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ANTHROPOLOGIE du Bo
(Théorie & Pratique du grigri)

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A
Justine, mon fidèle ange gardien

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SOMMAIRE
Pages
Préface du Pr AGUESSY Honorat
INTRODUCTION : L’arme occulte
PROBLEMATIQUE
METHODOLOGIE
Première Partie : THEORIE du BO
Chapitre 1er : « BO » & « MANA »

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Chapitre II : GENESE du « BO »

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Chapitre III : DEFINITIONS du « BO »

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Chapitre IV : TYPOLOGIE du « BO »

TH
Deuxième Partie : PRATIQUE du BO
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Chapitre 1er : REGIONALISATION du « BO»
LI

Chapitre II : LA MENTALITE « BOESQUE »


IB

Chapitre III : PSYCHOLOGIE du « BO »


-B

Chapitre IV : MODALITES d’ACQUISITION du « BO »


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Chapitre V : REGIONALISATION de l’ACQUISITION du « BO »


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Chapitre VI : THEORIE DE LA TRANSMISSION du « BO »


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Chapitre VII : Le « BO » DANS LES RAPPORTS SOCIAUX


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Troisième Partie : ANTHROPOLOGIE DES « BONYIKO »


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ou DES NOMS BOPHORES


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Chapitre 1er : LES « BONYIKO » ou DES NOMS BOPHORES


Chapitre II : TYPOLOGIE DES BONYMES
Chapitre III : LES BONYIKO PROPREMENT DITS
Chapitre IV : ANTHROPOLOGIE DES NOMS BOPHORES»
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
PREFACE

« Serait-il téméraire de croire le mépris dans lequel on tient les prétendus


sauvages de l’Afrique vient confusément de ce que les européens ne peuvent ni
oublier, ni réparer les crimes de la Traite obéissant consciemment au désir de
s’en justifier en rabaissant ces malheureux Noirs, cause de remords de leur
conscience historique » (RP Francis AUPIAIS, in les Noirs de l’Afrique et
l’Evangile, la Documentation Catholique, 16 juin 1928).

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C’est tout à l’honneur du chercheur APOVO Jean-Marie d’avoir hissé le

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Bo au niveau scientifique, rappelant par là, que la science n’a pas un objet
exclusif et particulier. Tout peut devenir objet de science à condition de

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respecter les trois réquisits qu’impose tout science :
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i) un champ d’objet,
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ii) un champ de théorie,


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iii) un champ de concept.


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C’est dire que ce qui importe, c’est la démarche scientifique qui requiert
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la rigueur, la cohérence, la cohésion.


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Le volumineux texte (plus de trois cents pages) présenté par le postulant


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au titre de docteur ès sciences humaines, paraît, à tous lecteurs informés de la


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réalité du bo, satisfaire les réquisits rappelés plus haut.


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Nous constatons que l’auteur de la thèse présente le champs d’objet et


ceux de théorie et de concept avec beaucoup de conscience et de compétence.
C’est ainsi qu’il n’a jamais voulu s’en tenir à un simple niveau de
terminologie en donnant le sens du BO. Plus que le sens descriptif, il s’est
imposé le sens nominatif du BO, pour mieux éclairer les lecteurs.
L’ordonnancement du texte :
i) la théorie du BO,
ii) la pratique du BO,
iii) l’anthropologie des Bonyiko ou des noms Bophores d’une part, les
nombreux chapitres qui composent chacune des parties, par
exemple, pour la première partie :
a) BO et Mana,
b) Genèse du BO,
c) Définition du BO,
d) Typologie du BO impliquant six types, d’autre part, montrent la
rigueur de la démarche de l’infatigable chercheur.
Il a conscience de la nécessité de faire remonter, vers le bas niveau

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rationnel, l’objet de son travail habituellement enfoui et catégorisé dans le cadre

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de l’irrationnel.
Les distinctions multiples et multiformes auxquelles il s’est astreint afin

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d’aider les lecteurs à éviter les nombreuses confusions qui les piègent, relèvent
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du cadre d’un bon travail de scientifique.
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Les leçons à tirer du travail courageux et rigoureux du chercheur Jean-


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Marie APOVO, sont multiples et encourageantes :


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Tout d’abord, il est temps et grand temps que les Africains empoignent les
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problèmes de leur culture endurante, stimulante et omniprésente dans leurs


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moindres faits et gestes, avec rigueur, persévérance, sérieux et conviction.


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Ensuite, le travail en équipes, aussi bien au niveau des nations actuelles


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que de toute l’Afrique et de sa diaspora, permettra, sans aucun doute, d’asseoir


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une pensée enrichie par la saisie comparatiste, pluri et interdisciplinaire relative


à l’ordre du symbolique et, par là, de fonder un réseau de centres de recherches
endogènes auquel doivent recourir d’autres chercheurs du monde.
Enfin, un mécanisme approprié et efficace de diffusion dans plusieurs
langues, essentiellement celles que utilisent les populations intéressées par
l’éducation des problèmes relevant de l’ordre du symbolique, doit être mis en
place en parlant des moyens et sacrifices que les chercheurs eux-mêmes
voudront faire l’effort de consentir.
Le riche patrimoine culturel de l’Afrique dont la connaissance ne peut que
renforcer le développement durable; exige le traitement des sujets du genre de
celui qui a préoccupé, intéressé et passionné le chercheur APOVO.
Au lieu de nous contenter de rejeter ou d’accepter toutes les composantes
de notre culture sans les doter d’une fondation solide, prenons exemple, plutôt,
sur la démarche du chercheur APOVO pour nous attaquer scientifiquement à
toutes nos manifestations culturelles.

C’est aux chercheurs sérieux de sérieux, de dire, après coup, ce qu’il

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convient de penser de ces manifestations culturelles. Ce n’est pas à ceux qui sont

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à priori, lestés de préjugés indéracinables prenant souvent la carapace de la
science qui n’est alors qu’une idéologie, de décréter ce qu’il en est.

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Sur les problèmes très sensibles de l’ordre du symbolique qui donne sens
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à tout le reste, les Africains doivent prouver leur maturité.
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L’école africaine doit servir de référence. Dans cet ordre d’idées, le


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chercheur APOVO Cossi Jean-Marie doit jouer son rôle, un rôle d’éclaireur, en
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montrant la voie à suivre et poursuivre et en ne se laissant pas bloquer par les


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premiers déboires qu’appelle tout travail pionnier.


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Duc in altum
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Professeur Honorat AGUESSY


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INTRODUCTION : L’arme occulte : Le Bo

« Et le combat cessa, faute de combattants »


Corneille, le Cid.

BOJIENU : Le Bo a été efficace

Le soir tombait. Les lampadaires commençaient à peine à peindre la


chaussée de leurs rayons jaunes, lorsque je fus arrêté, dans un contrôle général

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de la circulation, par la police routière, pour plaque minéralogique non –

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éclairante. L’ampoule de la plaque minéralogique était effectivement grillée,

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mais les veilleuses arrières permettaient de lire sans difficulté le numéro D 6575
DY de ma voiture. Conduit alors à la fourrière, j’ai dûment abandonné la
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voiture et ramassé mes affaires pour chercher un taxi dehors. Mes affaires, c’est
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à dire deux grands chapeaux de joncs finement tressés à la tête, quatre poulets
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intrigués à la main gauche, une sacoche en rafia contenant « lios kanblados »


(boules d’akassa ligotées avec des nervures de palme), moult « Bo » (grigris)
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suspendant mes sandalettes, à la main droite, hors d’usage à la sortie de la


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fourrière. Titubant et chancelant au milieu de tout cet accoutrement, j’aperçus à


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ma droite deux hommes émergeant de la pénombre en treillis qui me harcelèrent


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en ces termes : « regardez devant vous, continuez votre chemin ». « N’y a t-il
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point de liberté de regard dans ce pays ? » leur assénai-je, m’éloignant de la


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Résidence du Président de la République que je n’avais pas vite bien reconnue.


Quelques instants après, un homme mystérieux m’accosta sur une
mobylette sans lumière et héla imperturbable : « montrez-moi votre pièce
d’identité », avec une arrogance digne des militaires de ce temps « marxiste-
léniniste » de lutte contre la féodalité. » Quelle pièce lui répliquai-je, vous ne
pouvez rien me faire dans ce pays. » Outragé, l’homme mystérieux s’en retourna
et fit appel à une voiture bâchée surmontée d’un gyrophare. Sur la banquette
arrière se tenaient armés jusqu’aux dents deux soldats. A ma hauteur
‫ ״‬Descendez, descendez de la mobylette‫״‬, éclata une voix lugubre de la
bâchée balayant toute l’avenue de son girophare.
- ‫ ״‬Si vous voulez la paix, laissez-moi continuer mon chemin ‫ ״‬répliquai-je
avec une détermination farouche, résolu à ne pas me laisser faire.
- ‫ ״‬Donnez-moi votre carte d’identité ‫ ״‬m’intima un autre militaire menaçant de sa
mitraillette. Calmêment, je répondis : ‫ ״‬D’abord, qui êtes-vous pour me réclamer ma pièce
d’identité ¸‫ ״‬Un policier qui passait par hasard leur recommanda de me conduire à la Sûreté
pour m’interroger et continua son chemin sans s’arrêter. Le militaire fanfaron m’ordonna de

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monter dans l’arrière de la bâchée. Je refusai en lui demandant : ‫ ״‬Quel délit ai-je commis ? ‫״‬

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– ‫ ״‬Si vous ne montez pas, moi, je vais vous descendre », argua un autre obscur en uniforme.

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– ‫ ״‬Si vous me descendez, on va vous descendre aussi ‫ ״ – ״‬Qui on ? ‫ ״‬dit le militaire intrigué
– ‫ ״‬Un de vos compagnons ‫״‬, lui assénai-je en réplique sèche. – ‫ ״‬Moi, j’ai la mitraillette en

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main‫ ״‬dit le militaire indigné brandissant son arme comme une amazone prête à contrattaquer.
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– ‫ ״‬On a vu les Béhanzin tenir tête aux Français, sans mitraillettes. Si moi, j’avais accepté de
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rentrer sous le drapeau, je ne serais pas un petit sergent comme vous‫״‬, lui répliquai-je. Alors
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le militaire chauffeur de la bâchée outragé ordonna : ‫ ״‬Embarquez-le. Çà, c’est le langage


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d’un mercenaire. – ‫ ״‬Regardez-moi cet illettré, il ne connaît même pas le sens des mots qu’il
emploie. ‫ ״‬Un tonnerre de hourras s’en suivit. Bravés par un ‫״‬Bokonon‫( ״‬charlatan) civil, tous
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les militaires du convoi se précipitèrent en même temps sur moi pour me renverser dans leur
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voiture comme un insupportable fardeau. J’opposai une vive résistance à leur assaut. L’un
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d’eux arma son arme. Alors une vieille femme assagie par les cheveux blancs cria au milieu
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de la foule amassée curieusement autour de nous à cette heure avancée de la nuit (21 heures
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environ) : ‫ ״‬Mèdaxo, Mèdaxo, mi bio min : Awovi wè, manke nu o‫״‬, ce qui veut dire en
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français : ‫ ״‬Jeune homme, jeune homme, monte, c’est une manifestation du diable, calme-toi‫״‬.
Aussitôt mes nerfs devinrent de glace et je m’exécutai sans rechigner, car à l’appel d’une
mère dans la pure tradition fon, on ne regimbe pas, on s’exécute.
Je montai alors à l’arrière de la bâchée, assis au milieu de deux soldats tenant leurs
mitraillettes braquées sur moi. Moi, marmonnant à leurs oreilles tour à tour des ‫״‬gbésisa‫״‬
(incantations) intrépides jusqu’à notre arrivée à la Présidence. La sentinelle voyant le
girophare ouvrit le portail et la bâchée entra dans ce vaste domaine inondé de lumière comme
de soleil. La voiture s’arrêta devant une petite lugubre et une voix vindicative en retenti : ‫״‬
Descendez, descendez, vous qui n’êtes pas un petit soldat comme nous. ‫ ״‬A ces mots, je sautai
de la bâchée et tombai d’aplomb sur mes deux jambes, les deux mains encombrées de poulets,
de sac et de sandalettes, la tête menaçante avec mes deux chapeaux de jonc, prêt pour le
dernier combat de ma vie.
Lorsque je pénétrai dans cette pièce clair-obscure, des sentinelles qui attendaient leur
tour de garde se précipitèrent sur moi comme une proie longuement attendue. Je me défendis
vaille que vaille, parant d’un bras le coup de l’un, renversant d’un pied un autre, bloquant un
autre encore de l’avant-bras, enfonçant le pied dans le ventre d’un autre, prodiguant mes
anciens réflexes acquis en parades et en attaques. Vaincus et stupéfaits, ils cessèrent de me
harceler sans pour autant me coller la paix car l’un d’entre eux indigné, me présenta une
chaise et m’adjoignit l’ordre de m’asseoir et de me déshabiller. Debout, en effet, j’étais plus

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fort qu’eux. Pourquoi vais-je me déshabiller, et quel délit ai-je encore commis ? avançai-je

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timidement et fatigué. Je murmurai une incantation insolite de désespoir contre toute attente.

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Aussitôt comme volant à mon secours, leur chef hors de lui s’écria : ‫ ״‬Laissez-le, laissez-le.
Vous ne savez pas qui c’est. C’est ce que vous faites et puis après, moi, j’ai des blâmes. ‫״‬

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Comme par ricochet l’homme à la mitraillette se rebella : ‫ ״‬Même si tout le monde le laisse,
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moi, je le prendrai à charge ‫״‬. De mon côté, à moitié dévêtu, la bouche camouflée par mon ‫״‬
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bohumba‫( ״‬chemise de chez nous), je prononçai de nouveau l’implacable incantation,


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imprécation de dernier recours.


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Aussitôt, notre homme à la mitraillette laissa cheoir son arme, ébranla de toute sa force
sa large ceinture en ma direction. Un quidam para son coup promptement et les autres
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sentinelles se mirent à se combattre un à un. De ma chaise, à moitié vêtu, je les regardais se


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bagarrer, se malmener, se frapper, se renverser, s’entre-déchirer certatim. Epargné par son


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ordre de paix, le chef à l’abri de cette joute sauvage, intima : ‫ ״‬Cessez, cessez, cela suffit.
Qu’est-ce qui vous arrive, vous êtes fous ? ‫ ״‬Et ‫ ״‬le combat cessa, (alors) faute de
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combattants.‫״‬
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Revenant vers moi, le chef quasi évanoui, m’apostropha : ‫ ״‬Qui êtes-vous donc ?,
présentez-moi votre carte d’identité. ‫ ״‬A défaut de ma carte d’identité, je sortis ma carte
professionnelle sur laquelle il a réussi à lire malgré la pénombre : APOVO Jean-Marie,
Professeur de Philosophie au Lycée Béhanzin, à la méprise générale de mes agresseurs qui
jusque-là me prenaient pour un ‫״‬Bokonon‫ ( ״‬charlatan) illettré. – ‫ ״‬Pourquoi n’aviez-vous pas
voulu décliner votre identité ? C’est bien fait pour vous. ‫ – ״‬Non, je n’ai pas voulu donner
mon identité car il ne pouvait y avoir deux poids, deux mesures. Moi, j’ai été arrêté pour
plaque minéralogique non-éclairante alors que mes feux de position permettaient de lire mon
numéro matricule sans difficulté. Et pourtant, un quidam est venu à moi sur une mobylette
sans phare me réclamer ma pièce d’identité. ‫ ״ – ״‬C’est bien fait pour vous, les agents ont bien
fait de vous frapper. C’est vous, les professeurs, qui avez introduit le Marxisme-Léninisme
dans notre pays, et depuis, on n’a plus la paix. ‫ ״‬Après avoir lancé toutes sortes
d’imprécations contre les professeurs, source de tous leurs maux, il m’ordonna de passer la
nuit là en attendant le lendemain l’arrivée de son chef chargé de régler les contentieux entre
les civils et les militaires.
Toute la nuit j’invoquai tantôt mon père, tantôt mon grand-père, tantôt les mânes de
ma famille, tantôt la Sainte Vierge Marie, tantôt Jésus le Sauveur, tantôt Lègba, divinité du
terroir à mille stratagèmes. De temps à autre, je sortais pour chercher un endroit propice où
enterrer les ‫״‬Bo‫( ״‬grigris) que j’avais dans mon sac pour faire chuter le gouvernement, car

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depuis cinq heures du matin, j’avais parcouru les villages avoisinants de Ouidah, cherchant de

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quoi renverser le régime et de quoi me préserver contre tout emprisonnement arbitraire car en

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tant que professeur réactionnaire, je me sentais en permanence menacé, persuadé qu’avec
mon chapeau et un pagne qui était dans mes affaires, surtout avec mes ‫״‬lios kanblados‫״‬, je ne
pouvais être gardé en prison. TH
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Le lendemain matin lorsque le chef chargé de régler les contentieux entre civils et
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militaires, un honnête capitaine, arriva et vit mes poulets devant la porte de garde demanda
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avec une évidente surprise : ‫ ״‬Quel est ce ‫״‬Bokonon‫( ״‬charlatan) qui a laissé des poulets par
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terre ? ‫ ״ – ״‬c’est moi, lui répondis-je poliment, moi qui ai été insolent envers les militaires et
me suis fait un peu corriger par eux. ‫ ״‬Mes agresseurs de la veille furent de nouveau fort
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surpris de mon ton affable et repentant ne sachant pas que c’était une nouvelle tactique de ma
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part pour me tirer de la situation malencontreuse. ‫ ״‬Tout à l’heure, je vais vous appeler ‫ ״‬dit le
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chef en s’éloignant.
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Le moment venu en effet, j’entrai dans le bureau du capitaine avec le chef de la


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patrouille de la veille, un jeune bachelier sous-lieutenant et je pris la parole sans attendre. ‫ ״‬Je
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venais de Ouidah hier soir, fatigué, lorsque je fus arrêté à l’entrée de la polyclinique Les
Cocotiers de Cotonou par les forces de l’ordre pour plaque minéralogique non-éclairante. Je
fus alors conduit à la fourrière où j’abandonnai ma voiture malgré moi. Je ramassai alors mes
vivres, c’est-à-dire mon approvisionnement pour le mois : de la viande, des boules d’acassa et
des poulets. Chemin faisant, mes sandalettes furent cassées et je les ramassai à la main, coiffé
de mes chapeaux de jonc. Arrivé à un endroit je vis deux silhouettes s’agiter dans l’ombre et
je m’arrêtai. Alors de l’obscurité une voix retentit : ‫ ״‬Regardez devant vous. Continuez votre
chemin. ‫ ״‬Intrigué, je lui lançai ‫ ״‬N’y-a-t-il point de liberté de regard dans ce pays ? ‫ ״‬et je
continuai ma route. Après quelques pas, un homme en treillis après m’avoir pourchassé sur
une mobylette sans lumière m’intima l’ordre de lui présenter ma carte d’identité. Je refusai et
le narguai en disant : ‫ ״‬Vous, vous ne pouvez rien me faire dans ce pays. ‫ ״‬Fâché, ce dernier
alla chercher du renfort par la bâchée de la patrouille avec girophare.
J’allais monter sur une mobylette de fortune quand la bâchée chargée de soldats arriva
à ma hauteur et l’un des soldats me demanda de descendre. Je lui répondis : ‫ ״‬Si vous voulez
la paix, laissez-moi continuer mon chemin ‫״‬. Alors un passant leur demanda de me conduire à
la Sûreté pour m’interroger et je lui répliquai : ‫ ״‬Quel délit ai-je commis ? ‫ ״‬Un militaire
brandit sa mitraillette et menaça de me descendre. Je lui fis remarquer que s’il me descendait,
un autre allait le descendre aussi. – ‫ ״‬Qui un autre ? ‫ ״ – ״‬L’un de tes compagnons ‫״‬. – ‫ ״‬Moi,
j’ai une mitraillette. ‫ ״ – ״‬Foin de mitraillette ! On a vu les Béhanzin tenir tête aux Français

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sans mitraillettes. ‫ ״‬Alors le chauffeur indigné s’écria : ‫ ״‬Çà, c’est le langage d’un mercenaire.

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Embraquez-le. ‫ ״‬- ‫ ״‬Regardez-moi cet illettré, il ne comprend même pas le sens des mots qu’il

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emploie. (Le mot mercenaire était à la mode après l’agression du 16 Janvier 1977). Sur les

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insistances d’une femme âgée, je montai dans la bâchée. Ce fut seulement arrivé au niveau du
port que je me rendis compte du danger qui m’attendait :on se dirigeait vers la Présidence.
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Effectivement, parvenu dans une salle de la Présidence, ils se précipitèrent sur moi et il a fallu
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qu’ils se battissent entre eux, un à un pour que j’eusse la paix. ‫ ״‬A ces mots, le capitaine pris
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de frayeur acquiesça, hors de lui : ‫ ״‬Laissez-le partir. Et tourna son regard vers moi il
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m’adressa la parole : ‫ ״‬Comment vous vous appelez ? ‫ ״ – ״‬APOVO Jean-Marie, Professeur ‫״‬
lui ai-je répondu. – ‫ ״‬Professeur de quoi ? ‫ ״‬précisa-t-il. – ‫ ״‬Professeur de philosophie ‫״‬,
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ajoutai-je. Tournant son regard vers les siens, le capitaine miséricordieux enjoignit : ‫ ״‬Laissez-
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le partir. Ces gens-là, on ne les arrête pas. Ils n’ont pas les pieds sur terre .‫ ״‬Quant à moi il
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ajouta : ‫ ״‬Vous avez vu où vous a conduit votre liberté de regard. Vous êtes comme les
Américains qui réclament le droit à la paresse. Où pourrai-je vous joindre à tout hasard ? ‫״ – ״‬
D
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Au lycée Béhanzin ‫״‬, fis-je.


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Le sous-lieutenant revenant à la charge et non-satisfait de la sentence objecta : ‫ ״‬Chef,


il a l’esprit subversif ‫״‬, dit-il en me doigtant. Vigilant, je répliquai à mon tour ‫ ״‬Chef, savez-
vous pourquoi il dit cela ? Parce que tout à l’heure avant de comparaître devant vous il
m’avait demandé puisque j’étais professeur de philosophie si je saurais quelle leçon donner à
mes élèves à la suite de cette aventure. – ‫ ״‬Je dirai à mes élèves : ‫ ״‬Ne cherchez jamais à
discuter avec un militaire ‫״‬. Le sous-lieutenant, indigné de ce que je répétasse sans changer un
mot de ce que je lui avais répondu ajouta comme pour faire compatir son chef : ‫ ״‬Il nous traite
d’inintelligents, de sots, de bornés. ‫ ״ ״‬Ce n’est pas moi qui le dis, mais lui ‫ ״‬fis-je soudain
remarquer au chef.
Le capitaine juge du contentieux entre civils et militaires ordonna d’un ton
péremptoire : ‫ ״‬J’ai dit de le laisser partir, donnez des instructions et qu’il parte. ‫ ״‬A ces mots,
j’arrangeai mes deux chapeaux sur la tête et serrai la main au capitaine en le remerciant
vivement.
Je pris congé de lui, fier et réconforté de mes ‫״‬bo‫( ״‬grigris) acquis la veille. Nul doute
de leur efficience et de leur efficacité.

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Homme = Être en Situation = Être pour le BO
D’après le récit que nous venons de suivre, l’homme, le Dahoméen ou le Béninois,
apparaît comme un être en situation ; il est un être en situation. Cette définition place le
Dahoméen en plein dans l’existence, existence qui est un fait individuel et qui pousse à être
avec les autres. Les autres, ce n’est pas seulement comme l’aime à répéter Sartre, ‫״‬l’Enfer‫״‬,
mais aussi la condition de l’existence. Effectivement pour l’individu, être social, l’enfer c’est
les autres et sans les autres il ne peut avoir l’idée de l’enfer. L’être en situation qu’est
l’homme est tout le temps confronté aux autres et tout ce qu’il vit, tout ce qui lui arrive prend
un sens particulier à partir de son intentionnalité. Être en situation et être d’intentionnalité.
Ces deux expression de l’existentialisme et de la phénoménologie nous situent d’emblée dans

E
le contexte de la suspicion, de la méfiance, de la méchanceté qui nous pousse à saisir les

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autres comme des salauds et à susciter en nous-mêmes le sentiment de la volonté de

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puissance. La volonté de puissance en tant que source de la vie individuelle et clé des conflits

TH
sociaux est déjà la principale motivation du Fon, du Noir, de l’Africain bien avant
l’avènement de la philosophie de Nietzsche. En effet au XVIIIè siècle un roi d’Abomey
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demandait déjà à son fils qui se rendait au marché de lui apporter du ‫״‬ganhunu‫״‬, ce qui permet
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de surpasser les autres, de les dominer tout en se dominant soi-même. Car la véritable
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domination c’est la domination de soi-même. ‫ ״‬Être maître de soi comme de l’univers ‫״‬
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proclamait déjà l’empereur Auguste dans Cinna de Corneille. La volonté de puissance qui
pousse l’individu à un auto-dépassement permanent et à la domination des autres est assurée
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et assumée ou conçue dans le terme fon du ‫״‬Bo‫ ״‬que nous traduisons malheureusement en
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français par le terme gri-gri. Le terme gri-gri n’a rien de séméiologique en tant que signifiant
ES

du ‫״‬Bo‫ ״‬en fon, il montre ici la nécessité de respecter dans chaque langue l’emploi des
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concepts dans sa langue d’origine colporte des auréoles, des images féeriques, des nuances
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évocatrices, des résonances suggestives, tout un halo que la translation perd inconsciemment.
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C’est pourquoi, sans craindre de faire de néologisme et pour rester fidèle à l’esprit
ethnographique, nous conserverons tout au long de notre thèse, le concept fon de ‫״‬Bo‫״‬.
Le nécessaire recours à ce néologisme du Bo qui constitue un apport fon au
vocabulaire de l’Anthropologie, science humaine par excellence, science universelle, va nous
amener à une série d’interrogations et non de certitudes pour en asseoir la définition. Cette
définition liminaire est fondamentale car en elle se situe la clé de notre thèse. Car c’est à partir
d’elle que nous arriverons à comprendre non pas de façon métaphysique mais de façon
sociologique comment ‫ ״‬l’homme est un être en situation ‫״‬, un être doué d’intentionnalité
dans la vie sociale. Ce n’est donc pas en Husserlien, ni en Sartrien que nous aborderons
l’homme, mais en ethnologue, en sociologue et en anthropologue.
L’Anthropologie du Bo va nous permettre en effet de préciser ce qu’est l’homme en
général, le Fon en particulier à la lumière éclairante du Bo, ce que l’homme devient grâce au
Bo, ce que le Bo devient grâce à l’homme ; en d’autres termes il s’agit d’étudier patiemment
et inlassablement comment l’homme devient un être social par la pratique du Bo, comment en
tant qu’être social, être en situation, être en conflits, il parvient à imposer son moi (à la fois
social et individuel).
Le moi individuel dont il s’agit ici n’est pas le moi solipsiste de Descartes ou de
Husserl tout absorbé dans la réflexion, sclérosé, tapi dans la méditation sur les fins dernières
ou sur les causes premières, isolé du monde extérieur de l’univers ambiant et de la société,

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doutant de tout et de sa propre existence. Le moi social, c’est le moi dont parle Sartre dans

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l’existentialisme est un Humanisme. Il s’agit d’étudier l’homme en tant qu’être existant, être

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en situation. L’existence est ce qui enlève tout doute et qui en reconnaissant l’individu comme

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être en situation, le pousse à être en agissant. Être c’est exister, exister c’est vivre, et vivre
c’est agir.
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Effectivement c’est l’action qui nous fait exister, qui nous fait être, être humain et être
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social. Il n’y a que l’homme qui agisse, qui ait conscience de son action par son
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intentionnalité dans un projet. Les notions d’action, d’intentionnalité, de projet nous situent
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d’emblée dans le domaine de l’Anthropologie sous toutes ses formes ou avec toutes ses
épithètes, avec une résonance massive de socialité. Car c’est l’action qui pousse, qui engage,
IA

aide l’homme à sortir des situations que lui crée sa coexistence avec les autres, situations en
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général difficultueuses, conflictuelles. L’homme arrive à triompher de ces situations de


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conflits, de compromis, de méprise, de malentendu, de trahison, de parjure, de fidélité, de


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paria, grâce à la toute puissante action du Bo, du Bo dont l’influence a quelque chose de
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miraculeux, de diabolique, d’extraordinaire, de surprenant comme nous avons vu dans le récit.


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L’homme à appréhender dans l’Anthropologie du Bo, ce n’est pas l’homme faustien


mais l’homme prométhéen qui par sa manière de se tirer des situations conflictuelles sort
toujours glorieux en se dépassant soi-même, en se transcendant. ‫ ״‬l’homme passe infiniment
l’homme. ‫ ״‬Par son intelligence et par son imagination, l’homme a créé le Bo pour développer
sa puissance sur les autres êtres, y compris lui-même. C’est en dotant les autres êtres par
anthropomorphisme que l’homme a su inventer le Bo. Comme Prométhée, le Fon dans toutes
ses inventions a créé le Bo comme source de puissance et d’action sur soi-même, sur le
monde et sur la société.
L’Européen n’arrivant pas à s’expliquer le Bo, voit dans le Bo quelque chose de
satanique, de barbare parce qu’il n’a pas acquis la maturité culturelle pour le connaître et le
comprendre, a jugé que ce mode d’existence et d’action est inhumain, sanguinaire et
fétichiste. Nous voulons dans ce travail l’aider à se corriger de son erreur de jugement.
Pour les uns le Bo est une divinité dont le mystère incline au respect. En tenter une
explication scientifique c’est réifier Dieu et par conséquent courir à sa perte.
Traditionalistes et modernes s’affrontent à son sujet sans jamais trouver de terrain
d’entente.
Au cours de son évolution l’être humain cherche à parfaire ses sens, la langue, le goût,
le toucher, l’odorat, le nez, la vue, les yeux, l’ouie, les oreilles, le toucher, la main, la
locomotion, les jambes et les pieds, la pensée, le cerveau. Tous les sens font de lui un animal

E
politique en relations intrinsèques avec un environnement physique et humain. L’homme a

U
des inquiétudes, il réfléchit, cherche à s’expliquer et à se justifier les phénomènes qui se

EQ
déroulent à ses yeux, recherche aussi sa sécurité dans la nature même. Dans nos sociétés

TH
traditionnelles l’homme recherche effectivement sa sécurité dans le Bo, quelque chose dans
lequel et par lequel il est préservé contre le danger immédiat, éventuel, réel ou imaginé. Cette
O
projection, ce recours nécessaire provient de la nuit, des génies ou des ancêtres.
LI

Compte tenu de ce que l’on voit, de ce que l’on entend dire, a-t-on tort de dire que tout
IB

le monde fait du Bo dans notre société. Il suffit en effet de circuler la nuit dans les rues de
-B

Cotonou pour remarquer à la croisée des chemins, des pieux baignés de sang ou /et d’huile de
palme, de petits pots de terre tatoués de blanc, de rouge contenant de l’huile rouge, des
IA

poulets, des chats noirs emballés dans du percale blanc ou dans une natte minuscule de jonc
R

ou dans un petit coufin des poussins piaillant dans la nuit noire, des morceaux de bois fagotés
ES

ensemble, des pièces de monnaie scintillantes dans l’eau mélangée à de la farine de maïs ou
D

des grains de haricot parsemés de cauris et un canari brisé dans lequel s’éparpillent d’autres
O

ingrédients de Bo. Tout cela explique l’effort que déploie le Dahoméen pour se créer
C

quotidiennement une marge de sécurité et pour dominer en lui la peur qui tue en lui ses
bonnes initiatives.
De la manière dont les uns et les autres pratiquent le Bo dans nos villes et nos
campagnes, nous reconnaissons que le Bo a bien intégré nos sociétés, intégration due à la
volonté de puissance qui anime chacun de nous : cadre supérieur ou auxiliaire, instruit ou
analphabète, gouvernant ou gouverné, religieux ou non-religieux, le Dahoméen quand bien
même il ne se livrait pas de manière ouverte ou fragrante à la pratique du Bo par pudeur, ne
saurait se départir entièrement de cela. D’abord en tant que objet et sujet de tout ce qui se
passe dans notre société, il ne pourra pas détourner de son esprit l’évidence selon laquelle la
pratique du Bo est liée aux valeurs culturelles de notre pays.
Ensuite lorsque deux individus se querellent, la plupart des menaces qu’ils se font ont
pour dénominateur commun le Bo. Ce dénominateur commun n’épargne aucune catégorie
sociale : qu’on soit lettré ou illettré, citadin ou campagnard, le Bo est une excellente arme de
combat contre son ennemi réel ou putatif. Est-il croyable qu’un curé de paroisse fasse du Bo ?
Contrairement à ce que l’on pouvait penser, il nous est arrivé de voir de visu un curé
dahoméen faire du Bo. Ne voulant pas se faire affecter de sa paroisse dans le district rural du
Zou, un curé originaire de ladite région fut surpris en flagrant délit d’enterrer un Bo dans une
des salles de classes de l’Ecole catholique située à proximité de son Eglise. Comme pour se
justifier il avait dit gaiement en guise de protestation : ‫ ״‬On veut m’affecter d’ici. Or j’aime

E
trop ce milieu. C’est pourquoi je prends les dispositions nécessaires susceptibles de

U
m’arranger. ‫״‬

EQ
Le champ du Bo est inimaginable. Il est le noyau autour duquel s’organise la vie de

TH
chaque individu sinon de la société toute entière. Son champ est si étendu qu’il recouvre
même le domaine le plus intime de l’être. On peut même affirmer sans risque de se tromper
O
qu’il n’y a pas de vie au Dahomey sans Bo. Il est une partie intégrante de la culture
LI

dahoméenne. En milieu fon, il intervient dans tous les domaines du Droit, droit individuel,
IB

droit de propriété, droit des obligations, etc. Bref, il intervient dans toutes les manifestations
-B

de la vie individuelle, privée, collective, publique, car son influence s’étend à toutes nos
activités.
IA

Cependant le domaine d’étude du Bo relève des sciences occultes, c’est-à-dire des


R

sciences dont la pratique et la connaissance relèvent du mystère. Les paroles ou les


ES

incantations qui accompagnent le Bo ne sont pas les mêmes d’une ethnie à une autre, d’une
D

région à une autre et d’autre part l’environnement physique n’est pas le même partout. Par
O

exemple le paysage de la savane septentrionale n’est pas le même que celui de la côte. Le Bo
C

ne se constituera pas de même manière dans ces deux milieux. Malgré cela, dans leurs
systèmes de valeurs, dans leurs croyances et dans leurs manières de penser et d’agir les
Dahoméens font appel à l’esprit du Bo en tant que stimulant de la matière. Une fois inventé
pour se prémunir contre les forces agressives, le Bo va envahir tout en tant que soubassement
de toute la société. La culture dahoméenne ‫ ״‬est une mythologie théologique et cosmologique
qui intervient directement dans le fonctionnement de la structure sociale et réciproquement ‫״‬,
comme aime à le préciser Georges Gurvitch. De ce fait l’animisme ou théorie des forces et le
vitalisme dont les buts majeurs consistent à promouvoir l’homme notamment lors des
moments difficiles, à le situer dans la société selon un ordre hiérarchique rigoureux, à le
mettre en harmonie avec le monde visible et le monde invisible ont sécrété la pratique du Bo.
Aujourd’hui la pratique du Bo reste à la base de toutes organisations sociales que nous
pouvons définir comme un système de rapports existant entre les membres du groupe social et
les groupes eux-mêmes. Cette pratique sous ses différentes natures a sérieusement affecté les
rapports interpersonnels et grâce à son degré d’intégration, elle reste le seul moyen sûr de
parvenir à la satisfaction de ses besoins et à la réalisation de ses rêves.
L’univers, le cosmos est un système de forces qu’on peut capter, diriger, exploiter et
neutraliser non par la technique mais par le canal de la participation, de la religion, la matière
première de ce cosmos est une réalité disponible à qui sait l’attirer.
C’est pourquoi pour le Dahoméen le Bo n’est pas une question abstraire, c’est une réalité

E
quotidienne, obsédante, angoissante dont il porte les stigmates en esprit et dans le corps. Les

U
Dahoméens à tous les niveaux d’instruction ou de fortune sont confrontés à cette réalité

EQ
ténébreuse, irréductible, tenace sans pouvoir en déterminer les fondements objectifs. Depuis

TH
le haut fonctionnaire jusqu’au paysan, depuis le chrétien le plus fervent jusqu’à l’intellectuel
le plus mécréant, il n’y a guère de Dahoméen qui ne soit sujet ou objet du Bo. Différent de la
O
science, il relève d’une causalité encore inconnue et chaque région de notre pays a sa
LI

spécialisation. Certaines localités sont plus redoutables que d’autres. Voyons-en la


IB

problématique.
-B
IA
R
ES
D
O
C
PROBLEMATIQUE

A/ ETAT DE LA RECHERCHE SUR LES NOIRS


De nombreux africanistes européens orientent leurs recherches sur la structure
socioculturelle africaine afin de saisir la dynamique interne de ce continent longtemps
méconnu. Dans la zone francophone, ils ont étudié beaucoup d’ethnies, comme les Dogon, les
Bakongo, les Bantu, les Bariba, les Malinké, les Soussou, les Peulh, les Toucouleurs, les
Diola, les Madingue, les Wolof, les Serer, les Swahili, les Touaregs, les Maures. Cherchant à
imposer leur culture, ils ont chosifié le Noir en négligeant son patrimoine culturel. La
Négritude en son temps essaya en vain de restaurer et de revaloriser ce patrimoine culturel.

E
Dans cette tentative de redynamisation de notre vie culturelle, nous nous sommes aperçu que

U
même les chercheurs africains formés en Europe ignoraient tout de leur propre continent.

EQ
Avec leurs théories européocentriques ils voulaient faire de l’Afrique une autre Europe,

TH
n’ayant pas suffisamment mûri leurs théories avant de descendre dans leurs pays affamés de
pain et non de théories.
O
Si l’Occident est un tissu de codes et de lois, l’Afrique est un lieu du sacré où
LI

l’horizon devient obscur en suscitant des difficultés de pénétration. Pour le former, il ne faut
IB

pas détruire ce que le Noir est dans son comportement. Dès l’Indépendance, en effet, les
-B

intellectuels africains se sont contentés d’occuper les postes ministériels sans chercher à
sauver leur patrimoine culturel. Une fois au pouvoir ils ont sonné le glas de cet immense
IA

patrimoine culturel enseveli dans la misère, la maladie et la mort. Car pour assimiler, ces noirs
R

ont cherché à penser comme lui, se loger comme lui sans songer effectivement à cette masse
ES

malheureuse. Saint Just avait vu juste quand il écrivait : ‫ ״‬La tragédie aujourd’hui c’est la
D

politique. ‫״‬
O

Depuis quelques décennies certains intellectuels noirs se penchent avec plus


C

d’acharnement sur leur propre culture pour redresser les déformations culturelles qu’ils ont
subies et essayer de récupérer leur authenticité. Cette quête de l’authenticité n’est pas perçue
comme la reconnaissance tacite de leur originalité dans un sens épistémologique, mais comme
la nécessité de se prendre eux-mêmes en charge selon la préoccupation de Pierre Biarnés : ‫״‬
L’Afrique aux Africains‫״‬, mais comme un scepticisme, un agnosticisme de mauvais aloi qui
dénie toute objectivité à toute approche africaine des réalités africaines insérées et transmises
par la culture de chez nous. Pour faire une étude quelque peu narcissique, il faut parvenir à se
démasquer à défaut de se démarquer de l’aliénation culturelle permanente dans laquelle
s’enlisent les gouvernements africains eux-mêmes, pour avorter ou retarder les conditions
épistémélogiques et idéologiques de leur émancipation, de leur autonomie et de leur
développement pour repérer et dénoncer les pêcheurs en eau trouble et les fauteurs de troubles
qui, amoureux de leurs chaînes nostalgiques, de leur docilité à leurs maîtres d’hier,
s’empêchent de se servir de leurs propres yeux pour voir et se contentent seulement des
prismes déformants de leurs idoles devant lesquels ils continuent de se mettre à genoux pour
implorer le savoir comme une manne réservée aux seuls Blancs.

‫ ״‬Le sociologue africain se croit obligé d’étudier les sociétés africaines et, pour ce faire, il
n’a pas toujours la patience de se donner la formation théorique et méthodique nécessaire.
Dociles à ses maîtres occidentaux, dont le principal souci est d’obtenir de lui des

E
informations brutes, empiriques, préscientifiques, qu’ils se chargeront ensuite de traiter

U
tout seuls, et d’exploiter conceptuellement. Le sociologue africain, oublieux des immenses

EQ
problèmes théoriques posés par sa discipline, s’improvise immédiatement expert ès

TH
coutumes africaines. Il croit ainsi rendre service à sa société, en l’aidant à prendre
conscience d’elle-même et de son originalité culturelle. En réalité, faute de s’être donné
O
les moyens théoriques de la comprendre, faute de prêter attention aux analogies profondes
LI

entre le fonctionnement de cette société et celui des autres sociétés, il se condamne à


IB

situer l’originalité où elle n’est pas, et à prendre pour de sensationnelles nouveautés les
-B

montagnes de platitude qu’il accumule à l’occasion d’une description superficielle et


empirique. ‫ ״‬1
IA
R

Heureusement que les Blancs qui nous ont allaités au doute cartésien et aux obstacles
ES

épistémélogqiues bachelardiens continuent de veiller sur nous pour nous aider à ne pas ramer
D

à contre-courant.
O

Ramer à contre courant c’est penser contre la mentalité démocratique qui accorde la
C

parole aux opprimés mêmes pour leur permettre de clamer leur oppression culturelleet les
laisser s’instruire et vivre de leur propre culture, la source véritable de leur affirmation de soi
et de leur détachement de l’Occident dans une sorte de catharsis sociologique qui les
conduirait à un décollage culturel pour asseoir les conditions salutaires de leur propre
développement. Aujourd’hui la culture au regard des pays de l’Asie après la seconde guerre
mondiale est devenue le fondement d’un rapide auto-développement épanouissant et prospère.
Si nous ne nous départissions pas des intellectuels africains pour lesquels l’occident continue
d’être la source de tous les modèles de comportements sociaux, nous n’arrivons jamais au ‫״‬

1
Hountondji Paulin Libertés, pp. 48-49, cité par Amadi Aly Dieng Hegel, Marx, Engels et les problèmes de
take off ‫ ״‬économique qui nous permettrait d’asseoir notre indépendance pour être politique
doit être d’abord culturelle. Cette priorité échappe à plus d’un et il faut des études
approfondies pour convaincre les cadres africains singes de l’Occident. Cette admiration
doublée par le mimétisme aveuglant de l’Occident mérite d’être exorcisée par des analyses
objectives qui les conduiraient à s’apercevoir de leur erreur d’appréciation et les éconduire
des sentiers battus de l’Occident dans l’approche des réalités africaines.
Selon les ethnologues européens, l’Afrique a connu tour à tour une domination
coloniale, puis une domination capitaliste commerciale, enfin et malgré les indépendances,
elle n’a pas évité la domination de type impérialiste, à la fois financière et industrielle…
Même si le processus d’exploitation se masque derrière le prétexte socio-culturel : civiliser ou

E
socio-humanitaire : aider ! les institutions traditionnelles et les hommes devraient en être

U
sérieusement ébranlés. La domination culturelle la plus insidieuse est restée sans aucun doute

EQ
la plus aliénante. Elle a pris des formes si diverses que le mouvement de la Négritude a été

TH
précisément une réaction contre l’assimilation (et l’aliénation) culturelle de l’Afrique
francophone.
O
LI

‫ ״‬C’est pourquoi, entendue au sens strict ‫״‬, nous dit le Professeur Louis Vincent
IB

Thomas, il n’existe plus à proprement parler d’Afrique Traditionnelle, tant il est


vrai que les valeurs islamiques ou chrétiennes et les idées-forces de la
-B

civilisation occidentale ont apporté de perturbations profondes dans les lieux les
plus reculés, affectant plus ou moins selon les cas les structures (institutions,
croyances), les comportements, les mentalités. ‫ ״‬2
IA
R

Dans cette vision franche des choses, notre Maître Louis Vincent Thomas paraît plus
ES

encourageant envers les chercheurs africains, surtout les sociologues, que le philosophe P.
D

Hountondji en reconnaissant lui-même que :


O
C

‫ ״‬Pourtant les temps ont changé. Si la masse énorme des travaux


ethnographiques consacrés à l’Afrique depuis cinquante ans et le renouvellement
des connaissances qu’ils ont apporté restent encore le privilège des spécialistes,
un certain nombre d’idées font doucement leur chemin… Le Logos grec n’est
pas en exil en Afrique et les cultures africaines ne sont pas condamnées comme
on voudrait parfois le laisser croire au monde informel des sensations et des
fantasmes ‫״‬. 3

l’Afrique Noire. Sankoré, Dakar, 1978, p. 129.


2
Louis Vincent Thomas & René Lumeau, La terre africaine et ses religions, Librairie Larousse, Paris, 1975, p.
266.
3
Op. cit., p. 12.
‫ ״‬L’étonnante mutation culturelle dont nous sommes les témoins, l’humanisme
nouveau qu’elle engendre font peu de place à tous ces marginaux d’un autre
monde, longtemps demeurés étrangers, et contraints aujourd’hui, beaucoup plus
qu’invités, à réjoindre un univers qui n’est pas le leur. Il serait illusoire de
vouloir ramer à contre courant en lançant l’anathème contre tous ces
changements du dehors, il le serait tout autant de croire que l’humanisation de
ces peuples est notre fait. En quelques endroits que nous soyons parvenus, forts
de notre puissance et de notre savoir, l’homme nous avait devancés et n’attendait
pas de nous que nous lui révélions son identité. Et la civilisation que nous lui
apportions de si loin ne lui a rien communiqué d’essentiel. ‫ ״‬4
‫ ״‬Nous ne sommes pas universels et nous ne le serons jamais. Les catégories
conceptuelles qui informent notre représentation du monde, les instruments
d’analyse qui nous sont familiers, les valeurs qui structurent notre vie sociale,
tout cela est culturel et donc particulier. De là la nécessité d’une lecture critique
à l’endroit de tout un monde d’idées reçues qui nous paraissent aller de soi. ‫״‬

E
Chaque fait doit être restitué dans le contexte culturel qui seul lui donne sens. Il faut donc à

U
chaque fois et avant d’émettre un quelconque jugement se donner la peine d’aller aussi loin

EQ
que possible dans les raisons véritables. Il ne servirait à rien de heurter de front les
mentalités pour promouvoir un semblant d’évolution. En effet,

TH
‫ ״‬ce qui diversifie les civilisations, écrit pertinemment J. Goetz, c’est justement
O
la manière propre à chacune d’elles d’aborder la réalité et d’établir ses
catégories. Chacune s’est élaborée à partir d’une situation particulière par
LI

rapport aux problèmes de l’existence, en réunissant, selon un mode qui lui est
IB

propre, à intégrer spirituellement ses expériences. On ne peut donc détacher un


aspect de l’ensemble d’un complexe idéologique culturel pour le comparer à un
-B

angle qui ne correspond pas au point de vue qui lui est propre, la spiritualité d’un
groupe humain est nécessairement faussée et l’on passe à côté d’éléments
essentiels de sa vie morale et religieuse. ‫ ״‬5
IA
R

Renchérissant leur pensée, Louis Vincent Thomas et René Luneau poursuivent :


ES

‫ ״‬Quand bien même, et ceci n’est pas dénué de fondement, on les chargerait
D

aujourd’hui de tous les péchés du monde, les ethnologues qui ont travaillé au
O

cours des cinquante dernières années en Afrique ont, malgré tout, fait progresser
C

la connaissance que nous avons de ce continent. Et l’intérêt que ce dernier


continue de susciter au niveau des sciences humaines n’est pas nui par des visées
néocoloniales. On ne peut pas en vouloir aux Intellectuels africains de la
génération présente d’enterrer sans une larme ‫ ״‬les anthropographes et les
négrophiles ‫ ״‬des années qui suivront la première guerre mondiale pas plus
qu’on ne peut leur défendre de voir aujourd’hui dans la profession de la
Négritude une névrose qui sert d’alibi à toutes les bonnes consciences et
dispense de s’engager dans une action véritablement révolutionnaire. Mais
l’urgence de certaines tâches ne peut pas faire méconnaître la légitimité de la
recherche et il serait dramatique que cela soit oublié ‫״‬
‫ ״‬Par bonheur, des chercheurs africains, trop peu nombreux encore il est vrai,
4
Ibidem, p. 13.
5
Tabou et péché chez les Primitifs in Théologie du péché (ouvrage collectif), Desclée, 1960, cité p.15 par Louis
Vincent Thomas et René Lumineau dans l’ouvrage pré-cité.
prennent le relais et le jour n’est peut être pas très loin où les sciences humaines
cesseront d’être, de fait, le monopole du monde occidental. 6
L’Africain d’aujourd’hui, même le paysan, sait qu’il vit la fin du temps des certitudes et
que le monde d’aujourd’hui excède de toute part la mesure qu’il en connaît, qui fait
délimiter l’horizon qui marquait autrefois le monde de l’expérience et le champ du savoir.
L’une après l’autre reculent les frontières. Les anciennes puissances qu’on invoquait ne
sont plus qualifiées pour répondre valablement aux questions qui se posent. A moins que
ne se lèvent des prophètes capables d’assurer la continuité entre les connaissances
d’autrefois et les exigences de la vie nouvelle. L’étonnant enfantement que vit l’Afrique
séculaire aujourd’hui, le passage de la brousse à la ville, l’accès à un nouveau savoir, la
faillite de l’autorité des anciens, la désintégration progressive de la structure familiale
évoquent ce qu’écrivait naguère Alexis Zorba Nikos Kazantzaki à propos du monde paysan
crétois : ‫ ״‬Je savais bien ce qui s’écroulait, je ne savais pas ce qui se construirait sur les
ruines. Ce la personne ne peut le savoir avec certitude ‫״‬. 7

E
Cela ne signifie pas non plus que le passé est mort, et qu’il n’y a plus de place dans les
mémoires. C’est le contraire qui est vrai. Peut-être même retrouve-t-il un surcroit

U
d’importance et de signification dans un moment où l’identité africaine a tant de mal à se

EQ
définr en fonction des normes qui ne sont point les siennes et qu’à tort, l’on tient volontiers
pour universelles.

TH
L’Afrique rurale peut bien vivre à la fin du temps des certitudes. C’est encore à ces
dernières qu’elle reviendra tant que personne ne l’aura véritablement déchargée des
O
servitudes et des peurs qui pèsent sur la vie.
LI
IB

B/L’UNIVERS NEGRO-AFRICAIN
-B

Le noir a sa vision du monde qui lui permet de résoudre ses problèmes métaphysiques.
IA

Le monde dans son ensemble, la vie dans sa globalité est mystérieuse et il faut chercher le
sens de chaque événement. De la réflexion sur le mystère de la vie et de la mort et de la
R
ES

nécessité de survivre et de rechercher le bonheur naît l’idée de vodun (divinité) et de forces


occultes, le Bo.
D

Dans le milieu fon le Bo est une réalité avant d’être une idée. Sa pratique s’impose à
O

tous les membres de la société. Le rejeter ou même en douter c’est ne pas se sentir intégré à la
C

société, c’est se sentir tout le temps menacé. La pratique en a fait une institution sociale.
L’Africain en général et le Dahoméen en particulier n’est pas un aventureux. Il
s’entoure de certaines précautions avant toute entreprise sérieuse de façon à ce qu’il ait
toujours le contrôle de la marche des événements, aucun facteur de son action ne lui échappe.
Il a une telle foi dans la puissance de son verbe qu’il n’entreprend rien sans prononcer les
paroles rituelles qui rendraient son action efficace. Le rite et la technique inséparables du
verbe ne se différencient donc que par l’outil employé et la place qui revient à cet outil, leur

6
Louis Vincent Thomas et rené Lumineau, La terre Africaine et ses religions. Librairie Larousse, Paris, 1976,
p.18
modalité d’action reste identique : savoir utiliser les correspondances.
‫ ״‬En Afrique, si le sacré n’est pas tout, il peut être tout ‫״‬, précise Marcel Griaule pour
signaler l’importance de la religion dans la culture noire. A ce sujet, dans Religion et
Civilisation Alioune Diop écrit : ‫ ״‬La civilisation est la conscience que prend de son identité
commune un ensemble de peuples. C’est la force de par leur volonté d’appréhender l’univers
à travers la même grille intellectuelle et morale. ‫ ״‬C’est la religion qui est la base de la
civilisation africaine, qui la fortifie, qui l’anime. Là où il y a un africain il y aune religion. Il
l’amène dans les champs. Elle est à ses côtés lorsqu’il assiste à une fête ou qu’il participe à
une cérémonie funèbre. S’il est instruit, elle l’accompagne dans la salle d’examen à l’école, au
parlement et à l’université.

E
Le Dahoméen vit en étroite collaboration avec les forces occultes auxquelles il a recours à

U
tout moment. Il ne peut pas vivre sans s’entourer de grigris (de Bo). Avant de se lever le
matin, où qu’il se trouve, il absorbe ‫״‬ndida‫( ״‬chose préparée), avant de poser le pied au sol

EQ
et ainsi il se sent immunisé contre les maux, les sortilèges, les mauvais sorts, les maladies
ou les accidents qui lui seraient envoyés par ses ennemis. Cette immunité est renforcée par

TH
la puissance des incantations (gbésisa, nunyi) qu’il prononce avant de dire bonjour à
quelqu’un.
O
L’homme apparaît comme le père de la vie (gbèto en fon). Il participe à la fois au
LI

monde visible par son corps (agbaza) et au monde invisible par son esprit (yè). Le corps est
IB

l’élément tangible, sensible au toucher. A partir de lui on peut atteindre l’esprit et exercer
-B

ainsi une action sur son prochain.


Le Dahoméen est un être qui est en permanence sur le qui vive. Il doit faire attention
IA

dans ses actes, dans ses conduites, dans ses paroles car autrui peut atteindre par la possession
R

de l’une de ses composantes, après son nom, sa date de naissance, son vêtement, son crachat,
ES

ses excréments, son urine, les rognures de ses ongles, ses cheveux, ses poils, le mégot de sa
D

cigarette ou de sa pipe, l’empreinte de ses orteils, de ses pieds ou de ses chaussures. Il ne


O

connaît pas de dualité en l’homme. Il reconnaît son unité ou son union de corps et d’âme sans
C

être ni matérialiste, ni idéaliste.


Les forces surnaturelles ont beaucoup d’impact sur lui. Il ne fait pas de distinction
entre le moi objectif et le moi subjectif. Sa morale postule qu’aucune maladie, qu’aucune
mort n’est naturelle. Tout provient des forces surnaturelles du ‫״‬vodun‫( ״‬divinité), du ‫״‬Bo‫״‬
(grigris) ou de la sorcellerie (aze). Dialectique constante entre vie et ‫״‬Bo‫״‬, mort et Bo, ‫״‬Gbè
(vie) et Bo (grigri) : ‫״‬Ku (Mort) et Bo (grigri). Dialectique fondée sur la médiation du Bo. En
tant que force occulte, le Bo sillonne notre univers, nous touche, nous satbilise et nous
déstabilise, nous renforce et nous déforce. Cette force le Dahoméen peut l’accaparer et

7
Ibidem, p.22.
l’utiliser à des fins fastes ou néfastes pour assujettir le monde et son semblable, l’homme.
L’action du Bo n’est pas à démontrer, ni son existence à prouver. Pour s’en convaincre,
référons-nous à cette boutade d’un Batonu originaire du nord du Dahomey. ‫ ״‬Si tu dis que le
‫״‬Tim‫( ״‬Bo en fon et grigri en français) n’existe pas, c’est toi qui n’existes pas. ‫ ״‬Le grigri, le
Bo est prouvé, il existe parce qu’il sert à quelque chose, il est pratique.
L’univers du négro africain est un univers tourmenté, tapi de forces obscures qui
inspirent la peur, peur souvent imaginaire qui accentue la conception d’une nature mal
dominée scientifiquement et qui engendre une angoisse mal définie. Dans cette pan-
inquiétude, et dans cette angoisse permanente d’insécurité physique, le négro africain a besoin
de s’assurer, de se rassurer à la fois pour lui-même et pour sa famille, son clan et son ethnie

E
par recours aux grigris qui lui donnent des forces autres que celles de ses vodun (divinités) ou

U
en invoquant le nom occulte des choses ‫״‬nunyi‫ ״‬ou en prononçant des incantations ‫״‬gbésisa‫״‬.

EQ
Comme dans nos sociétés la science cartésienne n’est qu’à ses balbutiements, nul n’est à
l’abri de la hantise du Bo. Dans certains milieux et circonstances, nous sommes obligés de

TH
le pratiquer. Il est aisé de comprendre pour le non-africain le monde, que l’univers ambiant
est peuplé d’êtres qui agissent sur l’individu de façon positive et négative. Cette conception
O
du monde lui permet de donner réponse à tout, de s’expliquer subjectivement et
objectivement le monde. Un employé chez les Chinois est retourné chez lui, c’est-à-dire
LI

chez les siens à Covè avec une fortune de cinq cent mille (500.000) francs, cela a suffi
IB

pour qu’il devienne fou. Son chef de famille pour avoir l’antidote de la folie a du épouser
sa fille à un vieux paysan qui en avait la recette.
-B

Le Bo étant une manifestation du génie de la vie africaine, constitue le génie de la


société africaine. Il est le proprium africanum. Ce génie, malgré le modernisme garde un
IA

langage ésotérique qui lui donne un cachet secret et un code initiatique. Il remplit une
R

fonction sociale dont l’impact est indéniable. Chacun vit le Bo comme faisant partie de son
ES

existence. Les jeunes éduqués à l’européenne gardent une structure mentale qui n’est plus
D

perméable à l’imaginaire de la connaissance de l’essence même du Bo.


O

Conscient que la vie est un combat, on cherche des moyens pour subsister, pour
C

survivre quelques temps. Dans ces moyens apparaît au premier rang le Bo. La foi au Bo est
indéracinable, car sa pratique a forgé et continue de façonner son esprit. Sans Bo et sans
‫״‬vodun‫ ״‬la vie du Dahoméen devient une absurdité. En effet, de la naissance à la mort, en
passant par les différentes classes d’âge, les sociétés secrètes, il est initié d’une manière ou
d’une autre au Bo, il lui serait difficile de s’en séparer. Le Bo intervient dans toutes les
manifestations de la vie. Pour le lutteur il lui donne la conviction qu’il va vaincre son
adversaire.
Cependant, il serait prudent de ne pas lier le Bo à une certaine religion. Il y a un grand
écart entre l’idéal fictif que se proposent les religions et la réalité quotidienne vécue.
Personne ne peut supporter une souffrance que l’on peut éviter ou vaincre. Tout le monde
lutte contre les maladies et cherche à recouvrer sa santé quand on est malade.
Il ne fait aucun doute que l’homme supporte mal de voir autrui réussir là où lui a
échoué. Nous connaissons pourtant l’adage populatire : ‫״‬Le malheur des uns fait le bonheur
des autres. ‫ ״‬Pour vivre à une époque où cette mentalité domine encore, on doit se confier aux
faiseurs de grigris (‫״‬Boto‫)״‬. Ce n’est pas une question de volonté, mais une exigence de la vie.
La foi en Dieu ou en Jésus Christ sauve dit-on, mais il faut être sur que l’on a effectivement
cette foi. Toute attente pour la preuve ou la confirmation de cette foi peut être fatale car
l’action du Bo nuisant sans tarder pourrait être irréparable. Quelle que soit notre religion, le
Bo s’impose à nous, malgré nous dans notre pays. Le Dahomey est devenu depuis 1975 le
Bénin. C’est pourquoi nous devons l’étudier pour le connaître, pour le faire connaître dans et

E
grâce à ‫״‬ANTRHOPOLOGIE DU BO‫״‬.

U
EQ
C/ ATTITUDE DU BENINOIS ENVERS LE BO
Certains Béninois affichent vis-à-vis du bo, une attitude complexe, difficile à

TH
appréhender, attitude ambivalente et ambiguë faite à la fois d’attrait et de répulsion,
O
d’admiration et de mépris, d’enthousiasme et de réserve. Personne n’ose se présenter expert
LI

en la matière, même si on accepte de porter secours à quelqu’un dans le besoin ou dans


IB

l’épreuve. On le fait en catimini ou à huis clos. D’autres se montrent carrément réservés et


-B

trouvent curieuse notre attitude de chercher à comprendre à tout prix le phénomène du Bo qui,
selon eux, n’est pas une affaire d’enfant ni d’intellectuel. D’autres s’indignent de ce que nous
IA

nous évertuions à distiller en connaissance scientifique ce domaine mystérieux et mirifique à


R

la fois de notre patrimoine culturel. Pendant que les uns cherchent à s’instruire du Bo,
ES

d’autres dans le souci de le sacraliser, de le totemiser pour mystifier davantage s’efforcent de


D

ne pas en parler. Pendant que les une cherchent à construire notre culture à partir du Bo,
O

d’autres cherchent à en faire une arme de destruction et entre les hommes s’engage une lutte
C

permanente et sans issue à propos du Bo. Il est vain de banaliser la croyance des autres. En la
matière gardons-nous de toute attitude totalitaire. Le Bo est en effet lié à la notion
d’orthodoxie du fait que l’homme a une droite et une gauche dans une vision symétrique des
choses. Lorsque deux hommes s’affrontent, la droite de l’un correspond à la gauche de
l’autre. Le Bo que les uns considèrent à tort comme une religion et les autres comme un
maléfice. Il est en général théurgique. Il domine les esprits des vivants et les esprits des morts.
Il est tantôt irrégulier, tantôt constant, tantôt exact, traditionnel, personnel et collectif. Il a ses
contradicteurs et ses fans. Il a son personnel, son staff, sa déontologie. Cependant, il demeure
un peu en marge de la société globale, de la légalité et de la justice.
Le succès de cette arme redoutable peut exercer sur les uns une fascination et leur
première réaction serait de rechercher son principe actif pour en tirer des avantages politiques,
économiques et sociaux. Cette arme occulte ne peut créer au bénin que des problèmes
économiques, techniques, scientifiques, sociaux et culturels plus qu’elle ne peut prétendre les
résoudre. Son usage privé en peut qu’encourager les détenteurs ‫״‬Bo, et les Bawatyo‫( ״‬les
faiseurs de grigris), pour une relative consolidation de leur pouvoir. Avant toute recherche de
solution, il faudra préciser le lien entre le Bo et un fait social. Est-il un facteur de dynamique
ou de statique pour la société globale ? En tous cas la peur a engendré le Bo, la peur l’a
entretenu depuis les ages révolus, peur de la guerre occulte, peur de perdre son poste, peur de
perdre son enfant ou sa femme, peur de son destin, peur des forces tout aussi aveugles du

E
retard économique et social.

U
EQ
D/ ATTITUDE DES EUROPEENS VIS-A-VIS DU BO

TH
Les Européens considèrent le Bo comme quelque chose relevant de la mentalité
primitive. Sa pratique rappelle un stade dépassé de la civilisation, pour ne se retrouver que
O
chez les peuples attardés, les groupes arriérés des pays pauvres, des sociétés contemporaines.
LI

Certains européens ont douté des effets du Bo avant d’en avoir subi les effets néfastes. Il a
IB

suffi au Noir de se chausser pour rendre l’européen sceptique victime du Bo. Certains
-B

Européens à force de frotter avec les Noirs ont appris quelques recettes du Bo et se sont
comportés de manière aussi redoutable que les autochtones dans ce domaine quasi ésotérique.
IA

Les ressortissants de certains pays techniquement développés de population noire, asiatique


R

américaine et océanienne croient aux forces occultes en général, et au Bo en particulier, et y


ES

puisent une source intarissable de vie sociale, d’organisation des rapports sociaux. Leur
D

croyance est alimentée par des récits, des témoignages et des préjugés qui ont circulé de
O

génération en génération. Si de nos jours, les représentants de différentes disciplines recourent


C

à des recettes étrangères, magies européennes, horoscopes et autres, c’est parce que les
pratiques occultes remontent à une vieille tradition africaine.

L’attitude de l’ethnologue européen n’est pas seulement une tentative de l’esprit


scientifique de fouiner ce domaine prestigieux des rumeurs où dominent les ‫״‬on-dit‫ ״‬et où on
n’arrive pas à démontrer scientifiquement le principe actif du Bo ou des forces occultes. Il
classe ses manifestations dans le domaine de la parapsychologie, de la pathologie psychique.
Ce que l’ethnologue européen considère comme grigris n’est rien d’autre qu’une lutte qui
résulte de la saisie par l’homme des forces vitales cachées et répandues dans le monde, de
l’action de l’homme à la recherche du renforcement de sa force vitale sur le monde et les
éléments de la nature. La manière dont est née cette lutte ne respecte ni la logique, ni les faits.
La conduite magique n’est pas la structure d’une vie spirituelle révolue dont nous n’aurions
aujourd’hui que de simples vestiges, elle ne relève ni de la dégénérescence, ni de quelque
maladie infantile ; elle n’est ni une science primitive ni une technique élémentaire. Elle est
une attitude originale bien encore ancrée chez les Fon du Dahomey ou du Bénin.

Le Bo est un facteur de métabolisme social, un régulateur social. Son emprise s’étend


à la vie sous toutes ses formes organisées, sociales, familiales, politiques. L’Européen a
remarqué que si le Fon adhère aux religions importées c’est parce qu’il arrive à associer les
pratiques du Bo à sa nouvelle religion d’adoption. Dans son comportement concret de chaque

E
jour, le phénomène du Bo persiste toujours comme base et comme fondement de toute

U
EQ
attitude ultérieure. Il constitue une réserve importante de valeurs culturelles de la population.
Le malheur, le constat de la mort des vieux garants de la tradition avec l’obédience des

TH
religions importées, surtout le Christianisme céleste qui interdisent l’usage du Bo avec
l’urbanisation accélérée de nos sociétés de plus en plus évacuées de leur essence
O
traditionnelle, avec la prolifération des écoles où s’enseignent la science et la technique de
LI

l’Occident, le Bo perd de plus en plus de terrain, même dans les campagnes, son réservoir ou
IB

sa réserve. Peut-être avec les progrès de la science et de la technique, de l’esprit critique et de


-B

la tolérance dont font montre les Africains en contact avec les Blancs, le Bo reculera peu à
peu et finira par être rangé avec les lampes à huile dans les ténèbres des vieux âgés au
IA

bonheur de nombreuses personnes qui ont connu une existence empoisonnée et au malheur de
R

ceux qui en font profession 8 et de l’Afrique même qui perdrait une de ses valeurs
ES

fondamentales 9, une de ces valeurs qui remonte à la pure tradition africaine.


D

Remontant à la source de cette vieille tradition africaine, ANTRHOPOLOGIE DO BO


O

veut être une étude approfondie du Bo, fondée à la fois sur le bavardage des profanes et
éclairé par les informations des pratiquants du Bo, corrigée par les appréciations des
C

maîtres ès art Bo qui nous ont aidé à appréhender l’insertion du Bo dans les rapports
sociaux nourrissant une philosophie sociale typiquement béninoise parce que l’appellation
du Dahomey par le Bénin n’a apporté aucun changement notable dans la praxis du Bo. Au
contraire le Marxisme-Léninisme proclamé en 1974, un an avant le nouveau nom du
Dahomey, le Bénin, a été l’occasion d’une culture prolifique du Bo.

E/RAISONS DU CHOIX DU THEME ‫״‬BO‫״‬


On ne peut s’empêcher d’être surpris des opinions qui circulent sur le Bo, des erreurs,
des préjugés dus à l’ignorance que colportent les livres, les journaux, les revues et les

8
Un boto m’a confié que le Bo est sa vie. Il est pour lui une faculté dont chacun est doué à des degrés divers.
9
On se demande si le Bo pourra subister quand on aura atteint le degré de développement des pays occidentaux.
conversations au sujet de la méprise et de la méfiance que les gens manifestent vis-à-vis des
forces occultes en général et sur le Bo en particulier. On est parfois réconforté par ceux qui
s’interrogent sur les usages et les manipulations de ces pouvoirs chez nous, en Afrique en
général et au Bénin en particulier. Nos lecteurs et surtout les sermons que nous avons
entendus confessent que les écrivains étrangers et surtout les missionnaires religieux, et même
quelques prêtres catholiques indigènes n’ont pas bien compris ce qu’est le Bo et sa portée
dans les rapports sociaux dépasse leur imagination.
L’Afrique en général et le Dahoméen qui a grandi dans le cadre strict de la tradition a
une certaine appréhension du Bo selon les expériences qu’il a vécues et selon les
manifestations dont il a été témoin et qui défient toute explication scientifique. Pour saisir un

E
peu son emprise dans notre société, nous avons du nous informer dans les lieux réputés en Bo

U
de la province du Zou, dans les villages de Zoungomey, de Tindji, de Zakpota, de Saklo, à

EQ
Zagnanado, à Covè, à Tan, à Bohicon et à Abomey, dans les provinces septentrionales du

TH
Borgou et de l’Atacora où les Dendi, Batombu, les Bariba, les Peuhl, les Haoussa, les Boko,
les Doko, les Wassangari rivalisent à qui mieux mieux ; dans la province méridionale de
O
l’Ouémé, où les Goun, les Nagot, les Yoruba et surtout les Holli sèment la panique avec le Bo
LI

et dans la province de l’Atlantique où les Fon de Ouidah, d’Allada, de Tori, s’éliminent


IB

physiquement par simples compétitions et les centres célèbres de la province du Mono où les
-B

Adja, les Watchi, les Pédah puisent encore à la source vive de la tradition du Bo. Le chapitre
sur la régionalisation du Bo plus loin nous permettra de bien appréhender les nuances du culte
IA

du Bo, l’idiosyncratie autochtone du Bo.


R

Il nous semble que jusqu’à présent, les ethnologues, les sociologues et les
ES

anthropologues européens et même africains n’ont pas fait une étude exhaustive du Bo. Nous
D

trouvons quand même cette préoccupation chez des ethnologues, sociologues, philosophes et
O

romanciers compatriotes contemporains. Des allusions là-dessus dans Conception de la vie


C

chez les fon de de Souza Germain, l’Essai sur le mythe lègba du Professeur Aguessy
Honorat, la Mort dans la vie africaine ou les Jalons pour une théologie africaine de l’Abbé
Adoukonou Barthélémy, Au pays des Fon de Maximilien Quenum, l’Initié de Olympe Possy
Béli, Quenum où l’imaginaire apparaît comme le domaine privilégié du Bo même l’arène
politique, Doguicimi ou le Pacte de sang de Paul Hazoumè dont la vie et l’œuvre n’ont été
qu’un effort pour faire connaître la culture dahoméenne, l’Amour de féticheuse de Couchoro
Félix et l’Arbre fétiche ou Kondo le requin de Jean Pliya.
Le Bo s’apprend et se transmet tout comme on procède à l’école des Blancs. Au
Nigéria il y a des écoles où on étudie de façon didactique le Bo. Les émissions culturelles à la
Radio et à la télévision nigérianes ne cessent de nous offrir des scènes quotidiennes du Bo.
Ces émissions montrent parfois les différentes étapes de la transmission du Bo. Au Dahomey
le Bo est conservé dans les lieux où il a été d’abord monté, employé, et il joue un rôle dans la
vie de l’individu et de la collectivité. C’est à ce niveau que se développe la littérature sur le
Bo. Pour nous, dans ANTHROPOLOGIE DU BO, nous essayerons de dépasser l’approche
littéraire, romanesque pour en faire une étude scientifique en considérant le Bo comme un fait
social relevant de la mentalité négritudinaire.

‫״‬On a généralement tendance à considérer que les activités scientifiques


(recherches, etc.) sont à mettre à part de l’ensemble des manifestations de la vie
humaine, et même qu’elles sont au dessus ; cette tendance est dangereuse pour
l’humanité ; elle risque même de freiner le projet scientifique. En fait, vu les

E
rapports étroits qui existent entre l’entreprise scientifique et la totalité de la vie

U
sociale, il est probable que la poursuite de la science ne sera possible que si les

EQ
savants parviennent à rattacher leur curiosité professionnelle aux intérêts et aux
aspirations de l’humanité en général… Le choix des priorités ne pourra plus se
faire uniquement selon les critères de préférence personnelle ; de plus en plus, il

TH
sera fonction des exigences de la société. La science est comparable à un
organisme qui ne peut survivre qu’en s’adaptant à l’évolution de la société au
sein de laquelle elle fonctionne.‫ ״‬10
O
LI
IB

F/BALISES DE L’ANTHROPOLOGIE DU BO OU DIFFICULTES INHERENTES AU


-B

PROPRIUM AFRICANUM
Le véritable esprit heuristique est celui qui a suffisamment la réflexion critique pour
IA

ne pas chercher la réflexion des absolus qui reconnaît que toute démarche implique des
R

circonstances existentielles de pensée. La question essentielle est de savoir contourner le


ES

statut exhorbitant que la démarche scientifique confère à la rationalité. Nous nous sommes
D

demandés comment appréhender un phénomène qui ne se situe pas à la pointe du


O

raisonnement et qui relève davantage du mystique, du sens intime de l’être, de l’intuition


C

spirituelle en l’homme avec des concepts qui ont été élaborés dans l’optique cartésienne.
L’accès à l’intelligence du Bo est-il plus le résultat d’une ascèse que d’un jeu supérieur ou
d’une technique scientifique ? C’est avec une extrème prudence et un effort permanent de
faire abstration de la culture occidentale faite de logique rationaliste que nous nous engageons
à explorer l’univers extraordinaire du Bo. Il est important de rappeler que toute une technique
pour la conservation du savoir, toute une méthodologie pour la préservation du secret et de la
garantie de son inviolabilité et des menaces de profanation ou de sacrilège qui font planer sur
sa pureté des risques de désacralisation, rendent difficiles les tentatives d’enquêtes que nous

10
René Dubos, L’homme et l’adaptation au milieu, ed. Payot, Paris, 1965, p.165.
nous sommes engagé à faire. En dehors des difficultés objectives, il a fallu se méfier des
hypothèses faciles qui foisonnent à propos du Bo.

On a essayé d’expliquer le Bo par des considérations ethnocentriques et régressives.


Or l’hypothèse d’irrationalité appliquée au Bo ne repose sur aucune donnée rigoureuse et
objectivement observée. C’est une hypothèse facile et simpliste qui ne saurait nous satisfaire.
Si une certaine rationalité à permis à l’Occident de devenir ‫״‬maître et possesseur de la nature‫״‬,
rien ne peut permettre d’en faire le principe exclusif d’une théorie systématique à tendance
monolithique. Force nous est de nous référer à Lévi Strauss à propos des dispositions logiques
des différentes sociétés. ‫״‬Peut-être découvrirons-nous un jour que la même logique est à
l’œuvre dans la pensée mythique et que l’homme a toujours pensé aussi bien. ‫״‬Anthropologie

E
Structurale. De son côté, Aguessy Honorat a pu écrire à cet effet que :

U
‫״‬le proprium africanum au sujet de la conception de l’univers, de la société, ne

EQ
consistera pas en des dispositions supérieures de l’intellect africain par rapport
aux autres sociétés, mais il ne saurait non plus consister en des dispositions

TH
inférieures. ‫״‬
Nous montrerons donc à partir de notre Anthropologie du Bo comment certaines
O
composantes socio-culturelles ou socio-spirituelles ignorées de l’occident, c’est-à-dire des
LI

éléments de technique taxés d’irrationalité peuvent dans le contexte africain en général et


IB

dahoméen en particulier déterminer positivement le progrès.


-B

L’anthropologie africaine est pleine de mythes, de légendes, de récits extraordinaires


dépassant même l’entendement, classés parfois dans le domaine de l’insaisissable. L’Africain
IA

est doté d’un pouvoir surnaturel qui lui permet de résoudre ses problèmes existentiels ou de se
R

défendre contre les forces du mal. Il a la capacité de converser avec les animaux, de donner
ES

des ordres aux végétaux et à ses semblables. Toutes ces pratiques qui relèvent du Bo
D

représentent pourrait-on dire pour un africain, singulièrement un Dahoméen adjafon, un


O

impératif anthropologique. Le Bo a été d’abord objet d’étude d’un savoir endogène à une
C

époque donnée de l’histoire humaine, puis ce savoir a été transmis de génération en


génération jusqu’à nos jours où l’on parle de savoir traditionnel. Pour le Noir il n’y a pas de
coupure entre le spirituel et le temporel. Dans cette jungle de forces que constitue le monde,
l’homme d’aujourd’hui, le Dahoméen, au lieu d’être écrasé par ces forces, est au contraire
celui qui préside à la création des équilibres, au transfert des énergies vitales. Il a acquis des
générations passées ce savoir traditionnel qui lui permet désormais de saisir le Cosmos
comme un système de forces qu’il peut capter, emmagasiner, diriger, neutraliser, exploiter par
le canal des pratiques occultes appelées communément en fon Bo.

Vivant dans un monde démesuré, l’Africain s’efforce de s’accorder avec la nature


dans une harmonie, contrairement à l’européen qui commande à la nature en lui obéissant.
Pour sortir des difficultés inhérentes à la vie, le Noir est soutenu par un système de
communications qui n’est pas à la portée de tout le monde : à savoir le Bo. Le Bo désigne une
réalité très complexe qui régit tout dans la vie sociale et individuelle.

G/LE BO : FAIT NEGRITUDINAIRE OU GENIE DE LA CULTURE NOIRE


Toute croyance populaire révèle dans un groupe humain une certaine mentalité, un
certain comportement de l’intelligence face au problème de l’interaction des êtres, véhicule
une certaine vision du monde. La croyance au Bo dans tous les domaines de la vie culturelle
demeure un phénomène omnipotent et omniprésent que le raisonnement cartésien ne peut ni

E
étouffer, ni ébranler. Les dictons, les proverbes, les incantations restent en étroite

U
collaboration avec la nature matérielle qui fournit au verbe sa légitimité.

EQ
L’ignorance des phénomènes de la nature ou le désir de vouloir converser ou vivre en

TH
parfaite harmonie avec la nature fait que la pratique du Bo reste encore profondément ancrée
dans notre esprit malgré l’acculturation. ‫״‬La culture‫״‬, dit Léopold Sédar Senghor, ‫״‬est une
O
réaction raciale de l’homme à son milieu. ‫ ״‬La réaction de la race noire est essentiellement
LI

basée sur des données et des perceptions authentiquement africaines ou négritudinaires. Dans
IB

toutes ces données est perçu essentiellement le Bo.


-B

Le Bo, traduit en français, est le génie de la culture noire. Le génie est ce qui fait
qu’une société en-dehors de ses similitudes physiques et mentales communes à tous les
IA

hommes de par le monde, en-dehors de tout ce qui fait la marque de la nature humaine
R

universelle, la culture manifeste les traits spécifiques auxquels on le reconnaît, cette chose est
ES

ce que nous appelons le génie d’une société, d’une race. Les sociétés africaines ne manquent
D

pas de génie. Leur génie réside visiblement dans le Bo. Ce Bo peut varier d’une région à
O

l’autre. Souvent ce qui est Bo ici peut ne pas l’être ailleurs.


C

Signalons ceux qui à des heures indues, heures où des esprits, se produisent tout nus à
des carrefours ou sur une grande route munis de ‫״‬vi, goro, atakoun, ahowé‫ ״‬ou d’éléments
animaux proférant des incantations en vue de satisfaire leurs desseins ou de jeter un mauvais
sort à autrui. Il n’est pas rare non plus de surprendre à l’heure des mystères des gens entrain
de prendre un bain rituel ‫״‬Kudiyo‫ ״‬pour se préserver de la mort. Certains chauffeurs
suspendent dans leur véhicule une queue d’animal bien fardée, un esthétique talisman ou une
gourde enjolivée multicolore. Tout cela exprime sa solide conviction de faire déclencher les
forces secrètes de l’univers, les agents et les entités du monde invisible pour les mettre en
relation avec ceux du monde visible à partir de toute matière créée pour l’homme ou par
l’homme dont les vertus sont bien connues.

Le Bo est susceptible d’une foule d’applications et permet de résoudre les grands


problèmes humains, philosophiques, scientifiques. Il défie plusieurs lois de la nature. Il
magnétise en sport le gardien de but ou le butteur. Avec lui on endort toute une maisonnée
pour voler les gens. Par lui on inculque à l’adversaire des volontés, des idées nocives,
persécutrices ou bienveillantes, des sentiments souhaités. Il a des vertus télépathiques et
radiesthétiques.

Le Bo relève d’un herméneutisme très ancien qui a ses pratiques doctrinales, ses
principes actifs, ses formules empiriques dont le mécanisme met en branle par communion de
l’infiniment grand avec l’infiniment petit, du divin avec l’humain, du sacré avec le profane,

E
U
du sérieux avec le banal.

EQ
Le Bo n’aurait-il pas été une science chez les Egyptiens ou les peuples de jadis grâce à
laquelle ils arrivaient à une explication du monde, de l’univers en établissant au sein des

TH
éléments de l’univers des principes, des lois qui traduisent des rapports entre l’invisible et le
O
visible, l’immatériel et le matériel, dans un pragmatisme réaliste au niveau des diverses
LI
activités humaines de chaque jour ? Une initiation très poussée du Bo devrait conduire à la
IB

découverte des merveilleux possibles que la nature recèle en son sein et les virtualités
-B

miraculeuses que chacun porte en soi de façon inconsciente.


IA

H/APPROCHE DE L’ANTHROPOLOGIE PAR LE BO


R

Pour nous, l’Anthropologie ne doit pas s’éloigner de son étymologie grec : anthropos,
ES

homme, logos, étude, discours sur l’homme. Cette étude ou ce discours ne peut pas se faire
dans le sens plat de le sociologie où l’homme est défini comme un animal politique,
D
O

(zoopolitikon) où nous aurons beaucoup de démêlés pour distinguer la sociologie de


C

l’anthropologie bien que l’éclairage politique cerne bien le champ d’action du Bo. Nous
chercherons du côté de la philosophie pour mieux asseoir l’Anthropologie non pas à cause de
nos origines de philosophe mais pour la simple raison que la philosophie nous aide à mieux
comprendre et à mieux définir l’homme. Non pas n’importe quelle philosophie mais
uniquement la philosophie de l’existentialisme.
‫״‬L’Existentialisme se présente d’abord et avant tout comme une manière de philosopher. La
philosophie a pour but essentiel d’exposer l’homme à lui-même, de telle sorte qu’il s’y
reconnaisse authentiquement‫ ״‬11
Au niveau des philosophes, on distingue deux groupes : les uns s’attèlent à mettre eu
clair la structure générale du tout de l’existence. S’ils parviennent à l’homme finalement ce
n’est qu’au terme de leurs recherches attentives. Ils ne le rejoignent qu’à travers des vues
abstraites sur Dieu, l’être, le monde, la société, les lois de la nature ou celles de la vie.
L’homme est pour eux un point d’aboutissement ou si l’on veut, le point de fermeture d’un
système. Les autres critiquant les premiers, s’attaquent directement à l’homme en décrivant la
condition humaine à la manière de Pascal. Et ‫״‬Être philosophe ce n’est pas faire la lumière sur
l’objectivité des choses. C’est par un coup d’audace (wagnis) entrer à force (dringen) dans le
fondement (grund) encore inexploré de la certitude que l’homme peut avoir de lui-même.
Voilà l’idée la plus générale que l’on peut former de l’existentialisme. Très généralement,
nous appellerons donc existentialisme toute philosophie qui s’attaque directement à la
condition humaine en vue de tirer au clair, mais sur le vif, l’énigme que l’homme est à lui-

E
même.

U
L’homme plongé dans l’existence est bien perçu par le faiseur de grigris (Boto) que les

EQ
Fon appellent Boto. Le faiseur de grigris, le Boto, qui sait confectionner les grigris (Bo) qui
agissent sur l’homme a lui-même sa définition de l’homme. Il l’appelle en fon ‫״‬Gbèto‫״‬, gbè,

TH
vie ; to, père, père de la vie, père des vivants ; père a ici le sens de possesseur, de patron. Il a
parfois recours à certaines de ses caractéristiques anatomiques pour le définir : ‫״‬Nukanduto‫״‬,
celui qui mange, alo à ton non, celui qui a cinq doigts. Selon le Boto, gbèto, homme, est
O
l’union de l’âme et du corps. Dans cette union il y a une hiérarchisation. L’autorité qui
LI
commande est l’âme et l’élément subalterne qui obéit est le corps. L’abandon du corps par
l’âme entraîne la ruine du corps, la mort physique, la mort de l’homme. Le corps est une
IB

masse inerte qui ne peut être mue que par l’âme. Chacune des parties de l’homme évolue dans
-B

un monde, ce qui nous donne l’existence de deux mondes : le monde des corps, le monde
matériel, le monde des vivants ; le monde de l’âme, le monde de l’esprit, le monde des morts.
Le Boto, le faiseur de grigris, considère l’homme comme placé sur des ondes dans la
IA

nature qui permettent de l’atteindre par son nom comme on atteint une station sur une gamme
R

de la radio ; le nom auquel l’âme est habituée depuis qu’elle habite le corps humain. D’une
ES

chambre à Cotonou on peut atteindre quelqu’un que l’on connaît bien à Paris par le Bo.
D

Le Boto fait une nuance entre l’âme et l’esprit. L’âme est dans le corps et constitue
O

avec lui l’homme. Quand cette âme sort du corps, elle est appelée esprit. Suivant les
circonstances qui ont poussé l’âme à sortir du corps, on a un esprit enclin à faire ou à subir du
C

bien ou du mal. Il y a les mauvais esprits comme il y a les bons esprits. L’âme est par essence
bonne, il n’y a pas de mauvaises âmes. L’âme est immortelle. Les esprits se trouvent un peu
partout dans le monde, dans la nature. Il y en a dans certains cours d’eau, dans certains arbres,
dans certains animaux vivants, à certains endroits, terrains ou maisons abandonnées (maisons
hantées par exemple, lieux maudits). Certains esprits sont appelés vodun. Les esprits ont le
pouvoir de conduire ou de pousser les âmes à faire ou à ordonner des actes. Les individus
sous leur influence agissent sans savoir pourquoi ils agissent ainsi. Le Bo peut alors bénéficier
des services de ces esprits ou mieux ce sont ces esprits qui donnent au Bo son pouvoir
d’action.
Il faut mettre en pratique les recettes du Bo au fur et à mesure qu’on les acquiert sinon
on les oublie. C’est pourquoi un contact poussé avec les vieux détenteurs et les pratiquants est

11
Jean Beaufret, Introduction aux philosophies de l’existence, Denoel Gautier, Paris, 1971, p.9.
un atout majeur. Il s’agit là en quelque sorte d’un stage pratique. Pour favoriser la
mémorisation des recettes il faut rechercher des aide-mémoire indigènes appelés en fon ‫״‬flin.‫״‬
L’homme (‫״‬gbèto‫ )״‬est le faiseur de grigris (boto) et par le grigris il devient
possesseur, père du monde (gbèto). C’est donc sous l’éclairage du grigri, du Bo que l’homme
va être analysé dans ses rapports humains, sociaux, avec les sentiments qui l’animent selon la
couleur de l’existence. Ainsi dans les villages, le bo sera le propre des faibles physiquement et
socialement. Un vieux peut décider de passer à son fils un grigri lorsque ce dernier est humilié
ou taquiné publiquement par une personnalité de haut rang. La vengeance est le propre des
faibles. Ainsi un oncle raconte comment il peut se venger en demandant à son offenseur de
chier devant tout le monde et de nettoyer son anus avant de s’habiller tout confus. Avec le
grigri de vengeance on risque de tomber dans un cercle infernal, chacun voulant humilier
davantage l’autre.
En amour on peut se venger par le bo d’une fille qui a refusé votre avance et se serait
même moquée de vous. Pour peu que le garçon éconduit se plaigne auprès des siens, un ami,

E
un parent de ce dernier n’hésitera pas à lui procurer des recettes pour lui permettre de devenir

U
l’unique élu de la fille en l’ensorcelant ou en la traumatisant. Ce traumatisme peut se
manifester par des règles ininterrompues. Au lieu de se venger contre une fille, on peut se

EQ
venger d’un garçon qui aurait arraché la fille ou la femme d’un autre. Dans ce cas l’effet de la
vengeance peut être la désunion, le divorce, l’impuissance sexuelle et même la mort comme

TH
dans Xala, de Sembène Ousmane.
Dans la société fon, plus l’individu sera capable de créer de l’insolite, d’étonner les
O
gens, plus il sera capable de se soumettre les autres, plus il sera considéré dans la société. On
LI

l’appellera Medjome l’honnête homme, le grand homme. Dès lors l’individu aura dans sa
IB

société le même brio, la même considération que sa maîtrise du Bo.


-B

Devenir maître de soi comme de l’univers n’est possible que par l’entremise du Bo. Car
devant la maîtrise du Bo, ‫״‬multiple est dans l’étant ce qui répand le trouble. Mais rien de plus
IA

troublant que l’homme ne se dresse.‫ ״‬Mais quelle est cette puissance d’inquiétude et de
R

trouble qui se saisit de nous, c’est – à – dire du chœur tragique à chaque apparition de
ES

l’homme. Ce qu’il y a de troublant, dans l’homme c’est qu’il existe. Il est le seul à savoir la
D

particularité d’exister.
O

L’homme existe. Il est même le seul à exister, et ce qui dans l’homme est plus
C

troublant que tout, c’est précisément qu’il existe. Exister ne peut pas se dire de n’importe
quoi. Dans le monde il y a des grottes dans la montagne et il y a des îles dans la mer. Mais les
pierres et les arbres, les montagnes avec leurs grottes et les mers y compris leurs îles, bien
qu’ils ne soient pas rien, n’existent pas. Dieu même est inexistant. Contre les philosophes qui
s’appliquent à prouver l’existence de Dieu, Kierkegaard le dit hardiment : ‫״‬Dieu n’existe pas,
il est éternel.‫״‬
Mais que veut donc dire exister , Exister, c’est ce qui différencie l’homme d’une part
de tous les autres êtres de ce monde, et d’autre part de Dieu qui en est le commencement et la
fin. Ce n’est pas de la même manière que par l’existence, l’homme se différencie des choses
et il se différencie de Dieu.
Il se différencie des autres choses et en particulier des animaux à qui pourtant il
ressemble le plus, par ceci que les choses et les animaux sont les représentants d’une espèce,
alors que dans l’homme, c’est l’inverse. ‫״‬l’homme ne se distingue pas seulement des autres
espèces par les supériorités que l’on mentionne habituellement, mais par la supériorité de
nature qu’a l’individu, le singulier sur l’espèce‫ ״‬12. Avec l’homme c’est l’individualité qui est
l’axe de tout. C’est donc par ce renversement des rapports espèce-individu que l’homme est
tiré du tas, qu’il existe.
Mais si l’homme existe en se distinguant comme individu des choses et des animaux
qui eux, n’existent pas, son existence est aussi ce qui le distingue de Dieu. A ce titre
l’individualité ne suffit plus à caractériser pleinement l’existence. Alors vers quoi nous

E
tourner ? Rappelons-nous l’étrange affirmation : ‫״‬Dieu n’existe pas, il est éternet‫״‬. Si

U
l’homme à la différence de Dieu existe, c’est donc dans la mesure où il n’est pas éternel.

EQ
Exister signifie alors appartenir à la dimension du temps. Mais les autres choses de ce monde
appartiennent aussi à la dimension du temps. Les pierres et les arbres, les montagnes et les
mers, les animaux et les végétaux ne sont pas sans durée ni sans age. Ils sont soumis à la loi

TH
de la succession. Ils existent donc ? Non car le temps de l’existence n’est pas le temps
universel qui englobe tout ce qui dure et que mesurent les chronomètres. Le temps de
O
l’existence n’est pas celui qui ne cesse de s’égrener de moment en moment, mais celui qui
comporte secrètement la longue préparation et la soudaine précipitation de l’instant. Chez
LI

Kierkegaard, le moment et l’instant font deux. La philosophie et la science connaissent bien le


IB

moment, cet atome de temps toujours plus petit que toute durée, si petite soit-elle, et qui entre
comme paramètre dans tous les calculs. Mais l’instant lui échappe. Car l’instant, c’est le
-B

référent à l’œil, l’œillade, la possibilité de faire, d’un coup d’œil, le point de la situation.
L’instant c’est aussi le présent qui soudain prend un sens, c’est l’existence elle-même,
soudain mobilisée, qui s’illumine présentement dans ses possibilités les plus propres,
IA

devenant par là et de fond en comble affrontement ou résignation, résolution ou abandon,


R

libération ou servitude, face à l’alternative qui le met en demeure de décider d’elle-même en


se choisissant.
ES

L’existant, c’est celui à qui quelque-chose est instant, et qui se sent dès lors pressé,
D

interpellé, réclamé par l’instance. Celui à qui rien n’est instant, n’existe pas. Mais l’homme
existe toujours car même s’il devient oublieux de lui-même, de ce qui lui est réellement
O

instant, l’instance n’en est pas moins là, dans un arrière-plan, d’où elle trouble insidieusement
C

la sécurité de ce qui est au premier plan corrodant l’insouciance, transformant même


l’innocence en angoisse et de telle sorte que l’angoisse devient plus présente que l’on cherche
davantage à s’en divertir.
Avec l’existentialisme le Bo nous apparaît comme un moyen par lequel l’homme
prend conscience de lui-même comme existant et se distingue des autres êtres sur lesquels il
exerce sa domination, et il prend conscience de cette domination dans l’instant même qu’il a
transformé quelque chose en Bo. Le Bo nous donne la meilleure définition de l’homme.
‫״‬Gbèto boto, wènyi‫״‬, l’homme est un faiseur de grigris comme nous avons déjà dit plus haut.
L’homme grâce au Bo accentue le sentiment de son existence et prend davantage conscience
de la nécessité pour lui de croître en Bo. Pour que sa sécurité, sa garantie de l’existence
s’assure contre l’angoisse qui lui imprime la présence des autres, le faiseur de Bo prend
possession de lui-même, du monde et des autres. Dans l’optique de l’existentialisme, le Bo est

12
Journal cité p.83 par Jean Beaufret, Introduction aux philosopies de l’existence. Denoel Gonthier, Paris, 1971.
l’élément par lequel l’homme, le Dahoméen, prend conscience de son existence et assure sa
domination sur le monde naturel et le monde humain, la société où il vit.
L’Anthropologie du Bo est fille de la croyance, de la mentalité du Dahoméen, ce qui
ne va pas en faciliter l’approche scientifique.

I/LE BO : FAIT MENTALITAIRE, FAIT DE CROYANCE


La croyance du Bo est héréditaire. Grands parents et parents restés au village y
attachent une importance quasi-religieuse. Les enfants qui le font, le font par imitation des
grands. Certains le pratiquent par expérience ; ils le considèrent comme le guide infaillible de
leurs actions. Ceux qui en ont été une fois victimes ou ont été une fois témoins de sa
manifestation s’y adonnent, pensant y trouver leur salut. Un envoûté qui a été désenvoûté par
le Bo contraire proposé par un bokonon ou un boto accordera toujours sa confiance au bo et
se méfiera toujours des hommes.

