulier de proximité, est de nature à système « collecte-traitement », dans sa rationalité et ses objec-
jouer un rôle majeur. En tout cas, la réussite des collectes sélectives tifs, conduisant au besoin d’une révision globale des tâches des
nécessite de conjuguer dimension technique, professionnelle, et personnels intervenants et des métiers correspondants [6].
dimension populaire, par la mise en œuvre d’une véritable ingénie-
rie sociale.
Au-delà, on peut aussi s’intéresser aux répercussions des prati-
ques de collectes sélectives sur les comportements d’achat (sur le tri
à l’achat). La réduction à la source renvoie, outre à la symbolique de
la source, à une rhétorique de l’évitable. 3. Coûts de collecte
et de traitement
2.3 Aspects sociaux, à travers l’emploi
Aux déchets furent associés non seulement des espaces déchets, 3.1 Ordures ménagères
mais des déchets sociaux : aux XVIIIe et XIXe siècles, « les réforma-
teurs caressent le projet d’évacuer tout à la fois l’ordure et le vaga-
bond, les puanteurs de l’immondice et l’infection sociale. Ils
s’accordent à prôner l’utilisation des déchets sociaux dans le procès L’étude 1998 de Sofres-Conseil pour l’Ademe [7] fournit les indica-
de ramassage et de traitement de l’ordure. Ils calculent la rentabilité tions de coûts regroupées dans le tableau 3.
de l’immondice sociale affectée à la valorisation du détritus », écrit
Alain Corbin [5].
Les tâches de nettoiement se sont certes professionnalisées, tech- Tableau 3 – Coûts hors TVA de collecte et de traitement
nicisées, et l’éboueur n’est plus véritablement un manœuvre de des ordures ménagères, d’après [7]
force ; le métier s’est francisé et le recours aux emplois précaires
avait diminué, du moins jusqu’au début des années 1990. Pour une tonne d’ordures
Par habitant et par an
Les collectivités de taille importante sont cependant confrontées à ménagères
(F)
la gestion d’éboueurs relativement âgés, usés par le métier (les pro- (F)
blèmes commencent vers 40 ans). Un facteur explicatif de cette
usure des hommes réside dans le système du fini-parti : l’équipe est Milieu urbain 580 à 820 300 à 420
autorisée à quitter le travail dès que sa tournée de ramassage est Milieu rural 950 à 1 650 300 à 570
finie. L’éboueur se débarrasse donc au plus vite de la tâche qui lui a
été confiée. Il la comprime temporellement, pour se consacrer Moyenne 820 380
davantage à lui-même, ou à sa famille, ou exercer une autre activité
(lucrative ou non). Le temps libre est une forme de compensation
vis-à-vis d’une tâche ingrate. S’y ajoutent les coûts de gestion de déchets dangereux des
Le métier d’éboueur n’est pas (en tout cas, pas tout à fait) un ménages, des encombrants, des déchets verts, soit 50 à 80 F par
métier comme les autres, en premier lieu en raison des matières habitant et par an.
dont il s’occupe. Les déchets font figure de malpropreté de la civili- La collecte représente traditionnellement une part majeure du
sation, de face cachée de la production-distribution-consommation, coût total. Cependant, le passage de la mise en décharge à l’inciné-
de dessous de la croissance. Le mépris de l’ordure conduit à un ration moderne entraîne un accroissement sensible ; un exemple
mépris de l’éboueur. est présenté dans le tableau 4.
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4.1 Ordures ménagères Les grands groupes sont en mesure de faire des offres globales :
collecte et traitement, études de conception, ingénierie, construc-
tion, y compris financement de l’investissement, exploitation, pour
Une part des opérations est assurée en régie directe par les col- une unité ou un complexe de traitement intégré, multifilières. Il
lectivités locales elles-mêmes. Cette part est très variable suivant les apparaît plus facile pour une collectivité de confier l’ensemble à un
pays : en termes de population desservie, elle est de 40 à 60 % dans même opérateur.