E
Il est rare qu’un Africain se présente au tribunal sans avoir fait du bo. Il le fait pour

U
éviter d’aller en prison. Les vieux ont l’habitude de dire à leur petit-fils qui a échoué à un

EQ
examen : ‫״‬pourquoi ne m’aviez-vous pas vu avant votre examen ? C’est là la cause de votre

TH
échec. ‫ ״‬Le Bo est tellement ancré dans la mentalité des gens comme quelque chose qui va de
soi qu’on dit d’un vieillard qui n’a pas de Bo rassurants, défiants, qu’il a été élevé par une
O
grand-mère, une tante, en tous cas par une femme. Il est considéré comme n’ayant aucune
LI

expérience de la vie. C’est pour éviter ces qualificatifs que certains dès leur jeune age, quittent
IB

leur famille, leur village natal et parfois même leur pays pour aller chercher l’aventure, pour
-B

vivre avec les chasseurs, les guérisseurs traditionnels, les faiseurs de grigris dont la renommée
a dépassé les limites de leurs coins. Ils se confient à ces derniers en se mettant à leur service
IA

pour s’instruire, pour acquérir la science ou la sagesse que dispense le Bo afin de pouvoir se
R

comporter dans la vie, se défendre dans la vie. C’est par le Bo que l’on juge la sagesse, la
ES

compétence de l’individu. Par là on lui donne, avons-nous dit plus haut, le titre de mèdjomè
D

qui se traduit par homme de mérite, homme de science, de sagesse. L’homme sage ce n’est
O

pas celui qui raconte des histoires aux enfants sous l’arbre à palabre, c’est celui qui détient les
C

secrets du Bo, de la vie, et qui peut les utiliser à tout moment pour sauver ses semblables en
difficulté.
Chez l’Africain l’esprit du Bo est présent dans toutes ses activités comme l’esprit
scientifique anime l’européen dans toutes ses entreprises. Le Bo, bien qu’il soit le proprium
de l’Africain, n’est pas à la portée de tout le monde mais du moins d’une minorité qui en
détient jalousement les secrets. Il est pour le Noir ce qu’est la science pour l’Européen, mais
la différence entre les deux réside dans la manière de l’acquérir, son mode d’acquisition.
Le savoir scientifique s’acquiert par instruction, tandis que le savoir du Bo s’acquiert
par la vie, par l’expérience de la vie. Effectivement, ce que l’Africain, intellectuel ou paysan
redoute le plus dans sa vie c’est le Bo, le mauvais sort qu’on peut lui jeter, l’envoûtement
dont il peut être victime, les obstacles qu’on peut lui créer dans la réalisation de ses desseins
ou de son destin. Il cherche à préserver sa chance par le port d’un bo, d’un talisman.
Actuellement dans nos villes il y aune recrudescence des boto, des charlatans, des
bokonon. Ils ont émigré de la campagne à la ville en occasionnant une mobilité sociale très
remarquable. Pourquoi ? Parce que le simple fait banal de butter par inadvertance contre une
pierre par exemple, avoir des maux de tête persistants, acquiert une explication surnaturelle et
à tout moment où qu’il se trouve, le Dahoméen a recours au bokonon, à l’alfa qui consultent
les morts, les esprits et les vodun, les divinités par divers procédés et imposent des sacrifices
pour obtenir la guérison ou la protection ou le pardon de telle ou telle offense à telle divinité,
à tel parent, ou pour confectionner tel ou tel genre de Bo. Bon nombre de Dahoméens, surtout
ceux qui ont un poste politique ou un certain rang social, ont leur bokonon ou leur alfa ou leur
boto personnel pour se prémunir contre leurs ennemis réels ou imaginaires, pour se venger
d’eux ou pour réaliser à leurs yeux leurs projets. Ainsi nous avons remarqué que 95% des
Dahoméens portent sur eux soit une bague préparée, soit des scarifications au front, au visage,
à la joue, au doigt, à la main, à la poitrine, sur le ventre, sur les côtes pour se prémunir contre
toute adversité, quels que soient leur religion, leur région, leur rang et ils sont toujours prêts à
investir toute leur fortune pour y parvenir.

E
Le monde auquel appartient le Bo en Afrique en général et au Dahomey en particulier

U
EQ
témoigne de la complexité et de la complication de toute tentative visant à pénétrer ce
mystère. Quelle méthodologie allons-nous adopter pour exorciser ce mystère pour rendre

TH
effectivement scientifique notre ANTHROPOLOGIE DU BO ? O
METHODOLOGIE
LI

L’étude de l’Anthropologie du Bo est une tache infinie. Les méthodes heuristiques les
IB

plus poussées n’en exécutent que partiellement le programme. Les investigations sur lui
-B

prennent énormément de temps. Cependant, aucune analyse, aucune expérimentation ne peut


nous donner une connaissance adéquate, de sa multiplicité et de son unicité. Dans l’état actuel
de nos connaissances, nul ne peut se vanter d’en avoir dit le dernier mot car sa théorie est
IA

difficile ; sa connaissance est beaucoup plus pratique que théorique ; l’Anthropologie du Bo


nous ouvre un domaine de la théorie pratique ou de la pratique théorique selon l’heureuse
R

expression chèrement acquise par Emile Durkleim. 13


ES

Les différences de comportement, de méthodes et de rendement permettent de détecter


les conflits, les solutions qui échappent à la conscience du sujet et à la connaissance globale
D
O

de lui-même. C’est pourquoi nous exprimerons le but, l’esprit et la difficulté de la méthode.


C

La difficulté de notre travail provient du fait que dans le domaine du Bo, à la


recherche objective se mêlent des préoccupations pratiques ; la critique de cette condition de
fait implique, semble-t-il, le postulat de la précession de la technique et de l’application par la
science. Ce postulat prête à discussion ou tout au moins à interprétation.
La précession de la science sur la technique correspond à une exigence logique mais
non à la réalité de la vie. On sait que dans le domaine du Bo, la technique a précédé la
science. La science fait historiquement figure d’élucidation et d’épuration d’une connaissance
primitivement encombrée de préoccupations pratiques et de recettes. L’exemple de la

13
Emile Durkeheim, Education et Sociologie, PUF, 1966.
pathologie et de la physiologie peut nous aider à mieux comprendre cette précession de la
technique sur la science. La physiologie a-t-on dit, est le recueil des solutions dont les
malades ont posé les problèmes par leur maladie, elle est plus vaste que la santé, plus vaste du
même coup que la maladie.
‫״‬Il y a en nous plus de possibilités physiologiques que n’en dit la physiologie. Mais il faut
la maladie pour qu’elles soient révélées‫ ״‬déclare Leriche (1943). En cherchant à déterminer
les constantes et les invariants qui définissent réellement les phénomènes de la vie, la
physiologie fait œuvre de science pure, elle ne peut rester science pure qu’en s’interdisant
de choisir entre la santé et la maladie, parce qu’elle est le science de l’une comme de
l’autre et que l’une n’a de sens que par rapport à l’autre.
Définir l’objet de la physiologie par les allures stabilisées de la vie n’en résout rien
puisque cette stabilisation, mieux cette stabilité est relative, modifiable et pas seulement du

E
fait du désordre et de l’ordre de la maladie : l’athlète qui fait sauter les normes n’est ni un

U
EQ
anormal, ni un pathologique, ni un malade. Ainsi il est impossible de séparer la physiologie et
la pathologie et de construire une biologie d’êtres vivants sans problèmes, sans valeurs et sans

TH
maladies.
La situation du Bo ou de l’Anthropologie du Bo est comparable. Sans doute
O
l’application n’y est pas toujours mêlée à la recherche, le but pratique peut nous manquer sans
LI

que soit exclue l’application. Pour que le Dahoméen se mette à la quête du Bo, il faut qu’il se
IB

sente en danger, en insécurité ou attende une récompense de la part de la victime du Bo. Pour
-B

que l’être humain se prête à une recherche physiologique du Bo à son insu ou à son su, il lui
faut une motivation et cette motivation est le plus souvent fournie par un conflit à résoudre ou
IA

à prévenir. D’ailleurs, dans le domaine du Bo, il en va comme dans le domaine de


R

l’expérimentation comme le précise P. Guillaume :


ES

‫״‬Si l’expérimentation est difficile dans le monde humain, c’est surtout parce que
D

l’individu n’accepte pas de s’y soumettre. Déjà il se dérobe et se masque devant


l’observation ordinaire, il évite le témoin dont l’enquête indiscrète le gêne et le
O

menace. A plus forte raison se refuse-t-il en général aux tentatives pour exercer
C

sur lui une action et pour percer le secret de sa conduite ; il redoute d’être un
jouet qu’un autre manœuvre et par conséquent domine ; lors même qu’il accepte
d’être sujet dans une expérience, il est rare qu’il se livre tout entier. Redouterait-
il tant cette investigation si elle était impuissante ?
C’est une des raisons pour lesquelles il est en principe préférable qu’il ignore le but de la
recherche. ‫ ״‬14
L’ANTHROPOLOGIE DU BO n’est pas rigoureuse. Si l’on définit une fois pour toute
la rigueur scientifique sur le type de la pensée physico-mathématique, si l’on considère que la
pensée physico-mathématique est concluante, on est probablement en droit de soutenir que
l’Anthropologie du Bo relève de l’intuition et de la fantaisie. Mais l’exigence de la rigueur
physico-mathématique implique la réduction de la conduite humaine à un modèle physique ;

14
Paul Guillaume, Introduction à la Psychologie, Paris, Vrin 1942, p.302.
or la personnalité n’est pas réductible à un modèle physique, non plus qu’aucune conduite. La
conduite humaine du Bo ne comporte pas la possibilité d’une axiomatisation physico-
mathématique, du type de celle que réalise HULL dans les principes de la conduite (1943) sur
la base des données expérimentales relatives à l’apprentissage. La rigueur scientifique ne peut
être définie une fois pour toutes, ou elle doit être dans des termes suffisamment larges pour
s’accommoder à la diversité et à l’originalité des existants. Il ne faut pas chercher les
problèmes pour leur appliquer une méthode, mais bien plutôt les méthodes pour résoudre les
problèmes qui se présentent. Or la méthode psychologique est la méthode appropriée à
l’approche scientifique de la conduite humaine dont la conduite du Bo est le prototype.
La conduite humaine est un émergent original qui comporte un autre mode
d’administration de la preuve que l’objet physique et la possibilité d’un autre degré de
probabilité. Il est vrai qu’à l’origine le Bo a été acquis par intuition fondée sur l’expérience
personnelle du ‫״‬Bowato‫( ״‬du faiseur de grigris) plutôt que sur l’investigation systématique ;

E
certes l’intuition y conserve un rôle, soit parce que le Bo est un art et que la réalité presse de

U
EQ
parier soit parce que dans le domaine du Bo comme en toute autre recherche scientifique,
l’intuition est irremplaçable dans sa fonction de prospection. Mais la technique d’observation

TH
est devenue de plus en plus objective, elle prend souvent la forme d’une révélation complète
et fidèle du comportement et du récit du client avec un minimum d’interprétation.
O
Cette interprétation nous sera possible grâce à la méthode pluridisciplinaire ou la
LI

méthode par convergence.


IB
-B

a) La méthode pluridisciplinaire ou la méthode par convergence, de Louis Vincent

Thomas :
IA
R

Selon notre maître le Professeur Louis Vincent Thomas dans Africain Systems of
ES

Thought, International Africain Institude, Oxford University Press, 1966 de la page 336 à la
page 367, la méthode par convergence permet de faire dialoguer entre elles les différentes
D
O

disciplines des sciences Humaines pour donner à notre thème divers éclairages
C

complémentaires afin d’atteindre un peu plus d’objectivité. La méthode par convergence


permet d’éviter de sombrer dans l’ethnocentrisme. L’Ethnocentrisme ne peut être évité selon
notre maître, que par la vigilance de la méthode par convergence. Celle-ci suppose une
conjonction de toutes les caractéristiques techniques des sciences humaines, chacune d’elles
ne pouvant mettre en évidence qu’une face étriquée du problème étudié. Elle aide à concilier
le point de vue discursif et analytique, et le point de vue intuitif de l’extériorité et de
l’intériorité, l’explication objective et la compréhension sympathique, la recherche des
modèles formels et la saisie phénoménologique des attitudes vécues. Cette conciliation des
disciplines est une véritable confrontation des interprétations des analyses des faits, leurs
rapports qui font et défont les mentalités en confrontant les croyances aux observations du Bo.
Ainsi au lieu d’une simple accumulation de faits, la méthode par convergence permet de
définir et de dégager les constantes d’une culture et plus précisément le génie de la culture
dahoméenne caractérisée par la vision ‫״‬boesque‫ ״‬du monde.
La convergence des points de vue nous permet d’aller des choses aux idées, des
croyances aux réalités psychologiquement et socialement vécues comme culture. Dans cette
dialectique de l’idée formulée et de la réalité vécue, de la mentalité à la vie nous verrons
l’anthropologie sortir de son cadre habituel de définition pour devenir une discipline qui
s’éclaire à la lumière d’autres disciplines qui permettent de saisir d’une manière totale le vécu
collectif d’un groupe telle que la culture du Bo cherche à la saisir. Là, il n’y a plus d’impératif
de discipline mais une complémentarité dans laquelle, comme au rendez-vous du donner et du

E
recevoir, chaque discipline vient apporter ce qui manque à l’autre.

U
Dans cette méthode pluridisciplinaire qui étreint bien notre étude du Bo, nous

EQ
retiendrons notamment deux disciplines ou deux approches scientifiques : la psychologie et la

TH
dialectique. Mais auparavant nous allons essayer de décrire les modalités de la recherche chez
nous.
O
LI

b) Enquête proprement dite sur le Bo :


IB
-B

La recherche scientifique chez nous est une entreprise à laquelle la masse n’est pas
encore habituée. Au Bénin les tracasseries administratives en découragent plus d’un et il faut
IA

vraiment être gagné par le virus de la curiosité intellectuelle pour la faire car l’Etat lui-même
R

trouve en tout chercheur un perturbateur virtuel de l’ordre public. Il faut avoir d’abord
ES

l’autorisation du Centre béninois de recherche, assortie de la signature du Ministre de


l’Education et de la Recherche scientifique sous le couvert du Ministre de l’Intérieur qui va
D
O

vous délivrer une sorte de laisser-passer qui va vous permettre de parcourir les différents
C

services, secteurs et régions du pays. La rapidité de la prise de possession d’une telle


autorisation est proportionnelle à la lenteur administrative avec les possibilités de huiler les
rouages du circuit suivant une pente raide ou sinueuse de patience, de persévérance et de
largesse. Viennent ensuite les difficultés communicatives aggravées par la cupidité des ‫״‬à
enquêter‫ ״‬permanemment réfractaires à toute communication trouvant tout tabou, interdit,
inédit, suspect, et parfois même irrévérencieux car d’une manière générale l’enquêteur est
salué comme un agent de renseignements, l’œil du gouvernement. Cependant ne nous laissons
pas décourager par ces considérations préliminaires qui nous montrent que le sous-
développement n’est pas propice à des découvertes sociologiques, économiques, politiques, et
même idéologiques qui sont les avenues heuristiques certaines parce que fortement garanties
par une psychologie rationalisante et rationalisable. En tous cas c’est le lieu de dire que c’est
le terrain qui commande.

L’enquête sur le Bo pour la quête du Bo renferme déjà en son intentionnalité un arrière


goût inhibiteur, prohibitif et même inquiétant. La peur apparaît chez les uns et les autres de
livrer leurs connaissances au risque d’affaiblir leur puissance en le profanant. Déjà les
incantations, éléments préliminaires du Bo en tant qu’entrée en matière ne se prononcent pas
sans avoir pris du ndida, chose préparée, ni sans une situation précise donnée, dans un
contexte donné. Pour la collecte des incantations certains informateurs ont carrément refusé
de nous les livrer car elles constituaient pour eux, leur force de réserve, leur dernier
retranchement. Si l’enquêteur est une femme, à ce sujet elle a encore plus de difficultés car on

E
considère les femmes comme trop bavardes, trop versatiles, trop indiscrètes et trop

U
EQ
dangereuses. On ne veut jamais leur livrer des secrets, surtout les secrets du Bo.
D’autres ‫״‬informateurs en pagne‫ ״‬nous ont presque découragés en ces termes

TH
‫״‬pourquoi attachez-vous tant d’importance à des objets naturels ? Le Bo est une affaire de
superstition futile et même vaine. ‫״ ״‬Pour avoir des informations là-dessus, il faut d’abord être
O
initié‫״‬, recommandaient certains, et être habitué aux Boto (faiseurs de Bo), contacter même
LI

avec eux un pacte vous engageant à ne pas diffuser les renseignements reçus au risque de
IB

vous exposer à des sanctions graves allant de la folie jusqu’à la mort.


-B

Parfois certains avant de vous informer cherchent à faire sur vous une enquête de
IA

moralité, de maturité, de discrétion pour être certains que vous ne ferez pas du Bo un usage
R

abusif mais judicieux, raisonnable et sage.


ES

Il faut retenir en fin de compte que malgré sa pratique courante, la connaissance


théorique du Bo est difficultueuse car beaucoup de gens ne veulent le soustraire de son
D
O

auréole de mystère, de mythe et de sacré. Peut-on sans vouloir faire de la propagande


C

confesser l’efficacité du Bo ? L’enseignement du Bo n’est jamais désintéressé, ni gratuit, il est


toujours engagé.
Nous devons rendre hommage aux sages qui ont cependant accepté de nous
renseigner, ces ‫״‬informateurs en pagne‫ ״‬qui ont compris que le savoir traditionnel doit se
transmettre. Si leur silence était d’or sous le contexte colonial, dans la situation actuelle où il
importe d’amener la nouvelle génération des intellectuels africains à sortir de la science
occidentale et de la culture occidentale, certains vieillards prennent conscience de la nécessité
de communiquer la parole reçue. Mais la vulgarisation d’une telle parole, d’un tel savoir, le
savoir du Bo, plonge d’emblée ces sages dans une véritable lutte avec eux-mêmes, tiraillés
qu’ils sont d’une part par le souci d’instruire cette jeune génération dans les mains desquelles
ces choses peuvent être détournées de leur finalité première, à savoir la recherche de la
cohésion et de la promotion du groupe et non de l’individu, et d’autre part par la crainte au
grand public des secrets hérités de l’Afrique traditionnelle, du Dahomey authentique ou du
Tchad mystique. C’est là la justification d’un étudiant Ngor d’une ethnie du nord du Tchad :
‫״‬Certains informateurs ont refusé catégoriquement de me livrer le secret de
quelques incantations en me traitant de fou et en me demandant si j’étais à leur
place, je ne ferais pas comme eux, car comment quelqu’un qui possèderait une
seule flèche pour se protéger contre d’éventuels ennemis accepterait-il de la
passer à un autre ? D’ailleurs les grandes incantations ne se prononcent pas en
l’air, ni à des gens vulgaires, car leur prononciation peut avoir des répercussions
graves sur des auditeurs non-avertis. ‫״‬

L’enquête sociologique nécessite d’autre part chez nous un investissement important


de moyens financiers, de dons et d’assistance de toutes sortes. Certains informateurs avant de
s’ouvrir à nous exigent de l’argent, du tabac, du sodabi, des médicaments, des habits, des
cadeaux de tous genres car ‫״‬Nusonu dé magni bawa akwè non ho vavu‫( ״‬il n’y a pas de sauce

E
U
à servir gratuitement car c’est l’argent qui achète le piment). Il nous est arrivé que le débat au

EQ
cours des enquêtes devient si enflammé, si passionné qu’il tourne en joûte d’incantations, en
injures, en menaces en malédictions, en imprécations et dégénère même en bagarre, et en

TH
coups de poings. Il faut en vérité, pour une bonne enquête, une certaine familiarité, une
O
certaine fréquentation, une certaine amitié, une certaine intimité, une certaine confiance pour
LI
arracher à l’informateur quelques bribes d’informations sur le Bo. La réticence de certains est
IB

due au fait que le Bo est considéré comme quelque chose de clandestin, de confidentiel,
-B

d’occulte et nécessite comme nous l’avons déjà signalé une initiation avant tout. L’initiation
en Afrique joue le même rôle que l’école chez le Blanc. Si Marc Tingo, le personnage central
IA

de l’Initié de Olympe Possy Beli Quenum a une maîtrise avancée du Bo, c’est parce que dès
R

son enfance il a été initié par son oncle Atchè. C’est reconnaître en d’autres termes que seule
ES

l’initiation peut permettre d’enquêter convenablement sur le Bo. Or la règle d’or de


l’initiation c’est l’observance scrupuleuse du secret à propos de ce que l’on a vu, entendu ou
D

appris, c’est pourquoi la connaissance théorique du Bo n’est pas chose facile, ni donnée à tout
O

venant, car la maitrise du Bo en matière d’incantation est d’abord maitrise de la langue. D’où
C

la difficulté linguistique pour notre travail.

C) Difficulté linguistique
La barrière linguistique s’est fait sentir lorsque parcourant les différents départements
du Bénin nous étions en quête du Bo. Au cours de nos pérégrinations nous avons donc
interrogé beaucoup de gens de coutumes et de mœurs différents des Fons des Batombu, des
Ditammari, des Fulbe, des Dendi, des Holli, des Yoruba, des Nagot, des Aizo dans le souci de
montrer que le Bo se pratique partout au Bénin. Nos enquêtes avaient de vingt à soixante ans
en général, quelques octogénaires égarés dans les faubourgs et très attachés à nos traditions,
beaucoup plus d’hommes que de femmes car le Bo est une affaire d’homme. Ignorant
certaines langues, nous n’avons pu bénéficier de riches informations sur le Bo. Par exemple
chez les Holli de l’Ouémé et chez les Aizo non loin de Calavi nous ne pouvions comprendre
leur idome et les interprètes avaient des difficultés pour traduire certaines expressions,
certains ingrédients qui font partie de la composition d’un Bo donné. Certains informateurs
préféraient garder l’anonymat. A Tindji nous avons rencontré un certain Koundidjètchéou très
réputé en Bo, un certain Adjahouinou Alexandre spécialiste des détournements de femmes qui
maitrisait à la perfection le fon et le français et qui n’avait pas de difficulté pour traduire les
choses avec le plus de détails pittoresques du terroir. Nous avons dû transcrire
phonétiquement certaines paroles pour pouvoir les prononcer correctement car une

E
incantation escamotée ne risque pas de donner l’effet escompté en Bo. Ici nous devons

U
encourager les gens à faire de la transcription phonétique s’ils veulent comprendre comment

EQ
le Bo, valeur traditionnelle, a pu s’insérer dans les structures sociales de notre pays et de ce

TH
fait le rôle fondamental qu’il joue dans nos sociétés.
La difficulté linguistique empêche de bien comprendre ce rôle fondamental et
O
constitue un handicap sérieux dans la connaissance du Bo, car chaque Bo a son nom, sa
LI

composition, son incantation dans une langue déterminée par la région. Comme le Bénin ne
IB

jouit pas d’une unité linguistique en-dhors du Français, il faut d’une ethnie à une autre, d’une
-B

région à une autre, une autre langue. L’unité linguistqiue est vraiment ressentie comme une
nécessité lorsque l’on sait que sans unité de langue, pas d’unité de culture et sans unité de
IA

langue pas d’unité de Bo non-plus. Le même Bo peut avoir des noms différents suivant les
R

régions. C’est la remarque la plus importante que nous ayons dégagée à propos des recherches
ES

de nos étudiants sous notre égide sur le Bo. Comme l’Université Nationale du Bénin compte
D

parmi ses étudiants des gens venus de tous les horizons du pays, comme le laissent entendre
O

les enquêtes de notre travail, nos informateurs étudiants nous ont beaucoup aidé dans la
C

maitrise des Bo grâce à l’approche linguistique qu’ils en font suivant ces régions, surtout
suivant les régions du Nord, du Borgou et de l’Atacora.

Cependant nous-même, nous avons eu des difficultés à puiser dans leurs informations
car la traduction française de leurs recherches n’arrive pas à livrer la connaissance qu’ils ont
effectivement acquise du Bo. Certains ‫״‬Gbésisa ou Bogbé‫( ״‬paroles efficientes qui
accompagnent le grigri) en dehors de leur milieu linguistique, perdent de leur efficacité et
même de leur poésie car dans d’autres langues, surtout le français, ils sont intraduisibles et
imcompréhensibles, il faut en effet les interpréter comme des murmures, des chuchotements
ou des onomatopées comme dans l’incantation du Ylo (porte-chance) suivante : ‫״‬didami,
zronmi non han do wassa wassa tonu an‫( ״‬charge-moi, décharge-moi ne manquent pas eu bord
de l’eau qui coule en faisant le bruit wassa, wassa, qui du point de vue onomatopée est une
imitation de l’écoulement de l’eau. Cette incantation correctement prononcée doit permettre à
la femme qui vend au marché de liquider très rapidement ces marchandises à un prix d’or
comme l’eau coule, coule paisible dans le ruisseau où abondent les femmes se bousculant
pour s’approvisionner en eau. Dans la traduction la richesse culturelle se perd en tant que
pureté linguistique. Les locuteurs de la même langue ont plus de facilité à communiquer, à
sympathiser, à s’inter-influencer lorsqu’ils s’expriment. Quand deux villageois rivalisent en
grigris, l’action terrible et immédiate des ‫״‬nunyi, des Gbésisa‫( ״‬paroles incantatoires) se
remarque dès que l’un arrive à arroser l’autre de ces paroles inaudibles ou à peine

E
perceptibles. Les vieux informateurs en pagne sont souvent très énervés quand ils nous voient

U
traduire en français ce qu’ils nous ont dit en fon, en mina, en dendi, en nago ou en yoruba car

EQ
nous manquons de fidélité dans nos versions, dans nos traductions. Si parfois grâce à

TH
l’écriture phonétique nous arrivons à transcrire les sons qui reproduisent fidèlement leurs
émissions de voix, nous manquons littéralement de ressources pour traduire en français les
O
éléments constitutifs des grigris car certains termes techniques du Bo deviennent
LI

intraduisibles d’une langue à l’autre.


IB

En effet dans le domaine ésotérique certaines langues sont plus considérées que
-B

d’autres, le grec plus que le français, le latin plus que le français, le yoruba plus que le nago,
le nago plus que le fon, le fon plus que le mina, etc. Parfois pour mieux retenir l’expression
IA

qui accompagne le Bo, pour bien en capter la signification ou la transcription pour pouvoir
R

bien la prononcer par la suite, nous sommes bien obligés de les interpréter en français, c’est là
ES

que nous ressentons plus lourd, le poids de notre aliénation linguistique.


D

C’est établir donc que pour avoir bien la maitrise d’un Bo pratique dans un domaine
O

donné d’une région donnée, il faut d’abord avoir la maîtrise de la langue régionale ou
C

ethique : un interprète est toujours mauvais traducteur et en définitive, un traître. C’est


pourquoi l’enquête sur le Bo devient de plus en plus intéressante et de plus en plus rentable
lorsque l’on communique directement avec l’informateur en pagne. L’informateur en pagne
se plaît à développer sa pensée par des images, des comparaisons, des proverbes, des
chansons qui infusent la connaissance par participation, par partage, par communication, par
contagion, par diffusion ou par irradiation. La connaissance surtout au niveau de la tradition
orale est une connaissance affective, beaucoup plus sentimentale que représentative. Le Bo
étant un infuseur de sentiments il est beaucuop plus diffusé par révélation linguistique.La
révélation linguistique nous délivre tout d’un coup le Bo dans son appellation générique, dans
ses ingrédients constitutifs et dans son usage pragmatique. Lorsque par exemple en fon on
nous parle de ‫״‬nuvenu‫״‬, nous saisissons immédiatement par la pensée ce que la nature rejette,
refuse ou nie catégoriquement et que nous ne pouvons traduire que par le principe de
l’incompatibilité ou par des rapprochements analogiques ou comparatifs comme : on ne peut
pas mettre du piment dans les narines, on ne peut mettre sous le même bocal un caméléon et
un scorpion. Le ‫״‬Nunyi‫״‬, le nom de la chose en fon, le nom ésotérique de la chose : ‫״‬kanlin é
du jéta‫״‬, l’animal qui a mangé du sel pour désigner l’homme, chose que tout ‫״‬boto‫( ״‬faiseur de
grigris) comprend spontanément de même que tout enfant grandi à la campagne alors que les
intellectuels occidentalisés sont loin de comprendre.
Souvent on fait piètre figure lorsqu’on se présente chez les paysans munis d’un

E
magnétophone, d’un carnet de notes et d’un bic. Ils trouvent suspects tous ceux qui se

U
présentent à eux avec un ‫״‬gbaviboun‫( ״‬petite boite) pour enregistrer leur voix. Ils pensent

EQ
qu’on vient les espionner et qu’on va les livrer aux autorités politiques comme réactionnaires,

TH
comme antirévolutionnaires car avec leur voix enregistrée, ils ne peuvent plus nier leur
déclaration. Dès lors pour les mettre en confiance, il faut qu’ils vous connaissent comme
O
parents, comme amis de leurs amis ou comme recommandés par quelqu’un de confiance.
LI

Pour cette raison on n’arrive pas à bénéficier des instruments modernes d’enquête, les
IB

enregistreurs, les cassettes, les magnétos, les vidéo-cassettes, les caméras, les appareils photos
-B

de telle sorte qu’il est très difficule de pratiquer avec eux une anthropologie visuelle.
L’anthropologie visuelle nous aurait été d’un grand secours heuristique si les paysans, nos
IA

informateurs en pagne, toléraient ces appareils indiscrets mais fiables. Il arrive même des fois
R

quand on photographie leur séance de Bo ou leur quelconque rituel, les clichés développés par
ES

la suite ne réussissaient pas car les officiants de ces séances n’avaient pas donné leur accord
D

auparavant. En effet les choses taboues, les choses de l’occultisme ne se laissent pas prendre
O

par les curieux indésirables. C’est dans cet esprit que les paysans ne supportent pas de voir
C

des carnets, des cahiers et des bics pour prendre des notes de ce qu’ils disent. Dans la culture
de tradition orale, il faut développer ses sens de la vision et de l’audition. Il faut avoir alors
une bonne mémoire pour retenir leurs informations. Rares sont les paysans qui savent lire et
écrire. Ceux-là autorisent à prendre des notes par écrit ou par enregistrement. Il est difficile de
retenir par simple écoûte les ingrédients d’un Bo, ses incantations, ses conditions d’efficience,
en un mot sa posologie. Lorsqu’on réécoute un enregistrement fait sous l’arbre à palabre on
découvre avec stupéfaction les informations contradictoires recueillies en si peu de temps.
Autour d’un pot de sodabi, les paysans à cinq, six ou dix se plaisent à livrer à qui mieux
mieux les secrets du Bo, transgressant ainsi les interdits du Bo.
Les moments privilégiés de nos enquêtes sont les temps passés au cours de
déplacements en taxi, en train, ou en bus, où les gens passent le trajet à déviser. Les
informations les meilleures sont celles que nous avons recueillies conversant avec les gens à
batons rompus, sans guide d’entretien, sans questionnaire, l’informateur en pagne non-
intrigué par un carnet de notes ou un magnétophone se livre à cœur-joie à celui qui s’intéresse
aux choses de sa culture, aux choses ‫״‬de chez nous‫ ״‬sans afficher un sondage d’opinion ni une
enquête directe ou semi-dirigée. Ici l’habitude de la fréquentation ou le hasard de la rencontre
est source d’information ou d’acquisition du Bo comme nous le verrons plus loin.

d) Difficultés inhérentes à la mentalité du Bo

E
D’ordinaire les praticiens du Bo, les boto, n’aiment pas se livrer à d’autres. Certains

U
n’ont pas voulu répondre à nos questions de peur de passer pour bophiles (amis du Bo) car

EQ
dans ce domaine personne n’aime se faire classer comme un initié. Dans ce genre de
recherche seuls les illétrés peuven,t nous donner de précieux renseignements. Il leur arrive des
moments de réticence. C’est ainsi qu’un octogénaire de Grand-Popo me déclarait ‫״‬Mon fils, tu

TH
es trop petit et trop inexpérimenté pour que je te donne des explications sur le Bo. Tu n’y
comprendrais rien. Seul celui qui pratique le Bo et l’expérimente peut me comprendre. C’est
une vérité.‫ ״‬Un autre d’une autre région me renvoya en ces termes : ‫״‬Vulgariser la
O
connaissance du Bo, c’est profaner sa puissance car le Bo n’est efficace que lorsqu’il est
LI

gardé jalousement dans le secret.‫ ״‬Effectivement, certains pratiquent le Bo sans savoir ce qu’il
IB

est. Leur poser des questions, c’est remuer leur inconscient dans la mesure où la pratique du
Bo fait partie de leur vie, comme des données immédiates de la conscience et comme
-B

coefficient de leur degré d’intégration à leur société. D’autres craignent qu’on atteigne leur
degré de savoir et qu’on n’ait plus recours à eux en cas de besoin. D’autres trouvent que nos
questions sont trop pertinentes et trop profondes et révèlent du domaine des grands, des
IA

connaisseurs, des experts, des sages car les jeunes de notre age, de notre condition, de notre
R

rang n’ont pas le droit de s’informer sur des sujets de ce genre, des sujets qu’on n’aborde pas
n’importe où, n’importe quand, ni n’importe comment.
ES

Lorsqu’on aborde un Boto, un faiseur de grigris, il vous considère comme un agent de


D

renseignements, un émissaire du gouvernement pour repérer et recenser les malfaiteurs, les


O

artisans du mal, les tueurs clandestins. C’est pourquoi l’idée de voir vulgariser les choses de
C

leur métier, de leur profession, les rend un peu susceptibles et même réservés. Les sages, les
vrais Boto ou les tradi-praticiens gardent jalousement leur savoir-faire dont ils peuvent faire
bénéficier leur fils préféré, ‫״‬so ka nu mi, so go nu mi‫( ״‬celui qui est toujours avec eux) et a le
monopole de leur affection et de leur confiance. Ils dédaignent de communiquer leur science
aux jeunes trop bouillants, trop passionnés, trop vindicatifs, incapables de pardon et toujours
prompts à la malveillance et à la vengeance. Le transfert du pouvoir se fait par confiance et
par faveur.
Le refus de vouloir communiquer est parfois signe de modestie, une attitude à ne pas
révéler ce qui est scellé. Le refus de collaborer sous forme d’informations implique que l’on
cache quelque chose, que l’on camoufle une vérité sociale, un fait social qui a des indices ou
que l’on ne veut pas passer pour tel ou tel, capable de ceci ou de cela. Ceci relève de la
mentalité noire du Bo et aussi de la méfiance quasi-culturelle du fon. Pour y remédier, il est
nécessaire d’établir des contacts.
L’établissement des contacts avec les gens susceptibles de nous éclairer sur le Bo s’est
avéré difficile par le fait que les contacts établis sous un intermédiaire bien connu de
l’intéressé sont qualifiés d’intrusion, de curiosité mal placée et entrainent par conséquent
un mutisme déguisé en des réponses évasives ou quelques mots vous éconduisent pour des
raisons qui n’en sont pas. Dans la plupart des cas, la difficulté principale est de trouver cet
intermédiaire. Les jeunes intellectuels sortis de l’école des Blancs sont la plupart
confrontés à ce genre de difficulté d’intermédiaire, de médiateur, de parrain pour être
initiés. L’initiation ouvre enfin grandes les portes de la science théorique et pratique du Bo.

E
Souvent à pied ou en taxi nous nous sommes entretenus avec des employés et des

U
employeurs, des chomeurs, des compressés, des déflatés, des dockers, des chauffeurs, des

EQ
maçons, des tailleurs, des écoliers, des élèves, des enseignants, des étudiants, des cadres, des
religieux, des prêtres, des évèques, des responsables de culte et culture, des historiens, des

TH
sociologues, des géographes, des archéologues, des guérisseurs, des chanteurs, des
O
marchands, des campagnards, des citadins, des apprentis et des maîtres de toutes conditions,
LI
de toutes régions, de toutes religions, de toutes idéologies et de toutes philosophies.
IB

Nous avons du intégrer les milieux concernés pour observer, écouter, créer, parfois des
-B

situations difficiles ou favorables à glaner des informations pendant les périodes de


réjouissance familiale, de vaccination publique, de récoltes, de grèves, de cérémonies
IA

traditionnelles, officielles, et religieuses. Notre jeune age a été un handicap sérieux pour notre
R

travail. Pour les vieux, le Bo sert de recours en cas de désordre, de déséquilibre des forces,
ES

des êtres-forces, en cas de sécheresse, de mort subite, d’épidémies, d’épizootie, d’échec de


techniques habituellement efficaces. Ils ont aussi recours au Bo pour ramener à l’ordre les
D

jeunes irrévérentieux, peu respectueux de la tradition, les jeunes arrogants, orgueilleux et mal
O

élevés. Les Bo punitifs qu’ils leur envoient ont une action très nocive que la psychologie
C

n’éprouve pas de difficulté pour explorer les réactions engendrées. La méthode psychologique
va nous aider à analyser les données recueillies sur le terrain.

e) La méthode psychologique dans l’Anthropologie du Bo


Le Bo anime un champ psychologique. Le champ psychologique est le champ des
intéractions entre l’organisme et son milieu et la psychologie a pour objet l’étude de ces
intéractions. L’équilibre instable du champ psychologique permet de ranger sous la rubrique
‫״‬situations‫״‬, les perturbations de cet équilibre qui proviennent du milieu ou mieux de
l’entourage et de définir comme ‫״‬conduites‫ ״‬les changements du champ psychologique,
heureux ou malheureux qui proviennent de l’individu. Ces changements du champ
psychologique sont multiples.
Progressifs ou soudains, passagers ou durables, les changements de l’entourage que
l’on appelle situations, événements, stimuli ne sont pas indépendants de l’individu ou ne
peuvent le devenir que par les artifices d’une expérimentation minutieuse, s’attachant à
maintenir constantes toutes les variables, sauf une, la variable indépendante, qui désigne le
facteur que l’on voudrait faire seul varier.
Si le champ psychologique est considéré comme une totalité, isolée par abstraction du
reste du monde, l’être vivant est lui aussi considéré comme une totalité lorsque par
abstraction, certaines modifications viennent au premier plan, font figure alors que d’autres
modifications ou l’absence de modifications leur constituent un fond. L’émotion suscitée par

E
le Bo ne va pas sans un bouleversement corporel et c’est ce bouleversement qui donne son

U
sérieux à l’émotion, comme le dit Jean-Paul Sartre. Si l’émotion reste silencieuse, étouffée,

EQ
retenue, elle se révèle ailleurs par un déplacement, plus tard un ‫״‬after-effect‫״‬, une explosion
retardée ou bien encore par des affections corporelles auxquelles se prète la symbolique du

TH
corps et de ses organes, comme dans l’hystérie, voire sans jalons symboliques comme dans
O
les affections dont la pathogénie psychologique, somatique, se révèle par l’absence de tout
LI
constat biologique et l’évidence d’un conflit psychologique.
IB

La vie mentale elle-même, derrière sa façade d’indépendance et sa perpétuelle


mobilité, repose sur des structures biologiques extra-conscientes et sur des structures
-B

acquises, préconscientes et inconscientes. Loin de nous de méconnaitre le rôle éminent,


relativement libre et mobile de la conscience dans la structuration du champ psychologique,
sa destructuration et sa restructuration. Mais une grande partie des opérations mentales nous
IA

échappe, notre tendance efficace de n’en saisir que des jalons et les termes subsconscient,
R

inconscient, subception ; autant de termes qui témoignent que l’étude de la vie mentale et du
développement mental ne peut se limiter à ce qui est conscient. Ceci complique l’approche
ES

psychologique du Bo.
Les changements purement matériels que l’être vivant accomplit dans l’entourage sont
D

aussi sujets à caution. Ce que nous appelons tendances fondamentales, besoins fondamentaux
O

ne se pose que dans un entourage ou pour l’être humain au moins dans un entourage social.
C

La prématurité de l’être humain dépourvu à la phase post-anale de la plupart des moyens de


perception et d’exécution se mue d’emblée en fait psycho-sociologique, la dépendance par
rapport à l’entourage humain qui prend soin du nouveau-né et prend soin de sa survie. La
plupart des objets qui nous entourent sont des techjniques, pour les untiliser, il faut des
techniques du corps. Et si l’on peut inventer de nouvelles techniques, les techniques sont aussi
et surtout des connaissances qui se transmettent. Voilà donc que l’action sur les objets
matériels nous transporte dans le domaine de la communication et du symbole. Un geste
accompli, un geste non-accompli, un silence, un verre d’eau fraîche sur une table peuvent en
dire plus long qu’un discours. Mais le langage et la parole introduisent encore mieux à
l’interpsychologie, le terme que l’essor de la psychologie sociale ne devrait pas laisser fixé à
une doctrine particulière, périmée peut-être, mais sans intérêt historique. La parole choisit
dans la pensée, mais elle laisse aussi passer ce qui se dit sans avoir été clairement pensé ; à
l’interlocuteur, elle transmet quelque chose comme un modèle verbal de la pensée, non sans
se guider sur la pensée prêtée à l’interlocuteur, celui qui parle attend ou n’attend pas une
réponse : parler et être parlé alternent souvent. La communication par la parole offre ainsi à la
psychologie sociale un modèle facile à saisir ; du système des statuts et des rôles propres à
toute société, on peut se demander s’il n’est pas un langage. Et il s’agit bien là d’actions
symboliques dans lesquelles nous cherchons à modifier une partie très importante de notre
entourage : ce que sentent et ce que pensent les autres. Ainsi en est-il des cérémonies et des
rites qui véhiculent le sacré et le magique, rites toujours vivants parmi nous. Nos aspirations
rationalistes n’ont pas détruit les mythes, des mythes vivent encore, des mythes naissent et
renaissent et font l’objet de la sociologie.
Le Bo est à être exploité par toutes les disciplines psychologiques, de la psychologie
physiologique à la psychologie sociale. La diversité des domaines que la pratique du Bo force
bien à distinguer n’empêche pas la reconnaissance de leurs chevauchements. En effet les
psychologies frappent par leur multiplicité, qu’on envisage leur objet, leur méthode ou leur
doctrine. Cependant, la perspective n’est plus tout-à-fait la même : certaines idées ont fait leur
chemin ; des découvertes qui paraissent liées à l’emploi de telles méthodes, qui ont été

E
reprises, confirmées, enrichies avec d’autres méthodes, on a reconnu la parenté ou l’identité
de vues ou de résultats que masquait la différence de langage. Grosso modo, on peut

U
distinguer deux tendances dominantes : naturalisme et humanisme psychologiques à la suite

EQ
de Wallon et de Muller-Freinfels, 1931.
1. Naturalisme et humanisme conçoivent la psychologie, mieux les faits psychologiques, de

TH
façon différente. Le naturalisme tend à éliminer la conscience et à traiter les faits
psychologiques comme des choses ; ‫״‬ce chosisme‫ ״‬trouve sa forme la plus radicale et la plus
O
LI
cohérente dans le béhaviorisme watsonien. Pour Watson, la psychologie doit s’appuyer
IB

uniquement sur l’observation du comportement extérieur en éliminant l’introspection et sans


-B

tenir compte de la conscience, l’objet de la psychologie est la conduite dans ce qu’elle a


d’extérieur et de matériel. Dans ce sens Paul Guillaume précise :
‫״‬Le comportement d’un être vivant est l’ensemble de ses réactions accessibles à
IA

un observateur extérieur. Il s’agit donc de faits physiques ; tous les procédés


R

usuels d’enregistrement et de mesure leur sont donc applicables, en principe


ES

avec la même précision et les mêmes contrôles qu’à des faits quelconques.
L’étude psychologique de ce comportement consiste à le rattacher à la situation
dans laquelle il se produit. Le terme de situation s’applique lui aussi à des
D

conditions physiques observables du dehors avec la même rigueur et la même


O

précision scientifique. ‫״‬


C

L’humanisme le plus traditionnel conçoit que les faits psychologiques sont des
‫״‬consciences‫( ״‬Sartre, 1940), des ‫״‬expériences vécues‫( ״‬W. Stern, 1935) ou des ‫״‬expressions‫״‬
(Karl Jaspers, 1933, D. Lagache, 1941) dans lesquelles on lit les expériences vécues par
autrui, la psychologie humaniste est centrée non pas sur la conduite observée mais sur
l’existence vécue.
2. Naturalisme et humanisme s’affrontent en ce qui concerne la relation entre le tout et
les parties. Ici dans le domaine du Bo, c’est le naturalisme qui est du côté de la tradition en
posant l’antériorité des éléments et des lois élémentaires, par exemple le réflexe conditionnel
est considéré par beaucoup comme une conduite simple et élémentaire ; l’habitude (Tilquin,
1942). Selon la tendance humaniste, le tout est antérieur aux parties et ne saurait être
récompensé à partir de ses éléments : tout fait psychologique ne peut être qu’artificiellement
isolé de l’ensemble des relations de l’organisme et du milieu ou en style humaniste, de la
personne et du monde, la personnalité est une totalité manifestant une activité complexe qu’il
faut étudier pour comprendre la vie psychique, le problème du caractère est capital.
3. Du point de vue intelligible des faits psychologiques, les psychologies naturalistes
construisent des lois analogues aux lois de la nature autant que possible dans des relations
quantitatives permettant d’expliquer les phénomènes, c’est-à-dire de les réduire à des
composantes plus simples en nombre limité, dont les caractéristiques essentielles s’expriment
par une courbe, comme par exemple les lois de l’apprentissage. La psychologie humaniste
s’appuie non sur des lois mais sur des types idéaux ou des relations idéales, synthèses limitées

E
servant à comprendre plus qu’à expliquer, l’étude du caractère réclame une méthode non pas

U
par statistique mais qualitative, intuitive, artistique, elle ne peut se désintéresser des formes

EQ
corporelles dans lesquelles s’exprime la vie.

TH
4. Naturalisme et humanisme s’opposent encore par leur façon de concevoir le substrat
de la vie psychique. S’en tenant aux données matérielles objectivement observables, le
O
naturalisme n’admet d’autre substrat qu’organique. L’humanisme donne au contraire une
LI

grande importance à l’exploration des couches profondes du psychisme, à l’inconscient, à la


IB

psychologie en profondeur.
-B

5. Naturalisme et humanisme divergent enfin dans leur position par rapport à la finalité
et aux valeurs. Tandis que la psychologie naturaliste rejette la finalité et les valeurs en raison
IA

de leurs imports subjectifs, la psychologie humaniste souligne leur importance, la psychologie


R

doit être fonctionnelle. L’adaptation est le problème fondamental du Bo, de la biologie et de


ES

la psychologie, le monde de l’être vivant est toujours un monde de valeurs.


D

Si chacune de ces cinq propositions est en elle-même significative et vraie, on


trouverait cependant avec peine une école qui se range sous la bannière du naturalisme et de
O

l’humanisme ainsi caractérisés qui en accepte sans exception les principes fondamentaux.
C

Dans le groupe des psychologies naturalistes, on peut ranger les successeurs de


WUNDT en Allemagne et à l’étranger de ROBOT en France. Mais l’école de Wurzburg a
travaillé avec l’introspection expérimentale ; la ‫״‬gestaltpsychologie‫״‬, ou psychologie de la
forme considère les totalités structurées comme primitives en soulignant le caractère unitaire
des fonctions mentales par opposition à l’atomisme psychologique, le béhaviorisme en
adoptant le postulat fonctinaliste, c’est-à-dire l’idée que toute conduite a pour sens la
réduction d’une tension, fait une concession importante à la téléologie, la réflexologie seule
adhérant peut-être à tous les artiels, la loi de l’effet et la nécessité du renforcement pour la
formation et la persistance des réactions conditionnelles constituent peut-être une infidélité à
une orthodoxie strictement mécaniste, encore s’est-on ingénié à libérer la réaction
conditionnelle et la servitude.
Du côté de l’humanisme la situation n’est pas meilleure. Phénoménologie, psychologie
compréhensive, personnalisme, psychanalyse représentent à beaucoup d’égards des positions
humanistes, mais la phénoménologie est hostile à la notion d’inconscient ou la rejette
formellement (Sartre, 1939) et la psychanalyse est entachée de fortes tendances naturalistes
(H. Hartmann, 1927).
Ainsi la confusion a diminué mais n’a pas disparu, la rigueur des oppositions est
compromise par le chevauchement des écoles et des doctrines. A la vérité le naturalisme et
l’humanisme eux-mêmes n’impliquent qu’une attitude générale et se montrent des concepts
mouvants dès qu’on prétend leur assigner des positions spécifiques.
Le choix entre le naturalisme et l’humanisme peut ne procéder que de motivations
personnelles. Leur opposition rappelle d’autres oppositions traditionnelles, esprit de
géométrie et esprit de finesse, esprit abstrait et esprit concret, esprit analytique et esprit
synthétique. Plus profondément, le choix entre l’humanisme et le naturalisme répond à des
besoins affectifs et une tentative de solutions de problèmes personnels. Et si vraiment
l’orientation humaniste ou naturaliste n’était qu’une question de personne, on ne voit pas

E
comment on se soustrait de cette opposition autrement que par une psychanalyse de la

U
psychologie et des psychologues.

EQ
Mais il n’est pas exclu qu’il s’agisse d’une question réelle et qu’il soit par conséquent
possible de déterminer, par les faits, qui a raison, qui a tort. SsOr les propositions des deux
groupes, tout en s’opposant dans une même époque n’ont pas le même âge en général, à

TH
l’exception de la conduite qui a été récemment opposée à la conscience (Watson, 1979), les
propositions de la série humaniste représentent une réaction par rapport aux propositions de la
O
série naturaliste : le principe de la totalité s’oppose à l’atomisme psychologique, le
LI
fonctionnalisme au mécanisme. Certes l’histoire des idées fournirait encore des arguments
pour établir que cette réaction est une régression, un retour offensif de l’animisme. Mais on
IB

peut le présenter comme un tatonnement, comme un essai d’accommodation à la réalité dont


-B

on avait une vision entachée de réalisme intellectuel et de logicisme selon une profonde
remarque de Jaspers, dont on avait tenté, sur le modèle des sciences de la nature, une
schématisation trop simplifiée. Dès lors il faut admettre que l’on n’a pas affaire à des
IA

positions irréductibles, et que le heurt des principes, les chevauchements entre naturalisme et
humanisme correspondent à un moment de l’histoire des idées, à un mouvement dialectique
R

qui n’est autre que l’effort collectif des savants dans la recherche de la vérité.
ES

C’est ainsi que la conception strictement chosiste du comportement a évolué :


‫״‬moléculaire‫ ״‬chez WATSON, elle devient ‫״‬molaire‫ ״‬avec KANTOR et TOLIMAN en même
D

temps qu’elle lui reconnaît des significations au point de vue biologique, de nier que
O

l’apparition de la conscience peut plus que prendre sa place dans l’ensemble des données de la
psychologie.
C

Le principe de totalité tend à devenir une catégorie de toute psychologie et cette


préoccupation de l’ensemble est commune à la psychologie et au mouvement général des
idées et de la science. En quelque langage que l’on l’exprime, il faut reconnaître qu’une
explication qui s’efforce de suivre les conduites dans toutes leurs sinuosités doit faire face à
des motivations et à des médiations en grande partie ignorées des agents de ces conduites.
L’idée que le monde de l’être vivant est un monde de valeurs n’est pas le propre d’une
psychologie anthropomorphique. La meilleure psychologie expérimentale doit reconnaître la
relativité d’un stimulus, sa mesure physique n’en constitue pas une appréciation objective,
puisque son intensité et son efficacité sont solidaires de la structure de l’organisme en cause et
de son état présent, à fortiori, à un échelon de complexité plus élevé, vivre une situation n’est
pas en prendre une connaissance objective et sèche, c’est déjà y réagir, au moins par une
attitude.
Ainsi, sur le plan des idées, il y a de fortes raisons de penser que le psychologue se
trouve dans une situation ouverte dans un conflit en voie de dépassement, et non pas dans une
situation fermée, comme ce serait le cas si le choix entre naturalisme et humanisme n’était
qu’une réponse procédant de besoins subjectifs et de préférence personnelle.
L’unité de la psychologie se trouve dans la psychologie comparative et permet
d’intégrer la psychologie aux autres sciences. La comparaison avec les animaux permet de
mieux comprendre les hommes. ‫״‬Inséré dans l’immense perspective du monde animal,
l’homme y deviendra sans doute plus intelligible, nous comprendrons mieux, et sa parenté
avec les êtres inférieurs et sa vraie supériorité‫( ״‬P. Guillaume, 1940). Le recours aux animaux
permet l’emploi extensif des méthodes expérimentales, introduisant ainsi en psychologie une
rigueur comparable à celle des sciences de la nature.
Les limitations de la méthode expérimentale et comparative sont déterminées par la
difficulté de traiter expérimentalement les conduites humaines. La conduite d’êtres humains
peut servir d’objet et de moyen à des recherches expérimentales. Il est une multitude de

E
techniques qui permettent d’étudier chez l’homme des segments limités de la conduite dans

U
les conditions comparables à celles de la recherche expérimentale sur l’animal. C’est ainsi que
la courbe d’apprentissage d’un labyrinthe par un rat ou de syllabes dépourvues de sens par un

EQ
homme.
Les lois de la conduite expérimentale démontrées peuvent alors être appliquées à une

TH
interprétation théorique et indirecte de la conduite humaine concrète. Mais l’étude
expérimentale directe de cette conduite humaine concrète est beaucoup plus laborieuse, car il
O
s’agit de situations qui ne peuvent que difficilement ou pas du tout être créée et contrôlées
LI
artificiellement pour des raisons d’ordre moral ou techinque, la psychologie de la jalousie
amoureuse, du crime passionnel, du suicide a peu à attendre de l’expérimentation. On a donc
IB

pensé, et beaucoup pensent encore, que cette vie de l’homme dans le monde est le domaine de
la littérature ; et en effet, pendant longtemps la psychologie de la conduite humaine est restée
-B

tributaire de la littérature. Il est toujours vrai qu’une formation psychologique complète se


conçoit mal sans une connaissance étendue des grandes œuvres de la littérature, parce que
précisément la conduite humaine y est décrite dans son aspect ou ‫״‬molaire.‫ ״‬Mais cependant
IA

la relation de la littérature et de la psychologie s’est inversée, la littérature est devenue


R

tributaire de la psychologie, renouvelant ainsi sa fonction d’instrument de culture


ES

psychologique et humaine. Cette psychologie scientifique de la conduite humaine concrète


reste le domaine de la psychologie clinique.
D

Malgré sa résonance médicale, la psychologie clinique comme terme ne veut pas dire
O

psychologie pathologique bien que la psychologie clinique prétende embrasser dans un même
C

ensemble les conduites adaptées et les désordres de la conduite. L’humanité de la conduite,


humanité de l’objet la spécifie moins que l’attitude méthodologique ; envisager la conduite
dans sa perspective propre, relever aussi fidèlement que possible les manières d’être et de
réagir d’un être humain concret et complet aux prises avec une situation, chercher à en établir
le sens, la structure et la genèse, déceler les conflits qui la motivent et les démarches qui
tendent à résoudre ces conflits, tel est le programme de la psychologie clinique. La différence
entre l’attitude expérimentale et l’attitude clinique peut être formulée ainsi. L’expérimentation
crée une situation et en contrôle artificiellement tous les facteurs en ne modifiant qu’un
facteur à la fois, de manière à étudier les variations relatives des réponses en faisant
abstraction de l’ensemble ; ‫״‬toutes choses égales d’ailleurs‫ ״‬est une restriction typique des
formulations expérimentales. Le clinicien ne pouvant ni créer, ni surtout contrôler la situation
de manière à faire abstraction d’une partie des conditions, d’où la recherche d’une explication
exhaustive. L’expérimentaliste et le clinicien s’y prennent de deux manières différentes pour
atteindre le même but : contrôler les conditions de la conduite, le premier en mettant hors du
jeu l’ensemble des conditions, et en manipulant une variable indépendante ; le second en
reconstituant l’ensemble des conditions, et l’on conçoit que la première attitude puisse
conduire à une psychologie à tendance atomistique ou moléculaire, la seconde à une
psychologie totalisante ou molaire, l’une à des relations universelles, et en ce sens
intemporelles, l’autre à l’histoire d’un cas.

E
La psychopathologie a été et reste pour la psychologie clinique la meilleure des écoles

U
au point de vue technique comme au point de vue théorique. Par l’étude des ‫״‬cas‫״‬, la

EQ
psychologie apprend à aborder les êtres humains, à les faire s’exprimer, à se représenter leur
vie et leur conduite, à la faveur de l’observation et de l’‫״‬interprétation compréhensive‫ ״‬des
comportements considérés comme significatifs et expressifs. La psychologie trouve encore

TH
dans l’étude des cas un contact direct avec les problèmes humains ; ce qui l’intéresse ce n’est
pas la pathologie mentale, la ‫״‬nosographie‫ ״‬classique, ce n’est même pas l’exploitation
O
psychologique du désordre mental comme l’entendrait l’ancienne psychologie pathologique
des maladies de la mémoire, du langage ou de la personnalité ; c’est l’être humain en tant
LI

qu’il est porteur d’un problème et d’un problème mal résolu. C’est là en effet une image de la
IB

vie humaine ou plutôt de la vie en général, la vie est une succession de conflits, d’essais et
d’erreurs, de désadaptations et de réadaptations, le problème central de la psychologie et de la
-B

biologie, c’est l’adaptation, c’est-à-dire le conflit et la résolution du conflit, l’animal carencé


qui apprend à corriger ses troubles par un régime approprié résout un conflit (Richier, 1947).
Perversité, criminalité, névrose, psychose fonctionnelle sont en même temps que des conflits
IA

manifestes des tentatives défectueuses de solution d’un conflit lent. On ne peut séparer l’étude
R

des conduites adaptées de celle des désordres de la conduite. Cet envisagement dynamique de
la conduite et de ses troubles procède directement de la psychanalyse se différencie-t-elle de
ES

la technique clinique autrement que par une technicité plus poussée et plus consciente d’elle-
même ? Non seulement elle a considérablement enrichi la connaissance psychologique des
D

conduites pathologiques, mais les découvertes relatives à l’exploration psychanalytique elle-


O

même, transfert, résistance, abréaction 15 ont une influence décisive sur l’évolution des
théories de la conduite.
C

L’esprit clinique joue l’essentiel : pas de meilleur garde-fou contre l’académisme


analytique, c’est-à-dire contre la tendance à plaquer sur la conduite de l’analyse les clichés
complexuels et à substituer au drame concret un conflit d’entités abstraites. C’est
l’observation clinique du patient qui suggère l’hypothèse et en permet la vérification. C’est la
clinique de la conduite qui pose les indications de la cure, qui en contrôle les progrès et qui
diagnostique la guérison.

15
Le ‫״‬transfert ‫ ״‬en psychanalyse est essentiellement le déplacement d’une conduite émotionnelle par rapport à
un objet infantile, spécialement le psychanalyste en cours de traitement. Les résistances ou réactions de défense
sont tout ce qui interfère avec la liberté des associations des idées du patient et le progrès de l’analyse.
L’abreaction est l’expression d’une émotion en rapport avec un conflit jusque-là refoulé, mais restauré à la
La psychologie ainsi perçue dans ses différentes ramifications, dans ses différentes
nuances et dans ses diverses portées va nous éclairer sur le Bo sous une lumière plus vive et
plus éclairante pour en saisir l’action dialectique. A cet égard, le recours à la dialectique
permettra de trancher entre l’approche naturaliste et l’approche humaniste du Bo. Plus nous
serons porté à voir dans le Bo une résultante du conflit créé entre l’homme et son
environnement naturel, nous y percevrons un fait dénué de conscience qui se manifeste par
des troubles de comportement observables de l’extérieur sur l’individu atteint du Bo, au
contraire nous y découvrirons un fait humain conscient que cachent en les révélant les
troubles de comportement observés et observables dans l’effort que fait l’individu pour mieux
s’adapter à son milieu humain.

E
U
f) BO ET DIALECTIQUE

EQ
L’exploitation de l’ANTHROPOLOGIE DU BO a besoin de la contribution

TH
pédagogique de la dialectique. Celle-ci en tant que méthode et mouvement réel, rélève de
l’existence humaine et partant sociale. Les rapports entre ces deux aspects étant eux-mêmes
O
dialectiques, demandent à être dialectisés : la réalité humaine requiert à tout instant la
LI

dialectique. Sous ce point de vue, soutenir que l’Anthropologie a, plus que toute autre science,
IB

besoin de la dialectique, ne signifie nullement qu’on subisse la moindre tentative de ramener


-B

l’Anthropologie à la philosophie. La dialectique en tant que méthode ne prend tout son sens
que considérée comme une épuration probable, une rude épreuve à toute science, à toute
IA

philosophie. Son étymologie le confirme : dia veut dire ‫״‬à travers‫״‬, la ‫״‬voie vers.‫ ״‬La voie vers
R

quoi ? Vers des expériences toujours renouvelées et qui ne se laissent enfermer dans aucun
ES

cadre rendu opératoire. En tant que mouvement réel, la dialectique est le mouvement des
D

Nous, des groupes, des classes, des sociétés, de leurs œuvres de civilisation et de leurs
O

structures, enfin de leurs participants, mouvement qui rencontre sans cesse des difficultés
C

nouvelles et imprévisibles. La dialectique ne peut servir à défendre aucune position à priori. Il


s’agit de dédogmatiser l’Anthropologie par la dialectique et non pas d’imposer à l’avance à
l’anthropologie par la dialectique, une quelconque orientation en présupposant connu
indépendamment du recours à l’expérience et aux enquêtes sur le terrain ce grand X qu’est le
Bo, une réalité éminemment sociale.
La dialectique telle que nous l’entendons n’a rien à voir avec la méthode dialectique
de Marx, ni avec la philosophie de Hegel, fondée sur un spiritualisme théologico-mythique. Si
nous privilégions la dialectique pour l’étude du Bo, ce n’est pas pour des raisons que l’on

faveur de la psychanalyse dans l’expression vécue du patient.


trouverait implicitement chez Hegel et chez Marx qui enracinent la dialectique dans une
philosophie dogmatique de l’histoire, qui est la pire ennemie de l’Anthropologie aussi bien
que du savoir historique. Cette philosophie de l’histoire consiste, en effet, en la croyance que
la dialectique est appelée à réconcilier l’humanité avec elle-même par l’intermédiaire de
l’histoire transformée en théodicée. En aucun cas l’Anthropologie ne peut avoir recours à une
telle conception de la dialectique.
C’est pourquoi nous nous référons au dictionnaire philosophique de M. André Lalande
pour rappeler que la dialectique en tant que terme a reçu des acceptions si diverses que ce
terme ne peut être utilement employé qu’en indiquant avec précision dans quel sens il est pris.
Pour nous, la dialectique ne doit pas être entendue au sens ancien des sophistes qui remanient

E
la dialectique comme la réthorique, ‫״‬l’art de discuter subtilement et habilement de toutes

U
choses‫ ״‬ou ‫״‬l’art de parler de tout et de rien‫״‬, ou ‫״‬l’art de la discussion stérile propre aux

EQ
scolastiques. Ce sens non heuristique est condamné par Descartes lorsqu’il écrivait : ‫״‬Les

TH
dialecticiens pensent gouverner la raison humaine en lui prescrivant certaines formes de
raisonnement.‫ ״‬Il est de la dialectique comme il est de la rhétorique ou de la poétique ; à les
O
apprendre : ‫״‬on perd plus qu’on ne gagne‫ ״‬car en les appliquant on finit par douter de soi-
LI

même – alors que la force ne s’apprend pas, mais s’affirme dans l’existence. La dialectique
IB

pour nous donne accès avers ce qui est caché, ce qui est difficilement saisissable, pour
-B

renouveler expérience et expérimentation. La dialectique nous aide à comprendre que le Bo


pour sa connaissance nécessite sans fin expérience et expérimentation. C’est ici qu’il faut
IA

reconnaître que la dialectique en Anthropologie n’est ni un art de discuter et de tromper, ni un


R

moyen de faire l’apologie de positions philosophiques préconçues dénommées rationalisme,


ES

idéalisme, criticisme, spiritualisme, matérialisme, phénoménologie, existentialisme. Il s’agit


D

au vrai d’une dialectique expérimentale et relativiste recourant à la spéculation pour mieux


O

adapter la connaissance du Bo aux profondeurs du réel.


C

Etant une réalité humaine, le Bo a effectivement besoin de la dialectique pour être bien
étudié. La dialectique embrasse la condition humaine, la société, les classes, les groupes, les
Nous et leurs œuvres de civilisation dans toute leur plénitude. Le Bo faisant appel à
l’affectivité, à la volonté, à la créativité individuelle et collective, plus pratiquement à la
praxis, la vie sociale, ses œuvres et ses structures, bref, la réalité historique est sans aucun
doute une réalité effectivement dialectique. C’est ici que la dialectique de Marx et Proudhon
(malgré leur liaison avec les philosophies préconçues) mais aussi la dialectique des
existentialistes modernes donnent plus de satisfaction. Au début, la dialectique des
existentialistes partait de l’identification de cette dernière avec le domaine de la conscience.
Elle évitait toutefois l’identification de cette dernière avec la subjectivité individuelle et
prenait parfois en considération l’expression de l’humain et du conscient dans le travail de la
culture. Elle s’est élargie ensuite à la dialectique des ensembles pratique du mouvement
propre à la réalité sociale et son intensification à la dialectique des ensembles pratiques du
mouvement propre à la réalité sociale et son intensification à la réalité historique.
Rappelons à propos de la dialectique existentialiste qu’elle a connu à ses débuts trois
sortes de difficultés :
1- La réduction de la dialectique à la conscience omettait le fait que la conscience dans
ses rapports avec la réalité aussi bien que dans ses manières de se saisir demande elle-
même à être dialectisée ;
2- L’existence humaine était comprise uniquement comme existence individuelle ;
3- Celle-ci, conçue a priori comme ambiguité, désespoir, angoisse, nausée, subordonnait
la dialectique à une préconception philosophique acceptée d’avance. Aussi dans ses
premières démarches, la dialectique existentialiste courait le risque d’être
domestiquée, asservie comme tant d’autres interprétations de la dialectique (cette fois-

E
ci à un individualisme pessimiste).

U
Après toutes ces remarques, il faut entendre la dialectique au sens où l’entend

EQ
Gurvitch : ‫״‬un feu purificateur, une ordonalie préparant la voie aussi bien aux sciences qu’à la
philosophie.‫ ״‬En tant que mouvement réel, la dialectique n’est propre qu’à la réalité sociale et

TH
plus largement à la réalité humaine qui dans leurs efforts et leurs luttes se trouvent placées
O
devant de nouveaux obstacles.
LI

La dialectique comme méthode combat à la fois le scepticisme (combien de gens sont


IB

sceptiques devant le bo !) et le dogmatisme (que de gens se montrent dogmatiques devant leur


-B

assurance du bo !), elle les renvoie dos à dos en montrant combien la vérité et la réalité du Bo
sont complexes, sinueuses, flexibles, combien d’efforts sont nécessaires pour ne point les
IA

trahir.
R

La dialectique est d’une part la manifestation, d’autre part la mise en relief des
ES

tensions, des oppositions, des conflits, des luttes, des contraires et des contradictions. La
dialectique est la mise en relief du fait que des éléments du même ensemble se conditionnent
D

réciproquement, la plupart des manifestations conflictuelles peuvent aussi bien se


compénétrer, s’interpréter à différents degrés que se combattre avec plus ou moins
O

d’efficacité.
C

En tant que mouvement du réel, la dialectique est la voie prise par les totalités
humaines en premier lieu sociales et historiques en train de se faire et de se défaire dans
l’engendrement réciproque de leurs ensembles et de leurs parties, de leurs actes et de leurs
œuvres, ainsi que dans la lutte que mènent ces totalités contre les obstacles internes et
externes qu’elles rencontrent sur leur chemin. En tant que méthode, la dialectique est avant
tout la manière de connaître adéquatement le mouvement des totalités sociales, réelles et
historiques.
Enfin le troisième aspect de la dialectique est le rapport qui s’établit entre l’objet
construit par une science, la méthode employée entre l’être et le réel. Or l’intervention de
cette dialectique est particulièrement intense en Anthropologie et plus généralement dans les
sciences de l’homme en raison du fait que les totalités réelles étudiées sont pénétrées par de
multiples significations humaines et incluent le conscient et plus largement le psychique
collectif aussi bien qu’individuel. Tout ceci conduit au caractère engagé des sciences de
l’homme à leurs valorisations conscientes et inconscientes contre lesquelles la dialectique
prise sous son troisième aspect est seule capable de lutter avec efficacité.
Toute réalité connue, saisie ou agie est déjà dialectisée par le fait même de
l’intervention de l’humain collectif et individuel. Cet humain qu’il se manifeste dans le
mouvement de la réalité sociale, dans la méthode pour l’étudier, dans l’expérience, dans la
pratique, dans l’effort, dans l’action, etc., dialectique tout ce à quoi il touche, y compris les
soi-disant milieux (naturel, technique, culturel) qui entourent l’homme et la société qui sont à
la fois ses produits et ses producteurs.
L’ensemble des aspects de la dialectique peut se définir comme la voie prise par
l’humain en marche pour combattre les obstacles que les totalités réelles mouvantes

E
rencontrent sur leur chemin ainsi que pour les saisir et les connaître, y compris à côté de la
réalité sociale, les ensembles conceptuels ou réels qui portent de près ou de loin son

U
empreinte.

EQ
D’une façon générale le Bo est le domaine privilégié de l’ambiguité et de
l’ambivalence. Il demande donc pour être étudié l’approche du procédé dialectique

TH
correspondant. L’Anthropologie a bien besoin de ce procédé opératoire à côté de tous les
O
autres. Le fait même qu’elle demande l’application conjointe de tous les autres procédés
LI

développés signale qu’elle travaille dans un domaine plein d’ambiguité.


IB

En effet, être liés et demeurer dans une certaine mesure irréductibles, mieux
-B

s’interpénétrer, fusionner partiellement sans s’identifier, participer aux mêmes totalités et se


combattre, se révéler souvent à la fois amis et ennemis, centres simultanés d’attraction et de
IA

répulsion, foyers de réconfort et de menace, ce qui est le sort de l’homme vivant en société
R

des Nous, des groupes, des sociétés entières n’est-ce pas se mouvoir dans la sphère de la
ES

complémentarité par conspiration, dans celle de l’ambiguité qui s’exaspère facilement en


ambivalence ?
D
O

Le rapport entre le spontané (lié aux phénomènes sociaux totaux), les structures et ces
appareils organisés renforce cette situation lorsqu’on suit jusqu’au bout ses sinuosités. tantôt
C

en retard, tantôt en avance à l’égard des phénomènes sociaux totaux qu’elles sont parfois
appelées à promouvoir, les structures dans la vie sociale se trouvent souvent en rapports
d’ambivalence dialectique aussi bien envers le spontané qu’envers l’organisé. Elles servent
autant de points de repères que d’obstacles aux mouvements de flux et de reflux des
phénomènes sociaux totaux. En même temps que les appareils organisés ne s’identifient
jamais avec des structures et se révèlent dans la plupart des cas plus pesants qu’elles, les
structures sociales cherchent à profiter de la tension entre l’organisé et le spontané pour
maitriser ces contraires (qui parfois tendent à se compenser) Pour les soumettre à leurs
propres buts sans y parvenir toujours. Au contraire, les structures sont souvent victimes de
l’excessive rigidité des organisations ou de la trop grande force explosive des éléments
spontanés ou de ces deux périls.
Le Bo caractérisant les rapports avec autrui donne lieu à des rapports mixtes passifs
qui sont le siège de l’ambiguité dialectique. Les rapports mixtes sont ceux où l’on se
rapproche en s’éloignant, où l’on s’éloigne en se rapprochant. Sous l’aspect actif il s’agit des
échanges, des relations contractuelles, des rapports de crédit, d’engagement, de promesses
diverses. Malgré leur caractère fondé sur la réciprocité, une certaine ambiguité plane sur ces
rapports. Ils impliquent à la fois une certaine harmonie d’intérêts quant à l’interprétation de
leurs clauses matérielles et des modes de leur exécution.
Mais cette ambiguité s’exaspère en ambivalence lorsque les rapports avec autrui de
caractère mixte prennent une forme passive. Les moi, les Autrui (individus groupes, et
sociétés globales) sont attirés à la fois et repoussés les uns par les autres, ils sont en même
temps indifférents et curieux, las et intéressés, malveillants et bienveillants, amis et ennemis,
rivaux et associés, liés simultanément par la sympathie et l’antipathie, l’amour et la haine. La
part des éléments négatifs et positifs dans ces mélanges qui ne sont nullement toujours fondés

E
sur la réciprocité est d’autant plus difficile à discerner qu’il s’agit de rapport dont la nuance

U
échappe le plus souvent aux partenaires individuels aussi bien que collectifs. Ne réussissant

EQ
pas à s’en rendre compte, ils refoulent souvent les rapports en question dans le semi-conscient
et l’inconscient. L’étude sociologique et psychologique de ces rapports avec autrui mixtes et

TH
passifs est cependant nécessaire. Elle ne peut évidemment être sans l’explication minutieuse
O
et consciente du procédé dialectique de l’ambiguité qui met au jour toutes les sinuosités
LI
concrètes des ambivalences propres à des situations d’ensemble toujours spécifiques.
IB

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, les complémentarités, les implications
mutuelles et les ambivalences dialectiques peuvent dans la réalité humaine et sociale tourner
-B

en antinomies sous certaines conditions. Dans la réalité humaine et surtout sociale ainsi que
dans les sciences qui les étudient on ne les rencontre et on ne peut rencontrer d’éléments
contradictoires et antinomiques qui le resteraient toujours dans les temps et dans tous les
IA

lieux, dans toutes les circonstances et dans tous les tournants. Des tensions de différents
R

degrés, des conflits, des luttes, des contraires compris dans des rapports de complémentarité,
d’implications mutuelles ou d’ambiguité peuvent s’exaspérer en antinomies et demander
ES

l’éclairage par le procédé dialectique. Mais ils peuvent aussi à d’autres moments, se trouver
engagés dans des rapports tout différents et demander par conséquent pour être étudiés
D

l’application des procédés dialectiques autres que la polarisation. Inversement, il arrive que
O

les manifestations de la réalité sociale qui paraissent normalement les moins antinomiques et
les plus proches d’une symétrie complète exigent l’éclairage de la mise en ‫״‬réciprocité de
C

perspectives‫״‬, réservant des surprises. C’est le cas par exemple des rapports entre les
individus et cadres sociaux.
Les classes engendrées par le Bo sont des mondes entiers, des univers qui ont tendance
soit à dominer les autres mondes soit à devenir des mondes exclusifs de tous les autres. Elles
ne sont pas toujours antinomiques et ne demandent l’éclairage de la polarisation dialectique
que lorsqu’elles se rangent en deux camps opposés.
Le recours à la dialectique sous ses diverses formes ne peut que nous aider à décrire
davantage l’action du Bo, mais il ne suffit pas à nous donner une explication de la réalité
sociale qu’est le Bo. Si la dialectique aide à déjouer toute dédogmatisation d’une situation de
facilité, toute sublimation consciente ou inconsciente, tout isolement arbitraire, tout arret du
mouvement de la réalité sociale, elle n’explique pas, elle ne nous donne pas de schémas
d’explication. Elle nous amène au seuil de l’explication en Anthropologie, mais ne franchit
jamais ce seuil. Elle nous apprend à rechercher l’explication dans les phénomènes sociaux
totaux en marche, travaillés par des forces volcaniques en flux et en reflux. Elle nous décrit
les mouvements de structuration et de déstructuration de ces phénomènes sociaux au cours de
totalisation et de dédototalisation.
C’est pourquoi la pluridisciplinarité est de mise dans notre approche du Bo. La
pluridisciplinarité avons-nous déjà mentionné est la meilleure méthode pour connaître un fait
social, puisqu’elle aide à connaître cet objet par la convergence des méthodes, ce qui au dire
de A. Adessanya ‫״‬facilite la connaissance pour l’Afrique‫״‬. L’extrême formalisation de la
pensée occidentale, la légitime autonomie que chaque discipline revendique dans la

E
formulation de son objet et l’élaboration de ses méthodes ne permettent guère de comprendre

U
cette revendication de la pensée africaine tenant pour fondamentales ‫״‬une cohérence, une

EQ
compatibilité globale de toutes les disciplines. ‫ ״‬L’affirmation peut surprendre ‫״‬une théorie
médicale par exemple, écrit A. Adessanya, ‫״‬qui contredirait une conclusion théologique serait

TH
rejetée et vice versa. ‫ ״‬Voilà évidemment longtemps que chez nous, précise le Professeur
O
Louis Vincent Thomas,
LI

‫״‬théologie et médecine ne voisinent plus‫״‬. Et le même auteur d’ajouter :


IB

‫״‬L’exigence de compatibilité des aspects de la pensée concourant en un système


total est l’outil principal de la pensée yoruba (comme de la pensée fon).
-B

Philosophie, théologie, politique, sociologie, droit foncier, médecine,


psychologie, naissance et mort se trouvent ‫״‬concaténés‫ ״‬dans un système logique
si rigoureux qu’il n’est pas possible d’en amputer une seule part sans paralyser la
IA

structure de l’ensemble‫ ״‬16


R
ES

g) Plan du développement
L’anthropologie du Bo a pour sous-titre : ‫״‬Théorie et Pratique du gri-gri. ‫ ״‬Elle comporte
D

nécessairement deux parties :


O

- La première partie : la théorie


C

- La deuxième partie : la pratique.


Pour marquer la complémentarité de ces deux parties et asseoir effectivement notre thèse,
nous ajouterons une troisième partie intitulée : l’Anthropologie des noms bophores‫״‬
(bonyiko).
Suivant alors la méthode pluri-disciplinaire, nous essaierons de nous interroger sur ce
qu’est le Bo pour l’homme et par l’homme, ce qui nous conduirait à définir le Bo comme un
pouvoir dont on se sert dans la pratique pour résoudre les problèmes de la vie. Il est vrai que
notre expérience personnelle joue un rôle décisif dans la manière dont nous mettons en

16
A. Adesanya, Yoruba metaphysical thinking, 1958 cité par J.J. Jahn in Muntu, Paris, Seuil, 1965, pp. 105-106,
cité par Louis Vincent Thomas et René Luneau La terre Africaine et ses Religions. Paris, Librairie Larousse, p. .
perspective les problèmes. Néanmoins l’expérience fondamentale, c’est la forme que notre
prétendue expérience nous arrive sous forme de témoignage. Ce dernier va nous amener à
nous interroger, pour une approche épistémélogique, sur la Genèse du Bo, ses différentes
formes, c’est-à-dire sa Typologie, sa définition. C’est la Première Partie : La Théorie du Bo.
Dans la deuxième partie : La pratique du Bo, nous montrerons comment dans la vie
privée, domestique, familiale, publique ou collective, le Bo entretient entre les individus des
rapports inter-individus qui sont des rapports sociaux qui engendrent entre eux une religion au
sens sociologique du terme. Dans cette religion nous avons des sentiments antithétiques,
dialectiques : amour et haine, joie et peine, effort et paresse, encouragement et
découragement, bénédiction et malédiction, envoûtement, chance et malchance. Dans ce tissu
de relations, nous verrons le Bo appliqué dans la vie familiale, la vie professionnelle, la vie
économique, la vie politique, dans les activités ludiques et sportives et dans la vie morale.
Dans cette pratique du Bo nous verrons les acteurs du Bo en relations triangulaires, le boto, le
bowato et la victime du Bo.Par la suite, le Bo étant un savoir, un savoir-faire, nous en

E
établirons les modalités d’acquisitions ou de transmissions. Pour préciser cette action du Bo,
nous étudierons la finalité, le fonctionnement du Bo grâce à une déontologie propre au Bo qui

U
détermine rigoureusement les conditions de son efficience, de son efficacité.

EQ
Pour corroborer cet aspect pratique du Bo, nous mramasserons dans une troisième
partie synthético-complémentaire les noms bophores, les ‫״‬Bonyiko‫ ״‬qui raccommodent toute

TH
une philosophie, toute une morale de vie, toute une anthropologie basée sur une
O
‫״‬anthropobonymie. ‫ ״‬Celle-ci à dire vrai, à la réflexion, construit une ‫״‬Bodicée‫״‬, une théorie
LI

de l’existence du Bo à l’image d’une ‫״‬Théodicée‫״‬. Ce serait là la véritable définition de


IB

l’homme, l’Anthropologie des noms bophores.


-B
IA
R
ES
D
O
C
E
U
EQ
PREMIERE PARTIE :
TH
O
LI

THEORIE DU BO
IB
-B
IA
R
ES
D
O
C
‫״‬Ce qui est familier n’est pas pour cela connu‫״‬

Hegel
‫״‬Toute investigation scientifique porte sur un groupe
déterminé de phénomènes qui répondent à une même
définition. La première démarche du sociologue doit donc
être de définir les choses dont il traite, afin que l’on sache
et qu’il sache bien de quoi il est question. C’est la
première et la plus indispensable condition de toute preuve
et de toute vérification ; une théorie, en effet, ne peut être
contrôlée que si l’on sait reconnaître les faits dont elle doit
rendre compte‫״‬
Emile Durkheim,
Les règles de la méthode sociologique, p. 34.

E
‫״‬Le grigri est un symbole que la foi rend efficace dans

U
l’esprit des Africains‫״‬

EQ
Paul Hazoumè.

TH
Il faut entendre la théorie au sens de Brecht de ‫״‬propositions visant à expliquer
O
quelque chose 1‫״‬. Il est certain que d’une certaine manière une simple description des faits
LI

comporte une explication dans la mesure où elle tente d’expliquer comment les choses se
IB

passent ou se sont passées dans une situation donnée. Cependant, le fait que dans ce dernier
-B

cas nous puissions légitimêment utiliser le mot ‫״‬explication‫ ״‬ne soit pas impossible de
départager le pourquoi du comment. Par conséquent, ‫״‬théorie‫ ״‬s’applique ici au sens précis
IA

d’explication tendant à la construction d’une théorie, la construction d’une théorie en sciences


R

sociales.
ES
D

a) Esprit rationaliste et esprit empirique


O

Pour élaboer cette théorie, notre esprit sera rationnel et empiriste à la fois. Nous
C

parlons de l’empirisme non au sens technique mais comme l’esprit qui a caractérisé tout le
cours de l’histoire anglaise et qui dans sa forme pragmatique caractérise maintenant le mode
de vie et de pensée américain. Il est clair que nous ne prenons pas non plus le pragmatisme en
un sens technique. Pour nous le pragmatisme est une tournure d’esprit essentiellement
pratique et instrumentale suivant la terminologie de Pierce James et Dewey pour désigner une
‫״‬gestalt‫״‬, une structure qui existait bien avant l’invention de ces mots. Car c’est peu à peu que
l’empirisme s’est transformé en pragmatisme chez les Fon à propos du Bo.
Evidemment il y a une différence fondamentale entre une tournure d’esprit empirique et
une tournure d’esprit pragmatique. L’empirisme s’exprime bien dans la prudente et
1
Political theory : The Foundations of Twentueth Century Political Thought,, p. 505.
patiente formule ‫״‬wait and see‫״‬, tandis que le pragmatisme s’exprime mieux par la formule
aventureuse et dynamique ‫״‬try and see.‫ ״‬Cependant la différence entre ces deux tournures
d’esprit apparaît moins significative si on les compare à la mentalité rationaliste.

b) Mentalité rationaliste
Alors que la mentalité empirio-pragmatique reste dans la voie moyenne à proximité de
ce qu’on peut voir et toucher, la mentalité rationaliste s’élève à un niveau supérieur
d’abstraction et tend donc à être très détachée des faits. Alors que la première est encline à
accepter la réalité, la raison tend à rejeter la réalité pour la refaire à sa propre image, alors que
l’empirisme tend à être antidogmatique et à procéder par essais, le rationalisme tend à être
dogmatique et définitif, alors que le premier est avide d’apprendre par l’expérience et avancer

E
par des essais successifs, le second va de l’avant même sans essai, alors que l’empirisme se

U
EQ
soucie faiblement de cohérence et méprise les longues séries de démonstrations, le second est
intransigeant en ce qui concerne la cohérence logique. En résumé, alors que l’empirisme

TH
préfère être raisonnable plutôt que rationnel, le rationaliste met la rigueur logique au-dessus
de tout et en conséquence se montre rationnel même lorsque cela revient à être déraisonnable.
O
L’attitude de l’empiriste consiste à poser que lorsqu’un projet ne marche pas dans la pratique,
LI

la théorie doit être mauvaise, le rationaliste répond à cela que ce qui est vrai en théorie doit
IB

l’être en pratique, autrement dit que c’est la pratique et non la théorie qui est mauvaise.
-B

Bien entendu, la frontière entre la démarche empirique et la démarche rationaliste n’est pas
clairement marquée. Ces deux démarches n’expriment pas deux sortes de logique mais des
IA

degrés différents d’ouverture et de sensibilité dans un contexte qui est celui d’une logique
commune de la même logique formelle.
R

A la lumière de cet éclairage de la théorie, nous n’aurons pas beaucoup de difficulté à


ES

entreprendre notre Anthropologie du Bo. Sans plus tarder passons à la définition du Bo,
D

puisqu’au dire de Hegel ‫״‬ce qui est familier n’est pas pour cela connu. ‫״‬
O
C
CHAPITRE PREMIER
BO & MANA

Pour expliquer une chose, on commence par la rapprocher de ce qui existe déjà et qui est
supposé connu. On procède par analogie ou par comparaison.

A) LE MANA
Le Mana désigne un principe général de la puissance lumineuse, le sentiment d’une
signification du réel débordant la perception des rapports objectifs. Dans les langues
mélanésiennes et polynésiennes, le Mana désigne en ethnologie une certaine conception qui
paraît être connue sous d’autres vocables chez d’autres peuples avec certaines variantes. Il

E
U
faut reconnaître qu’il est difficile de dire avec précision la signification du Mana dans les

EQ
sociétés où il est en usage. Selon Codrington : ‫״‬les Mélanésiens croient à l’existence d’une
force absolument distincte de toute force matérielle, qui agit de toutes sortes de façons soit

TH
pour le bien, soit pour le mal et que l’homme a le plus grand avantage à mettre sous sa main
et à dominer. C’est le Mana‫ ״‬1 pour être plus précis, il ajoute : ‫״‬C’est une force, une influence
O
LI
d’ordre immatériel et en un certain sens surnaturel ; mais c’est par la force physique qu’elle se
IB

révèle, ou bien par toute espèce de pouvoir et de supériorité que l’homme possède. Le Mana.
Le Mana n’est point fixé sur un objet déterminé, il peut être amené sur toute espèce de
-B

chose. ‫ ״‬2
IA

Lehmann a constaté que le mot Mana a en mélanésien plusieurs sens. Il désigne à la


fois le fait d’aimer, de désirer et l’objet aimé ou désiré, ce qui est bien la preuve qu’il
R
ES

correspond à une forme de connaissance qui n’est pas fondée sur l’association du subjectif,
mais au contraire qualifie celui-là. Ce mot indique également le prestige social et cela est
D

encore important, car cela montre que les conceptions archaïques de ce genre mêlent la
O

signification des objets aux valeurs humaines et fondent les valeurs sur la fonction sociale, qui
C

est le critère le plus facilement accessible d’une certaine universalité. En somme, le Mana est
le ‫״‬potentiel surnaturel d’une efficacité active. ‫ ״‬Il y a Mana actua qui est celui des êtres
surnaturels, et il y a un Mana des hommes et, plus particulièrement des guerriers, des prêtres,
des médecins, enfin un Mana des animaux et des choses. Le mot Mana est à la fois un
substantif, un adjectif, un verbe : il désigne une action, une qualité, un état.
La notion de Mana n’est pas strictement limitée au cycle culturel mélano-polynésien.
En effet les ethnographes ont relevé en de nombreux pays des mots qui correspondent à des

1
Codrington, The Melanesians, their Anthropology and folklore, London, 1891, p.118, cité par Jean Cazeneuve
in La Mentalité archaique, Armand Colin Paris, p.126 au chapitre XII.
conceptions fort analogues. Dans cet ordre d’idée on cite souvent l’orenda des Iroquois,
étudié en particulier par Herwitt. Tous les êtres animés ont leur orenda, et les phénomènes
naturels sont produits par l’orenda des esprits de ces phénomènes. L’orenda est aussi la
puissance des rites et des incantations. Il est selon Herwitt, une puissance qui produit ses
effets de façon mystique. Tout dans le monde a une part d’orenda, mais à un degré plus ou
moins grand. Si un chasseur prend un gibier c’est que son orenda est supérieur à celui de
l’animal qu’il tue ou capture. Chez les Sioux Dakota on trouve la notion similaire de Dakan.
C’est une puissance supérieure aux dieux particuliers, mais qui n’est pas en elle-même un être
personnel. Tout ce que l’on vénère est une manifestation du Wakan. Chez les Algonkins
Sidney Hartland a étudié la notion de Manitou, qui s’étend à tout être et à tout objet capable

E
de faire des choses extraordinaires. Chez les Omaha le mot ‫״‬tuve‫ ״‬a un sens analogue. Chez

U
les Hurons c’est le Oki. Au Mexique Central, on trouve la conception du Namal qui est très

EQ
voisine. Chez les Tlinkit, c’est le Yek ; chez les Haida, le Sgana ; chez les Kwakiutl, le

TH
Manala. M. Lévi-Strauss et M. Métaux ont signalé des notions analogues chez les Indiens de
l’Amérique du Sud. En d’autres régions on peut citer des mots ayant un sens comparable à
O
celui de Mana ; c’est le cas de Oudah des Pygmées, du Ngai du Masai, de l’Adriamaitra des
LI

Madécasses, du Nkissi des Bantous, du Dzo des Ewé, du Megbe des Bambati, du Mulungu
IB

des Yaos, du Juju des Ashanti, du Kramat des Malais des détrois, du deng des Bahnars
-B

d’Indochine, du Zémi des Antillais, du Ngarage des Dayak côtiers. Pour revenir en Afrique,
citons le Kélé des tribus de haute Volta qui nous est particulièrement bien connu grâce aux
IA

travaux de Labouret. Le Kélé est un fluide nocif susceptible de causer de graves maladies et
R

éprouvant les êtres humains qui se promènent sur la colline, près du ruisseau, sur les arbres
ES

hantés par de petits dieux à grosse tête à cheveux longs. Le Kelé émane du corps de ces petits
dieux 3. L’homicide déchaine le Kélé contre son auteur. Mais d’autre part les devins tirent leur
D
O

faculté et leur puissance du Kélé. Le Kélé se rencontre particulièrement autour des autels, on
C

le trouve aussi dans certaines pièces réservées au culte des ancêtres et dans la chambre de
l’accouchée. On l’utilise à des fins religieuses et magiques.
Lévy Bruhl a réuni et comparé certaines études faites sur des notions de même ordre dans
le monde des Australiens et des Papous. Chez les Marim d’Anim, on donne le nom de
dema aux ancêtres mythiques, mais le mot peut être employé comme adjectif et signifier
alors ‫״‬insolite‫״‬. Selon Wirtz, ‫״‬dema‫ ״‬correspond exactement au Mana mélanésien. Tout
corps est animé, c’est-à-dire pourvu de certaines forces psychiques. Mais tout corps n’est
pas un ‫״‬dema‫״‬. Ne le sont au contraire, que ceux où cette énergie psychique se trouve sous
une forme concentrée et intense par exemple, une pierre singulière qui a la forme d’une

2
Ibidem, p. 126.
3
H. Labouret, ‫״‬Les tribus du rameau Lobi ‫( ״‬Institut d’ethnologie, 1931, p. 437) cité p. 128 in Jean Cazeneuve,
La mentalité archaique.
noix de bétel ou d’un petit poisson. ‫ ״‬4
D’autre part, tout ce qui provient d’un lointain passé est assez étrange pour être appelé
‫״‬dema‫״‬. P. Wirtz a trouvé chez d’autres tribus de la Nouvelle Guinée Hollandaise la notion de
Kugi, qui est analogue. Le Kugi n’est ni personnel, ni impersonnel. Sur les bords du lac
Sentani, le même observateur a relevé la notion de Maropo. Les Maropo sont conçus dit-il
‫״‬comme des êtres personnels agissant avec intention et non pas seulement comme des forces
impersonnelles (Mana) dont est rempli l’objet qualifié de maropo‫ ״‬5. D’autre part est Maropo
tout ce qui appartient au domaine des choses imaginaires. Pris substantivement, maropo
désigne un esprit qui peut, par exemple, occuper certaine pierre ou la quitter, ou encore
posséder des hommes agés en leur procupant des facultés surhumaines. Au nord-ouest de

E
l’Australie chez les Ungariyin Elkin a trouvé des notions de même genre. Celle de Wondjina

U
et celle d’Ungund. Ce dernier mot désigne soit une personne, soit un esprit, soit une période

EQ
très ancienne.
Plusieurs auteurs ont trouvé des analogies entre ces conceptions des primitifs actuels et

TH
celles de certaines religions historiques. Ainsi M. Davy a comparé au Mana le Ka des
Egyptiens. Van der Leew a fait un rapprochement semblable à propos de la baraka des Arabes
O
et Mauss en ce qui concerne le Brahman du panthéisme hindou.
LI

Parfois on rencontre deux notions qui sont comme un Mana dédoublé dont l’une est
IB

une puissance malfaisante, l’autre une force bienfaisante. Chez les Arabes, la baraka est
exclusivement bénéfique mais le terme antithétique n’a pas dénomination aussi stable, suivant
-B

les auteurs, ce serait l’ain, le mauvais œil ou le rouh et les nefs. Chez les Arunta d’Australie le
mot Arungguiltha désigne l’influence magique malfaisante, celle par exemple qui se dégage
de rites d’envoûtement, et ce mot s’emploie comme substantif, comme adjectif.
IA

L’arungguiltha est un pouvoir tantôt personnel, tantôt impersonnel. Certains auteurs estiment
R

que la force antithétique est représentée par la Churinga.


ES

Saint Yves rapproche très justement les actions du Mana dédoublé de celles que nous
désignons par les termes de ‫״‬veine et de déveine. ‫״‬
D

Au demeurant sous différentes formes on peut trouver chez différents peuples des
O

vocables désignant à peu près ce que les Mélanésiens appellent Mana et ce que les
C

ethnographes entendent par ce mot en le généralisant. Est-ce à dire qu’il y a là une conception
universelle dans le monde archaïque et même au-delà ? On peut toujours supposer que dans
les régions où elle n’a pas encore été identifiée une enquête plus approfondie permettra de la
découvrir.
‫״‬A l’inverse de ce que l’on croyait en 1902, écrit M.Lév-Strauss, les conceptions
du type Mana sont si fréquentes et si répandues qu’il convient de se demander si
nous ne sommes en présence d’une forme de pensée universelle et permanente
qui loin de caractériser certaines civilisations ou prétendus stades archaïques de

4
P. Wirtz, Die Marind Anim von Hollandisch Sud-Nauguinea (Friedershen Hamburgische Universitat 1925, p.
6.)
5
p. Wirtz Bertrag zur ethnologie der Sentamer in Nova ea Vol. 16, Leide, 1924, p. 30.
l’évolution de l’esprit en présence des choses devrait donc apparaître chaque fois
que cette situation est donnée. ‫ ״‬6
S’il en est ainsi, il ne serait pas étonnant que la notion de Mana correspondit à ce que nous
appelons la mentalité archaïque en la considérant comme une structure permanente de
l’esprit humain, étant bien entendu qu’elle est fréquente dans les civilisations dites
primitives.
Le Mana tel qu’on l’entendrait en ce sens et tel que le conçoivent les ethnologues en-
dehors de toute localisation géographique particulière serait donc une sorte d’abstraction
permettant de connaître une des fonctions importantes de la mentalité archaïque et pour en
faire l’analyse, il faudrait l’envisager comme un concept formé de tout ce qui peut être
commun aux diverses notions de Mana, orenda, wakan, kélé, etc. Cette réduction à des
éléments permanents et généraux est indispensable si l’on songe surtout à la diversité des
acceptions du mot polynésien dans les pays mêmes où on l’emploie.
‫״‬Les croyances, les coutumes et les usages liés aux termes polynésiens de Mana,

E
et tapi, écrit Wiliamson, sont tellement divers que s’il fallait essayer de formuler

U
des définitions qui les couvriraient tous, ces définitions seraient d’une telle
généralité qu’elles pourraient être attribuées à n’importe quelle civilisation

EQ
humaine. ‫ ״‬7
Finalement à quoi conviendrait la notion de Mana envisagée sous son aspect le plus

TH
général, c’est-à-dire celui qui ne conviendrait qu’à elle si cette notion était vraiment
O
universelle ? Des travaux de M. Leenhardt il résulterait qu’elle implique surtout l’idée de
LI
puissance, et qu’elle relève de la magie plutôt que de la religion. Mais on a vu que le Mana
IB

actua est attribué aux dieux et que chez les Papous, les équivalents du Mana s’appliquent au
-B

monde des ancêtres et des mythes. Il serait donc plus prudent de dire seulement avec Mauss
que le Mana constitue la force par excellence, l’efficacité véritable des choses qui corrobore
IA

leur action mécanique sans l’annihiler, et aussi la force du rite.


R

Le Mana est selon l’anthropologue anglais Marett une force impersonnelle, mais pas
toujours. L’idée de Mana ne se confond pas avec celle d’esprit, car les âmes des morts ne sont
ES

pas douées de Mana, seuls des hommes éminents tindalos ont du mana… Si l’on observe
qu’une pierre renferme une force exceptionnelle, c’est parce qu’un esprit quelconque s’y est
D

associé. L’os d’un mort possède le mana parce que l’âme d’un mort s’y trouve, un individu
O

quelconque peut avoir un rapport étroit avec un esprit (sprit) ou avec l’âme d’un mort (ghost)
qu’il possède le mana en lui-même et peut l’utiliser à son gré. 8
C

Pour Rickers, le mana est associé à la coyance d’un esprit ‫״‬vui‫ ״‬qui donne l’effet
désiré. Si le mana n’est pas identique aux esprits, il a souvent besoin de leur intermédiaire
pour être efficace. C’est bien ce que semble indiquer Codrington : ‫״‬Aucun homme n’a cette
force par lui-même ; tout ce qu’il fait, il le fait avec l’aide d’êtres personnels, esprit de le
nature, ou ancêtres.‫ ״‬9 Selon Hobgin, ‫״‬tout effort est accompli en vue de s’assurer la faveur des
esprits, de sorte que le mana soit toujours disponible. Le mana représente, ce que nous avons
appelé en reprenant une expression de R. Otto le numineux, c’est-à-dire le surplus de
valorisation qui dépasse le pur donné objectif. Le mana serait alors impersonnel en son
principe, mais il serait bien naturel que le primitif voyait cette force se manifester dans

6
Lévi-Strauss, L’œuvre de Marcel Mauss in Cahiers Internationaux de Sociologie, Vol. 8, 1950, p. 103.
7
Williamson R.W., Essays in Polynesian Ethnology, Cambridge Univers. Press, 1939, pp. 264 sq.
8
Codrington, op. cit., pp. 119 sq.
9
Ibidem, p. 191.
certains effets, cherchant à se le représenter sous une forme personnelle par analogie avec sa
propre volonté, qui produit des actions conformément à des désirs qui sont orientés par des
jugements de valeurs. La subjectivité qui reflue dans la vision archaïque du monde est dans
son ensemble impersonnelle mais elle tend naturellement à susciter des représentations
personnelles au moins ébauchées. C’est pourquoi le mana correspond à l’une des deux
possibilités de survalorisation de l’expérience que nous avons énoncées, rien ne permet
d’affirmer comme le pensait Marett, que cette possibilité s’est réalisée nécessairement
indépendamment de l’autre et avant elle. Bien au contraire, il est vraisemblable que
l’élaboration de cette notion est allée de pair avec celle d’une mythologie et d’une
classification des êtres sur le mode mystique. D’ailleurs, comme l’écrivain Radin, les
primitifs ne se préoccupent guère de faire la distinction entre le personnel et l’impersonnel, ils
s’intéressent à la mentalité archaïque. Le mana est à la fois personnel et impersonnel et cela
s’explique du fait que le principe de participation est un des caractères essentiels du mana.‫ ״‬10
Tant que les choses et les êtres sont uniquement ce qu’ils sont, on reste dans le domaine de la
mentalité obdjectivante. Dire, au contraire, qu’une chose a une signification qui déborde

E
l’expérience, c’est dire en un sens qu’elle est autre chose qu’elle-même, et par conséquent,

U
qu’elle participe à cela même qu’elle signifie. Cette signification en ce qui concerne le mana

EQ
est certainement de toutes les notions archaïques, celle qui manifeste le plus clairement
l’exigence de participation. Dire qu’un être a du mana, c’est dire qu’il participe à une réalité
autre que celle qui est donnée dans l’expérience objective. C’est si l’on veut, tout simplement

TH
dire qu’il est vu sous l’angle de la participation. Et de cela découle que cet être est témoin
d’une valeur d’une puissance de valorisation qui est à la fois personnelle et impersonnelle
O
suivant qu’on s’attache à la valeur qui est particularisée et réalisée ou bien à la seule
possibilité de personne qui est aussi révélée.
LI

On s’est posé à propos du mana une autre question importante en se demandant s’il est
IB

un caractère intrinsèque des êtres qui en sont doués. Si le mana correspond, comme nous le
-B

suggérons, au numineux, on peut dire que certains objets, certains êtres le manifestent, en sont
des ‫״‬épiphanies‫״‬, mais qu’en son principe il leur est extérieur ; il est la force qui ne s’épuise
IA

pas dans l’objectivité pure et dans ses règles, et qui par conséquent n’est pas produite mais
R

seulement révélée dans chaque chose qui se pose comme significative ou extraordinaire,
ES

échappant aux normes de l’expérience de l’homo faber. Cette supposition paraît bien être
D

conforme, dans ses conséquences, aux faits observés par Codrington : ‫״‬Ce mana ne tient pas
O

à un objet déterminé ; puisque n’importe quel objet est susceptible de le véhiculer. ‫ ״‬Et il dit
C

encore : ‫״‬le mana n’est point fixé sur un objet ; il peut être amené sur toute espèce de
chose.‫ ״‬11
La réponse des indigènes montre que le mana est contenu dans les choses, qu’il en est
indépendant, qu’il est dans un objet spécifique, qu’il est un pouvoir indépendant des objets.
Au terme de tout ce que nous venons de voir, précisons quels sont les caractères du mana.

10
Gurvitch, Essais de Sociologie, op. cit., p. 202.
11
Codrington, op. cit., p.118.
CARACTERES DU MANA
1. Le mana est transmissible, contagieux, ce qui paraît bien prouver qu’il n’est pas
une propriété vraiment intrinsèque des êtres. Cette transmissibilité est le fondement de
certaines pratiques. Ainsi un père Marori transmet son mana à son fils en se faisant mordre
par lui le gros orteil du pied gauche.
2. On a souvent discuté pour savoir si le mana est une force physique ou
surnaturelle. En fait pour le primitif épris du concret, la force surnaturelle quelle qu’elle soit
ne peut se manifester que dans l’action physique. Sur cela Lévi Bruhl a insisté longuement
et inutilement. Il n’y a pas une expérience naturelle et une expérience surnaturelle qui serait
séparées. C’est la totalité de l’expérience qui est survalorisée, et ce sont certains éléments

E
de l’expérience qui se présentent en particulier par leur caractère exceptionnel, insolite,

U
remarquable, comme des épiphanie du numineux. Codrington parlant du mana polynésien

EQ
écrit justement : ‫״‬C’est une puissance ou une influence ; elle n’est pas physique, elle est en un

TH
certain sens surnaturelle, mais elle se révèle dans la force corporelle ou en toute espèce de
force ou de capacité possédée par un être humain. ‫״‬Lehman a reproché à Codrington de passer
O
le surnaturel sous silence dans sa description du mana. En réalité, pour Codrington le mana
LI

est bien supernaturel ‫״‬in a way‫״‬, mais il est connu par ses effets physiques. Ainsi que l’écrit
IB

Van der leeuv : ‫״‬la puissance est constatée d’une manière toute empirique. Partout où se
-B

montre quelque chose d’inaccoutumé, de grand, d’agissant, de fructueux, on parle du


mana.‫ ״‬12
IA

Et M. Soustelle commentant les rapports de Codrington dit que le mana est une force,
R

bonne ou mauvaise, ‫״‬qui se distingue des forces physiques habituelles par le fait qu’elle
ES

dépasse de beaucoup les possibilités connues de celles-ci mais qui se manifeste sur le plan
physique.‫ ״‬13
D

C’est bien ce qui ressort en effet de l’ordinaire et en cela justement elle est numineuse,
O

elle est révélatrice de l’insuffisance de l’objectivité pure, elle est donc surnaturelle en tant que
C

signifiant autre chose que la force ordinaire. Le mana comme le dit Lehman, est le potentiel
surnaturel d’une efficacité active. Mais il faut préciser que cette efficacité est celle qui se fait
remarquer, qui est d’une certaine manière insolite. Les amulettes sont efficaces parce qu’elles
contiennent du mana ; or les objets que l’on prend pour jouer ce rôle sont ceux qui sont d’une
force étrange ou bien ceux qui se sont trouvés associés à un événement heureux. Une pierre
ayant la forme d’un animal est réputée mana car elle se trouve évoquer un objet d’une autre
catégorie que celle à laquelle elle appartient et, par conséquent, échapper à la règle normale.
Parmi les hommes seuls ceux qui se sont élevés au-dessus de la norme commune par leur rang

12
V der Leeuw, La religion, op. cit., p.11.
social ou leurs exploits deviennent après leur mort des tindalos et leur âme est source de
mana. Chez les yaos d’Afrique Centrale le Mulungu, notion analogue du mana, correspond au
principe actif de tout ce qui est mystérieux. Les Yaos dit Hekherwick, appellent Mulungu tout
ce qui dépasse leur compréhension. Le wakan, dit Dorsay, régit tout ce qui est mystère,
pouvoir secret. La baraka des Arabes permet de faire des choses extraordinaires.
Les épiphanies du mana sont des phénomènes que le primitif perçoit comme
extraordinaires. L’homme des sociétés primitives, archaïques n’éprouve pas le sentiment de
découvrir une puissance dans tout ce qui est habituel, normal. C’est au contraire ce qui est
extraordinaire qui lui révèle une force efficace.
3. Le mana se manifeste aussi dans les événements qui ne sont d’ordre physique,
en particulier dans les rites magiques ou religieux. Là encore, il est dans le domaine du

E
numineux, dans ce qui est plus significatif que l’objet pur.

U
4. Le mana agit dans les relations des êtres de même niveau ontologique.

EQ
5. trois aspects du numineux définissent le mana : impur, puissance magique,

TH
sacré. M. Lévi-Strauss a raison de le comparer aux termes de ‫״‬truc‫ ״‬et de ‫״‬machin‫ ״‬que nous
O
emploierons provisoirement pour désigner le Bo.
LI
IB

B) BO = GRI-GRI
-B

Le terme Bo en fon est difficile à traduire en français. Il est traduit d’une manière
inadéquate par gri-gri. Le grigri en lui-même comme vocable ne rend pas fidèlement l’idée
que le Fon se fait du Bo. Au lieu de grigri, nous préférerions provisoirement le terme de
IA

‫״‬truc‫״‬, de ‫״‬machin‫ ״‬dans le sens de Lévi-Strauss et dans celui du vocabulaire argot français.
Machin, truc désignent en effet quelque chose de banal, d’anodin qu’on n’arrive pas à cerner
R

dans une définition précise, concise exacte, mais dans une approche suggestive, selon une
ES

idée qu’on se fait de manière vague, suivant une certaine représentation et surtout suivant
l’effet constaté. Cet effet traduit une importance insoupçonnée, cachée, latente du truc, du
D

machin à première vue mais que l’expérience révèle par des manifestations que l’on n’arrive
O

pas à déduire logiquement comme découlant du caractère anodin, banal du truc, du machin.
Hélas en eux-mêmes machin, truc, ne connotent pas le caractère merveilleux, artificiel,
C

insolite et miraculeux que le terme fon Bo inspire naturellement à tout individu qui participe
de la culture fon.
Du machin, du truc retenons ce caractère vague, indéfini, imprécis, une idée générale
sans contenu précis, ne traduisant rien de correspondant dans l’esprit du Fon. Le machin, le
truc ne recouvrent pas cette réalité merveilleuse pétrie d’attraction et de répulsion, de crainte
et de tremblement, de fascination et de terreur. A cause du consensus habituel, nous pouvons
traduire, Bo par grigris. Mais cette traduction ne nous satisfait en rien. Parce que Larousse
pour traduire, mieux pour expliquer grigris met : amulette. L’amulette est un exemple, une
forme du Bo, qui revèle de la typologie du Bo. Même s’il fallait rester dans le vocabulaire

13
Soustelle, l’homme et le surnaturel in Encyclopédie française Larousse, 1936, tome 7, p.16, 2.
ethnologique, nous n’accepterions jamais de traduire Bo, terme fon par le terme mélano-
polynésien de mana. Par simple réaction contre les élucubrations diffuses, confuses et
contradictoires que les ethnologues ont entretenues à propos de la notion de mana comme
nous avons vu précédemment. Pour comprendre quelque-chose à notre Anthropologie du Bo,
que le lecteur conçoive comme Bo ce qu’il entend par les vocables français appauvris de
grigri, amulettes, sortilège, envoûtement, etc.
Il faut tout de suite faire remarquer que les élucubrations sur le mana ne sont pas
stériles et vaines car elles nous permettent déjà d’entrer dans le champ de la vision du Bo, et
nous prédisposent déjà à comprendre ce que le Bo est et ce qu’il n’est pas. Mana est tantôt
substantif, tantôt verbe, tantôt adjectif, nous verrons que Bo est toujours un substantif et

E
jamais verbe ni adjectif. Il désigne tout ce qui étonne, tout ce qui est miraculeux, insolite et

U
qui n’arrive pas à s’expliquer par notre raison naturelle. Pour parvenir à montrer que le Bo

EQ
tout en se rapprochant du mana ne se limite pas au mana, se distingue du mana, nous allons

TH
nous interroger sur la genèse, l’origine du Bo.
O
LI
IB
-B
IA
R
ES
D
O
C
CHAPITRE II
GENESE DU BO

II. 1. ETONNEMENT DE LA QUESTION


Il paraît surprenant à certains enquetés quand on manifeste auprès d’eux le désir d’en
savoir un peu sur l’origine, la genèse du Bo. Lorsque à Ouidah nous avons posé la question à
un vieux contenaire boto (faiseur de grigri) : ‫״‬Fitè bogo sin‫( ״‬d’où vient le Bo ?) ‫״‬Hou n mon
do nu zobè a djo houndjo bo wa mon.‫ ״‬L’explication de ce dicton pour un ouidahnier est sans
difficulté car ce dicton est si populaire que nul ne peut prétendre ne pas en connaitre le sens.
En fait dans le milieu fon de Ouidah, il existe une croyance mythique selon laquelle personne

E
n’a vu naitre le marché Zobè et par conséquent personne ne peut parler de son origine. Ainsi

U
lui demander quelle est l’origine du Bo, c’est comme si on lui demandait l’origine du monde.

EQ
Ainsi dans le langage pour signifier à son interlocuteur qu’on ne pourrait pas se prononcer sur

TH
une question, un sujet, faute d’informations et de preuves suffisamment éclairantes, on préfère
user de ce dicton. Il ressort de cette réponse par dicton que le Bo est un phénomène naturel
O
qui est conçu à partir des éléments naturels qui ne s’expliquent que par les manifestations
LI

naturelles qui s’observent dans les phénomènes de la nature. Si donc le Bo fait partie
IB

intégrante de la nature et que l’homme aussi est un élément de cette même nature, il est à
-B

notre sens évident de ne pas chercher à savoir pourquoi le Bo est ancré dans nos pratiques,
pourquoi les Béninois s’adonnent au Bo. Le Bo au Bénin est entré dans nos mœurs, nos us et
IA

coutumes parce qu’il relève de la tradition ancestrale. Tout trouve son bien fondé chez nous
R

dans les explications, les significations de ces faits naturels qui constituent des tabous, des
ES

interdits, des prohibitions, des croyances de toutes sortes qui sommeillent dans les mentalités,
D

les esprits et ont fini par créer en nous des états de psychose individuelle et collective. C’est la
O

peur d’une mort subite, de se faire agresser par un ennemi visible ou invisible, ou le désir de
C

se protéger contre tel ou tel danger, ou la recherche d’une distinction sociale, d’une place
importante, d’un succès dans ses entreprises. Toutes ces pratiques concourent à justifier son
bien-fondé et à se dispenser de son origine. En effet en Anthropologie ou en Sociologie les
questions d’origine sont à éviter si elles n’éclairent par sur un recul dans le temps ou dans
l’espace et débouchent sur la philosophie et la métaphysique, l’épistémélogie ou la théorie de
la connaissance pure.
En effet pour le centenaire interviewé, personne ne peut connaître l’origine du Bo. A
son entendement, le Bo serait venu de la mer, de la forêt, de Sègbolisa qui auraient apporté
tous les Bo sur la terre et les hommes s’en sont emparés.
II. 2. ORIGINE DU BO = ORIGINE DE LA SOCIETE
Chercher la provenance du Bo, son origine, consiste à s’interroger même sur le
mystère de la société. Effectivement, la connaissance d’une société ne se limite pas seulement
à la connaissance des individus mais aussi aux rapports qu’il y a entre eux. Marx avait à un
certain moment de l’histoire intéressé les sociologues et les économistes aux rapports sociaux
de production. Ici il s’agit du point de vue spéculatif de s’interroger sur le fondement abstrait
de ces rapports sociaux qui les dépassent, les transcendent. Le Bo est en effet un élément
culturel et civilisationel des Noirs. Mais il existe aussi chez les autres races sous d’autres
noms comme nous l’avons déjà signalé dans le mana mélano-polynésien. Et les auteurs

E
étudiés ne nous ont pas apaisé sur la genèse du mana. Pour nous la genèse du Bo, son origine

U
se confondait avec celle-même de la société, de la vie communautaire puisque si Robinson

EQ
Crusoé était tout seul dans son île, pourrait-il se passer du Bo ? Dans ce cas le Bo serait pour

TH
déterminer ses rapports avec le monde extérieur.
Le Bo est lié à la culture et à la vision que l’on a du monde, car le pouvoir de modifier
O
le monde, pose le problème de la croyance, de la représentation que l’on se fait du monde. Le
LI
Bo serait-il devenu essentiellement religieux ou l’autre face de la spiritualité des Fon comme
le soutenait un de nos informateurs lettré ? Il est lié aux processus sociaux, aux relations
IB

sociales, aux formes de sociabilité, aux différents rapports de notre monde culturel, aux
-B

comportements et aux structures mentaux de chez nous. Aussi une appréciation scientifique
du Bo ne pourrait se faire que par paliers. Le déterminisme sociologique du Bo est une
intégration des faits particuliers dans l’un des multiples cadres concrets de la vie sociale.
IA

Le Bo doit son actualité à sa liaison et à son intégration à un système culturel selon


R

lequel il évolue. Car il fait partie de la culture au même titre que la religion (s’il n’est pas
religion en lui-même), et par conséquent est susceptible d’être objet d’héritage, c’est-à-dire
ES

pouvant être transmis de génération en génération. Le Bo alors du point de vue génésique


s’offre à une abondance moisson de théories.
D
O

II. 3. GENESE COSMIQUE DU BO


C

La vie humaine est un équilibre biophysique, psychique, dynamique d’un être qui tend
à persévérer dans son être. Cet équilibre maintient une harmonie entre l’être vivant et les
autres êtres vivants visibles ou invisibles, matériels ou spirituels. La santé est le signe de la
vie, équilibre harmonieux. La maladie est la rupture de cette harmonie, une chute de tension,
une sortie de la trajectoire des valeurs qui sus-tendent les énergies spirituelles. La vie est
conçue comme l’harmonie entre deux contraires : vie et mort. Chez les fon la vie c’est
l’espace conflictuel défini par GBEMEDJI, oracle du du de la vie et OKU MEDJI du du de la
mort. Ces deux du sont dits dunon, des oracles-mères dont dérivent tous les autres. Avec
OLIMEDJI, ils constituent les racines élémentaires de la vie. La vie ainsi définie est un
combat entre la vie et la mort, une lutte. L’homme est considéré comme un militant, un soldat.
Le roi Hwégbadja disait qu’en envoyant son fils au marché de la vie, il ne lui demandait pas
de ramener des nougats ni des perles, mais le pouvoir le plus fort (le ganhunu). Le Bo ici
véritable ‫״‬ganhunu‫ ״‬apparaît comme l’arme de l’individu pour affirmer sa personnalité, sa
volonté de puissance comme nous le présente Aguessy Honorat au Colloque de Cotonou,
1950, sur les religions africaines comme source de civilisation.
‫״‬Nous disons que le champ anthropologique est parsemé de missiles et
d’antimissiles. Les Bo que l’on nomme dans une littérature ancienne grigri
seraient des moyens de protection de la vie. Les glo étaient jadis confondus
indistinctement avec les Bo et autres préparations à effets physiques, psycho-
spirituels sous le même concept grigri qui selon nous semble vide de tout
sémantique africain. Ils seraient les moyens de défense de la vie. Donc il y a des
missiles (Bo) qui anéantissent les phénomènes de la nature qui entraveraient le
plein épanouissement de l’homme ; on peut faire tomber la pluie ou
l’interrompre, de même, on peut jeter de mauvais sorts sur quelqu’un ou sur
toute une maison ou l’éliminer carrément sous l’effet du Bo. Ceux qui utilisent
le Bo à cette fin sont appelés Botonon en fon, par contre ceux qui utilisent les
glo ou les feuilles médicinales pour sauver la vie humaine sont les Amawato.‫״‬

E
Cette conception cosmique du Bo ne nous renseigne pas effectivement comment le Bo

U
provient du cosmos même par la recherche du maintien de la vie humaine dans l’équilibre des

EQ
missiles et des antimissiles que constitue le Bo. C’est donc le besoin de vivre qui origine le
Bo en l’homme. Ce besoin est comme tout besoin, physiologique et non cosmique. Il est vrai

TH
que la weltschaung fon la vie résulte de l’interaction des dunon, les oracles-mères
O
GBEMEDJI et OLIMEDJI, mais cette théorie ne nous montre pas comment l’oracle du Fa est
LI
lui-même engendreur du Bo. D’où le Fa comme origine du Bo.
IB

II. 4. LE FA COMME ORIGINE DU BO


-B

Le Fa c’est la divination chez les fon. Grâce à lui le Bokonon arrive à donner les
IA

ingrédients du Bo. Le Dahoméen rompu à la tradition n’entreprendra rien d’important, de


R

sérieux dans la vie sans consulter le Fa car ce dernier lui permet d’avoir une emprise sur le
ES

temps en lui permettant d’avoir présents à la conscience, son passé, son présent et son avenir
en lui faisant ainsi connaître son destin. Les pratiquants du Fa sont arrivés à cette conviction
D
O

que le Fa n’est pas le Bo et que le Bo n’est pas le Fa, mais qu’entre le Fa et le Bo il y a une
C

relation génésique. C’est le Fa qui engendre le Bo en indiquant les éléments constitutifs et en


hissant le Bo au rand d’une institution. Il y a les véritables Bo que l’on considère comme
dérivés du Fa et que l’on appelle d’ailleurs Fabo. Le Fa est considéré comme un catalogue de
recours pour sortir de l’adversité. Le Bo lui est généralement appelé en fon atiman. ‫״‬Nu é na
do glo nu on é do asi wé‫״‬, c’est-à-dire que la chose avec laquelle on peut parer au danger est
déjà en ta possession, déclare le Botonon à son consultant en danger. Le Fa n’est pas
populaire en tant que oracle mais en tant que nomenclature de recours. Complexe et
composite, il est une technique pour révéler ce qui est caché. Le Fa conduit à la confection du
Bo mais le Bo ne peut conduire à l’initiation au Fa. Ainsi un candidat à un concours peut aller
consulter un Bokonon qui ne lui donnera pas illico presto le Fa, mais un Bo, un grigri. Il peut
arriver aussi dans un cas extrême que le Bokonon ait recours au Fa pour détecter les causes de
ses échecs antérieurs. Dans ce cas sa réussite peut d’office nécessiter la prise du Fa pour
pallier à toute mauvaise chance et à tout insuccès.
Toutefois comme remède à son échec, il peut lui donner une petite quantité de poudre
noire réalisée à partir de quelques feuilles calcinées ou de calcaire (Fafo), ou un escargot
rempli de savon noir pétri de sang (Kpé) ou lui remettre un talisman (Tila) ou tout simplement
de la noix de kola imbibée de sang en lui recommandant d’en mordre une petite quantité le
matin au saut du lit sans adresser la parôle à quelqu’un et de prononcer l’incantation suivante :
‫״‬Kikè mon non mon glési bonon kè mibi doko do‫״‬. Kikè est une plante qui peut s’ouvrir ou se
fermer à volonté mais malheureusement pas en présence du cultivateur. Et c’est justement ce
que voulait signifier la parole incantatoire, elle recommande comme une vérité première à
tous de se prosterner. Cette poudre est faite à base de la plante Kikè et sert à endormir ou
ensorceler l’examinateur du candidat. D’une façon générale cette poudre peut délivrer toute

E
personne qui subit une épreuve, qui affronte un danger. Par la suite nous verrons que la
poudre (Fafo), le (Kpé), le (Ndida), le (Tila) et même l’incantation sont des formes différentes

U
de Bo confectionnées à partir de la consultation du Fa. Cf planches I et II.

EQ
Le Fa dans la conception commune est la source du Bo. Comme il révèle le sens de ce
qui est caché, de ce qui est dans l’invisible, ce qui est dans ‫״‬yèsuimè‫״‬, le monde des esprits, il

TH
instruit sur la volonté des mânes des ancêtres, des vodun ou des divinités tutélaires de la
famille ou de la collectivité. En ce sens le Fa tout en donnant accès aux vodun, délivre aussi
O
des Bo en tant que moyens ou solutions aux problèmes de la lutte pour la survie comme nous
avons vu dans la théorie cosmique précédente. Le problème de l’origine du Bo demeure
LI

toujours puisqu’il transparaît nettement maintenant sous la forme de la causalité et de la


finalité. ‫״‬Pourquoi ou pour quoi l’homme par l’intermédiaire du Fa confectionne le Bo ? ‫״‬
IB

Dès lors nous nous éloignons de la sociologie pour la philosophie, ce dont à tout prix, nous
-B

devons nous garder.


IA

II. 5. THEORIE MYTHIQUE DE LA GENESE DU BO


R

Elle recouvre plusieurs versions qui toutes traduisent le don de l’observation de la


ES

nature au cours de la pratique de la première activité à laquelle l’homme se livre pour sa


D

conservation : la chasse.
O

En effet dans le Pacte de sang au Dahomey, Paul Hazoumè, le premier ethnologue


C

dahoméen, écrit :
‫״‬Aziza, un génie, un être surnaturel de la forêt en récompense d’une bonne
action d’un chasseur qui épargna une biche qui mettait bas, lui fit révéler des
secrets et l’initia aux vertus des plantes et à d’autres secrets. Ce fut l’origine des
grigris. ‫״‬
Bien que cette version de Aziza soit la plus répandue, il en existe d’autres où c’est un
arbre appelé en fon ‫״‬Hètin‫ ״‬qui s’était transformé en belle jeune fille, alla au marché et plut à
un chasseur qui tomba amoureux d’elle. L’ayant suivi jusqu’à la brousse, la fille l’appela et
lui fit jurer sur serment de ne rien dire à ses semblables et lui donna les secrets de cette
transformation. Le chasseur s’exécuta et chaque fois il rapportait de bonnes choses à son
épouse qui le comblait de secrets et de puissance, jusqu’au jour où il révéla le secret à sa
deuxième épouse qui en fit allusion à sa co-épouse, qui aussitôt a disparu et a rejoint la
brousse.
Une autre version contraire à la polygamie, la polyandrie, montre que la jalousie de
l’homme est à l’origine du Bo. La polygamie régnant et la femme n’appartenant pas à un seul
homme comme l’indique d’ailleurs le mot femme en fon ‫״‬nyonu‫״‬, il faut en suer modérément
car il s’agit d’un bien offert à tous. Le premier qui s’avisa pour lui tout seul de prendre une
femme attira la convoitise des autres hommes, ce qui déclencha entre eux des rivalités, des
hostilités. Et les hommes se mirent à se nuire les uns les autres en combinant les plantes et
leurs vertus. Ceci amena les plantes à se taire et à perdre l’usage de la parole. Cependant les
hommes gardaient jalousement les principes actifs qu’ils avaient retenus des plantes pour les
transmettre de génération en génération jusqu’à nos jours. L’empirisme et la jalousie furent à
l’origine du Bo. La jalousie et la haine sont les causes du Bo offensif.
Une troisième version rapporte que c’est après un âpre combat entre deux serpents que
l’un sortant vivant du duel alla cueillir des feuilles pour ramener à la vie son antagoniste mort.
Cette dernière version nous semble être une part des connaissances du Bo. Ce que nous ne
savons pas encore d’une manière très nette est que si ces rencontres et dont se sont produits

E
simultanément en plusieurs endroits à la fois, car il y a une version d’un octogénaire et
Agonlin qui rapporte que c’est un génie qui a donné à un chasseur le pouvoir de connaître la

U
vertu des feuilles et des plantes pour confectionner des Bo. Cette version est plus intéressante

EQ
que les autres, il faut la conter avec force détails.
‫״‬Un jour un chasseur fatigué de n’avoir rien pris à la chasse décida de se réfugier près d’un

TH
ruisseau où il pourrait tuer les animaux qui y viendraient boire. Il vit alors surgir un petit
puis un grand tourbillon (le hassahassa), ensuite, un deuxième puis un troisième tourbillon
O
qui s’immobilisa autour de lui près du ruisseau en se transformant en nain. Le chasseur
s’apprêta à lui tirer une flèche que le nain lui fit la main en lui demandant de descendre de
LI

son perchoir jusqu’à lui. Le chasseur s’exécuta. Le nain lui demanda de l’aider à tuer son
IB

grand frère le tourbillon qui vient d’arracher sa femme, le petit tourbillon, dès qu’ils seront
de retour. Le chasseur accepta de lui venir en aide et le nain disparut aussitôt sous forme de
-B

tourbillon.
Ainsi donc quand les deux premiers tourbillons vinrent à passer, le chasseur de son
IA

arbre visa bien et envoya une, deux, trois flèches dans le grand tourbillon qui se transforma en
un très long serpent blanc nommé hassahassa. Le génie nain réapparut à l’instant même. Il
R

récompensa le chasseur de sa bonne action à son égard en lui transmettant un certain nombre
ES

de Bo tels que le bo pour se rendre invisible (Zindobo) en cas de danger à la chasse et le


pouvoir de reconnaître les vertus d’une plante rien qu’en la touchant. Ce fut là l’origine du
grigri.
D
O

Le nain demanda au chasseur d’emporter avec lui le serpent, de l’enterrer


C

soigneusement et de lui faire un temple en le considérant comme une divinité, le vodun


‫״‬Dan‫״‬. ‫״‬Ce Dan, ajouta-t-il, te procurera tout ce dont tu auras besoin pour vivre. Il fera la
richesse de ta famille et de toute ta descendance. ‫״‬
Cette révélation du grigri s’est faite au chasseur comme dans les autres cas par
récompense d’une bonne action faite à un génie de la forêt. Ceci ne se fait pas sans un serment
préalable du chasseur : ‫״‬Si je divulgue vos secrets, faites, O puissant génie, faites que les
plantes dont vous allez me révéler les vertus soient inefficaces entre mes mains. ‫״‬
Cette troisième version de la transmission du Bo par un génie s’accompagne en même
temps de l’origine du vodun, le vodun Dan. L’édification de ce vodun a été dictée par le nain
pour permettre au chasseur d’avoir à sa disposition une divinité qui lui procurerait tout ce
dont il aurait besoin pour survivre : santé, prospérité, bonheur et fortune. L’instruction pour
l’érection du vodun est aussi comme la transmission du grigri un don en signe de
reconnaissance à une bonne action envers le génie. La transmission par la suite se fait par
affinité à d’autres par le chasseur après avoir obtenu d’eux la même garantie de discrétion.
Tout comme lui, ils ne peuvent garder à eux seuls les connaissances qu’ils venaient d’acquérir
et ainsi le grigri s’est propagé par diffusion.
A côté de ces versions certains anciens reconnaissaient qu’il y avait des ‫״‬nuvènu‫( ״‬des
choses évidentes, manifestes) que quelqu’un a toujours la chance de voir, d’observer pour
connaître. Ce dernier s’entourant de certaines précautions livre ces données au roi qui le fait à
ses conseillers et à ses proches. Dans ces conditions, le Bo est considéré comme une

E
connaissance, un pouvoir, tout ce qui a trait au secret ou connote le secret. Le Bo égale alors

U
science et savoir. Les divers monopolistes, les spécialistes ‫״‬Azondato‫״‬, ‫״‬Kpamègan‫״‬, les bons

EQ
guérisseurs sont aussi versés en Bo et sont devenus des Boto, faiseurs de grigri.

TH
L’approfondissement de cette dernière version qui a donné le jour au vodun Dan va nous
permettre de reconnaître l’origine du vodun dans la recherche de sécurité par l’homme.
O
LI

II. 6. ORIGINE VODOUESQUE DU BO OU RECHERCHE DE


IB

SECURITE PERMANENTE
-B

Le besoin de sécurité permanente se reflète dans nos comportements façonnés


culturellement. Dès lors que l’homme est à la recherche d’un superhomme en lui-même pour
IA

assurer sa sécurité ici-bas et au-delà.


R

‫״‬Sitôt que les hommes vivent en société, il leur faut une religion qui les y
ES

maintienne. Jamais peuple n’a subsisté ni ne subsistera sans religion, et si on ne


lui en donnait point, de lui-même il s’en ferait une ou serait bientôt détruit. Dans
D

tout Etat qui peut exiger de ses membres le sacrifice de leur vie, celui qui ne
O

croit point de vie à venir est un lache ou un fou‫ ״‬1


C

A cet effet, la religion est un impératif anthropologique. Ceci se remarque


effectivement dans la conduite des Istraélistes sur la Terre Promise.
‫״‬Le peuple vit que Moise tardait à descendre de la montagne, le peuple s’assembla près
d’Aaron et lui dit : ‫״‬debout, fais-nous des dieux qui marchent à notre tête, car ce Moise,
l’homme qui nous a fait monter du pays d’Egypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé. ‫״‬
Aaron leur dit :
‫״‬Arrachez les boucles d’or qui sont aux oreilles de nos femmes, de nos filles et apportez-les
moi. ‫ ״‬Tout le peuple arracha les boucles d’or qu’ils avaient aux oreilles et on les apporta à

1
Rousseau, Du Contrat Social, p.140.
Aaron. Ayant pris l’or de leurs mains, il le façonna au burin pour en faire une statue de veau.
Ils dirent alors : ‫״‬Voici ton dieu, Israël, celui qui t’a fait monter du pays d’Egypte. ‫״‬
Aussi dans les sociétés africaines assiste-t-on à la création de multiples vodun. Ce
terme est générique de toutes divinités et est extra-africain car c’est le veau d’or biblique qui
par suite de modifications linguistiques aurait donné naissance au concept fon de vodun
(Bible, Job 32). En fait vodun que certains anthropologues traduisent par fétiche est un objet
de foi sur lequel l’homme s’appuie pour exalter sa personnalité, un objet d’adoration qui fait
de l’homme un composé de matière et d’esprit, un objet de confiance qui fournit à l’homme le
champ nécessaire à la résolution extraordinaire de ses problèmes. Le vodun est un objet de
force et pour raffeimir cette force les Aziza (personnalités légendaires spiritualisées dans

E
l’invention et la transmission de la vertu des plantes et du Bo). Les Aziza n’existent plus

U
aujourd’hui à cause des bouleversements sociaux qui ont fait de l’homme non un objet de

EQ
nature mais un objet de culture. L’acculturation a précipité l’Africain dans un chaos qui

TH
l’éloigne des réalités de son biotope et a mis à la disposition de l’homme le Bo. Mais au lieu
d’être une force complémentaire du vodun, le Bo tend à se substituer à lui. C’est ainsi que
O
l’on constate aujourd’hui que le Bo constitue la force principale du vodun. Sans le Bo le
LI

vodun n’(est plus qu’un simple objet de la main humaine qui ne mérite aucun respect, aucune
IB

considération spirituelle voire aucun culte. Il résulte de cette dépendance une pratique au
-B

niveau des vodunon, des hunnon traduit en français par chefs féticheurs qui dans le souci de
confirmer ou d’infirmer leur puissance, leur pouvoir, sont toujours à la recherche des Bo les
IA

plus efficaces, les plus puissants, les plus redoutables. On peut résumer tout ceci par
R

l’équation F : f(i) + t si F est la force d’action du vodun, i celle du Bo que l’on associe alors t
ES

représente une puissance qui résulte des différents éléments qui entrent dans la constitution du
D

vodun, c’est-à-dire comme en chimie occidentale qui notifie qu’un atome d’hydrogène plus
O

deux atomes d’oxygène donnent toujours dans les mêmes conditions une molécule d’eau 2H2
C

+ O2 en Afrique une telle feuille ajoutée à telle autre ou à tel objet doit donner nécessairement
dans les mêmes conditions une même réaction, un même résultat. Ce sont les effets de la
découverte de certaines lois naturelles que l’Occidental s’efforce d’ignorer qui le pousse à
trouver l’Africain superstitieux. C’est en réaction à telles interprétations qu’un élève a rendu
fou un volontaire américain au cours d’une discussion dans un établissement scolaire en 1971
à propos des effets du Bo chez nous. L’élève dont le père était réputé redoutable en Bo
prononça seulement deux incantations aux oreilles du professeur américain qui lui ont fait
perdre l’usage de la raison. Le Bo existe étroitement lié au vodun.
Le vodun ne tue jamais, c’est le Bo qui tue. Au nom du vodun. Dans le cas du
Hèbiosso par exemple, c’est le boto qui provoque artificiellement la foudre pour éliminer les
transgresseurs des lois du vodun Hèbiosso. En fait, ce n’est pas le vodun qui tue les iniques.
Certains Boto, par suite de longues recherches, sont parvenus à la construction d’un Bo sous
forme de talisman qui une fois autour de la hanche rend le porteur invisible aux humains.
Selon les dires d’un vieillard Boto converti au Christianisme, ce talisman aux reins, le Boto
s’arme d’une hache bien aiguisée et attend le parjure, le transgresseur de la loi de Hèbiosso à
un endroit bien précis, à l’approche de celui-ci, il provoque une foudre artificielle à la
couverture de laquelle il opère en déchiquetant sa victime que les Hèbiossossi (les adeptes du
vodun Hèbiosso) appellent ‫״‬lan‫״‬. La victime devient lan que l’on expose plus tard sur
l’‫״‬agba‫״‬, autel du vodun.

E
En définitive s’il y a des différences entre les vodun en Afrique et partout ailleurs, il y

U
a un fonds commun que constitue le Bo. Dans sa diversité le Bo est entouré d’un univers

EQ
hiérarchisé. Sur cette base se construit dans chaque région un panthéon ayant à sa tête un chef

TH
suprême Xumon à Ouidah, Toyi à Allada. Les chefs suprêmes ont entre autres fonctions la
défense et l’illustration de la tradition, la protection des vodun, la conservation et la
O
propagation des Bo.
LI

On assiste de nos jours à la péremption du Bo. C’est dû à la matière première qui se


IB

raréfie. Voilà pourquoi on constate que telle région qui était réputée dans la pratique de tel bo,
-B

perd de plus en plus de son génie et de ses talents en la matière. C’est le cas par exemple de
Avlékété, un village de Ouidah réputé jadis en Cakatu, qui est aujourd’hui incapable de
IA

susciter dans l’esprit de quelqu’un la moindre crainte, Agonli réputé en ‫״‬Nudoakonunyonu‫״‬


R

(piège à adultères). On peut même aujourd’hui défier le responsable suprême de Cakatu parce
ES

que tout simplement la matière première pour fabriquer le Cakatu manque énormément.
D

La rareté de la flore et de la faune n’épuise pas le point de vue économique de l’offre


O

et de la demande. C’est aussi le cas de Aziza et du tibia humain très indispensables pour la
C

confection du Cakatu. Aujourd’hui l’implantation des cimetières municipaux est cause de la


rareté du tibia. On est obligé de recourir à un élément de substitution comme la corne d’un
animal. C’est cette recherche d’éléments ou d’ingrédients de substitution dans la composition
du Bo qui fait du bo un objet en permanente mutation, d’où la diminution du Bo dans son
enveloppe verbale. Le verbe a en effet un effet très important dans le Bo, sans lui le bo
devient une simple feuille (ama) ou simple (nuvènu).
La provenance du bo est diverse en ce sens que les vodunon ou hunnon affirment que
leur vodun provient de tel endroit, de telle région. Ce témoignage est la preuve que pour
cerner le processus de transmission, nous devons tenir grand compte des étapes et des
éléments utilisés dans la confection et la transmission du Bo. Certes il existe un rapport étroit
entre le Bo et le vodun car pour la mise en place du vodun appelé en fon ‫״‬vodunlili‫״‬, il faut un
certain nombre de bo. Autrement dit, le culte du vodun prend son appui sur le Bo. Le Bo est
donc son fondement. On ne peut valablement étudier le Bo sans faire allusion au vodun : d’où
la théorie théologique du Bo.

II. 7. GENESE THEOLOGIQUE DU BO


Dans Jalons pour une théologie africaine, Adoukonou Barthélémy nous montre
comment le vodun est un anthropomorphisme et que le vodun est le Bo divinisé ou la
personne qui a bien vécu selon les normes et les lois de la tradition qui est consacrée après sa
mort vodun. Il ne s’agit pas ici d’exposer sa théorie théologique africaine centrée sur le
Christianisme où il tente de montrer que les vodun sont des faux dieux car il n’y a qu’un seul
Dieu véritable qui est appelé Mahu en fon et qui a envoyé son fils Jésus-Christ pour sauver

E
U
tous les hommes sans distinction de race ni de religion.

EQ
Pour nous, d’après les informations reçues des paiens et des faiseurs de Bo, le Boto,
l’idée de Bo est attribuée à Dieu ou aux dieux. Car c’est Dieu qui donne l’efficacité au Bo en
lui permettant d’atteindre la fin visée par l’individu qui en fait usage tant dans la bienfaisance

TH
que dans la malfaisance, comme par exemple dans le recours à hèbiosso, le dieu de la pluie, à
Sakpata, le dieu de la variole dans le cas de certains grigris.
O
Tout ce que l’homme fait, il l’attribue à Dieu, aussi se demande-t-on si lui-même n’est
LI

pas fort. L’illétré donne au Bo une vertu divine. Les dieux, les vodun interviennent
IB

judicieusement dans le Bo. Là ils seraient à la genèse du Bo, la source du Bo. Les hommes
commercent beaucoup plus avec ce qui est visible, expérimentale qu’avec ce qui ne l’est pas.
-B

Les gens se demandent si on ne peut pas mettre certaines forces extraordinaires avant les
dieux, avant leur intervention. Le Bo apparaît comme un mécanisme très complexe que les
hommes ont mis au point afin de pouvoir arriver à réaliser certains objectifs. Ce mécanisme
IA

fait intervenir des objets et des paroles. Ces objets sont des plantes, des feuilles, des écorces,
des pierres, des perles, des minéraux, la flore et la faune que l’on reconnaît comme créatures
R

de Dieu ou des dieux. Les paroles, incantations qui les accompagnent pour en faire des Bo, y
ES

mettent une structuration parfaite qui a la vertu qu’on lui prête ou qu’on lui souhaite comme
effet.
D

Pour appuyer notre genèse théologique du Bo, rappelons que dans la mythologie fon,
O

Aziza est le génie-source de Bo. ‫״‬Dans la mesure où les chasseurs estimaient qu’Aziza est
C

l’esprit le plus fort en Bo et que dans la représentation du pathéon, au Dahomey, Lègba est
considéré comme le plus grand pourvoyeur de techniques de Bo. ‫ ״‬Herskovits partage ce point
de vue de Aguessy Honorat quand il écrit : ‫״‬Legba possesses all knowledge, no one is
stronger in Bo than legba. ‫״‬
Ces différentes théories de la genèse du Bo nous renvoient à une conception aliénante
et aliénée de l’homme et démontrent la conception marxiste de l’aliénation religieuse. C’est le
recours à Dieu par la religion qui empêche les hommes de prendre leur destin en mains, de ne
pas soupçonner le surhomme qu’il y a en chaque homme quand il fait un effort pour se
dominer, se surpasser en transcendant sa peur, sa crainte, son angoisse. La nature est une
source, un réservoir de puissance que l’homme a à sa disposition, que son savoir, sa science
va lui permettre de puiser sans jamais l’épuiser. Dans le puisage de ces puissances naturelles
offertes seulement aux initiés, l’homme par son intelligence a échafaudé des Bo que lui-même
par la suite essaie de placer au-dessus de ses forces pour les rendre irrationnelles afin de leur
accorder un peu plus d’efficience et de croyance. En effet, les différentes théories que nous
venons de voir sont des efforts d’exercice de l’esprit pour accorder plus de valeur à ce que
l’homme a créé en lui donnant des fondements mythiques, mystiques et même théologiques
afin de mieux asservir les autres hommes qui n’ont pas encore atteint ce niveau de
compréhension ou d’initiation dans le Bo.
Les théories qui vont suivre vont tendre à effacer cet aspect transcendant du Bo pour
lui reconnaître une genèse anthropologique.

II. 8. HUMANITE DU BO
Le Bo est une création humaine puisqu’il n’a pas existé de tous temps. Pour renforcer
son adaptation à son milieu, pour faire face aux bêtes sauvages, aux crises économiques et
sociales, aux disettes et aux famines, à la sécheresse, pour se défendre contre son ennemi réel
ou imaginaire dans la personne de son prochain, l’homme s’est livré à la pratique du Bo
comme nous le verrons dans les théories écologiques, utilitaire, sociologique, culturaliste et

E
onirique de la genèse du Bo.

U
EQ
a) Origine écologique du Bo

TH
La flore et la faune jouent un rôle très important dans la confection du Bo puisque
c’est à partir d’elles que sort tout bo. Le milieu écologique constitue ‫״‬la terre natale‫ ״‬du Bo ;
toute modification en son sein, modifie le Bo. Le visage écologique du Bénin varie d’une
O
région à une autre et diversifie ainsi le Bo que l’on trouve çà et là, le sud est nettement
LI

différent du nord, le sud constamment verdoyant nourrit une flore abondante où les Bo à base
de feuilles abondent tandis que le nord de tendance désertique et à faune variée offre des Bo à
IB

base surtout d’éléments bestiaux. Bien qu’opérationnel le Bo obéit à une base matérielle.
-B

Cette base matérielle est souvent prélevée au milieu ambiant. Qu’une perturbation intervienne
en ce milieu le Boto, le faiseur de Bo va manquer de matière première. La conséquence est
que le Boto va chercher des éléments de substitution afin de parvenir aux mêmes résultats, à
IA

savoir produire l’effet désiré, attendu ; une modification va intervenir dans la recette. Le
manque de ces éléments premiers explique pourquoi aujourd’hui certains Bo ont perdu leur
R

efficience qui était instantanée, immédiate, subite et imprévisible. La mort de certains Boto
ES

sans avoir livré leurs recettes fait que de nos jours l’on procède encore pour un effet voulu par
tâtonnements, par essais et erreurs. Dans ces conditions le Bo est adaptation de l’homme à son
D

milieu. A ce titre il constitue un élément de la culture. Le Bo est essentiellement culturel. Il


est un des éléments des pratiques collectives, un système de croyances ayant cours dans la
O

société. Définissant la culture, un Directeur Général de la culture a écrit : ‫״‬élément


C

fondamental de la vitalité de toute société, c’est-à-dire synthétisant les activités créatrices


d’un peuple, ses modes de production, d’appropriation des biens matériels, ses rapports
sociaux, existant en son sein, ses formes d’organisation, ses conquêtes et ses défaites, ses joies
et ses peines, ses souffrances, ses croyances, ses créations artistiques et littéraires. ‫ ״‬Il serait
vraiment fructueux de montrer tous ces aspects du Bo qui en font l’élément fondamental de la
culture noire en général et de la culture fon en particulier.
Toutefois, il faut faire remarquer que le Bo connaît aujourd’hui une baisse dans la
croyance à son efficacité chez les jeunes bien que paradoxalement les jeunes aient plus
souvent recours au Bo que les vieux. Cette baisse de la croyance à l’efficacité du Bo est due
au fait que le Bo est devenu un article de vente, un objet manufacturé, une marchandise que
l’on promène de maison en maison, de quartier en quartier, dans les rues de nos villes par des
vendeurs bohémiens dont le physique hideux fait rebuter le Bo à acheter.
Les fidèles des religions importées reconnaissent Jésus-Christ comme le plus grand
faiseur de grigris, le Boto par excellence. Un pasteur ne disait-il pas un jour : ‫״‬Le plus grand
Boto qui ait existé c’est Jésus le Miséricordieux. Sa parole ranime, vivifie. Ecoutez la parole
de Dieu. ‫ ״‬Cette citation du cantique Sangui n°7 au Cantique de Gun de l’Eglise protestante de
Dahomey Togo, p. 152 : ‫״‬Bokonon daxo detufi Jesu Ahuvèmèto oxotonxèhn ahuyamè. Mise
ogbe jesu ton. ‫ ״‬Cette citation nous révèle le caractère vraiment spirituel du Bo et
l’importance de la foi pour son efficacité. Le Bokonon ou le Boto est un individu auquel le
malade a recours pour savoir les possibilités qui s’offrent à lui pour sortir de son état qui
traduit une mauvaise adaptation à la culture.

b) Genèse onirique du Bo
Aussi loin que l’on puisse remonter à l’origine du Bo, le Bo a une origine onirique. Il
arrive souvent en songe, en rêve que des gens trouvent que leur voisin pense mal d’eux, leur

E
en veut et le considèrent comme permanemment dangereux et par conséquent il faut se

U
protéger contre lui. Ainsi le voisin est saisi comme un voleur d’âmes comme disait Jean-Paul

EQ
Sartre que son voisin lui vole son regard, son monde, sa chance, ses biens. A partir de là, il
faudra se méfier de lui, l’éviter et être prêt à le contre-attaquer par le Bo. Il n’y a pas de doute.

TH
Le Bo est d’inspiration onirique. C’est en rêve que les praticiens du Bo perçoivent de recettes,
O
des remèdes pratiques qu’ils ont dénommés Bo. Mais pour avoir de pareils rêves il faut être
LI
un homme qui respecte bien les données de la tradition, qui observe bien les interdits. Le rêve
IB

a diverses influences sur la vie des gens et les déterminent dans leurs actions de la veille.
-B

Ainsi celui qui s’est vu persécuté par son voisin en songe se méfie de lui à son réveil. Pour le
rêve le met en contact avec les ancêtres, les parents protecteurs qui lui dictent les conduites à
IA

tenir pour faire face à certaines situations de la vie. Le rêve assure aussi la communication
R

avec les génies qui nous donnent des combinaisons extraordinaires des éléments de la nature
ES

pour confectionner des Bo inédits qui vont nous aider à combattre toutes sortes de sortilèges,
d’envoûtements, de mauvais sorts, de maladies à coups de forces magiques, occultes. A la
D

longue, à force d’expérience, le rêve est perçu comme une occasion pour communiquer avec
O

les esprits et on a fini par y croire. Les remèdes obtenus souvent par interprétation des
C

symboles rêvés sont très efficaces. Le symbolisme des rêves se reconnaît encore de nos jours
dans la composition de nos Bo appelés modernes. On s’est parfois interrogé pour savoir
comment le guérisseur a pu à partir de l’interprétation des rêves de son malade non seulement
diagnostiquer son mal mais encore il a réussi à le guérir. La clé, c’est tout simplement
l’herméneutique des symboles : l’arbre, la lune, symboles de la force, de la fertilité, de la
fécondité, le chat symbole de la force maléfique, nocive, le chien, les mauvais esprits, un
homme ou une statuette couchée sur une natte, c’est un décès, un porc c’est l’agression des
sorciers. Les symboles se substituent à la réalité qu’ils représentent et laissent celle-ci s’y
manifester, s’y révéler. Les rêves indiquent parfois les sacrifices à faire pour sortir du danger,
de la maladie ou de la situation difficile car on pense chez les Fon que la nuit les défunts se
manifestent en songe pour réclamer des sacrifices, on ajoute d’autres ingrédients pour
confectionner des grigris très efficaces. De là nous pouvons retenir du Bo deux sources : le
rêve et les épreuves de la vie. Certains individus à force d’essais et d’erreurs arrivent à
confectionner des Bo et cultivent une certaine sagesse appelée sagesse du Bo, qui est un
savoir et un pouvoir incontestables.

c) Théorie techniciste du Bo
Le Bo est né dans un contexte général de réponses aux difficultés de la vie. Les
premiers habitants de la terre s’adonnaient à la chasse, à la pêche, à la cueillette. Si nous

E
imaginons un peu les outils qui leur permettraient de se livrer à ces genres d’activités, nous

U
disons que leurs outils étaient rudimentaires et très peu opérationnels et ils rentraient souvent

EQ
bredouilles. Pour pallier à cet état de choses, l’homme a inventé certaines pratiques. L’histoire

TH
nous rapporte que dans les grottes du Sahara, les hommes dessinaient des animaux fléchés sur
les parois de leurs murs. Cette image, ce dessin symbolise pour eux que l’animal dessiné sera
O
tué et que le chasseur ne rentrera plus bredouille à la maison. Cela constitue un signe de
LI

bravoure et de courage et l’affirmation anticipée de la capture ou de la mort anticipée de


IB

l’animal. Et à partir de cette remarque, l’Africain est arrivé à mettre au point la technique du
-B

Bo qui fera intervenir les forces surnaturelles, occultes en plus des forces physiques et des
forces intellectuelles. Et ceci dans toutes les activités humaines, y compris celles qui
IA

consistent à nuire à son prochain. Se nuire les uns aux autres ou se faire mutuellement du tort
R

est la source de la société, ou de la vie en société selon Rousseau. De telle sorte que toutes les
ES

théories sur la genèse du Bo nous ramènent à l’origine de la société car la société est le
D

fondement de toutes nos valeurs.


O
C

d) Genèse sociologique du Bo
On découvre en effet que le Bo a une origine sociologique lorsque l’on cherche à
répondre à la question : ‫״‬Le Bo a-t-il toujours existé ? ‫ ״‬La réponse est sans équivoque. Nos
informateurs en pagne répondent qu’ils sont dans le Bo et ont grandi avec cette mentalité.
L’existence du bo est antérieure à leur naissance. Ceux qui avant nous ont posé la question à
leurs parents, leurs grand-parents et leurs aïeux avaient reçu la même réponse que nous qui
vivons aujourd’hui : ‫״‬Nous sommes venus voir cela à notre naissance. ‫ ״‬Si le Bo est présent à
la naissance des hommes et qu’il continue d’exister, c’est qu’il est comme ‫״‬raison et volonté,
les deux splendides présents que la société dépose en notre berceau. ‫ ״‬Le Bo joue un rôle
éminemment social puisqu’il est toujours présent dans nos sociétés. Le Bo existe toujours et
existera toujours. Les jeunes y perdent confiance parce qu’ils en abusent. Pour eux, le Bo
n’est qu’une forme donnée du développement des moyens de production à une étape donnée
de l’histoire. Il est normal qu’il évolue avec l’évolution de la société. Effectivement, l’analyse
nous permet de justifier ces deux conceptions dominantes du Bo :
- la difficulté de remonter à l’origine du Bo
- la baisse apparente de la foi au Bo.
Le Bo au départ était considéré comme un moyen de production, un instrument de
travail. Les paysans faisaient et continuent de faire du Bo pour faire tomber la pluie sur leurs
champs en saison sèche, pour augmenter leur production et pour protéger leurs récoltes contre
les maraudeurs ou les voleurs, pour raccourcir les distances se rendre d’un lieu à un autre plus

E
éloigné sans véhicule réel. Les premiers Bo étaient ceux qui permettaient aux hommes
d’assurer leur alimentation en les aidant dans leurs activités de production. Aujourd’hui, les

U
plus fréquents Bo sont ceux qui garantissent et rendent prospère la profession que l’on

EQ
exerce. Le fonctionnaire moderne cherchera le Bo qui ne l’enlèvera pas contre son gré de son
poste en faisant le Bo appelé en fon ‫״‬Dotomasèten‫״‬, le puits est inamovible.

TH
La deuxième raison de l’origine sociologique du Bo résulte du fait que le Bo nait de la
vie en communauté. En cas de conflits ouverts et de difficulté de réconciliation, la fraternité,
O
l’amitié et la convivialité sont remises en cause et autrui est considéré comme un ennemi
LI

dangereux à maitriser, à dominer ou à éliminer, d’où le recours au Bo.


IB

Ainsi certains se livrent au bo pour se protéger contre les membres de leur famille qui
-B

exercent sur eux une contrainte à laquelle ils ne peuvent se soustraire sans l’aide d’une force
supplémentaire. Par ailleurs il faut vivre comme tout le monde sans chercher à vivre
IA

autrement ou à s’émanciper de la tutelle familiale, c’est s’exposer à des représailles graves, à


R

des sévices imparables, des sanctions imméritées comme les maladies indiagnosticables ou
ES

incurables, folie, envoûtements de toutes sortes. Dès lors on comprend mieux les raisons pour
D

lesquelles les pratiques occultes ont survécu aux oppressions et aux interdictions du
O

gouvernement à une certaine époque récente de notre histoire politique. La contrainte que la
C

famille exerce sur l’individu est si forte que manquer aux obligations, aux devoirs et aux
normes de la tradition suscite le mécontentement des aînés, des oncles, des tantes, des
cousins, des cousines surtout qui peuvent vous maudire ou vous jeter le mauvais sort.
Certaines tantes sont si exigeantes et si jalouses qu’à la moindre inconduite, elles sont prêtes à
se venger de vous. Il y en a même qui sont sorcières qui s’abattent sur vous par des sortilèges
ou qui font révolter les morts contre vous (yé na fon kutito do ji nu mi) ou qui vous envoient
des maladies auxquelles vous ne pourrez parer qu’en ayant recours à temps aux Boto et aux
Bokonon.
A côté de cette origine mesquine du Bo, il y a ce fait que les Fon ne conçoivent pas la
possibilité d’une vie familiale nucléaire à l’européenne, permettant de jouir tout seul du fruit
de son travail. Il faut faire des dons fréquents à la famille si l’on veut se concilier les bonnes
grâces de ses membres. Parfois votre entourage est jaloux de vos enfants, de votre réussite
sociale, et cherche par tous les moyens à vous créer des ennuis. Contraint dans l’adversité, le
pauvre infortuné cède aux caprices de la collectivité et en même temps cherche à se protéger
contre cette collectivité par le recours à la pratique du Bo. Comme conclusion à toutes ces
théories que nous venons d’explorer sur l’origine du Bo, nous nous apercevons que le Bo est
né du désir qu’a l’homme de se trouver un surplus de pouvoir, de connaissance pour résister
aux difficultés de la vie, difficultés inspirées par l’hostilité de la nature physique, difficultés
inhérentes à la vie communautaire, sociale. Dès lors le Bo est perçu comme moyen
d’adaptation inventé par l’intelligence humaine mais sublimé en objet de croyance ayant la
même valeur que la religion et se référant à la transcendance comme tout fondement de la
réalité humaine. ‫״‬L’homme, disait Aristote, c’est toujours animé d’un désir de connaître. A
partir de ce désir, de cette soif de connaissance, il invente des choses pour résoudre ses
problèmes quelle qu’en soit la nature. ‫ ״‬Dans cette optique essayons de connaître le Bo dans
sa définition.

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C
CHAPITRE III
DEFINITIONS DU BO

Il est difficile de définir le Bo. Sa définition doit être essentiellement pratique,


utilitaire, fonctionnelle car on ne se procure par le Bo pour le simple plaisir de le connaître, de
l’avoir. Des innombrables théories que nous avons avancées sur la genèse du Bo, aucune n’a
donné au Bo une origine purement intellectuelle, par curiosité scientifique. C’est toujours
dans l’intention de s’en servir un jour en cas opportun.
Commençons par son étymologie.

E
III. 1. SENS ETYMOLOGIQUE

U
Le terme fon Bo est selon nos informateurs en pagne, une abréviation de l’expression

EQ
yoruba ‫״‬Ebo aari fun‫״‬, qui peut se traduire de diverses manières : faites qu’il ne connaisse pas
la honte, couvre-le dans le sens d’une couverture matérielle et morale afin de cacher sa

TH
véritable nature aux autres. Il est recouvert en effet pour que l’utilisateur profane ne puisse
pas en connaître la vraie composition ou sa nature. D’origine yoruba ‫״‬Ebo‫ ״‬est devenu par
O
suite de sa diffusion chez les fon, les Gun et les Mina dont les langues sont de la même
famille, par déformation de la prononciation ‫״‬Bo‫״‬.
LI

Dans la pure tradition Yoruba, ‫״‬Ebo‫ ״‬est né de l’action de deux frères Aroni et
IB

Aronomandja. Le premier a cherché les feuilles d’un arbre et le second l’écorce et les racines ;
la combinaison de ces éléments a servi de médicament pour guérir un mal. Là le médicament
-B

a le sens de Bo ou plus précisément le Bo a un sens thérapeutique et se rapproche de (ama)


dans ‫״‬amansi‫״‬.
IA

Une autre version toujours Yoruba rapport que le Bo est parti d’un homme nommé
Oruki qui mit au monde trois enfants : Ekpè qui s’installe à Jébu, Acé qui occupa Egba,
R

l’actuelle Abéokuta et Kpétu qui cvhoisi Ifè. Grâce à cette version Ifè, Jébu et Egba sont
ES

demeurés très célèbres au Nigéria comme foyers de Bo. De cette version proviennent les trois
sortes de Bo : Acè, Ekpe, Kpétu Kpétu.
D

- Acé sert à guérir et permet de réaliser tous ses vœux et souhaits, et partant donne la
O

chance, le bonheur ;
C

- Ekpe au contraire sert à maudire, donne la maladie, le mal, le malheur, la mort ;


- Kpètu Kpétu sert aussi bien au mal qu’au bien.
De là découle la différence de leur usage et de la notice de leur emploi. Celui qui
utilise Acè est capable d’obtenir tout ce qu’il recommande à quelqu’un, de se faire obéir sans
hésitation. Un octogénaire a été offensé par un garde-cercle. Irrité, il ordonna à ce dernier
d’aller chercher du bois à vendre pour le restant de sa vie. Le troisième jour, le garde-cercle
devient incapable de présenter armes au commandant. Il fut immédiatement révoqué et se mit
à vendre du bois pour survivre. Kpetu kpetu était au départ une amulette, un talisman à porter
à la hanche, au bras ou au cou qui a un pouvoir d’action instantanée. Par Kpétu kpétu, un
ancien chef traditionnel du nom de Fanvi Xolu a ordonné à un vieillard qui se passait pour un
alfa et qui a osé le gifler au cours d’un procès, d’aller mourir dans le fleuve. L’alfa s’empressa
vers le fleuve aussitôt et les gens le rattrapèrent en courant pour l’en empêcher.
Malheureusement il se mit à réclamer de l’eau à boire sans interruption jusqu’à rendre l’âme
le soir.
D’après son étymologie, le Bo a un sens caché, clandestin, sournois, subreptice qui lui
permet de s’infiltrer dans le social et de se réfléchir dans les comportements, les normes de la
vie sociale et dans les représentations collectives. La croyance au Bo a continué à avoir une
grande extension et a être conçu comme un ensemble de forces psychologiques qui dans son
mode d’action présente un caractère magique. Il est canal, vecteur par lequel se communique
la puissance d’un individu, d’une ethnie, d’un clan ou d’une race.
Nous saisissons par cette étymologie du Bo, que Bo est un fait confidentiel, clandestin

E
à distribution restreinte, lui donnant une allure ésotérique, occulte. C’est ce qui explique à un

U
EQ
certain moment de nos enquêtes que certains de nos informateurs ont refusé de répondre à nos
questions sur la pratique et la connaissance du Bo. Ce fut seulement après fréquentation sur

TH
fréquentation qu’ils ont fini par avoir confiance en nous et se familiariser à nous pour causer
avec nous du Bo et en aborder effectivement la définition avec nous.
O
LI

III. 2. LES DEUX COMPOSANTES DU BO


IB

Deux aspects se dégagent de la définition bu Bo. Dans le langage courant on retient


-B

souvent les expressions suivantes ‫״‬Eblo, Edjan bo‫״‬, c’est-à-dire on a monté le Bo, on a tendu
un piège. Ce sens de montage, de trappe, de piège est encore resté aujourd’hui chez les
IA

Antillais. ‫״‬E do mon ni, é na djè mè, e do bo é‫״‬, on lui a tendu un piège, on lui a jeté un
R

mauvais sort. ‫ ״‬Ena djè mè, é na so fècha‫״‬, il va se faire prendre, il va y tomber. Cette idée de
ES

montage, de piège fait reconnaître dans le Bo deux parties essentielles : une partie matérielle,
D

artificielle, factice et une partie immatérielle, invisible mais intelligible ;


O
C

A) LE CÔTE MATERIEL

a) BO = ama
Le côté matériel est ce qui apparaît au premier abord, de façon sensible. C’est le
‫״‬ama‫״‬, la feuille. Le Bo est ama, Bo ama wè nyi : c’est la feuille qui est Bo. Dans le Bo, c’est
la feuille qui opère, ce n’est pas le ‫״‬vodun‫״‬, la divinité traduite par les ethnologues par fétiche.
Selon le poète guérisseur Philibert Dossou-Yovo, le Bo c’est tout simplement la feuille, sans
mystère, sans goût du merveilleux, ce n’est en aucun cas le fétiche. Dans les villages en effet
selon le poète guérisseur le vodun était un appareil de répression traditionnel qui en semant la
peur contraint les gens. Dans le temps le vodun était le seul moyen qu’avaient les gens pour
garder jalousement leurs biens, surtout en argent. Ils creusaient à cet effet des trous pour
cacher leurs cauris (monnaie d’alors) et signalaient ces trous par des piquets indicateurs. Ils
appelaient ces piquets vodun dans le sens de tabous, de ce qu’on ne doit pas toucher, pour en
éloigner voleurs et gens sérieux. Ce n’est que progressivement que vodun a commencé à être
pris comme un Bo car on s’était aperçu que les piquets-vodun n’éloignaient aucun danger et
ne protégeaient l’homme en rien et ne servaient qu’à faire repérer les trous d’épargne pour
protéger l’argent. C’est par la suite qu’on a pensé à ériger des ‫״‬Houédo‫ ״‬et des ‫״‬Houéli‫ ״‬qui
sont souvent une motte de terre installée sur des feuilles au milieu de la cour d’une maison
pour délivrer cette maison du danger et la protéger contre les mauvais esprits. Ensuite on a le
Tolègba qui est plus grand que le Houéli et qui protège tout le village. Lui il est érigé non
seulement sur des feuilles de grandes vertus mais encore sur un animal ou sur un homme.
D’ailleurs le Lègba est le vodun qui garantit l’animation du marché et de ce fait nécessite la
tête d’un homme pour son érection, peu importe la catégorie sociale de cet homme, il peut
s’agir d’un fou ou d’un individu quelconque. Le Lègba est d’ailleurs le vodun du mouvement,
de la vie. Ce dieu qui se manifeste par la violence est symbolisé dans la vie courante par les
forces de l’ordre, la police et la gendarmerie.

E
Tout à fait à l’origine on distingue quatre feuilles fondamentales pour confectionner
tout Bo, tout grigri. En fon ce sont ‫״‬Axéxé‫״‬, ‫״‬Zintiti‫״‬, ‫״‬Séma‫ ״‬et ‫״‬Dés éguèma‫״‬, que nous ne

U
traduirons pas en français et dont nous ne révèlerons pas non plus les noms scientifiques pour

EQ
ne pas permettre à tout venant de faire du Bo et pour surtout garder le caractère secret du Bo,
dans la déontologie orthodoxe du Bo.

TH
A ces feuilles principales et fondamentales ou à la feuille tout court, on ajoute des
éléments d’animaux, organes ou sang pour renforcer la vertu de la feuille. En effet, la feuille a
O
une vertu déterminée dans les conditions déterminées, et elle joue le rôle qu’on attend d’elle si
LI

les conditions sont effectivement respectées, à savoir un pouvoir d’action. Pourtant, de là


IB

lorsqu’on ajoute à cette feuille un os d’un animal quelconque ou le sang de cet animal, ce
-B

n’est pas pour mystifier le client, ni pour un diner de gala avec le reste de l’animal mais c’est
tout simplement pour augmenter la force de la feuille. Sur ce point il a été remarqué que le
IA

foie et le sang sont les éléments qui entrent le plus souvent en ligne de compte pour renforcer
R

la vertu des feuilles assemblées. Etant donné qu’aucun de ces éléments n’est en vente nulle
ES

part, on est obligé d’immoler l’animal en entier. Autrement dit, la connaissance des feuilles
D

peut être renforcée par celle des animaux car parmi eux certains sont doués d’une vertu
O

déterminée de façon précise. Tel est le cas du python qui est d’essence anti-sorcelleresque, du
C

chien qui annonce les mauvais présages et fait pressentir un danger, du pigeon qui apporte
douceur et prospérité. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on rencontre sur les marchés la
graisse de certains animaux. C’est aussi le cas du lézard dont la dent en collier aux enfants
leur facilite la dentition.
Voilà tant d’exemples qui montrent la vertu des plantes, des feuilles et des animaux à
guérir, à engendrer le triomphe, le succès, sans recourir à la psychologie proprement dite des
hommes. Il en est de même pour les amulettes, ‫״‬les défifin‫״‬, les talismans, les ‫״‬tila‫ ״‬qui sont
souvent un ensemble de feuilles et d’autres ingrédients enveloppés dans un sachet en toile ou
en cuir : les ‫״‬nudida‫ ״‬qui sont en général du cola pétri dans le sang d’un animal ou imbibé du
sang d’un animal qu’on accompagne d’incantations pour obtenir l’effet souhaité. C’est
toujours le même procédé. La divergence ou la différence des ingrédients est due à la
différence de leurs rôles.
Cependant, lorsqu’on fait asseoir un Lègba personnel, individuel au chevet de son lit ou
derrière sa case, ce n’est qu’un ensemble de feuilles et d’autres éléments précieux auxquels
on profuse respect et qu’on traite en tabou pour mettre au rang du sacré, du vodun auquel
on jure fidélité et dont on obtient ce qu’on demande. A partir de là le Bo n’est pas
initialement pour faire du mal, il est connaissance en ce sens que ‫״‬ama‫״‬, la feuille est la
matière et le Bo est la science… Quand on connaît les différentes matières et la manière de
les agencer, on peut obtenir un remède qui aux yeux de certains est perçu comme quelque
chose de spectaculaire, d’extraordinaire. L’exemple le plus spectaculaire est la guérison
d’une fièvre éruptive. Il s’agit du mélange en infusion des feuilles de trois ordres :
- Le premier ordre regroupe les feuilles qui accélèrent la production du pus au niveau

E
des abcès comme la feuille de tomate ;

U
EQ
- Le deuxième ordre de feuilles aura pour rôle de panser les plaies laissées par les
boutons purulents ;

TH
- Le troisième ordre concerne les feuilles ou les écorces destinées à effacer les
empreintes causées par les plaies. Un seul problème se pose à ce niveau. Lorsqu’en
O
attendant son rôle, l’une des substances commence à avoir son effet sur les prestations
LI

de l’autre, on est obligé de les pratiquer séparément et convenablement selon leur tour.
IB

En dehors du foie, du sang des animaux, on ajoute aux feuilles des poils, des griffes,
-B

des crocs, des plumes, des peaux, des têtes, des dents, bref, certaines parties de l’animal dont
le symbolisme est évident.
IA

A côté du règne animal, on puise aussi dans le règne végétal : plantes, graines,
R

feuilles, fleurs, écorces, racines, etc. C’est d’ailleurs le règne végétal qui est la base même du
ES

Bo, le réservoir intarissable du Bo, l’inépuisable source du bo, car tant qu’il aura de la verdure
il y aura toujours du Bo.
D

Dans le règne minéral on puise les pierres, les minerais, du sable, du calcaire dont on
O

se sert pour confectionner les ‫״‬Glo‫״‬, les plus puissants comme ‫״‬Awignanguidigbadja‫ ״‬dont la
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seule présence à la maison éloigne les mauvais esprits et le voleur, le calcaire, ‫״‬Houé‫ ״‬dont la
pulvérisation sert à fabriquer les ‫״‬Fafo‫ ״‬avec des ‫״‬du‫ ״‬du Fa et dont l’usage avec ou sans
incantations accorde puissance, gloire et terreur.
Avec l’avènement de la traite et de la colonisation, on a introduit des éléments
nouveaux comme le miroir pour ‫״‬Koudio‫״‬, la houe, ‫״‬Alin‫״‬, le bleu de lavage, ‫״‬Fé‫״‬, le fer,
‫״‬Flélégan‫״‬, l’aluminium ‫״‬Agbalia‫״‬, fil d’acier, ‫״‬dabla‫״‬, tissu servant de linceul, lame de fer, la
poudre, du parfum, de la pommade.
Pour avoir tous ces éléments se constitue un marché selon les lois de l’offre et de la
demande, et selon un langage ésotérique. Ainsi pour désigner les éléments qui révèlent de
l’homme on parlera du ‫״‬Kanli e du djèta‫״‬, la mouche s’appellera ‫״‬Sévitchichi‫ ״‬au lieu de
‫״‬Soukpo‫ ״‬du langage courant.

b) Bo différent de ‫״‬amansi‫״‬
Nous venons de voir que le Bo est‫״‬ama‫״‬, feuille mais il n’est pas ‫״‬amansi‫״‬. L’amansi
est l’équivalent du produit pharmaceutique. Son application nécessite le contact direct du
produit avec le corps de l’individu par voie orale pour les potions ou par voie cutanée,
dermique pour les bains ou par onction pour les pommades ou par fulmigration ou par
inhalation. On a généralement recours à amansi, l’eau de feuille pour guérir une maladie
naturelle non-provoquée.

E
Le Bo sert parfois de ‫״‬amansi‫ ״‬dans le sens d’antidote. Dans ce cas on parle de

U
‫״‬Bomansi‫״‬, contraction de Bo et de amansi dont les effets paraissent vraiment mystérieux.

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Lorsque le malade va à l’hopital et que le médecin moderne n’arrive pas à le soigner parce

TH
qu’il n’arrive pas à poser un diagnostic pour son mal, comme quand le malade se plaint de
fièvre tandis que sa température est normale ou de douleur et qu’aucun appareil ne signale un
O
dérèglement, à ce moment on a raison de recourir au Bo. Le Bo à ce moment traite le mal et
LI

guérit spectaculairement le malade. Ici, le ‫״‬Bo-mansi‫״‬, n’arrive même pas à toucher le corps
IB

du malade directement, son corps est seulement saisi en représentation par une statuette,
-B

‫״‬Botchio‫״‬, auquel on fait des scarifications, des vaccinations accompagnées d’incantations


pour guérir le malade dont tout le monde désespère déjà de la guérison, surtout si le malade
IA

est loin, à l’étranger.


R
ES

c) Bo et Nuvènu
D

Bo sous forme de feuilles vraiment efficaces et à action instantanée est appelé


‫״‬nuvènu‫״‬. Nuvènu est formé à partir de ‫״‬nu‫״‬, chose, ‫״‬Vè‫״‬, interdit, ne se fait pas, ne s’accorde
O

pas ou demeure incompatible. Exemple : Djè vè gbin, l’escargot et le sel sont incompatibles,
C

ils ne peuvent pas rester ensemble puisque lorsque l’escargot touche le sel, il meurt illico
presto. Le sel, ‫״‬djè‫ ״‬constitue pour l’escargot un ‫״‬Nuvènu‫״‬. Le nuvènu peut donc se définir
comme quelque chose qui s’accompagne d’une réaction inattendue, indésirable, non-
souhaitable, mais qui se produit nécessairement. La connaissance et la détention du ‫״‬Nuvènu‫״‬
ne nécessite pas un apprentissage particulier ni long, ni spécifique. Certains pensent que le
‫״‬nuvènu‫ ״‬n’est pas un Bo. Cependant le détenteur du Nuvènu se montre très exigeant pour en
livrer le secret car son efficacité est hors de tout doute. On appellera quelque chose ‫״‬nuvènu‫״‬,
ce dont l’action produit immanquablement l’effet escompté. Rien n’y demeure caché, tout est
patent dans la chose en présence pourvu que les conditions d’efficience soient respectées. Le
client obtient en même temps l’objet et la formule qui l’accompagne en même temps que sa
source de provenance, sa genèse et sa finalité. Si l’on verse du lait frais d’une chèvre noire sur
une galerie de fourmis cadavres, il commence à pleuvoir aussitôt, si l’on met un caméléon et
un scorpion dans un même bocal, la foudre tombe immanquablement et immédiatement, ou
tout simplement on ne peut pas mettre du piment dans les narines ou dans les yeux : c’est
contre nature. Le nuvènu, c’est ce qui est contre-nature, mais ce dont certains, à force
d’expérience, en ont acquis la sagesse et en font des démonstrations sans exhibition et sans
mystère. C’est pourquoi les détenteurs du Nuvènu ne courent pas la rue car la connaissance du
nuvènu se transmet avec beaucoup plus de soins et d’admonestation que tout genre de Bo. Il
n’a jamais de contre (Fla) et il ne loupe jamais son effet.
Conventionnellement, le ‫״‬Nuvènu‫ ״‬est considéré comme un Bo très simple, dont les éléments
constitutifs se ramènent en général à un seul objet très simple, une feuille, un caillou, un signe
parfois qui ne râte jamais l’effet qu’on attend de lui. Sa réalisation n’est ni difficile ni
coûteuse. C’est la forme élémentaire et première du Bo considéré dans sa composition et dans
son efficience. De lui se rapproche le ‫״‬Kpé‫״‬.

E
d) Le Kpé et le Bo : Cf planche III

U
Dans la genèse yoruba du Bo, nous avons vu que le Kpé est le procédé par lequel on

EQ
obtient nécessairement ce que l’on souhaite, ce que l’on désire quelle qu’en soit la nature. Il
est, avons nous dit, d’origine yoruba. Il arrive même que l’incantation qui accompagne sa

TH
mise à la langue se prononce même en yoruba. C’est en général un mélange de savon noir, de
O
feuilles calcinées et pulvérisées pétrits dans la coquille d’un escargot, d’un œuf ou d’une
LI
corne d’animal. On utilise en y touchant sa langue un certain nombre de fois, le matin au saut
IB

du lit avant d’adresser la parole à quelqu’un. Après son usage, il est recommandé de ne pas
-B

dire du mal à quelqu’un mais seulement du bien car tout ce que l’on dit se réalise avant la fin
de la journée. Dans nos sociétés les vieux pour se rendre redoutables utilisent le Kpé.
IA

L’utilisateur du Kpé se dit ‫״‬Tchékpémèton.‫ ״‬On a pris l’habitude de considérer l’emploi du


R

Kpé pour nuire à autrui de façon spectaculaire et on a oublié que le Kpé peut servir aussi à
ES

faire du bien.
Le ‫״‬gbinsuhon‫ ״‬est un genre de Kpé très redouté en bien comme en mal. Pour le
D

confectionner ou le monter comme nous avons dit au début de la définition du Bo, il faut :
O

du savon noir, une aiguille rouge et une aiguille noire. Enfoncer les aiguilles dans du savon
noir. Si l’on veut maudire quelqu’un on prend l’aiguille rouge, on fait passer sept fois sur
C

le bout de la langue et l’on dit tout le mal qu’on veut à quelqu’un. Si l’on veut bénir
quelqu’un on prend l’aiguille blanche, on la trempe dans le savon noir et on la touche du
bout de la langue les sept fois et puis on dit tout le bien que l’on souhaite à l’individu. La
coquille de l’escargot est réceptacle de tous les ingrédients cités et c’est d’ailleurs le nom
indigène de l’escargot que porte ce Kpé. Il y en a d’autres formes plus raffinées et plus
subtiles parce que plus discrètes. L’emploi immodéré des Kpé abime les dents et rend
même des fois édentité. Dans la pratique il est conseillé de s’en méfier, surtout si on est un
chef ou un père de famille. On a tendance à vanter ses effets. C’est pourquoi certains le
considèrent comme bizarre dans ses manifestations.
e) Bo et Nudjidjrè
Le Bo est différent du Nudjidjrè. Le Nudjidjrè relève de la démonstration, de la
prestidigitation pour distraire les gens, les étonner merveilleusement ; il s’apparente à la
magie. Par des forces presque démoniaques le nudjidjrè produit des manifestations qui
dépassent l’entendement humain. Un homme peut cracher du feu. On peut à partir d’un
seul pigeon en avoir une vingtaine. On peut à partir d’une seule bouteille de boisson
parvenir à faire boire toute une foule. Le Nudjidjrè est réservé à celui qu’on appelle
‫״‬nudjrèto‫ ; ״‬il est pour le commun des gens un magicien car ses faits et gestes font réfléchir
et se distinguent de ce que nous appelons ‫״‬nusinu‫״‬, présage, avertissement, signe avant
coureur. Voir par exemple des essaims d’abeilles en pleine ville, ou une taupe traverser la
voie publique en plein jour, ou des lézards se chasser dans les chambres sur les nattes. Ces
faits sont rares mais poussent à consulter le Bokonon, le charlatan et à consulter le Fa mais
ne constituent en rien le Bo.

E
f) Le Nudida et le Bo

U
Le ‫״‬Nudida‫״‬, nu, chose, dida, préparée. Sous forme contractée, ‫״‬Ndida‫״‬. C’est souvent

EQ
la noix de gentiane, préparée avec du sang d’un oiseau, pigeon, canard, que l’on mange le

TH
matin au saut du lit ou quand on se sent en danger pour se protéger contre le mauvais sort en
prononçant des incantations qu'on appelle en fon, "Gbésisa","Bogbé" que nous verrons plus
O
loin. En réalité, le Nudida est toujours en possession de l'individu dans sa poche, son gousset
LI

ou dans un petit sachet qu'il emporte partout au cours de ses déplacements. Il rend la bouche
IB

plus efficace en permettant à l'individu qui l'utilise de réussir. Le Boto ne se déplace jamais
-B

sans Nidida, la nuit quand il sort ou quand il va à une runion douteuse, il en prend un peu pour
se tirer d'affaires en cas de difficulté. A défaut de Nudida, l'individu peut s'arracher des
IA

cheveux, ramasser le sable sous son talon et les mettre dans la bouche avant de prononcer des
R

paroles terribles à entendre pour les oreilles. Celui qui qui ne goûte pas de Nudida, est victime
ES

de toutes les menaces qu'on lui fait, dans ce cas, le Nudida est un antidote qui immunise
D

contre les assauts occultes inopinés. Le Nudida sur ce point se rapproche du Kpé, en ce sens
O

qu'il fait accroître la puissance du verbe, de la parole, de l'incantation. C'est pourquoi dans la
C

transmission du Bo, le Boto mange un peu de Nudida et en donne aussi à son interlocuteur
pour le mettre dans les mêmes conditions d'efficience que lui. C'est l'identité des conditions
qui accorde immunité, sécurité de part et d'autre. Le Nudida en tant que préliminaire à toute
opération du Bo nous introduit dans le deuxième aspect du Bo, l'acpect immatériel du Bo.

B- LE CÔTE IMMATERIEL DU BO OU LE DEUXIEME ASPECT DU BO


La parole, le verbe, l'incantation recouvrent le deuxième aspect du Bo, l'acpect
immatériel ou formel du Bo. C'est le côté invisible mais intelligible du Bo. Il nous renseigne à
la fois, sur les éléments constitutifs du Bo et sur la fonction du Bo à utiliser ou sur l'effet
attendu, escompté du Bo. C'est cet aspect qui donne son sen sau Bo. En fon, il est appelé
Bogbé, Gbessissa, Nunyi que l'on traduit par incantation en tant que parole qui accomplit le
Bo. Précisons un peu dans les détails.

(a)- Le Bogbé
C'est la parole qui accomplit le Bo, en tant que son complément nécessaire pour susciter
l'efficience de la manière utilisée pour monter, confectionner le Bo. Il est indépendant des
éléments constituants du Bo. L'expression fon l'explique clairement: "Ama wa Bodé a na sa
gbé ton an kpoli tula sa bogbé", si tu n'as pas fait un gris-gris, tu ne pourras pas en dire la
parole incantatoire, Kpoli, tula a dit une parole de Bo. le tula, c'est le signe du Fâ qui

E
recommande à l'individu de garder sa langue car c'est par sa langue que tout peut lui arriver.

U
Le bogbé est spécifique à un Bo donné. Certains Bo ont besoin d'être complétés par leur

EQ
bogbé au cours de leur montage, d'autres seulement au cours de leur utilisation, d'autres enfin

TH
en d'autres circonstances pour accorder à l'utilisateur, toute l'efficience requise. Le Bogbé se
présente sous des formes diverses, soit de sermenr, soit de voeu, de souhait, de prière, soit
O
d'interjection, soit d'hymne, soit de simples formules ordinaires. le bogbé incarne l'esprit
LI

même du Bo."Zagun loko non dé atin devo non yi agban a" du vivant de l'arbre iroko,,aucun
IB

autre arbre ne recevra de sacrifice.


-B

Parmi les formulations du bogbé, il y en a qui consistent à décrire même l'opération que l'on
désire réaliser. Il est en ce cas précis, l'évocation de l'analogie de ce que l'on veut obtenir.
IA

Ainsi, celui qui cherche à se rendre redoutable dira témérairement: "Kanli vu ma kpon kpo
R

nuku min: un petit animal ne regarde pas dans les yeux de la panthère, autrement dit, un petit
ES

animal n'ose pas affronter la panthère".


D

Ensuite, le bogbé catalyse les éléments constituants du Bo, leur combinaison pour leur rendre
O

l'efficience intégrale et totale en déclenchant l'action conjuguée de tous les ingrédients en


C

présence. Il n'est pas un propos magique inintelligible, incompréhensible et mystérieux, il


indique le vrai nom des choses en contact, en acceptant leur compatibilité, leur cohérence et
leur concours harmonieux et diligent ou leur incompatibilité tels qu'ils existent effectivement
au sein de la nature."Adjinakou non tafo gbédji bo non fon an", l'herbe ne repousse plus là où
l'éléphant piétine. Ici, il s'agit d'un fait naturel évoqué en loi d'une incompatibilité, l'herbe ne
repousse plus là où l'éléphant a posé ses pattes. Une incompatibilité est ce qui relève de la
nature des choses, ce qui explique que quelque chose cohère avec l'ensemble, s'harmonise
avec lui et se conçoit parfaitement. "Adoglo assi wè non ba assuo bami chacha", c'est le lézard
femelle qui cherche le mâle pour le rapport sexuel, cherche-moi à la hâte. Ce bogbé se
prononce après l'absorption d'une poudre spéciale appelée "Ylo" en fon, dès qu'une femme
l'absorbe, elle devient envoûtée, se met aussitôt à la recherche de celui qui lui a fait absorber
ladite poudre. Il s'agit toujours d'énoncer un simple fait naturel qui a rang de l'énoncé d'une loi
régissant tous les éléments en présence. L'énonciation du bogbé est ici en même temps
l'évocation, l'invitation et l'appel de cette action projetée comme force irrésistible, comme
attraction par le support matériel confectionné de tête de lézard femelle, de feuilles incinérées
et de crachats d'atakun (poivre de Guinée) là dessus pour livrer le message du bogbé. C'est
donc le bogbé qui accomplit le support matériel du Bo.

(b) Le Gbesisa ou le Gbesa

E
U
Le Gbesisa" ou "Gbesa"est souvent confondu avec le Bogbé. Et pourtant, il s'en distingue par

EQ
le fait qu'il est l'auto-suggestion, la conviction et la persuasion qu'a l'individu de la réalisation

TH
de son désir, de son souhait, de son vœu, de sa prière. Avec le Gbesisa, l'auteur se donne
pleine confiance, pleine assurance qu'il va réussir ce qu'il entreprend ainsi exactement selon sa
O
sollicitude. Lorsque le tradi-praticien fait une potion à son malade avant de la lui donner à
LI

consommer, il "sagbé", il prononce gbesisa qui rend le médicament efficace. le gbesisa donne
IB

à la potion préparée toute sa vertu thérapeuitique escomptée. Au niveau de l'individu


-B

bénéficiaire du gbesisa, il est rassuré qu'il aura gain de cause. Le gbesisa qui accompagne
quelque chose, rend cela efficient. C'est là que la médecine traditionnelle se distingue de la
IA

médecine moderne. lorsqu'un tradi-praticien fait une potion, une drogue, un médicament et
R

l'accompagne d'un gbesisa si nous réunissons tous les éléments qu'il a réunis lui même et que
ES

nous ne faisons pas usage de son gbésisa, nous n'aurons pas l'effet escompté. C'est à cet aspect
D

mystérieux du gbesisa qui est perçu comme mystique et qui fait que la pharmacopée
O

traditionnelle est le propre des initiés, des tradi-praticiens. le gbesisa montre que la vertu
C

curative est due à autre chose qu'au principe actif des éléments constituants en présence. Cette
incompréhension a suscité un long débat parmi les pharmaciens africains qui veulent
introduire la pharmacopée traditionnelle dans leur analyse et l'utilisation des médicaments. Ils
n'ont pas réussi à démontrer que le gbésisa est inutile, superfétatoire car chaque fois qu'ils n'en
font pas usage, le médicament ne guérit pas. C'est là l'un des caractères difficiles de la science
du Bo. Le sens et la portée du principe actif ne sont pas les mêmes en médecine moderne et
dans la médecine traduirelle. Or il faut arriver à les identifier, à les cerner pour aller de
l'avant. Losrqu'en cas de difficulté, on ne fait pas de recours à un Bo précis, mais une simple
incantation, on ne parle plus de gbesa, ni de bogbé mais de nunyi.
(c)- Le « Nunyi » :

Le nunyi en lui même n'est composé que de parole; il n'y a d'autres supports matériels que
des vibrations sonores, auditives. Le nunyi est prononcé en cas de difficulté de tout genre et
consiste à prononcer les noms occultes, les noms premiers comme le dit Olympe Bhèly
Quenum des choses. Quand l'individu en cas de danger est dépourvu de tous moyens de
défense, de toutes armes, il prononce des nunyi qui ici transforment la perception de la
situation en permettant de passer de la peur à la maîtrise de soi, de la méfiance à la confiance
en soi, du découragement au courage, d'épouvanter, de terrasser l'adversaire en cas d'hostilité

E
ou d'agression pour réduire l'ennemi à sa plus simple expression. Le nunyi donne le salut d'un

U
côté et la mort de l'autre. Par exemple, avec le nunyi, on peut ramener à la vie celui qui est

EQ
déjà dans le coma. Avec le nunyi,on peut extirper de la tête d'un individu, les maux qui le

TH
harcèlent. Avec le nunyi, on peut condamner quelqu'un à commettre un crime, à faire un
accident grave. Avec le nunyi, on peut obliger une femme récalcitrante et rétive à se rendre.
O
Avec le nunyi, on peut exorciser, disperser les mauvais esprits qui vous hantent la nuit et vous
LI

inspirent la peur ou l'insomnie. Avec le nunyi, on peut rendre présent l'esprit d'un mort et
IB

converser avec lui. Mais avant de prononcer un nunyi, il faut faire usage du nudida, sinon
-B

c'est néfaste pou soi-même et ça risque aussi de ne pas bénéficier du secours nécessaire pour
se tirer d'affaires. La caractéristique du nunyi, c'est l'audibilité. En effet, pour que le nunyi
IA

porte son effet, il faut que l'individu visé le perçoive, l'entende. le nunyi est en quelque sorte,
R

un "nuvènu" pour les oreilles, quelque chose que les oreilles ne doivent pas entendre, quelque
ES

son incompatible aux oreilles humaines. En cas d'agressivité ouverte, il est très dangeureux
D

d'entendre un nunyi. Même par téléphone, il agit car il suffit que le son arrive au destinataire
O

en tant que menace, danger. Pour s'en préserver, il faut aussi prendre un peu de nudida ou se
C

faire des scarifications appropriées aux deux oreilles pour avoir une immunité permanente.
Dans les couvents de revenants et dans les milieux de haute sorcellerie, les gens s'éliminent à
coups de nunyi. C'est pourquoi il n'est pas conseillé aux non initiés de se hasarder dans ces
milieux. Pour en finir donnons un exemple.
Voici un nunyi pour réanimer un individu qui a piqué une crise grave ou qui est même
déjà dans le coma. "Zan on zan wè nyi a,enyi atohwidé atosa Xejo Xèku, lanjo lanku, atinjo
atinku, kanjo kanku, mehwinjo mehwinku, gbètojo gbètoku. Xonton dé non dalè déwua. Zan
maso dalè wutu ton déo. La nuit ne s'appelle pas la nuit, elle s'appelle "atohwidé atosa"
(intraduisible) l'oiseau qui est né meurt, l'arbre qui existe meurt, la corde qui existe meurt, le
noir qui est né meurt, l'homme qui est né meurt. Un ami ne doit pas trahir son ami; La nuit ne
doit plus te trahir; Un autre exemple plus simple pour supprimer la vue à quelqu'un, le rendre
aveugle sur- le- champ: "kanan hoto mon non ho dokpo dekpo agban mè", l'acheteur d'akassa
n'achète pas s'il reste à la vendeuse qu'un seul akassa.
Bogbé, gbesisa,nunyi, sont traduits de façon imprécise en français par incantation,
parole incantatoire. Ils sont des termes de la science occulte. L'incantation, c'est le Bo même
devenu parole, c'est le gris-gris sous sa forme la plus pure, la plus élaborée et la plus simple
qui se présente comme un moyen, un recours spontané que l'individu a à sa disposition. De
l'incantation, nous pouvons dire ce que les évangélistes disent du verbe. Au commencement
dit St Jean était le Verbe. La puissance du Verbe ne date pas de la Négritude, elle est depuis

E
l'origine des choses. Le Verbe apparaît comme recouvrement de la foi, consolidation de la foi,

U
exigence de la foi, annonce de la foi en ce que l'on désire réaliser. Il a même effet qu'un

EQ
matériel physique. Ainsi seulement à l'aide d'incantations (expression de la volonté absolue),

TH
de la parole, Jésus a ordonné à Lazare mort et enterré de se lever du tombeau. Aussitôt Lazare
s'exécute, sort du tombeau, passe de l'autre monde au nôtre, revient ainsi par enchantement à
O
la vie. L'incantation de Jésus qui a donné un effet sans précédent dans l'histoire de l'humanité,
LI

est très efficace, repose sur la foi, émane de Jésus lui même qui est la Vérité et entoure la foi.
IB

C’est ici qu'il faut comprendre la parole de Goethe : "Le miracle est l'enfant le plus chéri de la
-B

foi" 17. Une fois que l'incantation est prononcée dans les conditions requises, la foi sert à agir.
De ce fait, celui qui prononce la même incantation que Jésus : "Lazare viens dehors" même
IA

dans les mêmes conditions n'aura pas les mêmes résultats que Jésus si sa foi n'a pas la même
R

force de frappe que lui. Le verbe, l'incantation est la couverture de l'élément matériel qui peut
ES

agir. L'incantation qui accompagne l'élément matériel du Bo relève du domaine magico-


D

spirituel destiné à produire un effet spectaculaire. Aussi l'élément matériel plus l'incantation
O

produit-il un effet, l'effet attendu. Par contre, on constate que l'usage répété de certains Bo
C

(élément matériel plus incantation) fait que seules les incantations peuvent produire le mêmes
effets. Tout se passe comme s'il s'agissait de l'expérience de Pavlov sur les réflexes
conditionnés. L'incantation à la longue à l'élément matériel constituant du Bo comme son de
la clochette ou le signal lumineux se substitue à la viande pour déclencher la même réaction
de salivation chez le chien. autrement dit l'incantation à elle seule peut déclencher l'effet
escompté du Bo. Mais en quoi consiste-elle? en simple, c'est l'évocation des différents
éléments qui entrent dans la composition du Bo, en tant que matière pour déclencher, réaliser
les désirs, les demandes, les ordres, les volontés et les souhaits de l'individu. Mais est-ce que

17
Goethe, le Second Faust
les incantations sont toujours nécessaires? Oui et non. Oui car certains Bo exigent des
incantations. Non car certains Bo sous forme de "Nuvènu" n'en exigent pas. C’est pourquoi
l'incantation, le verbe peut être placé au même titre que l'élément matériel à certaines nuances
près. L'objectif de l'incantation, c'est de créer un conditionnement favorable, de rendre
l'environnement favorable, d'ouvrir un champ d'action cosmique approprié pour produire
l'effet désiré. En dehors de l'exemple célèbre de l'incantation de Jésus, donnons-en un autre
très courant et très simple dans la littérature fon:"Wada kpèkpè non ho avo bonon do toton
huéa, gbédji gbédji wè non gbon"(le papillon n'achète pas de pagne pour le porter chez son
père, c'est de part en part qu'il le porte). En prononçant le nom de la personne au moment de
la préparation de ce bo, on identifie la personne au papillon et on lui intime l'ordre d'agir

E
comme le papillon, c'est à dire de s'exiler de la maison et d'errer sans fin.