la plupart des pays européens, beaucoup plus forte en Grèce (près
En France, la structure du marché privé des déchets est marquée
de 90 %), tandis que la régie directe n’existe plus au Royaume-Uni ;
(en simplifiant) par une situation à caractère « duopolistique ». Cette
et elle est sensiblement différente suivant qu’il s’agit de la collecte
situation conduit à s’intéresser à leur comportement stratégique.
ou du traitement. En particulier, la part du privé est plus forte pour
Au-delà du souci d’éliminer les concurrents, notamment en les
les traitements faisant appel à une certaine technicité.
absorbant, les protagonistes adoptent entre eux un comportement
De plus, ce qui est appelé privatisation recouvre des réalités correspondant à un duopole intelligent : concurrence limitée (res-
diverses, renvoyant aux pratiques ainsi qu’aux législations des dif- pect des fiefs ou positions fortes), voire coopération (y compris au
férents pays. Dès lors, la comparabilité elle-même est probléma- besoin création de filiales communes) ; ils évitent en tout cas une
tique, et la Communauté européenne ne reconnaît pas véritable- guerre des prix qui réduirait leurs profits, pour privilégier un jeu
ment le service public relatif aux déchets. contre le reste du monde et en faveur d’une amélioration de la qua-
En France, diverses formules sont possibles : régie directe, mar- lité du service proposé (et, en corollaire, de l’environnement),
ché public, délégation de service public, concession, affermage, assorti d’une hausse des prix. L’enjeu commun consiste à accroître
régie intéressée, gérance, bail emphytéotique administratif, marché le volume du marché global, alors que, si sa taille n’augmente pas,
d’entreprise de travaux publics. la seule issue, pour croître, serait une guerre totale entre les duopo-
Nota : pour plus de détails, l’AGHTM a publié en 1998 un guide pour l’élaboration de
listes, qui risquerait de s’avérer ruineuse pour tous deux.
contrats relatifs aux centres de traitement de déchets [9].
S’y ajoutent des sociétés d’économie mixte. En France, ce qui est
appelé privatisation correspond à des opérations assurées par des 4.3 Élimination et récupération
entreprises privées, mais sous couvert de service public local,
financé par l’impôt. Un autre enjeu majeur réside dans les articulations entre élimina-
Au Royaume-Uni, les quatre cents districts représentent l’autorité tion et récupération. À ce sujet, il convient de distinguer le secteur
responsable pour la collecte, et les quarante-cinq comtés pour le de la récupération de la fonction de récupération, qui peut être exer-
traitement. Le Local Government Act de 1988 stipule que les autori- cée par le secteur de la récupération ou par les groupes de l’élimina-
tés locales doivent obligatoirement procéder par appels d’offre à la tion.
concurrence. Elles peuvent elles-mêmes être candidates, sous
Ainsi, le fait que les collectes sélectives d’emballages ménagers
réserve d’avoir créé une société à cet effet. Ces dispositions, héri-
en France, depuis la création d’Éco-Emballages, se développent sur-
tées du gouvernement Thatcher, ont permis une forte pénétration
tout sous la forme de collectes multimatériaux en porte-à-porte,
du marché par des groupes multinationaux (en particulier à base
principalement en substitution (en remplacement d’une collecte
française).
ordinaire), ou bien en simultané, favorise l’intégration de cette acti-
En Allemagne et en Italie, le secteur public s’implique dans des vité par ceux qui ont en charge la collecte ordinaire. De plus, le pro-
montages divers associant le privé. duit des collectes sélectives est acheminé sur un centre de tri, qui
Un enjeu majeur consiste à garder le contrôle, même si les opéra- est souvent mixte (ordures ménagères et DIB), et les refus de tri,
tions physiques sont confiées à un tiers. À ce sujet, la maîtrise du dont le taux est parfois élevé, doivent à leur tour être éliminés.