U
EQ
La parole sous forme d'incantation définit le BO. Non seulement elle est à l'origine du

TH
monde, mais encore, elle en constitue le tissu ontologique. Et comme le disent les Bambara:"
La parole est aussi longue que l'éternité. Elle atteint des dimensions cosmiques puisque
O
l'homme lui même dans son essence est l'expression éminente du monde, expression de la vie
LI

et de la force à la fois, source et effet de l'émotion, la parole est comme le dit le professeur
IB

Louis Vincent Thomas in Les Religions d'Afrique noire: "l'architecture de l'être, le


-B

dynamisme interne qui lui donne force, le système d'ondes qu'il émet à l'adresse des autres,
l'expression pure de la force vitale. Le langage ne se définit pas seulement "logos", il est
IA

puissance. autrement dit, le verbe ou la parole est force et action autant que sens. Nul auteur
R

n'a mieux souligné cela que L.S. Senghor dans Esthétique négro-africaine:" La parole est
ES

l'expression par excellence de la force de l'être dans la plénitude. "Chez l'existant, la parole
D

est le souffle animé et animant de l'orant, elle possède une vertu magique, elle réalise la loi de
O

participation et crée le nommé par sa vertu magique 18. Dans le même sens, M. Goethe écrit in
C

Notes sur la spiritualité noire in Aspects de la culture noire:


"La parole et la force s'identifient donc dans une métaphysique vivante, loin des
spéculations vides. La parole est le fondement des conduites, des mœurs et des
techniques. Elle est le moteur de l'action universelle dans l'idée".
Et si le Béninois dans l’usage du Bo accorde à la parole un tel pouvoir, c’est en raison de trois
traits fondamentaux :
- Toute force en elle renvoie à Dieu
- Elle procède de l’homme

18
Diogène N° 16, 1956
- Elle n’est pas étrangère au monde.
La parole renvoie en fon comme nous l’avons dit plus haut, à l’incantation, au bogbe,
au Gbesisa, au Nunyi. Dans un cas la parole qui accompagne le Bo du bien renforce celui qui
les prononce ou les reçoit. Au contraire, la parole liée au bo du mal déforce l’individu. Dans
le cas du bien, le gbesisa, le nunyi introduisent l’ordre, la paix ; dans le cas du mal, ils
introduisent désordre, malheur, maladie, mort. Enfin l’expression fon « sagbédomin », traduit
l’idée maléfique de la parole. En effet les gens sont devenus muets, paralysés, fous et sont
même morts pour avoir entendu certaines paroles qu’on ne devrait pas entendre.

C/ TROISIEME ASPECT DU BO : DISSOCIATION DES DEUX

E
U
Dans le Bo au lieu d’assister à l’association de la matière et de la forme, du visible et

EQ
de l’invisible, du matériel et de l’immatériel le Bo peut être ramené à un seul de ces deux

TH
éléments.
Ainsi nous pouvons avoir seulement l’incantation, le bogbe, le gbesisa, nunyi comme bo ou
O
nous pouvons avoir tout simplement les feuilles, « ama », les « nuvenu » comme Bo sans les
LI

accompagner de paroles incantatoires. Ainsi lorsque nous portons à un bébé une dent
IB

d’animal, c’est pour lui permettre de faire une dentition sans trop de mal, lorsque nous
-B

portons par exemple une bague préparée, c’est pour nous préparer de façon permanente contre
les accidents de circulation ou de la vie, les empoisonnements par boisson ou par nourriture,
IA

nous n’avons pas besoin chaque fois de prononcer les incantations, les bogbe ou les gbesisa
R

avant de nous assurer que nous allons éviter le malheur qui nous guette en route ou à
ES

l’occasion d’une orgie. En vérité l’union du matériel et de l’immatériel, des ingrédients


D

constitutifs et de la parole incantatoire n’est strictement nécessaire qu’au cours de la


O

confession du Bo. Effectivement il arrive souvent que le Boto, le faiseur de grigris vous
C

confie un Bo en vous demandant d’aller essayer sans vous dire les paroles qui l’accomplissent
de peur de vous faire acquérir la main du Bo sans trop d’effort ni trop de frais, vous laissant
perplexe et un peu sceptique car vous êtes habitué à l’ensemble constitué de la matière et de la
forme, l’union de l’aspect visible et de l’aspect invisible. Toutefois, malgré notre doute et
notre réserve, nous arrivons quand même à avoir le résultat que nous escomptions et nous
faisons à notre grande surprise l’expérience du Bo efficace. Ainsi le « Awignaguigbadja » que
nous avons seulement enterré dans notre maison sans incantation et sans ingrédients est
devenu un Bo complet puisqu’il permet de chasser de la maison les mauvais esprits et les
voleurs. Les dissociations des deux aspects du Bo pour en faire des entités séparées rend
difficile la signification des éléments qui interviennent dans le Bo comme des symboles
importants. Ici nous découvrons le quatrième aspect du Bo qu’est le SYMBOLISME.

D/ LE SYMBOLISME DU BO

Tout Bo est soutenu par un symbolisme actuel et un symbolisme latent. Le


symbolisme actuel est le symbolisme par lequel nous interprétons les réactions que nous
observons propos de l’usage d’un Bo donné. Le symbolisme latent est celui qui nous laisse
attendre effets induits du Bo sans sa production réelle. Mais dans la pratique courante on ne
fait pas de distinction entre le symbolisme actuel et le symbolisme latent. Dans tous les cas

E
nous savons que l’aspect immatériel du Bo apparaît comme l’intelligibilité des éléments

U
constitutifs du Bo. Ces éléments sont comme des symboles qui préfigurent d’avance les effets

EQ
que nous voulons atteindre dans la confection d’un Bo et dans son application à la fois. Il

TH
suffit en effet de s’interroger sur les éléments qui interviennent dans la confection d’un Bo
pour saisir ce que consciemment ou inconsciemment l’individu désire en ayant recours à tel
O
ou tel ingrédient. C’est grâce au symbolisme en présence que les Boto (faiseurs de grigris),
LI

par des essais et erreurs arrivent à confectionner de nouveaux Bo ou à renforcer l’action


IB

d’anciens Bo.
-B

Dans la constitution élémentaire du Bo, nous avons vu qu’on a recours aux feuilles.
Ces feuilles en elles-mêmes renferment certaines propriétés que le Boto essaie d’expérimenter
IA

d’une manière symbolique. Et les propriétés de ces feuilles seront renforcées par l’usage du
R

sang de tel ou tel animal, de tel ou tel élément du règne végétal ou du règne minéral selon les
ES

effets souhaités ou désirés. Donnons rapidement quelques exemples puisés dans la


D

symbolique populaire qui reste la même d’une région à l’autre du pays et qui montre la valeur
O

de la culture d’un groupe humain. La vie sociale est tissée de symboles et ce tissu nourrit nos
C

sentiments et nos rapports sociaux. Le malade qui rapporte à son guérisseur traditionnel qu’il
a été dans son rêve tourmenté par un porc indique par là qu’il a affaire à un sorcier. Le porc
est l’animal-symbole de la sorcellerie. Celui qui veut se préserver de la sorcellerie doit
consommer tout le temps de la viande de porc car cette viande est néfaste aux sorciers. Le
guérisseur doit tenir compte de cette révélation de son client pour confectionner des
médicaments contre la sorcellerie. On rapporte cependant que le hibou est l’animal-totem des
sorciers. C’est sous sa forme que les sorciers se déplacent la nuit et l’expression Cum noctua
cecinit multi pavent quand le hibou crie beaucoup de gens ont peur. Chaque animal ou chaque
partie d’un animal a une signification particulière. La plume du perroquet avec laquelle on fait
un « Ylo » (un grigri pour avoir la chance), en la plongeant dans un parfum toute seule ou
avec d’autres ingrédients stipule que l’individu qui utilisera le « Ylo » en question aura
beaucoup de chance, comme le perroquet se pavane avec sa queue rouge qui attire regard et
admiration de tous et qui montre la brillance permanente de sa queue quelles que soient les
conditions. Ce que révèle l’incantation qui accompagne du parfum ainsi préparé : « Zobi cio,
Kisézo non cia, zocé kpodoté » : si le feu peut s’éteindre, celui du perroquet ne s’éteindra
jamais. Ce feu, c’est la couleur vive du perroquet, de sa queue et cette couleur ne changera
jamais quelles que soient les circonstances, ce qui signifie que tant que l’on sera en vie on
brillera, on aura toujours du succès.
Au Bénin le régime défunt du Marxisme-Léninisme avait pour devise une maxime qui

E
est une incantation qui a la valeur d’un proverbe : « Atin mon non flè do aganman lomè », la

U
branche ne se cassera pas dans les bras du caméléon. Le caméléon est un saurien dont

EQ
l’agilité, la prudence ne peut causer de dégât et assure la tranquillité, la paix sociale, ce qui

TH
dans la pratique a fait durer le règne de Kéréku. Ainsi tout le pays était ramené à l’arbre et le
président lui même était symbolisé par le caméléon qui arrive à éviter tout danger, tout trouble
O
social, tout coup d’état malgré le mécontentement permanent de la masse pataugeant dans la
LI

misère. Dans la vie courante, à défaut de grigri ou de nudida, nous consommons seulement un
IB

peu de poivre de Guinée qui donne du courage, de la témérité, de la persévérance et de la


-B

force à cause de son goût piquant tandis que le cola mangé tout seul le matin protège contre
tous les sortilèges, les mauvais sorts qu’on pourrait vous jeter car c’est avec le cola qu’on
IA

consulte, qu’on fait de la divination pour savoir surtout ce que l’avenir nous réserve.
R

La tête du canard entre dans la composition du Glo qu’on appelle « Afionhoci » grigri
ES

pour couvrir une affaire de silence, pour empêcher toute enquête, toute inspection. Pourquoi ?
D

Parce que tout simplement le canard dans la sémantique populaire est un animal discret qui
O

pousse peu de cris. Son sang avec d’autres ingrédients rendra silencieux l’homme qui pourrait
C

dévoiler le secret. Souvent avec un cadenas au bec d’un canard enroulé dans du fil noir on
arrive à faire taire définitivement une affaire.
Avec le symbolisme nous trouvons le fondement pratique de tout le Bo, le moyen de
montage de tout Bo. Dès lors nous pouvons maintenant risquer du Bo une définition.

III.3 DEFINITIONS PROPREMENT DITES DU BO

Toute étude, toute recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle appelle dès le


départ une définition de l’objet sans laquelle la porte reste ouverte à toutes sortes de
confusions et d’équivoques. Mais il est des concepts dont la définition n’est pas aisée parce
qu’ils sont vite investis par les passions idéologiques. Si l’on en croit Bachelard :
« La science réalise ses objets sans jamais les trouver tout faits. Elle ne correspond pas à un
monde à décrire, elle correspond à un monde à construire…, le fait est construit, conquis,
constaté ».
Nous ne nous sommes pas seulement contentés d’observer, de décrire, mais aussi de
construire l’objet que nous appelons Bo. Il ne faut pas se leurrer. Le Bo est une réalité
africaine avant d’être béninoise, il est une valeur culturelle. Chaque peuple édifie sas valeurs
comme le stipule Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra au Chapitre II : Les mille et un
buts. L’ensemble de ces valeurs constitue sa table des valeurs par laquelle il arrive à se

E
distinguer de son voisin et par laquelle il arrive à déterminer ce qui est bon et ce qui est

U
mauvais. Grâce à cette table des valeurs il arrive à se conserver, à prospérer. L’établissement

EQ
de ces valeurs permet au peuple de vivre en paix et en harmonie selon une hiérarchie des

TH
valeurs qui l’aide à résoudre les problèmes de la vie qui sont liés à son environnement. C’est
dans le souci de résoudre ses problèmes pour mieux s’adapter à son milieu physique et
O
humain que le Fon a élaboré le Bo.
LI
IB

(a) Définition de W. Howels :


-B

Comme nous venons de le voir, le Bo relève de l’intelligence, de la raison, de


IA

l’imagination et de l’analogie des objets par rapport au but visé. Au delà de l’imagination et
R

de l’analogie, il y a aussi les paroles incantatoires et la foi qui conditionnent le Bo. C’est en ce
ES

sens que nous pouvons d’une manière liminaire emprunter la définition du grigri selon W.
D

Howels : « toute force destinée à accomplir les actions qui dépassent la portée des moyens du
O

bord » 19. Le grigri est alors un système scientifico-technique valable dans le domaine qui est
C

au-delà des moyens physiques et que l’on pourrait appeler paraphysique. Cette définition est à
la fois technique et mystique. En ce sens elle voit dans le Bo, une science, une technique, un
savoir. Le Bo a un fondement scientifique car il résulte d’une incontestable connaissance et
d’une souple maîtrise de l’environnement. Le Boto, le grigriseur est d’abord un botaniste
accompli qui connaît parfaitement bien la flore de la région en dégageant les vertus et les lois
des feuilles, des plantes qu’il utilise. Il est aussi un fin zoologiste qui connaît bien la faune de
sa région et les animaux qui la peuplent avec vertus mystiques.

19
La magie des sociétés primitives Paris, Payot, 1952
Cette définition de W. Howels est mystique, car ce qui dépasse les moyens du bord, ce
qui relève du domaine paraphysique renferme du mystique. Mystique est tout objet
transformé par l’homme et investi d’une certaine force, extérieure à l’individu et émanant du
paraphysique qui s’écarte du monde profane pour s’ouvrir sur le sacré. Le caractère mystique
du Bo s’explique par le manque d’explication scientifique satisfaisante du phénomène qu’est
le Bo. Le Bo tel que nous l’avons souligné plus haut est la pratique par laquelle l’homme
arrive à forcer la nature pour faire sa volonté. Il est d’une manière technique, l’art de
manipuler les lois de la nature par des méthodes mystiques.

b) Bo≠ Magie

E
U
Cependant le Bo doit être distingué de la magie. La magie se prête plutôt aux pratiques

EQ
orientales d’Asie et parfois d’Occident. Quand on parle de magie, on voit rapidement des

TH
tours de prestidigitation et ensuite une technique. Si l’on en croit James Frazer dans le
Rameau d’Or, la magie se situe à l’origine de l’évolution humaine, la religion représentant le
O
deuxième état et la science le troisième état. Quant à H.H. King, 1892, il ajoute un stade
LI

postérieur à l’animisme, celui du mana interprété comme une force impersonnelle qui peut
IB

cependant s’attacher à des individus, d’où l’origine probable de ceux-là qui sont capables de
-B

faire la magie, le grigri.


IA

Certe le monde dans lequel vit l’Africain l’inquiète et lui cause des soucis. Dépourvu
R

de moyens adéquats pour prospecter le monde, il attribue tout à des puissances surnaturelles.
ES

A ce sujets Lévi-Strauss écrit : « L’Africain élèvera à la dignité du génie toute chose qu’il
D

imagine avoir de la puissance sur lui ». Pour se rendre maître à la vie, pour lui arracher les
O

possibilités que le monde recèle, il faut s’accommoder à la nature en lui imposant des
C

conduites fixes qui sont des rites. Il faut tout faire pour vaincre les puissances mauvaises et
éveiller les puissances fécondes, bonnes ; d’où la création d’institution occultes telles que le
Bo, le Fa. Ces institutions vont modérer la conduite de l’Africain quelque soit son niveau
d’instruction ou son rang social. Larousse définissant les sciences occultes écrit :

« une survivance des conceptions primitives de l’humanité à une époque où


l’ignorance supposait pour tous les phénomènes des causes et des agents mystérieux.
Son domaine intermédiaire entre celui de la religion et de la science embrasse des faits
qui semblent manifester une intervention des forces échappant à toute explication
rationnelle. L’occulisme aujourd’hui se réduit au spiritisme qui tend à établir des
relations entre le monde des vivants et celui des morts ».

( c ) Définition de Paul HAZOUME :

En réalité dans le Bo on ne fait pas nécessairement appel aux morts ni à leurs esprits
comme dans le mana polynésien, ma is on fait appel aux vertus, à la force des ingrédients
qu’on utilise suivant le vœu, le désir le souhait que l’on veut réaliser. C’est pourquoi le Bo
doit être entendu comme un terme générique, un substantif qui s’applique à tous les objets
auxquels on attribue superstitieusement une vertu bienfaisante ou malfaisante pour se protéger

E
ou pour porter atteinte à autrui. Dans ce sens nous pouvons faire nôtre la définition que Paul

U
Hazoumè donne du grigri dans Le Pacte de sang au Dahomey à la page 149 : « le grigri est un

EQ
symbole que la loi rend efficace dans l’esprit des Africains ». L’essentiel du grigri c’est le

TH
symbole. Ce dernier est la base de tout grigri à la fois cause matérielle et cause efficiente.
C’est aussi à partir de lui que l’on peut induire le but, la finalité que poursuit celui qui a
O
recours à un Bo. Cette intentionalité et cette finalité se confondent avec la signification des
LI

éléments utilisés. Ici le symbole a le sens premier de ce qui renvoie à quelque chose
IB

d’inexprimé ouvertement mais qui est latent, caché et révélé en même temps dans les
-B

ingrédients utilisés. Le symbole renvoie ici à la matière première du Bo (dent d’animal, queue
de perroquet, feuilles appropriées par exemple). Mais le symbole est l’analogue du désir, du
IA

vœu, du souhait de l’individu, ce qui d’ailleurs s’énonce clairement dans l’incantation qui
R

accomplit le symbole. L’incantation renferme l’expression de l’état d’âme de l’individu


ES

« boïsant » (qui fait le Bo). Elle est la convistion qu’à l’individu de la faisabilité de ce qu’il
D

entreprend, de sa réussite immanquable et constitue pour Paul Hazoumè la foi, mieux sa foi.
O

La foi est-elle vraiment un caractère intrinsèque du Bo en tant que critère du Bo ou bien un


C

conditionnement psychologique de l’individu ?

La foi intervient en effet beaucoup dans la pratique du Bo, à un point tel qu’un
professeur interrogé pour savoir s’il croyait au grigri répondit : « Croire c’est trop dire, je
subis. Il faut modifier cette réponse pour mieux exprimer ce qu’il voulait faire entendre en
disant : « croire, c’est peu dire, je subis » car ce que l’on subit nous pousse à y croire, emporte
malgré nous notre adhésion, notre conviction. C’est la foi même véhiculée par le vécu, par
l’expérience quatidienne. Le « je subis » équivaut à confesser l’impuissance de l’homme
devant le grigri. Effectivement le grigri s’est établi dans un ordre social général difficile à
élucider. Ce n’est pas de gaîté de cœur qu’on y a toujours recours, c’est souvent poussé par
une contrainte extérieure qu’on s’y refère. Cette contrainte extérieure ce sont les conditions
d’insécurité dans lesquelles nous vivons, nous nous mouvons. C’est aussi l’idée que rien ne
nous arrive naturellement, c’est toujours par le sortilège ou la méchanceté des hommes que ce
qui nous arrive de mal se produit. C’est en réaction à cette situation que l’on a fait le Bo.

La foi effectivement efficace le Bo. Elle permet au pratiquant du Bo de prendre son Bo


comme une arme sûre, ce qui accroît sa confance, son assurance. Cette assurance envoie à la
conscience de l’individu des excitations qui lui inspirent l’empressement de voir se
concrétiser les effets qu’il attend. Dans la pratique, l’on remet un grigri à quelqu’un, ce

E
dernier peut douter de son efficacité ; pourra-t-il avoir effectivement gain de cause avec ce

U
grigri ou a-t-il simplement en main un gadget, n’a-t-il pas affaire à un escroc ? Autant de

EQ
questions qui témoignent de l’attitude du pratiquant pour la première fois du Bo. Bien que le

TH
client reconnaisse la renommée du Boto, de celui qui lui a remis le Bo, pour la première
utilisation qu’il va en faire, la peir s’empare de lui, il doute de lui-même et par ricochet du Bo
O
qu’on lui confie. Prenons par exemple le cas du Bo pour disparaître en cas d’accident appelé
LI

en fon « FIFOBO ». Au moment où la voiture fait sa première roulade, celui celui qui s’y
IB

trouve peut-il dire qu’il maîtrise ses sens pour penser à la foi ? Non, et c’est en ce moment
-B

précis que le Bo agit en faisant disparaître l’accidenté qui se trouvait dans la voiture au
moment de l’accident mais qui se retrouve parachuté loin, parfois très loin de la voiture.
IA

Pouvons-nous dire que dans ces circonstances l’homme a cru avant d’être sauvé, avant de
R

s’évader de la voiture, avant de disparaître du lieu de l’accident ? Oui et non. Oui quand il
ES

portait sur lui le talisman du « fifibo » avant de rentrer dans la voiture, avant l’accident, pour
D

la première fois il croyait déjà à l’effet possible d’évasion par le talisman en question. Mais au
O

moment de l’accident où sa conscience s’évanouit, où il n’a plus conscience de rien, il n’est


C

pas question de parler de la foi. Mais si c’est la première fois qu’il a fait usage de cette
ceinture de sauvetage que constitue son talisman de « fifobo », même s’il avait douté il aurait
été projeté dehors malgré son doute et sauvé. Même s’il avait appris qu’un autre avait
expérimenté la ceinture de sauvetage du « fifobo ». Il est établi que la foi n’est pas
indispensable poir l’efficacité du Bo parce que l’efficacité ici se révèle comme propriété
intrinsèque du Bo, comme vertu du Bo, qu’on y croie pas importe peu, l’essentiel c’est d’en
faire usage. La foi-là n’est pas nécessaire, elle n’est pas suffisante, comme dans l’usage des
Bo à base de nuvènu.
Toutefois la foi est nécessaire dans l’usage de certains Bo. C’est le manque de foi qui
explique parfois que l’on n’ait pas gain de cause avec certains Bo. Si on observe bien en cas
d’échec d’un Bo, on remarquerait que l’individu n’a pas l’effet escompté parce qu’il n’a pas
respecté les conditions du Bo. L’efficacité du Bo diminue dans certaines conditions bien
connues :
Quand on ne respecte pas la déontologie du Bo comme par exemple attaquer quelqu’un
injustement, sans raison ; quand on traverse un cours d’eau, un fleuve, une mer. L’eau a la
propriété de diminuer ou d’anéantir la puissance du Bo ; ainsi dans la province de l’Ouémé la
source Zékpon de Adjara, le cours TOHO de Cocotomey dans l’Atlantique. En effet le Bo
exporté peut avoir des inconvénients et il est conseillé de prendre certaines précautions

E
comme se faire accompagner d’un autre Bo banal ou de recourir à un nuvènu pour conserver

U
au Bo toute sa puissance.

EQ
TH
Bref, la foi agit sur le Bo mais ne le conditionne pas. Une lutte peut s’engager entre le
croyant au Bo, un éminent animiste et un autre adepte d’une autre religion qui prétendra ne
O
pas croire au Bo. Celui qui triomphera sera celui dont la foi est supérieure à celle de l’autre,
LI

comme nous le verrons dans les noms « bophores » de Bodé et de Bodéa plus loin. En effet
IB

ceux qui ne pratiquent pas le Bo ont une grande foi religieuse. Ils se confient à Dieu et
-B

s’investissent en Jésus-Christ. Ils se sentent plus protégés que ceux qui pratiquent le Bo car le
Bo ne procure qu’une immunité temporaire. Par Jésus-Christ les non-pratiquants du Bo sont
IA

assurés aussi bien sur terre que dans les cieux. On ne peut imaginer l’effet psychologique
R

qu’une phrase comme « L’Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien » peut avoir sur le
ES

croyant. Jésus est venu nous sauver. Que pouvons-nous craindre ? Quel ennemi pourrait nous
D

atteindre ? rien. C’est ce qui fait la force des vrais croyants.


O
C

Le Bo avec ou sans la foi agit effectivement. Dans ce cas la foi n’est pas nécessaire
pour sa définition. Mettre la foi dans sa définition, c’est faire du Bo un oibjet de croyance, un
objet de la religion et non un objet de science. En faire un objet de la science c’est essayer de
soustraire le Bo au mysticisme, à l’occultisme, pour en faire une approche scientifique. Cette
approche scientifique va nous amener à supprimer la restriction de Paul Hazoumè dans sa
définition, « dans l’esprit des Africains ». Dans l’esprit des Africains introduit une sorte de
racisme dasns la pratique du Bo pour signifier que le Bo est « proprium Africanum ». Le Bo
n’est pas efficace parce qu’il est dans l’esprit des Africains, mais parce qu’il renferme en lui-
même une puissance intrinsèque qui se révèle dans son efficacité pour tous ceux qui le
pratiquent en connaissant bien sa nature. La considération du Bo comme proprium africanum
oblitère le Bo et lui enlève son caractère universel, transracial parce que scientifique. Le Bo
ne doit pas être entendu comme un objet de foi, de croyance mais comme une science, une
technique que tout le monde peut appliquer pas seulement les Africains, pourvu que sa
déontologie soit strictement respectée. La tradition rapporte que les Européens qui sont restés
longtemps chez nous ont acquis une telle maîtrise du Bo qu’ils rivalisenet de beaucoup avec
les autochtones et même parfois avec les Boto, les faiseurs professionnels du Bo. De même
que Monseigneur DAGA, selon la tradition, a été initié au fa et l’a pratiqué en maître, de
même le pharmacien français Lestrat a été initié au Bo et l’a pratiqué comme les béninois. On
rapporte que les Européens descendent en Afrique consulter nos Boto, nos marabouts, nos

E
charlatans pour préparer leurs campagnes électorales. Un premier Ministre français étant

U
arrivé au Mali pour se faire préparer la campagne électorale chez luipar les forces occultes a

EQ
sévi par la suite contre les ressortissants maliens en France pour avoir échoué aux élections

TH
présidentielles.
O
La définition de Paul Hazoumè ne pourrait nous agréer, car elle fait du Bo un objet
LI

mystique, mystérieux et religieux propre surtout à l’Africain. Pour cela, essayons, compte
IB

tenu de la genèse que nous avons vue du Bo et de son impact de réexaminer la définition du
-B

Bo.
IA

( d ) Bo = art :
R
ES

« Le Bo est l’art par lequel l’homme transforme un objet naturel en un objet


D

symbolique qu’il investit d’un pouvoir psychologique lui permettant de mieux s’adapter à son
O

milieu physique et à son milieu social et culturel. » Le Bo est un art, art au sens de technique,
C

de science. Il est un savoir basé essentiellement sur l’empirisme en tant que résultant d’une
incontestable connaissance de la nature, de son environnement physique. Les Boto, les
Bowato, les faiseurs de grigris connaissent à des degrés divers la vertu des feuilles, des
plantes, leur compatibilité et leur incompatibilité : ce sont d’abord des botanistes, des
géologues. L’assomption des responsabilités du Bo nécessite la prospection compète ou
parfaite de la faune et de la flore. Il y a autant de degrés de connaissance en ce domaine que la
perpection de la connaissance selon l’enseignement primaire, secondaire, et supérieur. Là
s’opère et s’observe souvent une véritable division du travail et de spécialisation très poussée.
Par ailleurs, la prospection et la maîtrise de la flore et de la faune ne rendent pas
suffisamment compte de la base scientifique du Bo, une démarche mathématique sous-jacente
la complète. La divination en tant qu’application du calcul des probabilités, le jeu du pair et
de l’impair, le calcul de probabilités achèvent cette idée de science du Bo. Le Bo en ce sens
est une composition chimique classique faite d’éléments naturels. Telle feuille plus telle
feuille donne telle réaction, tel Bo. Le Noir qui constate cette réaction ; en fait un secret et le
garde jalousement comme un patrimoine privé. Il en fait une force pour agir et pour vivre en
société.

(e) Bo = ruse de la raison :

E
Un objet naturel que l’homme transforme en un objet symbolique pour en faire un

U
objet culturel. C’est par référence à une culture, à la culture noire que l’on a pris l’habitude de

EQ
définir le Bo. Mais cette référence culturelle doit être renforcée pour montrer que le Bo est

TH
issu de l’intelligence humaine, de la raison humaine en tant que ruse de l’homme pour
s’adapter physiquement et socialement. L’adaptation de l’individu sera bonne ou mauvaise
O
selon qu’il a une bonne ou mauvaise maîtrise du Bo. L’efficacité du Bo dépend du pouvoir
LI

psychologique dont l’individu investit le symbole dont il se sert pour confectionner son Bo.
IB

Ce symbole peut être un objet concret naturel (feuille) ou abstrait dans la parole, le verbe,
-B

l’incantation. Ceci permet de saisir le Bo sous sa forme la plus abstraite qu’est l’incantation
qui recouvre les termes abstraits fon de gbesisa, bogbe, nunyi.
IA
R

Le pouvoir psychologique dont l’individu investit ce symbole lui permet de se sentir


ES

en sécurité, de vaincre sa crainte, sa peur de l’environnement physique et son anxiété, son


D

angoisse issue de sa vie en société, en collectivité. Ce pouvoir psychologique fait du Bo une


O

technique, une pseudo-technique qui comme la magie a pour fonction de dominer ce qui n’est
C

pas dominable dans la vie courante. Il est de ce fait mentalitaire qui complète les activités des
hommes en leur donnant plein rendement, pleine efficacité, le plein rendement au niveau
collectif conscient à maintenir l’ordre, l’équilibre social, la paix pour le progrès. Au niveau de
l’individu le Bo assure la maîtrise de son corps, de sa santé et de ses états d’âme.

(f) Bo= fait social :


En dehors de l’adaptation de l’individu à son milieu naturel et social, le Bo ne peut
avoir aucune autre fonction, aucune autre finalité. C’est pourquoi pour le définir d’une
manière générale, nous dirons du Bo ce que Emile Durkheim disait du fait social :
« Est fait social toute manière de faire fixée ou non, susceptible d’exercer sur
l’individu une contrainte extérieure ou bien encore qui est générale dans l’étendue
d’une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses
manifestations individuelles » 20

Certes le Bo est un fait social. Il exerce sur l’individu à la fois une contrainte intérieure
et une contrainte extérieure en ce sens qu’il s’impose à l’individu malgré lui, de par son
appartenance à un groupe social, à une collectivité. Il est un phénomène social parce qu’il
s’origine dans la société, la société qui s’exprime par ses obligations implicites et diffuses. Il

E
est aussi une institution sociale, une croyance qui ont pour caractéristiques d’être données en-

U
dehors de chacun et de s’imposer à tous. Le Bo a pour substrat l’ensemble de la collectivité, la

EQ
société béninoise en particulier et toute société en général. La contrainte est l’essence du Bo,

TH
une caractéristique objective de reconnaissance du Bo.
O
« Toute investigation scientifique porte sur un groupe déterminé de phénomènes
LI

qui répondent à une même définition. La première démarche du sociologue doit


IB

donc être de définir les choses dont il traite, afin que l’on sache et qu’il sache bien
-B

de quoi il est question. C’est la première et la plus indispensable condition de toute


preuve et de toute vérification ; une théorie, en effet ne peut être contrôlée que si
IA

l’on sait reconnaître les faits dont elle doit rendre compte. Puisque c’est par cette
R

définition initiale qu’est constitué l’objet même de la science, celui-ci sera une
ES

chose ou non, suivant la manière dont cette définition sera faite » 21


D
O

« Ne jamais prendre pour objet de recherche qu’un groupe de phénomènes


C

préalablement définis par certains caractères extérieurs qui leur sont communs et
comprendre dans la même recherche ceux qui répondent à cette définition » 22.

D’une manière générale nous pouvons définir Bo : tout objet naturel doué d’un
pouvoir surnaturel, miraculeux, merveilleux. Le merveilleux, le surnaturel ; en-dehors du
caractère social du Bo, ce qui permet de distinguer le Bo d’autres faits sociaux. Le problème
qui se pose alors est de savoir si le merveilleux peut faire l’objet de science. Non, car le

20
Les règles de la méthode sociologique, p.14
21
Ibidem, p.34
22
Ibidem, p.52
merveilleux fait partie de la croyance, du métaphysique, de l’irrationnel. Mais chercher à
établir la rationalité de l’irrationnel même, c’est faire ouvre de science et fonder le mystère
même. Là deux tendances :
- la première qui consiste à considérer le Bo comme un objet de science en lui ôtant tout
caractère paraphysique ou métaphysique.
- La deuxième consiste à reconnaître le Bo comme un objet de foi, de croyance, de
religion, en établir définitivement l’irrationalité et ne l’expliquer que par son origine,
sa genèse au lieu de recourir à sa fonctionnalité. Or pour faire l’Anthropologie du Bo
en tant que Théorie et Pratique du Bo, nous devons nous appuyer sur le caractère
fonctionnel, opératoire du bo pour nous interroger sur le principe de ce

E
fonctionnement. De là interrogeons-nous sur les différents types de Bo.

U
EQ
TH
O
LI
IB
-B
IA
R
ES
D
O
C
CHAPITRE IV
TYPOLOGIE DU BO
L’homme en tant qu’être social est conscient qu’il est exposé dans le monde à des luttes
pour survivre. Victor Hugo avait bien saisi cela quand il écrivit : « ceux qui vivent sont ceux
qui luttent ». L’Africain connaît mieux que tout autre humain la portée de cette maxime. En-
dehors en effet de la lutte pour la production, le béninois en particulier doit aussi lutter pour se
soustraire des forces maléfiques ou occultes dont le Bo est le prototype. Le Bo n’est pas un
jeu d’enfant. Il n’est pas à la portée de tout le monde, ni fait au hasard. Chacun fait le Bo qui
lui plait, qui lui convient. Malheureusement un individu à lui tout seul ne peut connaître
toutes les catégories, toutes les formes de Bo qui existent. La typologie du Bo va nous

E
permettre de saisir la gamme variée du bo pratiqué dans notre milieu. La sagesse populaire en

U
énumère 41 x 41 = 1681 formes. Il serait prétentieux et même illusoire de vouloir rendre

EQ
compte fidèlement de cette typologie car son domaine, son usage recouvre tous les secteurs de

TH
l’activité humaine. Un seul individu ne pouvant détenir toutes les formes de Bo, il demeure
donc vulnérable. Et pourtant il est impossible à l’homme de la tradition de vivre sans Bo.
O
Le Bo se présente, en effet, sous formes si diverses (selon son objet, sa nature, selon sa
LI

fonction dans la vie individuelle et collective, selon la table des valeurs de la société
IB

béninoise) qu’il est vraiment difficile d’en faire une nomenclature complète, exhaustive.
-B

L’habitude retient la classification selon la fonction qui ne reste cependant pas sans difficulté.
La difficulté du fait que l’on n’arrive pas à identifier et à distinguer un Bo d’un autre selon
IA

l’usage que l’on en fait dans la pratique. Certains Bo manquent de dénomination spécifique et
R

ne sont connus que par leurs effets. Toute typographie ou toute classification de Bo ne peut
ES

être retenue que dans la mesure où elle reste opérationnelle, selon l’identification de chaque
D

Bo.
O

Dans cette identification l’anthropologue qui se met à la quête du Bo pour le connaître en


C

tant qu’objet de science s’apercevra que le Bo ne peut être connu par instruction, par
initiation. Malgré lui, après avoir dressé la typologie du Bo, il risque de devenir un pratiquant
fidèle du Bo, un Boto qui à force d’essais et d’erreurs arrive à distinguer un Bo d’un autre par
son effet qui découle de la différence de la nature des éléments qui entrent dans leur
composition. C’est donc par une méthode par participation intensive qu’il parviendra à
dresser cette typologie.
Dans cette recherche, il découvre la vérité de la mythologie grecque qui trouve dans le Bo
une intervention mythique, une inspiration mystique. En effet dans la mythologie grecque
Zeus a été le distributeur des pouvoirs aux êtres, aux créatures pour leur survivance, leur auto-
conservation. Les uns ont reçu le bec pour picorer leur pitance, d’autres les griffes pour
lacérer leurs proies. L’homme a été le seul être à recevoir au cours de ce partage le pouvoir
des symboles, c’est-à-dire le pouvoir lié à l’intelligence humaine, aux inventions techniques,
liées au savoir-faire. Mais en vertu du droit à la différence toutes les races n’ont pas reçu la
même espèce de technique. Chaque race a manifesté sa préférence selon sa géographie, son
climat, sa flore, sa faune, sa conception du monde, sa Weltstanchaung de la nature et de la
culture. C’est dans ce contexte que les Occidentaux ont inventé les antibiotiques, les
injections, les piqûres, les comprimés, les grenades, les gaz lacrymogènes, les fusils, les
mitraillettes, les bombes pour éliminer physiquement les autres. L’homme noir l’africain a
exploité directement la force même du symbolisme cristallisée dans les éléments de la nature

E
pour inventer le Bo et l’utiliser sous forme de nunyi, de bogge, de gbesisa (que nous avons

U
précédemment définis), de so, de cakatu, de ylo, de glo, de fla, de flidjè (que nous assayerons

EQ
de définir par la suite). La meilleure classification serait celle qui s’appuierait rigoureusement

TH
sur la symbolique, la science des symboles. Malheureusement cet herméneutisme risque de
nous enfermer dans la spéculation pure alors que le Bo est essentiellement pratique,
O
opérationnel. De même que du symbole on ne peut avoir une typologie exhaustive, de même
LI

du Bo on ne peut dresser une classification complète. Nous essayerons par des références, des
IB

critères vraiment arbitraires de proposer des typologies. Malgré cela les noms des Bo et de
-B

leurs catégories étant intraduisibles en français nous amèneront à donner des exemples de cas
au lieu de nous contenter de leurs noms génériques.
IA
R

(a) Typologie par le sexe :


ES
D

Dans l’aptitude pratique du Bo on série les Bo suivant le sexe sur lequel ils ont des effets
O

en tant que siège du Bo. Ainsi on distingue des Bo uniquement destinés aux femmes comme
C

par exemple les Bo appelés en Fon « nudoakon nu nyonu » ou « nussisso » que l’on traduit en
français par pièges à l’adultère. On s’en sert pour miner les femmes. Ils épousent plusieurs
formes. C’est souvent une corde (« Kan ») qu’on amène la femme à faire à son insu, une
potion que l’on fait avaler à la femme sans lui expliquer la fonction, ou une scarification que
l’on pratique sur le bas-ventre de la femme. A partir de cette disposition tout individu en
dehors du mari qui se hasarderait à avoir un rapport sexuel avec la femme attrape (d’où
noussisso, fait d’attraper ou nudoakon nu nyonu, le fait de mettre au sexe de la femme) une
maladie bizarre ou devient lui même une victime pitoyable présentant des signes effroyables :
les organes génitaux endoloris, difficulté d’uriner, de parler, l’individu se met à baver, il
n’arrive plus à retirer sa verge du vagin de la femme jusqu’à ce qu’on les surprenne ou son
pénis s’allonge sans fin… La plupart du temps c’est la mort qui survient par arrêt cardiaque
brusque ou par hémorragie cérébrale comme nous le lisons dans la rubrique des faits divers.
On peut cependant faire l’antidote (la « fla ») à condition que le mari seul détenteur du piège
spécifique à adultère accepte d’intervenir. Alors il demande de conduire les deux amoureux
au marché où le pénis arrive enfin à sortir du vagin de la femme en soumettant le couple à une
infamie, à une honte publique ou à d’autres supplices. Si la femme survit à cette terrible
épreuve, c’est en général le divorce qui survient.

Les pièges à adultères sont usités dans les régions où la femmes s’acquiert très

E
difficilement ou est promise à quelqu’un dès sa conception comme dans les régions du Zou à

U
Agonlin, chez les Fon, dans l’Ouémè chez les Holli de Sakété, de Pobè ou du Kétou, chez les

EQ
Adja du Mono et chez les Natombu de l’Atacora au nord du Bénin. En effet à Agonli

TH
l’individu qui tolère l’adultère est considéré comme un lâche. Alors pour ne pas passer pour
un lâche il préfère miner sa femme et tue ainsi l’individu qui enfreint aux normes de la
O
tradition. Chez les Batombu l’adultère est puni de mort parce que la femme est le prestige de
LI

l’homme et avoir plusieurs femmes est un signe de grande considération sociale et il est
IB

interdit de commettre l’adultère. Si l’individu qui commet l’adultère n’a pas un rang plus
-B

élevé que celui du mari de la femme il est traduit en conseil pour être jugé, fouetté ou
excommunié du village. Dans le cas contraire où l’adultérin est d’un rang social plus élevé, le
IA

mari de la femme intervient sournoisement en minant la femme, et l’adultérin après l’acte


R

sexuel est atteint d’une maladie qu’on n’arrive pas à diagnostiquer, ni à guérir. La femme, elle
ES

peut avouer sa faute en plein sommeil dans un cauchemar sans pouvoir s’en souvenir à son
D

réveil. Ce dernier chatiment se pratique aussi chez les Fon grâce à cette seule incantation
O

prononcée une fois par le mari à côté de sa femme : « Vidahin kuno ba tosio Xè du nuku no
C

du nu bo akplajokomè o a, daku aba hwe » ‘l’enfant crapule ne cherche pas la femme de son
père, l’oiseau qui mange ne picore pas le vagin de la femme, tu cherches la mort, tu cherches
querelle).
Comme piège à adultères nous pouvons citer en exemples le « Akan » chez les Fon ou
les Holli, le « Ahouanlimachi », le Alintchu », ou le « Agbadja » des Adja dans le Mono.
Le critère de typologie par le sexe ne nous satisfait pas car les « noussisso, les nudo
akon nu nyonu » ou les pièges à adultères dans leur efficience impliquent l’acte sexuel qui est
toujours commis par l’homme et la femme, ce qui dit un couple. Il faut faire remarquer que
dans certains Bo le nombre des ingrédients varie suivant le sexe : sept (7) en général pour
l’homme et neuf (9) pour la femme. Le Bo d’ailleurs a un caractère viril et la tradition écarte
la femme de la pratique du Bo sérieux. Un homme ignorant du Bo est considéré comme une
femme et une femme rompue au Bo est saluée comme un homme. En général les faiseurs de
grigris n’aiment pas avoir à faire aux femmes car elles n’inspirent pas confiance et exigent
d’elles se faire accompagner de leur mari ou un parent.

(b) Le critère de provenance

La provenance du Bo peut servir de critère de typologie ou de sa nomination : dan


mèbo, le bo du danmè (du Danhomey, ou le Bo d’Abomey). Parfois, c’est l’ethnie qui sert de

E
typologie « anago-bo », « ayo-bo », guinbo », « adja-bo », le Bo provenant de l’ethnie nagot,

U
guin, ayo, adja. Parfois c’est la religion qui est prise en compte et nous avons le « malèbo », le

EQ
Bo du marabout ou du musulman. Cette typologie fonde la régionalisation du Bo que nous

TH
verrons dans la deuxième partie de notre thèse.
O
(c)- Le critère dualiste ou ambivalent du BO :
LI
IB

Dans la pensée commune le Bo peut se répartir en deux catégories entretenant entre


-B

elles des rapports dialectiques sans cloisonnement étanche, rigide. Par un jeu dialectique ils
peuvent changer de tout au tout. Le langage humain dit les choses d’une manière ambivalente,
IA

reconnaît le « Bozozo » excitant pour déclencher l’effet à la hâte en provoquant par exemple
R

une fièvre ou une passion et le « Bofifa » qui assure la tranquillité d’une convalescence, le
ES

malade se relève en buvant une gorgée de potion préparée ou en entendant une incantation
D

apaisante, et connaît la guérison. Selon ces deux aspects de la température, « Zozo » (chaud)
O

et « Fifa » (froid), on parlera de jouissance de Bo dagbé (Bo bon), et Bo nyan nyan (Bo
C

mauvais). On considère en général comme Bo dagbé les « YLO » (porte-bonheur) et comme


Bo nyan nyan les « GLO ».

(c1) Le « YLO

Etymologiquement, « Ylo » signifie en fon appeler, faire venir. Il est utilisé pour
donner la chance, faciliter la réussite, le succès. Il est porte-bonheur, et en ce sens chasse la
malchance. Il est utilisé pour composer le côté pervers du Bo et permet à l’individu qui
l’utilise de parvenir à un meilleur résultat, de connaître un sort meilleur. Il donne la prospérité
dans les affaires, en amour et dans les études. Le parfum entre dans la plupart du temps dans
la composition du Ylo.
Le parfum dénote l’acculturation ou la rencontre avec l’Occident.

Le Ylo a diverses formes :


- nudida que l’on mâche un tout petit peu à tout moment ;
- voie alimentaire, le gbotémi ‘ »écoute-moi ») ;
- incantation : le gbeceu à cause de la parole ou gbeceji sur ma parole ; ici à la place de
l’incantation, on peut avoir la feuille de ce nom ;
- amulette, tila défifin que l’on porte sur soi ou que l’on enterre où l’on vend ou que

E
l’on suspend à l’entrée des boutiques ;

U
- bague, bracelet, collier, pendentif, boucle d’oreille, ceinture que l’on porte au doigt, au

EQ
poignet, au cou, à la taille ou aux hanches ;

TH
- parfum, pommade, décoction que l’on emploie le matin avant de sortir ;
- savon de toilette que l’on utilise dans des conditions précises ;
O
- feuilles, fleurs, plantes que l’on emporte ou que l’on mâche comme cure-dent ;
LI
IB

Le Ylo est en définitive un Bo qui a pour objet d’attirer sur soi des avantages, des
-B

profits, des bénéfices, le bien-être, le bonheur. C’est pourquoi il est utilisé surtout en amour et
dans les affaires. En amour la femme régulière l’utilise pour se faire choyer par son mari ou
IA

pour le récupérer si elle l’a perdu. La femme de vie l’emploie pour s’attirer le plus grand
R

nombre de soupirants qui se complaisent à se faire exploiter. Le Ylo est capable de causer la
ES

désunion dans le foyer le plus prospère, le plus harmonieux. Dans ce dernier cas il engendre
D

chez le patient car le nouvel amant est un véritable patient qui subit l’emprise du Ylo,un état
O

inconscient, un ensorcellement permanent sous lequel l’amant se sent entièrement soumis à


C

une femme, à une maîtresse au point d’oublier sa propre épouse, ses enfants et ses
responsabilités de père de famille. Il emploie toutes ses ressources et toute sa vie à plaire à sa
maitresse en satisfaisant toutes ses lubies, même les plus folles.

Dans le domaine des affaires le Ylo surtout dans le commerce, les femmes au marché
ont recours au Ylo pour mieux vendre et rendre leur commerce plus prospère. Il a pour rôle
d’attirer le plus de clients possibles en annihilant le concurrence des autres vendeuses de la
même marchandise, de la même denrée alimentaire ou de même article. Ainsi la vendeuse qui
dispose d’un bon Ylo va tellement vendre qu’il n’y aura pas assez de mains pour amasser
l’argent tandis que les autres baillent aux corneilles. Le Ylo est aussi utilisé dans les
boutiques, les buvettes, les bars, les restaurants où les clients déboursent sans compter, et c’est
arrivés chez eux qu’ils se rendent compte de leurs dépenses exhorbitantes.
Sur le plan politique, le Ylo prend le nom de « Tohozin » (le peuple, la masse se
soulève, se révolte, s’agite pour le soutenir, l’ovationner, l’aduler et l’élire). Il est utilisé par
tous les dirigeants politiques.

(C2) Le « GLO »

C’est ici que l’on parle de missiles et d’anti-missiles suivant le vocabulaire de

E
Aguessy Honorat. On distingue cependant trois catégories : les offensifs ou « Bo d’attaque »,

U
les défensifs ou « Bo de protection » et les retours à l’envoyeur en fon « Flidjè ».

EQ
TABLEAU 1 : GLO TH
O
A/OFFENSIF B/DEFENSIF C/FLIDJE
LI
IB

GENRE FONCTION GENRE FONCTION GENRE FONCTION


-B

Ekpomiklé Avertissement Oudji Personne Ahodoto Retour à


Maiklé Tasiensien Courage Azondjè l’envoyeur
Djidido longévité
IA

Huédéwu Défi Azonglo Maladie Xa oun kui Mort de


R

afionhotchi azeglo Sorcellerie gboduaman l’envoyeur


ES

kidja
Kpé, poison, asservissement Hènubo Famille, Djidon Contre tout
D

dakabo maison, envoûtement


O

terre,
C

Champ,
biens
Tchakatu, Punition Guè, aviti Anti-tout
nudoakonnu (piège à
nyonu adultère
Gbaxwe

Commentaire de ce tableau :
A/ Les Glo offensifs :
L’un des recours au Bo dans notre société est de se venger de quelqu’un, de l’attaquer,
de le provoquer. On se sert du Bo comme une arme offensive. Dans cette catégorie
d’offensive on distingue les Glo d’avertissement, de défi, d’asservissement, de punition.
1. Avertissement :
Il s’emploie contre quelqu’un auquel on ne veut pas nuire immédiatement. Le Bo
d’avertissement donne la diarrhée, le vomissement, de la colique, une panne de véhicule, un
accident non-mortel. Celui qui contracte l’une de ces indispositions s’aperçoit qu’il s’agit
pour lui d’un signal d’avertissement, de mise en garde. Si les soins reçus ne donnent pas
satisfaction, la victime révise sa position vis-à-vis du tiers grâce au recours au fa.

E
2. Le Bo de défi :

U
Il consiste à montrer aux autres sa supériorité et à se faire respecter d’eux par la crainte.

EQ
Ainsi un jeune homme amoureux éconduit peut répandre sur la porte de sa favorite réfractaire

TH
un mélange de cendre et de feuilles pour l’obliger à l’aimer malgré elle ou utiliser des philtres
appelés en fon « Ylo » pour se faire aimer. Le Boto prononce le nom de la fille sur le Bo et la
O
fille prise de coup va rejoindre le prétendant. Certains de ces philtres de défi font que la fille
LI

se lève en pleine nuit comme propulsée par une force invisible vers son amant.
IB
-B

3. Le Bo d’asservissement :
IA

Dans ce cas il enlève toute volonté à la victime et en fait une créature docile et soumise.
R

Le « Gbotémi » (écoute-moi) qui est en réalité un « Ylo » asservit l’individu qui n’arrive plus
ES

à se défendre contre les désiderata de l’autre.


D
O

4. Le Bo de punition :
C

Pour punir quelqu’un il y a toute une gamme variée de Bo dont la forme la plus
dangereuse est le « Dakabo », le Bo qui donne la mort, le Bo mortel, dont l’usage est prohibé
comme nous verrons dans la pratique du Bo. Plusieurs variantes dont les plus importants :
- Le Kpé dont nous avons déjà parlé dans la définition du Bo ;
- Le poison à base de plantes toxiques virulentes à action lente ou rapide. Il suffit de
mettre dans la boisson de l’individu (jamais l’eau sinon on est puni par le vodoun
hébioso de mort), la substance préparée. La victime meurt et aucune intervention
chirurgicale ne peut la sauver. A effet lent, l’action du poison peut durer longtemps,
des mois et même des années.
- Le Bo hallucinogène :
Il consiste à faire voir à la victime des spectres, des fantômes, des phantasmes, des
esprits des morts, des revenants ; des « kutito ». C’est une préparation spéciale que le
« Bokonon » fait traîner tout autour de la case de la victime. Celle-ci peut, à la vue de
la traînée de poudre, être saisie d’épouvante, d’anxiété et d’angoisse et d’être poussée
à commêttre des actes répréhensibles, très graves, des crimes et même se donner la
mort.
Cakatu Cf planche IV

E
Il consiste à envoyer dans le corps de la victime les pourritures qu’on veut lui

U
administrer : tessons de bouteille, gravillons, sable, épine, ronce, cactus, clous rouillés,

EQ
chiffons, fils, hameçons, le tout d’incantations. La victime commence à sentir mal à un
endroit précis qui à partir de là, s’irradie dans tout le corps. Si on n’a pas vite recours aux
spécialistes pour retirer de son corps les causes de la douleur, la victime finit par mourir.

TH
Une variante de cette forme de Bo opérant à distance. Le Bokonon prend la tête d’un
O
margouillat, l’attache à un piquet. Il porte le tout sur une tombe et prononce sept fois le nom
LI
de la victime en même temps que des incantations puis il enfonce le piquet au pied de la
IB

tombe : le septième jour la victime trépasse subitement.


-B

- Le Bo par analogie, par représentation


IA

Sur une représentation grossière de la victime en bois, en fer, en argile, en terre sculptée
flanquée de plumes d’oiseaux ou de cauris ou même tout simplement sur une photographie,
R

on fait des entailles, des blessures avec une aiguille et on prononce des imprécations, des
ES

malédictions contre la victime qui a des douleurs aux parties atteintes et le diable va droit
sur elle pour l’étouffer à moins qu’elle dispose de ‫״‬flidjè‫ ״‬assez puissants pour se protéger
et pour contre-attaquer. En réalité dans ce domaine les ‫״‬flidjè‫( ״‬retour à l’envoyeur) sont
D

inopérants.
O
C

B) Les Glo protecteurs ou défensifs


Ce sont les Bo qui garantissent la protection de l’individu, sa sécurité en lui accordant une
certaine immunité. C’est ici qu’il faut saisir le sens de ‫״‬Glo‫ ״‬suivant la traduction de
‫״‬against‫ ״‬anglais, contre, dans la défense de en tant qu’obstacle. Le ‫״‬Glo‫ ״‬est une
vaccination indigène du point de vue immunitaire. Il protège en effet l’individu dans sa
personne, dans sa famille, dans sa maison, dans ses biens, en écartant le mal, la maladie, le
malheur.

1. Protection de la personne
La bête noire de toute famille est le sorcier. Chaque chef de famille pour ne pas se faire
déposséder de ses enfants se protège contre lui. Toutes sortes de Bo au seuil de la maison
pour empêcher le sorcier d’y pénétrer. Très tôt on vaccine les enfants contre la sorcellerie.
On leur met parfois dans les yeux un collyre indigène dont l’effet consiste à causer des
troubles, des malaises chez le sorcier qu’on rencontre et qu’on arrive à dévisager ainsi.
Pour la maison il y a des ‫״‬azéglo‫( ״‬Bo contre la sorcellerie) qu’on enterre dans la maison.
Celle-ci est même protégée par un vodun spécial dénommé ‫״‬Houéli‫״‬. Ces dispositions bien
prises et scrupuleusement respectées font tomber les hibous qui tentent de survoler la
maison. Ces hibous capturés assaisonnés de certains ingrédients et calcinés au feu servent
à fabriquer des produits antisorcelleresques qu’on utilise pour la scarification de toute la
maisonnée. La capture et la mort du hibou entraînent la mort de son propriétaire, le sorcier.

2. Protection de la maison
Pour protéger spécialement la maison contre les mauvais esprits, pour permettre aux
femmes enceintes de conduire leur grossesse à terme sans difficulté on enterre dans la
maison un ‫״‬Glo‫ ״‬spécifique ‫״‬Al Axuenon‫( ״‬adja), un ‫״‬so‫״‬, un pieu que l’on enfonce au

E
milieu de la cour ou un tesson de pot que l’on met sur le toit, ou une cendre que l’on

U
répand en travers de l’entrée de la maison.

EQ
3. Protection des biens

TH
Dans nos villages tous les champs sont protégés par un Bo. Il va du mannequin en paille
O
entouré de chiffon rouge suspendu à un os, piquet d’os ou de bambou avec des feuilles
sèches ou des peaux d’animaux d’aspect épouvantable pour empêcher le maraudage des
LI

fruits ou le vol de la récolte. Celui qui y enfreint peut en mourir.


IB
-B

4. Protection contre le mal, la maladie, le mauvais sort


Le Glo sert à protéger contre tout mal, tout mauvais sort, toute maladie. En général ce sont
des scarifications que l’on pratique pour éviter tout envoûtement. On fait parfois de ‫״‬so‫״‬
IA

piquet, quelque part dans un arbre, sur un tas d’ordure, à un carrefour, quelquefois en goûte
R

du ‫״‬kpé‫ ״‬ou on prononce des incantations pour ne pas rencontrer de mauvais esprits la nuit.
Contre les accidents on utilise le ‫״‬Fifobo‫ ״‬qui vous projette hors de votre véhicule en cas
ES

d’accidents. Pour la santé lorsqu’on souffre d’une maladie très grave et désespérée on
pratique le ‫״‬koudio‫ ״‬qui vous éloigne de la maladie et vous donne une sorte de renaissance
D

ou même de résurrection. Le ‫״‬koudio‫ ״‬permet en effet de survivre à la maladie et consiste


O

la plupart du temps à prendre un bain de décoction ou d’infusion à la croisée des chemins à


la faveur de la nuit. Après certains bains comme le ‫״‬Jaiku‫( ״‬adja), l’individu que l’on
C

rencontre le premier meurt à votre place.


Au lieu du ‫״‬koudio‫ ״‬on peut employer le ‫״‬Cadui‫( ״‬adja) qui permet de prolonger la vie
de l’individu en différant sa date de mort. Fixé à un piquet comme un mouton comme
l’indique son nom en adja, tant que le piquet n’est pas enlevé le malade ne meurt pas.

5. Le Fla
Le Fla est un glo qui annule l’effet de tout Bo, qui détruit toute puissance occulte. C’est
souvent le ‫״‬désereguèma‫״‬, ou le ‫״‬chao‫ ״‬ou le ‫״‬kesu kesu‫ ״‬ou le ‫״‬anyama‫ ״‬que l’on triture
dans de l’eau et que l’on asperge dans les lieux envoûtés ou sur les personnes envoûtées.
Un Fla spécial en la nature d’une feuille dont on ne prononce pas le nom, une feuille
terrible qui même immergée dans l’eau ne pourrit pas au bout de deux mois. Sa présence
quelque part neutralise, détruit tout ce qui est occulte, bo, vodun, sacré, qu’il s’agisse du
couvent, du panthéon ou du boxo, la case de grigris. Tout surnaturel s’évade ou se dissipe
devant cette feuille redoutable et redoutée mais très rare.
En conclusion de tous les Glo protecteurs, citons le ‫״‬Wonmi‫( ״‬oublie-moi).
Conformément à son nom il amène son détenteur à se faire oublier de ses adversaires ou à
faire oublier tout ce qu’il aurait fait de mal pour mériter des représailles. Certains préfèrent au
‫״‬Wonmi‫ ״‬le ‫״‬Ayakowo‫ ״‬qui est un bo complexe et très efficace. Ce dernier rend imperturbable
et indifférent à tout. Il empêche de prendre conscience de l’effort à fournir pour réussir
désormais. Utilisé par les chasseurs, il leur permet d’affronter toutes sortes de difficultés. En
famille il immunise contre tout.

E
U
C) Flidjè (Retour à l’envoyeur)

EQ
Le Flidjè est la synthèse des deux catégories que nous venons de voir, à savoir les glo
défensifs et les glo offensifs. Le Flidjè protège et attaque à la fois. C’est le retour à

TH
l’envoyeur. Sa forme la plus banale est le ‫״‬Ahodoto‫״‬. Un bo simple fait de :
- ahomlimli, une boule d’indigot
O
- 1 gousse d’atakun (poivre de guinée)
LI

- 1 tête de wututu, l’oiseau qui appelle la pluie


IB

- 1 canari et de la cendre de la veille.


-B

- Mettre les ingrédients dans le canari sur le feu. Manger deux atakun et prononcer
l’incantation suivante ‫״‬Ahodoto lonu wè é non aho dé, afin gba to ta wè é non mon
IA

afin dé, wututu adjaku é yolo sin éwè djinanon. ‫ ״‬La traduction française de cette
R

incantation exprime bien l’idée de retour à l’envoyeur : ‫״‬c’est à la main du teinturier


ES

que l’on voit l’indigot ; c’est sur la tête de celui qui répand la centre que l’on voit la
D

cendre et c’est l’oiseau qui appelle la pluie qui sera mouillé‫״‬. Sous cette forme le flidjè
O

permet de déceler votre ennemi. Sous d’autres formes il tue dans l’anonymat comme
C

le ‫״‬gué‫״‬, le ‫״‬Aviti‫״‬, le Azondjé‫״‬, le ‫״‬Xa oun kui‫ ״‬ou le ‫״‬Gboduaman‫״‬, qui sont tous
d’origine adja. Précisons-les à titre indicatif et pour rendre compte de leur mode
d’action.

1. Le ‫״‬AZONDJE‫״‬
C’est un flidjè à base de azondjè est un substance maritime dont la propriété est de tuer
toute créature aquatique qui s’en approche. Comme Bo, il provoque immédiatement la
mort de celui qui cherche à vous nuire.
2. Le ‫״‬GUE‫ ״‬ou le ‫״‬AVITI‫״‬
Ce bo est fait d’une grosse pierre suspendue à un fil mince accroché au plafond après avoir
prononcé certaines incantations. Chaque fois que son détenteur est attaché par quelqu’un,
la grosse pierre suspendue au fil tombe d’elle-même et provoque en tombant la mort de
l’attaquant. Par ailleurs, il est un ‫״‬anti-tout‫ ״‬car il délivre de toute attaque, de tout
envoûtement.

3. Le ‫״‬Xa un KUI‫״‬
C’est encore plus dangereux car il élimine sur-le-champ celui qui vous veut du mal en
faisant tomber sur lui la foudre, la variole ou déclenche une hémorragie interne.
Comme conclusion au Flidjè disons que le Flidjè est un Glo que tout individu qui tient à la
vie doit faire pour ne pas penser aux autres et pour ne pas rester tout le temps sur le qui

E
vive. Le Flidjè opère comme un antimissile invisible qui ne rate jamais sa cible.

U
EQ
D) Les Glo thérapeutiques
Ils sont souvent confondus avec les médicaments, les ‫״‬amasi‫ ״‬et relèvent pour certains de

TH
la pharmacopée traditionnelle. Mais tous ne sont pas des infusions, des décoctions, des
potions, des bains. Il y a en a sous formes de scarification, de vaccination, de ‫״‬so‫״‬, pieux,
O
d’incantations et de nunyi. Ce sont des Bo qui en plus de protéger le corps, le guérissent
LI
des maux, des troubles, des maladies qui l’assaillent. Ils traitent et guérissent les maux de
ventre, de tête (‫״‬Zokpoué‫)״‬, les morsures de serpent et toutes sortes d’envoûtement
IB

(‫״‬Zotchlon‫)״‬, l’insomnie, la folie, la prostate, la tuberculose, l’asthme, la toux, la fièvre, la


-B

variole, la paralysie, la cécité, la surdité, l’obésité, le mutisme, le diabète, l’impuissance


sexuelle, l’hypertension artérielle, les maladies vénériennes, bref toutes sortes de maladies
naturelles ou non-naturelles que la médecine moderne n’arrive pas à guérir.
IA

Certains Glo thérapeutiques favorisent la croissance du bébé (comme le ‫״‬Kébé‫)״‬, d’autres


préservent la femme en couches et l’aident à accoucher sans difficulté (Le ‫״‬Gougan utilisé
R

à Aplahoué), d’autres éloignent la mort subite comme le ‫״‬Dambo‫ ״‬utilisé à Azovè.


ES

D’autres permettent de mourir chez soi parmi les siens (le ‫״‬Gbègbè‫ )״‬après même avoir
pris les dispositions nécessaires (le TEKPOTE). D’autres Glo thérapeutiques comme le
D

‫״‬Kasiso‫ ״‬adja, savon noir avec lequel on se lave une fois l’an, ou le ‫״‬Xuédino‫ ״‬qui est une
O

infusion à boire, accordent une assurance de vie pour un an renouvelable. Certains servent
de tests pour savoir si une fille est encore vierge ou quelle sera l’issue d’une maladie. Ainsi
C

selon que les racines de ‫״‬Akakany‫ ״‬en fon ou ‫״‬Entiada africana‫ ״‬plongées dans l’eau
écument abondamment, dans ce cas le malade survivra à sa maladie, dans le cas contraire
où les racines n’écument pas du tout ou très peu, le malade succombera.
Après cette typologie du ‫״‬Glo‫ ״‬essayons de définir le ‫״‬Glo‫ ״‬comme nous avions fait pour
son contraire le ‫״‬Ylo‫״‬.

E) Définition du Glo
Comme nous l’indique le terme Glo en fon, Glo signifie : éviter, échapper, empêcher. C’est
un grigri qui permet d’éviter, d’échapper à certaines circonstances compromettantes,
délictueuses, difficultueuses, dangereuses, conflictuelles. Le porteur de Glo est en position
permanente de défense inconsciente contre celui qui porterait atteinte à lui en jetant un
mauvais sort. Dans ce sens le Glo peut se définir comme le grigri dont la vertu est de
s’opposer à toutes agressions extérieures. Son objectif est de défendre contre toutes les
forces occultes nuisibles et de protéger fermêment l’individu.
Le pouvoir du Glo ne se limite pas seulement à l’anéantissement du mauvais sort, il a aussi
un effet de dédoublement. Le dédoublement ici peut être un dédoublement physique,
somatique ou corporel de l’individu, il peut être aussi un accroissement de la force
physique, psychique ou du courage de l’individu. Il y a en effet dédoublement, mais pas un
dédoublement réel car dans de pareilles circonstances l’individu fait preuve d’une force
autre que celle qu’on lui reconnaît d’ordinaire. Ainsi en cas de conflits ouverts nécessitant
des affrontements, des corps à corps, les parties en présence peuvent recourir au Glo et l’on
constate qu’en plus des êtres physiques naturels, on a affaire à des êtres dont les forces sont
augmentées par des choses, des êtres invisibles qui apportent force, secours, courage à
l’intéressé. Donnons-en un exemple : deux hommes sont en train de se battre. Le plus fort
apparemment robuste furieux s’empare d’un coupe-coupe très tranchant dont les faces à

E
force d’être aiguisées scintillaient au soleil et le lève sur son adversaire. Ce dernier sans se
blesser le lui arrache aisément au grand étonnement de tous.

U
Les effets du glo sont manifestes, palpables, palpitants, sensationnels et émouvants. Le

EQ
Glo est une conduite, une attitude de se protéger, de riposter. Il renforce le magnétisme de

TH
celui qui l’utilise. L’immunisation qu’elle donne contre toute arme contondante ou blanche
consiste à trouver un système propre à soi en permanence de façon à renforcer le magnétisme
O
inné ou acquis de tout individu.
LI

Cependant il faut faire un effort pour ne pas abuser du glo. Son abus peut à la longue le
IB

rendre inefficace et rendre l’individu perméable à toute attaque. Ainsi si l’on passe tout son
-B

temps à s’attirer des ennemis, le Glo perd sa force d’efficience par usure. Par ailleurs si
l’individu lui-même ne se montre pas de temps en temps raisonnable et s’il ne fait pas des
rites appropriés pour renforcer la vertu de son Glo, il perd toute l’immunité et se laisse
IA

emporter par la première agression. L’usage incontrolé et intempestif du Glo écarte de soi
tout, même la chance, le bonheur : c’est pourquoi les ‫״‬Gloistes‫( ״‬ceux qui s’adonnent) aux
R

Glo) ne gagnent jamais aux jeux du hasard. Il faut atténuer la virulence du Glo par l’usage
ES

du ‫״‬Ylo‫״‬.
Le Ylo et le Glo montrant l’ambivalence du Bo, examinons maintenant la typologie du
D

Bo à partir de la nature des ingrédients constitutifs du Bo.


O
C

d) Le Bo selon la nature des ingrédients : Cf planches V et VII


C’est le Bo constitué à partir des données de la flore ou de la faune. En général le Bo à
base de végétaux, d’animaux ou de minéraux.
1. La feuille est l’élément le plus utilisé et le plus simple. A elle seule elle fait le Bo. De
‫״‬Désrèguèma‫״‬, le ‫״‬Akikonma‫ ״‬purifie tout ce qu’ils approchent.
2. Le Nudida fait de cola, de vi de ahowé et un peu de sang est utilisé avant tout usage de Bo
pour en déclencher l’efficence. On y a surtout recours en cas de Bo verbal ou verbalisé dans
les incantations, les nunyi, les Gbessissa, les Bogbé. Calciné et pulvérisé le Nudida devient
Atin. Cf planche V.
3. Atin poudre de toutes couleurs mais souvent noire. C’est un mélange hétéroclite de feuilles,
de racines, d’écorces, de viscères, d’os, de minéraux que l’on chauffe jusqu’à calcination dans
une marmite en plein air dans des conditions déterminées (é non so atin) on fait du atin.
Calciné sous forme de charbon noir et laissé refroidir, on l’écrase avec une meule de pierre ou
le pile avec un mortier. Cette poudre peut entrer dans beaucoup d’autres compositions comme
le savon (adigugu), dans du liquide (parfum, huile, eau). Avec la poudre on fait des
scanifications, des vaccinations (é non dja atin). On en goûtte un peu le matin en la lapant et
en soufflant le reste de la paume de la main vers les différents points cardinaux (é na fun atin)
et on se passe la main sur tout le corps.
4. Le Tila, defifin, amulette, talisman tissé de feuilles, d’os calcinés, de poudre, de minéraux

E
et de végétaux, cousu avec du fil blanc, noir rouge dans du papyrus, de la toile cirée, ou du

U
cuir pour le protéger contre les intempéries et surtout la pluie et l’eau, le soleil et la rosée.

EQ
C’est grâce aux Yoruba que nous avons le cuir. Le Tila sert à se protéger de façon permanente

TH
en cas de sevrage, de dentition, de diarrhée.
5. Le Alokè dida, bague préparée. Les bagues se rattachent aux tila. Elles séjournent dans les
O
ingrédients nécessaires ou sont déposées aux carrefours, sur les tombes, aux pieds des Lègba.
LI

Elles protègent contre les accidents de circulation, les empoisonnements, les mauvais sorts,
IB

les maladies et les morts subites.


-B

6. Amasin, médicament, infusion, décoction à froid ou à chaud. Souvent au fond de la jarre il


y a atakun, ahowé, vi (poivre de Guinée, cola, gentiane) auquel on ajoute un du (énon ylo du
IA

do atin on mè). On se lave avec (é non lè amasin). Les amasins servent aux rites purificatoires
R

propiciatoires ou piaculaires, servent de protection contre les maladies et les mauvais sorts.
ES

Pour délivrer de la mort le Amasin porte le nom de :


D

7. Koudio : leur usage est lié à une déontologie particulière. Certains amasins sont des feuilles
O

triturées avec des atakun permettant de voir les choses qu’on ne doit pas voir, les morts, et
C

permettent la vision. Les amasins sont les premiers antibiotiques indigènes, des contraceptifs
et des abortifs, des fortifiants, des vitamines qu’on utilise encore pour compléter la médecine
moderne. Cependant on a souvent peur quand la nuit par inadvertance on marche dans une
infusion sur la chaussée. On a peur d’attraper la maladie qu’un autre éloigne ainsi. Cf planche
VI.
8. Le ‫״‬So‫( ״‬pieu, piquet) : il s’apparente un peu au Kpé que nous avons déjà signalé à la
définition génétique du Bo. On taille l’une des extrémités d’un bois que l’on enfonce dans le
sol après avoir dit tout ce que l’on souhaite en incantations. Parfois on se sert d’un os animal
ou humain ou d’un morceau de fer selon la gravité de ce que l’on veut faire. Monté souvent à
l’aube, en plein midi, ou au coucher du soleil ou à minuit, il est enfoui dans le sol à coup de
pierre ou dans un tronc d’arbre à coup de marteau. Il sert à faire oublier à quelqu’un ce qui lui
tient le plus à cœur et qu’il réclame avec insistance. Quand un débiteur insolvable est tout le
temps assommé par des rappels de dettes, il fait un so contre son créancier pour l’amener à
oublier sa créance, et à ne plus la réclamer tant que le débiteur n’aurait pas dessouché ou
déterré son so. Si le problème a une ampleur plus importante, les gens au lieu de s’en
découdre ou de recourir à la police préfèrent régler leur différend en faisant un ‫״‬so‫ ״‬approprié
dans le plus grand calme possible. Certains placent le So dans la catégorie des Bo de bien-être
car pour eux il sert à défendre l’honneur de l’individu, à le maintenir à son poste. Il consiste à
se rendre justice soi-même, à rester sédentaire au poste ou dans la fonction ou le lieu que l’on

E
occupe. Sous ce point de vue les exemples ne maquent pas : le ‫״‬Yowoglo‫״‬, le ‫״‬Dotomasetin‫״‬,

U
le ‫״‬Xwetomè‫״‬, qui fixent l’individu à son poste comme une montagne à son rocher, et le

EQ
garantissent dans ses droits. Cf planche VII.

TH
Cet usage défensif du So est souvent accompagné d’une intention d’en vouloir à autrui, de
lui nuire en catimini ; dans ce cas le so constitue une arme offensive et agit comme un
missile en prenant le nom de ‫״‬AISO‫״‬. On distingue le ‫״‬AISODOXOME‫״‬, le AICEDJI‫״‬, le
O
AGBATAILE‫ ״‬et le ‫״‬SUKPA‫״‬.
LI
IB

1. Le ‫״‬AISODOXOME‫״‬
-B

Il est extrêmêment dangereux car il cause la paralysie totale des membres de la victime
qui désormais ne pourra plus sortir de sa chambre. Il doit être renouvelé chaque année sinon
IA

la victime recouvre sa santé.


R
ES

2. Le ‫״‬AICEDJI‫״‬
D

Il est fait pour aliéner l’individu de sa terre. Il ne meurt pas, mais il oublie complètement sa
propriété qui devient la propriété du malhonnête.
O
C

3. Le ‫״‬AGBATAILE‫״‬
‫״‬Nu ze to non zé aikungban an yé bi na kujodo‫( ״‬personne ne pourra prendre la terre,
tous mouront et la laisseront). En cas de litige de terrain, celui qui fait ce Bo gagne le procès
et l’autre meurt.

4. Le ‫״‬SUKPA‫״‬
C’est le So sous sa forme la plus pitoyable. Le ‫״‬SUKPA‫ ״‬pousse la victime à
commettre un crime, à détruire son propre foyer par bagarre, à tuer quelqu’un par accident de
circulation ou à se donner soi-même la mort par suicide. Le ‫״‬SUKPA‫ ״‬appelé aussi
‫״‬SUKPIKPA‫ ״‬est destiné à être enfoncé dans un tronc d’arbre ou dans le sol à grands coups
de marteau en prononçant des incantations pour réaliser les objectifs visés. L’opération a lieu
en des endroits appropriés, pied d’un arbre ou d’un Lègba, derrière la maison, au portail ou à
un carrefour. Tout Sukpikpa n’est pas destiné à nuire à autrui mais il y en a qui symbolisent l
a ferme conviction ou volonté que l’on a de réaliser quelque chose coûte que coûte. Parfois au
lieu de l’enfoncer quelque part on l’enroule seulement de fil blanc, noir ou rouge selon les
intentions et on le loge même dans sa propre voiture. Les formes que nous venons d’énumérer
ne sont pas couramment utilisées heureusement. La forme la plus utilisée est le ‫״‬KIDJA‫״‬. Il
suffit de prendre un margouillat ‫״‬alotrodrokpo‫״‬, de le tuer et de verser son sang sur Tolègba et
prononcer le nom de la personne à qui l’on veut nuire et dire que c’est elle qui a donné le sang

E
du margouillat au Tolègba. Etant donné que le sang du margouillat lui est un tabou, le

U
Tolègba s’en retournera contre la personne au nom de laquelle le sacrifice est ainsi fait.

EQ
TH
Nota bene : le malfaiteur avant de verser le sang du margouillat sur le tolègba devrait ranger
tout ce qui est couteau, coupe-coupe, hache, ciseaux, lame, rasoir et de retour chez lui après
O
l’opération il devra se coucher et éviter de circuler. Car après avoir accompli sa mission le
LI

Tolègba retournera chez son commissionnaire avec francs pour repartir quelques instants
IB

après. Après ce départ, le commissionnaire pourra vaquer à ses affaires. Mais malheur à lui si
-B

jamais la victime avait l’antidote, le Tolègba l’attaquerait à la place de la victime présumée.


Le Kidja utilisé dans les ménages disloque les foyers dans la bagarre et la violence. Nous en
IA

parlerons dans la deuxième parie de notre travail.


R
ES

E) TYPOLOGIE DU BO SELON LA FORCE DE FRAPPE


D

La force de frappe c’est avant tout la manière dont le bo agit, atteint son objectif,
O

lentement, rapidement, nécessairement.


C

1. Le Kpé : Cf planche III


Très fort, son effet est immédiat, violent. S’il tarde à se produire, il n’excède pas sept jours.
Incontrôlable, peu recommandable, en ultime recours, il n’est pas à la portée de tout le
monde.

2. Le Nuvènu
Irréversible. Objets et gestes et dispositions qui donnent immédiatement l’effet désiré.
Mettre du piment sur le Fa au nom de quelqu’un attire immédiatement malheur sur lui.
Mettre du cérumen à l’anus amène la mort soudaine. Exposer la face blanche de la pierre
‫״‬Aklankpin‫ ״‬déclenche automatiquement la pluie. C’est une pierre que l’on trouve dans les
entrailles du singe rouge. Elle est utilisée par les faiseurs de pluie. La formule courante du
‫״‬nuvènu‫ ״‬est ‫״‬Djè vè gbin‫״‬, l’escargot ne supporte pas de sel, ne mange pas de sel. Au
‫״‬nuvènu‫״‬, les incantations ont une action semblable en ce sens que leurs réactions ne
tardent pas à se produire. Une dizaine de minutes au maximum.

3. Autres Bo
Certains Bo comme les ‫״‬So‫״‬, les pieux ont une action lente qui exige patience et
persévérance comme nous avons vu au niveau des Glo d’attaque ou de contre-attaque.
D’autres comme les Kidja donnent des effets spectaculaires dont on parle longtemps.

F) TYPOLOGIE SELON LES PRATIQUES TELEPATHOGENES

E
Il faut regrouper ici les Bo dont les destinataires, les bénéficiaires ou les victimes n’ont

U
aucun rôle actif à y jouer. Ces Bo agissent sur eux à leur insu. Il s’agit précisément de :

EQ
- miner une femme nudoakon nunyonu, les pièges à adultères, comme Kan ou cordelette
que l’on fait enjamber à la femme à son insu ;
-
TH
envoyer des maladies aux gens ‫״‬azondonu mè‫ ״‬comme homèwli, maux de ventre,
O
tadu, maux de tête, akli, gale, etc.
LI
- provoquer des bagarres sanglantes violentes, des accidents à distance, kidja, gambada.
IB

- Introduire dans le corps de la victime toutes sortes de bris, de débris, tessons, de


-B

ronces, de clous, de sable, tout ce que seul le spécialiste pour extraire du corps par la
suite, c’est le ‫״‬Cakatu‫; ״‬
IA

- Rendre invisible, disparaître en cas d’accident, ‫״‬Fifobo‫; ״‬


R

- Action par magnétisme, télépathie, par représentation, par symbolisation comme par
ES

exemple envoyer le serpent à quelqu’un ‫״‬Dando nu mè‫״‬, soulever un vodun contre


quelqu’un, ‫״‬vodun domè‫״‬, pire soulever les morts contre quelqu’un ‫״‬Fon kutito do min
D

dji‫״‬.
O
C
G) TYPOLOGIE SELON LA NATURE, MATIERE, MODE D’APPLICATION ET
EFFET (SENS)

NATURE MATIERE MODE D’APPLICATION EFFET


Psychique mental, Eléments sonores, Par contact : onction, Instantanné, lent ou
agit sur le accoustiques, vaccination, scarification, raqide, quotidien
subconscient de sensations, potion : type cutané et
l’individu perceptions : dermatologique ; kpé nudina,
nunyi, bogbe, kpé, nudonu mè, etc. par
gbessissa, télépathie, à distance, par

E
incantations, kpé, assimilation, analogie,

U
etc. représentation,

EQ
symbolisation ; botchio,

TH
statuette, image, so, cakatu,
etc.
O
Physique, Aman, feuille, Quotidien,
LI

matérielle : solide, atin, poudre, mensuel, annuel,


IB

liquide, gazeux, agit nudida, nussissa, toute la vie ou


-B

sur le corps de pommade, tila, périodique


l’individu. defifin, amulette,
IA

aloke, talisman,
R

terre, eau, feu, air,


ES

etc.
D
O

COMMENTAIRE
C

Ce tableau correspond à la classification par les sens. Dans un premier moment nous
retiendrons les trois sens de contact : la peau, le toucher, la langue, le goût, le nez, l’odorat.
Nous envisagerons ici tout ce qui s’avale, se mâche, s’absorbe, se boit, tout ce qui passe par le
corps (pommade, onction, huile, parfum, poudre), scarification, vaccination, les coupures de
chiffon, d’habits, les prélèvements d’empreintes, crachats, rognures d’ongles : éléments divers
empruntés aux règnes humain, animal, végétal et minéral et combinés selon les principes dont
seul le Boto, le faiseur de Bo, connaît le secret.Il s’agit là de désigner les objets, les remèdes
d’envoûtement, d’empoisonnement ou de contre-envoûtement ou le non-rapprochement
physique, direct ou indirect.
Ensuite les deux autres sens : la vue et l’ouie. Le Bo par la vue nous entendons tout
collyre ou tout produit dont l’application à l’œil humain permet de mieux voir les choses, y
compris même les êtres invisibles et de faire de la divination. Il y a là aussi les produits dont
l’inoculation rend aveugle ou guérit de la cécité. Il y a en effet des lieux et des choses que des
non-initiés ne peuvent par regarder sans devenir aveugles, comme par exemple le vodun
Gbadu contre le sorcellerie. Tandis que les Bo pour l’ouie concernent surtout les paroles dont
l’audition nuit à l’oreille humaine comme les incantations, les Bogbè, les Gbessissa, les
nunyi. Dans ce cas le moindre mal c’est la surdité, le pire c’est la mort. Ainsi une mort brutale
survient à l’audition de cette incantation : ‫״‬Kanan hoto mon ho dokpo dékpo agban mè‫״‬,
l’acheteur d’akassa n’achète pas le seul akassa qui reste chez la vendeuse.

H) LA TYPOLOGIE SELON LA PROFESSION

E
PROFESSIONS CARACTERISTIQUES DOMAINE D’ACTION & SCIENCES

U
EXPLORATOIRES

EQ
Eleveurs Invisibilité (Fifo), métamorphoses Animaux domestiques, zoologie
(Huzu huzu)

TH
Chasseurs Invisibilité, invulnérabilité, Animaux sauvages, zoologie
métamorphoses (gbèglo)
O
Pecheurs Minéraux, vertébrés Métamorphose, invulnérabilité, Minéralogie
et zoologie
LI

Agriculteurs Terre et végétaux Invulnérabilité, pharmacopée, bo-pluviopète,


IB

Bo-paratonnerre : Botanique
-B

Artisans Métaux et bois Invulnérabilité : Bo contre le feu, contre le


fusil, le couteau, le baton, accident de travail
(sciences humaines)
IA

Fossoyeurs Hommes (cadavres) Invulnérabilité et invibilité : Bo contre les


R

manifestations des morts pour provoquer ou


ES

évoquer les morts (Fon kutito domin dji) pour


vivre longtemps (djidobo)
D

Griots Culture immatérielle (Flin) aide-mémoire (sciences sociales,


surtout Anthropologie)
O
C

Ce tableau permet de se rendre compte qu’il y a autant de spécificités de Bo que de


domaines d’activités humaines ou professionnelles. Différentes professions peuvent se
soutenir par les mêmes Bo ou rechercher les mêmes Bo, comme le Bo qui donne l’invisibilité
est recherché par les éleveurs et les chasseurs, la métamorphose par les éleveurs, les chasseurs
et les pêcheurs et l’invulnérabilité est recherchée par eux tous sauf le Griot qui n’a rien à faire
avec les armes. Le ‫״‬Gbèglo‫ ״‬est spécifique au chasseur en le protégeant contre les dangers de
la forêt, les reptiles, les animaux féroces. Le ‫״‬Gbèglo‫ ״‬est souvent un mélange de poudre et
d’herbes dans une corne (kpé) que le chasseur goutte le matin en prononçant des incantations.
Avec ce charme son courage augmente quand il entre en brousse. Ce tableau tend à regrouper
en caste les hommes de la même profession avec la même recherche de Bo contre les dangers
communs à la profession en atténuant entre eux l’idée de concurrence. Il nous renseigne enfin
sur les acteurs du Bo qui deviennent à la fois sujets et objets du Bo. Au départ l’homme
constituait le sujet du Bo et la nature de son objet ou sa victime. La nature fournit la matière
première du Bo et c’est en son sein que l’homme puise les armes pour la combattre. La
première forme de la lutte est une lutte contre la nature et ses éléments déchainés. C’est plus
tard par instinct de conservation ou par jalousie orgueilleuse que l’homme a appliqué le Bo
contre ses semblables. C’est parce que l’homme s’est imaginé à un certain moment de sa vie
qu’il est jalousé, envié qu’il est attaqué qu’il cherche à se protéger : d’où l’attaque de l’un
engendre la protection de l’autre en vue de riposter désormais ; c’est là la source des Glo que
nous ne terminerons jamais d’étudier. Il faut noter que le Bo est typiquement un fait humain.
Ni les animaux, ni les minéraux, ni les végétaux ne font de Bo parce qu’ils n’ont pas de
conscience culturelle. Seul l’homme en a et exploite les données de la nature par son
intelligence pour confectionner le Bo et accroitre ainsi sa force, sa domination des autres
créatures.
Le seul défaut de ce tableau c’est de manquer de nous renseigner sur les forces en
présence, dans le Bo.

E
FORCE NATURELLE FORCE SURNATURELLE FORCE SUPRÊME

U
Ama feuille Tila, défifin, talisman Mahugbèdoto (Dieu créateur du monde

EQ
Ama dedjè dedji Kpé, très puissant Vodun spécifique gérant de chaque
force de la nature

TH
Feuille + feuille = Bo So pieu, piquet Dan (serpent)
Nudida (chose préparée) Fla, annulation des effets Sakpata (variole, terre)
O
Hébiosso (pluie, foudre)
Nuvènu (chose incompatible) Ylo & Glo Aguè (forêt)
LI

Linsuxwue (esprit du mort)


IB

Atin (poudre calcinée) Aze (sorcellerie) Lègba (gardien)


-B

Aziza (génie)

Ce tableau est difficile à commenter. Il faut l’expliquer de gauche à droite et de haut


IA

en bas. Complètement à gauche nous avons les forces naturelles dont dérive le Bo. Le Bo, le
R

grigri c’est l’addition d’une feuille à une autre. De la feuille dérivent tous les Bo élémentaires
ES

comme forces naturelles. Leurs dérivés augmentent en force et deviennent des forces
naturelles dont la puissance dépend de son rang d’apparition devenant de plus en plus élevé
au fur et à mesure qu’on descend vers le bas. Tandis que la colonne de droite dénommée
D

‫״‬Force Suprême‫ ״‬montre comment Mahugbèdoto dans la théologie fon est la source de tous
O

les vodun en tant que servis par lui et gestionnaires d’une force de la nature. Ici nous avons
C

différents vodun auxquels on peut rendre un culte pour accroitre l’efficience du Bo en


question mais à Mahugbèdoto même on ne rend pas de culte car il est esprit pur. Et c’est lui
en définitive qui donne le pouvoir au Bo après en avoir donné aux vodun. La colonne de la
force suprême nous donne la genèse théologique du Bo. La colonne de la force naturelle peut
être ramenée à la dernière ligne du bas ‫״‬ATIN‫״‬, qui est la résultante de tout ce que nous avons
vu comme forces naturelles ; c’est la fusion de tous les éléments dérivés de la feuille. Le YLO
et le GLO sont les deux formes principales du Bo constituées par l’ensemble des deux
premières colonnes. Le AZE doit être considéré comme intermédiaire entre force surnaturelle
et force suprême car c’est par le recours à la force de ces deux dernières colonnes qu’on arrive
à combattre AZE. En réalité l’ambiguité de AZE s’explique par sa position charnière entre
surnaturelle et suprême et explique pourquoi on n’arrive pas à classer le AZE dans la
catégorie des vodun ni dans la catégorie des Bo. Tout ce que l’on sait le AZE, la sorcellerie
est une société secrète très dangereuse à laquelle n’adhère pas qui veut. Son mode de
transmission diffère de beaucoup de celui de la transmission du Bo et du vodun. C’est
pourquoi dans notre étude du Bo, nous ne sommes pas risqué à parler de la sorcellerie, c’est le
domaine tabou par excellence.

1) TYPOLOGIE DU BO SELON LES BESOINS

BESOIN A ESPECE DE BO SUBSTANCE EFFETS DU BO SCIENCES APPLIQUEES


SATISFAIRE PRINCIPALE DU POUR EXPLORATION DU BO
BO
Réponse favorable YLO Psychique Instantané, lent ou Sciences humaines et sociales,
(Flin) Mentale rapide quotidien spécialement psychologie,
anthropologie, sociologie
Sécurité GLO Physique Quotidien Sciences naturelles et physiques

E
(Wonmi) Matérielle Mensuel spécialement Botanique et

U
Annuel Zoologie Minéralogie.

EQ
COMMENTAIRE DU TABLEAU

TH
La classification du Bo par les besoins place l’individu dans la société. En effet les
besoins et les capacités potentielles de l’individu se situent à la base de tous les phénomènes
O
sociaux et culturels en général et du Bo en particulier. Les sociétés elles-mêmes sont des
LI
groupes organisés d’individus et les cultures ne sont rien d’autre en dernière analyse que des
systèmes de réponses répétées communes aux membres d’une société. Pour cette raison
IB

l’individu est le point de départ de toute investigation.


-B

On peut admettre que ce sont les besoins de l’individu qui constituent les motivations
de son comportement et qui par le truchement de ce dernier sont responsables du fait que la
société et la culture sont opérantes. Les besoins des êtres humains semblent plus nombreux et
IA

plus variés que ceux de n’importe quelle espèce. Outre ceux dont on peut suivre directement
R

la filiation jusqu’aux tensions physiologiques comme le besoin de se nourrir, de dormir,


d’échapper à la douleur ou le besoin sexuel, l’homme possède une gamme variée de besoins
ES

différents dont on ne peut pas démontrer clairement la relation avec les tensions de ce type.
Ceux-là à défaut d’un meilleur terme, peuvent être appelés besoins psychiques (psychic
D

needs). Que les besoins physiologiquement déterminés soient d’habitude appelés besoins
O

primaires et les besoins psychiques secondaires, voilà qui se justifie surtout dans la
perspective d’une méthode générique. Les besoins physiologiquement déterminés
C

apparaissent les premiers dans le cours général de l’évolution et ils sont les premiers à se
manifester dans le cycle de la vie individuelle. Mais en tant que motivations du comportement
adulte, les besoins psychiques et les besoins physiologiques semblent bien aller de pair. Mais
dans la vie quotidienne les besoins psychique ont le pas sur les besoins physiologiques. La
typologie du Bo à partir des besoins n’a pas été facile car il n’est pas facile de classer les
besoins. La nature et même la présence de besoins psychiques ne peuvent être que déduites du
comportement humain auquel ils donnent naissance. Ce comportement est si varié qu’il y a
lieu de décider s’il faut le rattacher à un petit nombre de motivations générales ou à un grand
nombre de motivations spécifiques. Si l’on suit cette dernière méthode on peut multiplier les
besoins psychiques à l’infini et l’on détruit par là même l’intérêt de la classification.
Une autre difficulté pour construire cette classification des besoins, est qu’il est rare
qu’un besoin humain physique ou psychique se rattache de manière clairement tranchée et
univoque à un modèle de comportement explicite (pattern of behavior). L’action,
spécialement si elle est en accord avec un modèle culturel (culture pattern) établi, contribue en
général à satisfaire plusieurs besoins différents en même temps. Ainsi nous pouvons faire un
Bo pour nous protéger, le même Bo pour notre vanité ou du moins pour éviter la censure de la
société. Dans ces conditions il nous a semblé plus honnête de dresser la typologie du Bo à
partir d’une classification des besoins psychiques dont certains semblent très généraux et très
importants pour la compréhension du pratiquant du Bo : le besoin de réponse affective
favorable, le besoin de sécurité et le besoin de nouveauté, selon l’analyse chère à Ralph
Linton dans le Fondement culturel de la personnalité, Dunod Bordas, Paris, 1977.