marché s’exerce principalement à partir de l’aval, c’est-à-dire du Pour les déchetteries, les tâches confiées à des prestataires privés
débouché. « Quand on tient le trou, on tient le marché », affirme un peuvent être globalisées ou bien conduire à des appels d’offres
vieux dicton de la profession, se référant à l’exutoire traditionnel séparés : gardiennage et gestion du site, enlèvement des bennes,
que constitue la décharge. Les modes de traitement tendent à évo- pour l’ensemble des produits ou par type de produits. Les récupéra-
luer, mais les décharges restent une fin de filière inéluctable, pour teurs ne sont en mesure de faire une offre que pour tel ou tel maté-
les déchets ultimes ; de plus, leur rareté est source de rentes de riau destiné à être recyclé, car, pour l’élimination du reste (qui
situation. représente généralement le plus fort tonnage), ils sont tributaires
des exploitants d’installations de traitement, notamment des grou-
pes de l’élimination. Par contre, ces derniers sont en mesure de faire
4.2 Grands groupes une offre globale.
S’agissant des DIB, un handicap majeur pour les récupérateurs
Le débat sur la privatisation se double d’un débat sur la concen- réside là encore dans le fait qu’ils ne disposent pas de solutions pro-
tration d’entreprises [10]. La concurrence s’avère précaire, et l’idée pres pour les fractions non recyclables (en proportion variable sui-
selon laquelle l’entreprise typique du secteur serait une entreprise vant la nature des gisements, ainsi que l’évolution des cours), alors
familiale ou une PME a fait long feu. On observe une concentration que les groupes de l’élimination contrôlent l’enfouissement et sont
croissante, et les oligopoles sont devenus transnationaux des acteurs importants de l’incinération conjointe, avec les ordures
(tableau C). ménagères. En d’autres termes, les récupérateurs restent dépen-
Les leaders américains et mondiaux sont spécialisés dans les dants des groupes de l’élimination, qui « verrouillent » le système.
déchets, alors que les ténors français font partie de groupes aux De plus, les groupes de l’élimination, soucieux de ne pas être
activités diversifiées. On notera de plus le poids des compagnies dépendants des récupérateurs pour les débouchés des matériaux
d’électricité : Tiru (filiale d’EDF) en France, RWE en Allemagne, Trac- triés, ont mis en place des équipements de conditionnement et des
tebel en Belgique, etc. La stratégie de conquête du marché euro- structures de négoce, ont repris des entreprises de récupération en
péen par les groupes américains s’est soldée par un échec. place, ont passé des accords directs avec les usines utilisatrices et
Exemple : Suez-Lyonnaise a repris en 1998 les activités hors Amé- ont même développé des activités de recyclage.
rique du Nord (et hors Hong-Kong) de BFI et WMI s’est désengagé plus Exemple : CGEA-Onyx a pris en 1991 le contrôle de Soulier, leader
progressivement mais à peu près totalement en Europe. Vivendi et français de la récupération des vieux papiers, ainsi que des housses
Suez Lyonnaise occupent des positions très fortes dans un grand nom- polyéthylène de palettisation, qui représentent un gisement convoité ;
bre de pays européens. De plus, en 1999, Vivendi a pris le contrôle de s’y ajoutent de nombreuses autres prises de contrôle d’affaires de
Superior Services, numéro 4 aux États-Unis. récupération, par Vivendi et par Suez-Lyonnaise.
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Les parts de marché de la récupération indépendante ont forte- On peut noter à ce sujet que les fonds spécifiques à caractère
ment diminué. redistributif ont généralement un effet incitatif fort à travers les
aides accordées, même si les prélèvements opérés n’ont pas un
caractère dissuasif vis-à-vis de la production de déchets. Pour avoir
un effet dissuasif, il faudrait que les prélèvements soient très élevés.
4.4 Déchets industriels spéciaux
Exemple : alors que la contribution au profit d’Éco-Emballages,
relative à une bouteille en plastique courante, est de 1 centime en
Pour les DIS, le nombre des installations de traitement externes France (elle devrait toutefois passer à 2,7 centimes en 2000), elle équi-
est limité, et elles font appel à une forte technicité. vaut à près de 50 centimes en Allemagne, ce qui entraîne à peu près
Exemple : Vivendi s’appuie notamment sur SARP, Suez-Lyonnaise un doublement du coût de l’emballage.