E
1. Le besoin de réponse affective favorable

U
C’est le besoin venant d’autrui et qui apaise notre trouble, notre inquiétude, notre

EQ
solitude. C’est ce besoin de réponse, surtout de réponse favorable qui pousse l’homme en
société à faire le Bo pour influencer le comportement d’autrui conformément à son attente, à

TH
son désir, à son souhait, à sa volonté. Ce besoin de réponse affective est universel et si fort
que beaucoup de sociologues et d’anthropologues l’ont considéré comme instinctif au sens
d’inné. Il se révèle dans tous les YLO comme appel, porte-bonheur déjà soulignés.
O
LI

2. Le besoin de sécurité
IB

C’est le besoin de se rassurer malgré la fuite du temps et l’inquiétude de l’avenir. Ici il


-B

faut rappeler avec délice Faust :


‫״‬Au fond de notre cœur l’inquiétude vient s’établir, elle y produit de secrètes
IA

douleurs, elle s’y agite sans cesse, en y détruisant joie et repos, elle se pose
toujours de masques nouveaux. C’est tantôt une maison, une cour, tantôt une
R

femme, un enfant ; c’est encore du feu, de l’eau, un poignard, du poison ! Nous


ES

tremblons devant tout ce qui ne nous atteindra pas et nous pleurons sans cesse ce
que nous n’avons point perdu‫״‬.
(Goethe, Faust et le second Faust Classiques Garnier, Paris, 1956, p. 43)
D
O

3. Le besoin de nouveauté
C

Notre tableau aurait été parfait si nous y avions figuré le besoin de nouveauté. Ce
besoin est moins contraignant que les premiers, il les recoupe et les recouvre et conduit à la
recherche du perfectionnement, du raffinement dans la quête du Bo. Dans le langage fon, il
conduit au culte du ‫״‬Bo winiwini‫״‬, à la soif de petits Bo anodins, de Bo banals. Il a l’avantage
de permettre au ‫״‬Bophile‫( ״‬à l’ami du Bo) de rechercher les Bo les plus simples dont la
réalisation ne nécessite pas beaucoup d’effort d’investissement de la part de soi-même et de
beaucoup de recherches, de découragement chez autrui parce que les constituants du bo sont
très rares ou très coûteux et il faudra de longs déplacements pour les avoir ou une longue
patience pour en venir à bout.
En réalité le besoin de nouveauté conduit de l’appétit du bo à sa passion. En même
temps que l’individu en tire gloire, il s’épuise progressivement et financièrement. ‫״‬Mido zali
wè. E na wa Bo ni hué‫( ״‬Nous sommes en train de lutter, on va faire du Bo pendant des
années). ‫״‬E maséwa médé a énon mon nuwiwa ton an‫( ״‬Si l’on ne se rapproche pas de
quelqu’un on ne peut pas se rendre compte de son action).
En dernier ressort la typologie d’après les besoins de l’individu nous paraît la
meilleure parce qu’elle ramène la classification des Bo aux trois besoins universels
humains que sont le besoin de réponse affective favorable, le besoin de sécurité et le
besoin de nouveauté. Tous les Bo que nous connaissons aujourd’hui et ceux qui seront
découverts demain trouveront facilement place dans cette classification. Et de toutes
les classifications proposées, celle par les besoins est la plus naturelle et la plus simple.
Et ces besoins apparaissent comme les causes premières de tout recours de l’homme
au Bo dans sa conduite pour déterminer sa pratique.

E
U
EQ
TH
O
LI
IB
-B
IA
R
ES
D
O
C
DEUXIEME PARTIE

E
U
EQ
TH
O
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-B

PRATIQUE DU BO
IA
R
ES
D
O
C
‫״‬Le magicien peut être à la fois ou successivement
prêtre, technicien ou sage. En chaque circonstance, il
met son pouvoir au service d’un pouvoir plus grand, au
bénéfice du demandeur ; ainsi peut-il tuer ou guérir,
envouter ou libérer, faire tomber la pluie ou décider de
la sécheresse, venger, punir ou gratifier,
éventuellement prouver aux autres, ou à lui-même
l’étendue de sa puissance. ‫״‬
Louis Vincent Thomas/René Luneau, Les déposssédés,
Robert Laffont, Paris, 1977, p. 98

E
U
‫״‬Avant de combattre un pays par les armes le Danxome

EQ
avait toujours demandé à ses dignitaires prébendés de

TH
mettre en œuvre leur reconnaissance en grigris afin
d’envouter infailliblement les dignitaires du royaume
O
ennemi‫״‬.
LI

Paul Hazounmè, Doguicini, Paris Larose, 1980, p.62


IB
-B

‫״‬Atin ma non flè do aganma lomè‫״‬


(La branche ne se cassera pas dans les bras du
IA

caméléon)
R

Devise-Incantation du Président Kéréku Mathieu. Cf


ES

planche VII
D
O

‫״‬A défaut du pardon laisse venir l’oubli, les morts


C

dorment en paix dans le sein de la terre‫״‬.


Alfred de Musset

Il serait illusoire de vouloir préciser le sens de la Pratique comme nous avons tenté de
le faire à propos de la Théorie. Car depuis la publication des Argonautes du pacifique
occidental de Malinowski, l’anthropologie a cessé d’être théorique, spéculative et
hypothétique pour devenir effectivement dynamique, pratique de terrain en accordant la
priorité à l’expérience personnelle du ‫״‬terrain‫״‬. Nous savons que la notion de pratique est une
notion moderne que nous avons héritée des Hégéliens de gauche pour lesquels l’expérience
est la source de toutes nos connaissances. Nous nous sommes effectivement basés sur
l’expérience du Bo pour en élaborer une théorie, celle-ci une fois abstraitement élaborée doit
nécessairement retourner à la pratique pour se valider, se vérifier, se mettre à l’épreuve. La
pratique pour nous doit être entendue au sens d’action en tant qu’opposée à la théorie. C’est
effectivement en vue de l’action que l’individu, le béninois s’applique au Bo. Du Bo il n’en
fait jamais une étude purement théorique gratuite en tant que simple curiosité de l’esprit mais
toujours dans le but d’agir plus rapidement et plus efficacement sur ses semblables, la société
et sur la nature.
Dans ce but la pratique du Bo introduit une religion au sens sociologique du terme en
tant qu’un ensemble de relations et de sentiments dialectiques, antithétiques et
complémentaires animant une vie sociale dynamique. La pratique du Bo va nous amener à
son expérience et à son expérimentation par les différentes régions du Bénin ou sa
régionalisation.

E
U
EQ
TH
O
LI
IB
-B
IA
R
ES
D
O
C
CHAPITRE PREMIER
REGIONALISATION DU BO
Par régionalisation du Bo nous entendons la spécification du Bo, la puissance du Bo
suivant les régions et les ethnies. Dans le langage courant on distingue au Bénin deux
régions : le Nord et le Sud. Mais nous distinguerons quatre régions suivant les différents
points cardinaux qui permettent de situer les ethnies chez nous suivant le nord, avec les
provinces ou les départements du Borgou et de l’Atacora, au sud la province ou le
département de l’Atlantique, au centre, la province ou le département du Zou, à l’ouest la
province ou le département de l’Ouémé et à l’Est le département ou la province du
Mono.Dans ces différents départements se détachent des ethnies très réputées en Bo. Au nord

E
dans l’Atacora dominent les Bo qui rendent invulnérable aux armes blanches. Ainsi à Djugu,

U
les Dendi, dans les villages de Kunagniku, de Konaduku ou de Manta où dominent les

EQ
Ditamaribè, les Wama à Pouya, district de Natitingu, à Foxa, district de Tanguiéta, à Korfa et

TH
à Kuba, district de Tukutuna.
Dans le Borgou dominent les Bo qui rendent invulnérable à l’empoisonnement. On
O
cite souvent les Batombu dans les villages de Bori Sonnoumon, Tèmè (district de Ndali), de
LI

Fabouré (district de Sinende), Tourou (district de Parakou), Ganiou (district de Benbèrèkè),


IB

Sonsoro (district de Kandi), Kéru, Zougou, Kpantolé (district de Gagnoua), Ounè, Soroko
-B

(district de Banikoara). On ne peut pas oublier les Makolé de Toui, de Lolo-Alpha, district de
Kandi, ni les Bousa ou Bo de Sokotindji et de Saonzi (district de Ségbana).
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Dans le Zou dominent les Mahi, les Shabè et les Fon. Les premiers sillonnent les villages
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ou villes de Agonlin, Covè, Zagnanado, les seconds hantent Nagoi, Dassa, Kokoro,
Chalagoi, Kabous, Gbédé, Sokpota et Dassa-zoumè. Les Fon vivent à Tindji, à Saklo, à
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Bohicon, Aklakpa, Savalou. Il serait vraiment difficile de spécifier le Bo dans le Zou car
on y pratique tous les genres.
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Dans le Mono où se dégage l’ethnie adja comme dominante on pratique surtout le Cakatu.
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Les villages ou les lieux les plus célèbres en Bo sont Glédji, Lokossa, Zounhè, Sè, Sahè
C

Agamè, Houin, Dogbo, Djakotomè, Azovè.


Dans l’Ouémé vit l’etnnie la plus redoutable en Bo, les Holli qui se spécialisent surtout
dans les Bo de métamorphose qu’utilisent les chasseurs pour échapper aux fauves. Ils se
distinguent des Nagots et des Yoruba qui sont spécialisés dans les Ylo, les Bo pour
favoriser le commerce. Holli, Nagot et Yoruba, on les rencontre à Kétou, à Pobè, à Sakété
et à Porto-novo.
Dans l’Atlantique, on rencontre souvent les truands en Bo. Ici tous ceux qui émergent
des villages obscurs se disent spécialistes dans les Bo qui vous font défaut. Toutes les ethnies
du Dahomey ou du Bénin se retrouvent ici, car souvent par chômage ou par goût de l’aventure
ils essaiment dans les villes côtières, Ouidah, Cotonou et leurs environs avec la ville de
Abomey-Calavi comme centre de la sorcellerie. Godomè, Hèvié perdant aujourd’hui leur
célébrité ne sont fréquentées que par des gens soucieux du passé des vodun.
Dans une étude sérieuse on ne peut pas effectivement prétendre localiser le Bo suivant
ses spécificités car le Bo s’étend à toutes les activités du Béninois pour essayer de se mettre à
la hauteur de ses besoins qui varient de jour en jour et suivant les régions où il est né et où il
se trouve. Agonli semble être le centre du Zou où les Bo bons côtoient les Bo mauvais. Il est
aussi célèbre pour la grande variété de ses Bo : miner une femme par des pièges à adultères
(nudo akon nu nyonu), empêcher la réalisation de quelque chose par des pieux (So), bloquer
ou débloquer un processus en cours, détruire ou tuer quelqu’un si bien que tout le monde se
craint. Ouidah est réputée pour ses Bo mauvais : provoquer le divorce, arracher le mari
d’autrui ou même le tuer par jalousie (spécialité des femmes).

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Le nord du Bénin notamment l’Atacora et le nord-est, la région de Bembèrèkè est

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célèbre dans le Borgou pour ses empoisonnements à distance et les recettes contre les

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morsures du serpent. Les Holli au nord de Ouémé sont réputés pour les Bo qui rendent
invisible et invulnérable aux balles de fusils, aux coups de couteaux. Ils sont connus aussi
pour leurs recettes en écorces, racines et tiges de plantes ou en boyaux des animaux.

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Ailleurs se dégagent des isolats où les ethnies sont renfermées sur elles-mêmes pour
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ne cultiver qu’un genre particulier de Bo comme les Adja du Mono, les Shabè du Dassa et les
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Mahi de Savalou.
IB

Dans cette régionalisation du Bo on rencontre les détenteurs du Bo dans toutes les


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catégories socio-professionnelles avec une légère prédominance des groupes paysans


voduistes, les guérisseurs tradi-praticiens, les fonctionnaires agents des services et des
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sociétés, notamment les cheminots, les agents des PTT, les agents des Carder, les enseignants.
Viennent ensuite les chauffeurs, les transporteurs en quête de ‫״‬Glo‫״‬, de contre accident,
R
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suivant les régions ou les pays qu’ils traversent. Quant aux élèves et étudiants, ce sont surtout
les Ylo et les Flin qui les préoccupent pour les aider dans leurs leçons et dans leurs examens.
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En effet dans les milieux traditionnels africains en général des circonstances particulières
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comme le voyage, la rentrée des classes ou les examens conduisent les parents à confectionner
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des Bo pour leurs enfants. Tel le cas de Camara Laye à son départ pour le Lycée technique de
Dakar dans l’enfant Noir. A la veille des compositions les camarades qui utilisaient le Bo se
rasaient la tête, ne disaient mot à personne avant la première épreuve, ne permettaient à aucun
camarade de tremper sa plume dans leur encrier au risque d’emporter leur chance. Il arrivait
parfois que ces Bo mal utilisés se retournaient contre eux, ils devenaient fous par la suite ou
même rétablis par la suite ils n’étaient plus crédibles dans la société. ‫״‬Chaque acte, chaque
geste était censé mettre en jeu les forces invisibles de la vie‫״‬, disait Hampaté Ba. Il ne suffisait
pas seulement de se protéger, il fallait apprendre aussi à se défendre.
La pratique du Bo maintient partout au Bénin l’ordre social. Au lieu d’être freiné, son
usage prend de plus en plus d’ampleur à cause de la dégradation des croyances religieuses.
Les Chrétiens, surtout les catholiques pensent à la vie de l’au-delà et du futur tandis que les
autres se cantonnent au présent et recherchent la satisfaction immédiate que le Bo assure plus
rapidement que la prière faite à l’Eglise. Les cadres au lieu de rechercher la perfection par leur
praxis, préfèrent recourir au Bo et emboîtent ainsi le pas aux autres membres de la société.
Aussi la pratique du bo est-elle si fortement intégrée à notre milieu, à notre mentalité avec des
nuances particuliarisantes selon les ethnies, selon les régions.
‫״‬Si vous cherchez les Bo vrais, si vous dépassez le district d’Agonlin, vous n’en trouverez
plus, ni de redoutable‫״‬, disait une femme du Mono à une autre de l’Atlantique. Agonlin est
réputé comme nous avons déjà signalé dans les pièges à adultères. Les femmes de Ouidah
sont craintes parce qu’elles ne tolèrent pas de co-épouse, elles ont recours au Bo pour
éliminer leur mari s’il est riche, ensuite leurs coépouses parce qu’elles soutiennent toutes
qu’elles seules peuvent hériter les biens de leurs maris.
Chez les Peuhls, les Somba du nord, le Bo sert à rendre la chasse fructueuse. Dans tous les

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milieux sous la colonisation le Bo le plus efficace est celui qui protège contre la cruauté du

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chef de canton ou de subdivision ou du commandant de cercle. Dans cet esprit le Bo a été
transmis de génération en génération, jusqu’à l’Indépendance. Certaines ethnies, certaines

EQ
régions sont redoutées par leur gouverneur pour la crainte qu’elles inspirent par leur
entetement entretenu par leur confiance en Bo. Même de nos jours il y a une certaine

TH
crainte melée de méfiance lorsque vous êtes affecté à une région que vous ne connaissez
pas encore ou que vous n’avez jamais visitée. Notre vision actuelle des choses est
O
prédéterminée par la croyance à des forces occultes, invisibles mais vitales qui soutiennent
nos activités et même notre caractère. Dans ce déterminisme caractériologique nous
LI

pouvons citer les Peuhls, les Bariba, les Pila-Pila, les Ditammari, les Batombu, les Fon de
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Ouidah et d’Agonli, les Holli de Kétou, de Pobè et les Nagots de Sakété.


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a) Les Peuhls
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En général, ce sont des populations nomades en rapport permanent avec la forêt, la savane,
les bêtes, les génies et les esprits de ces lieux avec leurs forces surnaturelles. C’est là sans
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aucun doute la source de leur culture et de leur réputation en Bo. Eleveurs la plupart du
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temps en transhumante de régions en régions, ce qui les met en contact avec d’autres
éleveurs et alimente un commerce de connaissances et d’expériences de civilisation de Bo.
Cette race transhumance en général, croyante et fervente, disciple fidèle de Mahomet en
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Allah leur Dieu, jouit d’une double culture religieuse : l’Islam et l’animisme. En général
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redoutés par leurs voisins pour leur instinct sauvage, rupestre, et leur adaptation naturelle
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au Bo. Pour eux la saison favorable au Bo, à la quête du Bo commence avec les premières
pluies et s’achève aux festivités et surtout aux célébrations de mariage où chaque Peuhl est
appelé à exhiber ce dont il est capable en matière de Bo. Il est capable d’échanger son
tronc contre celui d’un arbre à l’occasion du rite des chicotes, à un moment précis de la
journée, à l’insu de personne au risque de perdre à jamais la vie.
Il est aussi capable d’affaiblir la force des animaux sauvages, féroces. Il est capable aussi
de se transformer en poussière, en feuille ou en tortue ou autre chose dès qu’il éprouve la
situation comme dangereuse : cas d’attaque d’un fauve, cas d’accident appelés par le
Bariba ‫״‬dibi‫״‬, domaine où il est vraiment fort. Lors d’un déplacement, il peut réduire la
distance du voyage ou se transformer en oiseau de proie ou en bête sauvage pour attendre
la nuit ou atteindre plus rapidement sa destination. Il est parfois un grand sorcier.
Insensible aux coups de couteaux, de coupe-coupe, de sagaie, en un mot à tout ce qui est en
acier ou en fer. En cas de maladie il est impossible de lui faire une injection avec une
seringue. Certains Peuhls acquièrent des pouvoirs occultes de façon si naturelle que nous
sommes incapables d’énumérer les différentes sortes de Bo dont ils disposent. Il n’est pas
facile de leur porter atteinte car les Peuhls sont si méfiants et si réservés qu’ils ne livrent
jamais leurs recettes en occultisme même à leurs proches de peur d’essuyer une honte ou
de se faire tuer en retour par mégarde. Habitués à la vie sauvage, vivant en parfait
hylozoïsme, ils sont en contact permanent avec les génies de la brousse et sont en
conséquence très respectés pour cela par ceux qui sont obligés de vivre en leur compagnie.

b) Les Pila-Pila de Jugu


Premiers occupants du sol de Jugu, ils ont été par la suite secondés par les Dendi. Pour la
plupart animistes, ils demeurent gardiens des mystères des plantes, des racines, des
feuilles, des génies des savanes, des animaux, ce qui leur donne une renommée dans la
région. Ils guérissent des douleurs simples comme la fracture et des maladies graves
comme la névrose. Héréditairement ils sont devins. Même adolescents, ils sont capables de

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narrer votre passé, votre avenir pourvu que vous soyez sur leur chemin ; ils vous racontent
les faits passés de votre milieu, leurs causes et même les décès de votre famille. On les

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appelle les ‫״‬taxi kpè‫( ״‬des hommes à quatre yeux). La divination fonde leur renommée et la

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crainte qu’ils inspirent. Ce pouvoir dont ils sont dotés leur permet d’échapper à beaucoup
de dangers. Sorciers sans pareils, ils protègent les leurs contre toute sorcellerie et
dénoncent en leur sein les malfaiteurs et délivrent les leurs des accidents, des envoûtements

TH
provenant d’autres sorciers extérieurs à leurs groupes. Ils peuvent nuire à distance à leurs
ennemis par des cakatu, des maux au cours des fêtes de l’igname au moment de la
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démonstration des puissances individuelles en Bo. Après avoir attiré dans leurs pièges les
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animaux sauvages, ils pouvaient les tuer à coups de lance ou les conduire en captivité pour
les domestiquer à leur guise par de simples incantations. Redoutables lutteurs, ils sont
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capables d’anéantir leurs adversaires d’un coup à la joue avec une bague spéciale au doigt
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dont la propriété est d’annihiler la résistance adverse. Experts tradi-praticiens, ils


maîtrisent bien les secrets de la flore et de la faune pour venir à bout de toutes sortes de
maladies que la médecine moderne n’arrive pas à diagnostiquer. Sur ce point ils
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ressemblent aux Baribas.


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c) Les Baribas
C’est au cours de la fête de Gani qu’ils arrivent à faire ostentation de leur puissance en
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Bo, de leur capacité de vaincre la nature, les animaux sauvages ; leur aptitude mystique.
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Grands guerriers et grands chasseurs à la lance, à la flèche et à cheval, ils sont invulnérables
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aux balles de fusils, aux coups de fer et disparaissent en cas de danger. Devant leurs
adversaires ils sont sujets à toutes sortes de métamorphoses. Pour nuire à leurs ennemis ils
sont capables de leur transmettre des maladies indécelables ou de les éliminer de mille
manières s’ils les considèrent comme des éléments gênants, pervers.

d) Les Ditammaribe
A la naissance de l’enfant on fixe son âme à quelque chose, en général à une motte de terre
surmontée d’un pieu. Cette action appelée ‫״‬mèfimè‫ ״‬en leur langue, permet à tout
Ditammari de loger son âme dans ce qui le symbolise avant et après sa mort. Cette motte
de terre constitue le vodun de l’enfant, son ange gardien. Ainsi pour le défendre ou le
protéger le ditammari fait le ‫״‬mèbookomè‫ ״‬en sollicitant la défense de son vodun. S’il
devient victime d’une brimade ou d’une injustice, il se déclare faible devant la motte de
terre qui à ses yeux incarne force et puissance qui lui manquent afin qu’elle le venge
auprès de son ennemi, de son agresseur. Avant d’atteindre l’âme du ditammari il faut
d’abord atteindre son symbole, son sosie.
Au devant de cette motte individuelle il y a une grande jarre familiale remplie de
diverses plantes qui ont pour vertus de protéger la famille contre toute adversité. Pour se
confectionner un Bo de protection, le ditammari offre un coq noir ou un cabri noir à son
symbole vodun et pour se venger ou réclamer la paix, un animal de couleur blanche ou rouge.
Voici en effet le symbolisme des couleurs ditammari : noir, protection ; blanc, paix, rouge,
vengeance.

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Pour se mettre dans les mains de son vodun, le ditammari se munit d’une calebasse

U
d’eau, de la graisse d’un animal blanc (cabri en général). Après satisfaction il lui offre du sang

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rouge. Pour avoir un ditammari par envoûtement il faut passer par ses parents, surtout par son
père. En effet selon nos enquêtés, ‫״‬l’âme du ditammari que vous envisagez d’atteindre par

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l’effet immédiat ou lent du Bo est ailleurs et seuls ses parents connaissent l’endroit où elle gît
et peuvent l’atteindre réellement, efficacement‫״‬. En dehors de ces types de Bo, il y en a qui
O
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ont été favorisés par le brassage culturel qui rapproche dans une certaine mesure les
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Ditammaribe des Batombu.


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Les Ditammaribe sont d’intrépides chasseurs de l’Atacora qui se servent de leurs


grelots qu’ils agitent pour tuer les animaux sauvages qu’ils flèchent parfois. Invulnérables à
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toutes armes, ce qui les intéresse, ce ne sont pas une belle maison, de beaux habits, une
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multitude de billets de banque, mais le safari ou le tim qui leur permet de vaincre leurs
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ennemis réels ou fictifs. Ils vivent au jour le jour et chaque jour apporte son bonheur, sa
chance. Dès leur enfance des rites d’initiation les moulent pour leur famille, pour leur société
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en renforçant leur courage qui les rapproche des Batombu.


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e) Le Baatonu
Brave et courageux, le Baatonu n’a pas le droit de paniquer devant une situation
quelconque. Il déteste la honte et met son honneur au-dessus de tout. Il respecte son aîné, il
préfère la mort au déshonneur et cherche en tout à sauver sa dignité. Pour lui, le Bo cesse
d’être nécessaire pour devenir indispensable car il lui donne la maîtrise des éléments naturels,
de la société et de lui-même. Il se renforce par différents tims. Pour sa défense, il utilise le
‫״‬bisikamaru tim‫ ״‬ou le flijè fon, le retour à l’envoyeur. Pour éviter un danger de mort, il a
recours au ‫״‬binho tim‫ ״‬que le fon appelle ‫״‬fifobo ou zindo‫״‬. Il peut voir les autres sans être vu
en utilisant le ‫״‬birbo wuho tim‫ ״‬et quand il veut se métamorphoser, il emploie le ‫״‬cosi cosi
tim‫ ״‬qui peut le transformer en termitière, motte de terre ou en un animal ou en un arbre. Pour
accroitre sa chance ou se faire aimer d’une femme, il utilise le ‫״‬yoromani‫ ״‬et pour envouter
quelqu’un le ‫״‬bogun‫״‬. Avec une bague dénommée A6 au doigt, il peut terrasser son adversaire
au combat. En effet pour le baatonu il en va comme pour le bariba : ‫״‬pour le Bariba le
déshonneur est pire que la mort, pour lui une mort courageuse est de loin meilleure qu’une vie
ignomineuse. Sa devise est consignée dans cette expression lapidaire : ‫״‬plutôt la mort que la
honte‫״‬. Léon Bani Bio Bigou in Découverte du peuple baatonu.

f) Le Dendi
Trop influencé par le Coran, pour se défendre et se protéger il a recours aux ‫״‬versets

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coraniques‫״‬. En cas d’attaque ses prières sont sans recours. Par le Yaasi qui dure sept nuits et

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sept jours, il lance des imprécations contre ses ennemis. Il se fonde sur le Coran pour

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confectionner des talismans. Cependant il peut investir sa dernière pièce de monnaie pour se

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procurer un tim afin de pouvoir échapper aux sortilèges de ses ennemis. Avec sa bague A6 le
Dendi assène un coup meurtrier à son adversaire si ce dernier ne dispose pas du A6. Il arrose
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ses tim de sang d’animaux, sauf du sang de cochon ou de chien qui annihilent les effets des
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talismans issus du Coran. Son poignard est toujours envoûté. Il livre à son enfant dès le bas
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âge les tim de défense. Pour améliorer ses récoltes le tim supplée aux insuffisances
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climatiques comme la plupart des ethnies agricultrices. S’il en est ainsi des gens du nord,
qu’en sera-t-il de ceux du Sud ? Pour le savoir nous envisagerons le cas des Yoruba et celui
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des Fon.
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g) Les Yoruba
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Ils sillonnent tout le sud et l’ouest du Bénin. Pour eux, l’idée d’avoir des ennemis
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virtuels mécontents ou jaloux de vos réalisations leur inspire l’ardent désir de se faire
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puissants pour augmenter leur immunité, leur invulnérabilité. Prudent, il use du Bo pour nouer
des relations avec les génies. Chasseur infatigable, le Yoruba est réputé en Bo, initié par les
génies mêmes de la forêt à la vertu des plantes et des feuilles, il a communiqué ce pouvoir à
sa descendance. Le Bo qui l’aide à fuir les dangers de la brousse est sa pratique courante.
Pour intégrer un chasseur mort dans le monde des invisibles, les chasseurs survivants
organisent des cérémonies au cours desquelles ils font beaucoup de démonstrations magiques
à base de Bo. Certains en agitant leur gilet de chasse font descendre des serpents, des
scorpions ; d’autres crachent du feu, des tessons de bouteille, des aiguilles. Le jeune Yoruba
allant à l’école s’habitue déjà au "Isoye" dont les vedettes se servent aussi pour accéder à la
gloire tout comme les danseurs de masques (gelede) pour développer leur mémoire.
Les Yoruba commerçants emploient du "awura" pour se faire de la clientèle. Malgré
leur adhésion aux religions nouvelles, les Yoruba ne peuvent pas laisser le Bo. Un climat de
méfiance et de peur circule à cause de la pratique du Bo généralisée. Le sang chaud des jeunes
qui viennent du Nigéria les pousse à miner leurs concubines, par simple jalousie, en ayant
recours au "Mongu". Les femmes les plus âgées ne tolérant pas la polygamie emploient pour
le mari le "Gbotemi" (écoute-moi) et sois à moi "seule". La plupart des Yoruba de Porto-Novo
ont l’argent pour Dieu. Cette passion ou cette dévotion les pousse souvent à se munir du Bo
appelé "Zwicudi" qui comporte parfois des éléments importants du corps humain, en général
la tête ou parfois tout le corps d’un enfant. Ce Bo étant source de richesse enrichit

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énormément celui qui le fait.

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A Kétou l’initiation au Bo fait partie de l’éducation de l’enfant. En ce milieu on ne

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doit pas manquer d’égards à une personne plus âgée surtout à un vieillard sous peine de

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contracter immédiatement la lèpre, la goutte, l’épilepsie, la variole ou la folie car le respect de
l’honneur et de la dignité du vieillard est vivement garanti par le Bo. Celui qui au cours d’une
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bagarre meurt sous l’action d’un Bo fait honte à toute sa famille. Lorsque deux amants
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concourent autour de la même fille, ils se jettent des défis, se lancent des reptiles et se jaugent
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de mille manières occultes.


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Le Yoruba surtout de Kétou éprouve sa volonté de puissance avec une facilité inouïe
en prononçant des incantations qui peuvent défeuiller un arbre en un seul jour.
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h) Les Fon
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Les Fon d’Abomey étaient des guerriers dont l’ambition du pouvoir politique les
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amenait à annexer des territoires étrangers par la guerre. La préparation de la guerre pour eux
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se fait par le Bo. C’est effectivement à propos de la guerre que les Fon ont acquis l a plus
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grande partie de leur science en Bo. Abomey, lui-même est le carrefour de mœurs, d’ethnies
et de coutumes où il est difficile de découvrir l’authenticité fon. Les informateurs en pagne se
plaisent à raconter que le berceau de la culture fon n’est pas à Abomey même mais ailleurs.
C’est pourquoi la pratique du Bo à Abomey sera surtout concentrée sur la recherche des
stratagèmes en guerre. Les autres formes de Bo ne sont pas aussi courantes et aussi
importantes que les Bo de la guerre entre ethnies, entre régions et entre royaumes. Dans la
guerre contre les Mahi de Houndjroto, Paul Hazoumè raconte comment, dans Doguicimi, les
Dahoméens ont symbolisé les quatre régents de Houndjroto par quatre poupées envoûtées
auxquelles ils ont donné leurs noms.
"Auprès de ces statuettes couchées sur des nattes et enveloppées de pagnes tels
de nouveaux bébés, les femmes du peuple qui avaient accouché la veille au
départ du roi remplissaient leur rôle de mère".
Ces poupées d’envoûtement sont appelées en fon "Bocio" et les femmes en couches
sont chargées de les allaiter. Pendant qu’elles les allaitaient, les quatre régents dormaient
comme des bébés et étaient incapables d’organiser la résistance, ce qui a permis à l’armée
aboméenne de vaincre sans périls. En effet le rôle du Bo dans ce cas précis de la guerre
consiste à dominer le psychisme des Mahinous, qui comme tombés dans l’enfance sont
incapables de volonté et de s’organiser en conséquence. A plusieurs reprises Agoli-Agbo et
ses guerriers aboméens ont attaqué les hommes d’Agonlin qui avaient à leur tête le plus
puissant roi Zèhè célèbre en bo qui a su résister à maintes reprises aux attaques des

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Aboméens. Agonlin et Abomey sont très réputés en Bo dans la province du Zou. Le

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Agonlinu, l’homme d’Agonlin n’entend pas se départir du Bo qui demeure le signe épatant de

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la virilité. Nous revenons plus loin l’importance du Bo chez les Agonlinu, l’impact du Bo

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dans leur vie.
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i) Les Adja
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En milieu adja, la femme et le terrain sont les deux causes de recours au Bo. Avec le
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couteau ou la force physique l’adja peut trancher tous ses problèmes et il ne peut pas
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supporter l’affront de lui arracher sa femme ou son terrain. Pour ne pas avoir recours au
couteau ou à des épreuves de force, il préfère régler en catimini ses problèmes sociaux par
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l’usage exclusif et discret du Bo. Ses Bo préférés sont le So, le cakatu, le agba, le mlen, le
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sukubo, le kpobla qui rend lépreux, le Sakpatabo qui rend varioleux car pour le faire il suffit
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seulement d’appeler le nom de la victime devant le vodun Sakpata, le agabo qui conduit droit
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à la prostitution sexuelle, le Wangbe qui rend méprisable, le Sugbo qui empêche la délivrance
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d’une grossesse litigieuse dont l’antidote est le Konwe, le Honsusu qui empêche la femme de
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découcher en cas d’absence de son mari ou le Sona qui est un prototype de Ylo pour avoir de
quelqu’un contre son gré tout ce que l’on désire. Dans la typologie du Bo d’ailleurs nous
avons beaucoup fait référence aux ajabos.

j) Les Holli
A l’entrée du village holli, à quelques kilomètres de Pobè dans la province de l’Ouémé
un crâne d’animal est suspendu à un bois transversal suspendu ou soutenu par deux piquets,
qui sert de bouclier, mieux de rempart protecteur à tous les villageois contre tout malfaiteur
ou tout sorcier qui se risquerait là. Ce crâne a en effet pour fonction de barrer la voie à tout
contrevenant mal-intentionné qui franchirait ce seuil. A lui tout seul ce crâne constitue le Bo
de toute la collectivité (Tobo), dont l’aspect menaçant rassure le Holli. Il inspire quelque
chose d’indéfinissable, une impression purement subjective mais ressentie de façon objective
par tous les Etrangers qui tentent de franchir cette barrière osseuse gardée mystérieusement
par des forces invisibles. Tout sorcier qui arriverait à ce niveau serait miraculeusement
foudroyé. Celui qui arrive à franchir ce seuil est reconnu innocent ou de bonne foi. Ce "Tobo"
au seuil du village a un pouvoir dissuasif pour le sorcier qui s’approcherait du village dans un
rayon de dix kilomètres. Si ce dernier insistait ou s’entêtait à passer, le Tobo dissuasif
deviendrait une arme offensive. Tous les voisins des Holli sont convaincus de l’efficacité de
ce "Tobo" et sont saisis de frayeur à la seule évocation du nom de Holli. Nul d’ailleurs n’ose

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s’affronter à un Holli même par amusement car les Holli ont pour réputation d’éliminer

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physiquement leurs adversaires par des forces, des moyens occultes. Leurs voisins de Pobè

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sont extrêmêment prudents quand ils les rencontrent sur leur chemin. Même invités à une fête

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ou à une cérémonie religieuse chez eux, leurs voisins de Pobè s’entourent de vigilance et de
circonspection et ce qu’ils redoutent le plus c’est d’être victimes d’un empoisonnement même
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sans contact physique. Il n’en demeure pas moins que tout Holli constitue un danger
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permanent car il est versé en compétence et savoir faire de l’occultisme que l’on a tendance à
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surévaluer, à surestimer. La crainte séculaire du Holli vient du fait qu’il est resté à l’état
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primitif, à l’état de nature, coupé de tout contact extérieur.


Les communautés restées en contact brutal avec le phénomène colonial et
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consécutivement au traumatisme culturel engendré par ce contact vont connaître un


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repliement sur la pratique du Bo. Cette perte d’identité culturelle se localise aussi dans la
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province de l’Atlantique et celle du Mono soumise à l’influence côtière, lieu de rencontres


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commerciales et même religieuses. Le syncrétisme qui en résulte va nuire à la pureté


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originelle du Bo. Sous l’influence de l’école et de la culture occidentale, on finira par adapter
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aux nouvelles mentalités et aux nouvelles normes les techniques ancestrales occultistes. De
cette façon les régions reculées protégées par un environnement écologique pratiquement
inaccessible par le colonisateur et ses émules vont préserver à l’abri de toutes influences
extérieures les secrets les plus redoutables de la science du Bo. Le village Holli fait partie de
ces régions où l’intégration du Bo est extrêmêment poussée et consolidée par la réputation
entretenue par ceux-là qui semblent avoir perdu les secrets ancestraux et dorénavant craignent
ceux qui sont restés à l’état originel et originaire et qui ont conservé ce patrimoine culturel
périssable et fragile en raison de la défaillance mémorielle de l’homme et de l’absence de
l’écriture susceptible de pallier au risque de destruction du temps et des éléments de ce
patrimoine. La suprématie holli dans le Bo fait l’unanimité de tous ceux qui appartiennent aux
régions environnantes. Cette réputation est due à la possibilité des peuples provenant de ces
régions de conserver dans toute sa pureté et dans toute son originalité la "tradition sacrée",
telle qu’elle a été transmise par l’ancêtre.
Ainsi les tentatives et essais d’adaptation du Bo à travers les syncrétismes techniques
et religieux qui s’expriment par des alliances empruntées à des cultures diverses et opposées
en essence alliée à la perception intuitive des secrets de la nature grâce au rythme e à la danse
rituels spécifiques au Noir et grâce à la sortie des masques (Glelede et egun) ne sont que des
galvaudages de la tradition. Faut-il entendre par là que l’immobilisme en matière de Bo est de
mise ? Certes les vérités et les préceptes ancestraux sont immuables, les techniques et les

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cultes du Bo sont vénérés par tous les membres de la société hollie, ce qui constitue une

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garantie d’efficacité et de compétence. Mais lorsqu’un individu en possession de quelques

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recettes émigre en ville dans le but de faire un usage lucratif de son savoir en exerçant le

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métier de Boto (faiseur de grigris), il est en dernière analyse abusé par ses propres illusions
car il se place sous l’influence culturelle de la ville qui à plus ou moins longue échéance
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dénature le peu de son savoir et le coupe de toute authenticité, ce qui le conduit à fabriquer
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des Bo frelatés ou trafiqués.


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On en vient à constater malheureusement et douloureusement que dans nos villes de


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Cotonou et de Porto-Novo, prolifèrent des Boto aussi inefficaces que cupides qui prétendent
se rattacher à une tradition antique et qui en dernier ressort ne sont que des images déformées
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des véritables détenteurs du "savoir -bo" perdus aux confins d’une région très reculée souvent
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inaccessible ou d’accès dangereux. Voilà pourquoi certains sont prêts à effectuer de longs
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voyages les plus risqués en brousse, pour dénicher de véritables initiés qui sont des espèces en
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voie de disparition en ville. La société hollie recèle ces initiés qui constituent les piliers de la
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puissance du Bo. Il est impossible d’appartenir à l’ethnie holli sans avoir une connaissance
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plus ou moins vague du Bo. Chaque holli est initié à un certain degré et peut à tout moment
faire un usage pratique de ses connaissances quels que soient son niveau et son rang. C’est
cette capacité d’être opérationnel dès le jeune âge qui atteste la suprématie du holli en matière
de Bo.
L’expérience du temps vient accroître cette capacité et cette efficience qui augment
avec l’âge en forçant la crainte et le respect de l’entourage. Il n’y a donc pas d’ignorant dans
ce domaine car c’est à travers cette connaissance qu’on est holli. Sans elle, on n’appartient pas
à la société hollie, on en est exclu quelle que soit la filiation qui nous lie à ce groupe. Elle
constitue la carte d’identité qui vous confère en quelque sorte la nationalité hollie qui légitime
et atteste votre appartenance au groupe holli. Être capable de se défendre contre un ennemi,
nuire à quelqu’un à son insu, avoir l’intuition qu’on vous tend un piège, une embuscade
meurtrière, ne pas succomber à une morsure de serpent, se rendre invisible à un adversaire
plus fort que soi, voilà les traits caractéristiques du holli.
Le holli vit en étroite harmonie avec la nature qui l’environne, même si parfois cette
nature lui devient hostile et précaire dans sa régularité. Il lui est indispensable de vivre en
harmonie avec les forces de la nature, de les vénérer, de percevoir à travers elles des
manifestations visibles de nos ancêtres disparus qui de temps en temps délivrent aux
survivants des messages de salut.
La puissance du Bo holli se fonde sur une mystique panthéique qui tire sa source

E
idéologique d’une vie et d’une pratique quotidiennes qui se traduisent par une harmonie

U
constante entre l’homme et la nature hospitalière. Nier cette harmonie c’est chercher à priver

EQ
le holli de la possibilité de recharger ses batteries en dynamisant sa capacité occultiste

TH
intrinsèque.
A chaque rite de passage, l’importance de la nature est soulignée aux confins de la
O
brousse qui symbolise le réceptacle du fœtus où se déroulent la croissance et la naissance du
LI

nouveau-né représenté par l’initié qui à son retour portera les marques à travers les
IB

scarifications spécifiques au peuple holli. Nul ne peut assister à ces rites sans risquer sa vie
-B

car ces rites d’initiation gardent un caractère très secret. C’est au cours de cette phase que le
jeune holli fait l’apprentissage du Bo qui le fera redouter dans toute la région et même au-
IA

delà. On lui enseigne les techniques occultes susceptibles de le tirer d’affaire en annihilant
R

toute force occulte extérieure à son milieu. Il ne doit jamais en révéler les secrets pour ne pas
ES

perdre sa vie. Tout holli initié est reconnu par ses cicatrices faciales qu’il porte avec
D

ostentation et qui le font craindre dans son entourage. Assuré de la crainte qu’il inspire, il peut
O

commettre des actes répréhensibles tout en espérant être impuni. Ce n’est que lorsque toute la
C

société hollie est victime d’un acte qui vient troubler sa quiétude que tout le groupe holli va se
liguer contre le contrevenant pour le supprimer physiquement, ce qui est le signe évident de
leur solidarité. En effet la communauté ressent un affront fait à l’un de ses membres comme
un acte touchant et entachant tout le groupe entier. Cette solidarité de groupe est réellement
redoutée quand on sait que ceux qui la pratiquent ont la parfaite maîtrise du bo et qu’ils
réagissent spontanément comme un seul homme à toute agression, même si elle n’est pas
dirigée contre eux personnellement.
Mais tout n’est pas si harmonieux au sein du groupe holli car il peut arriver que le
contrevenant soit lui-même un holli. La société hollie lui manifestera alors sa réprobation à
travers des sévices culturels extrêmêment dangereux. Celle-ci se retrouve dans les régions
environnantes mais elle garde son originalité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Dans
Pobè et sa banlieue les membres de la société secrète "Oro" ne sortent que la nuit pour régler
à l’insu des femmes et des enfants leurs conflits internes. Mais chez les holli pour mettre en
valeur le caractère véritablement social du "Oro" dans sa fonction de régler les conflits et les
crises sociaux, les membres du "Oro" sortent en plein jour en semant la panique et la terreur
dans tout le village. Les femmes et les enfants sont condamnés à ne pas sortir de chez eux
sous peine de perdre leur vie. Au cours de cette sortie culturelle très organisée sont prises les
décisions sociales et politiques pour la direction des affaires hollies. Les contrevenants à
l’éthique hollie sont cruellement châtiés coram populi : coups de fouets en flagellations

E
sévères, humiliations et sévices physiques aident le déviant coupable à expier ses fautes et à

U
réintégrer le groupe. Tout individu jugé inapte à cette réintégration par sa mauvaise volonté

EQ
ou son entêtement est systématiquement banni. La crainte superstitieuse qui vient renforcer la

TH
puissance du "Oro" alimente l’efficacité de la pratique du Bo. A l’occasion de la sortie du
"Oro" en effet, on recense tous les ennemis de la société hollie et on arrête une stratégie pour
O
les éliminer. Il arrive parfois que le groupe "Oro" s’attaque ouvertement à tout voisin qui
LI

cherche à se montrer indépendant vis-à-vis d’eux. C’est dans cette circonstance que
IB

s’extériorisent toutes les pulsions belliqueuses hollies et cet état de guerre n’est que de courte
-B

durée et il permet à chacun de réaffirmer son appartenance au groupe et de consolider sa


puissance ou sa perfection en Bo.
IA

Et pourtant le holli n’est pas si primitif qu’on le croit. Il a une morale, une éthique
R

faites de principes séculaires qui rendent compte de sa fidélité à la tradition qui jusqu’ici a pu
ES

conserver intacte sa pureté originelle. L’exode rural ne constitue-t-il pas une entrave sérieuse
D

à la conservation de l’authenticité du Bo holli ? De gré ou de force la société hollie doit se


O

mettre au rythme désordonné d’une modernité qui risque de tuer cet art, cette faculté de rester
C

en symbiose avec la nature et ses arcanes et qui fondent la puissance et l’efficacité du Bo.
Les perspectives d’avenir du Bo peuvent-elles se traduire en termes de changements
dans la continuité ? L’adaptation des pratiques ancestrales au monde moderne et à l’homme
évolué risque de donner un coup mortel à la fidélité à une tradition qui se veut immuable. La
compétence et l’efficacité du Bo témoignent assez bien du coup que représente cette fidélité
aux secrets des Anciens qu’on ne doit sous aucun prétexte déformer ni prostituer à une
civilisation technicienne par essence bâtarde à nos modes de vie restés à l’état pur, intégré
totalement au Bo.
L’initiation hollie crée l’homme qui se rend maître en toutes ses possibilités en mettant
en exergue sa force à travers une multitude d’expériences aussi édifiantes que dangereuses.
C’est en surmontant les risques et les dangers qui jalonnent le parcours qui conduit à la
maîtrise parfaite du Bo que le holli acquiert l’austérité spirituelle qui le fait craindre et
redouter de toutes parts, surtout en milieu nagot de Sakété.

k) Les Nago de Sakété


Le peuple nago de Sakété n’a pas rompu avec la mère-patrie en matière de culture
c’est-à-dire qu’il reste soudé à la longue et riche tradition culturelle des Yoruba du Nigéria à
travers leurs coutumes, leurs croyances aux forces occultes, cosmogoniques de toutes sortes.
Le Nago croît fermêment au Bo parce que le Bo crée une confiance en soi-même et donne un

E
sentiment de sécurité car le Bo comporte un pôle positif et un pôle négatif. C’est en ce sens

U
qu’un vieux de Koladé disait que le grand mal de notre temps est le déséquilibre entre les

EQ
forces du mal et celles du bien en les rapportant à la discordance entre possédants et non-

TH
possédants. La pauvreté crée une rivalité fermée ou ouverte entre riches et pauvres entraînant
la haine. La forme de ce grand mal est l’argent. Ce symbole créé par l’homme le rend plus
O
malheureux. Avec l’évolution actuelle l’argent est devenu un symbole universel et joue un
LI

rôle de premier plan dans les échanges et les transactions.


IB

En milieu Yoruba de Sakété, le Bo intervient dans les litiges sur la terre, le cas des
-B

divorces arbitraires et des adultères. Les vrais détenteurs du Bo en milieu Yoruba de Sakété
sont l’association des chasseurs, l’association des forgerons et quelques agriculteurs familiers
IA

à la nature.
R

En plus des prières à Dieu, créateur de l’univers, les hommes s’accrochent aux
ES

charlatans, aux marabouts, aux Voduno pour faire prospérer leurs affaires et pour remédier
D

aux rêves de fortune. Les hauts fonctionnaires, les hauts cadres et les hommes politiques à
O

hautes fonctions dans la hiérarchie sociale sont les grands fréquentateurs de ces gens, de ces
C

milieux de grigris, ils ne marchandent pas leurs prix surtout s’ils en ont déjà fait une fois la
bonne preuve efficace, pour se tirer d’affaire. Partout donc les hommes en compétition, à la
course au pouvoir cherchent à rester sous les ailes vigilantes et protectrices du charlatan, du
devin, du Boto, du marabout, du Voduno pour bénéficier de leur soutien. Aussi le peuple nago
de Sakété en majorité musulman ou catholique ne saurait se démettre de sitôt de cette pratique
traditionnelle sécurisante car le grigri demeure malgré l’évolution, une force inébranlable à
laquelle bon nombre de gens croient, et cette croyance est fortement ancrée dans la tradition
nago de Sakété.
Le Bo Yoruba appelé "Ogun ou Ebo" est un creuset dynamisant les Bo étrangers, les
intégrant et les synthétisant. La magie arabe est fondue dans les réalités socio-culturelles
yoruba. Le Yoruba moderne a recours au Bo comme le Nago, en tant que pratique de la
tradition, parce que la foi en Dieu, en un Dieu unique paraît aujourd’hui insuffisante. Que
peut-on attendre du Bo yoruba ? Deux perspectives s’ouvrent. Les traditionalistes veulent son
maintien sous ses formes habituelles parce qu’ils opinent que seule cette pratique peut
maintenir la société en équilibre. La vie sociale n’est-elle pas aussi cosmogonique ? Si cela est
vrai, il faut envisager les adversaires de cette pratique qui y perçoivent les aspects négatifs du
Bo. D’où il faut l’abolir complètement. Il faut que le Yoruba abandonne les forces
cosmogoniques pour voir les choses de face et les affronter de face. Il est vérifié aujourd’hui
par les hommes politiques nago et yoruba que de même qu’il est possible d’arriver au pouvoir

E
par le Bo, de même il est possible d’en être déchu par le même pouvoir du Bo. Est-ce à dire

U
qu’il faut abandonner le Bo ? En tout état de cause, le yoruba comme le nago comme

EQ
d’ailleurs tout africain n’est pas encore prêt à opérer cet abandon total et ce ne sera pas pour

TH
demain non plus.
O
l) Les Agonlinu ou les Fon d’Agonlin
LI

De par sa situation géographique, Agonlin est au carrefour de deux cultures : celle de


IB

l’ancien royaume d’Oyo du Nigéria véhiculée par les populations fuyant les razzias dont
-B

l’activité principale est le commerce et celle des Mahi reconnus comme des alliés de la
première lignée des Fon d’Abomey dans les guerres que le roi d’Abomey livraient à ses
IA

ennemis. Sur le plan culturel rien ne s’invente, rien ne se crée sans recours au passé. C’est
R

pourquoi le recours au passé est très fréquent comme procédé chez les informateurs en pagne.
ES

Sans dédaigner aucun fait de culture, nous dirons que dans cette société d’Agonlin le mot
D

culture désigne les coutumes et les liens qui existent entre ces dernières et le Bo. Le Bo
O

intervient dans cette société en tant que régulateur de la vie sociale. Il a toujours gardé cette
C

fonction.
L’endroit où le roi Ghézo venant de la bataille Oyo mourut des blessures qu’il avait
reçues s’appelle "Awovi do gban me" ; il est situé à quatre cents mètres environ du bureau de
poste en allant à Agonli houébo. On raconte que tout passant qui arrive en ce lieu à minuit est
toujours saisi d’effroi.
Agonlin a joué un rôle important dans les guerres livrées par les rois d’Abomey au
royaume d’Oyo. De toutes ces guerres et de tous ces rois Ghézo est resté le plus célèbre.
Selon les propos d’un Octogénaire il faut faire la différence entre la guerre au sens moderne et
la guerre au sens traditionnel "ahuan" qui fait appel à tous les moyens devant mener
nécessairement à la victoire. C’est la guerre régie par les forces occultes. C’est là dans la
guerre, l’origine du Bo malfaisant, du "Bodida". En effet à Agonlin les incantations ont un
effet immédiat selon les dires de l’octogénaire.
Pour les rois venus d’Abomey, Agonlin constituait le seul endroit où l’on pouvait
camoufler son armée ou dresser des pièges à l’ennemi. C’était une grande forêt et de ce fait il
constituait dans la région la base militaire la plus fortifiée et la plus sûre. Donc avant la guerre
on minait tout, même les arbres, les issues possibles de l’ennemi ou bien on conjurait le
mauvais sort par des incantations que l’ennemi est susceptible de proférer aux guerriers par
toutes sortes de procédés. Les souvenirs de ces procédés font de cette région la plus
redoutable de la province du Zou dans la pratique du Bo. C’est aussi d’ailleurs pourquoi dans

E
la zone il se passe des phénomènes qu’on n’arrive jamais à expliquer. Lorsque l’on remonte à

U
l’origine même du nom qui est illustrant à plus d’un titre, "Zanku" qui veut dire le roi est

EQ
mort, qui est devenu "Zangnanado" (le roi est mort, événement sans précédent). La toponymie

TH
des quartiers ou de ces lieux sacrés remplis de vieux souvenirs historico-culturels : "Asioji",
lieu où l’on hissait l’emblème royal, le quartier de résidence ; "DAXWE", maison du roi
O
fortement protégée ; "AHUANKPOTE", lieu où on faisait le point des troupes avant ou après
LI

les combats ; "KEGO", lieu où l’on soignait les blessés, aujourd’hui réputé dans la guérison
IB

rapide des fractures et blessures de tous genres ; "DOGA" , résidence sinistre des Bokodaxo,
-B

les vrais grand maîtres du Fa, siège aussi de trois grandes sociétés secrètes.
1. Les "BOKODAXO" : généralement peu nombreux. Ils sont au sommet de la hiérarchie
IA

dans la pratique du Bo surtout en "Bodida". Leur intervention dans la vie sociale ne se fait
R

jamais de façon inaperçue. Ils sanctionnent durement ceux qui pratiquent le Bo


ES

anarchiquement, à savoir les "Awono", les bokono, les charlatans. Dans le domaine du Bo ils
D

forment l’instance suprême.


O

2. Les "ASANYIBOKONO" : Ils assurent la jonction entre les vivants et les morts. Les morts
C

leur font appel parfois lorsqu’ils sont en quête des ingrédients d’un défunt pour confectionner
un Bo spécial. La nuit ils sont très redoutés.
3. Les "AZONYANTO" : réputés dans les cérémonies expiatoires et purificatoires et
préventives des épidémies sur le plan régional .
Entre ces trois sociétés secrètes que nous venons d’énumérer circule une solidarité
agissante. A leur niveau et au niveau des autres groupes sociaux le Bo intervient de façon plus
dynamique dans la vie sociale en général. Sur le plan de l’agriculture et de la chasse par
exemple, le Bo intervient régulièrement pour accroître le rendement ou pour avoir sans
difficulté du gibier. A défaut de consensus au niveau de toutes les sociétés secrètes, au niveau
des "BOKODAXO" on s’entend pour éliminer celui dont la puissance surpasserait celle des
BOKODAKO si ce dernier ne se communiquait pas à temps à l’Association. La chasse est le
lieu de démonstration et de prédilection des essais de Bo. Pour éviter les déconvenues on
prépare les yeux du chasseur pour lui permettre de distinguer les vrais animaux dans la foule
des êtres qu’il rencontre la nuit. L’animal-tabou est le buffle ; tout chasseur qui l’abat est
classé supérieur aux autres chasseurs.
Nous pouvons dire que l’intégration du Bo dans la société d’Agonlin permet de situer
l’individu selon un ordre hiérarchique rigoureux qu’il s’agisse de connaissances occultes ou
d’activités professionnelles. Cette intégration traduit le degré d’adhésion de l’individu au
monde invisible. Ce qui effraie en cette société est le respect du domaine d’intervention des
sociétés secrètes. Le "AZONYANTO" n’a pas le droit de guérir ou de conjurer les mauvais
sorts jetés par le BOKODAXO sans le consulter ou sans demander son indulgence sous peine
de sévices graves à la place de la victime réelle.
L’aspect moderne de l’intégration du Bo dans les sociétés modernes est dû à l’esprit

E
compétitif des individus. Dans le domaine de l’agriculture le Bo intervient aussi pour se

U
EQ
rendre propriétaire des terres allouées ou prêtées pouvant vendre vite les récoltes.
Dans les villages de Tan et de Dan il n’est pas donné à tout le monde de faire la cour à une

TH
jeune fille qui a déjà dix-ans : on court le risque de mourir. Les villageois sont réputés dans
les Bo qu’on fait aux jeunes filles et aux femmes mariées pour éviter les histoires, les conflits
O
causés par les grossesses non-désirées. La fille ou la femme est donc minée et ne peut
LI

s’approcher d’elle que son mari ou son fiancé. Les habitants de Tan sont redoutés pour la
IB

pratique des Bo qui causent des maladies éruptives comme la variole. C’est ainsi qu’en 1984 à
-B

la suite d’un concours organisé par un spectacle de la troupe folklorique d’un autre village qui
était plus experte que la leur pour remporter le prix, quatre acteurs mouraient par jour de la
IA

variole et ceci pendant huit jours. Le trente-troisième fut le menuisier du village qui avait
R

fabriqué les trente-deux autres cercueils. A tan les enfants de cinq s’essaient déjà à la
ES

manipulation du Bo. La peur à cette nouvelle ne nous a pas permis de continuer nos
D

recherches en nous avançant un peu plus en profondeur du village, où la moitié de la


O

population n’a jamais vu de voiture faute de piste praticable : la nature comme l’homme y est
C

hostile.
Par contre à Dan nous avons eu la chance d’assister à une petite démonstration du Bo.
Une petite corde s’accroche nouée au nom de quelqu’un lui est immédiatement maléfique. Sur
une incantation, cette corde s’accroche d’elle - même à un mur sans aucun support, chose qui
dépasse l’entendement humain. Nous avons alors refusé d’en acheter une et de demander son
mode d’emploi pour causer des préjudices à quelqu’un car dans ces petits villages le Bo
s’achète sur des étalages comme des petits pains. C’est d’ailleurs pourquoi celui qui entend le
nom d’Agonlin prend immédiatement peur, il est aussitôt saisi d’effroi.
Situé à cent quarante kilomètres de la côte, Agonlin est une zone intermédiaire entre
les anciens territoires du royaume d’Abomey et ceux d’Abéokouta. Vaste plateau, cette région
abrite comme nous avons déjà signalé des forêts sacrées telles que "KPONZONA" vers Covè,
des forêts reliques telles que "KPEDEKPO", "OUENHI". En ces forêts se faisaient des
révélations divinatoires. Sous la colonisation c’était un arrondissement, l’arrondissement de
Zangnanado, Covè, Ouenhi. On raconte que le dernier roi de Covè Zèhè, pour épargner son
village de la guerre aboméenne, s’est étranglé lui-même avec du chiendent. La pratique du Bo
est officielle et partant très développée à Agonlin et le agonlinu, le ressortissant de ce coin est
le prototype du "bophile" le pratiquant ami du Bo. Pour en avoir une idée plus précise nous
allons essayer d’en faire le portrait pour clore notre étude de la Régionalisation du Bo.

E
m) Conclusion : Portrait du Agonlinu "Bophile"

U
Le type Agonlinu n’aime pas les affrontements directs, physiques. Depuis les razzias

EQ
des rois d’Abomey, l’homme d’Agonlin préfère user de la ruse ou narguer parce qu’il est

TH
confiant en sa capacité de frappe, en sa puissance protectrice contre tel ou tel bo. A tout
instant il se sent capable de se protéger, capable de faire du mal. Ce qui importe pour lui ce ne
O
sont pas tellement les richesses matérielles, mais le nombre d’adversaires désarmés, vaincu
LI

ou abatus ou d’amis sauvés, tirés d’affaires. Ce qui a plus de valeur pour lui, c’est son amour
IB

propre, son humeur, son honneur, son prestige. Ainsi en milieu Agonlin tout individu qui naît
-B

est éduqué, appelé à cette lutte perpétuelle avec les esprits mauvais, les membres méchants du
"AKO" ou du HENNU", de la lignée ou de la famille. Tout bébé est appelé comme en
IA

vendetta corse à continuer cette haine laissée par les parents en héritage contre tel ou tel
R

ennemi. A Covè rien n’est laissé au hasard, même on pourrait soutenir que le hasard n’existe
ES

pas car ce à quoi nous assistons souvent ce sont les jeux de tel ou tel ennemi dans l’ombre, de
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tel ou tel esprit qu’on ne voit pas. Aussi faut-il chaque fois consulter le Fa, manger et souffler
O

en l’air une pincée de poudre préparée ("Atin"), se faire des scarifications, faire des sacrifices
C

("Vosisa") en toutes choses et pour toutes choses, grossesse, accouchement, voyage, simple
sortie, ballade, aller au marché, à un rendez-vous, à un examen ou effectuer une rentrée
scolaire, à la vue d’un objet insolite, à la rencontre d’un animal (chien ou vache), dès le lever,
ou à la rencontre de telle ou telle personne tôt le matin ou tard la nuit, faire tel cauchemar,
rêver le jour, éternuer quatre fois et plus, salutation très cordiale de tel ennemi, voiture qui
fait des ratés, certains oiseaux qui survolent votre maison (perdrix, chauve souris, canard
sauvage), etc. etc. C’est dire que toutes les activités de la vie, des plus banales aux plus
sérieuses, des plus vulgaires aux plus discrètes, des moins importantes aux plus
fondamentales, il n’y a rien sans le Bo et en-dehors du Bo. Tout se règle par le Bo même
l’activité et le sommeil.
Couramment pour une simple blague on vous répondra : "on s’est levé plus tôt que
toi", c’est-à-dire qu’il a déjà mangé ses poudres, fait ses vœux contre les adversités très tôt le
matin avant toi, au moment où tu dormais encore et que ton âme s’était envolée. Il y a aussi
des phrases lapidaires mais énigmatiques comme : "Si tu as plus de sel que moi, j’aurai plus
de piment que toi", ou si tu as plus de journée que moi, j’aurai plus de nuit que toi", ou "Si tu
me jauges dans le but de me tester, tu me déposeras simplement". Ces phrases en effet servent
à mettre en garde celui qui les entend, elles lui notifient de faire attention car moi aussi j’ai
quelque chose, tu ne détiens pas tout le pouvoir. Ce n’est certes pas pour effrayer car ils ont
un quelconque Bo qui peut t’échapper même si tu te crois très avancé en ce domaine. Un

E
adage courant stipule : "on ne fait pas tous les Bo, on en a seulement une partie, ce qui se

U
traduit parfois ainsi : "Tu as fait ton Bo mais pas le mien" : C’est à tous les âges que

EQ
s’entendent des sentences pareilles ou des sciences pareilles se produisent.

TH
A Agonlin il est convenu qu’il n’y a pas de petits. D’ailleurs, ce sont eux qui gardent
les "VATE", sacoches des vieux et connaissent effectivement beaucoup de pratiques de ces
O
vieux. Même au collège on assiste à des situations où deux élèves se rendent infirmes ou se
LI

donnent la mort. Le Bo à Agonlin ne dépend pas de la classe d’âge, ni de la profession, ni de


IB

la conviction, ni de la religion. Les plus faibles sont écrasés et les plus forts font la loi. Avec
-B

l’évolution les quelques rares intellectuels qui ont voulu rester sans Bo ont dû fuir le village à
jamais. Même à l’église on emporte son petit talisman, sa petite bague ou sa ceinture de
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sécurité parce qu’on ne sait jamais.


R

Le petit Agonlin n’entreprend rien sans commencer par le Bo. Et tous les domaines
ES

sont concentrés, si bien qu’il y a un adage qui dit : "Si tu fais plus de grigris qu’un Agonlinu,
D

tu dormirais debout", c’est-à-dire que c’est à Agonlin seul qu’on fait du Bo. Une telle
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mentalité n’est pas propre à la région d’Agonlin mais atteste que la pratique du Bo sous-tend
C

sans aucune discussion une mentalité qu’il faudra bien connaître pour savoir dans quelle
mesure le Bo se transmet de génération en génération pour constituer le patrimoine culturel du
Bénin.
CHAPITRE II
LA MENTALITE BOESQUE
La mentalité "boesque", c’est la mentalité liée au Bo, la mentalité du Bo. Elle varie
d’un individu à un autre, d’une ethnie à une autre, d’une région à une autre et d’une époque à
une autre selon les vicissitudes de l’histoire.

II. 1. AVANT LA COLONISATION


Avant le contact avec l’Occident, les Africains n’avaient aucun complexe à parler du
Bo, à y recourir pour régler telle ou telle situation, disposant volontiers de leurs propres
croyances, de leurs propres pharmacopées et de leurs propres pratiques religieuses.

E
L’ethnocentrisme des premiers missionnaires européens arrivés en Afrique les a poussés à

U
faire tabula rasa de nos cultures pour asseoir les leurs, c’est-à-dire leurs sciences, leurs

EQ
techniques, leurs modes de vie, leurs conceptions des choses, leurs idéologies, leurs

TH
philosophies et leurs religions. Avec ténacité ils se sont acharnés à nous ignorer
culturellement. Il y en avait cependant qui mouraient pour avoir transgressé certaines de nos
O
coutumes, minimisé certains de nos interdits car malgré tout, nos croyances traditionnelles et
LI

nos pratiques traditionnelles continuaient à perdurer en Afrique en général et au Bénin en


IB

particulier, sous le vernis de la conversion aux religions importées, surtout du catholicisme.


-B

Beaucoup de Béninois croient en Jésus-Christ, fils unique de Dieu qui est venu nous sauver de
nos péchés mais pas de nos misères, de nos maladies, de nos femmes. Cette mentalité relève
IA

de leur foi nouvelle et pourtant ils s’accrochent encore à la pratique du Bo. Nous passerons
R

sous silence les Béninois musulmans qui allient sans complexe Islam et pratiques
ES

traditionnelles. Nos informateurs chrétiens soutiennent que le Bo intéresse uniquement


D

l’homme des ténèbres, l’homme qui n’a pas encore rencontré le Blanc, qui ne sait pas qu’il
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existe un Dieu assez puissant pour nous protéger en veillant à tout moment sur nous, enfin
C

celui qui n’a pas encore opté pour la religion monothéiste importée. Bref celui qui croit
encore au Bo c’est celui qui est encore distant de la vérité et de l’enseignement de l’Evangile,
de la region et de l’amour. Ils concluent leur condamnation du Bo en disant que le Bo est
l’œuvre de Satan. Là nous nous apercevons qu’ils n’ont pas vraiment compris que le Bo est
une donnée de notre culture en tant que science et sagesse de la vie et non en tant que religion.
On s’aperçoit qu’ils propagent dans leurs jugements ce qu’ils ont retenu de la prédication des
missionnaires sans s’être jamais interrogés sur la "praxis-Bo". Ils rapportent sans le savoir les
propos du père Liberman dans la France missionnaire dans les cinq parties du monde, Plon,
Paris, 1948 de G. Guyau : "L’aveuglement et l’esprit de Satan sont trop enracinés dans ce
peuple et la malédiction de son père se pose encore sur lui ; il faut qu’il soit racheté par les
douleurs unies à celles de Jésus afin de le laver de la malédiction de Dieu". Les missionnaires
en arrivant en effet chez nous ont trouvé que le fétichisme, la sorcellerie, la magie relevaient
de la mentalité primitive qui aliène l’homme. De ce fait ils ont cherché à tout supprimer chez
nous en nous demandant de renoncer à Satan et à toutes ses œuvres. Ainsi des vieux, des
vieilles et même des jeunes adolescents se sont convertis à leurs religions et ont renoncé à
Satan mais pas à ses œuvres car le Bo que le missionnaire considère comme une œuvre de
Satan anime une croyance vivace encore chez nous au Bénin et partout en Afrique comme une
réalité incontournable et une source féconde et intarissable de solutions à nos problèmes
vitaux. La peur savamment inculpée aux Béninois par la "mission civilisatrice salvifique",

E
entreprise depuis bientôt deux siècles, a laissé des empreintes détergentes dans nos sociétés.

U
Parfois nos interlocuteurs néo-convertis croient qu’on les pendrait s’ils se mettaient à parler

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du Bo en connaisseurs devant nous. Ils craignent ainsi d’être mis au banc de leurs propres

TH
sociétés, pour leur foi nouvelle sans racine, pour leurs paroles et leurs actes, sociétés qui selon
une métaphore, affichent un dessus occidentalisé et cachent un dessous africano-béninois.
O
D’autre part, certains pensent qu’il serait idiot de favoriser eux-mêmes, la
LI

vulgarisation de leurs précieuses connaissances boesques pratiques de peur de livrer à un


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étranger capable à tout moment de devenir leur ennemi, le secret de leur puissance. Il a été
-B

nécessaire pour nous à un certain moment de nos investigations de persuader nos informateurs
en leur faisant prendre conscience des préjugés qui les empêchaient de s’ouvrir sur leur
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pratique du Bo, ce qui nous a coûté un certain investissement humain de temps, de calme, de
R

patience, de tolérance, de clairvoyance et surtout de persévérance. Le Boto, faiseur de grigris,


ES

accepte de faire démonstration de son Bo moyennant gratification, mais il ne livre jamais son
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Bo pour de l’argent car l’argent ne préoccupe pas les gens habitués au troc.
O

La mentalité du Bo est un état de la conscience collective, de la psychologie collective


C

qui tire sa substance de la foi que les individus lui accordent. Cependant ce n’est pas une
croyance individuelle mais sociale qui mérite d’être étudiée à fonds.
L’Afrique est réputée pour les trucs occultistes, les grigris. Un détenteur de grigris
n’est pas une personne marginalisée, mais plutôt un individu intégré dans son milieu en ce
sens que c’est le groupe qui lui donne son titre, sa dignité en le reconnaissant comme
détenteur de tel ou tel Bo. Par des projections psychiques répétées on peut affoler un individu.
Ce phénomène demeure encore inaperçu et obscur pour la plupart des gens car il est difficile
de déterminer avec précision l’ensemble des éléments dont la confluence confère ce pouvoir à
la pensée et à l’action humaine. Une conscientisation progressive s’avère nécessaire pour que
d’un côté les crédules ne se laissent plus manipuler par la classe des BOTO, des bokono, des
charlatans qui désormais devraient mettre leur science toute pratique au service des hommes
pour le meilleur devenir de l’humanité.
La croyance au Bo est relative au milieu social où l’on vit : le paysan a une idée
naturelle, providentielle, le citadin en a une idée autre, agressive, combative, orgueilleuse.
Pour en avoir une vue objective il faut permettre à chacun d’en faire sa propre expérience, sa
propre expérimentation. De nos jours le Bo revêt une importance sociale, capitale, non
seulement pour les hommes politiques qui parlent sans arrêt de revaloriser nos pratiques
occultistes, traditionnelles, médicionnales mais aussi pour les occidentaux qui découvrent que
l’Afrique regorge de réalités, de curiosités sur lesquelles ils s’étaient vraiment trompés. C’est

E
pourquoi nombreux sont les chercheurs qui s’y appliquent aujourd’hui : agronomes,

U
botanistes, médecins, sociologues, anthropologues et même idéologues. D’où vient ce

EQ
changement mentalitaire puisque le Bo n’a jamais changé de nature ni de forme ?

TH
Nous intellectuels béninois, nous comprenons que le discrédit qui était jeté sur nos
pratiques traditionnelles et surtout médicales était d’inspiration politique. La colonisation
O
voulait en effet faire prévaloir sa médecine qui fait partie intégrante de sa culture pour faire
LI

valoir la culture européenne. Les guérisseurs traditionnels étaient traités en sorciers et


IB

pourchassés. Aujourd’hui, la réalité est toute autre. Ceux qui sont restés sur place sont
-B

convaincus que beaucoup viendraient se joindre à eux qui savent déjà que le verbe est une
force, bien que cela ne soit pas démontré scientifiquement pour le moment. On reconnaît
IA

aujourd’hui aussi le danger des poudres noires. Certains chauffeurs bloquent les vitres de leur
R

véhicule quand ils descendent pour éviter de leur y verser de la poudre pour leur faire faire
ES

des accidents.
D

Aujourd’hui en tout cas, le Bo à travers ses différents variantes vaut ce qu’il vaut. Il
O

est évident qu’on ne peut plus l’écarter ni le mettre en marge de la collectivité, de la vie
C

collective. Sceptique ou enthousiaste, on sera tôt ou tard obligé de recourir aux concepts, aux
représentations, aux classifications, aux théories et aux idéologies des guérisseurs, des tradi -
praticiens, des Boto, des faiseurs de grigris comme éléments du contexte idéologique de
l’usage des plantes.
Depuis des siècles le Bo existe ; il n’ya pas de raison de ne pas croire à son efficacité
et portant à sa réalité sociologique. Il n’est pas mauvais ni bon en soi. C’est la finalité que lui
en donne le Boto ou le récipiendaire qui inquiète et qui préoccupe.
II. 2. MENTALITE RITUALISTE DU BO
Le Bo est pour certains étrangers classés dans la catégorie du rite. Il y en a deux
sortes : les rites religieux toujours solennels, publics, réguliers, licites et les rites non-
religieux, profanes, clandestins, prohibés qui sont maléfiques et qui relèvent des
"AZONDATO", des "BOTO", des charlatans. Les rites licites sont associés aux techniques de
la médecine par exemple. Dans les mentalités le Bo est un rite à la fois organisé et privé,
secret et mystérieux. Sous ce dernier aspect le Bo est une force du domaine surnaturel et non
physique.
D’abord individualiste de provenance, d’origine ou d’inspiration, né du désir de se
protéger, de se défendre, le Bo évoluant du niveau de défense au niveau de l’offensive ou de

E
l’agressivité, quitte le champ du rêve rêvé comme nous avions vu plus haut, pour devenir

U
effectivement collectif, social. Il est comme disait Emile Durkheim, un fait social, existant

EQ
dans et par la société.

TH
Les idoles sont considérées par les incultes comme des Bo protecteurs et bienfaiteurs
qu’on vénère. Le béninois converti à l’une des religions importées, révélées, chrétienne ou
O
islamique, porte sur soi quelque chose dont la fonction est de le protéger comme un invisible
LI

ange-gardien, par la force qu’il incarne. Cette croyance de se sentir protégé par quelque chose
IB

n’échappe à aucune couche sociale, à aucun membre de la société béninoise. Cette mentalité
-B

est ferme dans l’esprit du paysan perdu quelque part dans la brousse et dans celui de
l’intellectuel du haut d’une tour de contrôle en ville. Les adeptes du Bo se recrutent dans la
IA

quasi totalité de la population béninoise. Ceux qui échappent à cette mentalité, l’exception qui
R

confirme la règle, dès qu’ils ont un pépin ou quelque chose d’insolite ces prétendus mécréants
ES

deviennent les fans du Bo.


D

D’une manière ou d’une autre la mentalité du bo rappelle celle du charlatanisme ou


O

celle de la sorcellerie. Par ses manifestations le Bo engendre et maintient l’équilibre social


C

grâce au consensus social qu’il recouvre et qu’il alimente. Vu son champ d’extension
jusqu’aux sceptiques le filets de la mentalité du bo ne fait s’ouvrir de plus en plus large,
immense, de manière de se confondre à une mentalité spécifiquement africaine, béninoise. La
superstition est d’ailleurs la fille aînée du bo, elle inspire et anime nos mœurs, nos coutumes.
Aussi est-elle à l’origine des explications mystérieuses et obscures des données naturelles
traduites en données culturelles : les accidents les plus ordinaires. De ces événements, le Noir
cherche à trouver des explications dans le surnaturel, l’influence du Boto ne fera que
s’accroître à monter jusqu’au degré du chamanisme. La mentalité superstitieuse ayant érigé le
Boto en magicien, en devin, en demi-dieu sera à la base de la source de toutes les
exploitations. Il attire à lui les hommes politiques qui voient partout des opposants, des
rivaux, des ennemis réels ou imaginaires, qui se sentent de façon permanente le Boto peut
avoir une influence sur les décideurs politiques et exercer sur eux une super-autorité et les
exploiter, administrativement, économiquement. Au niveau économique le Boto peut
réclamer pour ses offices des traitements exorbitants qui ne feront que crever le budget de
l’Etat, accentuer la crise financière et partant l’instabilité politique, comme on a observé les
derniers jours du PRPB, ou favoriser la valse des coups d’état comme on a vu sous d’autres
cieux. Le Bo est essentiellement intéressé, en ce sens il ne peut être une science, il est mué en
une valeur marchande, en un article de vente. Le Boto devient quelqu’un qui monnaie son
savoir-faire en pouvoir d’achat, en valeur marchande que l’on échange contre une autre

E
valeur, l’argent, les vêtements, les villas, les voitures, les postes, les présents ou les prébendes

U
de tous genres. La mentalité du Bo a émergé du niveau de l’individu au niveau de la société

EQ
politique, économique et financière.

TH
L’artisan qui travaille de ses mains ne se rend pas compte que c’est la puissance de ses
membres qui le fait travailler et que l’œuvre qu’il accomplit est l’œuvre de ses mains. Il
O
attribue cette œuvre à une puissance occulte ou à une divinité tutélaire. Dans certaines
LI

contrées, l’ouvrier qui la veille a connu des rapports sexuels s’abstient de travailler le
IB

lendemain de peur de souiller ses outils, ce qui compromettrait l’œuvre de ses mains : ‫״‬qu’il
-B

travaille n’est pas du à son intelligence, ni à son habileté, mais est appelé à l’être grâce à une
puissance qui lui est extérieure, ce n’est pas seulement la force de ses membres qui se
IA

manifeste dans le mouvement des outils, mais se manifeste en lui une force spécifique, une
R

puissance occulte, surnaturelle. Le forgeron par exemple n’a pas l’impression de déployer une
ES

force pour acquérir son habileté dont il n’est pas le maitre, raison pour laquelle on tient pour
D

sacrés certains métiers, et surtout le métier du fer qui est réservé à la caste des forgerons qui
O

occupe un rang très élevé parce que leur travail permet de réconcilier le ciel et la terre, deux
C

divinités antagonistes mais qui s’entendent dans le travail des champs qui se fait par les outils
fabriqués par le forgeron. Cette mentalité est animiste et dégage dans le monde ambiant deux
influences, deux volontés qui s’affrontent : la volonté de l’homme et celle du milieu. Tous les
êtres mobiles ont une âme, un esprit maléfique qui nous veut du mal ou bien esprit bénéfique
qui nous veut du bien.

II. 3. NECESSITE DU BO
L’Africain en général et le Béninois en particulier vit dans une ambiance de méfiance
et de crainte vis-à-vis de ses semblables. Il doit lutter non seulement contre la nature par son
travail mais encore contre toute attaque de ses ennemis par le Bo. Le Bo apparaît comme un
complément du destin qui permet de réussir précocement sa vie. Chacun a un moment de
réussite dans la vie, et souvent gagné par l’impatience, l’ambition fait qu’on se trouve vers le
Bo, pour vite réussir, réaliser par exemple en deux ans ce qu’on ferait en quatre ans.
Au cours de nos investigations nous avons été amené à demander à nos informateurs
comment ils sont arrivés à la pratique du Bo. Si ce n’est pas par héritage familial qu’ils ont
pratiqué le Bo, c’est souvent parce qu’ils allaient dans leur vie d’échec en échec et sur les
conseils d’un ami ils ont été voir un Bokono, un charlatan qui pour les aider dans leur destin
les a conduits à confectionner des talismans, à manger des poudres et à faire des scarifications
sans oublier chaque fois de prononcer des incantations en cas de difficulté. Dans ces

E
conditions avons-nous encore le droit de nous demander si le Bo est une réalité ou un mythe ?

U
Le Bo s’il est vécu, il est donc réel. Le mythe se vit en effet car qu’est ce que le mythe

EQ
si ce n’est l’effort de domination du sens de la vie. Dès lors se trouve rétabli dans la société ce

TH
que nous ressentons ou entendons au sens sociologique du Bo car un fait social pour être bien
compris doit être intégré dans une configuration générale d’autres faits sociaux sans lesquels
O
il n’a aucune signification. Il est une pratique obscurantiste dont la mentalité est indissociable
LI

de l’ensemble culturel qu’il a traversé le temps et l’espace. Pourquoi cette pratique têtue dans
IB

la société ? La société n’engendre-t-elle pas elle même la mentalité du grigris ?


-B

L’Africain croit que son destin se joue au niveau du charlatan et il croit que s’il
exécute très souvent, il obtient satisfaction. Le Bo devient comme le vodun le moyen de
IA

gouvernement de l’homme par l’homme. Le Boto détient aujourd’hui le pouvoir spirituel


R

d’acquisition du Bo. Le Bo est devenu un moyen d’échange et selon l’importance de ce qui


ES

est demandé, l’acquéreur apporte au détenteur du whisky, du gin, du rhum, de l’argent. On


D

achète parfois certains Bo. En milieu otammari il y a une composition de décoction qui
O

remplit plusieurs fonctions : le dilédùù qui est une sorte de canari ou de jarre d’eau qui
C

contient parfois plus de vingt sortes de mélanges de Bo. Avec cette décoction on se lave pour
jouir des effets magiques ou miraculeux, soit la disparition de l’individu en cas de
catastrophe, soit l’immunité contre la sorcellerie et les mauvais sorts, soit l’acquisition de la
personnalité imposante qui attire la sympathie de tout le monde. Telles sont les multiples
fonctions que remplit le ‫״‬dileduu‫״‬. Le Bo est devenu une sorte d’exploitation féodale car les
détenteurs du Bo sont souvent minoritaires. On ne comprend pas pourquoi la majorité de la
population cherche à investir son argent dans le Bo, en enrichissant les détenteurs du Bo, ce
qui entraîne la paupérisation de la majorité de la population. Le détenteur du Bo n’a pas
besoin de se déplacer avant de satisfaire ses besoins. On vient à lui puisqu’on a toujours
besoin de lui, de son secours. Le Bo pour en savoir la mentalité, il faut se mettre dans le cadre
de l’ensemble culturel béninois. Cette mentalité est secrétée par la société au même titre que
toutes les autres œuvres de culture à savoir l’art, la morale, la littérature, le mythe, la religion,
la philosophie, l’idéologie. Le Bo est devenu une réalité qui se vit, une attitude, un
comportement, une conscience, au niveau de l’individu et de la collectivité. Sa pratique a des
répercussions sociales, morales sur tous les secteurs de la vie. C’est pourquoi on ne peut pas
faire table rase du Bo comme le souhaitent les missionnaires. En faire table rase, c’est le nier,
le détruire et le détruire serait synonyme de faire disparaître le charlatanisme, la sorcellerie
qui sont les éléments constitutifs de notre culture, dans ses profondeurs mêmes, dans ses
aspects mystiques et mythiques, scientifiques et métaphysiques.

E
U
II. 4. FONDEMENT DE LA MENTALITE DU BO

EQ
Pour le Béninois la malchance, l’insuccès, la maladie sont compris et interprétés

TH
comme de mauvais sorts jetés par l’ennemi par l’intermédiaire du Boto ou du sorcier. Dès lors
il croit que tous les événements qui se déroulent au cours de sa vie ne dépendent pas de sa
O
seule volonté et il a alors recours au Boto et au Bokono pour qu’il puisse régir le cours des
LI

événements, les conduire favorablement et se protéger.


IB

S’il arrive à réussir sans beaucoup de peine à faire des réalisations personnelles
-B

comme par exemple occuper un poste important, construire une maison, avoir une voiture ou
une femme, des enfants, il aura encore recours au Boto pour lui demander de le protéger
IA

contre les envieux, les jaloux, en lui confectionnant des ‫״‬Glo‫״‬, des Bo défensifs, des ‫״‬Flin‫״‬,
R

des aide-mémoires, des ‫״‬Flijè‫״‬, des retours à l’envoyeur. Donc l’accident et la maladie seront
ES

considérés comme le résultat d’un sort jeté par une personne malveillante. Le processus de
D

guérison consistera à jouer avec des rapports de force, à opposer un esprit bienveillant à un
O

esprit malveillant grâce à des recettes de Bo. Le résultat hélas est souvent positif car le patient
C

garde sa foi dans les objets et dans les rites dans lesquels il puise protection, thérapie et
guérison. Le Boto se persuade lui-même qu’il possède des esprits pour avoir négocié avec eux
au prix de mille sacrifices. Il a confiance de réussir pourvu qu’il respecte les formules de
préparation, qu’il prononce bien les incantations appropriées et que les interdits soient
scrupuleusement bien observés. Il a confiance dans les objets réceptacles de sa puissance
(bague, talisman, scarifications, ceinture, kola ; ‫״‬so‫״‬, pieu). Mais le choix dépend des
difficultés où le client patauge ou des désirs qui le tiraillent car le Bo est multiple et
multiforme et la manière occulte, clandestine de ses agissements fait qu’il peut construire ou
détruire comme le feu.
II. 5. CONCEPTION MATERIALISTE DU BO
Comme tous les peuples les Béninois pour produire leurs biens matériels se mettent en
communauté, travaillent par groupes ou par associations. Ils affrontent ainsi la nature en
bénéficiant de la force de leur union. Certains disposent à la fois des moyens de travail et de
la force de production ; d’autres n’ont que la force de travail. L’impossibilité de pourvoir tout
seuls à tous les biens matériels conduisant les béninois à échanger entre eux leurs produits.
Ainsi entre eux se créent des liens nécessaires indépendamment de leur volonté comme Marx
le souligne dans les rapports de production. Mais progressivement pour des raisons égoistes
certains vont se donner le droit de produire pour eux-mêmes et surtout le droit de s’approprier
tous les biens produits. Des oppositions dégénérant en conflits ne tardent pas à naitre au sein

E
des membres de ces associations, de ces groupes de travail (AZOGBE). Ces conflits sont dus

U
aux injustices que subissent les faibles physiquement et intellectuellement. Pour éviter la

EQ
marginalité de cette situation humiliante, les faibles, les démunis ont recours au Bo, pour

TH
l’emporter sur l’autre groupe exploiteur, pour parer aux atteintes de la vie sociétaire, pour se
défendre, se protéger et même pour attaquer l’autre groupe.
O
L’homme est contraint de vivre avec ses semblables même si ces derniers sont
LI

méchants. Il est en permanente inquiétude au milieu d’eux et il se pose sans cesse la question
IB

de savoir comment vivre parmi eux, à quoi se fier pour avoir la paix avec eux. Pour la
-B

majorité des Béninois par d’autres recours que le Bo.


Le Béninois est méchant naturellement comme le chantent les hymnes populaires.
IA

C’est pour cette raison qu’il garde une vision pessimiste des choses et qu’il pense que
R

l’homme est mauvais (‫״‬Gbetoda‫)״‬. Cette conception pessimiste des choses le met dans un état
ES

permanent de crainte, d’insécurité et de recherche constante de volonté de puissance,


D

d’exaltation du moi.
O

Le Bo doit être compris comme une manipulation consciente dont le but est de capter
C

des forces, de mettre à son profit des forces surnaturelles à des fins précises utilitaires.
Abandonné à lui-même, l’homme est faible et il risque de rencontrer un plus fort que lui.
Cette philosophie, les rois d’Abomey l’on bien assimilée car en temps de guerre ils
comptaient beaucoup plus sur leur Bo Bo que sur leur stratégie. Si nous prenons l’exemple du
roi Béhanzin, son courage, sa bravoure, sa témérité sont reconnaissables aux gisements de Bo
qu’il détenait pour avoir vécu dans un milieu paysan, milieu de prédilection du Bo. L’usage
du Bo a permis de lutter contre bien des royaumes sans défaite. S’il a pu un moment résister à
la puissance coloniale, c’est encore grâce au bo, ce qui a énormément étonné les Français et
leur a permis de prendre très tôt conscience de ces réalités béninoises. Avec le Bo il n’y a pas
d’erreur technique, on devient plus confiant dans l’action que l’on entreprend. L’homme a
besoin de quelque chose qui puisse le rendre sans inquiétude, l’apaiser, le stabiliser, le
rassurer, et le protéger : le Bo.

II. 6. CONCEPTION ANIMISTE DU BO


La pratique du Bo est présente dans toutes les populations africaines, essentiellement
animistes. Enraciné au village, le Bo a envahi la ville progressivement. Sa mentalité s’est
développée et maintenue pour la résolution des problèmes courants de la vie. Des exemples
pullulent. Même dans les activités de loisirs et du sport le Bo fait partie de la préparation de la
mise en forme des équipes. Pour consacrer leur jalousie et faire triompher leur amour les

E
femmes se livrent au Bo. Avant un voyage ou avant un examen le Bo sert de viatique.

U
Certaines ethnies, certaines régions sont réputées dans la spécialisation de tel ou tel Bo et sont

EQ
effectivement redoutées pour cela. Le contexte social favorise l’association du Bo à la

TH
médecine occidentale ou à la thérapie héritée de l’Occident. Les sages-femmes au cours des
accouchements difficiles, désespérés voire périlleux se retirent dans leur sanctuaire, en
O
général un petit isoloir dans la salle d’accouchement. C’est là qu’il faut comprendre la
LI

philosophie et la portée des incantations, des paroles baragouinées dans un langage


IB

incompréhensible du non-initié qui libèrent les forces miraculeuses comprimées dans les
-B

divers ingrédients. Ces incantations ont toujours leur efficacité si elles sont prononcées selon
les règles d’usage, selon l’intonation requise, selon une orthodoxie arrêtée et assimilée, dans
IA

la version originale, sans traduction et sans translation. Ainsi le Bo anime l’objet symbole qui
R

lui sert de réceptacle ou d’ingrédient et accroît les forces de la parturiente, la protège contre
ES

les esprits mauvais et l’aide à accoucher saine et sauve. Cet animisme est circonstancié et
D

spécifique. Il est un animisme subjectif dont la subjectivité traduit tout ce dont manque
O

l’individu qui incante, qui a recours au Bo. Le Bo en effet comble un déficit physique,
C

psychique, énergétiste et en ce sens il interpelle car c’est le Bo qui fonde le sens de l’univers,
qui porte le sens de l’univers.

II. 7. BO & UNIVERS


Nous avons souligné au départ que le Fa donne le sens de l’Univers. Il est comme un
jeu de probabilités ayant ses lois et ses procédés propres. Non seulement il permet d’apaiser la
colère des vodun et d’obtenir d’eux ce que l’homme sollicite, mais encore il permet à
l’homme de pénétrer le monde métaphysique. Un horizon sans limite s’ouvre à l’homme
depuis le visible jusqu’à l’invisible. L’homme tente, vise à établir sa souveraineté. Cette
explication est loin d’être une légende car elle tente de concevoir le phénomène Bo, que l’on
vit dans nos sociétés traditionnelles comme modernes. Malgré les efforts de l’homme dit
civilisé, ce phénomène continue d’exister, de persister à échapper à toute rationalité. Etant au
cœur de nos sociétés, il est perçu par les Occidentaux comme un trait de la vie sauvage et de
la pensée sauvage si l’on tente d’envisager les choses comme Claude Lévi-Strauss. En tout
cas c’est le moyen le plus sûr dont dispose le Noir pour nuire à autrui sans en être le
responsable juridique. Les pratiquants du Bo sont d’ailleurs salués comme les fidèles du
diable, de satan. Ces clichés découlent à juste titre des caractères obscurs, secrets, initiatiques
et complexes du Bo. Phonétiquement, il est d’origine fon et désigne toute pratique permettant
de manifester en l’homme un surhomme c’est-à-dire de réaliser des exploits surhumains dans

E
le bien comme dans le mal. Sociologiquement, il est perçu comme la force des faibles c’est-à-

U
dire de ceux qui ont des déficiences physiques, psychiques ou sociales, qui n’ont pas de

EQ
conditions sociales enviables ou qui par eux-mêmes sont incapables d’avoir gain de cause

TH
pour eux-mêmes, en toutes circonstances. En aucun cas le Bo ne peut être considéré comme
un être car il ne grandit pas. Mais tout ce qui se passe en lui comme chez un être, il nait, il vit
O
et il meurt quand on passe outre les recommandations du Boto, quand on touche par exemple
LI

à certains Bo après des relations sexuelles, ils perdent de leur efficacité et meurent à jamais. Il
IB

porte quand même en lui le sens de notre existence et tout l’univers s’y prête.
-B

Si l’on continue à penser comme HEGEL ‫״‬tout ce qui est effectif est rationnel, tout ce
qui est rationnel est effectif‫״‬, on ne pourra rien comprendre du domaine du bo (gri-gri) car en
IA

Afrique il y a des choses qui sont réelles mais qui ne sont pas rationnelles. L’occident
R

d’ailleurs s’aperçoit maintenant que l’âge de la pure rationalité est fini et que commence celui
ES

de l’intuition.
D

De tout temps le Noir a considéré l’homme comme partie intégrante de l’univers,


O

comme une émanation de cet univers. Pour lui, vivre c’est dépendre de l’ensemble de cet
C

univers, c’est puiser à cet ensemble. Dès lors l’homme a à sa disposition les « forces les plus
nobles, » « les plus solides » continue dans cet univers qui ne sont connues que des initiés, des
inspirés appelés en fon ‫״‬Boto‫( ״‬faiseurs de gri-gri).
L’homme est composé de trois parties : la tête, le tronc et les membres. La tête est
lantenne qui relie l’homme à ce que Platon appelle le monde supra-lunaire le monde des
vibrations cosmiques et les membres sont les antennes qui le relient au monde sub-lunaire,
aux ondes magnétiques terrestres. Ainsi par la tête l’homme noir est dans des conditions
données en communication avec les âmes, les esprits les morts qui ne sont pas morts mais
dont on peut avoir à tout moment des informations, des directives, des moyens pour bien
mener sa vie. L’homme par la synthèse des radiations supra-lunaires arrive à vivre et dans le
cas contraire c’est-à-dire dans l’impossibilité de cette synthèse, il se désagrège, il tombe et il
meurt, n’étant plus en harmonie avec l’ensemble de l’univers, il s’est fragilisé. « il y a,
comme dit HAMLET, dans le ciel et sur la terre plus de choses que n’en rêve la philosophie. »
Par la capture des ondes cosmiques, des ondes magnétiques, l’homme se sent en
communication avec les trois mondes : le monde minéral, le monde végétal et le monde
animal comme nous le révèlent les analyses bio-chimiques des éléments constitutifs de
l’organisme humain (fer, calcium, magnésium, phosphore, oxygène, azote, carbone etc.). Il
est donc en plein dans un univers ; c’est dans ce milieu qu’il doit puiser sa substance, sa
subsistance pour exister en tant qu’être vivant et pensant. Situé ainsi dans l’univers

E
contrairement à ce que l’on dit, l’homme noir n’est ni un athée, ni un polythéiste, il croit en

U
un Dieu Suprême, Infaillible, Maître de l’univers (MAWU GBEDOTO). Ce Dieu Tout

EQ
Puissant a créé, grâce à son intelligence infinie l’univers avec ses règles fonctionnant dans les

TH
moindres détails et de façon irréversible. Il a confié à chaque chose sa fonction suivant une
hiérarchie dans laquelle il est le sommet et l’homme la base, entre les deux il a mis des êtres
O
forces auxquels l’homme peut éventuellement s’adresser pour construire son umwelt. Ainsi
LI

lorsqu’on veut par exemple entreprendre quelque chose et que des obstacles surgissent, ce
IB

n’est pas à Dieu que nous devons nous adresser mais à ses êtres-forces que sont les voduns
-B

(divinité) les saints, les mânes, le Fa (l’oracle, le Bo, intermédiaires auxquels MAWU
GBEDOTO a donné d’avance la capacité de venir à notre secours. C’est là la clef des
IA

malentendus, des mépris, des méprises sur le Bo, objet de science et objet de croyance.
R
ES
D
O
C
CHAPITRE III
PSYCHOLOGIE DU BO
III. 1. GENERALITES
Sur la vie de l’individu comme sur la vie de la collectivité le Bo a un impact très
important et très difficile à cerner dans son exacte ampleur car les Béninois y sont si attachés
qu’ils ne peuvent rien entreprendre sans recourir à lui. Il suscite en effet les sentiments
suivants :
- la volonté de puissance, l’exaltation du moi
- l’amour, la haine
- la peur de l’envoûtement

E
- la vengeance.

U
Le Bo exerce une influence différente d’un individu à l’autre, d’une région à l’autre, dans

EQ
le temps et dans l’espace. Ses lois sont relatives aux objectifs visés et ses effets sont variés et

TH
variables. Son action sur un individu dépend de la mentalité et de la conception que l’individu
a sur lui. Lorsque cette mentalité est trop forte sur l’individu, elle engendre chez lui une
O
psychose. Si telle personne est devenue folle par suite du mauvais sort qu’on lui a jeté, c’est
LI

parce qu’elle est du milieu, qu’elle a les mêmes habitudes que les autres membres du milieu et
IB

surtout parce qu’elle croit fermêment au Bo. Autrement dit son psychisme présente une
-B

certaine prédisposition favorable aux effets du Bo. Par contre si telle autre n’a pas succombé
au mauvais sort qu’on lui a jeté c’est peut-être parce qu’elle est dotée de puissants ‫״‬Glo‫ ״‬qui
IA

le préservent contre les attaques ennemies. L’ambiance est telle que personne ne dort sur ses
R

lauriers et tout le monde reste sur le qui-vive. On dit d’ailleurs en fon ‫״‬Hwenu e hwe do atin
ES

ma ba we o, me devo do doton ba we‫( ״‬quand toi, tu cherches les feuilles d’un arbre un autre
D

est en train d’en cueillir l’écorce ou les racines).


O

Il existe heureusement des gens qui sont naturellement immunisés contre le Bo. Une
C

telle immunité peut leur être concédée par le fait qu’ils ne croient pas au Bo. En fon on est
très averti de cela : ‫״‬Me we no di bo bo no di‫( ״‬il faut d’abord croire au Bo pour en être
victime). L’immunité relève en général d’une âme naturellement forte, puissante, résistance,
combattante qui est réfractaire à tout de façon innée. Les gens qui ont une telle âme ne
doivent pas de leur côté entreprendre quelque chose de maléfique contre les autres de peur de
perdre leur immunité. Ces gens en général narguent tout le monde, menacent tout le monde
sans jamais tenter quoi que ce soit. Par suite de ces menaces leurs adversaires les inondent
d’attaques à leur détriment.
Bien que l’on pense que le Bo est la clé de toutes les portes, il n’arrive pas toujours à
ouvrir toutes les portes, il n’atteint pas souvent les objectifs qui lui sont assignés, il ne
déclenche pas les réactions attendues. C’est en cela que le fon dit : ‫״‬Bo o alovi ene no we‫( ״‬le
Bo a quatre doigts), le pouce qui est indispensable, sans lequel la main ne pourra pas
fonctionner lui fait défaut parfois.
Les raisons qui sont à l’origine du recours au Bo sont d’ordre psychologique parce
qu’elles sont essentiellement subjectives. C’est ce qui explique le fait que tout le monde a
recours au Bo. Tout individu éprouve des craintes, redoute les menaces, se sent faible, seul,
abandonné, esseulé, solitaire même, a de la peine, du chagrin, désespère ou est angoissé,
véritables états d’âme de l’individu que la gesthalt psychologie nous aide à deviner sans
difficulté. Qu’il s’agisse de l’amant non-aimé en retour, qu’il s’agisse de l’homme politique

E
soucieux des élections prochaines, leurs comportements peuvent nous amener à comprendre

U
la psychologie du Bo. Celle-ci peut être objective bien que subjective comme dans

EQ
l’agressivité, l’expression latine ‫״‬timor hostium‫״‬, la crainte de l’ennemi, c’est-à-dire la crainte

TH
que l’ennemi lui-même éprouve ou la crainte qu’il inspire, fait éprouver. Pour bien
appréhender ladite psychologie du Bo, il faut partir raisonnablement des personnes en
O
présence, les pratiquants du Bo, la personne ou le client qui fait le Bo, le spécialiste du Bo
LI

appelé en fon ‫״‬Boto ou Bowato, Azondato‫״‬, que l’on traduit indifféremment par le faiseur de
IB

grigri, le charlatan et enfin celui qui subit le Bo, la victime, ‫״‬mede e do bo o‫״‬. Le Bo anime un
-B

psychodrame dont la richesse dépendra de la dynamique psychosociale qui met ces trois
différents acteurs en présence conflictuelle. Cette présence conflictuelle parfois délictueuse
IA

fait naitre des sentiments, des préjugés au niveau de chacun et nécessite des efforts louables,
R

parfois des sacrifices énormes d’investissements de tous genres.


ES

III. 2. DU PRATIQUANT DU BO
D
O

Il s’agit d’un homme normal qui ressent un manque à gagner, honneur, vengeance,
C

argent. Il ne peut être un névrosé, ni un aliéné mental sans quoi il ne saurait pas quel type de
Bo adopter dans la circonstance qui le préoccupe. Le névrosé risque de confondre effets et
causes à la fois. Il ne pourra pas sérier le bo suivant l’urgence de la situation. Il risque de tout
confondre et de tout mélanger sans jamais atteindre le résultat convoité et il s’exposerait
même à des conséquences désastreuses, excité par exemple par un mauvais usage du Bo.
Tous les pratiquants du Bo ne sont pas des agresseurs car il y a des Bo défensifs,
comme par exemple le ‫״‬Fifobo‫״‬, le Bo pour s’évader en cas d’accident. Le pratiquant du Bo
ne manifeste dans ce cas aucune satisfaction de vengeance à assouvir, encore moins le
vieillard octogénaire qui pratique encore le ‫״‬jidobo‫( ״‬le Bo de longévité) pour atteindre la
centaine, ne nourrit aucune haine contre personne.
Par ailleurs c’est une erreur de penser que telle ethnie, telle nationalité pratique mieux
tel Bo ou tel autre, ou le Bo d’une façon générale. Les réalités montrent en ce domaine que
toutes les ethnies pratiquent le Bo d’une façon générale. Les réalités montrent en ce domaine
que toutes les ethnies pratiquent le Bo de façon plus ou moins égale. Les vrais Bo, les Bo
vraiment efficaces se repèrent très difficilement, souvent en des lieux inattendus, peu
soupçonnés, chez des vieillards comme chez des jeunes très effacés, très simples. Pour
pratiquer le Bo il faut être sain, normal, conscient, avide d’atteindre un objectif précis.
L’objectif du Bo c’est de produire des effets extraordinaires. Les effets du Bo qui sont
matérialisés par une maladie sur une victime ne doivent pas être imaginés sur une unique

E
voie, une unique manière car le Bo lui-même est un phénomène magico-spirituel. Dans les cas

U
décelés par la médecine moderne on peut admettre l’hypothèse de la voie sensorielle, c’est le

EQ
premier étage, la première phase que la médecine moderne peut encore combattre. Mais cela

TH
ne veut pas dire que la victime peut guérir définitivement, si le jeteur de la maladie n’a pas
renoncé à ses intentions et actions maléfiques. Ce dernier peut poursuivre sa victime, ce qui
O
nous fait assister à une évolution de la maladie et de la voie sensorielle à la voie
LI

intrasensorielle. Cette deuxième phase peut être aussi maitrisée par la médecine moderne si le
IB

diagnostic révèle un résultat positif, c’est-à-dire un signe de la présence d’un agent pathogène.
-B

Il peut arriver que le jeteur de la maladie poursuit son action maléfique avec un Bo plus
redoutable, ce qui va provoquer une mutation de la maladie en une autre voie. Cette variation
IA

peut être due à la variation du champ cosmique dans lequel le Bo plonge sa victime. Plus ce
R

champ d’action cosmique est complexe, plus complexe sera la voie par laquelle la maladie
ES

atteindra la victime et plus la maladie sera encore compliquée. Alors suit une troisième étape,
D

l’étape de la dernière évolution de la maladie.


O

La première hypothèse concerne l’itinéraire qu’emprunte l’influx nerveux pour


C

atteindre la victime en créant à son niveau un champ d’action unique.


- premier cas où le pratiquant devient la victime, l’action devient réflexive. L’incident
de la maladie se ramènerait à un seul point comme le montre la figure ci-dessous.
C’est le cas le plus banal.
- Deuxième cas : le pratiquant diffère de la victime. L’influx serait similaire à une onde.
La victime sur cette bande recevra l’influx. La bande ici est culpabilité comme dans
l’exemple de la victime adultère. Il y a des cas où sans être coupable on est atteint des
effets du Bo quand même. Parfois si l’on est coupable et qu’on est initié, on peut
arriver à déjouer l’action du Bo par le procédé du retour à l’envoyeur, le procédé du
‫״‬Flijè‫״‬, ceci fait penser à un chemin, une sorte de neurone d’où l’idée de l’action
neuronique du Bo.

Champ P Champ V

Mauvais sort
Demande
Désir Réponse

E
Champ d’action créé par le Bo Champ d’action du Bo créé pratiquant sur

U
du pratiquant sur le pratiquant lui-même la victime

EQ
Figure A

TH
Le pratiquant est lui-même victime de son Bo, en tant que bénéficiaire du Bo lorsqu’il
O
s’agit du ‫״‬Ylo‫״‬, du Bo porte change. Dans ce cas les champs P et V sont confondus en un
LI

champ unique.
IB

Le cas où la victime a amené son Bo de défense, ‫״‬Glo‫״‬, les influx qui arriveront au
-B

niveau des boutons ne pourraient jamais l’atteindre car les Bo défensifs (‫״‬Glo‫ )״‬de V auraient
inhibé les boutons ou le tube long. Comment expliquer que V renvoie les influx de P sur l’un
IA

de ses proches quand tous les deux étaient pratiquement protégés par un Bo défenseur ? On
R

pourrait dire que le Bo défenseur, le ‫״‬Bo-bouclier‫ ״‬établit de façon permanente plusieurs


ES

neurones dans plusieurs directions à la fois. Ainsi dès qu’un influx arrive au niveau de la
D

victime V, il est aussitôt envoyé dans la direction inverse non pas par le même neurone mais
O

par des neurones protecteurs très proches du neurone offensif. De ce fait la réponse se
C

concrétise en proche de P.

Tel un enfant qui recherche auprès de sa mère ou de son père, la sécurité dont il a
besoin, l’homme pense trouver cette sécurité dans le Bo. Le besoin de sécurité inhérent à la
nature humaine est intensément vécu au stade infantile (dans les rapports parents et enfants).
Ici dans le Bo il est vraiment satisfait. On ne veut pas aller à l’aventure, on ne veut pas risquer
sa vie, (on s’entoure de garanties. La question se raffermit : le Bo dont on s’affuble ne
symbolise-t-il pas le besoin de protection paternelle et de sécurité maternelle dont on avait
jouï et que l’on recherche par nostalgie à l’âge adulte dans la pratique du Bo ?
Boto
Bokonon

Se plaint et désire le Bo
contre une personne
visée envoûtement

Bowato
L’envoûté
Plaignant Dispute victime

E
Figure B

U
EQ
Parvenir à cette sécurisation est la raison de l’action conjuguée de pratiquants du Bo,

TH
le Boto, le Bowato et la victime dans une relation triangulaire comme l’indique la Figure B.
Essayons peindre la personnalité de ces acteurs antagonistes.
O
LI
IB

a) Le Boto
Il représente le génie dans les couvents du royaume. Il est l’homme écouté du roi. Il a
-B

un statut particulier qui lui donne un prestige certain dans son milieu, un chamanisme évident
IA

que lui-même amplifie par la récitation enjouée de ses exploits, par ses causes vaincues ou par
la litanie de ses clients. Il est craint pour son age et pour sa réputation qui secrète une sorte de
R
ES

phantasme dans la mentalité des gens de son coin. Il est saisi comme un être supérieur aux
autres, surtout pour les non-initiés. Dès lors il appert que tout ce qui vient de lui, inspire la
D

crainte ou que tous ceux qui viennent à lui soient eux aussi craints et redoutés. Il connaît en
O

bon botaniste les feuilles qui ont de bonnes vertus. Selon lui, le Bo est tout et rien. Pour lui, le
C

Bo est tout parce qu’il aide l’homme à se tirer d’affaires, à sortir des situations difficiles de la
vie. Il peut se servir du Bo pour neutraliser un ennemi, le priver de sa liberté en l’envoyant en
prison pour une simple bagatelle, ou de sa raison pour une simple peccadille. Il peut l’ôter
même de la vie par simple caprice ou sur recommandation. Il peut utiliser le bo pour sauver
celui qui a recours à lui avec foi, quelle que soit sa gêne, son problème. Il désire toujours faire
un peu plus que les autres, réussir là où les autres ont échoué. Il peut percer des énigmes
inaccessibles aux autres, dépister un sorcier soupçonné et même faire affronter le jeteur de
mauvais sort.
C’est en général un vieux élu par la majorité des autres Boto pour sa compétence
incontestée et inégalable. Par ses pairs il est consacré au cours d’une cérémonie qui rappelle
les orgies ou les bacchanales romaines, rares occasions de libations généreuses dégénérant
souvent en jouissances libidinales. Seulement à sa mort, le fa nous permet d’avoir une vision
de sa personnalité véritable. Ses dernières volontés non-écrites sont révélées ainsi que le lieu,
le moment de son inhumation qui ne sera jamais un mardi ou un vendredi, jours néfastes. Son
cadavre et son cercueil seront entourés de toutes sortes de précautions.
Tandis que le savant cherche à expliquer les phénomènes par des principes et des lois
qui aboutissent à des effets tels et tels, le Boto, lui, ne se contente que des effets. C’est
pourquoi il ne comprend pas certains de ses échecs, qu’il accepte volontiers comme relevant
de puissances étrangères, hostiles à lui et à son client. Effectivement le Boto véritable a le

E
sentiment d’être trop fort pour les autres, il est leur maître car il est leur dompteur et même

U
dominateur car sur eux il a le droit de vie et de la mort. Il cherche à provoquer tout le monde,

EQ
ou à nuire à ceux qui le cherchent. Il est l’ordinateur de toutes les connaissances des activités

TH
culturelles, distribuant à ses initiés malgré la différence de leur provenance la totalité illusoire
des connaissances sur le Bo.
O
Ceux qui détiennent les Bo sont les Boto, les Bokono, les charlatans, les grigriseurs,
LI

les voduno : la pratique de cette science n’est réservée qu’à eux seuls. La zone, le champ
IB

d’action de leurs Bo est immense et d’un effet instantané. Le Boto agit sur la nature par des
-B

moyens anodins, il tente d’intimider les vents, les pluies, le tonnerre, les animaux par ses
paroles, par ses incantations. Le monde pour lui est un réseau de forces qu’il peut séduire ou
IA

dompter. Le Bo est la stratégie du Boto qui se reconnaît comme le détenteur de la science,


R

avant tout plutôt pratique que théorique.


ES

Parmi les Boto il faut reconnaître deux catégories : ceux qui sont spécialisés dans les
D

Bo de défenses et ceux qui sont spécialisés dans les Bo d’attaque. Les Boto sont des genres de
O

sorciers qui sont détenteurs des poisons les plus redoutés. Ils n’ont jamais la conscience
C

propre. Par contre l’autre catégorie de Boto, les Azondato, ceux qui sauvent des situations les
plus désespérées, les maladies corrosives et que les consultants considèrent comme leurs
pères, leurs parents qui ne doivent pas leur faire du mal. Ainsi ils arrivent à dépassionner leurs
clients en devinant leurs intentions et leurs états d’âme. Ils arrivent à établir si leurs clients ont
été lésés, ce qui les pousse vers eux, s’ils recherchent seulement une arme pour leur défense
ou pour agresser les autres. Ils sont capables grâce au Fa, de dire à leurs clients si l’usage du
Bo est de leur destin car tout ce qui est du destin d’un individu doit pouvoir s’accomplir. Ils
peuvent commuer le mal, le limiter ou le différer. Ils ne spéculent jamais sur le malheur
d’autrui, ce qui est le contraire de ce que l’on remarque de nos jours où la cupidité tire
ressource des maux qui menacent ou arrivent effectivement aux autres, car certains Boto de
nos villes se livrent à tout pourvu qu’ils aient de l’argent. Le Bo est l’apanage d’un groupe de
gens, d’une confrérie de Boto qui s’y connaissent. De cette connaissance naît le désir de
dominer le monde. Ce sentiment est vif chez eux.
Il y a une analogie entre la pratique du Bo et la pratique de la religion catholique.
Comme le prêtre, le Boto bénit ou maudit les gens. Les incantations du Boto sont
comparables aux invocations du prêtre. Le Boto purifie le malade en lui implosant du Kudio,
purification par le bain. Le baptême chrétien purifie de tous les péchés et de tous les maux en
rendant l’âme pure. Le Bo dans les mains du Boto réalise des miracles, ce que les sceptiques
n’arrivent pas à admettre.

E
Selon les informations reçues, le Boto est plus puissant que le Azeto, le sorcier. Il

U
arrive que le Boto est quelqu’un qui a été déjà sorcier une fois dans sa vie et qui a connu pas

EQ
mal de possibilités qui s’offrent au sorcier. Le Boto sous cet angle est souvent un ancien

TH
sorcier converti. Mais la puissance du Boto comme celle du sorcier dépend de la puissance
que les gens de son milieu mettent en lui. Faire du Bo, ce n’est pas rester dans les chambres
O
climatisées mais s’exposer à des dangers inimaginables. Cela nécessite parfois des sacrifices
LI

humains les plus horribles car les gens n’hésitent pas à attaquer leurs enfants, à les attraper ou
IB

même à les traquer de façon inaccessible à d’autres personnes. Que n’a-t-on pas découvert
-B

lors de la campagne anti-sorcellerie ? Chez l’un des grands richards de Porto-Novo on a


découvert une momie d’enfant chargée d’une calebasse remplie d’argent et cette momie est, à
IA

ce qui paraît, la source intarissable de sa richesse. Il arrive des moments où l’on tue des
R

animaux domestiques en des endroits spéciaux tout désignés. Tout se fait avec discrétion. La
ES

plupart du temps c’est au crépuscule ou tard dans la nuit profonde ou tout à fait à l’aube
D

suivant l’apparition de l’astre. Les lieux sont soit le cimetière, soit le carrefour soit à la lisière
O

du village, soit dans les cases soit sous un toit de vodun. Les instruments appropriés sont les
C

ordures, les excréments ou autres choses négligées par la population. Lorsque les conditions
sont réunies et qu’on y accorde une certaine foi les effets inattendus se produisent.
Personne ne naît Boto et d’ailleurs dans beaucoup de régions les enfants de ce genre
sont rejetés par la société comme des parias aptes à la sorcellerie. Pour exercer le métier de
Boto, il faut être initié auprès d’un maître, ce qui n’est pas très aisé. Le Bo n’est pas
héréditaire car lorsqu’un Boto meurt sans avoir initié l’un des siens, personne ne peut se lever
dans la famille pour le remplacer et jouer son rôle, ce qui est cause que la science du Bo ne
progresse pas tellement. Celui qui connaît ne cherche pas à livrer ses connaissances à un autre
et quand il meurt tout disparaît souvent avec lui. Tout le problème est de savoir comment les
Boto sont des gens qui naissent investis de pouvoirs extraordinaires et qui la plupart du temps
se présentent comme des niais, des gens bêtes, des aliénés, des monstres qu’on n’arrive pas à
éliminer. Ils sont extraordinaires.
L’initiation a des degrés hiérarchisés allant de la catégorie de ceux qui se servent du
Bo sans en avoir la moindre connaissance théorique. Ils sont très nombreux. Enfin la catégorie
de ceux qui se situent au plus haut niveau où la connaissance du bo est très approfondie, ceux-
là constituent la troisième catégorie des Boto. Ils possèdent un pouvoir surnaturel et en sont
possédés. Ils sont comme des magiciens qui incarnent une force surnaturelle. Les amulettes
qu’ils portent sont des symboles matériels de cette force surnaturelle. Ils sont possédés par
cette force qui les domine et les met parfois en extase comme s’ils étaient tourmentés par un

E
démon. C’est cette force que Corrington appelle ‫״‬mana‫״‬.

U
‫״‬Les mélanésiens croient à l’existence d’une force absolument distincte de toute

EQ
force naturelle qui agit de toutes sortes de façons soit pour le bien, soit pour le
mal et que l’homme a tout avantage à se mettre sous la main et à dominer. C’est

TH
le mana. C’est une force, une influence d’ordre immatériel et en un certain sens
surnaturel, mais c’est par la force physique qu’elle se révèle ou bien par toute
espèce de pouvoir de supériorité que l’homme possède. Le mana n’est point fixé
O
sur un objet déterminé, il peut être amené sur toute espèce de choses. ‫״‬
LI
Le Boto c’est le maître du Bo comme l’indique en fon son nom. Il est capable de
IB

mettre en branle les forces nuisibles ou protectrices. Il connaît les combinaisons des feuilles
-B

avec leurs vertus. La classe dont il relève croit de jour en jour en nombre et en chamanisme
comme ses honoraires deviennent de plus en plus considérables.
IA

Sur sa victime il exerce une force psychologique telle qu’il arrive facilement à la
R

suggestionner. Plus le Boto est respecté, plus son influence devient grande et plus son Bo
ES

devient efficace psychologiquement. Il vit en parfaite harmonie avec ses pairs comme le
souligne Alapini Julien dans Fa Aidégoun p. 19-20 :
D

‫״‬Les Bokono ne sont pas également puissants, mais leur corporation religieuse
O

est une école d’énergie, d’honneur et de discipline. Ils vivent dans un sentiment
C

de confiante amitié, dans une ambiance de gentillesse chaleureuse. Avec une


ferveur chaleureuse on leur réserve des réceptions enthousiastes dans tous les
milieux. Les plus à craindre sont ceux qui ont la bouche empoisonnée par ékpé,
dont les paroles sont justes, la voix dominante pour prononcer des incantations. ‫״‬

Le Boto acquiert une suffisance de lui-même grâce à la matière qu’il manipule en


connaissance de cause et au verbe qu’il déploie. Il est un initié qui opère suivant des procédés
non religieux mais précis. L’opération est stéréotypée, le rite fixé d’avance dans les moindres
détails. La moindre inobservance de ces détails rend l’exercice inopérant, inefficace. Il n’est
pas un névrosé comme certains le croient, mais il est un homme qui a foi aux possibilités de la
matière à des fins pratiques bienveillantes ou malveillantes. Loin d’être un obsédé, il est
l’homme peut-être le plus équilibré du groupe, ayant une logique implacable dans le
raisonnement, utilisant les vertus de la matière et des mots avec une précision d’horloge.
Il est assuré que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Malgré cela
lorsqu’il prend congé d’un client, il lui dit toujours : ‫״‬Va et fais comme je t’ai dit, le reste est à
Dieu‫״‬. Le Boto a confiance en sa pratique mais il croit qu’un être suprême transcende tout,
d’où sa différence avec le savant. Il ne voit pas de raison à ce que l’accomplissement du rite
indiqué ne se couronne pas du résultat escompté. Frazer écrit dans le Rameau d’or : ‫״‬Tout ce
qui est caprice, hasard, accident se trouve éliminé du cours de la nature, quoi de mieux
comparable à la science‫״‬. Lorsqu’après un vol on menace d’appeler la foudre pour châtier le
voleur, si ce dernier ne ramenait pas l’objet de son vol, il se trouve foudroyé, on ne peut parler

E
dans ce cas de hasard car la sanction est chaque fois reprise et c’est toujours le voleur qui est

U
atteint. Après l’observation de telles sanctions à de tels délits on ne peut qu’être

EQ
psychologiquement convaincu de l’efficacité du Bo. C’est un problème de flair et de foi à un

TH
niveau très élevé.
Le Boto pour le non-initié a parfois des comportements graves et bizarres. Il se livre à
O
des pratiques ascétiques, jeûnes et abstinence sexuelle avant et après l’épreuve. De régime
LI

végétarien : pas de viande ni de poisson dans l’alimentation, ni de sel, ni de l’huile rouge,


IB

surtout pas d’alcool. Le jeûne dure selon l’importance de l’épreuve, du Bo à confectionner, du


-B

cas à résoudre, sept, neuf, quarante et un jours. De temps en temps, il se livre à des exercices
de concentration, de méditation, de retraite, de solitude et de calme. Il doit dominer ses
IA

pulsions, ses impulsions, pratiquer l’abstinence et réunir des objets hétéroclites. Adopter des
R

attitudes rituelles ridicules pour les non-initiés, dormir à même le sol. Bavarder très peu,
ES

souvent se taire. Entrainer son regard à être très puissant, profond, perspicace. Son geste doit
pouvoir avoir sa gravité, ses paroles leur efficacité afin d’agir sur les statuettes d’argile, ‫״‬les
D
O

Bocio‫״‬. Le respect des précautions distingue les anciens, les vieux, des jeunes Boto et sert de
C

garantie à leur réussite. A force de mener cette vie peu ordinaire, les Boto deviennent bizarres,
redoutables, et se reconnaissent comme dangereux.
L’homme qui pratique le bo bienfaisant connaît souvent une vie heureuse en famille. Il
n’a aucun handicap physique, psychologique qui puisse mettre en cause son titre d’être
raisonnable. Il est réconforté par l’amour qui rayonne autour de lui. Cet amour, il le transporte
hors de sa famille et essaie de le partager avec les autres. En agissant dans le sens du bien, le
Boto agit directement pour lui-même et pour les siens. Il expérimente l’adage : ‫״‬Un bienfait
n’est jamais perdu‫״‬. Tandis que le Boto qui ne fait que des Bo mauvais, celui dont toute
l’activité est de nuire à autrui, de chercher à faire périr mène une vie malheureuse. Il est la
proie de mille malheurs, mésentente et haine en famille, mort subite de ses enfants en bas age
le plus souvent, misère et infamie. Il est fui comme la peste et connaît tôt ou tard une mort
affreuse, abandonné presque de tous les siens. C’est pourquoi rares sont les Boto dont l’adage
est de nuire aux autres car tout le monde répète sans cesse : ‫״‬tout se paie ici-bas‫״‬, ou ‫״‬on
récolte ce qu’on a semé‫״‬.

b) Le client : le ‫״‬Bowato‫״‬
C’est celui qui pour faire du Bo, va consulter le Boto, le faiseur de grigris. Il ne se sent
pas en sécurité au service, à la maison, en famille et cherche à renforcer sa psychologie, à se
donner du courage, de l’espoir pour la vie. Incapable lui-même de venger un affront, il part

E
confiant chez le Boto comme son dernier recours. C’est à ce niveau que tout se joue pour lui-

U
même. Le Boto écoute toutes ses plaintes et lui impose ses conditions pour gagner sa

EQ
confiance. Il a désormais espoir de pouvoir prendre sa revanche sur son offenseur. Se sentant

TH
dès lors pris en charge, épaulé par son Boto, il resplendit de confiance et paraît à demi-
satisfait. Il est effectivement convaincu de paix s’il respecte scrupuleusement les conditions
O
fixées par son nouveau maître. Ce dernier en tant que professionnel agit sur la nature non pas
LI

par des procédés religieux tout court, mais combine les données de la matière selon des
IB

formules dont il croit avoir le monopole. Il lui montre ce qu’il a à faire pour obtenir
-B

satisfaction selon un rite défini dans les moindres détails. La moindre fantaisie écarte du
résultat escompté. Ainsi par exemple dans les rites oraux, changer un mot traditionnel ou
IA

même simplement une intonation, se tromper de sens, de côté ou de main, modifier le rythme
R

de l’opération c’est s’exposer à ne pas atteindre le but convoité et éveiller contre soi les
ES

esprits maléfiques. Car dans ces genres de choses les mots et les gestes n’ont plus leur
D

caractère vulgaire de tous les jours, ils ne sont plus de simples signes mais ils deviennent des
O

symboles qui font partie intégrante du résultat. Aussi à travers les générations les formules
C

sont-elles fixées, statiques. De cette rigueur de la pratique la société a foi au Bo. L’exigence
bien formulée ne peut pas échouer, d’où la différence avec la religion.
Le Bo révèle une quête individuelle ou collective inassouvie. Il a pour fondement
psychologique la méfiance excessive, la peur morbide des autres aboutissant au culte du self
défense ou à l’agressivité permanente vis-à-vis d’autrui. C’est pourquoi le client prend
certaines précautions.
On attaque son ennemi à coups de forces occultes en prenant ses dispositions pour que
le Fa consulté ne révèle jamais la provenance de l’agression, ne mette jamais le client à nu, à
découvert en le dévoilant comme auteur du Bo, le provocateur du mal dont souffre l’agressé.
On fait le Bo pour éliminer son rival, surtout son cocuficateur, pour protéger la jeune mariée
contre l’adultère.
Au client le Boto inspire une paix profonde au niveau de la conscience et de
l’inconscient. Il le rassure contre les mauvais sorts, détourne en sa faveur les situations
négatives. Le Boto et le client ont une assurance commune dans la foi commune qu’ils
mettent dans leur entreprise commune. C’est là le vrai secret de la réussite du Bo.
Nous savons que le Bo est parti des rêves individuels pour devenir un phénomène
social. Individuel avant d’être social le bo a donc connu une évolution du singulier au pluriel,
du psychologique au sociologique en conservant cette évolution dans la mentalité des gens.
Le nombre de ceux qui ont voulu se prémunir, se protéger contre les maléfices des autres a

E
commencé à augmenter. Certains ont été acquis à la cause du Bo par le fait qu’ils

U
considéraient leurs voisins comme des sorciers. Et pour se protéger ils portaient des

EQ
amulettes, des talismans, des banderoles tissées de fils rouges, des bagues qu’ils gardaient

TH
jalousement dans leurs chambres, dans leurs bureaux ou dans leurs ateliers. Le Bo est devenu
pour eux un ‫״‬vade-mecum‫ ״‬dont ils n’arrivent plus à se séparer.
O
Enfin le client qui s’acharne à la recherche du Bo protecteur, défensif, du ‫״‬Glo‫ ״‬sait en
LI

son âme et conscience qu’il ne se conforme pas aux règles de la société et qu’il ne respecte
IB

pas bien le bien d’autrui. Il se sent psychologiquement menacé et en souffre énormément. Sa


-B

conscience lui reproche un tas de choses. Cette situation l’intrigue et il se met à la quête d’un
‫״‬Glo‫ ״‬puissant qui le protègerait contre toute attaque et le consolerait au milieu de ses
IA

interrogations inquiétantes : concubinage avec une femme d’autrui, insulte ou outrage à une
R

personne âgée, croyance en des êtres maléfiques invisibles, maladies, accidents de tous
ES

genres.
D

Il est prêt à y consacrer tout son salaire, pourvu qu’il obtienne apaisement, réussite,
O

assurance, fermeté, intransigeance. En cas d’échec, c’est-à-dire de persistance des idées de


C

hantise ou de persécution, il abandonne son Boto en le rangeant dans la catégorie des escrocs
en attendant d’en trouver un autre plus compétent, par l’intermédiaire d’amis ou de parents,
nouvelles victimes de sa méfiance.

c) La Victime du Bo ou l’Envoûté : (me de e do bo o)


C’est l’adversaire à vaincre par le Boto et le Bowato, le sujet de la haine ou de l’amour
d’autrui. Vivant éternellement dans la crainte, ce dernier est assiégé par la hantise qu’un
malheur va lui arriver et il l’attend. Pas de geste, ni de parole, ni de mouvement ni de bruit qui
ne réveille cette attente, c’est cet appel, cette conjuration, ce fatalisme. Il devient agressif,
crispé, angoissé. Les désordres de l’émotion lui font perdre tout contrôle de soi et un rien
déclenche et entretient ce mécanisme de suggestion, d’autosuggestion.
Effectivement la victime flaire toujours un danger en l’air. Son anxiété croit au cours
des heures et la laisse ainsi prédisposée à la vulnérabilité. Immature et peu versée au ‫״‬Glo‫״‬,
rangée dans la catégorie des ‫״‬Nuvono‫( ״‬des vauriens), des ‫״‬Sunutofo‫״‬, (des hommes vides), la
victime demeure essentiellement vulnérable sur le plan psychologique. Le moindre souffle du
Boto ou du Bokono la fait tomber.
Ainsi par exemple, tard dans la nuit un Boto vise une victime. Muni d’un cadenas
revêtu de peau d’animal qui a subi des traitements occultistes, il appelle à haute voix le nom
de sa victime. Instinctivement au cours de son sommeil cette dernière répond. Le Boto

E
s’empresse de fermer son cadenas en emprisonnant la voix de sa proie. Réveillée en sursaut la

U
victime ne retrouve personne dehors. Si la veille le Boto l’avait menacée verbalement, si elle

EQ
croit au Bo, elle est foutue à jamais car cela suffit à la rendre malade. La maladie s’aggrave et

TH
n’ayant pu être diagnostiquée à l’hôpital, la victime meurt au bout de quelques jours.
Les contes et légendes à propos du Bo finissent par créer dans la société un état de
O
persuasion à force de répétitions. Ainsi celui qui s’attend à être victime d’un Bo en subit les
LI

effets immédiats, la probabilité de la réussite du Bo devient plus forte, très forte même. Ainsi
IB

la jeune fille rétive à l’avance d’un jeune galant sous les effets de la moindre menace de ce
-B

dernier, ne se sent plus maîtresse d’elle-même et est disposée à l’action de n’importe quel
‫״‬Ylo‫״‬. Elle attend l’action de ce ‫״‬Ylo‫ ״‬et se laisse assiéger par des hallucinations érogènes. La
IA

peur qu’elle se crée au niveau de son cerveau désorganise tout son système de défense, tout au
R

niveau de sa conscience alors que toute déficience psychique, tout déséquilibre mental éloigne
ES

l’homme de ses possibilités, de sa lucidité. La prédisposition vulnérabilise de telle sorte que la


D

réussite ou l’échec du Bo est étroitement lié à la force de caractère de la victime.


O

On n’a jamais besoin de Bo pour provoquer certains faits. Certaines façons de parler
C

suffisent déjà à agir : une malédiction finit tôt ou tard par se réaliser, c’est purement
psychologique. L’histoire d’Œdipe est très révélatrice en ce sens. Lorsque l’oracle lui a prédit
qu’il allait tuer son père et épouser sa mère en déterminant ainsi son destin, Oedipe n’arrivait
pas à se l’avouer. Et pourtant les choses se sont accomplies comme prévues. Le trouble
d’Oedipe l’a poussé à faire cependant ce qu’il avait redouté, cherché à éviter. Lorsqu’on est
investi d’une assurance, d’une foi, cela arrive toujours à se réaliser quoi que l’on fasse. Il faut
remarquer que psychologiquement la vocation au Bo comme toute vocation se manifeste à
coup sûr par conviction, par une rupture provisoire de l’équilibre psychique. La psychologie
définit d’ailleurs la teneur ou l’intensité du bo.
Si la capacité de la victime est supérieure à celle de l’agresseur, le message de ce
dernier lui retourne. C’est le ‫״‬Flijè‫״‬, le retour à l’envoyeur. Si la capacité du Boto est
supérieure à celle de la victime, la volonté du Boto est réalisée et sa tentative porte ses fruits.
Si les réactions entre l’une et l’autre sont égales, il n’y a plus de victime, la partie est nulle et
est à reprendre. Dans le souci d’obtenir la réussite de certains Bo, le Boto est farouchement
hostile à la présence des incrédules. Le Bo peut conduire l’individu à agir contre sa propre
volonté en le rendant victime de son propre maléfice s’il ne respecte pas la déontologie du Bo
en faisant un mauvais usage du Bo. La manière d’acquérir un bo renseigne d’avance sur son
efficacité ou son inefficacité.

E
Client

U
EQ
TH Déviation
O
LI

Boto
IB

Mauvais sort Victime


-B

Figure C
IA
R

Cette figure montre l’action triangulaire du Bo que nous avons déjà signalée. Mais
ES

cette action ici est renversée, refoulée. En cas d’un Bo mauvais et de renforcement du
D

psychisme de la victime le Boto devient lui-même victime de son maléfice, il y a déviation de


O

la cible : au lieu d’arriver à destination, elle retourne à son origine, à son client qui a eu
C

recours au Boto. Dans ces conditions il est vital de s’instruire sur les modalités d’acquisition
ou de transmission du Bo, ce que nous allons voir dans le chapitre suivant.
CHAPITRE IV
MODALITES D’ACQUISITION ET DE TRANSMISSION DU BO
L’acquisition du Bo est difficile car il y a autant de modalités d’acquisition du bo que
de Boto car chaque Boto a sa conception de la transmission du Bo. On remet rarement de Bo
aux femmes, sauf pour les protéger ou les rendre fécondes auprès de leurs maris. Ensuite il y a
un fossé de préjugés entre les vieux et les jeunes dans ce domaine car les vieux trouvent les
jeunes trop irrespectueux, trop truands et trop vindicatifs et ils n’aiment pas léguer leurs
puissances aux jeunes. En effet avant de donner un Bo à quelqu’un, il faut être rassuré qu’il
en fera un bon usage, c’est-à-dire qu’il l’utilisera selon la déontologie en vigueur : ne pas en
faire un usage abusif, injuste, fréquent, intempestif, caractère tumultueux que les vieux

E
redoutent chez les jeunes.

U
Par ailleurs l’acquisition est souvent une transmission. Le mode de transmission du bo

EQ
varie selon les époques et selon les individus. Dans le passé on ne pouvait pas se lever et faire

TH
la demande du Bo à n’importe qui sinon ce serait une provocation directe, même s’il s’agit
d’un parent. Pendant la période de grande chasse de novembre à février, chaque chasseur
O
vient étaler ses Bo au marché pour les échanger contre les Bo qu’il ne possède pas. Là c’est le
LI

troc. Par la suite l’introduction de la monnaie a fait disparaître cette tradition. De ce fait
IB

l’efficacité du Bo reçu ou transmis dépend de plusieurs facteurs dont le plus important est la
-B

provenance, l’origine du Bo. Il est difficile d’obtenir de quelqu’un un Bo efficace car celui
qui le cède a peur des déconvenues pour l’acquéreur et son entourage. Ensuite le Bo transmis
IA

peut ne pas être efficace si l’acquéreur ne respecte pas strictement son mode d’emploi. Il peut
R

arriver parfois que le Boto par méfiance ou par cupidité fasse restriction de certains
ES

ingrédients au moment de la cession du Bo. La théorie de la communication linguistique y


D

joue un grand rôle car la transmission suppose la connaissance, l’usage d’une même langue
O

pour le codage et le décodage.


C

Le mode d’acquisition du Bo à Agonlin est très difficile à expliciter car il se fait à


partir de conditions économiques et culturelles régies par une concurrence sans merci dans le
but d’obtenir un rendement optimal. Cette condition est nécessaire en cas de querelles
ouvertes de personnes du coin. L’acquisition peut nous donner une idée du degré de cohésion
dans un groupe puisqu’elle résulte de façon courante du consensus sur l’orientation normative
et les interactions des membres de ce groupe dans la recherche de l’équilibre social, ou dans la
recherche de la paix.
Le mécanisme de transmission du Bo est une véritable école sans école, un moyen de
cultiver la mémoire. Il immortalise et permet de survivre en ce sens que la connaissance d’un
Bo transmise demeure éternellement au nom du premier détenteur bien qu’il n’existe pas de
brevet d’invention de nos traditions.
Les modalités d’acquisition du Bo dépendent surtout de la nature du Bo, du caractère
de son acquéreur et surtout de son but. Les détenteurs du Bo se retrouvent chez les chefs
traditionnels, c’est-à-dire les chefs de couvents, les vodun, les prêtres religieux, les
guérisseurs traditionnels appelés souvent les tradi - praticiens, les sorciers, les voyants, les
devins, les bokono, les charlatans, les Boto, les faiseurs de grigris. La plupart considèrent le
Bo comme une connaissance qui se transmet de bouche à oreille, de père en fils, de mère en
fille, d’oncle à neveux, de Boto à Boto ou de Boto à client.
Certains acquièrent le Bo par curiosité, dans le but d’en savoir un peu plus sur le Bo.

E
D’autres par nécessité, par la force des choses dans les sociétés secrètes, les couvents, par

U
échange, troc, don, achat, héritage, legs par découverte des forces de la nature, par vision, par

EQ
rêve, par voyage initiatique.

1. ACQUISITION DANS LES SOCIETES SECRETES, LES COUVENTS TH


O
Les grands praticiens du Bo relèvent des couvents (Hunkpamè). Ils détiennent la
LI

plupart des Bo. De simple AVOSE, voduno chargés de mettre en communion avec les vodun
IB

sont devenus de terribles détenteurs de Bo. Le AVOSE transmet le Bo aux autres dans les
-B

cellules initiatiques comme nous en avons parlé plus haut au sujet des fossoyeurs
‫״‬ASANYIBOKO‫ ״‬d’Agonlin. C’est donc l’éducation dans les couvents qui concède le Bo à
IA

l’individu et l’apprentissage en dehors des couvents.


R
ES

a) L’éducation comme mode d’acquisition du Bo


D

L’éducation est la transmission de l’expérience. L’expérience évoque la notion de


O

patrimoine scientifique du groupe social. C’est l’Américain J. Dewey qui souligne le plus le
C

contraste entre l’immaturité des membres nouveau-nés du groupe et la maturité des membres
adultes qui connaissent les coutumes de ce groupe. A eux donc incombe une mission
historique : celle de protéger la vie de leurs membres qui ne sont pas encore mûrs et de les
initier aux objectifs du savoir faire, du savoir vivre des adultes, faute de quoi le groupe
s’effondre, cesse d’exister. L’éducation sert à la reproduction sociale. Elle sert aussi à initier
les membres non-mûrs aux valeurs du groupe. L’initiation constitue en Afrique en général et
au Bénin en particulier la base de l’évolution de l’individu, capable d’assumer ses
responsabilités en tout moment. Les rites initiatiques le façonnent et le rendent doué de la
sagesse et des valeurs refuges du groupe car le manque d’initiation fragilise l’individu.
L’initiation cherche aussi à réaliser l’accomplissement plénier de l’individu en lui faisant
acquérir les valeurs dont il a besoin pour mener sa vie en société et vivre en harmonie avec les
ancêtres, les vodun, et le Dieu suprême, MAWUGBEDOTO.
Toute la société se continue grâce au processus de transmission semblable à celui de la
vie biologique. Les membres les plus âgés de la société secrète communiquent aux plus
jeunes leurs façons de penser, de sentir et de faire. Sans cette communication des idéaux, des
attentes, des espoirs, des opinions, des critères de la société par ceux qui sont sur le point de
quitter la vie du groupe à ceux qui entrent, la société ne pourrait pas survivre.
Au sein des couvents, des sociétés secrètes, la transmission du Bo se fait surtout non
pas par acquisition individuelle mais par l’éducation collective qu’on donne à tous les

E
membres des groupes Oro, Kutito, Zangbeto, Guelede. Les Bo les plus dangereux se

U
retrouvent chez les deux premiers et l’individu qui arrive a acquérir le pouvoir du Bo doit en

EQ
faire usage seulement pour montrer comment son groupe est redoutable. Il ne doit d’ailleurs

TH
pas révéler ce qu’il y voit sous peine d’être châtié de sa témérité. On lui apprend à utiliser les
‫״‬Kpé‫ ״‬les plus dangereux, les plus efficaces avec lesquels il arriverait facilement à bénir ou à
O
maudire les gens étant entendu que lui-même est revenu du pays des morts. Dans les autres
LI

couvents appelés ‫״‬Hounkpamè‫״‬, le néophyte apprend à utiliser surtout les petits Bo tels que
IB

les ‫״‬Ylo‫ ״‬qui donnent la chance, le bonheur aux gens et aussi la science des vertus des plantes
-B

qui feront plus tard de lui un bon tradi-praticien, expert en pharmacopée.


IA

b) L’acquisition par apprentissage


R

C’est l’acquisition de réflexes, d’attitudes et d’habitudes qui vont guider plus tard la
ES

conduite du néophyte. Elle s’opère par la répétition des termes cabalistiques, l’imitation des
D

faits et gestes du patron, le Boto, quelquefois par l’application de récompenses ou de


O

sanctions, des paires de soufflets, par la méthode des essais et des erreurs. La répétition des
C

gestes et des paroles incantatoires est destinée à développer chez le néophyte des réflexes
conditionnés en habitudes. Il regarde en effet le Boto faire, l’imite, il fait par la suite des
essais et des erreurs, corrige ses erreurs et se fait expliquer certaines pratiques. Les
compagnons des Bokono acquièrent leur maîtrise en Bo par leur apprentissage de la pratique
du Fa, source de tous les Bo circonstanciels.
Par éducation ou par apprentissage pour avoir certains Bo, il faut nécessairement
appartenir à une société secrète. La caractéristique fondamentale d’une telle société est la
discrétion absolue. Pour qu’une telle société devienne célèbre, il faut qu’elle dispose de
puissances occultes dont les autres ne disposent pas. Vulgariser ces puissances, c’est déjà
perdre de son influence, son prestige, sa crainte et c’est aussi se vouer à la disparition. Au sein
d’une telle société existe une solidarité à la fois organique et mécanique de telle sorte que tous
les membres sont solidaires pour le Bien et pour le Mal, l’affront subi par un seul membre est
vengé par tous, comme une vendetta.

2. ACQUISITION DU BO PAR REINCARNATION


Quand le détenteur d’un Bo meurt pendant que sa femme est enceinte, l’enfant qui naît
par la suite porte tous les traits physiques du défunt, on l’appelle Babatoundé en Yoruba si
c’est un garçon ou Yabo si c’est une fille. Lorsqu’il grandit, il connaît comme son père défunt
les vertus des plantes, soigne et guérit les malades, accomplit des merveilles par de simples

E
incantations qui rappellent le disparu. Au cours de nos enquêtes nous avons rencontré un cas

U
de ce genre d’acquisition de la puissance en Bo. L’individu est un cas privilégié de Boto. Il

EQ
s’agit d’une femme mariée, âgée de quarante ans et mère de quatre enfants. Le récit de sa

TH
carrière de Boto voyante est très émouvant et très illustrant. Elle n’était pas encore née quand
son grand père paternel, grand Bokono, prédit que tout son pouvoir irait à l’enfant qui naîtrait
O
sept jours après son décès. C’est la dame qui naquit ainsi prématurément et la déception était
LI

grande dans la famille car tout le monde aurait souhaité que ce fut un garçon. On a cru un
IB

moment que la prophétie du grand père ne se réaliserait pas ou ne se réaliserait plus. Erreur
-B

collective. A quatre ans cette petite fille a fait fuir de la maison sa tante la plus chérie de la
maison en mettant dans du feu où préparait sa mère des feuilles dont nul n’a su
IA

jusqu’aujourd’hui d’où elle les tenait. Ladite tante qui n’arrivait pas à supporter l’odeur des
R

feuilles était une sorcière à l’insu de tout le monde. La nature exceptionnelle de cette fée ne
ES

s’étalera au grand jour qu’à sa puberté.


D

Un beau matin elle se mit à faire des révélations inédites à son père sur sa destinée.
O

Dans le sommeil elle entendait des voix qui lui indiquaient différentes recettes par des feuilles
C

que le grand père lui montrait en songes, constituant peu à peu son savoir, sa puissance en
occultisme. Avec de l’eau simple elle parvenait à faire des consultations à celui ou à celle qui
venait à elle, arrivait à révéler à son client ce qui l’amenait chez elle, l’objet de sa visite sans
que celui-ci ait prononcé un mot. Son aura lui permettrait de protéger, de sauver même ceux
qui venaient à elle, accablés d’envoûtements, de sortilèges, de maladies. Pour elle les
maladies n’ont pas les mêmes remèdes c’est-à-dire pas de remède standard. Chaque cas a sa
thérapie et sa prophylaxie. Chaque cas a son remède spécifique et elle n’administre jamais le
même remède pour les mêmes symptômes cliniques. A cause de ses prodiges, de ses
désenvoûtements, de ses guérisons, elle a été consacrée ‫״‬Boto voyante‫״‬. Par reconnaissance à
son grand- père qui avait annoncé son avènement elle se fit adepte du vodun ‫״‬AGUE‫ ״‬dont
son feu grand- père était le voduno. Dans son entourage nous avons appris qu’elle ne pouvait
pas doigter quelqu’un, ce serait un malheur pour celui-là, ce serait fini pour lui.

3. ACQUISITION DU BO PAR TROC


Ce mode d’acquisition est le mode que la tradition affectionne le plus entre
connaisseurs tradipraticiens ou Boto réputés. Le vrai Boto ne cède son Bo au postulant que
s’il est assuré que ce dernier lui retournera la monnaie en lui donnant un autre Bo en échange.
Il procède ainsi non avec n’importe quel consultant mais seulement avec un confrère, un autre
Boto qui vient de solliciter son concours pour sortir quelqu’un d’une difficulté, en général un

E
ami sincère, un parent qui n’est pas un profane dans la matière. Il s’agit ici d’une forme de

U
coopération, d’une forme d’entraide, de solidarité. Le premier donne au second ce dont il a

EQ
besoin et ce dernier lui fournit ce qu’il n’a pas en signe de reconnaissance, ce qu’il ne connaît

TH
pas pour compléter son arsenal. Le Bo normal, vraiment efficace ne doit pas être échangé
contre de l’argent mais contre un autre Bo car il doit être exclusivement possédé par une
O
catégorie restreinte de gens appelés des spécialistes. Cet échange est un échange de savoir, de
LI

pouvoir spirituel entre connaisseurs. Il a lieu sur rendez-vous au cours duquel chacun apporte
IB

ce qu’il a.
-B

Certains qualifient cette forme d’acquisition du Bo par l’acquisition par solidarité ou


par sociabilité. L’homme est en effet un être sociable. Mais il ne suffit pas de vivre en société
IA

pour être un être sociable ; cela dépend avant tout des liens que l’on tient, entretient avec son
R

environnement social et humain. Pour sa survie, pour la survie de son groupe et pour la
ES

survie de la société toute entière, il doit entretenir des rapports positifs constructifs avec son
D

entourage. Effectivement les savoirs endogènes ne sont pas tous transmis par un apprentissage
O

assidu, dans un cadre éducationnel comme à l’école au sens moderne du mot. Ils ne le sont
C

pas non plus par simple décision de la volonté, ni par curiosité mais par reconnaissance de la
sociabilité de l’individu, mieux par sa solidarité au groupe.
Le cas le plus fréquent dans la sociabilité solidaire, nous avons l’acquisition du Bo par
location. En général, il s’agit de cas très graves, très particuliers en des situations vraiment
désespérées : sauver une vie humaine, faciliter la délivrance d’une femme en travail, sortir
quelqu’un du coma, désenvoûter un autre ; ce après quoi le locataire est tenu de rembourser
son secoureur d’une manière ou d’une autre selon le degré de joie qu’il a éprouvé lors de son
assistance. Il arrive souvent que pour faire des cérémonies : intronisation, mariage, festivités,
funérailles, tam-tams, on loue un Bo pour faciliter leur déroulement dans la paix, la concorde,
l’allégresse. Parfois pour gagner un procès on a recours au détenteur du Bo propice, rare et on
négocie. Le détenteur du Bo conclut alors un marché avec le nécessiteux et lui indique les
conditions dans lesquelles le Bo doit être utilisé pour ne pas manquer son but. Lorsque ce
dernier a gagné à son procès, il revient à son dépanneur honorer les conditions de ses
engagements à la location. Des difficultés surviennent par la suite car souvent le nécessiteux
pressé par le sentiment de la vengeance ou de défi ou de dignité accepte n’importe quelle
condition qu’il n’arrive plus à honorer chemin faisant, après s’être lavé de l’affront ou après
avoir gagné son procès ou après avoir bien passé ses cérémonies. En général si ce n’est pas
une fille promise en mariage en échange ou d’un champ laissé en gage ou d’une série de
travaux champêtres à effectuer, c’est une forte somme à verser au bienfaiteur, au dépanneur.

E
Cependant les gens auraient intérêt à respecter leur contrat car on ne sait jamais, on pourrait

U
avoir encore besoin du dépanneur.

EQ
Le dépanneur agit souvent par sympathie. Deux individus pris de sympathie l’un pour

TH
l’autre peuvent échanger entre eux des Bo. Cette sympathie peut aller d’un grand-père à un
petit fils, d’un oncle à un neveu, d’un cousin à un autre, d’un ami à un autre, d’une épouse à
O
une co-épouse, surtout sur les problèmes du comportement de leurs maris. Par sympathie ils
LI

échangent leurs connaissances en bien et en mal, en Bo bienfaisants et en Bo malfaisants Ylo


IB

et Kpé, Glo et Flijè. La confiance réciproque est nécessaire surtout pour les Bo destructeurs,
-B

nocifs. Cette notion de confiance affaiblit celle de défense. On ne se confie qu’à celui en qui
on a confiance, on s’abandonne entièrement à lui. Cependant on remarque que le donateur de
IA

Bo mauvais se méfie de son donataire car il a peur d’être la cible de son propre Bo.
R

La plupart du temps lorsqu’un individu cède son Bo à un autre, c’est surtout parce
ES

qu’il est pris de sentiment de pitié pour celui qui a recours à lui. Il lui offre gratuitement son
D

concours parce qu’il a simplement pitié de lui. Dans ce cas le Bo réussit nécessairement et
O

c’est en général un Bo en location, en louage. Les personnes en difficulté vont chez le


C

détenteur du Bo propice pour louer ‫״‬da‫ ״‬en fon, ‫״‬boddida, atindida‫״‬. La composition du Bo
alloué n’est pas livrée. Le Boto reçoit en retour sur le champ ce qu’on veut bien lui donner :
un petit geste pour le kola, l’achat des ingrédients, de la boisson. Ainsi les Boto ne vivent pas
seulement du Bo, ils font aussi autre chose pour survivre.
On peut également louer les services d’un voduno, d’un vodun pour protéger
quelqu’un ou pour lui nuire. Pour attaquer et même tuer quelqu’un il suffit de donner au nom
de l’individu que l’on nomme ce que le vodun n’aime pas, ne tolère pas, ne supporte pas.
C’est souvent de la boisson alcoolisée ou du piment d’Abomey (‫״‬takin winiwini‫)״‬.
L’acquisition par location est très différente de l’acquisition par don.
4. ACQUISITION DU BO PAR DON
On peut faire don du Bo à quelqu’un. Celui-ci est en général un parent, un ami, un
supérieur, quelqu’un pour lequel on a de l’affection. On établit ainsi une relation entre ancien
et nouveau, entre patron et employé, une relation basée essentiellement sur l’amour du
prochain. Le don est fait en guise de récompense d’un service rendu, d’un bienfait, ou tout
simplement comme paiement d’une attitude, d’un comportement jugé poli, respectueux,
gentil, serviable, dévoué. Le don ici est désintéressé, le Boto donateur n’attend rien en retour,
ni argent ni un autre Bo en contrepartie. Il le gratifie pour sa bonne conduite ou pour sa bonne
action antérieure. Autrefois le Bo ne se procurait que par don en gage d’amitié ou de

E
gratitude. La tradition voulait que l’on étudiât d’abord la personnalité de l’individu, la

U
moralité de ses parents, son curriculum vitae. Cette précaution permettait d’empêcher les fous

EQ
(selon les dires d’un informateur en pagne) de disposer de tisons flamboyants qui tôt ou tard

TH
mettraient le feu aux toits. L’éducation traditionnelle exige des jeunes une grande déférence
envers les vieux pour bénéficier de pareils dons.
O
L’acquisition par don est la moins onéreuse. Elle est souvent due au rapport que le
LI

donateur cherche à établir avec le donataire en pure gratuité. Le bénéficiaire s’est fait
IB

remarquer par un acte positif qui fait de lui une référence, un modèle, un homme digne de
-B

confiance, un homme respectable. C’est généralement un Bo tout fait dont le donateur avait
l’habitude de se servir dans l’esprit de montrer au bénéficiaire qu’on est puissant car ce Bo
IA

aurait été déjà expérimenté plusieurs fois. Ce mode d’acquisition peut avoir lieu aussi entre
R

deux individus qui ne se connaissent pas et qui ont éprouvé du plaisir en se rencontrant pour
ES

la première fois. Nous même nous en avons bénéficié plus d’une fois. L’occasion la toute
D

première à laquelle nous avons eu un un tel don fut le moment où nous avions eu à transporter
O

un octogénaire de Attogon à Hinvi à peine sur une distance de cinq kilomètres presque à la
C

frontière entre la province de l’Atlantique et celle de Zou. A cause de son âge, nous lui avions
proposé de rentrer dans notre voiture pour être déposé chez lui. Ayant remarqué que notre
geste ne pouvait provenir que d’un enfant respectueux, le vieillard fut tout heureux de nous
gratifier d’un mignon talisman polyvalent dont le port me donnait une confiance inébranlable
en maints domaines en faisant de moi un chevalier sans peur et sans reproche.
Dans les milieux restreints où s’exerce le contrôle social dans la famille par exemple,
l’acquisition du Bo par don tient compte de la qualité morale du bénéficiaire. Ce ne sont pas
tous les enfants qui héritent automatiquement de leurs parents de leurs pouvoirs occultes. Il
arrive souvent que le père de famille sous-estimant les qualités morales de ses enfants cède
tous ses Bo à quelqu’un d’autre en qui il a pleinement confiance et qu’il estime
particulièrement parce qu’il est son boy à tout faire que l’on traduit en fon par ‫״‬so ka numi so
go numi‫״‬.
Nous avons remarqué que le mode original d’acquisition du Bo est le don qui par suite
de la monétarisation, de la recherche de l’intérêt, du profit, la notion de propriété privée
aidant, s’est transformé en une acquisition par achat ou par vente. Par la suite la transmission
par hérédité qui n’est pas toujours intégrale commença à prendre du regain puisque les jeunes
ne s’intéressaient plus tellement aux choses de la tradition et ne respectaient plus tellement les
vieux… C’est alors par legs et non par don que le Bo s’acquiert ou se transmet.

E
5. ACQUISITION DU BO PAR LEGS

U
Les bénéficiaires du Bo ont des liens de parenté avec le Boto ou sont ses amis. Dans

EQ
les sociétés traditionnelles, le savoir pratique du Bo se garde jalousement par son possesseur.

TH
C’est là l’un des grands maux de nos sociétés. C’est qu’il faut comprendre la portée de la
pensée de Hampaté Ba : ‫״‬Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brule‫״‬. Quand les
O
vieux emportent en effet dans la tombe leur science c’est une énorme perte pour la société
LI

africaine. Mais dans le cas où le vieillard avant de mourir voudrait transmettre quelques-uns
IB

de ses secrets, il s’assure d’abord que la personne à laquelle il voudrait confier ces choses
-B

terribles est capable de les utiliser à bon escient et pour faire du bien. C’est alors qu’il se
penche sur le plus docile de ses enfants, le plus patient, le plus respectueux et le plus
IA

débonnaire pour lui léguer son savoir. Les vieux reprochent en effet aux jeunes leur
R

impatience, leur insouciance, leur fougue et leur témérité. Il le fait au soir de sa vie, le
ES

vieillard qui a des Bo à léguer à son fils ou ami le plus méritant. Les plus dangereuses
D

recettes, il ne les confie que quelques instants avant sa mort comme par attachement à son
O

trésor. Il peut même ne pas le livrer si son entourage ne lui inspire pas suffisamment
C

confiance. L’acquisition par legs se fait à l’intérieur d’une même famille. Mais cette règle n’a
rien d’absolu, car elle peut dépasser ce cadre lorsque le légataire n’a pas de descendant ou
lorsqu’il n’a pas confiance en ce dernier. Le legs se présente alors comme un grand acte de
portée religieuse nécessitant des dispositions strictes. Ce n’est donc plus le mérite comme
dans le cas du don. Mais au-delà le legs se fait à un autre individu sensé être le disciple du
donateur car il est salué comme le représentant du légataire. Il est initié car il a suivi pas à pas
jusqu’à la consécration qui peut durer de cinq à quinze ans suivant les cas. Au-delà du mérite,
de la confiance, une certaine disponibilité de l’individu peut lui faire acquérir le Bo. On
n’hérite pas facilement dans ce domaine, il faut avoir fait ses preuves pour gagner la
confiance du détenteur du Bo, pour hériter de lui.

6. ACQUISITION DU BO PAR HERITAGE


De son vivant le Boto transmet son pouvoir à son enfant le plus digne de lui succéder
dans les affaires familiales qui après sa mort pourra voler de ses propres ailes. C’est pourquoi
celui qui a perdu tôt son père est considéré comme un homme malheureux, proie facile des
méchants de la famille ou de la société.
On hérite du Bo comme on hérite des biens d’un défunt. Si ce dernier avant de
s’éteindre n’a pas eu le temps de désigner son héritier les membres de la famille assistés du
chef de famille, du Hwenugan est appelé à connaître par le Fa celui qui doit continuer les

E
œuvres occultes du disparu. Si plusieurs enfants sont intéressés par cet héritage une lutte

U
s’engage à leur niveau, et le Fa permet sans heurt de trancher la question. Le désigné obéit

EQ
alors aux normes de succession en vigueur dans la famille et prend possession des Bo de son

TH
père comme on lui succède au trône : avec les mêmes considérations, les mêmes craintes, le
même respect, ce qui n’est pas le cas de l’acquisition du Bo par achat.
O
LI

7. ACQUISITION DU BO PAR ACHAT


IB

Le bo est considéré comme une valeur marchande, une marchandise, un article de


-B

vente que l’on peut acquérir avec de l’argent comme une denrée alimentaire. C’est le mode
d’acquisition le plus récent, et le plus répandu de nos jours. Sur la place des marchés, sur les
IA

places publiques, dans les quartiers et rues de Cotonou, de Porto-Novo, de Ouidah,


R

d’Abomey, de Parakou, les vendeurs de Bo ont leur étalage ou se promènent de maisons en


ES

maisons pour proposer aux parents ou aux membres de la maisonnée leurs Bo, vantant leur
efficacité ou vous en donnant à essayer. Certains vendeurs de Bo, ‫״‬Bossato‫ ״‬dressent devant
D
O

leur maison des panneaux publicitaires ou comme des bohémiens stationnent dans les rues
C

avec leur étalage ambulant ou avec des ingrédients accompagnés de Bo tout à fait prêts à être
utilisés. Les Bo vendus, achetés, on les utilise sans en connaître les constituants. Toute
intention mercantiliste dans le Bo ou sur le Bo en diminue l’efficacité car le Bo
originairement ne peut pas être une marchandise, ne peut être vendu. Dans les affaires de
transactions, de marché, il y a toujours duperie, falsification, ce qui ne permet pas de favoriser
la confiance chez les gens, l’amour chez eux. Les opérations les plus délicates dans le
domaine du Bo n’exigent du pratiquant acquéreur qu’un geste symbolique de reconnaissance.
Si de nos jours le Bo perd de plus en plus de son efficacité, c’est à cause de l’esprit
cupide et mercantiliste de ses détenteurs et surtout à cause de la non-observance des pratiques
rituelles qui lui concèdent l’efficience, telles qu’elles ont été dans le passé. L’argent est
devenu la base de tout et rien n’est cédé gratuitement. Ici l’efficacité du Bo n’est pas indiquée
par son coût. Si le Boto est cupide, il réclame beaucoup d’argent même s’il n’est pas
compétent. S’il est compétent et non cupide par contre il réclamera une somme symbolique,
modique. En effet lorsqu’un individu est en difficulté et se présente chez un Boto, celui-ci se
déclare capable de résoudre ses problèmes moyennant finance. L’impétrant achète alors le
service du Boto. Certains fonctionnaires à ce propos dépensent une partie importante de leur
salaire, près de 50% à faire du Bo pour échapper aux sortilèges de leurs camarades ou pour les
dépasser en grade au service ou pour gagner l’estime de leur chef hiérarchique.
Avec l’importance que l’on reconnaît aujourd’hui au Bo, le Bo ne reste pas insensible

E
au pouvoir de l’argent. Pour s’en rendre compte, il suffit seulement d’analyser les relations

U
qui lient les Boto à la bourgeoisie. Les praticiens occultistes tirent d’importants revenus des

EQ
personnalités politiques au pouvoir. Les guérisseurs et les marabouts se sont déplacés pour

TH
eux à grands frais des villages vers les villes, accueillis avec faste ils vivent dans une
opulence qui défie toute imagination. Par leurs Bo ils garantissent les gouvernants au pouvoir,
O
pérennisent leur mandat et arrivent à recommander les leurs ou à imposer leurs points de vue
LI

dans les décisions politiques les plus importantes, surtout dans les temps de crise. Suivent
IB

alors ceux qui ont acquis leurs pouvoirs loin, par des voyages initiatiques.
-B

8. ACQUISITION DU BO PAR VOYAGE INITIATIQUE


IA

L’acquisition des Bo les plus vrais, les plus redoutables, les plus efficaces se faisait par
R

voyage initiatique. Lorsqu’un individu qui se croit puissant et redoutable est accablé par
ES

toutes sortes de maux : disparition brutale et successive de ses enfants, sorcellerie


D

indomptable, maladies incurables, faillite de ses affaires par sortilèges, envoûtements, il se


O

résout à aller à l’aventure pour chercher remède à tous ses maux, pour dépister, braver et
C

vaincre tous ses ennemis. Alors il prend la route vers les régions les plus réputées en Bo à
Adja, à Ayo, à Abékuta, zones Yoruba et nago fort redoutées en Bo. Il se met à la quête du Bo
comme le chevalier à la quête du Graal. En téméraires les jeunes et même les adultes quittent
leurs villages sans bagages et sans ressources pour se mettre au service d’un Boto du coin fort
dans un domaine précisdu Bo. Ainsi les jeunes de la région de Banikoara, de Boni, de
Bemberèkè, de la province du Borgou quittent leurs villages pour se rendre chez les
Gourmantché spécialistes des Bo de la vision pour se mettre à leur service pendant des
années. Ils y vont parce qu’ils souffrent d’un mal indiagnosticable ou d’un deuil récurrent, ou
pour venger un affront. Ils ne sonfient jamais ouvertement leurs desseins, leurs objectifs mais
à force de patience auprès des Boto ils arrivent à gagner leur confiance pour leur soutier des
recettes en pharmacopée, en Glo, en grigris de défense et d’attaque contre force travaux des
champs, recherches de racines, de feuilles, de défrichement de champs, de labours au milieu
de beaucoup de risques.
Au cours de nos recherches sur le terrain nous avons eu la chance de rencontrer un
vieillard de cent ans qui était très fort dans l’occultisme. SEMASSE Jean était son nom,
originaire de Ouidah mais installé à Cotonou depuis plus de soixante dix ans. A force de
perdre ses enfants par sorcellerie il décida vers 1930 d’aller à l’aventure pour trouver des
remèdes imparables contre la sorcellerie et contre la tuberculose qui sévissait à cette époque
où la médecine moderne n’était pas encore installée chez nous. Il travailla tour à tour à Dassa

E
chez les Shabè, à Abéokuta chez les Yoruba. Il réclamait comme salaire des grigris et des

U
remèdes médicamentaux. Aux champs il avait un grigris fait de branchages de feuilles de

EQ
palmier à huile, de petits arbustes d’une houe et d’un coup-coupe. Il disposait le tout dans la

TH
partie non défrichée, non labourée de la brousse à certaine distance et se mettait à battre les
buissons, à dessoucher les arbres, à défricher les lieux de telle sorte qu’avant la tombée de la
O
nuit il arrivait à atteindre par sa houe ou par son coupe-coupe l’endroit où il avait établi son
LI

‫״‬GLEBO‫״‬, son grigris de labour des champs. Il s’engageait sur plusieurs propriétés à la fois
IB

qu’il défrichait avant le coucher du soleil. D’exploits, il gagna l’estime du roi de la région qui
-B

lui offrit en mariage la plus belle fille de la région dont il eut trois enfants. De Boto en Boto
dont il transformait les domaines en champs labourés et ensemencés, il avait comme salaire la
IA

connaissance des racines, des feuilles, des plantes avec leurs vertus occultes. Nanti de
R

plusieurs recettes thérapeutiques, il réussissait à guérir la tuberculose ‫״‬Kpinwé‫״‬, à faire


ES

concevoir les femmes stériles sans enfants, à chasser les sorciers, à guérir toutes sortes
D

d’envoûtements depuis les petits charmes d’amour jusqu’aux envoûtements provoqués par les
O

sorciers. Il faisait la pluie et le beau temps au sens propre. Nous nous souvenons de cette
C

démonstration de pluie qu’il fit à la Présidence, lorsque la sécheresse sévissait et que la


famine menaçait par manque de pluie, il fit tomber la pluie dans un espace restreint de la
Présidence au moment où le Président de la République avait convoqué les guérisseurs
traditionnels, les tradi-praticiens, les Boto, les charlatans pour leur demander d’intervenir pour
modifier le cours de la nature. Il y était en tant que premier Président de l’Association en
question en 1976 au moment où le Marxisme-Léninisme ayant mécontenté nos dieux-lares
avait fait abattre sur notre pays toutes sortes de calamités.
Nous nous souvenons encore de sa rentrée triomphale à Ouidah, lorsqu’en 1958 après
trente ans d’absence, d’exil initiatique, il retourna parmi les siens qui l’ayant cru mort avaient
déjà célébré ses rites funéraires selon les coutumes de Gléhwe plusieurs années auparavant.
Partout où il passait dans la concession familiale les sorciers et les sorcières fuyaient en criant
son nom ‫״‬Jean, Jean, Jean, d’où viens-tu, colle-nous la paix, laisse-nous tranquilles‫״‬. Les plus
dangereux sorciers mouraient, une peur panique envahit la maison et chacun cherchait à
sauver sa tête. Sa maison était remplie de curieux, de malades, de fonctionnaires, de
politiciens, de dames qui cherchaient des remèdes à tous leurs maux. Ses traitements étaient
faits à base de la divination par les cauris, par les noix de kola ou par le sable. Ses grigris
confectionnés étaient très efficaces car il oeuvrait dans la pure tradition : pas d’émoluments
mais seulement les frais pour acheter les ingrédients des Bo sollicités car il était convaincu
que le client qui a eu gain de cause retourne toujours chez le Boto qui lui a permis de vaincre

E
ses ennemis, de sortir de ses difficultés. Il était malgré lui devenu riche, enrichi par les

U
présents des gens qu’il a sauvés. Ses incantations prononcées dans presque toutes les langues

EQ
datcha, shabè, yoruba, nago, fon, gun, mina, suivant les régions qu’il avait traversées en

TH
voyages initiatiques ne manquaient jamais leurs effets. Ces effets étaient instantanés,
immédiats et très dangereux. Il dédaignait la richesse, la nourriture, se réjouissait de ce que sa
O
science en occultisme lui permettait de sauver beaucoup de vies humaines. Ascète, il se
LI

nourrissait rarement, un peu de bouillie de maiis, de mil ou de sorgho ou quelques bananes


IB

plantains, une seule fois par jour. Pour confectionner certains talismans, certaines ceintures,
-B

certaines drogues, il pratiquait jeûne et abstinence à volonté, ce qui augmentait le pouvoir, la


puissance, l’efficience de tout ce qui sortait de ses mains ou de sa bouche. De son vivant
IA

même, il était vénéré par les siens, les gens de son quartier, ses clients, qui continuent encore
R

à le vénérer comme un patriarche, un voduno, un Boto ès art. Hélas, par méfiance de ses
ES

enfants trop récalcitrants, il ne leur a pas laissé sa science, sa sagesse en Bo avant de mourir,
D

mais à la plupart des Boto des Azodato, des tradi-praticiens, il avait laissé un arsenal de
O

remèdes avant de s’éteindre, un matin à l’aurore d’une nouvelle vie à laquelle il croyait
C

fermêment comme continuation de celle d’ici-bas remplie des mérites ou des méfiants que
nous avons amassés sur terre selon le bien ou le mal que nous avons occasionné au cours de
notre existence terrestre. Dieu pour lui est Nature, source de tout grigri et de tout pouvoir et
de tout remède. Certains de ses admirateurs continuent encore à le voir en songe, en vision,
leur communiquant des panacées, des ingrédients pour de nouveaux grigris, dans leur
sommeil.

9. ACQUISITION DU BO PAR VISION


Le rêve au-delà du rôle du gardin du sommeil qu’il joue peut être porteur de sens,
révélateur de recettes dans le domaine du Bo. Il est alors une sorte de divination inconsciente
qui au cours du sommeil permet au subconscient d’enregistrer d’un être invisible les données
constitutives d’un Bo.Ces données sont enregistrées avec une telle précision que le
bénéficiaire à son réveil en acquiert une conscience claire qui lui permet sans effort de
retracer toutes les séquences du processus de la confection d’un Bo déterminé ou d’un
médicament nécessaire. Cependant la nécessité de recourir à un Bokono, un charlatan expert
pour préciser par l’oracle du Fa, les raisons d’être des ingrédients ou des incantations
recueillies en songe. Par l’intermédiaire du Bokono le bénéficiaire s’entend fixer une date
pour la cérémonie de transmission du pouvoir pour se confectionner le Bo par la vision.
Ainsi l’inspiré se doit-il d’être en rapport avec son futur maître pour juguler certains

E
événements néfastes avant la célébration définitive des rites officiels. Le cas échéant

U
persécuté par les esprits à tort ou à raison, il désespère, atteint physiquement ou moralement.

EQ
Il n’y a pas de rupture entre les morts et les vivants. Les morts communiquent en songe avec

TH
les leurs pour leur venir en aide en leur dictant les voies et moyens à suivre pour les tirer
d’affaire. Il a été vérifié par plusieurs individus que ce sont les défunts eux-mêmes qui
O
viennent en assistance aux individus pour leur souffler le Bo à confectionner en songe. Par
LI

ailleurs ce songe peut être l’œuvre de leur inconscient qui continue dans le sommeil à
IB

s’occuper de leur préoccupation de la veille pour leur délivrer la recette salvatrice.


-B

Au cours de nos enquêtes un vieux de Ouassa appelé TOBRE, de grande réputation en


grigris et en thérapie nous a rapporté qu’il a reçu ses pouvoirs de grigriseur en rêve.
IA

‫״‬Il y a bien longtemps, disait-il, avant l’avènement du Président Maga au


R

pouvoir (1960) le génie tutélaire de ma famille s’était manifesté à moi sous la


forme d’une panthère pour me délivrer les secrets d’une plante avec laquelle je
ES

pouvais désenvoûter les gens empoisonnés. Comment quelqu’un qui n’a jamais
exercé la profession de guérisseur peut-il se lever un beau matin et prétendre
D

devenir guérisseur émérite, ce qui n’a pas été facile car j’ai un peu paniqué et
O

hésité longtemps avant de me mettre à faire à la révélation du génie qui ne


manque pas de se révéler à moi quand je suis en proie à des difficultés de
C

traitement. Aussi comme mon grand père me suis-je mis à soigner les gens.
J’avais moi-même hérité de mon grand père un miroir qui me montrait le
traitement à suivre selon les cas et j’avais grâce à ce miroir des résultats bons ou
mauvais. Par ce même miroir, j’arrivais à connaître le caractère de mon client :
malhonnête ou honnête, voleur, criminel ou sorcier‫״‬.

Certains génies arrivent à retirer à leurs inspirés leurs pouvoirs s’ils constatent qu’ils
n’en font pas bon usage ou s’ils sont trop cupides en taxant fort leurs clients. La plupart des
soins ou des secours apportés devraient être gratuits. Ils se montrent aux gens au début de leur
sommeil, de leur maladie dans une fièvre légère et leur font perdre connaissance avant de leur
accorder les pouvoirs qui leur sont nécessaires en leur dictant les attitudes à adopter, les
solutions à leurs énigmes, à leurs difficultés. En général ils se manifestent aux chefs des
couvents, des voduno, aux tradi-praticiens, aux Boto, aux Bokono, aux chefs de famille bien
attachés aux us et aux coutumes du Hènu.

10. ACQUISITION MYSTYQUE DU BO


La vraie science du Bo peut être envisagée comme un pouvoir détenu par les gens qui
sont considérés comme des vodun dès leur naissance, les anormaux appelés en fon
‫״‬TOXOSU‫״‬, le monstres, les parias de la société, les initiés. La plupart en demi-sommeil
entrent en contact avec les esprits de la nature qui leur enseignent diverses recettes de grigris,
en médicaments, en incantations. Invisibles aux hommes, ces esprits ont un pouvoir supérieur

E
à celui des hommes, ce qui les met en déphasage avec les hommes. Au nombre de ces esprits

U
on peut citer Aziza, très populaire dans nos légendes, Lègba vodun ès-ruse, Mammy Water,

EQ
sirène de la mer. Il n’est pas facile de communiquer avec ces esprits qui selon certains

TH
informateurs en pagne sont des êtres surnaturels qui ont cédé pour la première fois le Bo à
l’homme. Ce dernier au cours de ses expériences personnelles a réussi à prendre contact avec
O
eux une fois que le degré de spiritualité de l’homme s’est accru. C’est donc en communiquant
LI

avec certains esprits que l’homme a perfectionné sa puissance en Bo, a acquis même certains
IB

Bo, simples mais très redoutables et très efficaces… Un paysan bossu très fort en occultisme
-B

nous a fait cet aveu :


‫״‬Ce sont les esprits mêmes de la nature qui me donnent le Bo. C’est pourquoi le
IA

Bo que je fais ne rate jamais ses effets. Ce ne sont pas les hommes qui possèdent
le Bo mais ce sont les esprits qui le leur communiquent. ‫״‬
R

C’est là, l’acquisition mystique du Bo.


ES

Certains Boto en effet, les Bokono, les Azeto, les Azodato, les vrais sorciers, les voduno
D

obtiennent les recettes du Bo par consultation de leur vodun ou du Fa. Leur niveau de
O

spiritualité dépasse de beaucoup celui de la moyenne des hommes et de ce fait ils constituent
C

une minorité. On va jusqu’à dire que cette minorité a signé un pacte avec Lègba, le génie des
ruses pour garantir son action sur les autres hommes, les clients qui viennent à eux, les Boto,
les tradi-praticiens, les Bokono. Cette minorité se dessine facilement lorsqu’on s’interroge sur
la transmission du Bo par régionalisation. De même que dans la pratique il y a une certaine
nuance, une certaine exigence, une certaine précision, une certaine déontologie qui portent la
marque de la région.
CHAPITRE V
REGIONALISATION DE L’ACQUISITION DU BO
Le Bo est un savoir, un pouvoir dont l’acquisition varie d’une région à l’autre suivant
l’influence de la monnaie qui introduit des différences dans les modalités de transmission.
Le désir de chercher à satisfaire leurs besoins matériels a amené certains détenteurs de ce
savoir à le commercialiser, surtout dans les centres urbains où la plupart des détenteurs
sont des affamés. L’acquisition se régionalise suivant les milieux, les ethnies ou les
différentes régions du Bénin.

1. CHEZ LES ADJA


Le Bo est détenu par les sages traditionalistes, conservateurs par surcroît. Le jeune
Adja pour en bénéficier doit se montrer mûr d’esprit, moins nerveux, peu irrascible. Ici c’est

E
par hérédité que la transmission se fait. Un vieil Adja avant que son aîné ait atteint l’âge mûr,

U
EQ
délègue son pouvoir à un autre membre de la famille ou à un ami qui est tenu de le
transmettre à son tour lorsque l’enfant sera jugé mûr. Autrement dit l’ainé hérite les bo de son

TH
père défunt. Pour le faire on appelle l’orphelin aîné un petit matin pour lui céder l’héritage en
Bo que son père a laissé avant de quitter ce monde. Un rituel approprié a lieu comme partout
O
ailleurs dans les autres ethnies.
LI
IB

2. CHEZ LES FON


-B

L’acquisition et la transmission du Bo sont régies par la tradition selon les rapports


horizontaux et verticaux. Traditionnellement le Bo joue un rôle décisif dans l’exercice du
IA

pouvoir qui est gérontocratique. Le Dah n’étant pas en général le plus âgé parce que désigné
R

par l’oracle, a recours aux recettes du Bo pour pouvoir régner.


ES
D

A Abomey tous les ans au mois de décembre ou en début d’année tous les Fon quittent
O

leurs différents coins pour retourner au bercail et célébrer le Hwetanu, cérémonie au cours de
C

laquelle on donne à manger aux morts et on se ressource à la sève de vie nouvelle au


sanctuaire des mânes et des vodun. A cette occasion les jeunes profitent pour soumettre aux
vieux leurs difficultés, leurs problèmes qu’ils n’ont pas pu résoudre jusque là. Les vieux
confectionnent alors pour eux des gris-gris nécessaires pour leur permettre de parer à de
pareilles situations désormais. En dehors de ce contexte familial, les fon échangent entre eux
le Bo par amitié, par camaraderie, par solidarité, par pitié, par troc, par achat ou par location.
En leur sein A complète B et B complète A. Il est de règle que si quelqu’un est en difficulté
l’autre lui vient en aide par son Bo. Cette manière de voir les choses renforce les rapports
horizontaux. Le Bo se commercialise aussi en leur milieu. L’idée du gain facile a
considérablement modifié les conditions fixées par la tradition. Le Bo cesse d’être donné
gratuitement à celui qu’on ne connaît pas. Il peut arriver qu’on le reçoive d’un vieux inconnu
auquel on a fortuitement rendu service, par respect ou par altruisme pur et simple. Il nous est
arrivé de bénéficier du Bo de cette manière. Un jour nous avons pris en auto-stop un vieillard
très fatigué de marcher. A sa descente, il a cherché à nous payer en somme d’argent alors
nous lui avons demandé de nous donner en cadeau une de ses bagues (il en avait au moins une
douzaine à l’annuaire). Généreusement, il en décrocha une en nous recommandant de ne
jamais lever le doigt porteur de cette bague sur quelqu’un au risque de lui attirer malheur
ainsi. Par contre ladite bague nous protégeait en tant que polygo contre tout, contre tout assaut
ennemi, contre tout empoisonnement, contre tout accident de circulation, et contre tout

E
mauvais sort. Nous en avions une assurance et une fierté telles qui relevaient de la témérité.

U
Un beau jour elle a disparu de notre doigt et jusqu’ aujourd’hui nous continuons à chercher la

EQ
solution de ce mystère. Les sages disent que la bague aurait terminé sa mission auprès de

TH
nous.
De nos jours l’argent est devenu la condition sine qua non de l’acquisition du Bo. Il
O
arrive d’ailleurs que les Fon pour se tirer d’affaire aient recours à d’autres ethnies.
LI
IB

3. CHEZ LES BAATOMBU


-B

Très conservateurs et très imbus de leur personnalité, les Batombu ont horreur de la
honte, de l’irrespect, de l’orgueil. Qu’on soit de leur famille ou linguistique ou pas, ils sont
IA

prêts à vous livrer leur Bo pour peu que vous soyez polis, respectueux, corrects ou serviables
R

envers eux. Pour eux tout moment est favorable pour faire usage du Bo pourvu que ceux-ci
ES

soient sages, dociles et obéissants. Par ailleurs, les Baatombu sont très sensibles au geste, au
D

don qu’on leur fait. Pour eux, un geste sympathique, un don quelconque est un signe, un
O

témoignage de respect, d’honneur ou de reconnaissance à quelqu’un. On a beau être riche ou


C

influent en milieu baatonu, le Baatonu ne donne son Bo qu’à celui qui est entré dans ses
bonnes grâces par sa conduite respectueuse, par sa bonne conduite ou par les valeurs morales
dont il fait montre comment la modestie, le respect de la personne plus âgée, la fuite de la
honte, preuve de la bonne éducation reçue.
Contrairement aux Dendi, l’emploi de la monnaie n’est pas un moyen pour acquérir le
Bo auprès du Baatonu. Après avoir récompensé quelqu’un de sa conduite par un Bo, le
Baatonu peut accepter de lui de l’argent mais en aucun cas il ne peut accepter d’échanger un
Bo contre de l’argent. Le Baatonu ne vent jamais son Bo.
4. CHEZ LES DENDI
Les Dendi ont reçu leur puissance en "Tim" chez les Zerma du Haut-Niger ou du
Songhaï. Or, c’est de là que descendent les vendeurs du Bo, un gros sac en bandoulière, qui
sillonnent toute la République du Bénin.
A défaut des Zerma du Niger ou du Sénégal, qui commercialisent le Bo, les Dendi du
Bénin prennent de l’argent avant de livrer leur Bo. Que ce soit à Malanville, à Djougou, à
Kandi, à Parakou ou à Cotonou la plupart de ceux qui vendent les tilas, les bagues, les
poudres Agum‫ כ‬les aphrodisiaques habitent à Zongo. Par ailleurs même sans argent le Dendi
livre le Bo à son enfant pour lui permettre de se tirer d’affaire à tout moment sans lui. Pour se
défendre dignement. Seul pourtant l’argent est le seul lien qui lie le détenteur du Bo à celui

E
qui l’achète. Avec le Dendi l’acquisition ou la transmission du gri-gri prend un caractère

U
mercantile comme chez les Yoruba.

EQ
TH
5. CHEZ LES DITAMMARI
L’acquisition ou la transmission du "Tim" se fait par initiation qui assure l’intégration
O
de l’individu dans le groupe social. On organise tous les ans des cérémonies "Difoni", fêtes au
LI

cours desquelles les jeunes ditamaribe font montre de leur puissance en "Tim". Généralement
IB

ces fêtes ont lieu après que les jeunes ont passé une semaine de réclusion dans la brousse. Le
-B

jour de la sortie chaque jeune essaie d’étaler sa puissance en montrant publiquement comment
il est devenu invulnérable à toute arme contondante ou blanche. Plus les vieux cherchent à
IA

éviter la honte plus ils livrent à leurs enfants des "Tim" pour leur permettre de passer
R

dignement le cap de leur initiation, de leur intégration sociale. Aujourd’hui comme hier le
ES

mode d’acquisition et de transmission du "Tim" n’a pas changé en leur sein. Il n’est jamais
D

échangé contre de l’argent ni à un individu d’un autre groupe socio-linguistique (sauf cas
O

vraiment rare). Même au sein de leur propre ethnie, ils ne livrent pas le "Tim" à tout venant
C

car pour eux le "Tim" est le reflet de leur titre d’homme, de leur dignité creusée à grands
services. Ils ont tellement la honte en horreur qu’ils gardent jalousement leurs connaissances
en occultisme pour être singulièrement prêts à relever un défi à tout moment. En cela ils sont
comparables aux Baatombu dont nous avons déjà parlé.
Les Ditammaribe sont des gens qui vivent avant tout de
De l’agriculture, de la chasse et de l’élevage. Lorsque les jeunes vont à la chasse, les vieux,
leurs parents leurs indiquent les ingrédients nécessaires à la confection des "Tim". Dans leur
activité de production ils s’attachent à retenir dans la nature les feuilles, les racines, pouvant
les aider à se défendre et à se protéger. Par ailleurs dans leurs déplacements vers les centres
urbains ou dans les pays voisins, ils ont des gris-gris qui raccourcissent les distances. Le souci
des sages ditammari est de protéger leurs enfants qui les quittent pour aller à l’aventure ou
pour chercher fortune ailleurs.

6. CHEZ LES HOLLI


Originaire d’Oyo du Nigeria, les Holli sont conservateurs de tradition. En dépit de
l’infiltration du Christianisme en leur sein, les Holli éprouvent de façon permanente le besoin
de faire usage du Bo. chez eux le Bo s’acquiert par héritage ou par don ou par achat.

Acquisition par héritage

E
U
C’est le mode le plus ancien. Il s’observe dans les familles où les pratiques animistes
dominent les autres pratiques religieuses. Le Bot‫ כ‬appelé en Holli "ONICOGUN" choisit

EQ
parmi ses enfants le garçon le plus patient, le plus doué, le plus persévérant pour lui montrer

TH
dès le bas âge les différentes matières premières dont l’assemblage peut monter un Bo. Le
garçon ainsi désigné suit son père partout, se met à son service, et acquiert progressivement
O
LI
son savoir en Bo. Il est l’assistant de son père dans la confection des Bo, obtient de lui
IB

l’autorisation de recevoir les clients, fait des consultations, des prescriptions selon les clients.
Lorsque le père se rend à l’évidence que les clients sont satisfaits des Bo confectionnés
-B

par son fils, il en conclut que son fils a bien assimilé ses leçons et il décide de lui déléguer une
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partie de son pouvoir un mardi ou un vendredi. A la mort de son père ; le fils prend sa
succession, ce qui lui donne une grande influence dans le milieu. La population le respecte et
R
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le craint car elle sait qu’il a hérité des Bo redoutables de son père, qu’il s’y connaît. Il reçoit
de ses clients d’importants cadeaux, de fortes sommes d’argent lorsque ceux-ci sont satisfaits.
D

Selon leur degré de satisfaction ils apportaient coqs, poulets, moutons, pintades, boissons en
O

signe de reconnaissance et de fidélité à leur engagement car en détresse ils avaient fait des
C

promesses de victuailles.
Progressivement le petit fait de sa maison une clinique où les consultations se font à
un montant donné. Plus les frais de consultation sont bas plus le nombre des consultés est
élevé et plus intéressantes deviennent les recettes. Il en résulte une sorte de loi économique de
l’offre et de la demande qu’on peut énoncer ainsi : moins le Bo est cher, plus il y a de
demandes et plus il devient riche. Devenu riche il acquiert une importance dans la société non
pas parce qu’il est riche, mais parce qu’il a des Bo redoutables, puissants. Sa position sociale
nouvelle créée autour de lui sera inqualifiable. Il participe aux décisions familiales les plus
sérieuses, bénéficie pour ses travaux des champs d’une main d’œuvre à bon marché, ce qui
lui permet d’avoir une production agricole à moindre coût. Il maximise donc son profit. Avec
son double manteau de Bot‫ כ‬et de riche il instaure un système particulier d’exploitation de
l’homme par l’homme.
Lorsqu’un Holli fait preuve d’une bonne moralité son oncle lui procure de bons Bo. Le
Bo n’a pas le même coefficient de crédibilité et de valeur s’il est acquis par don ou par
héritage en milieu Holli, encore moins par achat. Le milieu holli à cet égard constitue une
source de croyance qui naît de l’utilisation du Bo à laquelle l’anthropologue peut se référer
pour mieux appréhender les valeurs culturelles de la société hollie. Dans les annales de
l’histoire cette société a laissé trace dans les mémoires collectives par et pour sa résistance à
la colonisation. On en parle de nos jours : Cette résistance n’était pas dûe aux armes

E
ordinaires mais au Bo. Ils avaient par exemple réussi à faire mûrir tous les régimes des

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bananiers de leur plantation à la fois. Les envahisseurs soldats français les ayant prises pour

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des bananes mûres en mangèrent et moururent tous parce que cette maturité n’était pas

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naturelle, mais provoquée par le Bo à dessein, un Bo mortifère.
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7. CHEZ LES YORUBA
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Les Parents Yoruba ne livrent en général leurs Bo à leurs enfants que quand ils vont à
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l’étranger, au service militaire, travailler dans les plantations de cacao ou de café du Nigeria,
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au Ghana ou en Côte d’Ivoire. Deux modalités de transmission à leur niveau : livraison du Bo


par don ou par achat. C’est surtout dans nos grandes villes, Cotonou, Porto-Novo, que le Bo a
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un caractère onéreux. Là les Yoruba qui ont carrément rompu avec la tradition sur ce point
R

prennent non pas une somme modique, symbolique mais bel et bien des billets de banque bien
ES

comptés. Alors qu’à Kétou, à Sakété, à Savè, à Koffo, à Gbédé, à


D

KËKËrË ou à Idoga, le siège même du Bo, le Bo ne se commercialise pas.


O
C

8. ACQUISITION DU BO A AGONLI
Dans la région d’Agonli la première forme de Bo est le Bo qui sert à nuire à autrui,
ensuite vient la deuxième forme, celle qui sert à se protéger. Dans ces deux cas les modes de
transmission sont très différents. Dans le premier cas il faut faire très attention car il s’agit de
la vie humaine. Dans le deuxième cas, le Bo s’acquiert très facilement pourvu qu’on ait
l’argent.
A Agonli où l’organisation sociale prend appui sur le Bo et se définit comme un
système de rapports qui existent entre les membres de la société et surtout entre les groupes
sociaux eux-mêmes, entre les familles et les membres d’une même famille. Ces rapports
légitiment des devoirs et des droits réciproques socialement car ils permettent de situer
l’homme dans la société selon un ordre hiérarchique rigoureux et de le mettre en harmonie
ensuite avec le monde des invisibles. L’acquisition du Bo obéit aux confréries initiatiques et
aux classes d’âge.

(a) Selon les confréries initiatiques :


A Agonli elles regroupent les gardiens des arbres, des forêts, les gardiens des rivières
sacrées et les gardiens de Tolagba comme à Doga par exemple. Les rassemblements dans les
confréries ont lieu la nuit, on y apprend beaucoup de choses en s’inoculant dans les yeux des
produits spéciaux qui sont de véritables collyres de la vision.

E
U
(b) Selon les classes d’âge :

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Elles constituent le sommet de la hiérarchie dans la pratique et l’acquisition du Bo. La

TH
classe d’Asanyi Bokono qui s’occupe des morts, classe réputée dans la confection des Bodida
(Bo mauvais) ; la classe des "Az‫כ‬nyant‫( כ‬protecteurs du village) et la classe des "d‫כ‬nugan"
O
(ceux qui s’occupent des cérémonies funéraires). Il s’agit ici des jeunes gens promus dans leur
LI

vieillesse au rang de "Asanyi Bokono" car l’âge minimum pour accéder à ce rang est de
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soixante ans.
-B

© Le rite de la transmission du Bo à Angoli


IA

Au niveau de la famille c’est le "Vigan", le responsable des enfants qui est chargé de
R

chercher ailleurs les Bo nécessaires à la survie des membres de la famille. Lors des mariages,
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des naissances des litiges conduisent souvent loin. Dans ce cas précis on acquiert le "Bodida"
D

(le Bo mauvais). Et où acquiert-on le "Bodagbe" (le Bo bienfaisant) ? Auprès des familles qui
O

en ont déjà fait une fois l’expérience. Donnons un exemple de l’acquisition du "Bodida" qui
C

montre que son mode de transaction est fort complexe et fort éprouvant à Agonli. En 1977
une jeune fille de la classe de sixième était convoitée par deux élèves dont les parents ne
s’amusaient pas avec le gri-gri et tout le village les craignaient en ce sens. Très souvent le
mariage entre jeune fille de Covè et jeune garçon d’Agonli est difficile voire mortel à cause
des antécédants historiques entre ces deux quartiers voisins. Ainsi les parents d’Assiba,
l’élève de sixième ont interdit à Emile dit "Zola" d’entretenir une quelconque relation avec
leur fille. Malgré cette interdiction, le jeune homme intrépide parce que amoureux a persisté
dans sa conquête.
Les parents de la fille sont allés voir ceux d’Emile pour les mettre en garde contre le
risque que court leur enfant, vainement. Là les parents de la fille ont perçu une provocation
dans l’entêtement du garçon et se sont engagés à prendre leurs responsabilités, toutes leurs
responsabilités en armant leur fille en conséquence. Entre-temps l’oncle de ce dernier a
demandé à son père d’aller consulter le vieux "Zounon" à Awinvi pour lui arracher des
"contre-passou" (des gris-gris contre les dangers imprévisibles) car son fils était exposé à de
graves dangers. Le père d’Emile entra ainsi en possession de divers Bo du genre. Trois mois
plus tard Emile Zola tomba subitement malade et se refusa à tous les soins de son père en
banalisant la maladie. Contre toute attente il mourut au bout de quelques jours en participant à
un concours des douanes.
Le vieux Zounon indigné et compatissant souffla au père du défunt qu’il pourrait

E
l’aider à se procurer le gri-gri avec lequel on avait tué son fils. Il lui aurait suffi d’arracher un

U
fil noir au pénis de son enfant pendant une nuit entière et de le reprendre avant le lever du

EQ
soleil. Le fil assaisonné des ingrédients nécessaires lui servirait à venger son fils de la même

TH
façon, ce qu’il accepta sans rechigner. Ainsi il s’est procuré un Bodida vrai, le Bodida qui a
occi son enfant il l’a eu après avoir perdu son enfant). En effet si ce malheur ne lui était pas
O
arrivé, jamais il n’aurait eu vent de ce Bo. Pour acquérir un Bodida, il faut être dans certaines
LI

conditions psychologiques afin d’en éviter l’usage abusif ou répété. Tous les frères du défunt
IB

ont été vaccinés contre ce Bo ou contre cette forme de mort (c’est pour avoir été le secrétaire
-B

du vieux éprouvé que notre informateur qui avait l’habitude de lui écrire et de lui lire son
courrier qu’il a pu se renseigner et se procurer ce Bo), Bo acquis par pur don, par
IA

reconnaissance pour services rendus. D’ailleurs en règle générale en milieu Agonli le Bodida
R

s’acquiert en dehors de sa propre famille par récompense pour services rendus.


ES

Au niveau des classes d’âge, cela se passe autrement. C’est au cours des cérémonies
D

qui se passent une fois l’an que le Bo s’acquiert. Au cours desdites cérémonies chaque
O

participant vient étaler ses nouvelles acquisitions en Bo. Lorsqu’un membre de la même
C

classe d’âge s’arrange pour avoir un Bo d’une autre région, les autres l’observent pour voir
quand est-ce qu’il va leur communiquer sa nouvelle acquisition. Ceci a lieu dans les sociétés
secrètes, les couvents des " Kutit‫כ‬, des "Oro", près d’Agonli. Au début de chaque année la
tradition veut que chaque région du Bénin envoie ses représentants valables à la rencontre des
"Egun" dans la forêt sacrée. Notre informateur faisait partie de la délégation de l’Ouémé. Son
choix a été motivé par le fait qu’il menait une vie solitaire, austère, ascétique, dans une forêt
sacrée, au bord du fleuve, attrapant de ses mains sans dangers les serpents les plus venimeux.
Pendant ces cérémonies il est interdit de sortir la nuit si on n’est pas suffisamment préparé car
on risque la mort. C’est l’occasion de faire pavane de ses nouvelles acquisitions et c’est aussi
le moment de prendre connaissance des Bo véritables durant en général trois semaines et il y a
toujours des morts au cours de leur célébration.
Le rite d’acquisition du Bo est complexe si la classe qui détient le Bo est compliquée.
Quand quelqu’un s’y hasarde par simple curiosité on le fait disparaître sans traces. Il faut
cependant faire remarquer qu’ Agonli le Bo s’acquiert aussi par simple achat.
Ainsi à Tan, un village d’Agonli, les gens vendent du Bo comme du pain. Mais il
s’agit le plus souvent de Bo qui peuvent transformer l’individu, lui causer une reconversion.
Ainsi pour punir une jeune courtisée qui refuse vos avances, il vous suffira d’aller au marché
de ce village avec une modique somme de cinquante francs et le sort de la fille sera réglé.
Pour les gens de ce hameau le refus est interprété en terme de provocation, il faut toujours

E
voir ce sur quoi compte la personne qui refuse. L’acquisition du « Bodagbe" (du gri-gri

U
bienfaisant) y est rare, car très difficile. Si vous achetez un "Bodida" a cinquante francs, le

EQ
Bo réparateur coûtera quatre fois plus.