sur France-Déchets, qui dispose en France de la majorité des centres Les contributions perçues sur les sacs de magasin sont de
d’enfouissement technique de classe 1, et sur Sitadis, qui a conduit à 0,25 centime en France, contre 17 centimes en Allemagne, soit près
créer Teris, en partenariat (50/50) avec Rhône-Poulenc. Suez-Lyonnaise de trois fois le coût du sac lui-même.
contrôle également Scori, pour préparer des DIS et des DIB destinés On remarquera de plus qu’en Allemagne, près des trois quarts du
aux cimenteries. Pour le traitement des DIS, il convient d’ajouter le rôle volume total des liquides alimentaires sont conditionnés en emballa-
important de Tredi. ges réutilisables (consignés), alors qu’en France, cette part est faible
et en régression.
La Communauté européenne veille au contrôle de la concurrence
et aux risques d’abus de position dominante.
Exemple : suite à la fusion Suez-Lyonnaise, elle a estimé qu’un tel
risque existait sur le marché belge pour la collecte des ordures ména- 5.2 Jusqu’où dépolluer et rendre
gères, le nettoyage industriel et la détoxication des DIS ; dès lors, fin les normes plus sévères
1998, Suez-Lyonnaise a cédé certaines de ses activités au groupe bri-
tannique Shanks-McEwan.
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L’efficacité d’une politique passe en fait par l’utilisation d’une — une culture politique consensuelle, se traduisant en particulier
combinaison appropriée d’instruments, et une grande attention doit par de bonnes relations entre le gouvernement et l’industrie, con-
être portée aux modalités pratiques d’application. L’expérience tend duit à privilégier les instruments de concertation et de persuasion ;
à montrer que la régulation du problème des déchets nécessite en le Japon en fournit un exemple type ;
priorité des actions relatives à l’élimination, et en particulier la mise — une culture politique libérale, incluant là encore de bonnes rela-
en décharge, en la rendant plus difficile et plus coûteuse, soit un tions entre le gouvernement et l’industrie, conduit à privilégier, outre
mode de régulation par l’aval ; mais cela n’exclut pas l’intérêt les instruments de concertation et les accords volontaires, l’utilisa-
d’autres mesures complémentaires d’accompagnement [11]. tion d’instruments économiques ; c’est le cas du Royaume-Uni ;
D’autre part, l’existence d’une chaîne d’acteurs, dans le cadre de — une culture marquée par l’expression d’intérêts et de positions
filières, conduit à une responsabilité partagée ; mais, pour des rai- opposés (adversarial political culture, selon B. Wynne [12] appelle
sons d’efficacité, il apparaît utile de canaliser la responsabilité sur des arbitrages politiques et conduit à privilégier les instruments
un maillon de la chaîne. Il convient de rechercher un point d’appui législatifs et réglementaires ; les États-Unis en fournissent un exem-
efficace, pour maximiser les effets induits, dans le cadre d’une ana- ple. Toutefois, cela n’exclut pas un fond de culture libérale, et dès
lyse dynamique et stratégique. Tel est le sens du concept de product lors l’utilisation de certains instruments économiques ;
chain pressure point or leverage point analysis, visant à rechercher — une culture de planification programmation (après l’expres-
un point d’appui pour exercer un effet de levier. La figure 5 fournit, sion des points de vue et rapports de forces, y compris dans le
pour les DIB, un exemple de séquences d’ajustement possibles. contexte d’une culture corporatiste) conduit à privilégier les instru-
De plus, la définition des axes de politiques et le choix des instru- ments législatifs et réglementaires ; l’Allemagne et les Pays-Bas en
ments de régulation doivent être connectés, outre au contexte éco- sont des exemples.
nomique, au contexte socioculturel. On peut ainsi s’efforcer de La France conjugue centralisation et dirigisme, tradition libérale
définir des types de culture politique qui ont des implications quant et planification souple, conduisant à privilégier les instruments
au choix des instruments : réglementaires, sans pour autant écarter les incitants économiques.
• Séquences d'ajustement
Stratégie Scénario de
privilégiée moindre
par les dépendance
prestataires Figure 5 – Séquences possibles d’ajustement
du marché pour les déchets industriels banals
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