TH
Au demeurant de toutes les modalités d’acquisition du Bo que nous venons de voir,
l’acquisition par achat ou par vente est le mode le plus fréquent, le plus pratique, le plus
O
simple. Ce qui est en vogue dans la plupart de nos villes. Un peu partout on rencontre des
LI

vendeurs de Bop comme des vendeurs d’akassa. Aussi l’acquisition du Bo devient-elle facile
IB

et à la portée de tout le monde. Les qualités morales autrefois requises ne font plus barrière.
-B

Aujourd’hui il suffit d’avoir de l’argent pour prendre possession du Bo voulu. Ce ne sont pas
seulement les vendeurs ambulants qui se livrent à ce commerce contre la tradition. Bon
IA

nombre de guérisseurs traditionnels le font, usant de leur titre et profitant de la situation. Bon
R

nombre de guérisseurs traditionnels le font, usant de leur titre et profitant de la situation grave
ES

du niveau d’intégration du Bo dans la société pour satisfaire correctement leurs besoins


D

alimentaires et financiers. On acquiert le Bo tout fait sans recettes, sans formule de


O

composition.
C

Ce mode d’acquisition du Bo avilit la classe des Bot‫ כ‬en rendant le Bo populaire, non-
mystique et non-mystérieux et secrète une nouvelle catégorie de Bot‫ כ‬appelés en fon
"Awobot‫( "כ‬qui fabrique quelque chose pour vendre, pour tromper). Malheureusement ce
mode trop facile d’acquisition du Bo ne nous renseigne pas sur la transmission effective du
Bo car le Bo pour se transmettre respecte une déontologie. Quelle est- elle ? D’où la théorie
de la transmission du Bo.
CHAPITRE VI
THEORIES DE LA TRANSMISSION DU BO
Le problème majeur de la pratique du Bo est celui de sa transmission. Le Bo ne se
transmet pas n’importe comment ni à n’importe qui. Sa transmission est d’abord une affaire
d’homme à homme et non de femme. Même si l’on rencontre des femmes qui sont versées en
ce domaine, elles bavardent trop. Or le Bo est un secret qu’on ne peut pas livrer aux bavards.
C’est pourquoi le Bot‫ כ‬veut s’assurer la confiance de celui à qui il veut transmettre son Bo. Il
veut s’assurer que celui-ci en fera bon usage, d’où le scepticisme qui le pousse à faire une
enquête de moralité sur lui au préalable. Néanmoins, le postulant doit offrir au Bot‫ כ‬force
cadeaux : argent, alcool, tabac, kola, habits, car rien n’est gratuit. Une fois que le Bo est

E
transmis, il a besoin d’être pratiqué, stéréotypé sinon c’est l’oubli.

U
Le second problème est celui de la transcription phonétique. Un mot mal transcrit sera

EQ
mal prononcé, ce qui est susceptible de dénaturer le Bo surtout en cas d’incantation. La

TH
nécessité de l’alphabétisation se fait sentir vivement en linguistique. Pour parer à tout cela il
faut procéder à des enregistrements sur cassette.
O
On a remarqué que la population citadine se désintéresse du Bo. La jeunesse actuelle
LI

ne croit plus rien, ne vénère rien. Le goût de l’exode rural a conduit les jeunes à abandonner
IB

leurs parents au village pour mourir avec leurs recettes en Bo. Il faut alors œuvrer pour
-B

intéresser les jeunes aux choses de la tradition en général et du Bo en particulier pour


encourager les vieux à les céder aux jeunes. Pour venir à bout de la théorie de la transmission
IA

du Bo, nous en verrons les causes, la phénoménologie et les conséquences.


R
ES

(a) Les causes de la transmission du Bo :


D

1.Ordre social
O

Les causes se ramènent aux relations que l’on entend avoir avec son groupe social et
C

les implications que ces dernières supposent. Elles s’imposent par l’utilité du rôle que chacun
reconnaît avoir à jouer dans sa société. Ainsi il en est du Bowat‫ כ‬qui guérit les malades, fait
concevoir les femmes stériles, apporte des remèdes psychologiques aux individus. Il aimerait
que la société puis continuer à bénéficier de son savoir après la mort.
2. Ordre prestigieux
Le Bowat‫ כ‬gagne une certaine renommée, un certain prestige dans l’utilisation du Bo,
de son Bo. C’est un indescriptible honneur pour lui d’entendre que c’est grâce à lui que telle
personne fait du Bo, que telle autre a trouvé tel remède et que tel gri-gri continue d’être
employé.
3. Ordre financier
Les causes d’ordre financier sont plus concrètes, plus matérielles que les raisons des
deux premiers ordres. Il peut s’agir d’un inter-échange. Un Bowat‫ כ‬peut échanger un Bo pour
un service dont il a bénéficié. Il peut donner un Bo pour de l’argent, une maison, une voiture,
une femme à épouser, une parcelle. Certains citadins arrivés au village font toutes sortes de
cadeaux aux villageois qui pour les récompenser en retour leur octroient des Bo. Parfois des
gens se mettent au service des Bowat‫ כ‬pour bénéficier de leur savoir. .
4. Nécessité dès la transmission du Bo
La nécessité est de l’ordre de ce qui ne peut pas ne pas être tandis que le devoir est une
obligation morale que peut ressentir un individu. La transmission du Bo est une nécessité pour

E
la survie de la culture béninoise, africaine, dans la mesure où la transmission du Bo fait partie

U
du système éducatif propre à notre milieu. Elle est nécessaire au maintien de l’équilibre

EQ
culturel et à l’immortalisation du Bot‫ כ‬qui lègue sa connaissance aux membres de la société

TH
qui lui survivaient. Cette nécessité de transmettre garde un caractère très positif.
Par ailleurs la transmission du Bo garde un caractère d’obligation morale. Elle se
O
présente donc comme un devoir non pas au sens Kantien du terme mais au sens de Stuart
LI

Mill. Le devoir est le sentiment qui doit animer un Bot‫ כ‬d’être utile à son enfant, à son
IB

assistant, à son client, à son initié. C’est ce sentiment qui par moment le pousse à se montrer
-B

réticent, réservé vis-à-vis du tiers en cas de transmission du Bo. C’est un devoir moral pour un
père de léguer son pourvoir à son enfant avant de s’éteindre, pour lui permettre de continuer
IA

son œuvre de salut des autres. Mais ce sentiment de devoir peut être terni par le manque de
R

confiance en l’individu auquel on veut transmettre le Bo. Pour susciter cette confiance et pour
ES

maîtriser on est parfois obligé de se lier par le pacte de sang pour les Bo vraiment dangereux.
D

(b) Phénoménologie de la transmission du BO :


O

L’étude des modalités de la transmission du Bo a permis de connaître les mentalités


C

des populations étudiées, surtout leur degré d’évolution qui entraîne leur degré d’assimilation.
Par ces modalités, ces sociétés, ces ethnies, ces régions font preuve de l’existence d’un type
de système éducatif authentique par lequel ce qui est appris et su peut être communiqué à la
génération future elles sont des matrices de la culture et la transmission du Bo apparaît à la
fois comme un mythe et comme une réalité, une nécessité pour l’équilibre culturel et social du
groupe et une obligation morale pour le Bot‫ כ‬lui-même sérieux. Elle est à la fois ésotérique et
exotérique.
La transmission du Bo est une pratique ésotérique en ce sens qu’elle se fait seulement
à des adeptes qualifiés. Elle fait donc partie du domaine de l’occultisme, de
l’incompréhension pour quiconque n’appartenant pas au petit groupe des initiés.
Quant à sa pratique exotérique, elle est à l’opposé de la première ; elle est une pratique
à laquelle tout le monde peut avoir accès. Toutefois l’acquisition du Bo exige un
apprentissage, une connaissance parfaite des vertus des plantes et des incantations. C’est
pourquoi la transmission exige une certaine initiation.
1.Bo et Ecriture
La transmission par écrit consiste à :
L’enregistrement des recettes. Avec l’implantation des écoles étrangères en Afrique, la
disponibilité fait de plus en plus défaut. D’abord contestée, l’école est devenue par la suite un
lieu assez fréquenté. Les parents se sentent honorés d’envoyer leurs enfants à l’école pour

E
devenir des "Akowé". Les vieux Bot‫ כ‬y voient aussi un avantage car ils pourront ainsi

U
transcrire leurs recettes, les conserver et les sauver de l’oubli.

EQ
Le Bot‫ כ‬demande à l’initié d’apporter un cahier dans lequel il coucherait les recettes

TH
en Bo ou du Bo. Cette forme de transmission est beaucoup plus théorique que pratique et
dépend de la disponibilité des deux. Dans ce cas c’est surtout au temps libre du Bot‫ כ‬et au
O
cours des conversations qu’il délivre les secrets du Bo. L’initié ici peut être un parent, un ami,
LI

un autre Bot‫ כ‬ou une simple connaissance dont il a gagné la confiance. Cet initié peut être un
IB

instituteur, un infirmier du coin dont la devise est : "servir partout où besoin sera". Ce dernier
-B

emploie ses temps de loisirs à faire des cadeaux de tous genres. C’est donc en signe de
confiance, d’estime, de satisfaction à l’égard de son ami que le Bot‫ כ‬transmet cette fois-ci sa
IA

science. Cette forme de transmission est plus rassurante que la première, elle s’impose
R

progressivement et l’on remarque à présent que certains Bot‫ כ‬préfèrent travailler avec des
ES

documents écrits beaucoup plus en comptant sur leur mémoire. Cette forme de transmission
D

reste quelque peu difficile à cause de la langue étrangère dans laquelle on prend notes qui
O

n’arrive pas toujours à traduire les réalités de nos coutumes ou les expressions idiomatiques
C

de nos langues. Les incantations ne se prêtent pas aux langues étrangères. C’est donc là une
nouvelle nécessité pour alphabétiser dans nos langues. Un jeune chercheur intéressé par ces
choses doit s’instruire en nos langues pour s’en sortir. On note dans ce domaine l’avance des
Yoruba sur les Béninois. Au Nigeria on trouve même en Yoruba des fascicules comportant
des recettes de Bo tout prêt, avec le mode d’emploi entièrement rédigé en Yoruba.
L’oralité a été longtemps la seule manière de retenir et de communiquer les recettes du
Bo et notamment les incantations qui les dynamisent. Elle avait donc une place importante
dans l’acquisition du Bo où une simple mauvaise prononciation ou une simple omission
pouvait rendre le Bo inefficace ou l’acquisition manquée. Ceci conduit à abandonner un Bo
dont on n’arrive pas à se rappeler par la mémoire tous les éléments constitutifs. De la sorte
nous avons perdu beaucoup de Bo. Cet état de fait a réduit pendant longtemps le domaine
d’extension du Bo en même temps que son acquisition soit réduite à la seule manière
d’obtenir le Bo sans la recette.
C’est plus tardivement, c’est-à-dire de nos jours où l’alphabétisation bat son plein et se
répand dans la plupart de nos villages grâce aux Carders que l’écriture fait son apparition dans
l’acquisition du Bo par l’obtention par écrit des recettes, ce qui sera développé chez les lettrés,
car les initiés vont se servir de l’écriture pour coucher dans les cahiers tout leur savoir. Avec
cette nouvelle manière de noter, de recueillir les recettes, l’acquisition du Bo sous les
différents modes que nous avons vus et que nous verrons ne sera plus entravée par des

E
problèmes d’omission ou d’exagération. Ces cahiers constitueront des références que les

U
vieux pourront chaque fois consulter en cas de doute.

EQ
Au pays des Blancs, en Occident, la pérennité du savoir se manifeste par de simples

TH
lectures dans les bibliothèques ou dans les musées. On dirait que c’est la forme de
connaissance rangée dans les livres à l’intention de la génération naissante, montante. C’est la
O
forme théorique de la connaissance dont l’application sur le terrain révèlera d’autres
LI

difficultés.
IB

Par contre la pratique africaine se sert partout et à n’importe quelle époque de la


-B

manifestation d’une cérémonie qui sert de prélude à l’œuvre qu’accumulera l’individu.


Certains cas qui ne se manifestent pas spontanément sont annulés s’ils ne sont pas activés par
IA

l’ajustement moral et ne répondent pas au prestige.


R
ES

2. VARIETE DU MODE DE TRANSMISSION DU BO


D

Une chose est de posséder le Bo ; une autre d’accepter de le transmettre à un autre. Le


O

terme "accepter" est significatif car dans la transmission du Bo on notre parfois la réticence du
C

BOWATO. Cette réticence est due à l’esprit mesquin de certains et surtout au manque de
confiance dans l’entourage auquel ils doivent transmettre le Bo. De ce fait la transmission est
régie par des critères :
- Il y a d’abord la volonté de transmettre du BOWATO et un esprit de disponibilité et
d’ouverture pour le faire.
- Ensuite vient l’amour du BOWATO pour l’acquéreur, amour qui dépend dans une
large mesure du comportement de ce dernier. De cet amour naîtra la confiance qui est
l’élément déterminant.
- Il faut que le BOWATË sache que l’acquéreur fera un bon usage de ce qu’il reçoit et
que non seulement il s’y intéresse mais encore il y reconnaisse une valeur authentique.
Ces conditions étant remplies le BOWATO consent à transmettre son Bo ;
Au temps des anciens, la transmission était purement orale. De nos jours, elle a
une envergure d’écriture formelle. Elle est surtout transmise et acquise par l’habitude de la
pratique. L’acquéreur passe aussi par les couvents où les néophytes apprennent les usages du
Bo par la pratique des incantations. Ainsi par apprentissage la pratique du Bo était comme un
métier. Tel est le cas de celui qui se décide à être BOWATO et qui se met à l’école d’un
BOWATO pour que ce dernier lui transmette ses connaissances.
Cette transmission peut se faire de deux manières : sans "al‫"כ‬, ou avec "al‫"כ‬. En fon le

E
mot "al‫ "כ‬signifie main. C’est la main qui confie à l’homme la capacité de faire quelque

U
chose. Beaucoup de chansons populaires en fon font l’éloge. Ainsi posséder la main d’un Bo

EQ
c’est avoir la capacité de le faire, de le composer soi-même, en connaître tous les éléments

TH
constituants. Par conséquent les attributions sans "al‫ "כ‬sont celles dans lesquelles le Bo est
livré au nécessiteux tout fait sans que ce dernier ne puisse en connaître le secret ou les
O
données.
LI

2.1. Attribution-vente
IB

C’est l’attribution qui se fait contre de l’argent. Les prix pratiqués varient selon que le
-B

possesseur du Bo juge le nécessiteux riche, moyennement riche ou pauvre, selon que le besoin
est pressant ou pas, selon qu’il court ou pas de risque de donner le Bo en question, ce qui est
IA

souvent le cas des Bo destinés à guérir un individu envoûté. Certains Bot‫ כ‬en effet courent des
R

risques énormes à sauver un individu envoûté, surtout si celui qui l’a envoûté tient à sa mort
ES

et par conséquent œuvre en personne pour qu’il en soit ainsi. Il considère alors toute tentative
D

de traitement pour son salut comme obstacle à surmonter. Dans ce cas le taux fixé comporte
O

deux rubriques : une concernant le taux que le Bot‫ כ‬aurait fixé s’il ne courait aucun risque,
C

une seconde rubrique, à savoir l’indemnité de risque. C’est aussi le cas de certains Bo destiné
à nuire à autrui car les Bot‫ כ‬estiment que nuire à autrui sans raison c’est violer les lois
naturelles et par conséquent s’attirer des ennuis de la part de la nature.
Avant la remise de ces genres de Bo, le Bot‫ כ‬fait des mises en garde sévères et des
recommandations strictes comme ne s’en servir qu’en cas de légitime défense.
En dehors du prix fixé l’acquéreur doit aussi fournir les ingrédients nécessaires à la
composition du Bo ou verser la somme nécessaire à leur achat c’est-à-dire des poulets, des
cabris, des pigeons, des canards, des liqueurs même s’ils ne sont pas indispensables.
A côté de ce cas le Bot‫ כ‬peut attribuer le Bo par simple reconnaissance d’un
service rendu car il considère le Bo comme ce qu’il a de plus cher.
2.2. Attribution par pitié
C’est le cas des Bo que le détenteur attribue à un individu qui est dans le besoin parce
qu’il éprouve à son égard de la pitié. La pitié selon BERGSON est la véritable source de
l’amour parce que l’on pense que ce qui est arrivé à l’autre peut aussi nous arriver et dans ce
cas, on fait tout ce qui est en son pouvoir pour lui venir en aide.
La cause principale de l’attribution sans "al‫ "כ‬est que le Bo constitue pour le Bot‫ כ‬une
source de revenus. Aussi l’attribution avec "al‫ "כ‬constitue-t-elle pour lui une possibilité de
diminution de ses clients et de ses ressources. C’est pourquoi pour faire une attribution avec
"al‫ "כ‬le Bot‫ כ‬prise très fort pour compenser ce qu’il perdrait. Des fois par mauvaise foi il

E
retranche certains ingrédients catalyseurs pour que celui qui le harcèle pour un Bo ne puisse

U
jamais faire le Bo efficace sans lui.

EQ
Le Bo transmis avec le al‫ כ‬donne lieu à une cérémonie spéciale que nous allons décrire

TH
dans la phénoménologie de la transmission proprement dite. Elle revêt plusieurs formes.
A. La première forme
O
Le forme la plus simple est la citation des éléments constitutifs du Bo au demandeur
LI

afin de lui permettre de confectionner lui-même le Bo. De cette façon l’acquéreur acquiert le
IB

Bo de la manière la plus simple. Elle se limite aussi à des Bo simples et ne se pratique qu’une
-B

fois en passant comme on le dit vulgairement. Il y a deux manières de faire ce transfert : par le
crachat (atan) ou par le poivre de Guinée (le atakun), ce qui constitue le rite qui confère le
IA

pouvoir du Bo. Dans le cas du atakun le Bot‫ כ‬prend un certain nombre de atakun selon sa
R

volonté et selon le sexe de l’acquéreur (9 pour l’homme et 7 pour la femme comme nous
ES

avons précisé plus haut). Chacun d’eux boie, mâche et avale les grains après avoir arrosé de
D

salive le Bo en obtention. Le Bot‫ כ‬donne des consignes et prononce des incantations que
O

répète l’acquéreur. Il fait une déclaration de dévotion de transmission par laquelle il manifeste
C

sa volonté de transmettre en faisant appel au pacte avec la terre.


Le cas du crachat est courant chez les Baatombu. Le "tingui" en fon le BotË crache
dans les mains de l’acquéreur qui fait passer le crachat sur la tête et le tingui déclare qu’il lui
transmet aussi le pouvoir de fabriquer ce "Tim", Bo en baatonu.
Le cas du atakun et le cas du crachat supposent au préalable un apprentissage en vue
de la maîtrise de la pratique et constituent la cérémonie finale de la transmission du Bo qui
apparaît sous la forme d’un pacte d’officialisation de la transmission ; une sorte de célébration
après apprentissage. Dans cette circonstance le Bot‫ כ‬peut interdire à l’acquéreur de faire de tel
ou tel Bo tant que lui-même son patron, est encore vivant.
B La transmission paternelle :
Le père de famille s’installe en toute autorité pour donner ou retirer à chacun de ses
enfants son héritage en Bo. Il commence par imposer certaines conditions que l’héritier doit
respecter avant de mériter la transmission : aider constamment le père dans les travaux
champêtres, l’assister régulièrement dans les cultes religieux, être magnanime, discret, poli,
assidu en un mot : mûr et digne de confiance, en tant que grand. Il ne s’agit pas de grandeur
d’âge ni de grandeur de taille mais de grandeur d’âme, de conscience, de cœur. Il n’est pas
rare en effet d’entendre certains vieillards dire après avoir jaugé le degré de sérieux de son
enfant : "Si tu étais grand, je te donnerai ceci, je te ferai cela". C’est la peur de la ruine de

E
l’âme qui retient le père vis-à-vis de son propre enfant. La perversion, mieux l’usage pervers

U
d’un trésor acquis à grand-peine fait d’un vieillard un être méditatif, méfiant. La jeunesse

EQ
cause aux vieillards beaucoup de tristesse, d’amertume et même de crainte. Incapables de

TH
respecter les conditions précitées les jeunes préfèrent l’indépendance et la débauche. Dans ces
conditions les vieux préfèrent garder jusque dans la tombe les secrets de leurs expériences de
O
la vie. C’est là la justesse et la justification de la pensée de Hampate Ba qu’on ne finira jamais
LI

de citer : "Un vieillard qui meurt en Afrique est une bibliothèque qui brûle". Un vieillard est
IB

effectivement chez nous une immense somme de connaissances comparables à celle que l’on
-B

peut avoir dans une bibliothèque toute sa vie. Le vieillard est une bibliothèque véritable
d’accès difficile aux chercheurs soucieux d’utiliser leur savoir à des fins perverses. Devant
IA

cette résistance filiale certains préfèrent instruire dans la société.


R
ES

C Troisième Forme : La transmission sociale


D

C’est la transmission au niveau de la société. Elle se fait verticalement et


O

horizontalement.
C

-verticalement :
Le BotË ou le connaisseur en Bo s’érige en autorité chargée de la transmission du Bo à
la jeune génération profane. Les conditions ici sont plus simples. Elles se manifestent et se
réalisent par établissement de liens amicaux – par voie de vente, ce qui affecte le Bo d’un
caractère vénal, commercial, mais voie directe. Acheté à grand frais le Bo perd son caractère
sacré, sa valeur réelle et devient par conséquent une marchandise. Le Bo vrai se livre à celui
qui le mérite et à peu de frais en général.
-Horizontalement
Elle se fait en désordre dans la société en gens de même classe, de même catégorie
d’âge, de même profession, de mêmes croyances, de mêmes conditions et de mêmes
expériences. Elle recouvre un caractère inter-individuel, solidaire et complémentaire. La seule
condition repose sur la confiance interpersonnelle entre le donateur et le donataire de telle
façon que le premier ne creuse pas sa propre tombe en armant son prochain.
En effet ce qui se passe au niveau familial et au niveau social c’est qu’on assiste à une
confusion générale qui obscurcit les modalités de transmission. Le niveau vertical et le niveau
horizontal semblent parfois se succéder, se recouper, se compléter, se récupérer pour se
transformer en un seul mode de transmission, celui de la transmission familiale. De nos jours
les transmissions du Bo semblent dépassées car le Bo lui-même est entrain de se pervertir par
les conditions imposées par la société elle-même au Bo.

E
Aussi entend-on sur les mass-médias des termes insolents comme : "c’est le ama, ce

U
n’est pas le Bo". La différence résulte de l’importance que l’on accorde à la parole, à

EQ
l’incantation dans la pratique du Bo. Les incantations qui ajoutent à "ama" sa valeur de Bo

TH
d’où la formule qui met le Bo en équation :
Bo = Ama + Bogbe, d’où par simple manipulation :
O
Ama = Bo – Bogbe
LI

Cette formule est le produit de la prostitution du Bo au Bénin. C’est la mentalité de


IB

ceux qui sont mordus par le virus de la colonisation qui se croient hors des embûches du Bo.
-B

Aussi dans le souci d’assouplir les modalités de transmission du Bo, ces "Bot‫ כ‬de la
révolution" se dénoncent à la face du monde dans un but purement utilitaire, d’où la naissance
IA

de la pharmacopée traditionnelle et du Comité des guérisseurs traditionnels dans chaque


R

district. Devant cet état de choses, certains Bot‫ כ‬préfèrent se retirer pour constituer un champ
ES

adverse, dégoûtés de la pratique du Bo déviée de son objectif originaire. En fait la pratique du


D

Bo s’impose comme un fait coercitif dans notre société parfois si bien que chaque élève,
O

chaque étudiant, chaque fonctionnaire, chaque agent social nourrit le désir manifeste de faire
C

du Bo pour compléter ses efforts personnels ou pour les faire aboutir. Dans cette visée le BO
s’insère dans la totalité des phénomènes sociaux. Il revêt à cet effet des caractères juridiques,
économiques et esthétiques.
-Juridique : la pratique du Bo se fait toujours selon une loi édictée par le Bot‫ כ‬lui-même. On
ne fait pas d’innocentes victimes de peur de subir des représailles de leurs compères.
-Economique :le Bo se transmet en échange contre quelque chose soit en numéraire, soit en
nature. C’est par élargissement de ce processus que l’on assiste aujourd’hui à la
commercialisation à outrance du Bo. Des soi-disant Bot‫ כ‬accordent du prix au Bo en
alimentant un commerce éhonté du Bo.
-Esthétique : le Bo est un art. sa construction par des matières premières est le produit d’un
esprit esthétique. La pratique du Bo devient par là un phénomène social total.
Au niveau de la société l’enfant acquiert de ses parents conseils, sagesse, manières de
vivre, de se comporter, habitudes et attitudes de modèles de conduite, éducation, diverses
pratiques coutumières dont le Bo. Mais la transmission du Bo n’est pas aussi aisée que celle
des autres. Le passage du Bo de père en fils, du connaisseur au profane, en un mot, d’un
détenteur à un bénéficiaire requiert des conditions de part et d’autre principalement de la part
du bénéficiaire : assistance permanente du père, régularité aux cérémonies coutumières, être
lent à la colère et de mêmes croyances que lui. De toutes ces conditions la mêmeté de
croyance est indissociable de la prolifération actuelle des sectes religieuses qui défient

E
coutumes et traditions : le christianisme céleste, la renaissance en Christ, mission apostolique,

U
témoins de Jéhovah qui tentent de soustraire les gens à leurs us et coutumes.

EQ
Certes la pédagogie de la transmission du Bo varie d’une ethnie à l’autre, faisant

TH
abstraction des différences au niveau méthodologique de la pédagogie, il existe une constante
qui se révèle dans le contenu même des rites et des cérémonies initiatiques.
O
LI

D/ Rite Universel de transmission du Bo :


IB

Il marque la fin de la transmission du Bo en donnant le "Ach£". C’est en général la


-B

récitation d’une prière dans laquelle on invoque les ancêtres, les grands Bot‫ כ‬disparus pour
qu’ils apportent leur concours à la réussite, à l’efficacité de ce qui est transmis. Dans certains
IA

cas c’est tout comme une remise de diplôme du Bot‫כ‬. Le maître délègue son pouvoir au jeune
R

homme qui a subi des épreuves de formation pour devenir lui-même Bot‫כ‬. On dit en fond
ES

"Eyi Ach£", il a reçu grâce, titre, pouvoir.


D

Dans d’autres cas la transmission manifeste dans son déroulement que c’est le Boto
O

qui veut de lui-même donner de son pouvoir au nouveau néophyte toujours en invoquant les
C

ancêtres, les anciens Boto trépassés.


Ce qui se passe habituellement c’est le Boto avec le Bo à transmettre devant le
bénéficiaire, échange avec lui des paroles. Il demande au client par exemple de choisir entre
l’argent et le Bo. Le client dit qu’il choisit le Bo. Le Boto continue en montrant qu’avec son
argent il pourra acheter à manger, résoudre ses problèmes immédiats et le client l’interrompt :
"C’est la résolution d’un de ces problèmes important qui m’amène vers lui et qui me pousse à
faire le Bo et qu’il n’est plus question de choisir pour lui". Tout ceci constitue un protocole
pour tester la conviction du client. C’est alors qu’intervient l’invocation des ancêtres pour un
meilleur rendement. Le "Bogban", littéralement la dot du Bo, qui intervient n’est pas le même
dans tous les cas. Dans un premier cas c’est purement symbolique, surtout pas de remise de
sous. Dans les autres cas l’argent intervient et on parle de l’argent du Bo, le "Bokw£", un
nombre impressionnant de pièces de 1 franc, de cinq (5) francs, de vingt-cinq (25) francs, le
tout ne dépassant pas cent cinq francs (105). Cette somme n’est pas le prix du Bo mais tient
lieu du pouvoir du Bo. Selon certains informateurs cette somme représente l’âme de
l’acquéreur et l’introduit auprès des esprits qui accueillent sa demande. Il y a même des
endroits précis où l’on dépose les pièces.
La transmission des Bo obéit à des circonstances spécifiquement définies. Ces
circonstances peuvent être historiques, c’est-à-dire qu’elles marquent la vie de la communauté
dans son évolution. Elles peuvent être individuelles en ne marquant que le psychisme de

E
l’individu pris isolément. Ici le comportement de l’individu compte beaucoup. La

U
transmission du Bo vise deux objectifs :

EQ
- acquérir des connaissances et gagner du pouvoir

TH
- possibilité de pouvoir transmettre soi-même aussi.
Donc l’acquéreur pourrait mettre en fonctionnement un Bo dont il vient d’être doté et en
O
même temps le céder à un autre. Certaines transmissions équivalent à de simples donations.
LI

C’est le cas des Bo qui ne nécessitent pas la mise au point d’un échantillon. Ces Bo
IB

préalablement portés par leurs détenteurs sont cédés par eux quelques instants seulement
-B

avant leur mort. En général c’est auprès des vieillards qu’on bénéficie de ses genres de Bo.
Cette opération aussi simple qu’elle puisse paraître constitue un acte total car le détenteur
IA

perd son pouvoir dès qu’il le cède à un autre. Ces formes de Bo sont des bagues, des
R

amulettes, des ceintures que l’on porte sur soi pour être à l’abri du danger, pour vivre le plus
ES

longtemps possible. Un petit conseil sanctionne toujours cette transmission. Le conseil peut
D

porter sur les paroles efficientes du Bo. Par contre, il y a des transmissions qui ne peuvent pas
O

être faites perdre son pouvoir au détenteur du Bo. Il s’agit des Bo de la vie quotidienne et
C

ceux qui prennent leur force du vodun.


Dans certaines familles la succession se précède d’une cérémonie qui confère des
pouvoirs au Dah, chef de famille. Selon qu’il est appelé à assumer les responsabilités et les
fonctions de chef, il est évident qu’il prenne des mesures en Bo. L’accès au trône lui donne
l’occasion de bénéficier de divers Bo afin de pouvoir faire dignement son mandat. Le chef de
famille qui tient à promouvoir la paix et à éloigner le plus possible les esprits maléfiques de la
famille peut se procurer le "hwelibo". A défaut de ce dernier, il peut s’armer en Bo de
protection, en "Glo" dont la transmission est différente de ce que nous venons de voir.
E/ Transmission des Glo :
Elle est un peu délicate. Le Bo de protection, le Glo est à la base de toutes les familles
et surtout des chefs quand bien même il ne serait pas la principale source financière, il est
adjuvant nécessaire. C’est pour cette raison que sa diffusion se fait de manière sélective. Nul
n’aime en effet se créer volontairement des concurrents. Dans les familles le Bo de protection
tient lieu de pharmacie et de médecine. De même que dans les sociétés européennes tout le
monde n’a pas les qualités requises pour être médecin, de même en Afrique tout le monde
n’est pas guérisseur, ni Boto. Il y a restriction. C’est pourquoi il faut toujours s’en référer à un
autre pour avoir des Glo ou Bo de protection. Leur transmission se fait de façon définie.
Elle se fait beaucoup plus par affinité que par un heureux hasard. Satisfait d’un service

E
rendu, le donateur se décide à faire don d’un petit quelque chose qui lui servirait plus tard

U
dans la vie. Celui-ci ne pourra pas se dérober connaissant le caractère précieux du Bo dans sa

EQ
société. A ce propos un vieillard nous a conté ce qui suit :

TH
"Le Bo m’a donné une grandeur que je dois toujours chercher à préserver. Dans la vie
l’homme doit choisir et c’est ce que j’ai fait. Cette puissance que je détiens aujourd’hui ne
m’est pas tombée du ciel, je l’ai cultivée moi-même. Et avant d’en arriver là j’ai été trop
O
persécuté, j’ai souffert, ce qui fait que je ne peux pas transmettre ceci pour quelques sous. Je
LI
préfère le donner gratuitement à quelqu’un que j’aurais choisi librement".
IB

Ainsi on entend les vieux dire "Na na we Bo na l£ na we donu ton", c’est-à-dire je vais
-B

te donner le Bo ainsi que sa source. C’est la transmission même. Un talisman légué n’est pas
transmis. On ne peut parler de sa transmission qu’au moment où le talisman est livré en même
IA

temps que ses éléments constitutifs. C’est justement ce que l’on remarque quand on va faire
R

un simple Bo, quand on va consulter un Boto, il prend seulement soin de citer quelques
ES

éléments que le postulant va chercher. A ces éléments facilement retrouvables le Boto va


D

ajouter d’autres que lui-même aurait pris soin de trouver pour le Bo exigé. Là il n’y a pas
O

encore de transmission car celle-ci n’a lieu que lorsque l’individu reçoit la liste de tous les
C

éléments qui entrent en jeu et qu’il se trouve lui-même en mesure de façonner le Bo afin de
pouvoir désormais venir en aide à celui qui est dans le besoin. C’est la réception de ces
derniers éléments que le Boto appelle "Donu". Ici ces éléments sont très importants parce
qu’ils sont fondamentaux et sont très difficiles à réunir ou alors ce sont les incantations qui les
accompagnent au cours de la préparation. C’est seulement à partir du moment où le
bénéficiaire prend note des incantations et des éléments composants qu’il est en possession
effective du Bo avec sa source.
Ceux qui se spécialisent en Glo lèguent le plus souvent leur pouvoir à leurs enfants.
L’enfant issu d’un milieu polygame est prédisposé à la chasse du Glo. Son initiation
commence dès que son père a découvert en lui cette aptitude. Il l’assiste dans la confection de
ses Glo, dans leur conception et dans leur réalisation. Ceci exprime une dichotomie entre la
transmission du Bo et n’importe quel élément culturel en ce sens que cette transmission
héréditaire ne s’étend pas à toute la progéniture d’une manière spontanée comme la culture
globale. Et finalement cet enfant le transmet à son enfant le plus estimé à condition qu’il soit
courageux, téméraire et stoïcien à ses heures.
En dehors de son enfant la transmission du Glo peut se faire par affinité, par sociabilité
dans un rapport de sympathie qui naît de la fréquentation récurrente. A l’ami le BotË peut
donner le "donu" pour l’amener à supprimer les malheurs de son milieu. A certains clients
trop réguliers le Boto finit par accorder le « donu" aussi de certains Bo. De la simple

E
transmission à l’intégration du client à la caste des Boto il n’y a qu’un pas. Ce processus de

U
transmission ne peut être analysé sans qu’on fasse intervenir le Bodida, le Bo mauvais qui

EQ
donne au Boto la crainte qu’il inspire.

TH
Ainsi à l’instar des Bo de protection le Bodida était détenu seulement par les hommes
les plus indulgents, les plus sages, qui ne les utilisent que très rarement. Pour châtier
O
quelqu’un dont ils auraient subi publiquement l’affront, un affront qualifié par tout le monde
LI

impardonnable. Même dans ce cas on ne fait pas forcément usage du Bodida, on s’en remet à
IB

la sentence du chef traditionnel. Les anciens recherchaient le Bodida pour n’assurer que leur
-B

protection, pour acquérir la puissance d’être craint dans la société. Ils ne le font pas la plupart
du temps dans l’intention de nuire à la société. Pour son caractère nocif, le Bodida ne peut
IA

être transmis à un homme quelconque. Il y a un processus très compliqué comme nous


R

l’avons signalé dans l’exemple de celui qui a vengé la perte de son fils. En aucun cas il ne
ES

peut être laissé à quelqu’un qui se laisse à ses instincts facilement, non plus à quelqu’un dont
D

la devise est : "œil pour œil, dent pour dent". Le Bodida se transmet à l’individu qui a fait
O

montre d’indulgences à plusieurs reprises et d’une certaine grandeur d’âme pour lui permettre
C

de bien protéger son foyer de façon qu’en inspirant la peur à ses voisins il devient redoutable
et évite cependant de faire usage du Bodida.
En dépit de cette prudence, il y a à Agonli une société secrète de tueurs à gages. Là
chacun de son côté entreprend des recherches dont il échange les résultats contre ceux des
autres. Unis dans le but d’augmenter leur puissance, ces tueurs à gages sont en quête de
nouveaux Bodida. Cette forme de transmission n’est fondée sur aucune norme car les
membres se reconnaissent entre eux comme ayant les mêmes aspirations, les mêmes idéaux à
sauvegarder, les mêmes ennemis à combattre, pour l’équilibre de la société toute entière, de la
société globale dans l’élimination des parias. Il ne s’agit pas ici d’une transmission
proprement dite mais d’un simple échange basé sur une convention antérieurement établie
entre les membres d’une même confrérie occultiste.
Aujourd’hui on remarque au niveau des jeunes cette vieille attitude des anciens
disparus. On assiste impunément à une recrudescence des envoûtements. Ceci résulte du fait
que les jeunes sont trop impulsifs, très peu réfléchis et qu’ils réagissent à la moindre incartade
en usant de leur puissance et en sévissant avec l’extrême rigueur pour se garantir la paix de
soi. Ainsi l’optique dans laquelle on collectionnait le Bodida est déviée de son origine. De nos
jours il suffit d’en manifester le désir pour que le détenteur vous l’octroie pour un peu
d’argent pour vous faire passer dans le coin comme un danger public. Ceci fait la fierté de
beaucoup de jeunes à tort.

E
U
F/ Conséquences des modalités de la transmission du Bo :

EQ
Comme toute pratique humaine la transmission du Bo a ses avantages et ses

TH
inconvénients. Elle permet de ne pas perdre les connaissances acquises au cours des
générations dans la société où l’on vit. Les générations s’imprègnent ainsi de la réalité, de la
O
richesse et de la valeur du matériau de leur culture que constitue le Bo. Les modalités de
LI

transmission sont donc le signe de la perpétuation de certaines pratiques par la perpétuation


IB

des individus.
-B

Dans les couvents la transmission du Bo fait développer la mémoire et le Bo le plus


utilisé est le "flin" qui rend la mémoire fidèle et féconde. Les insuffisances de la transmission
IA

du Bo s’expliquent par le caractère oral de la pédagogie traditionnelle. La transmission n’est


R

pas toujours fidèle, exhaustive. L’acquéreur peut se tromper, ajouter ou soustraire certains
ES

éléments qui peuvent influer sur les effets attendus du Bo. Il se peut que le dosage ne soit pas
D

respecté par oubli.


O

Par ailleurs les critères d’amour, de confiance permettent de ne pas donner le Bo à des
C

gens peu sûrs qui peuvent nuire à la société. C’est sur la base de la confiance mutuelle que
repose la transmission du Bo. Chaque acteur agit en recherchant sa propre sécurité. Les
conditions de transmission du Bo ont subi des transformations au cours des générations selon
les progrès mêmes de la société. Autrefois il suffisait d’être neveu, beau-frère, beau-fils, fils
ou ami intime pour bénéficier d’un Bo et alors gratuitement. Aujourd’hui le Bo est perçu sur
un fond de valeurs culturelles, de valeurs économiques. La transmission du Bo exige de gros
moyens financiers parce que les ingrédients du Bo sont considérés comme des biens
consommables mis sur le marché. Ces ingrédients sont parfois difficiles à trouver et ne se
trouvent qu’en de rares occasions (meurtre, accident, foudroiement, etc.)
Dans tous les cas ce qui nous intéresse allant dans le sens de la transmission du Bo
porte sur la collecte des éléments constitutifs du Bo qui sont énumérés pour la mise au point
d’un échantillon de Bo. Donc le livreur et le bénéficiaire se livrent à un travail pratique. Cet
aspect pratique du côté de l’opération revêt un caractère spécial dans notre milieu. La fin de la
transmission est toujours sanctionnée par un rituel. La décision de faire un échantillon en
guise de travail pratique permet au bénéficiaire d’acquérir les techniques appropriées du genre
du Bo. Les techniques sont variées mais toutes convergentes vers le même but, celui de
transmettre un pouvoir.
Il nous faut considérer l’acte de transmettre sous sa forme générale car jusqu’ici nous
n’avons pas énuméré ses phases de façon exhaustive :

E
- collecte des ingrédients

U
- mise au point du Bo à léguer

EQ
- préparation de l’échantillon du Bo

TH
- les incantations et prières qui accompagnent
- les recommandations
O
la phase décisive conduit le bénéficiaire et le donateur à se placer l’un en face de l’autre. Ils se
LI

servent de leur main gauche. Le titulaire après avoir prélevé dans sa bouche quelques grains
IB

d’atakun dépose quelques-uns dans le creux formé par les deux pouces gauches. Le receveur
-B

du Bo les reçoit ensuite par sa langue et en mange quelques-uns en gardant le reste dans sa
bouche. Le titulaire prononce les incantations que le receveur répète fidèlement après lui. A la
IA

fin les deux crachent sur le Bo le reste d’atakun qu’ils ont pris soin de mâcher et de garder en
R

salive dans la bouche. C’est d’abord le donateur qui fait le geste qu’imite le receveur. Puis le
ES

donateur dit en fon " E na na we do ku ji a – E na na we do az‫כ‬n ji a – Dagbe j£n na nyi ; (tu ne


D

l’auras pas sur la mort, tu ne l’auras pas sur la maladie, ce sera sur du bien) que nous
O

interprétons ainsi c’est pour faire le bien et non pour en souffrir ou pour en mourir qu’on te
C

donne cette grâce, ce pouvoir.


Ce n’est qu’après cette parole rituelle que le receveur peut prétendre être en possession
du Bo. On dit en fon vulgairement : "Eyi Bo sin al‫"כ‬, que l’on traduit parfaitement en
français : "il vient de gagner la main du Bo", la main dans le sens du brevet du Bo. Cette
expression rituelle comme la précédente accompagne toute transmission de Bo. Qu’il s’agisse
de "Kpé, de " ?So", de "Ndida" ou de tout autre Bo offensif, défensif ou thérapeutique.
En remplacement des grains d’atakun c’est la boisson qui est utilisée eau, sucrerie,
alcool, surtout sodabi ou gin),parfois du parfum. Tout ceci revêt un caractère mystérieux,
mystique var il y a lieu de s’intriguer. Le bénéficiaire ne pourrait-il pas léguer le Bo à son tour
sans la consécration par ce rituel ? Ou bien cette cérémonie tient-elle lieu de précaution et de
garantie pour le caractère du récipiendaire ? Tout laisse à croire que le caractère mystique
porte d’abord sur l’acquisition du pouvoir puis sur la possibilité de le transmettre à un autre.
Il faut remarquer qu’au cours du rituel, les mots, les incantations, les prières qui
entrent en ligne de compte sont dites dans un langage courant, dans un langage des esprits ou
dans un langage des vodun. Notre inquiétude en posant ces deux questions peut être à présent
atténuée voire même apaisée en tentant d’y répondre en prenant en compte le langage des
dieux et celui des esprits. Ainsi au cours de la consécration on invite les esprits, les dieux à
donner leur accord par leur bénédiction. La parole de bénédiction prononcée à la fin active la
cérémonie. Le donneur prononce cette bénédiction pour signifier au receveur que le Bo dont il

E
vient de prendre possession ne sera pas pour lui une cause ni un vecteur de malheur, de

U
maladie, de mort, mais plutôt de satisfaction, de bonheur. Ceci assure la garantie qui se

EQ
formule à l’intention du bénéficiaire pour l’apaiser et l’encourager. C’est à la fin de tout cela

TH
qu’il se sent effectivement en possession du BO considéré. Le rituel lui certifie qu’il possède
et connaît le genre du Bo dans sa totalité.
O
Dans le domaine du Bo rien ne se dit ni ne se donne sans mérite et le concept de mérite sous-
LI

tend la totalité de nos recherches. La transmission du Bo suppose la pureté, la validité et


IB

l’authenticité
-B
IA
R
ES
D
O
C
CHAPITRE VII
LE BO DANS LES RAPPORTS SOCIAUX
Dans les rapports sociaux les hommes peuvent s’en vouloir, se jalouser les uns les
autres, ce qui est un trait dominant de la société béninoise que les gens appellent la
"Béninoiserie". Un agent qui n’aimerait pas que son collègue soit plus gradé que lui cherchera
à lui jeter un mauvais sort et à l’emporter sur lui. Toutes les activités de la vie sociale sont
jalonnées par le Bo, mieux aucune activité ne s’exerce si on ne prend appui sur le Bo. C’est
ainsi que les individus ont recours au Bot‫ כ‬pour faire face à des situations données. Cet état de
fait pousse à être en permanence dans la crainte. S’interroger sur le Bo à propos des rapports
sociaux, c’est étudier en quelque sorte quel est l’impact du Bo dans la société ou comment il

E
constitue le fondement de la dynamique sociale, de la vie économique et au niveau des loisirs

U
et des jeux.

EQ
TH
A/ LE BO = FONDEMENT DE LA DYNAMIQUE SOCIALE
Le Bo est le fondement de la dynamique sociale comme le prouve son nom dans toutes
O
les bouches. Pour briguer un poste quelconque on a besoin du Bo. Quel responsable politique
LI

africain pourrait se vanter de n’avoir jamais fait usage du Bo dans l’exercice de ses
IB

fonctions ? L’un de nos informateurs nous a conté qu’il a demandé à un ministre de lui
-B

apporter un crâne humain qu’il chargerait de puissance pour le rendre familier au Président et
le préserver contre tout remaniement.
IA

Le Bo lui-même a ses racines dans la volonté de se défendre ou d’attaquer les autres.


R

A ce sujet on distingue les Bo du bien et les Bo du mal. Le Bo du bien comme le Bo du mal


ES

est toléré par tout le monde. Il sert à lutter contre les malheurs, à guérir les malades, à détruire
D

ou à affaiblir les forces du mal. Bot‫ כ‬fournit à ses clients des amulettes, des charmes, des
O

poudres, des plumes, des statuettes, des incantations, leur fait des incisions, des scarifications,
C

des tatouages, des vaccinations afin de les protéger eux-mêmes, leur maisonnée, leurs champs
et leurs biens. On peut voir ainsi un pieu dressé dans la cour en plein milieu, un pot de terre
sur le toit, dans l’enceinte une traînée de poudre, une corne de bouc ou de bœuf ou une vielle
calebasse suspendue à un arbre. Les bébés portent les anneaux au cou, aux reins, aux bras ; ils
peuvent être complètement rasés ou avoir des boucles nouées autour de la tête. Ces objets ne
sont pas de simples parures mais des symboles visibles de la croyance chronique au Bo et
constituent des garanties de protection, de la santé du bébé, sa chance ou son bonheur. Ces
objets peuvent perdre leur pouvoir protecteur et les parents les rechargent à des moments
précis, à des occasions solennelles comme on recharge les batteries d’une voiture.
Les jeunes tentent rarement d’utiliser le Bo contre leurs aînés car on pense que plus
une personne est âgée, plus elle a de puissance en Bo, plus elle réagit en colère plus
redoutable est sa réaction car les vieux utilisent souvent les Kpé dont nous avons dit que les
effets sont immédiats et terribles
Le Bo du mal constitue la croyance en un pouvoir maléfique associé à "Aze" la
sorcellerie. Cette croyance dérive de la peur, de la suspicion, de la jalousie, de l’ignorance ou
des accusations mensongères, des calomnies. Les gens ont peur de laisser traîner leurs
cheveux, les rognures de leurs ongles, leurs crachats, leurs vêtements ou tout autre objet leur
appartenant. Ces objets incinérés peuvent engendrer des ennuis à leurs propriétaires. Ici
s’applique la magie par homéopathie ou par sympathie ou par contagion. Les gens restés au

E
village sont convaincus que les divers malheurs qui les frappent, chagrins, maladies, dangers

U
néfastes et mystères proviennent de ce pouvoir maléfique du Bo dont quelqu’un aurait usé

EQ
contre eux.

TH
Une mère qui pleure son enfant mort de paludisme ne se satisfait pas de l’explication
médicale selon laquelle un moustique porteur de microbes aurait piqué son enfant et provoqué
O
ainsi sa maladie et sa mort. La maman aurait bien voulu savoir pourquoi c’est son enfant que
LI

le moustique a piqué et pourquoi pas celui d’une autre. La seule réponse qui la satisferait
IB

serait que quelqu’un qui lui en voulait par jalousie lui aurait envoyé le moustique piquer son
-B

enfant. L’explication n’est pas scientifique mais pour la majorité des gens elle est valable
parce que consolante.
IA

Les villageois et les citadins non-encore émergés de la tradition ne se sentent jamais


R

complètement en sécurité. La moindre malchance ou le moindre malheur est attribué à un


ES

mauvais usage du Bo contre soi. C’est pourquoi les gens ont souvent recours aux devins, aux
D

Bot‫כ‬, aux charlatans pour se munir d’antidotes, de "Glo"


O
C

B/ LE BO DANS LES RAPPORTS FAMILIAUX


L’usage du Bo est surtout reconnu dans les familles polygames. Pendant que le chef de
famille fait des Glo pour protéger sa descendance contre toute attaque venant de l’extérieur,
les femmes se livrent à des guerres intestines pour l’emporter en affection auprès du mari en
faisant un usage intempestif du Yl‫ כ‬en faisant avaler au mari toutes sortes de breuvages. Le
cas le plus pénible est celui où il n’arrive à être viril qu’auprès d’une seule femme qui a le Bo
qui rend le mari viril quand il est auprès d’elle, avec les autres coépouses il devient
impuissant et n’arrive plus à transgresser les ordres de la femme qui se dit la préférée
puisqu’elle lui a administré à son insu du " Gb‫כ‬témi" (écoute-moi), qui fait du mari un
aboulique, un esclave inconscient de sa servitude. Par toutes sortes de Bo, elle cherche à avilir
la condition des enfants des autres co-épouses si elle n’a pas réussi à les rendre stériles. Ses
enfants à elle sont les seuls chéris du mari et ils progressent normalement à l’école pendant
que les enfants de ses coépouses sont niais, paresseux, tout le temps punis par le maître. Les
rares fois que le mari arrive à prendre conscience des méfaits de sa soi-disante épouse bien-
aimée, il la renvoie à la grande joie des autres femmes qui entre-temps se sont coalisées pour
briser les liens paradisiaques que le mari et la femme préférée tissaient en ayant recours à un
Bo spécial "Kija". Le Kija, avons-nous déjà vu dans la typologie du BO, a la propriété
d’introduire la bagarre entre un couple bien en harmonie à propos d’une simple bagatelle. Le
père de famille s’il veut éviter la jalousie de son foyer, doit se montrer impartial envers ses

E
épouses sans en privilégier une ne en se préservant contre toute aliénation, contre toute

U
négligence par toutes sortes de Glo qu’il met au seuil de sa maison ou au milieu de la cour.

EQ
A défaut du Kija pour faire répudier sa coépouse carrément, la femme rivale peut avoir

TH
recours au Bo appelé "Ayo undé wédo", un Bo très simple fait de "vivima, yonusima, nid
d’hirondelle, un effet appartenant à la coépouse (pagne, couche, cheveux, etc.) le tout réduit
O
en poudre noire. Mettre la poudre dans la bouche d’un caméléon vivant enveloppé dans du
LI

percale et jeter le tout dans la rivière. La coépouse contre laquelle ce Bo est fait plie
IB

immédiatement bagage pour une direction inconnue. … si le "Ay‫ כ‬unde we do" est jeté dans la
-B

mer, le femme devient définitivement folle. Ce Bo est sans incantations et pour avoir son effet
il suffit d’en observer les consignes.
IA

Le mari pour se protéger contre sa femme et la surveiller de façon constante pour la


R

rendre toujours fidèle, lui fait des pièges à adultères. Le plus utilisé est le "Kan", qui peut
ES

prendre jusqu’à quarante – et -une formes. Kan signifie en fond corde. C’est en effet une
D

corde préparée qu’il suffit de placer à un endroit où passera la femme visée ou est susceptible
O

de passer. Une fois qu’elle aura enjambé cette corde, elle sera atteinte et tous les amants qui
C

s’approcheraient d’elle dans l’intention de commettre des infidélités avec elle seraient
victimes de mille et un maux indescriptibles et horribles : le pénis qui s’allonge sans fin,
l’érection qui dure sans fin, l’homme qui pisse du sang jusqu’à ce que la mort s’ensuive. Au
lieu de recourir à la corde on peut faire à un arbre symbolisant la femme des tatouages ou des
scarifications. Si l’arbre meurt au bout de neuf jours le manipulateur est sûr que son rival
trouvera la mort en commettant l’adultère avec sa femme.
De son côté, l’épouse peut faire usage de Bo contre son époux si elle le juge trop
entêté ou contre sa belle-mère agaçante. Souvent c’est la belle-mère qui fait usage de Bo
contre sa bru qu’elle considère trop dominatrice de son fils. Chaque femme se débrouille pour
se faire la plus aimée dans un milieu polygame par l’unique mari. Entre les coépouses
s’allume une guerre sans merci. Chacune d’elles visite le Bok‫כ‬n‫ כ‬le plus redoutable du coin
pour mieux s’armer. Très souvent cette guerre entre coépouses s’abat sur les enfants :
paralysie des membres, maladie sans cause et sans fin, mort prématurée ou subite. Tout cela
rend précaire la paix au foyer et incertaine la vie conjugale, domestique. Nous avons appris la
destruction systématique d’une famille sans épidémie. Après enquête il s’est révélé que c’est
le père de famille lui-même qui serait à la base de ses ou ces morts successives. Le père de
famille a estimé à un moment qu’il avait trop d’ennemis dans le village, Sadéhou, à vingt-six
kilomètres de Savè dans la province du Zou. Il se serait conduit dans un village frontalier
nigérian Ayégun où un Bot‫ כ‬lui aurait fait un Bo appelé "Akpota" qu’il a dû enterrer derrière

E
sa case. Ce Bo a pour propriété de tuer tous ses ennemis en trois jours. Après avoir passé trois

U
jours sous terre sans détecter d’ennemis, le "Akpota" comme indigné et assoiffé de victimes

EQ
s’est rabattu sur lui et ses proches qu’on a vu mourir de façon vraiment bizarre… Le chef de

TH
famille, auteur du Bo, a été trouvé mort dans son lit un matin sans avoir présenté de signes de
malaises la veille. Trois jours après ce fut son fils aîné qui le suivit dans la tombe par suite
O
d’une petite fièvre. Quatre jours après ce fut le tour de la femme, mère des enfants, de mourir
LI

sans conditions. Ainsi de suite huit membres de la même famille moururent mêmêment. Pour
IB

remédier à ce fléau on a dû recourir à plusieurs sorciers, Bot‫כ‬, devins et charlatans du village


-B

et de la contrée, y compris le Bot‫ כ‬nigérian qui avait délivré le "Akpota" funeste. Seul ce
dernier a pu après les cérémonies ruineuses, déterrer le Bo endémique. Tout le monde dans le
IA

village et la contrée était pris de panique et de psychose. On a regretté de n’avoir pas eu


R

recours au fameux Bot‫ כ‬à temps car une famille de onze membres fut réduite à trois par
ES

simple mégarde.
D

Dans les milieux ruraux pour obtenir une fille en mariage, gagner sa confiance et son
O

amour, on utilise au nord du Bénin du "Yoromani". L’équivalent du "Yl‫ "כ‬fond et le jeune


C

marié pour faire baisser l’hypersensibilité de sa jeune épouse utilise un "Tim" à base de
sperme et d’autres ingrédients pris sur le corps humain. La rivalité entre coépouses conduit
l’une d’elles à faire un Bo à l’aide de ses menstruations et de sa toilette vaginale, ce qui lui
permet de monopoliser le mari pour elle seule et mettre ainsi fin aux inquiétudes qui
l’assaillaient. Avec un tel Bo, le mari est déshonoré, il devient l’objet d’obsession de sa
femme à qui il accorde toutes largesses.
Au demeurant, le bon usage de Bo combattra son utilisation à des fins malfaisantes et
gardera à son utilisateur une relative sécurité. Il faut toute fois reconnaître que le Bo est un art
délicat moralement neutre comme la science. Il est bien ou mal selon l’usage qu’on en fait. Le
même envoûtement peut servir à combattre un sorcier comme il peut servir à faire souffrir un
innocent. Une fin louable peut être obtenue au moyen d’un procédé répugnant aux
convenances habituelles. Le Bowat‫ כ‬ne peut obtenir sa puissance qu’en enfreignant
volontairement certains interdits (sexuels notamment). Dans ce cas la distance qui sépare le
Bowat‫ כ‬du Az‫כ‬dat‫ כ‬ou du Azet‫ כ‬diminue. Elle peut même disparaître si le Bot‫ כ‬perd le
contrôle des Bo dangereux qu’il utilise et se laisse posséder par eux. Ainsi le Bo est un art,
une technique, la sorcellerie, elle est un état souvent inconscient. Il peut arriver que le Bot‫כ‬
soit un Azet‫ כ‬n’a pas besoin d’être Bot‫כ‬, il agit le plus souvent sans procédés spéciaux
apparents, parfois sans le savoir et souvent sans le sommeil. C’est pourquoi les vodun doivent
nous préserver contre ses maléfices et nous éloigner des Bo mauvais. Sans cet éloignement les

E
rapports sociaux engendrés au Bénin auraient toujours une dynamique empreinte

U
d’inquiétude, d’angoisse, de désespoir, sans joie et sans bonheur. Déjà dans les familles quand

EQ
le père meurt et que par malheur il laisse beaucoup de biens, le Bo intervient au niveau de ses

TH
enfants sur le problème de l’héritage de telle sorte que celui qui en a fait le plus finit par
devenir le seul héritier après avoir écarté d’une manière occulte ses autres frères et sœurs qui
O
d’eux-mêmes pour avoir la vie sauve ont tout abandonné. S’il en est ainsi sur le plan familial,
LI

qu’en sera-t -il sur le plan professionnel ?


IB
-B

C/ LE BO DANS LES RAPPORTS SOCIAUX DE PROFESSION


1- Bo et Vie Professionnelle
IA

Dans le domaine de la vie professionnelle, au bureau, au service, dans les travaux


R

champêtres, dans les ateliers, les usines, les relations interindividuelles sont conditionnées par
ES

le Bo. Les raisons qui se cachent derrière ce recours excessif au Bo sont fécondes : se faire
D

aimer de son supérieur, se faire aimer de ses subordonnés, avoir de l’autorité sur eux,
O

bénéficier des faveurs du patron, parvenir à un poste convoité en y délogeant un autre, laisser
C

impunie une faute administrative, camoufler un détournement de deniers publics en écartant


tous les gêneurs, manquer de respect à son supérieur, le narguer publiquement, ne pas payer
ses dettes, liquider physiquement tous ses rivaux concurrents. Même dans les campagnes il
n’est pas rare d’entendre que tel paysan a été tué parce que ses récoltes sont meilleures que
celles de tous les autres agriculteurs et que grâce à ses recettes il a organisé chez lui un grand
festin à l’occasion des cérémonies d’enterrement de son beau-père ou à l’occasion de son
second mariage.
L’usage du Bo n’échappe pas à la conscience du Béninois authentique. Le milieu
professionnel est un milieu compartimenté où deux classes s’affrontent : la classe des patrons,
des chefs ; la classe des subalternes, des subordonnés. Dans ce milieu domine l’égoïsme,
mieux l’égocentrique à outrance. D’un côté, le patron pour avoir de l’autorité, dominer son
service et se maintenir à son poste a recours au Bo. En effet, un patron dans la tradition doit
être fort, influent, dynamique, craint et respecté. Et dans cette optique il doit se protéger par
des Glo appropriés, boucliers permanents. Le Bo ici agit sur l’individu lui-même en lui
donnant du courage, de la persévérance et du prestige qui concourent à un intense trafic
d’influence. Le patron peut faire aussi usage de yl‫ כ‬pour rendre ses administrés entièrement
soumis à lui, dociles et mêmes ignorants de certains de ses actes. Il s’entoure de dispositions
pour influer sur leur psychisme. De l’autre côté le subalterne lui-même utilise le Bo pour être
bien vu par son patron, avoir son avis favorable lors d’une demande de permission ou

E
d’avance sur solde,, être félicité pour son travail, gagner l’estime du patron, avoir une

U
promotion avant tous les autres, remplacer le patron quand il n’est pas là. Dans cette optique

EQ
le subalterne emploi surtout le "Gbeceu" qui lui assure la sympathie de son chef et lui permet

TH
d’avoir une certaine influence sur lui : "Egbe ce hun e ga nobe gbece hun en ve magb‫כ‬n ne fi‫כ‬
eye be la se", (ma voix domine, la voix des rois qui que ma voix, c’est ce que je dirai au chef
O
qu’il entendra)
LI

Au niveau des cadres, des intellectuels, l’usage du Bo est accompagné d’un


IB

rationalisme pragmatique. Si l’on fait un Bo pour accéder à un poste, on en fait un autre pour
-B

ne jamais quitter ce poste et on élimine par tous les moyens les prétendants à ce même poste :
usage de Bo d’élimination physique, envoûtement, empoisonnement, délations politiques.
IA

C’est à cause du Bo que certains fonctionnaires gardent encore des attaches à leurs parents
R

restés au village auxquels ils se confient à tout week-end pour pérenniser à leur poste en
ES

jouissant des avantages matériels et du prestige dont ne bénéficient pas leurs camarades du
D

même grade qu’eux. Les parents restés à la campagne sont fiers de savoir que leur fils,
O

neveux, cousin, etc. est à tel poste et ils font tout ce sui est en leur pouvoir pour lui permettre
C

de se maintenir à ce poste vaille que vaille.

2- Sur le plan politique :


La plupart des hommes politiques font usage du Bo pour accéder à un poste politique
important : être ministre, ministre d’Etat ou Président de la République. La preuve en est que
à côté de leur alliance de mariage ils portent une bague de commandement recommandée par
leur Bok‫כ‬n‫ כ‬ou ils portent une canne qu’ils agitent dans la foule en cas de troubles sociaux.
Le Président Mobutu du Zaïre ne sort jamais sans sa canne et lorsqu’il l’agite en parcourant
les régions où sévit la rébellion, tout se calme. Le Bo intervient dans la course au pouvoir,
dans le maintien de la population sous l’autorité du souverain, dans l’intronisation et la
détronisation, dans le contrôle du pouvoir gouvernant. Dans la course au pouvoir le plus
puissant en Bo l’emporte sur les autres candidats. Les recours au Bo sont divers selon les
ingrédients qui entrent en jeu et selon le tempérament de ceux qui y ont recours. Par exemple
pour chasser de la compétition électorale un rival populaire on utilise un Bo rare chez les
Boko du nord du Bénin, "ese" dénommé "Aképan" (littéralement traduire, il est foutu, il est
perdu). Plusieurs procédés dont le plus simple consiste à prendre une poule noire dans la
paume de la main gauche tournée vers le soleil au coucher en soufflant doucement sur une
poudre noire que le vent va éparpiller dans la nature. L’individu, c’est-à-dire le rival quittera
le village ou la ville ou le pays sans raison. .

E
Au sujet du pouvoir royal dans la plupart de nos traditions africaines, le souverain fait

U
souvent figure de roi-prêtre. Dépositaire du culte des ancêtres, il est considéré comme sacré et

EQ
puissant. Son trône, ses accoutrements, son sceptre et même ses chaussures sont souvent

TH
sacralisés sous des rites magico-religieux. Bio Guerra possédait un accoutrement de guerre
que plusieurs gaillards n’arrivaient pas à soulever. Le roi Béhanzin a su résister aux Français
O
grâce aux Bo et s’il n’avait pas été trahi par son frère Agoli-Ago les Français n’auraient
LI

jamais pu implanter leur colonie au Dahomey.


IB

C’est établir donc que le Bo constitue l’un des fondements du pouvoir politique dans les
-B

sociétés africaines pré et post –coloniales. N’est pas chef qui veut mais celui qui remplit les
conditions exigées par la population et qui détient beaucoup de Bo vrais. A Kétou en arrivant
IA

au trône le prince prend les dispositions nécessaires pour se faire aimer de son peuple. Avant
R

son intronisation il se lave une infusion spéciale dont l’incantation en sa langue est :
ES

"Ariyo ni tawo ariyoni ttiyo


D
O

Erinowa erin owa


C

Nkanyekpa doko lekun lekporanfireri


Ni ou iu laja nfiyo soluware
Sheveve lome de yo sheye sherers
Imode ilu eyo simi
Agba ilu eyo simi
Aje elu eyo simi
Aje elu eyo simi
Shere lomo de dosheyesherere"
"La pintade fait appel à la joie
Le sel fait appel à la joie
Le hululement du chacal qui fait pleurer les paysans
Faire rire la perdrix
Joyeusement l’enfant se réjouit à la vue de l’oiseau
Enfants du village, réjouissez- vous de moi
Sorciers du village, réjouissez- vous de moi
Sorcières du village, réjouissez- vous de moi
Joyeusement l’enfant se réjouit à la vue de l’oiseau".

E
Souvent pour éviter que ses concitoyens connaissent le genre de Bo qui le maintient au

U
pouvoir, le Chef de l’Etat fait appel à un Bot‫ כ‬étranger. C’est ainsi que la tradition rapporte

EQ
que le président Sékou Touré de la Guinée aurait détenu sa puissance du pouvoir d’un

TH
marabout étranger qu’il a dû tuer par la suite. C’est donc la volonté de puissance et de
domination qui est à la base de l’utilisation du Bo en politique. Déjà dans les sociétés
O
traditionnelles le chef était celui qui avait le plus de Bo car le Bo confère pouvoir et autorité et
LI

permet de commander aux autres. N’est pas chef qui veut mais comme nous l’avons souligné
IB

plus haut, celui que la population reconnaît puissant en Bo et de la sorte répond aux critères
-B

de la population. Le chef ne pouvait prendre une décision à la légère sans la confiance en son
Bo. Les romanciers béninois ont mis l’accent sur l’usage politique du Bo et les faits du Bo
IA

favorables réalisés en politique et recensés ne sont pas éloignés des faits romanesques créés
R

par la fiction. Que l’on lise l’Initié de Olympe Bhelly Quenum on ne se rend compte comment
ES

le Bo pratiqué à outrance désorganise la campagne électorale, rend les adversaires politiques


D

incapables d’haranguer la foule et permet au protégé du Bot‫ כ‬de l’emporter sur les autres en
O

supprimant même par la maladie les adversaires les plus redoutables.


C

Dans Doguicimi de Paul Hazoumè on peut lire à la page 62 :

"Avant de combattre un pays par les armes le Danxomè avait toujours demandé à ses
dignitaires prébendés de mettre en œuvre leur connaissance en gris-gris afin d’envoûter
infailliblement les dignitaires du royaume ennemi".
Sous le Marxisme-Léninisme au Bénin, "il suffisait d’avoir un bon Bot‫כ‬, déclare l’un
de nos étudiants après l’enquête sur le terrain, "pour être nommé Ministre". Même si ce
dernier était incapable de diriger son Ministère, par l’intervention du Bo, il arrivait à faire
oublier les rumeurs en sa défaveur et à se maintenir à son propre poste pourvu qu’il respecte
les conditions et exigences de son Bot‫כ‬. Ainsi un individu a eu recours à un Bot‫ כ‬qui lui a
prescrit le sacrifice de sept béliers pour être nommé Ministre par le Président de la
République. Mais une fois nommé, il a changé de Bot‫ כ‬pour ne pas être tout le temps sous son
emprise. Malheureusement après sept ans à son poste, il a été dégommé car son nouveau
Bot‫כ‬, moins expert que le premier, n’a pas su lui recommander de renouveler le sacrifice des
sept béliers. Le chiffre sept symbolisait ses sept ans de pouvoir, de Ministère.
Toujours sous le Marxisme-Léninisme, nous savons que c’est le Bo qu’un Bot‫כ‬
d’Abomey a fait au Président Kérékou qui lui a permis de rester dix-sept ans au pouvoir
malgré le mécontentement des citoyens gouvernés dans la misère et dans la timocratie car
l’emblème du saurien, le caméléon qui était sur la canne du président, la canne de l’autorité

E
disait : "Atin m‫ כ‬n‫ כ‬fl£ do agama l‫כ‬m£" (la branche ne se cassera pas dans les bras du

U
caméléon). La branche ici c’est le pays, la République populaire du Bénin dans toutes ses

EQ
difficultés et surtout dans son marasme économique, il ne sera pas renversé dans les bras du

TH
Caméléon. Nous savons que le caméléon n’est ébranlé par rien, résiste au vent, à la tornade et
rampe prudemment jusqu’à sa destination en changeant de couleurs au gré des difficultés
O
engendrées par le milieu et les intempéries. Le Président Kérékou a su résister à toutes les
LI

oppositions socio-politiques et n’eût été la résolution des travailleurs de perdre leur job ou
IB

leur vie par une grève sauvage, il n’aurait jamais été détrôné. Il n’a pas été détrôné
-B

effectivement ni démis de ses fonctions mais il s’est retiré de lui-même après élection. La
Conférence Nationale l’a encore racheté de toutes ses fautes politiques, économiques,
IA

morales, sociales en lui accordant au grand étonnement de tous l’immunité.


R

Aujourd’hui encore même sous le Renouveau Démocratique, nous remarquons que


ES

nos dirigeants qui ont accédé au pouvoir dépensent des sommes énormes en Bo pour s’y
D

maintenir en préservant leur autorité. Le même phénomène s’observe dans nos secteurs
O

publics qui s’amenuisent de jour en jour et où les cadres se battent à coups de Bo pour avoir
C

une place de Directeur et bénéficier des avantages qui s’y rapportent. Ils ne lésinent pas ses
exigences de leurs Bot‫ כ‬pour s’accrocher. On a envie de devenir chef non pas pour changer
quelque chose dans ce pays mais seulement pour jouir des atouts et des égards dûs à ce rang.
C’est la recherche de l’intérêt personnel qui pousse au pouvoir et à faire du Bo. La
recherche d’une sécurité et d’une garantie magiques est une motivation permanente. Nos
dirigeants dans la pure tradition d’antan s’entourent de Bok‫כ‬n‫ כ‬auxquels ils obéissent
aveuglément ajoutant foi à leurs oracles, beaucoup plus qu’à leur intelligence, à leur
expérience, à leur sagesse. Pour prendre part au pouvoir, c’est-à-dire être Ministre ou
Directeur ou Président ou simple responsable dans ce pays et se maintenir au pouvoir, la
compétence ni le mérite n’ont rien à y voir, il faut être seulement fort en gris-gris. "Tous ceux
qui sont membres du gouvernement, qu’ils soient Président, Ministre, Préfet et Chef de
service, ils ont tous leur Bok‫כ‬n‫כ‬. Cette réflexion d’un de nos enquêtés trouve sa justification,
sa véracité dans l’attitude de notre Grand Camarade de lutte, le Président Mathieu Kérékou le
premier Mai 1986, qui traverse la foule lors du défilé, ayant à ses côtés le chef des féticheurs,
mieux des vodounon, le DAGBOHOUNON de Ouidah avec un python autour de son cou
comme un collier vivant et brillant que le Président lui-même invitait des gens à saluer, à
toucher de leur main. Cette manifestation de l’autorité politique implique que le Bo assure
aux gouvernants leur suprématie et serve de garantie à leur pouvoir. Indubitablement, au
Bénin et partout ailleurs en Afrique, le pouvoir est assis sur les Bok‫כ‬n‫כ‬, les charlatans, les

E
devins, les Bot‫ כ‬qui profitant de leur importance proposent leurs connaissances à des postes

U
politiques ou interviennent dans la prise de décisions hautement politiques. C’est sur le

EQ
conseil d’un Bok‫כ‬n‫ כ‬que les révolutionnaires haut perchés dans l’échiquier politique ont

TH
réussi aux premières heures de fièvre de la Révolution, à imposer à la masse la campagne de
salubrité publique le samedi matin. En effet tant que le peuple balayerait le pays en grand
O
nombre, le pays sera soumis au roi, au Président. C’est le Bo que le roi AKABA a utilisé pour
LI

dominer longtemps à Abomey. Effectivement dans la tradition ce sont les esclaves qui
IB

balaient et tant qu’ils acceptaient de balayer ils étaient soumis à leurs maîtres quelle que soit
-B

leur barbarie.
Par ailleurs par le Bo, les gouvernants arrivaient à s’informer sur les tractations de
IA

leurs opposants et sur les appréciations de leurs actions, chose qui les amenait à durcir leur
R

position ou à corriger leur tir. Voici une recette fort simple pour être informé de tout ce qui se
ES

passe autour de soi ou dans un royaume :


D

"Demander un peu de sauce (une cuillerée) chez plusieurs personnes (cinq au moins). Mettre
O

cette sauce dans un canari cassé ou dans une marmite où l’on fait frire habituellement du
C

gâteau. Chauffer le tout jusqu’à obtenir de la cendre noire. S’en servir dans de la bouillie ou
dans de l’akassa délayé".

Résultat : toute personne qui est informée sur vous ne se sentira libérée que lorsqu’elle
vous en aura parlé. Les responsables se servent de ce gri-gri pour gouverner et pour diriger
avec efficacité.
Pour se faire élire il faut utiliser le yl‫ כ‬soit "Nukuku n‫ כ‬ba ahwan kpo a", soit
"unj£gb£tom£", soit k£huh‫כ‬n", soit "gbeceji". Et pour avoir du courage il faut boire l’eau dans
laquelle le forgeron trempe le fer rouge. Enfin pour faire triompher son opinion : "arracher
vivement de la gueule d’un mouton un vêtement ou un chiffon qu’il vient de prendre et qu’il
est en train de mâcher. Brûlez-le et en pétrir la cendre dans du beurre de vache. Prendre la
pâte obtenue dans le creux d’une main et frotter énergiquement les deux mains l’une contre
l’autre puis faire passer la main sur la figure".
A Bangui sous le gouvernement de l’Empereur Bokassa 1er, la première femme qui a
été nommée Ministre ne savait ni lire, ni écrire correctement. Elle avait comme source de
compétence l’eau qu’elle recueillait le matin de l’ablution du vagin d’une jeune fillette
impubère dans une bassine. Avec cette eau elle se lavait le visage en prononçant une
incantation dont voici la traduction française : "Tout homme, garçon ou fille est sorti du vagin
de la femme. Seul celui qui n’est pas sorti d’un vagin peut m’affronter et s’opposer à mes

E
décisions". Elle a terminé normalement son mandat dans la dignité grâce à cette eau lustrale

U
quasi-bénite qui l’a aidée à assumer sa fonction de ministre jusqu’au bout. Dans la tradition

EQ
fon cette eau vaginale équivaut à un "Nuv£nu", un Bo élémentaire très efficace qui assure

TH
sans difficulté la maîtrise de l’immaîtrisable.
O
3. Sur le plan juridique :
LI

(a) Essor du Bo :
IB

C’est ici que le Bo connaît son plein épanouissement, son essor. Il sert à se rendre
-B

justice soi-même et à gagner un procès si jamais on se présentait devant un juge. Le Code


Napoléonien a peu d’efficience en Afrique à cause de la possibilité que l’Africain a
IA

d’influencer le verdict. A cause du Bo l’Afrique doit élaborer son propre code pénal car
R

l’usage du Bo bouleverse tout. Comme souvent c’est le problème de terrain qui est débattu,
ES

les paysans font un Bo simple avec un cauri non perforé et des feuilles de "dekikan" qu’ils
D

enterrent sur la parcelle en litige en disant tous leurs souhaits surtout que personne en-dehors
O

de leurs membres de famille n’habite – ici sur cette parcelle. A partir de ce rite-bo, les
C

antagonistes oublient cette parcelle.


Si d’aventure quelqu’un voulait porter plainte contre vous parce que vous lui devez de
l’argent, pour l’empêcher désormais vous faites ce Bo appelé "kpobla " qui dit en adja
"bâton". Vous appelez le nom de votre créancier sur le bâton et vous l’attachez à du fil. Le
créancier ne viendra plus jamais vers vous pour réclamer sa créance. De même si deux
personnes se réunissent pour entreprendre quelque chose que vous ne cautionnez pas il vous
suffira d’appeler leurs noms sur le bâton que vous attacherez solidement avec du fil et que
vous jetterez par la suite dans la mer. Les deux individus associés n’arriveront plus à réaliser
leur projet. Le "kpobla" a aussi valeur de "Hwedewu".
Pour ne pas être dénoncé par un complice, un voyant, un devin, un charlatan ou un
Bot‫ כ‬après avoir commis un acte répréhensible, vous pourrez faire le bo "Xamiaku", (si tu me
cites tu meurs) ou "Abamikpo" (tu ne me verras pas). Pour remédier à tout cela il y a un autre
Bo aussi simple appelé "Akuyan", qui permet de tenir caché tout ce qu’on a fait. Il suffit de
creuser un trou de vingt centimètres et d’y déposer un œuf de poule et un crapaud mort ainsi
que le fruit gardenia tricantha. En déposant le crapaud sur l’œuf il faut prononcer : "Si le
crapaud peut couver et faire éclore cet œuf que tout le monde soit au courant de mes actes les
plus secrets. Mais s’il n’y arrive pas que tout le monde ne soit pas au courant de mes actes les
plus secrets".

E
(b) Bo et Injustice

U
En cas d’injustice flagrante ou d’abus d’autorité, c’est la mort qui intervient. Voici un

EQ
récit qui en témoigne.

TH
Deux anciens amis ressortissants de Monkpa, un village de Logozohè, un douanier en
service et un maçon rentrant de la Côte d’Ivoire au bercail. A la douane le douanier a
O
confisqué tout ce que ce dernier avait ramené de la Côte d’Ivoire. Malgré les supplications du
LI

maçon de la somme déposée pour négociation le douanier refusa de restituer au maçon ses
IB

biens. Arrivé au village sans bagage, le maçon raconta à son père les faits et lui demanda
-B

d’aller voir le père du douanier afin d’exhorter son fils à faire preuve de clémence. Sans
ambage le père du douanier déclara à son pair qu’il ne pouvait rien car son fils était en train de
IA

faire son travail, "le travail du Blanc". Tout mécontent le père du maçon rentra chez lui. Trois
R

jours après ce fut un corbillard qui ramena au village les dépouilles du douanier en question.
ES

Ainsi mon père m’a demandé de faire preuve de souplesse si la situation l’exige car on
D

assimile toute rigueur dans l’exercice du pouvoir à un abus de pouvoir.


O

La mort du douanier n’a pas surpris les gens du village qui ont été informés des faits et
C

ont conclu que le père du maçon a fait usage d’un bodida, d’un Dakabo, d’un Bo mauvais.

( c ) De l’usage des Bodida, des Dakabo :


Comme son nom l’indique, le Bodida est un Bo du mal, un Bo qui fait du mal. Il ne
s’octroie pas à n’importe qui. Il se pratique en catimini et connaît une diffusion très restreinte.
Dans le passé il était possédé par les personnes sages, les gens dont la miséricorde est
proverbiale puisqu’ils ne l’utilisaient que très rarement, en cas de force majeure. Il est utilisé
en général pour châtier un affront que tout le monde a jugé intolérable. Dans le but d’assurer
leur propre défense, d’être prêt à parer à toute attaque et se faire craindre dans la société, on
pratique leur propre défense, d’être prêt à parer à toute attaque et se faire craindre dans la
société, on pratique le Bodida dans l’esprit romain : "Oderint dum metuant" (qu’ils me
haïssent pourvu qu’ils me craignent).
Les Bodida, les Dakabo sont des Bo pour tuer. Ils inspirent réprobation, répugnance,
indignation. Cependant les sages vieillards comme le père du maçon s’en servent pour
éliminer un paria, un marginalisé, un malfaiteur dans le but de sauvegarder la cohésion,
l’harmonie sociale. Le mal devient parfois nécessaire quand on désapprouve un homme qui ne
veut pas entendre raison, ne veut pas faire preuve de compréhension ou de tolérance, un
homme qui tue un autre homme : le vécu quotidien exige et excuse l’usage du Bodida. Nos
coutumes prévoient dans la tradition l’élimination physique d’un sorcier, d’un assassin, d’un

E
adultérin. Donnons-en quelques exemples :

U
- ESOL£L£ Adja conduit la victime au suicide par noyade ou par auto pendaison en

EQ
vingt-quatre heures ;
X£DU – XEKU (Adja) : lorsqu’un héritier n’est pas satisfait du partage qui a été fait, il

TH
-
se rebelle. Il a recours à ce Bo pour défier les membres de la famille jusqu’à avoir gain
O
de cause en occupant les terrains ou les champs comme il l’entend. Si le produit de ces
LI

champs est consommé par les membres de la famille, la mort s’ensuit, commence par
IB

emporter les enfants, ensuite les femmes. Si des cérémonies propitiatoires ne sont pas
-B

faites à temps, toute la famille peut disparaître.


- AGBA (Adja) : lorsqu’on remarque que les sorciers, les az‫כ‬dat‫כ‬, les azet‫ כ‬exagèrent
IA

dans leurs représailles on a recours à AGBA pour soustraire la communauté à la loi de


R

la jungle AGBA, simple poudre spéciale, sert à ôter de la société les indésirables, les
ES

méchants. Leur corps n’est pas inhumé mais exposé à fumer. Leurs os servent à
D

confectionner d’autres Bo.


TAS£ (Adja): tue tous ceux qui parlent ou pensent mal de vous. Il est dans une jarre ou
O

-
C

dans une calebasse.


Tous ces Bodida ont aussi leurs anditodes. A force d’utiliser les antidotes, ils perdent
leur protection et celui qui tue par Bo en mourra lui aussi. C’est pourquoi les vieillards assagis
par l’expérience de la vie recommandent toujours de ne pas tuer son prochain. Ils préfèrent
aux Bodida que l’on ait recours à certaines incantations qui engendrent la paix. Citons, sans
commentaire, certaines de ces incantations libératrices et pacifistes :
-Fifam£, Fifam£ un wxe. Ny‫כ‬nu sin kpam£ n‫כ‬n hunzo gbede a, fifa m£ ( La paix, je vais
dans la paix. La douche de la femme n’est jamais chaude ; la fraîcheur). Atakun n‫ כ‬jizo cob‫כ‬
apat‫כ‬n n‫ כ‬fa, fifam£. Takin n‫ כ‬fi£ cob‫ כ‬dot‫ כ‬n‫ כ‬fa, fifam£ ( Le poivre est piquant, pourtant sa
gousse est douce. La paix. Le piment est fort cependant sa racine est fraîche. La paix).
-Ganjènu : gan kun‫כ‬n j£ nu nu so es‫ כ‬sin n‫כ‬n du ama a, nu x£y£ ( La gueule du cheval
enchaînée ne peut pas manger la feuille, de foin : bouche sèche). Cette incantation s’emploie
au tribunal pour empêcher le témoin à charge de parler pour nuire à l’accusé. Le Bo qui a ce
Bogbe, cette incantation est fait à partir d’un cadenas qu’on met dans le bec d’un canard, que
l’on ferme en appelant le nom du témoin à charge.
-Zunm£ yio‫ כ‬n‫כ‬n dal‫ כ‬atin bi wu a ; kp‫כ‬n minyité ( Le chasseur ne touche pas à tous les
arbres de la forêt, laisse-moi de côté et oublie-moi). La sagesse de cette dernière incantation
rappelle les vers de Musset pour rendre les rapports sociaux féconds et prospères :
"A défaut du pardon laisse venir l’oubli"

E
"Les morts dorment en paix dans le sein de la terre".

U
EQ
4. Sur le plan économique

TH
L’usage du Bo dans la vie économique est indiscutable. Son influence est si
remarquable dans l’activité économique qu’on le considère comme un catalyseur économique.
O
Il faut entendre par vie économique toute activité de production par laquelle un peuple arrive
LI

à satisfaire ses besoins vitaux et à survivre. Comme nous avons déjà parlé du Bo dans les
IB

activités professionnelles nous parlerons maintenant du Bo dans l’agriculture et dans le


-B

commerce sous sa forme rudimentaire étant donné que dans les pays sous-développés où
domine encore la tradition, la terre et son labour sont source de la vie économique et de
IA

richesse.
R
ES

(a) Bo et Agriculture
D

Quand la période de la saison pluvieuse est arrivée et que la pluie tarde à tomber, les
O

villageois se réunissent, lèvent des souscriptions pour faire des rites aux vodun (Hébiosso à
C

Ouidah, Dan à Covè) afin de faire pleuvoir. Même en saison sèche pour des Bo puissants ils
peuvent faire pleuvoir pour arroser leurs champs. Cet arrosage magique rend le sol plus fertile
et la récolte hâtive et abondante et de meilleure qualité. A défaut d’engrais chimiques ils
utilisent des procédés végétaux qui ne s’écartent pas des Bo. Traditionnels pour avoir des
tubercules de manioc, d’igname aussi hauts que la taille d’un homme.
On rapporte que dans la guerre contre la colonisation des Holli de Pobè ont planté et
fait mûrir des bananes en un seul jour et les soldats français affamés qui en mangèrent
moururent parce que ces bananes n’étaient pas naturelles mais magiques et vénéneuses.
Comme la terre est la source de l’agriculture, l’attachement à la terre, la défense de sa
propriété légitime est la cause de l’usage intempestif du Bo pour régler les litiges de titres
fonciers ou de champs à cultiver. La propriété du champ est indivise comme indique le nom
du roi Glèlè d’Abomey : "Gléli lè manyon zé", on ne peut emporter un champ labouré.
Détenir un champ c’est avoir une propriété importante, un capital disponible puisqu’en cas de
difficulté financière on peut laisser son champ en gage pour faire un prêt.
Par ailleurs dans les campagnes, toute tentative de réussite individuelle est sujette à
des représailles du Bo. De vastes champs d’ignames, de manioc, de patates douces ou de
haricots se dessèchent en pleine saison de pluie. Si par inquiétude on va consulter un Bok‫כ‬n‫כ‬
on découvre dans le champ un Bo enterré par quelqu’un d’autre pour empêcher le
développement naturel des semences et des tubercules. Ce Bo est souvent à base d’un épi de

E
mil, de karité, de charbon, de la graisse de bœuf destiné à conjurer tous les malheurs pouvant

U
arriver, subvenir dans le champ.

EQ
Dans la vie courante les Bo les plus redoutables, les plus efficaces se retrouvent chez

TH
les agriculteurs. C’est d’ailleurs en leur sein que l’on dégage les hommes versés dans
l’occultisme, les vodounon, les Bot‫כ‬, les charlatans. En tant que cultivateurs, pêcheurs et
O
chasseurs, ils sont en communion continue avec la nature malgré la lutte acharnée qu’ils
LI

mènent contre elle. Leur sagesse séculaire se reconnaît dans leur usage parcimonieux et
IB

réfléchi du Bo, ce qui n’est pas le cas des commerçants.


-B

(b) Bo et Commerce.
IA

Les commerçants sont ceux qui assurent la libre circulation des biens produits, en
R

général des cultures vivrières et des articles de luxe. Grâce à eux se font les échanges, les
ES

transactions. C’est pourquoi en leur sein l’instinct d’accaparement des richesses les rend
D

gourmands sinon friands des Bo afin de pouvoir amasser plus de richesses en vendant plus et
O

avec plus de bénéfice et en s’efforçant d’avoir le monopole du marché. La recherche du


C

monopole pour le plus grand profit en peu de temps amène les commerçants à faire usage du
Bo sous ces deux formes habituelles de " Yl‫ "כ‬et de "Glo". Le "Yl‫ "כ‬qui leur permet d’attirer le
plus de clientèle possible et pour vendre le plus possible. Les "Glo" qui les protègent contre
les sortilèges que les autres pourraient chercher à utiliser contre eux soit pour leur nuire sous
des méventes ou en les rendant victimes de maladies indiagnosticales ou en leur faisant perdre
toute la somme de leur vente en se présentant à eux avec de fausses pièces préparées
"ahwegbado" ou en enterrant sous leur étalage des Bo chasseurs de clients et attireurs de
mouches. A Dantokpa, le marché le plus fréquenté de la sous-région, les vendeuses de divers
produits et surtout celles de tissus rivalisent à qui mieux mieux en Bo. Pour elles, le Bo
permet d’éliminer l’autre en la poussant à la faillite, à la ruine ou à l’abandon pour augmenter
sa prospérité, son prestige à soi. Là les vendeuses se nuisent réciproquement de mille
manières en enterrant des bocio, des statuettes sous leurs étalages ou en répandant par terre
des poudres spéciales, ou en prononçant des incantations qu’on ne doit pas entendre. Les Bot‫כ‬
profitent tellement de la naïveté des femmes pour les exploiter davantage car la femme de
Dantokpa qui souffre d’une simple indigestion ou qui a heurté du pied une pierre par mégarde
va courir se plaindre au Bok‫כ‬n‫ כ‬qu’elle a été envoûtée par jalousie ou par convoitise par ses
voisines du marché. Selon le degré de sa crainte, de sa peur, ou de sa déréliction le Bot‫ כ‬va
exiger ses honoraires.
Le Bo connaît aujourd’hui une évolution vers les ambitions financières. Il ne se fait

E
plus pour cinquante centimes ou pour le franc symbolique comme jadis. Pour le Bo certains

U
paysans cèdent de riches terres en campagne pour venir à la ville dans l’espoir d’y faire

EQ
fortune. A force de taxer les clients, surtout les femmes de Dantokpa et les hommes

TH
politiques, certains Bot‫ כ‬arrivent à se procurer des parcelles à Cotonou et à les construire. De
même certains Akowé vident leurs comptes bancaires pour des Bo dans la recherche de
O
déloger de son poste un copain. En ville comme au village certains citoyens se sentent
LI

persécutés de partout et vont de Bot‫ כ‬en Bot‫כ‬, de charlatan en charlatan pour combattre leurs
IB

ennemis qu’ils n’arrivent jamais à connaître, ni à désarmer. Les femmes du marché se


-B

comportent comme ces citoyens en allant de Bot‫ כ‬en Bot‫ כ‬pour parer aux assauts de leurs
compagnes du marché et pour bien vendre.
IA

Dans ce dernier but elles ont une gamme variée de "Yl‫ כ‬depuis les incantations et les
R

"So", les pieux. Le " Nukuku n‫כ‬n ba ahwan kpo a" est le plus utilisé. Un poulet mort, dix piquets
ES

ou pieux de citronnier enfoncés dans le ventre du poulet et le tout enterré dans un tas
d’ordures. Retirer le tout après sept jours en prononçant l’incantation : " Nukuku n‫כ‬n ba ahwan
D

kpo a". tovi, tosi mibi miwa goncé" (Ce qui est mort ne manque pas de popularité. Citoyens,
O
C

citoyennes, venez tous à moi). Ce Bo sert à vendre ses marchandises bien avant les autres
marchands et à prospérer dans ses affaires d’une façon générale. Les piquets enterrés dans les
points cardinaux permettent d’être élu, d’être préféré aux autres et d’être très populaire. Une
autre recette souvent utilisée à Dantokpa : "Cémayi". Une feuille de néré. Du sel. du sable du
marché. Une gousse de poivre de Guinée. Le tout grillé et réduit en poudre à mettre dans un
parfum à utiliser le matin en se frictionnant les mains et en disant : "Si la mouche ne tourne
pas autour de la vendeuse de moutarde, elle ne tournera pas autour de la vendeuse de sel. Et
pour se protéger contre tout sortilège, contre toute mévente, la vendeuse peut faire ce polyglo
appelé "Gbin". Mettre un escargot dans un cercle de sel de cuisine. Prendre l’escargot. S’il
meurt en cherchant à traverser ce cercle, le prendre et le faire griller avec une feuille appelée
"Bero" en bariba. Dans de la nourriture ou de la boisson, prendre une pincée de cette poudre
en disant : "Tout être humain qui mange du sel et qui en voudra à ma personne de quelque
manière que ce soit mourra comme l’escargot". Avec ce polyglo la vendeuse est rassurée et ne
nourrit plus d’inquiétude pour résister à tout et grâce à son "Cémayi", elle écoulera ses articles
avant ses commères.

© Bo et transport :
Les transporteurs ou les agents de la circulation des biens produits permettent de faire
les transactions malgré la distance qui sépare les marchés. Ce sont les chauffeurs de tous

E
véhicules experts en Bo de circulation, les glo de contre accident, les Fifobo, les Bo qui font

U
disparaître en cas de danger. Leur aptitude au Bo se remarque dès qu’on entre dans leur

EQ
véhicule : une queue de cheval bariolée de cauris suspendue au retroviseur, un talisman

TH
accroché au volant, une plume rouge de perroquet flottant au plafond de la voiture ou un gros
bracelet en cuir au bras gauche du chauffeur qui n’arrête pas de prononcer des incantations.
O
Pour eux, il faut avoir le plus de passagers possibles, rouler le plus imprudemment possible à
LI

vive allure, confiants au Bo. Entre eux-mêmes leurs rapports ne sont pas toujours amicaux car
IB

en leur sein il y a des brimades, des sévices, des règlements de compte. Un jour un chauffeur
-B

conduisait ses passagers de Cotonou vers Bohicon. A Allada, il fut dangereusement doublé
par un autre transporteur à vive allure. Il s’efforça de le rattraper pour attirer son attention sur
IA

la manière peu orthodoxe dont il l’avait dépassé. Au lieu de lui présenter des excuses, le
R

chauffeur fautif lui asséna une cuisante gifle. Courroucé, le chauffeur giflé se maîtrise sans
ES

broncher au grand étonnement et mécontentement des passagers qui se mirent à se moquer de


D

lui et à le traiter de tous les noms. Au bout d’un moment il s’arrêta, sortit de son coffre- avant
O

une petite boîte mystique, en déversa une petite pincée de poudre noire dans les traces des
C

pneus de son agresseur qui continuait allègrement sa route sans rien soupçonner, tout hautain
et toute triomphant. Après ce rite banal il s’écria en fon : "E na gba houn cobo nayi Bohicon",
ce qui traduit en français : il va écraser sa voiture avant d’atteindre Bohicon". Dix kilomètres
plus loin en effet, son agresseur avait fait un accident avec la voiture ; les passagers n’ont rien
eu mais le moteur était hors d’usage. Les passagers moqueurs se mirent à féliciter le chauffeur
méchant, justicier, vindicatif qui s’est fait justice à lui-même sans appel et sans tarder. Ils lui
promirent aussi force bouteilles de boissons en le félicitant pour sa patience, sa bravoure et
son sang-froid. Dans ce domaine de vengeance, il faut faire preuve d’humilité, de discrétion et
se méfier des pacifistes apparents. Cette méfiance et cette humilité doivent être observés
davantage quand il s’agit des sports et des loisirs.

5. Bo, Sports et Loisirs


L’action des forces occultes dans les activités sportives et les loisirs ne cesse d’être
évoquée par les journalistes africains en général et béninois en particulier. C’est ainsi que
Alexis Justin Chodaton écrit dans un reportage demeuré célèbre :
"L’homme ne force l’allure que sous l’urgence d’une conviction intérieure et c’est quand le
sportif est pleinement conscient de son état qu’il met en œuvre toutes ses capacités. A défaut
de primes et de prouesses en cas de victoire, les responsables de notre football ont souvent
recours aux pratiques occultes pour donner un stimulus aux joueurs, surtout lorsqu’on sait

E
qu’en football la force de caractère a autant d’importance que le talent. Les pratiques occultes

U
ont essentiellement pour but de permettre aux joueurs d’extérioriser tous leurs acquis

EQ
(physique technique et tactique), d’activer un peu plus leur engagement dans le jeu. Certains

TH
produits avalés quelques instants avant un match peuvent être une véritable drogue pour se
défoncer sur le terrain."
O
Cette longue citation du jeune et talentueux reporter montre la portée des pratiques occultes
LI

dans les sports et les activités de loisir et surtout le football.


IB
-B

(a) Bo et football :
Si au monde il est en effet un sport qui réussit à rassembler toutes les races de la
IA

planète sans discrimination idéologique, politique, économique, culturelle, c’est le football.


R

Ce sport-roi, au dire d’Alex Chodaton n’est pas à l’abri des forces occultes. Bien qu’introduit
ES

tard au Bénin, le football en dépit de l’hostilité de certaines communautés traditionnelles a


D

continué à se développer et à conquérir le continent africain au point de supplanter les autres


O

disciplines sportives. Il est devenu la passion moderne de la jeunesse universelle. Cette


C

discipline qui requiert la force physique, la rapidité, l’adresse, le savoir, le savoir-faire, le fair-
play, le sang-froid, la solidarité, est actuellement sous le joug des puissances psychologiques
d’un public aussi nombreux qu’exigeant. Le surnaturel par la force des choses deviendra le
naturel et entre par la grande porte dans le sanctuaire des règles observées du jeu.
Les clubs dépensent en effet des sommes considérables pour s’assurer le service des
Bok‫כ‬n‫ כ‬les plus puissants. Au Bénin chaque équipe a son Bok‫כ‬n‫כ‬. Chose paradoxale, telle
équipe de telle province peut avoir son Bok‫כ‬n‫ כ‬d’une autre province. Les joueurs ont
tellement mis leur confiance dans les pratiques occultes qu’ils oublient la préparation
physique et technique des rencontres. Un match se déroule toujours sur deux plans : un plan
visible, celui des joueurs sur l’aire de jeu et un plan invisible où s’affrontent dans Ku gb£t‫ כ‬sin
adan, bo gb£t‫ כ‬sin adan, adan tata w£ gb£t‫ כ‬sin (entre la mort et la vie, seule la mort vaincra).
Les pratiques occultes sont les conditionnements psychologiques du joueur pour lui
permettre de rendre le meilleur de lui-même, de triompher dans la concurrence, de l’emporter
dans la rivalité et de marquer son prestige sur le stade. En honnête chrétien il n’a signalé que
l’aspect psychologique, dynamisant du sport, du football, sport de masse. Il a oublié que dans
la mentalité des joueurs et des présidents des clubs sportifs les pratiques occultes pour garantir
la victoire doivent d’abord affaiblir, nuire à l’équipe adverse. C’est le point de vue de
nuisance qui est prépondérant, on doit tout faire pour enlever à l’équipe adverse la confiance
qu’elle a en elle-même, la décourager et la ridiculiser sur le stade, la fatiguer par toutes sortes

E
de pratiques de Bo depuis les incantations anodines qu’on murmure aux oreilles mêmes des

U
joueurs de l’équipe adverse, jusqu’aux trucs qu’on enterre sur le terrain avant le match. Ici

EQ
tout est à la charge du Bok‫כ‬n‫ כ‬de l’équipe, qui dispose de plusieurs procédés. Il peut fixer un

TH
joueur au sol en enfonçant un pieu en son nom. Il peut éblouir les joueurs rivaux, faire voir au
gardien de buts les tente-six chandelles ou ce qui n’est pas moins dangereux, deux ou trois
O
ballons à la fois. Il peut aussi l’alourdir, multiplier ses impairs et souvent semer la discorde
LI

dans le camp adverse. Ainsi qu’après un match de football le gardien raconte : « "j’ai vu un
IB

millier de ballons venir, j’en ai attrapé fermêment un et pourtant le score est ouvert" A la place
-B

du Bok‫כ‬n‫ כ‬le capitaine de l’équipe peut faire le "Mèbibla" qui consiste à faire endormir un
individu visé du moins spirituellement ou à le rendre inactif pour quelques temps. Le
IA

"mèbibla se pratique contre les éléments dangereux de l’équipe adverse. Un cadenas, une tête
R

de canard séchée, une feuille appelée "cana" du "Ahoué", du fil blanc, rouge, noir, bleu, jaune.
ES

La feuille et le ahoué soigneusement moulu et introduit dans le bec du canard solidement


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ficelé. Mode d’emploi. Au moment opportun mettre le cadenas dans le tour percé dans le bec
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du canard et dire tout ce que l’on veut de l’équipe ou des joueurs et fermer le cadenas. Les
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joueurs ainsi visés ne foutent plus rien de bon sur le stade et comme ces joueurs constituaient
les espoirs de l’équipe adverse, celle-ci perd le match. Sans aucun doute le Bo sert à réussir,
aide à remporter la victoire. Il exhorte dans bien des cas. Il rehausse le morale en faisant
dominer la peur, l’angoisse. L’utilisation du Bo devient la condition sine qua non de la
victoire. Tout comme il est indispensable à une équipe de porter un maillot avant de monter
sur le stade, le tapis vert, le port du talisman, la récitation des incantations deviennent des
priorités pour tous les sports. Ce qui est certain et indubitable c’est que ces pratiques
préparent psychologiquement les joueurs à affronter leurs adversaires et à se mettre sans répit.
Il est certain aussi que ces pratiques donnent aux joueurs la chance, donc la victoire. Cela
laisse comprendre que la technique et la compétence ne sont plus tellement nécessaires pour
gagner. C’est ainsi que lors d’une rencontre entre l’association sportive de Porto-Novo et une
équipe de Lomé à Cotonou au stade René Pleven, un Bok‫כ‬n‫ כ‬et un de nos informateurs étaient
dans le village à quarante-cinq kilomètres du stade. Quand le Bok‫כ‬n‫ כ‬eut tout préparé pour le
match, il se munit d’un poste radio pour suivre le match en direct. Selon le match le Bok‫כ‬n‫כ‬
arrange ses joueurs et ses Bo. Au début du match, il a prononcé une incantation et s’est mis à
manipuler ses Bo comme des marionnettes. Si le ballon est dans le camp de l’association
sportive de Porto-Novo, il manipule ses marionnettes, symbole de ses joueurs et tout d’un
coup le reporter dit que le ballon est déjà dans le camp adverse ou se trouve au milieu du
terrain. Le Bot‫ כ‬reconnaît malgré l’éloignement que l’équipe de Porto-Novo est dominée mais

E
le Togo n’arrive pas à concrétiser par un but ses actions merveilleuses. Les joueurs togolais

U
font de bons tirs mais la balle est déviée de sa trajectoire par un joueur ou par quelque chose

EQ
qu’on n’arrive pas à préciser. A dix minutes de la fin du match le score est de 2 buts à 0 en
faveur des Béninois. Le Bok‫כ‬n‫ כ‬réalise soudain que s’il ne laissait pas les Togolais marquer

TH
un but le match s’achèverait en bagarre. Alors quand il s’est mis à ranger ses Bo, le reporter a
O
crié à la radio : "les Togolais viennent de marquer un but". Quelques instants après l’arbitre
LI

siffla la fin du match sur le score de 2 buts à 1 en faveur de l’association sportive de Porto-
IB

Novo.
-B

Tout le monde sait par ailleurs que l’Association sportive de Porto-Novo utilise un Bo
qu’on appelle "Kotayo". Il a été fait avec la tête d’un nigérian noyé au nom de Kotako. Dès
IA

qu’on l’invoque au cours d’un match après des cérémonies rituelles la veille, la réponse de
R

Kotayo se fait par une pluie avant, au cours du match, signe annonciateur de la victoire de
ES

l’Association sur l’équipe adverse quelle que soit sa force. L’équipe des Dragons de l’Ouémé
D

gagne encore sur son adversaire quand il pleut. Faut-il conclure de là que les deux équipes
O

utilisent le même Bo ? rien ne nous autorise à répondre affirmativement ou négativement car


C

il y a toujours un mystère à ce niveau.


Un jour le Bot‫ כ‬de l’équipe de l’Association de Porto-Novo avait prédit qu’au cours de
sa rencontre avec l’Alliance de Cotonou, celui qui marquerait le premier but contre elle
tomberait. Ce fut la prophétie fatidique qui se réalisera en consommant la mort du célèbre
joueur de l’Alliance dénommé Vieyra qui tomba à la grande peur de tout le stade René Pleven
après avoir marqué le premier but qui devait assurer la coupe à son équipe. A partir de cette
mort subite, aucun joueur ne refuse les pratiques que le Bot‫ כ‬propose à ses coéquipiers pour
les protéger contre les sortilèges de l’équipe adverse.
Avant chaque match le Bot‫ כ‬de l’équipe soumet chaque joueur à des pratiques
magiques intenses en lui oignant le corps d’onguents spéciaux, en lui scarifiant le front, la
jambe, les pieds, en lui faisant avaler des mixtures, en lui inoculant des collyres indigènes
dans les yeux et en l’entraînant à réciter des incantations : "Wezun kant‫ כ‬n‫כ‬n z£ ayi wu a" (le
coureur ne dépasse pas la terre), se dit pour rattraper un joueur qui court vite. "Agbo kp‫כ‬n
n‫כ‬nt‫כ‬n do zan m£ edo tagba do nuku to w£ ade" (le jeune bélier a guigné sa mère pendant la
nuit, tu te fais de la peine) répond l’autre quoique tu fasses, tu ne m’atteindras pas, tu perds
ton temps. "Akpozo hihinto gba phozo akpozo" (balle viens dans ma main se dit en adja et en
fon "xodo alo cémè" (joue dans ma main) pour arrêter la balle d’où qu’elle vienne) incante le
goal keeper. "Agbavia, bamikpo (cherche-moi en vain), incantation que l’on prononce quand

E
on tire sur le goal pour marquer coûte que coûte le but. Le gardien cherche la balle en vain et

U
ne la retrouve que dans le filet. "Agluza gbo n‫כ‬n‫כ‬n t‫כ‬t‫ כ‬bo n‫כ‬n nan‫כ‬n via, hu ada do ayi", (la truie

EQ
ne reste pas accroupie pour donner à téter à son petit pose tes côtes par terre). Cette

TH
incantation peut être prononcée même par un spectateur pour empêcher un joueur adverse de
marquer un but. A cette incantation criée
O
depuis la tribune par un supporter quelconque le joueur tombe nécessairement avec la balle
LI

que le goal récupère sans difficulté.


IB

Les joueurs apprennent ces incantations au cours des nuits blanches. Ce qui ne les
-B

empêche pas d’être en forme pour le match. Sous les crampons on passe une lotion spéciale
avant d’entrer sur le stade, ce qui a pour but de fatiguer tout autre joueur qui n’aurait pas cette
IA

lotion et qui aurait eu le malheur de passer dans les empreintes des crampons qui ont reçu la
R

lotion.
ES

Au cours des matches, à l’affrontement visible des joueurs s’opposent l’affrontement


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invisible des Bo. Ce dernier affrontement rend décisif le résultat du match. En 1983 au mois
O

d’avril, le gardien de but de l’ASEC d’Abidjan fut surpris au stade de Surulere de Lagos
C

entrain d’enterrer du Bo dans ses buts avant le début du match comptant pour les huitièmes de
finale de la Coupe d’Afrique des Clubs vainqueurs de coupe contre Sationary Stores de
Lagos.
En 1985, la finale du Dixième (10ème) championnat d’Afrique de Basket Ball féminin
entre le Zaïre et le Sénégal n’a pas eu lieu. Les Sénégalaises grâce à leur "ndoepe", gri-gri,
auraient effrayé les Zaïrois qui ont dû quitter le stade. Bien qu’elles aient demandé le report
du match, les autorités ont remis la coupe aux Sénégalaises en déclarant forfait des Zaïroises.
Les pratiques occultes en sport ne sont pas propres aux Africains et aux Béninois, on
les retrouve dans le monde. Ainsi à propos du Mondial 1982 ai match opposant le Pérou et le
Cameroun le 15 juin. La veille le Pérou a reproché au Cameroun d’avoir fait appel aux
sorciers pour inquiéter les Péruviens. Ceux-ci aussi avaient leurs sorciers qui soutenaient que
leurs collègues africains auraient baigné dans le sang de poules noires les photos des
internationaux sud-américains avant de les enterrer. Un sorcier péruvien a même eu à rendre
responsables les sorciers camerounais de leurs difficultés pour faire rapatrier leurs joueurs qui
évoluaient à l’étranger. Pour corser le tout il a prédit qu’au cours du match même Pérou et
Cameroun des plumes de poules noires apparaîtraient sur l’aire de jeu et que le P2rou butterait
tout le temps sur le gardien camerounais Thomas Nkono qui ressemble par ses prouesses à
une araignée. Forts de ces révélations, les Péruviens se sont concertés pour décider des
attitudes à adopter lors du fameux match et finirent par une messe noire destinée à annuler

E
tous les sortilèges camerounais.

U
En Uruguay c’est la Calaba, rite destiné à mettre du côté des Uruguayens les bons esprits

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sportifs pour les aider à gagner en compétition. L’équivalente brésilienne est la Macumba.

TH
Les matches sont précédés d’un rituel une semaine à l’avance, de la simple prière jusqu’au
sacrifice d’animaux. En Amérique Latine, il n’est pas rare de voir dressée au stade une
O
chapelle. Pélé le roi du football dans une autobiographie, Ma vie et ce jeu merveilleux,
LI

Edition Robert Laffont, rapporte que la veille d’un match capital, il organisait une séance de
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prières avec ses coéquipiers.


-B

Dans le monde arabe c’est Dieu qui est directement invoqué dans les versets du Coran.
Le plus difficile pour un marabout c’est de contrer les mauvais esprits, les mauvais sorts jetés
IA

par l’adversaire et comment protéger les joueurs attachés, engourdis tantôt aveuglés à
R

l’approche des buts. Résultats : les rencontres de football, de hand-ball, de basket-ball ou de


ES

lutte opposent moins les joueurs que des sorciers et des marabouts. Exorcistes contre
D

encorcelleurs. Attachement du joueur français Michel Platini au numéro 11, Jean Amadou
O

Tigana au numéro 14, Alain Giresse qui pendant le Mundial 82 en Espagne aurait gardé tout
C

le temps le même maillot, les mêmes crampons, les mêmes chaussettes. Les footballeurs et les
autres sportifs sont toujours prêts à tout pour mettre le sort de leur côté. Qu’en est-il de la
Boxe ?

(b) Bo et Boxe
Au niveau de la boxe, sport individuel, le Bo trouve son terrain de prédilection.
L’individu emploie le Bo à la fois pour se protéger, attaquer et pour vaincre. Il sait que tout se
joue à son niveau par lui-même sur le ring comme dans l’occultisme. Tous les boxeurs
africains pratiquent le Bo. Selon la nature du Bo utilisé le coup de poing prend une valeur
agressive plus accentuée. Ainsi le boxeur camerounais quand il monte sur le ring suivant son
intention, il assène à l’adversaire le "Ebole", le "Esayiza", le "nda", le "Iumido", le "Nindo",
le "Idoni", Ndjole, le "Ozonlongo". Le cas du "Ebole" : Ebole coup de poing. C’est un
talisman pour la boxe. De légères incisions sur la paume de la main que l’on frictionne avec
une poudre noire formée de substances diverses suivant le but que l’on se propose. Le tout
imbibé du sang des incisions, des scarifications. Le "Ebole" a plusieurs formes, et selon le
degré d’adversité prendra d’autres noms :
-"Essayiza", c’est le coup de poing de la honte, de la confusion. Il donne à celui qui le reçoit
la colique et le conduit à faire caca sur le ring devant les spectateurs.
-"Nja Itowa, c’est le coup de poing du tonnerre. Il foudroie l’adversaire et l’étend raide mort.

E
-"Inondo", la silure électrique. Le coup de poing engourdit la main de celui qui le reçoit et

U
l’empêche de riposter.

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-"Idoni ndjali" silex ou pierre à fusil. Il provoque chez l’adversaire une sensation de brûlure

TH
sur la peau.
-"Le Ozolongo", "di awaka", le couteau sans manche. C’est la dernière forme du "Ebole". Ce
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coup de poing laisse des plaies profondes aux endroits touchés.
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Nota Bene : celui qui utilise "Ebole", le talisman de la boxe, doit garder sur lui un peu de la
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poudre miraculeuse pour charger son talisman en se frictionnant de temps en temps, pour
-B

renouveler sa puissance de frappe.


IA

© Bo et lutte
R

lL forme traditionnelle de la Boxe est la lutte qui se pratique un peu partout en


ES

Afrique, au nord du Bénin comme du Togo et du Sénégal. A ce sujet le Jeune Afrique


D

Magazine du 24 mars 1986 écrit :


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"Jamais l’usage de gris-gris et d’autres objets magiques n’a soulevé de disputes. Le


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recours au maraboutage y est non seulement admis mais encore il fait partie du jeu. Les
lutteurs entrent dans l’arène badigeonnés de safara, potion aux pouvoirs surnaturels. Ils sont
toujours précédés de leurs marabouts qui leur ont préalablement préparé amulettes et d’autres
éléments qui les rendront invincibles. Ainsi par le biais des lutteurs un autre combat s’engage,
celui des forces occultes".

(d) Bo et Tam-Tam :
Au Bénin au cours des tam-tams de Sakpata, de Hebioso, de Kutito, il y a de fortes
manifestations de gris-gris, des démonstrations de puissance, des "nudjrèdjrè, des merveilles
et des métamorphoses. Nous nous souvenons encore de notre enfance au cours Primaire à
Ouidah, les Kutito, les revenants ont organisé des tam-tams de démonstration où la plupart
des écoliers de la Mission Catholique qui y ont assisté ont été bastonnés par les prêtres pour
avoir assisté à ces orgies et à ces fêtes de démonstration de"Diable". C’était extraordinaire car
il fallait voir la place du tam-tam toute entière subitement recouverte d’eau comme un lac qui
n’a pas pourtant inondé les spectateurs ; des singes surgissaient des accoutrements des
revenants et des "maliots" les guides kutitos qui criaient sans cesse "Higbogbo ma tuolio hio
hé, hio hé hé hé hé " au grand étonnement de tout le monde dans un enthousiasme populaire.
En effet les tam-tams de revenants sont animés par des chefs de couvents, "Gbalè gan" fort
experts en gri-gri de démonstration.

E
La danse, le chant connaissent une très forte concurrence au niveau du Bo. La tradition

U
établit cela par le proverbe suivant : "Agbo wé do houn xo wè bo lèlè do howé hlon hlon wè

EQ
do nudjrè wè" (deux béliers se battent en contournant une maison, ce sont deux grandes forces

TH
qui se mesurent.) Dans la chaleur de la concurrence pour empêcher l’autre d’entonner son
chant on prononce cette incantation nago ou yoruba : "Oku alagbèdè, kole ro in nile oro, adja
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to tiku koni fohun, aï remon fi kurim nite alataku" (le cadavre du forgeron ne saurait battre le
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fer à la forge, le chien mort ne peut aboyer et c’est par manque de voix que l’araignée ne
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chante pas.)
-B

Chez les Fulbe et les Peuhls du Nord du Borgou la séance de chicottes est rude. Deux
adversaires se chicotent à tour de rôle en public. Le vainqueur issu de cette bastonnade peut
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gagner une jeune fille en fiançailles pour sa bravoure. En réparation de cette rude épreuve les
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deux adversaires consomment de la bouillie de mil assaisonnée d’une poudre particulière


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destinée à renforcer leur courage et leur endurance en les rendant pratiquement insensibles
D

aux douleurs tels des pachydermes. Cette poudre permet à chacun d’eux de faire des
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prouesses
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Pour la danse de Guèlèdè, la danse de masques réservée aux initiés au sud-est de


Savalou à Tchetti Doumè, Attola, au nord de Bantè. Trois jours avant leur prestation, les
danseurs sont mis au couvent sous la surveillance et la protection des Baba latchè et Iyalatchè,
les vodun du couvent, un couple mâle et femelle doué de forces surnaturelles pouvant
remettre en cause les malheurs qui proviendraient des ennemis des accompagnateurs ou des
danseurs. Contre toutes agressions ils devraient apprendre par cœur et réciter souvent :
"-atchigbé ni ti ekun
atèkpaniti adjinokun
atèloa tè wa natè egui o mon
odju ko ni dan danon gboko mafelewo
legniese ni omiru
adja ngbolé afafa ngboloko odjo
wo ni on ko kpadé"
Le symbolisme des éléments utilisés explique éloquemment les effets recherchés de la porte,
des empreintes d’éléphants, une racine, un chien, un loup, un caméléon, une luciole comme le
suggère la traduction française: "Nul ne peut avoir la porte et la garder. L’éléphant piétine
toujours à mort ce qui passe sous ses pattes. Quand une luciole passe tout le monde l’admire.
Ce sont les vœux du caméléon que le devin accepte. Il sera impossible au chien et au loup de
se rencontrer car l’un aboie à la maison et l’autre dans la brousse. En d’autres termes, "le

E
chien aboie et la caravane passe". Dès lors, les adversaires ne penvent rien contre les

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chanteurs, le porteur de masque, le prestidigitateur car l’intéressé a déjà évoqué et loué la

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puissance de sa Muse et celle de ses aînés.

TH
A Niaouli, le chanteur ne monte pas sur la scène sans réciter "Azinzin tinwé non mè
Alla da hosu ladé bonon awuimè an bonon goaa adagla xwe sunon yi gbomè bonon ba nu é
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nadu ékpoa (sept fournis qui piquent le roi d’Allada le font danser. Remets les gris-gris.
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L’animal adagba au champ du haricot ne manque pas de nourriture. Qu’ils deviennent


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incapables de m’avoir.)
-B

Au niveau de la danse Guèlèdè le spectacle n’est pas différent chez les griots et les
porteurs de masque. Pour la danse, les plus importants sont ceux qui marchent sur les
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bambous. Il n’est pas rare de voir de grandes vedettes incapables d’ouvrir la bouche pour
R

prononcer un seul mot au moment où l’assistance attend qu’il entonne la chanson d’ouverture
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et la manifestation comme l’exige la tradition alors que ce dernier ne présentant aucun signe
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d’incapacité ou aucune anomalie organique. Certains n’arrivent même plus à chanter mais
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encore ils se mettent à vomir du sang au lieu du son. Il peut arriver aussi qu’un artiste bien
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applaudi de son public pour sa maîtrise et pour son talent ne se trouve plus dans son assiette
dans les grandes circonstances où l’assistance l’implore pour une belle prestation ou bien la
veille de sa représentation il peut tomber malade comme on l’a remarqué tout récemment au
cours d’un concours de chants et de danses des chanteurs et compositeurs de Savalou
spécialistes de la musique aquatique "gotahoun", Allokpon et consorts. Ces cas
d’empêchements inopportuns sont dûs au gri-gri. La motivation en est la jalousie, la
convoitise, l’orgueil ou un règlement de compte si l’un des organisateurs de la danse publique
ou du tam-tams est en train de faire la cour à la femme d’un autre. Ce qu’il faut déplorer là
c’est l’usage abusif du gri-gri pour remettre en cause les efforts pour le progrès dans ce
domaine. Les artistes victimes de ces attaques, de ces agressions ont du mal à se retrouver et
pour maintenir leur niveau initial plein de promesses. Beaucoup finissent par perdre courage
et abandonnent pour de bon le chant et la danse. Les jeunes qui avaient l’ambition de devenir
artistes non seulement hésitent mais encore ils renoncent à ce noble métier en prenant
conscience des difficultés qui les guettent de toutes parts et qu’ils voient assaillir leurs
devanciers
Il arrive souvent que par jalousie et par sabotage certains provoquent la pluie pour
faire disperser les spectateurs en plein émoi ou pour empêcher la représentation de se
produire. A défaut de pluie ils peuvent rendre indisposées les personnes capables d’organiser
le spectacle en faisant usage de simples incantations.

E
Il faut souligner que c’est ici dans les sports et loisirs que les incantations ont une

U
action vraiment efficace et déclenchent leurs effets au plus tard dans les dix minutes qui

EQ
suivent leur prononciation. Ainsi au début de ses prestations le chanteur d’Agonli après avoir

TH
mâché un peu de « ndida" : "Ayo ndahi, nyonu hwegbessi non dayohi bonon ba nué na du o
kpo a (matrice, je t’invoque. Une maîtresse de maison n’invoque ni n’implore sa matrice pour
O
continuer à rester sans nourriture.) cette incantation a pour fonction de donner à l’individu ce
LI

dont il a besoin. En compétition on l’emploie pour vaincre son adversaire car il invite tout le
IB

monde à tourner son regard sur lui, lui seul. Cette incantation ne manque pas son effet si avant
-B

de l’usiter on fait le jeu de Kola en brisant les noix et en les jetant par terre. Et on mange les
autres faces ouvertes au petit matin.
IA

Au niveau structural l’expérience impose que les paroles incantatoires restent


R

immédiatement liées aux éléments dont elles sont éloquemment évocatrices de la fonction
ES

qu’elles signifient expressément et de façon concise que chaque élément coopère pour sa part
D

aussi bien par sa position que par sa fonction à la structure du tout, à sa fonction.
O

Au niveau fonctionnel on ne peut rien entendre du fonctionnement de cette force de


C

Bo si l’on ne pénètre pas l’intelligence de la parole incantatoire qui en assume la mise en


œuvre, parole intimêment liée au support matériel. Aussi l’incantation est-elle sensée
décharger sur un tiers la puissance recelée par la parole incantatoire. "Gnin wè nako, Kokolo
assi koto ma koa zanfonto non fo an, gnin nélé gnin wè nako (c’est moi l’éclaireur, sans moi
le chemin serait obscur, sans issue.) Mais la tradition littérale dit ; "si le coq ne chante pas le
matinal ne se lève pas. C’est moi le coq qui chante pour la compétition. Les jeux, les chants,
les danses sont des domaines où l’utilisation des incantations est également requise comme
aux sports en tant que compléments de tous les autres Bo auxquels on pourrait avoir recours.
Ces aspects de la culture donnent lieu à la manifestation de l’esprit de concurrence
chorégraphique et sportive se double d’une concurrence occulte. Spectaculairement,
l’incantation a deux aspects :
-un aspect tangible visible sensible : les spectateurs constatent la réalité du phénomène. Dans
les rencontres des "Zangbéto" et des "Kutito" on assiste à des mises à mort accompagnées de
résurrection, des transmutations qui provoquent l’admiration de la foule effrayée.
-un second aspect insidieux : le phénomène est surréel et la foule en observe les
résultats. Les matches de football donnent lieu à des mystères parfois. Le public ne voit pas
que les buts marqué et les joueurs qui ne foulent les pieds, mais la balle, elle, se transforme en
pierre dure et rude, l’aire même de jeu en sable mouvant : il n’y a que les joueurs qui en font
les frais. "Yokpovu kpètitin non mon nu djè avo wuimè an, kpon mi flu (le petit enfant ne voit

E
pas à travers un pagne noir qu’à un adulte. Ce dernier peut se soustraire à la vue du premier

U
pour lui nuire. Cette formule incantatoire est utilisé chaque fois que l’on veut se soustraire à la

EQ
vue de quelqu’un pour tenter de lui nuire, de l’inquiéter. Prononcée devant le gardien de but,

TH
ce dernier ne voit pas la balle qui en profite pour se loger dans le filet.
Au demeurant le recours au Bo dans les activités ludiques et sportives amène
O
aujourd’hui à s’interroger sur les dirigeants des clubs sportifs. Si dans les spectacles publics,
LI

les tam-tams, les danses, les chants, le Bo surtout sous sa forme incantatoire continue à être
IB

honoré et revendiqué, dans le football, sport moderne, le Bo commence à prendre sa


-B

suprématie. Les joueurs trop confiants en leurs Bo oublient de s’entraîner durement.


Aprement, et perdent souvent leur match. Certains traditionalistes perspicaces et fort confiants
IA

au Bo soutiennent que le football étant une activité ludique que la tradition ne connaissait pas,
R

n’a pas réussi à être intégré dans l’univers traditionnel, aussi n’a-t-il pas connu le Bo adéquat
ES

qui accorderait d’office la victoire. Il faut arriver à domestiquer le football pour pouvoir le
D

pratiquer culturellement, à la béninoise. Pour le moment, adoptons les moyens que les
O

Européens qui l’on introduit chez nous utilisent pour le bien pratiquer, pour en faire un
C

spectacle. Minimisons donc la part du Bo dans son déroulement pour nous adonner
davantage à l’endurance physique, à la technicité et au jeu collectif qui constituent les
garanties objectives de la victoire certaine. D’autres sportifs béninois acculturés pensent que
le moment viendra où le football lui-même sera vécu et pratiqué sous une forme syncrétique
de jeu traditionnel avec tous les ingrédients culturels de la tradition et les exigences du sport
moderne qui condamne tout mysticisme, tout occultisme pour être un savoir, un savoir-faire,
une technique éprouvée, un art. est-ce à dire que le Bo ne doit pas être de mise dans le sport ?
Non car le sport comme toute activité ludique est compétitive et le Bo est la clé de la
compétition dans la culture africaine, béninoise. Il faut le percevoir comme un stimulant, un
élément qui renforce la persuasion, la conviction de la victoire mais ne suffit pas à lui seul
pour l’emporter quelle que soit la condition. Il faut y ajouter l’apprentissage, le dressage qui
nécessitent un certain automatisme dans les réflexes, dans la frappe de balle et dans l’attaque
de l’adversaire et un esprit sportif qui consiste à digérer la défaite et à ne pas chercher à nuire
au gagnant en reconnaissant simplement sa supériorité technique car dans toute compétition il
y a toujours un gagnant et un perdant. C’est à cette seule condition que nous pourrons
pratiquer le football, ce sport rassembleur, et nous mesurer aux autres.
Se mesurer aux autres et l’emporter dans la concurrence est le propre de la pratique du
Bo. La pratique du Bo telle que nous venons de la voir est une longue expérience vécue du Bo
qui a fini par accorder à l’individu quel que soit son rang social ou sa religion, une certaine

E
sagesse de la vie car l’individu a acquis par l’exercice du Bo une certaine facilité, une certaine

U
aptitude à affronter et à résoudre les problèmes de la vie sociale, faite surtout d’hostilité,

EQ
d’animosité, de rancœur, de menace ou de vengeance. Cette expérience à la longue lui a

TH
permis d’avoir un savoir objectif, transmissible, doublé d’un savoir-faire qui atteste son
intelligence, son habileté, une science du Bo (une Bologie), qui n’est pas que théorique et
O
pratique seulement, mais une science grâce à laquelle il peut saisir globalement toute la
LI

situation présente et la transformer en vertu d’un pouvoir que lui confère cette science.
IB

C’est parce que ce savoir donne un pouvoir que nous avons, après l’approche
-B

régionale du Bo, insisté sur les difficultés de l’acquisition et de la transmission de ce pouvoir


qui, une fois acquis ou une fois disponible, engage l’expérience, l’expérience de la vie
IA

économique, politique, professionnelle, juridique, sociale, culturelle. C’est ici qu’il faut saisir
R

la remarque judicieuse de J. Herskovits : "En effet, écrit-il, le savoir étant un pouvoir, le fait
ES

de le donner équivaut, non seulement à donner à un autre l’accès aux forces directrices qui
D

permettent aux prêtres et aux anciens d’aider et de protéger ceux dont ils sont les médiateurs,
O

mais aussi entre les mains de quelqu’un qui n’est pas outillé pour le recevoir, un puissant
C

instrument de faire le bien ou le mal. Pour acquérir le savoir et exercer le pouvoir, il faut une
formation, et ces spécialistes sont, dans leurs sociétés, ceux sui ont reçu l’enseignement
supérieur consacré par une longue expérience qui les qualifie pour leur tâche. ("La Structure
des Religions Africaines", communication au colloque sur les religions, Abidjan, 1961.)
Dans cette qualification pour la pratique du Bo, le maître attiré, le meilleur est le Boto,
le faiseur de gri-gri étymologique qu’à la suite du Professeur Louis Vincent Thomas et de
René Luneau nous traduisons imparfaitement par magicien. "C’est pourquoi", écrivent-ils
dans Les Sages dépossédés, P. 98 :
"le magicien peut être à la fois ou successivement prêtre, technicien ou sage. En
chaque circonstance, il met son pouvoir au service d’un pouvoir plus grand, au bénéfice du
demandeur ; ainsi peut-il tuer ou guérir, envoûter ou libérer, faire tomber la pluie ou décider
de la sècheresse, venger, punir ou gratifier, éventuellement prouver aux autres ou à lui-même
l’étendue de sa puissance".
Cette auto-satisfaction et ce narcissisme mégalomanes permettent d’élaborer une
anthropologie particulière à partir des "Bonyiko", les noms bophores qui ne sont pas
singuliers aux seuls magiciens, aux seuls Boto, mais communs à tous ceux qui à des degrés
divers ont été victimes ou bénéficiaires du Bo. C’est ce que nous allons tenter de présenter
dans cette troisième partie de notre thèse : "L’Anthropologie des "Bonyiko" ou des noms
bophores".

E
U
EQ
TH
O
LI
IB
-B
IA
R
ES
D
O
C
TROISIEME PARTIE

L’ANTHROPOLOGIE DES "BONYIKO"

(DES NOMS BOPHORES)

Il serait aisé de montrer que les valeurs


Essentielles de l’Africanité conditionnent encore
profondément la personnalité africaine, individuelle et collective

E
dans les villes comme la campagne.

U
Mwatha Ngalasso, Conférence de

EQ
Berlin, Nouvelles Editions

TH
Africaines, 1985, p. 105.
O
LI

BOGBEMEDEA" (Le Bo ne refuse personne)


IB

nom bophore fon


-B
IA

On conçoit encore Dieu comme providence, ce


R

qui vérifie l’usage des noms théophores"


ES

Louis Vincent Thomas/ René


D

Luneau, Les Sages dépossédés, Robert


O

Laffont, Paris, 19977, p.136


C

243
CHAPITRE PREMIER

Les Bonyik‫כ‬
"LES NOMS BOPHORES" OU "LES BONYMES"

A/ GENERALITES SUR LE NOM


(a) Le nom dans la civilisation de l’oralité
Dans la civilisation de l’oralité, le nom de personne a une importance exagérée.
Lorsqu’en Occident il n’est qu’une simple étiquette servant à désigner une personne en

E
l’identifiant, en Afrique il désigne une personnalité. Le nom individuel est une véritable

U
locution incantatoire douée de pouvoirs extraordinaires, capables de déterminer le destin de

EQ
l’individu. L’étude des noms personnels fait appel à presque toutes les disciplines sociales

TH
interpellant le linguiste, l’ethnologue, le sociologue, l’anthropologue, le psychologue, le
géographe, l’historien, l’archéologue et même naturelles comme le botaniste, le zoologue, le
O
paléontologue.
LI

En prononçant le prénom d’un individu on peut agir sur son esprit, son âme, sa
IB

conscience, le contraindre à une action ou le confiner à un état. Le nom quant à lui, situe
-B

l’individu suivant son origine familiale, suivant ses rapports sociaux. Pour dégager toutes ces
nuances, la cérémonie de dation des noms a une grande importance sociale.
IA
R

(b) la dation du nom :


ES

La dation du nom se fait au cours du baptême de l’enfant. Pour les Fon comme pour
D

Rousseau, l’enfant a une valeur capitale et c’est à son niveau que le père accomplit l’un de ses
O

plus fondamentaux devoirs :


C

"Un père quand il engendre et nourrit des enfants ne fait en cela que le tiers de sa
tâche. Il doit des hommes à son espèce, il doit à la société des hommes sociables, il
doit à l’Etat. Tout homme qui peut payer cette triple dette et ne le fait pas est coupable
et plus coupable peut-être quand il le paie à demi. Celui qui ne peut pas remplir le
devoir de père, n’a point le droit de le devenir. Il n’y a ni pauvreté, ni travaux, ni
respect humain qui le dispense de nourrir ses enfants et de les élever lui-même.
Lecteurs, vous pouvez m’en croire. Je prédis à quiconque a des entrailles et néglige de
si saints devoirs, qu’il versera longtemps sur sa faute des larmes amères et n’en sera
jamais consolé."

Cette longue citation de Rousseau répond bien à la mentalité africaine sur la


procréation, la nécessité d’avoir des enfants de les entretenir et de les éduquer. Ne pas en

244
avoir au cours de notre existence terrestre est impardonnable pour la société. La société
africaine condamne en effet sévèrement la femme stérile en la considérant comme trop égoïste
car chaque membre de la famille doit contribuer à perpétuer le nom de la famille et au-delà le
genre humain. Quoi de plus poignant que le malheur d’une femme stérile ! Elle est la risée des
gens et de leurs médisances. Quand par magie ou par miracle un enfant survient, il est source
d’affection, de tendresse, de considération et de respect pour la femme quelle que soit la
condition. Aux yeux d’une mère l’enfant est un sauveur, celui qui vient la délivrer de la honte,
du désespoir, de l’opprobre de la vie sans enfant. Cette honte sera lavée en présence de tous
les membres influents de la famille (Dah et Tannyinon) au cours de la cérémonie du baptême
de l’enfant.

E
Ce baptême a lieu une date choisie par les parents de l’enfant suivant leurs

U
disponibilités et selon leur volonté. Du point de vue religieux il consiste à consulter le Fa pour

EQ
connaître l’ancêtre géniteur de l’enfant, le "Joto". Avec lui se rejoignent le culte du fa et celui

TH
des ancêtres. Chacun a son Joto. La mentalité du Joto reconnaît la métempsycose, théorie
selon laquelle l’homme est un être immortel par sa réincarnation en un descendant de la
O
famille. Le père ou la mère qui meurt transmet son esprit à son fils ou à sa fille ou à son
LI

arrière petit-fils qui le réincarne. C’est la conception de la vie qui ne s’arrête pas et qui
IB

continue dans le descendant. Cette idée sous-tend une eschatologie qui est la croyance à
-B

l’existence de l’au-delà. C’est donc au cours de la cérémonie de la sortie de l’enfant appelée


"AGBASSA YIYI" que le Fa révèle le défunt dont l’enfant a hérité l’âme. Ainsi l’histoire
IA

rapporte quelques Joto des plus célèbres rois d’Abomey (Cf Planches XII - XIII - XIV – XV
R

– XVI :
ES

-DAKO : HUNUKUKU
D

-GANIXESU : MADOHU
O

-HWEGBAJA (appelé aussi KOLI) : DOGBALI GESU


C

-GBEHANZIN NAKAJA reçut de son père Glèlè, le nom magique de Kondo et avait pour
Joto : AGONGLO.
( c ) Le sacré et le profane dans la personnalité de l’individu
Ces rois ainsi cités ont eu effectivement la personnalité de leur joto, esprit procréateur
ou mâne des ancêtres.
La personnalité chez le Noir recouvre un corps, une âme, un totem et des noms. Il
serait difficile de préciser lequel de ces quatre composants joue le rôle déterminant puisque
chacun d’eux représente un aspect de l’individu : le corps son aspect somatique, l’âme son
aspect métaphysique, les noms qui les résument avec une rigoureuse concision l’aspect social

245
de l’individu, la manière dont s’effectue son inculturation ou son intégration en tant que
cliché de l’indice de son origine, de sa situation, de son activité et même de ses rapports avec
les autres. Cette conception de la personnalité s’auréole du numineux. C’est au Professeur-
sociologue togolais F. N’Sougan Agblémagnon que nous nous référons pour souligner
l’impact du nom sur l’individu et sur la société :
"Le nom a un ascendant sur l’individu qui le porte. Et on peut dire qu’il forge la
personnalité de l’individu. Ce nom est l’expression sociologique des faits sociaux, de
réactions sociales, de croyances religieuses, d’attitudes et de comportements tant individuels
que collectifs… C’est ainsi qu’on dira que le nom a une fonction : expression d’une crainte,
conjuration de sort, remerciement d’une providence…Le nom a toujours une référence et une
signification précises. Il existe une typologie des noms".

E
(d) Le Patronyme
Historiquement le patronyme, le nom de famille, est apparu après le nom individuel, le

U
EQ
prénom. Dans les sociétés anciennes le nom était singulier et non générique et par conséquent
disparaissait avec la disparition de l’individu. C’est avec le développement de la société que

TH
le patronyme a progressivement pris le dessus sur le nom individuel et est devenu l’essentiel
de l’individu.
O
Dans l’Afrique traditionnelle on considérait comme patronyme, nom de famille par
LI

une désignation classique. Il s’agit de noms dont la signification rappelle des comportement
IB

qui aujourd’hui relèvent de l’histoire. Ces patronymes se forgeaient dans le cadre des luttes,
-B

des rivalités qui opposaient les familles entre elles. Les noms se transmettaient de père en fils
dans la filiation patrilinéaire ou de mère en fille dans la filiation matrilinéaire. Il arrivait que
IA

ces noms soient modifiés dans le temps et dans l’espace. Il faut remarquer que les
R

désignations classiques sont assorties de devises, de litanies. On parle d’"Oriki" chez les
ES

Yoruba et de " Akomlanmlan" chez les Fon et les Gun. Ce sont des phrases condensées qui
D

rappellent les exploits du passé des ancêtres.


O
C

(e) La dation du nom chez les Yoruba de Porto-Novo


Originaires du Nigeria, les Yoruba de Porto-Novo ont eu une évolution culturelle et
une organisation sociale très respectables. Chez eux la cérémonie de dation du nom à l’enfant
a lieu sept (7) ou huit (8) jours après la naissance de l’enfant, le septième jour pour le garçon
et le huitième jour pour la fille. Chez les Gun de Porto-Novo, le neuvième jour (9è) pour le
garçon et le septième (7è) jour pour la fille. Le jour fixé parents et amis se réunissent pour
retenir deux ou plusieurs noms à l’enfant. C’est le chef de famille qui rappelle brièvement les
circonstances dans lesquelles l’enfant est né. Ensuite on présente à la communauté familiale
en lui faisant des souhaits de longévité, de prospérité et de bonheur ainsi qu’à ses parents. La

246
suite de la cérémonie sera capitale pour l’avenir de l’enfant. On interroge le monde invisible
par le Fa pour savoir qui est l’enfant. Par delà le père et la mère, le véritable père est un
ancêtre ou une divinité. A la fin on mange du "Orogbo" (espèce de Kola blanc d’un goût très
amer), on mange du sel, du miel, et on boit du "Ogogoro" (boisson locale alcoolisée). Après
ce repas symbolique l’assistance fait des vœux de prospérité et de bonheur au nouveau-venu
dans la communauté familiale en jetant des pièces de monnaie et de cauris dans une calebasse
d’eau fraîche. C’est la fin de la cérémonie de dation du nom proprement dite et la ripaille
commence.
Dans la culture Yoruba, le nom individuel occupe une place de choix. Tout comme les
Yoruba du Nigeria, les Yoruba de Porto-Novo reçoivent près de trois à quatre noms. Le

E
premier fait allusion aux circonstances de la naissance de l’enfant dans l’expression "amunto

U
runwa" qui signifie nouveau venu avec les prédispositions du ciel. Le second "oruko abiso"

EQ
correspond d’ordinaire à la situation de la famille au moment de la naissance de l’enfant/ c’est

TH
le troisième "Oriki" qui est le plus important pour le devenir de l’enfant. Il exprime les
caractéristiques de l’enfant selon les vœux des parents et des amis. Il rappelle l’ancêtre dont
O
l’enfant porte l’esprit tutélaire, la forme dynamique de l’esprit qui siège en lui. Seules les
LI

grandes personnes appellent l’individu par son "Oriki", l’inverse étant considéré comme une
IB

profanation, un sacrilège. Enfin le quatrième nom l’"Orile" indique l’origine lointaine de la


-B

lignée familiale, la vraie provenance de l’enfant, son totem.


IA

(f) La dation du nom chez les Fon :


R

La dation du nom chez les Fons a lieu au cours de la cérémonie de sortie de l’enfant
ES

appelée "Vidéton", le huitième, le quinzième ou le vingt-et-unième jour après la naissance de


D

l’enfant. L’enfant est extraordinairement paré. "Akovi", les enfants du "Ako" dressent à
O

l’entrée de la chambre un rameau de palme. Pour la première fois l’enfant va franchir le seuil
C

de la case qui l’a vu naître, étendu sur une natte. Le père au cours de l’allégresse générale
énonce, explique et impose le nom qu’il a choisi pour son enfant selon les évènements récents
qui se rapportent à la naissance de l’enfant. "Kounoukpo", le cordon n’est pas encore à sa fin
car ma descendance n’est pas près de s’éteindre ; "Tomakplékonou", une ville entière ne peut
rire en même temps ; "Nougbocéou", à cause de ma sincérité, cet enfant atteste ma loyauté,
ma droiture, mon honnêteté dans les affaires ; "Gbénou", « Avimagbogbènou", les pleurs ne
modifient pas notre destin
De la situation religieuse des parents découlent les noms comme :
ASSOGBA, enfant dont les parents sont consacrés au vodun Sakpata

247
AMAJI, JEVOU ; AGBALE au vodun Lissa,
HOUNSOU, HOUNSA, enfant issu de Vodunon et de Nensuswé
SOSSOU, SOSSA, issu de hèbioso
LOKOSSOU, LOKOSI, issu de Loko
TOSSOU, TOSSI, issu de Agbé
AMOUSSOU, KAKPO, MONTCHO, (garçon), FAKAME, ALOUGBA,
ALOUGBAMAWAFOUE, KIDAN (fille) issus de Bokonon
-des jumeaux :
1ère couche garçon Sagbo, ZINSOU, fille Zinhoué, Adinhoué
garçon, fille Zinsou, Zinhoué

E
2ème couche: 2 garçons Zinsou Sagbo; 2 filles Dohou Yaya

U
1 garçon, 1 fille : Zinsou, Zinhoué

EQ
3ème couche: 2 garçon, Zinsou Sagbo, 2 filles: Zinhoué Agoyi

TH
OUENSOU, OUENSI des jumeaux qui tombent sur le dos en naissant AGOSSOU et
AGOSSI qui naissent les pieds en avant.
O
OUEME et OUSSOU, qui naissent enveloppés d’une membrane adipeuse
LI

DOSSOU et DOSSI, DOSSA et DOHOUE sont ceux qui naissent après les jumeaux en tant
IB

que benjamins.
-B

D’autres noms désignent carrément le Joto, ils sont terminés par Jo. Pour les distinguer
on emploie les adjectifs comme daho. kpèvi , gan, grand, petit, chef.
IA

Par ailleurs, l’enfant qui naît le même jour que son père ou sa mère constitue un
R

danger pour eux, on lui change alors de nom car d’une manière simple les noms des enfants se
ES

déterminent d’après les jours de la semaine et deviennent presque les noms communs.
D

Enfin les enfants dont le nombre dépasse deux s’appellent : Mensa le 3è, Anani le 4è
O

Anoumou le 5è etc.
C

(g) Le nom véhicule d’une histoire


Le nom véhicule donc l’histoire de l’individu ou de la collectivité. Par le nom il est
possible d’écrire l’histoire d’un individu ou d’une famille. Le nom exprime la situation
sociale, religieuse des parents, les conditions de la naissance de l’enfant comme nous le répète
à la suite du Professeur Agblémagnon, Georges Guédou : "Chaque individu porte par le biais
de son nom un morceau de l’histoire de son ethnie 1"3. La place de l’individu détermine les
noms bophores.

3Xo et Gbé, Langage et culture chez les fon

248
B/ LES NOMS BOPHORES : Les Bonyik‫כ‬

(a) La place du Bo dans l’histoire de l’individu :


Ainsi le nom dit tout. Avec les bonyik‫כ‬, les noms bophores ou les bonymes on
s’aperçoit en écoutant le patronyme ou le prénom que le Bo a joué prépondérant dans la
conception et la naissance de l’enfant. Ces bonymes ou ces noms de Bo ou ces noms bophores
donnent à la cérémonie de dation du nom une solennité et une dignité inimaginables pour la
manière dont le Bo marque la mentalité des gens. Tout porte à croire qu’ils influent
considérablement sur la personnalité et le destin de l’individu. C’est pourquoi la phase

E
principale de la cérémonie de la dation du nom bophore est l’anamnèse de na naissance qui

U
replace la naissance de l’enfant dans un contexte pour lui donner le nom de sa vie. Ainsi

EQ
quand chez les Nagot ou chez les Yoruba on apprend que l’enfant s’appelle YABO, on sait

TH
automatiquement qu’avant la naissance de cette fille la mère, l’un des parents a perdu sa mère.
BABATOUNDE : l’un des parents a perdu son père car ce nom signifie "le père est revenu"
O
comme YABO signifie "la mère est revenue". Dans ces circonstances, la pratique du Bo
LI

occupe une place très nette dans la vie des Africains en général et des Béninois en particulier.
IB

Le Bo est perçu comme un procédé culturel authentiquement nègre, transmis de génération en


-B

génération. Ainsi le nom bophore permet de rendre hommage et gloire au Bo. Il devient une
source de satisfaction morale.
IA

Certains noms de personne ou de vodun sont des noms-tabous. On ne les prononce pas
R

n’importe quand, n’importe comment, n’importe où, impunément. Ne prend pas de nom qui
ES

veut et ne change pas de nom qui veut. Il en est de même de certains noms de morts ou de
D

certains noms rappelant des évènements douloureux. Le nom demeure après tout le reflet des
O

cadres sociaux, cadres qui intéressent derechef le sociologue et l’anthropologue, le


C

philosophe. En ce sens le bonyme ou le nom bophore exprime une manière d’être, une
attitude, un être-au-monde comme dirait Sartre.
Le nom bophore n’a pas pour fonction de numéroter l’individu, mais de rappeler un
fait, de dater un événement surprenant, de conjurer au mauvais sort, de lancer un défi, de
remercier la providence. Plus qu’un signe le Bonyme est le symbole vivant de la personne.
C’est pourquoi l’audition du nom bophore sème la panique, la terreur comme l’apparition de
l’individu qui porte ce nom. Il mérite les mêmes égards que la personne ainsi nommée. C’est
ainsi d’ailleurs la raison pour laquelle certains noms sont tabous. Leur impact est terrible sur
la société par les réactions qu’ils conduisent l’individu à avoir dans le groupe. Aussi un

249
Agossou ou un Ghézo agirait de telle façon dans telle situation. Le bonyme en effet suit
l’individu dans la vie et le guide. En donnant un nom on dit quelque chose de l’être humain
que l’on nomme.
Les fons croient en général comme nous l’avons déjà signalé plus haut que les ancêtres
décédés, les voduns, engendrent "Djo". Ainsi chaque individu a son "Djoto, Joto", celui qui
l’a engendré. Ce dernier est son protecteur, son ange gardien que l’on arrive facilement à
connaître par la consultation du Fa. Si les réponses du Fa à propos d’un Djoto sont négatives,
on attribue alors au Bo, la provenance génésique de l’enfant qui dans ce cas sera appelé
BODJO ou bien sera attribué au fa pour dénommer l’enfant Fadjo.
Le nom ainsi perçu n’est jamais indifférent, il est doté d’une vertu efficace comme on

E
le constate dans les noms sacrés que l’on ne prononce qu’avec respect. Le nom est un

U
instrument propre à distinguer un être, un individu. Un même individu peut avoir plusieurs

EQ
noms. Aucun être ne tient son nom de la nature, mais de l’usage, de la coutume de ceux qui

TH
l’utilisent et qui en ont l’habitude. Et de toutes les habitudes acquises en société, l’habitude du
Bo est la plus générale. C’est cette généralité qu’attestent les noms bophores :
O
LI

( b) Caractéristique des noms bophores ou bonyik‫כ‬


IB
-B

Le port d’un nom répond à une nécessité sociale, souvent non perceptible par ceux qui
s’interrogent à la hâte sur les noms bophores. Les parents mêmes ont parfois peur de révéler
IA

les circonstances dans lesquelles ils ont donné un nom à leur enfant de peur de lui causer des
R

préjudices. Le nom renferme la quintessence qu’on ne peut dégager qu’après une analyse
ES

approfondie de réflexion. Le nom en Bo, le Bonyiko, est l’expression d’un souvenir dérivé du
D

Bo qu’on veut immortaliser, éterniser. Il constitue en lui-ême un texte, un condensé qui


O

réfléchit sa substance, il est la matrice où l’on veut tisser l’histoire culturelle, la conception du
C

monde et les rapports sociaux. Il évoque souvent des évènements sociaux qui constituent des
repères de la mémoire collective. C’est en ce sens qu’on peut établir une typologie des
bonymes selon trois critères :
- les noms à préfixe Bo
- les noms à suffixe Bo
- les noms qui n’ont pas de racine Bo mais expriment fortement la puissance du Bo
en milieu Maxi et fon ces noms à préfixe et suffixe Bo ont une influence particulière dûe à
leur importance qui les rend presque sacrés.

250
1. Ces noms se prononcent en des temps forts par les gens de la même catégorie d’âge,
de la même promotion, de la même classe d’initiation ;
2. Autrefois ils étaient portés par des vieux et sont aujourd’hui des noms de famille, ce
que la jeune génération néglige, signe de l’abandon de notre culture et de la
dégradation de nos coutumes.
3. Ils sont considérés comme des noms malsains, blasphématoires, comme des noms
sataniques pendant que les convertis aux religions importées prennent des noms
chrétiens ou musulmans pour leurs enfants.
4. Placés dans leur contexte, ils véhiculent des valeurs sociales qui acquièrent leur
signification et leur portée dans l’explication qu’ils donnent des faits sociaux dans leur

E
rapport avec le mysticisme, l’occultisme, et le surnaturel. A ce propos quelques

U
remarques s’imposent avant leur nomenclature.

EQ
De nos jours les bonymes sont des noms de famille mais qui à leur origine étaient de

TH
simples prénoms ou un deuxième nom ou un surnom que l’ancêtre a eu le premier.
La deuxième remarque est que parmi les noms relatifs au Bo, les uns constituent des
O
louanges au Bo (Bognon, le Bo est bon), d’autres confirment l’action du Bo (Botin, le Bo
LI

existe, Bodé ou Bodéa, le Bo n’existe pas), d’autres expriment un défi (Akpémiaku si tu me


IB

rencontres, tu meurs), certains spécifient la classe des détenteurs du Bo (Botoku). Les


-B

bonymes sont un genre particulier de langage ; "Le langage au dire de Sapir E., est le lieu
privilégié où on peut saisir le rapport qui existe entre l’homme et le monde qui l’entoure. A
IA

travers les bonymes nous verrons que le monde du milieu du Fon est un monde d’hostilité, de
R

rivalité, de lutte, de jalousie où l’individu face aux adversités, aux attentats à sa sécurité est
ES

obligé d’être tout le temps sur sa défense pour contrer les offensives et conjurer le mauvais
D

sort. Cette remarque est une contradiction directe de l’assertion familière que la société
O

africaine en général et béninoise en particulier est réputée pour son hospitalité, sa solidarité,
C

sa vie communautaire basée sur l’assistance réciproque; alors se pose le problème de la survie
de la société dans cette ambiance hostile et sauvage.
La seconde hypothèse reste en vigueur tant que l’individu au sein du groupe n’émerge
pas, c’est-à-dire tant qu’il garde une situation matérielle ou familiale sans attrait, semblable au
commun. Ainsi dès qu’il jouit d’une certaine notoriété et d’une certaine prospérité tendant à le
démarquer du groupe ou à le privilégier quelque peu, alors tout bascule dans la jalousie, la
méchanceté et contre lui on a recours à l’arme stratégique du Bo soit pour le détruire en le
considérant comme un arriviste, soit pour se protéger soi-même, se fortifier pour pallier toute
attaque. Par exemple, dans un village où tout le monde a des cases en banco et en paille

251
comme toit, si d’aventure quelqu’un arrivait à construire une case en tôle ou en ardoise ou en
onduline, ses jours deviennent comptés car il va devenir l’objet de jalousie et de haine de la
plupart.
5. Par ces noms bophores certains soutiennent que le Bo n’est efficace que dans une aire
socioculturelle bien déterminée et n’a d’influence que sur ceux qui vivent selon son
idéologie, imbus des croyances, des us et coutumes du groupe. Ainsi certains pensent
que le Bo ne peut pas affecter l’Européen, ni l’Asiatique.
L’existence du Bo vient démentir tout cela et porter témoignage contre ceux-là qui
pensent que le Noir n’ayant inventé ni le canon, ni la poudre à canon n’a pas de civilisation.
D’abord il est établi aujourd’hui que le Bo a existé en Afrique Noire avant que l’Europe n’ait

E
inventé la poudre et le canon. Ensuite il est vérifié que le Bo est plus efficace que les armes de

U
pointe de l’Occident, à savoir les missiles, les armes nucléaires qui s’échelonnent en courte,

EQ
moyenne et longue portée. Le Bo est une arme supersonique, hyper-spatiale, hyper-temporelle

TH
qui agit à une distance infinie et en un temps zéro, c’est-à-dire qu’il peut vous atteindre quelle
que soit votre position géographique et au même instant qu’on vous l’envoie tel un téléphone.
O
Son seul obstacle véritable handicap est qu’il peut être intercepté, voire même détruit par un
LI

autre plus expert que vous, plus aguerri que vous dans la matière.
IB
-B

( c ) Genèse des Bonymes ou des noms bophores


Le Bo est la pratique sociale par excellence. S’interroger sur la genèse des bonymes en
IA

plus de tout ce que nous venons d’en dire, c’est chercher à préciser d’où les bonymes tirent
R

leur origine de la naissance de l’enfant et tracent dans la mémoire collective l’histoire de


ES

l’enfant au sens même de son existence. L’homme est un être qui ne se définit et qui ne se vit
D

qu’en société, animal politique selon Aristote pour son instinct de sociabilité. Son action ou
O

son comportement est toujours orienté vers les autres ou ne se définit que par rapport à eux.
C

De même que certaines actions sont à autrui, de même le Bo ne porte qu’en direction d’autrui.
Ainsi la définition du Bo, sa pratique et son mécanisme de fonctionnement ou même son
origine ne s’élucident que par référence à autrui comme le langage n’est possible que par le
principe de l’altérité.
La pratique du Bo relève d’un manque psychologique à gagner, un malaise
psychologique, expression d’un état émotionnel ou d’un sentiment comme le désir, la
peur, l’anxiété, la jalousie. L’individu anxieux sent le besoin impérieux, la nécessité de se
protéger. Animé d’un tel sentiment l’individu croit qu’il est la proie des esprits, des esprits
mauvais qui veulent détourner de lui le bonheur, la chance, qu’il y a un destin mauvais

252
contre lequel il faut se protéger à tout prix par le Bo.
Lorsqu’une femme en âge de procréer n’arrive pas à avoir d’enfants, son entourage
justifie son état par la sorcellerie ou la jalousie des hommes ou le mécontentement des
"Nudoyeswuimè", des êtres invisibles. La femme met en usage tous les moyens de la
médecine moderne et voit toutes ses tentatives échouer. A ce moment seulement elle a recours
au Bo en dernier ressort par l’entremise d’un Boto, faiseur de gris-gris. Si d’aventure elle
parvient à avoir un enfant, elle donnera à cet enfant le bonyme de BOLIDJI, sur la voie, sur le
chemin du Bo.
Parfois si l’on consulte le Fa on découvre qu’un ennemi de la famille est à la base de la
stérilité de la femme. Ainsi la femme sur les exigences du Bokonon fera des sacrifices de

E
"vossissa" et sera obligée de s’adonner au Bo. Après cela si elle arrive à avoir un enfant elle

U
l’appellera "Bojlènu" ou "Bomadigbèhu" ou "Bomadigbè" ou "Bomadi"

EQ
Il y a des femmes dont les enfants meurent après quelques jours. De tels enfants sont

TH
appelés "Djiku". La femme qui fait successivement des Djiku lorsqu’elle arrive à en avoir un
qui survive, elle l’appelle Bodé. Mais si ce dernier n’arrive pas à survivre comme les autres,
O
elle lui donne le bonyme de "AKPEMIAKU" qui n’est autre que le nom du médicament
LI

qu’elle a utilisé pour avoir cet enfant. Décidément cet enfant va survivre car AKPEMIAKU
IB

est un défi à la mort, car si l’ennemi le rencontre il mourra. Dans les mêmes conditions on
-B

peut faire usage d’un autre médicament fait dans une calebasse et sur laquelle on a prononcé
l’incantation "Awatcho" qui est devenu un bonyme mais qui est la forme contractée de
IA

l’incantation prononcée sur la calebasse : "Awafico akana nyi a agluza gbono lè baba bonon
R

kujè bababa lè mèa : tu es arrivé pourtant tu ne repartiras pas ; le cochon ne meurt pas dans la
ES

boue du marigot où il a pris son bain. Après avoir prononcé cette incantation avec conviction,
D

le Bokonon passe l’infusion sur le corps de la mère et sur celui du nouveau-né. Quand malgré
O

tout, l’ennemi continue à chercher à nuire à la mère et à l’enfant, la mère va cette fois-ci se
C

baigner avec un médicament à base des feuilles "Akonkpè" et on va donner le nom de


AKONGBAN à l’enfant ainsi maintenu en vie.
Beaucoup de Bonymes sont dérivés de la contraction d’incantations, de "Bogbé", ou
de "Gbesisa" comme Awatcho et autres dont nous retiendrons HUN, ALITCHEDJI,
MIDEDJI, pour montrer que les bonymes tirent leur origine de faits évidents
HUN :
Ce nom vient de la parole cabalistique : "agluza gbonono tronu bonon doxoedo
xotoméa, mèbi do hun ; le cochon ne dresse pas son museau pour dire ce qu’il a dans le
ventre, que tout le monde s’expie, dise : "hun". Ce nom montre que personne ne peut attenter

253
à la vie de cet enfant.
MIDEDJI :
Pour donner longue vie à l’enfant on va le nommer MIDEDJI. C’est la contraction de
"Zu mayiyo xuxu de o no de sèjè nu de o mina non midedji. "Zumayiyo est une feuille de la
famille des kinkiliba séchée ne demande pas à sa voisine de se déplacer, nous resterons l’une
sur l’autre. Dans le même sens et dans les mêmes conditions pour souhaiter longévité à
l’enfant et accélérer sa croissance les parents peuvent lui donner le nom de HUNDUGBO, le
vodun a mangé du mouton, ce qui est la forme contractée de Hun du Gbo no du gbo kà an
jonu mido ; le vodun mange le mouton mais ne mange pas la corde qui l’a conduit là,
abandonne cela. Cette incantation protectrice est dite sur le médicament avec lequel on fait la

E
toilette de l’enfant qu’on veut à tout prix garder en vie. La tradition rapporte que c’est le roi

U
Béhanzin qui a préparé ce bo-médicament pour la première fois à une enfant qui portait déjà

EQ
le nom terrible de Danha (le serpent ne peut pas ).

TH
ALICEJI :
Contraction de un do ali ce ji. Kento sunu, kento nyonu de kpé ji ce a ; je suis sur ma
O
voie, ennemi homme, ennemi femme, aucun ennemi ne peut me vaincre. La mère octroie ce
LI

nom à son enfant pour braver ses ennemis. Elle aurait pu dans ces mêmes conditions l’appeler
IB

"YEMALIKU", ils vont mourir s’ils y pensent. Pour se convaincre qu’elle a vaincu tous ses
-B

ennemis et soustraire définitivement son enfant de leurs sortilèges, elle l’appellera


"AGUENDE" : dobla kà noyi xwé yomè a, aguéundé (la toile qui sert à attacher le visage du
IA

défunt ne va pas dans la tombe, elle reste ici-bas, je suis ici) cette incantation est prononcée
R

chaque fois que la maman lave son enfant et se lave elle-même.


ES
D

( d) Le cas des noms bophores pour les jumeaux


O

Dans la mentalité populaire les jumeaux sont considérés comme des phénomènes par
C

leurs noms déjà. Dans certaines régions ils sont mêmes considérés comme des vodun.
Certains "du" du Fa, les présentent comme des Boto, des Bokonon, des charlatans. De par leur
naissance ils constituent déjà des Bo en personne. On les appelle Boko ou Bo mâle. La société
à leur égard garde une attitude de méfiance car ils ont des puissances en paroles et en actes. Ils
restent inattaquables, invulnérables, immunisés, réfractaires à tout maléfice, à tout sortilège, à
toute malédiction. C’est pour cela que les parents sont astreints à de sérieuses cérémonies
avant leurs premiers pas. C’est pourquoi dans la vie pratique ils sont beaucoup craints et ils
sont eux-mêmes très téméraires, très persévérants. Leur mère a une importance exagérée dans
nos sociétés, elle est objet d’admiration, de respect et de crainte.

254
Ainsi Bossou s’il s’agit d’un garçon, Bojo s’il s’agit d’une fille. A Abomey Bossou est
vraiment le Bo mâle, le Bo si puissant qu’aucun autre Bo ne peut l’égaler, ni tenir en sa
présence. Bossou et Bojo véhiculent un message différent de celui que nous avons retenu de
celui des noms de Zinsou, Sagbo, Akouété. Par la suite nous aurons Bossa et Bogan pour
marquer que la naissance de ces jumeaux s’est faite dans des conditions différentes de celle
des autres. L’enfant qui sans être un jumeau se présente avec le cordon ombilical au cou, est
un être bizarre dont le cordon ombilical annonce ses attributs extraordinaires et son immunité
légendaire. Selon qu’il s’agit d’un garçon ou d’une fille son nom sera : Bossou, Bossi, Boko,
Bokossi. Dans ces conditions nous voyons l’enfant venir au monde avec des signes
particuliers que nous appelons à tort des anomalies et nous donnons un nom conforme à cet

E
état à cet enfant conformément aux croyances qui l’expliquent

U
EQ
TH
O
LI
IB
-B
IA
R
ES
D
O
C

255
CHAPITRE DEUX
TYPOLOGIE DES BONYMES

A/ LES BONYMES SANS BO


La plupart des noms que nous venons de citer renferment l’idée de Bo sans pourtant
avoir de racines, ni de suffixe ni de préfixe Bo. Ils expriment de façon grave la puissance du
Bo. Ils constituent pourtant des "BONYIKO", des noms bophores, des bonymes. Comme eux
on cite aussi les noms des rois d’Abomey dont la composition exprime la sagesse séculaire de
la tradition, du trône, des proverbes, des maximes, des devises, des incantations ramassées en
des expressions allégoriques, symboliques, paradoxales, contradictoires qui commentent des

E
faits évidents, extraordinaires, historiques, culturels. L’évocation de ces noms suffit à susciter

U
crainte et tremblement, horreur et effroi. Sans vouloir faire la généalogie des rois, ni des

EQ
princes d’Abomey, donnons-en quelques exemples illustratifs

TH
AGONGLO :
Xuédizo bo agonglo : la maison a brûlé et le mur a échappé au feu. Le porteur
O
de ce nom ne craint rien. Ce nom a la même signification que le Psaume 91 qui stipule
LI

que mille tombent à ton côté et dix mille à ta droite tu ne seras pas atteint car celui qui se
IB

confie à l’Eternel ne craint rien, il est comme la montagne de Sion qui ne s’ébranle point.
-B

Il ne doit craindre ni terreur de la nuit, ni les flèches qui volent le jour. On a l’impression
que ce bonyme est inspiré de l’Ecriture Sainte car il exprime la confiance en la providence
IA

qui est là pour écarter de nous tout assaut mauvais.


R

AIKPOTON ou AYIKPOTO
ES

La tanière de la panthère. Avant la naissance de l’enfant qui porte ce nom, sa paternité


D

a été disputée par deux rivaux. Par la suite la mère de l’enfant a eu à désigner le vrai
O

géniteur. Cependant le second prétendant ne perd pas espoir ni courage car c’est lui que la
C

femme devrait épouser avant de tomber enceinte. Alors il jura que si l’enfant ne lui
revenait pas il ne survivrait pas. Le premier prétendant auquel l’enfant est revenu conçut
un Bo qui identifiait l’enfant à AIKPOTON (à la demeure de la panthère), un animal
reconnu pour sa cruauté. Quel autre animal pourrait arracher à la panthère son gîte ?
ATIN HOUN NON
Atin houn no ma jè godo : on n’embrasse pas l’arbre à épine, qui le fait se fait
nécessairement piquer. L’individu qui porte ce nom s’identifie à cet arbre que personne ne
peut embrasser sans s’écorcher. Ce nom donne une immunité qui se rapproche d’un défi
permanent.

256
ADJALA :
Adjala zin noyi to bono hin sin a : toute jarre contient de l’eau mais la jarre appelée
Adjala ne conserve pas l’eau. L’individu porteur de ce nom s’identifie à cette jarre percée
qui de partout ne peut garder l’eau. Un père a donné ce nom à son enfant après en avoir
perdu quatre, pour sauver celui-ci de la sorcellerie. Dans l’arène du Bo, le Adjala est un
"Glo" très puissant.
AGBADA :
Nu é gbada é so no nyo bè a : ce qui est éparpillé est difficile à ramasser. Le porteur de
ce nom se considère comme éparpillé et ses ennemis auront de la peine à le ramasser.
AHODOTO :

E
Aho do to lo aho no no : c’est à la main du teinturier que l’on reconnaît la teinture ou

U
c’est à sa main que l’on voit l’indigot. Ce nom est le nom d’un Bo très puissant que nous

EQ
avons déjà analysé dans la typologie des Bo. Ce Bo est à la fois une défensive et une

TH
offensive que nous avons classée dans la catégorie du retour à l’envoyeur, le "flidjè". De
même que l’on reconnaît le teinturier à sa main, de même celui qui m’agresse sera victime
O
de sa propre agression. Ce nom est un véritable défi, tous les coups et manigances tentés
LI

contre lui reviendront à leurs provocateurs.


IB

AKPAN UN FAN
-B

Definto no fin liokpan an : il est impossible de malaxer "akpa," qui est un dérivé du
maïs moins dur que l’"akassa". Le porteur de ce nom avertit tout le monde qu’il est
IA

insaisissable.
R

AGONJE
ES

Agonjè no ku ago ku a : je me reconnais coupable, la mort peut m’épargner. Celui qui


D

se reconnaît coupable d’une faute n’en meurt plus. Ce nom peut être porté par un homme
O

ou par une femme étant donné que l’un ou l’autre sexe peut être reconnu coupable d’une
C

infraction à la norme familiale, à un tabou ou à un vodun. Le Bo dénommé Agonjè est


déjà en lui-même un Glo extraordinaire.
AGUEUNKA
C’est le nom redoutable d’un laboureur qui a un Bo dont l’incantation est aguéunka.
Personne n’arrivait à lui nuire car celui qui cherchait à le défier mourait sur sa houe, plus
précisément sur le manche de sa houe.
ALOWAKIN
Alo ce wanu bo enyi kin, ma propre main m’a créé des ennemis, c’est mon propre
travail qui me cause des ennuis. Le porteur de ce nom par sa réussite a engendré la

257
jalousie et la convoitise autour de lui, il en a conscience et sait se protéger en conséquence
en choisissant ses fréquentations. Pour braver les gens dans ces conditions il se fera
appeler KINTINTIN ou KINNUMIN, qui signale qu’on évolue dans un milieu humain
hostile dans lequel on est toujours en lutte.
AGBOTA
Agbota magba magba ma yi zen : on ne peut mettre la tête entière du bouc ou du bélier
dans la marmite. Ce bonyme traduit l’invulnérabilité de l’individu que rien ne peut
atteindre, ni Bo, ni Aze, ni sorcellerie.
AGBOZO
Dans le même sens on emploiera Agbozo comme bonyme qui est la contraction de alo

E
mayi agbozo mè jan jan na jan : on ne peut mettre la main dans la corne du bouc, il sera

U
difficile de la retirer par la suite. L’individu qui tentera quelque chose contre le porteur de

EQ
ce nom se fera lui-même du tort et risque de se détruire lui-même.

TH
AMAVEBA
Dan do kpata bo ama veba : le serpent est sur le toit et il est difficile de cueillir des
O
feuilles dans les alentours. La famille qui porte ce nom protège bien ses membres et
LI

personne n’arrive à leur nuire.


IB

ADINAWA
-B

Mon enfant le fera. Dans mes recherches, et même dans les découvertes, tout ce que je
n’ai pas réussi à faire, mon enfant le fera. Mon enfant héritera de moi et prendra ma
IA

succession à ma mort, il prendra le soin de continuer mon œuvre. L’enfant ainsi appelé
R

dépassera son père dans la connaissance et la pratique du Bo.


ES

ALOMAKPE
D

Alomakpe kpassa aditi. Personne ne peut embrasser le baobab de ses deux mains.
O

C’est un nom et aussi un sobriquet. Il traduit la puissance de l’individu en Glo car il se


C

reconnaît inattaquable. Dans son village, tout le monde connaît la puissance de Alomakpe.
Ses victimes se comptent par milliers et lui-même résiste à l’assaut de ses ennemis, aux
tentatives des Boto, des Azeto, des Azondato. Il est si dangereux que tous ses enfants sont
des handicapés. Malgré tout il les a quittés un jour en les laissant dans la misère.
ALOCEMIN
C’est un gri-gri qui sert à courtiser les femmes. Chaque fois que l’on appelle ainsi les
femmes envoûtées, elles viennent échouer dans les bras de l’homme qu’elles aiment
follement. Ce nom est un défi contre les récalcitrantes, les têtues et les orgueilleuses.

258
AVIJEME
Avi no jè nudé mè bonu toxosu ladé no du : un roi ne peut consommer quelque mets
souillé par la suie. Ce bonyme se rapporte à la fois à un Bodida et à un fionhoci qui utilisé
rend les fautes impunies quelle que soit leur gravité et pour empêcher la continuation de
quelque chose comme les larmes empêchent la continuation d’une œuvre. On utilise en effet
le Avimajè en tant que Bo pour empêcher la célébration d’une cérémonie, mariage,
funérailles, meetings, pour faire arrêter les travaux sur un chantier de construction. AVIMAJE
comme nom de personne rend cet homme impuni et irréprochable malgré ses défauts.
AYIDODE
Ayidode mazin xèdè : le sol glissant ne fait pas tomber l’oiseau, c’est-à-dire qu’on

E
demeure invincible par l’ennemi quelle que soit sa puissance.

U
DJOHOU

EQ
Dans le même sens on portera le nom Djohou. On ne peut pas envoûter le vent. Bo

TH
madi Djohou. Celui qui l’attaque perd son temps et risque d’avoir des ennuis.
GLEMA
O
Gbo ma du glè ma : le mouton ne mange pas la feuille de glè, une plante très toxique.
LI

Le porteur de ce nom se considère comme cette feuille toxique dont le mouton n’ose pas
IB

s’approcher. Le porteur de ce nom ne sera pas une proie facile pour ses adversaires.
-B

LANTA
Lanta tafo ayi bo ajinaku no té goun goun : l’animal pose imperceptiblement les pattes
IA

tandis que l’éléphant pose les siennes majestueusement et la terre résonne goun goun. Le
R

porteur de ce nom défie tout le monde et aime se pavaner.


ES

OUNDJI
D

Afo matè unji, on ne saurait mettre le pied sur l’épine, on en ressentira une
O

douloureuse sensation. Il ne faut pas que les adversaires cherchent à piétiner Unji s’ils ne
C

veulent pas volontairement se créer des ennuis.


SEHOGAN
C’est un glo utilisé comme un bonyme de protection. Le porteur de ce nom ne mourra
que d’une mort naturelle, à son heure, à l’heure où son Sè, son destin l’aura appelé. Ses
ennemis se fatigueront à lui en vouloir car il mourra de sa propre mort.
TOHOZIN
To, village, pays, masse, hozin, se lève, s’agite. Le porteur de ce nom est celui qui a
fait ce Bo-Ylo pour s’attirer la foule, du monde. Quand il organise quelque chose c’est
toujours réussi car il est tant aimé. Il peut porter aussi le nom de AHIMAKIN : le marché ne

259
s’éteint pas, ne finit pas. Ses manifestations, au cours de ses campagnes il attire la foule
comme un marché et devient très connu.
TCHOKOU
A do gbè o ana mo tchobo ku a : Tu ne le verras pas avant ta mort. Tu me veux du
mal, tu veux ma mort mais c’est toi qui seras le premier à mourir. C’est un bonyme très
intimidant qui marque la confiance que l’individu a en ses Glo. Il constitue un défi permanent
pour ses ennemis.
GUEKPON
Dans le même sens on peut avoir le nom de GUEKPON. Ayi xi gbè mazè guekpo.
Celui qui tente tout ne doit pas tenter la nature car celui qui cherche à découvrir la nature dans

E
ses secrets découvre l’insupportable. Le porteur de ce nom se pense insondable, semblable à

U
la nature car ses ennemis n’arriveront jamais à connaître les ressources de sa puissance. Pour

EQ
exprimer justement l’intarissabilité de ses sources de Bo de tout genre, au lieu de guékpo,

TH
l’intéressé peut s’appeler DOUN DOUN MAVO : le fait de puiser l’eau ne tarit pas le puits.
LIMIKPO
O
Nyonu xwé si no lise bè no vo a : la femme n’utilise pas la meule jusqu’à sa fin, elle
LI

va la laisser quand elle sera plus tranchante. Vous me ferez tout, vous n’arriverez jamais à
IB

m’abattre.
-B

LAN MADU SELO


Lan du nubi madu selo : les animaux mangent tout excepté selo (une plante de 1,5m
IA

qui pousse au couvent de Sakpata et qui a des épines sur ses quatre côtés) et aucun animal ne
R

peut la manger. LANMADUSELO est un homme invulnérable.


ES

WOLOVI
D

Wolo djè noyi kuedo kpoa : quand on prend un chaînon, c’est toute la chaîne qui est
O

entraînée, autrement dit aucune partie de la chaîne ne peut disparaître toute seule sans
C

entraîner les autres. Le père de famille qui donne à son enfant le nom de WOLOMI met en
garde quiconque attenterait à sa vie. Ce dernier ne mourra jamais seul mais avec son
provocateur et ses proches.
YENUKUME
Ce bonyme est semblable à un plein défi que nous avons déjà évoqué : KINTINTIN.
C’est à leurs propres yeux et malgré eux que je réaliserai mon bonheur. Le chien aboie, la
caravane passe.
ZINBLIGBO
Zinbligbo makpé awinyan : le pot de terre qui heurte un roc en ressent le choc. Ce

260
bonyme donné à un enfant fait fuir tous les ennemis de la famille.
ZOKPON
Alo mazé zokpo, azeo ena min wé : personne ne peut prendre le feu à la main, celui
qui s’y aventure sera brûlé. Celui qui se hasardera à chercher à nuire au porteur de ce nom en
aura pour son compte et regrettera tout le reste de sa vie.
L’action toute puissante du Bo s’est révélée dans ces noms bophores malgré que le
terme Bo ne soit utilisé ni en radical, ni en désinence, ni en suffixe, ni en préfixe. Ils ont
l’avantage d’inspirer la crainte seulement après réflexion, ce qui n’est pas le cas des bonymes
à suffixe Bo que nous allons voir maintenant en partie.

E
B/ LES FAUX BONYMES

U
Nous appellerons faux bonymes les nomes propres de personnes conçus à partir des

EQ
incantations des Bogbé qui ont valeur de maximes ou qui sont puisés à la sagesse populaire.

TH
(a) Les noms issus des incantations :
ADIHOUNKPE
O
Adiunkpe : awian gban no xo hunxa deki gban bo nubi no so ta gbé yi sewéa : trente
LI

cailloux ne se bagarrent pas avec trente noix de palme pour que ces dernières rentrent avec le
IB

même nombre qu’au départ. Ce nom a valeur d’une incantation qui donne l’invulnérabilité
-B

comme un Glo.
AGBANDOHOUNTO
IA

Agbando hunto no do hue do a agaa : le fossoyeur ne peut enterrer de corps le soleil au


R

zénith. Le vieux qui portait ce nom dans un village d’Abomey ne le portait pas pour rien, mais
ES

pour rappeler un gri-gri qui comporte dans sa confection des éléments d’un cadavre, une sorte
D

de Asen que l’on ne trouve que chez les Aïzo.


O

Quelque soit le mal qu’il faisait, ses ennemis tombaient toujours devant lui dès qu’ils
C

nourrissaient une pensée négative contre lui. Après des mois de diète, ses enfants ont cru qu’il
allait mourir sans tarder mais il leur annonça qu’il ne mourrait qu’au bout de trois mois, que
son fils aîné le suivrait dans la tombe et que sa maison serait fortement secouée, tourmentée
par ses ennemis qui n’ont rien pu lui faire de son vivant. Tout se réalisera.
AGBANGLO
Agban glo tojihun tama hen : aucune tête ne peut porter le fardeau que la pirogue ne
peut tenir. C’est le nom fort d’un chef traditionnel qui faisait comprendre que son gri-gri était
dans une pirogue très petite qui rend son propriétaire invulnérable.

261
AGUEUNDE
Adabla ka noyi xwé yomèa ague undé : la toile qui sert à attacher le visage du défunt
ne va pas à la tombe, à l’au-delà, on la laisse toujours ici-bas, je suis ici. On se lave la figure
avec la panacée qui est accompagnée de cette incantation. L’enfant porteur de ce nom est un
enfant que les parents doivent au Bo puisque avant lui ils en ont perdu plusieurs et pour
maintenir celui-ci ils ont dû faire le Bo Aguéundé que nous avons signalé dans la typologie du
Bo en tant que Glo très efficace.
AKPA
Le serpent vivant ne peut se mettre à califourchon. C’est le nom d’un vieux très
célèbre à Covè pour sa puissance et sa connaissance en Bo. Personne n’arrivait à le dominer

E
ni à lui nuire. Tout le monde venait à lui demander conseil et protection car il symbolisait la

U
maîtrise de soi.

EQ
ATALIJI

TH
Atakun no atakun liji hunka no hun liji, nyè no ata liji : le poivre de Guinée reste sur sa
voie, le nerf sanguin reste sur sa voie du sang, je suis sur la voie du poivre. Ce nom peut être
O
remplacé par le nom BOLIJI, sur la voie du Bo. La confiance du porteur de ce nom repose sur
LI

le Bo.
IB

ATIN MANJE GAN NYI


-B

L’arbre ne peut prendre le nom de fer. Ce nom révèle la force de l’individu ; sa


victoire sur les autres. Il se considère comme le fer et les autres comme l’arbre. C’est une
IA

belle comparaison qui exprime un peu de vanité, d’orgueil en minimisant la force de frappe
R

des autres et en donnant une mâle assurance.


ES

BAMIKPO
D

Râte-moi, ne me vois pas, ne m’atteins pas. C’est le nom d’un vieux de Covè imbu du
O

sens de ses responsabilités et plein de sagesse. Lorsque son père allait mourir il lui donna le
C

Bo de ce nom qui lui permet d’échapper à tout sortilège, à tout mauvais sort, à tout danger.
AKANKOTO GLONOU
Un nom fort mystique qui concède l’immunité. Actuellement cette expression se
retrouve dans la litanie des ADJOVI. AKANKOTO GLONOU étymologiquement celui qui
pétrit la terre est invincible, il échappe à tout étant lié à la terre par sa profession.
DAKEN
Alo maxa daken : la main ne peut compter tous les cheveux de la tête. Le porteur de ce
nom était un très puissant guerrier du roi Glèlè. Toute sa puissance reposait sur le Bo du nom
de Daken. Il était capable d’ôter sa propre tête pour se raser car aucun être humain ne pouvait

262
le raser et survivre. Sa famille réside actuellement derrière la maison du Préfet à Abomey.
DENAKPO
C’est un homme qui avait l’habitude de perdre ses enfants en bas âge, véritable
malheur périodique dans son foyer. Comme de coutume il chercha à percer ce mystère
jusqu’au jour où il rencontra un vieux très fort auquel il exposa son malheur. Le vieux donna
le remède définitif, l’antidote nécessaire contre la mort de ses enfants en bas âge. Ce remède
contre la mort s’appelle DENAKPO : il en restera au moins un. A la naissance de son enfant
qui a suivi il lui donna effectivement le nom de Denakpo : ce fut d’ailleurs son benjamin qui
a su survivre.
GANHA

E
Min bi wè nyi ba nyande na bonyi ba mian : ce n’est pas tout le monde qu’on

U
enquiquine, personne ne peut m’enquiquiner sans sanction.

EQ
HOUESSIN

TH
Houekè min houn montchobo houessi : le fait que la nature est suffisamment éclairée
n’empêche pas le soleil de briller. Ce Bo est fait de telle sorte qu’aucun autre Bo ne peut le
O
détruire ni l’égaler. Les ennemis du porteur de ce nom ne peuvent que lui faire ombrage.
LI

KINGBE
IB

Ha sukpo bo kingbé : le cercle élargi d’amis éloigne la haine et la rancœur. Le porteur


-B

de ce nom étant un polygame est toujours protégé contre les tractations de ses femmes à un
point tel que lorsque deux de ses femmes s’entendent pour comploter contre lui, la
IA

mésentente, la discorde les disperse.


R

KOUVEGLO
ES

Le porteur de ce nom a fait un Bo qui éloigne de la mort provoquée par un autre Bo,
D

aucun bo ne peut le conduire ad patres. S’il meurt il mourra de sa mort naturelle.


O

NOUDOFININ
C

C’est un nom de famille à Ouidah, située non loin du Fort français. L’ancêtre de cette
famille était un vieux qui résistait à tous les missiles envoyés par ses ennemis. Autour de lui
planait le mystère de sa puissance pour résister qu’on n’arrivait pas à déceler : nudofinin, il y
a là un secret, quelque chose d’indéfinissable.

SETCHEMIN
C’est un Bo que la femme fait pour récupérer son mari comme si le mari était de son
destin, comme sa propriété. L’homme qui a fait ce Bo, arrive à arracher les femmes d’autrui
impunément.

263
SOMAKU
La montagne ne meurt jamais. C’est le nom d’un vieux de Covè auquel rien dans la
vie ne faisait peur parce qu’il avait hérité de son père un Bo de ce nom qui lui épargnait toute
malédiction, tout mauvais sort, tout danger. Hors de toute attente la population le surnomma :
SOMAKU pour montrer de vivo que malgré toutes les manigances de ses adversaires il
survivait toujours comme une montagne survit à tous ceux qui l’ont vue.
SOZENKO
Soxoto no no kujè sozè ko a, Ayato gbèdè no do goga mè bo no kujè koa : celui qui
adore le tonnerre ne meurt pas à côté de la jarre du tonnerre, le forgeron ne meurt pas dans les
fers. On prononce cette incantation sur un bracelet que la femme enceinte porte afin de

E
pouvoir garder sa grossesse et accoucher normalement sans inquiétude.

U
ZAMIKPO

EQ
Ayi zato no za yodo ni ja : Zamikpo ; le balayeur ne balaie pas tout, il laisse toujours

TH
un coin non-balayé, laisse-moi. C’est le nom de celui qui résiste à toute attaque comme
SOMAKU mais la vie est un défi permanent. En effet l’enfant qui a été nommé par les Adja
O
ZAMIKPO est un enfant terrible, qu’un vieux qui n’avait que des filles se considérait comme
LI

le plus malheureux des hommes. Ayant consulté un vieux plus fort que lui, il lui conta son
IB

malheur de n’avoir que des filles et de mourir sans descendant mâle. Le vieux lui fit alors un
-B

Bo spécial sous forme de balai dont la signification est : le balai qui nettoie la chambre
propre, laissera toujours un petit coin non balayé. Ce petit coin c’est ce dernier et unique
IA

garçon ZAMIKPO.
R

YENALINKU
ES

Ye na li ku, contracté en yen an liku : ils vont penser à la mort ou ils vont mourir s’ils
D

y pensent, s’ils pensent du mal de cet enfant. L’enfant qui porte ce nom vivra longtemps. Car
O

ce nom est donné à un enfant après l’usage d’un médicament à base de Bo. La maman se lave
C

avec le médicament et jette le reste sur le chemin un peu avant son accouchement.
YOYINCHI
Yoyici contraction de yo lianu no fu yo hwàbo no yin cia : l’instrument destiné aux
cérémonies funéraires ne se livre pas à des batailles de mort pour y demeurer. Ce nom a la
même portée que les noms AGUEUNDE, DENAKPO, ZAMIKPO.

(b) Les noms propres des rois d’Abomey :


On n’aurait pas tort de les classer parmi les faux bonymes car la plupart sont des noms
forgés à partir des sentences de la vie ou à partir d’incantation qui accompagnent les Bo. Mais

264
on pourrait aussi les ranger parmi les vrais bonymes car leur énonciation ou prononciation
répand la terreur et la panique, ce sont des noms terribles. Si l’on respecte la présence du lion
ou de la panthère on doit aussi respecter ses empreintes, ses traces. Les noms des rois sont
difficiles à ranger en définitive car ils portent en eux-mêmes leur histoire et l’histoire de leur
dynastie, leur aptitude et inaptitude au trône.
Si l’on en croit Le Hérissé : « Certains noms portés par les princes suffisaient à leur
enlever tous les droits au trône. Ainsi Tégbéssou (5ème roi d’Abomey) flétrit publiquement son
frère et déclara indignes de régner les Tokpa d’avenir ». Dès lors l’imposition d’un nom
prédestine ou non au trône a une importance dynastique et spirituelle.
Certains noms des princes ou des rois d’Abomey ont une inspiration de Bo et

E
constituent de véritables Bogniko. Ce sont les premiers bonymes que la tradition a retenu

U
mais qu’elle a classés parmi les Adan nyiko que les gens choisissaient avant la guerre pour

EQ
s’immortaliser par leur bravoure ou leurs hauts faits de guerre.

TH
C’étaient de véritables allégories dont la seule évocation suffisait à semer la panique dans les
rangs ennemis. Certaines familles princières, certaines grandes familles et même certains
O
personnages célèbres prennent des noms mystiques qui finissent par devenir des patronymes
LI

et leurs descendants. Sans prétendre faire une généalogie exhaustive des rois d’Abomey, nous
IB

allons citer quelques-uns de leurs noms pour montrer que ces noms renferment en leur
-B

expression une dignité, une sacralité et un mysticisme officiels. La prononciation de ces noms
s’accompagne d’une génuflexion en signe de vénération et de piété. Selon la fidélité de notre
IA

mémoire nous allons en citer quelques-uns, pas nécessairement les plus célèbres
R

KO OUNDODO dit KONDO


ES

Ko undodo ama no nu jakpata nohodo bo no sè tin a. La vipère lorsqu’elle veut rester


D

en un endroit tant qu’elle le désire, creuse un trou où elle s’installe d’une certaine manière
O

pour résister à toute attaque. Avec sa queue, elle s’accroche au sol avec un bout d’argile qui la
C

fixe comme un pieu de façon mystérieuse. Même si on la tire par la tête, elle ne bouge pas.
Pour occuper indéfiniment un poste, on fait un Bo à base de la vipère en cette position. Le
prince qui porte ce nom KONDO n’était pas au départ le fils aîné du roi Glèlè. Il y avait
Ahanhanzo et d’autres princes qui moururent à leur tour avant lui. Quand le tour de Béhanzin
arriva, il confectionna ce Bo et en porta le nom. Par la suite il devient roi après avoir gardé
durant tout le règne de son père le titre de prince héritier. Jean Pliya nous donne la saisissante
histoire de ce prince dans sa pièce KONDO le Requin.

265
HOUEGBADJA (1645-1685)
Oué gb’adja mayi ové mayi aghe ove ovè : le poisson qui fuit la nasse ou qui s’en
échappe n’y retourne pas, le poisson appartient à la rivière et non à la terre, c’est-à-dire que je
me suis éloigné d’Agbokpanzo et je ne veux plus rien avoir de lui car entre lui et moi il y a
plus rien de commun. Nous devenons des étrangers et pourtant nous sommes toujours chez
nous. C’est là l’origine d’une vendetta entre deux princes pour une haine sans fin.
AKABA (1685-1708)
Akaba lo dide ekov no ove do ghédé hounsou o : petit à petit le caméléon franchit le
fromager. Cette allégorie du roi Akaba montre comment il s’arme de patience pour accéder au
trône. Il faut du courage et de la patience dans la vie.

E
AGADJA (1708-1742)

U
Naki djè agadja ma nyon zodo : le bois tout en branches ne peut être mis au feu. C’est

EQ
la traduction farouche de l’invincibilité du roi AGADJA contre ses ennemis ne pouvaient rien,

TH
et ne pouvaient venir à bout.
KPENGLA (1774-1789)
O
Sin mè kpengla madjè avivo : le caillou ne sent nullement le froid dans l’eau. Par ce
LI

nom le roi signifie à ses ennemis qu’ils se donnent de la peine pour rien car ils ne peuvent rien
IB

contre lui car rien ne lui fait peur, il est invulnérable comme le caillou dans l’eau.
-B

AGONGLO (1789-1797)
Agonde glo sonu : je suis l’ananas contre lequel la foudre ne peut rien. Allusion au
IA

danger auquel le roi a échappé en quittant à l’improviste sous le palmier avant que la foudre
R

n’y tombât. Le roi sortira toujours indemne des attaques qui fusent de partout.
ES

GUEZO (1818-1858)
D

Ghézo ma sigbé : le feu de l’oiseau cardinal ne peut atteindre la brousse. Le roi porteur
O

de ce nom compare la force de ses ennemis à celle de l’oiseau cardinal qui ne peut rien contre
C

lui qui se compare à la brousse.


GLELE (1858-1889)
Glèlè ma nyon zé : on ne peut soulever un champ labouré. Ce nom révèle la puissance
inébranlable du roi. Certaines expressions synomiques se retrouvent dans les proverbes :
Kinikini lanwu adu bo adra wagbé : le lion roi des animaux a poussé des dents et la terreur se
répand. Nuku wa dan ma kpo cici hun mè nuku wa molè éné to : pour fort et terrifiant que soit
l’œil, il ne peut regarder fixement le soleil au zénith, l’œil qui s’y essaie en crève.
A ce nom de défi se rapporte le nom KINIFFO. Lan wa dan mandé kini kini fo :
l’animal le plus agressif ne peut soulever la patte du lion.

266
GBEHANZIN (1889-1894)
Gbe hanzin ai djiro : l’univers porte un œuf que la terre désire. Ce nom exprime
comment le roi est convoité pour sa gloire et pour son honneur par ses adversaires qui
malheureusement ne peuvent pas en jouir comme lui.
AGOLI-AGBO (1894-1900)
Allada klei afo madjaï o Flacé owe nyi mo : prend garde Dahomey Alla da a trébuché
mais n’est pas tombé grâce aux Français. Le roi doit se montrer prudent face au danger que
constituaient ses ennemis.
BIOKOU
Bi o ku idja ko tan : la lutte ne finira pas si nous ne mourons pas. La vengeance à nous

E
est implacable. Le porteur de ce nom veut se venger des affronts dont il a été victime et

U
signifie à ses adversaires que la haine n’est pas finie et que tôt ou tard ses adversaires seront

EQ
victimes de sa vengeance.

TH
TEGBESSOU
(1742-1774)
O
Ama ma gba gbé nu Tegbessou : malgré les difficultés du milieu que constituent les
LI

autres plantes qui jonchent le sol, la plante Tegbessou arrive toujours à pousser. Le roi porteur
IB

de ce nom avait pour emblème le buffle portant une tunique. Le buffle qui porte la tunique est
-B

difficile à déshabiller. Awu djè agbo ko bo klonklon glo. C’est le souvenir du tour joué à
Tegbessou lors de son intronisation. On avait mis des plantes urticantes dans sa tunique
IA

espérant ainsi le faire renoncer au trône, mais Tégbessou surmonta l’épreuve. Désormais le
R

nom Tegbessou rappelle dans les esprits le courage et la détermination pour se maintenir au
ES

pouvoir malgré l’opposition acharnée des ennemis.


D

SETTIN
O

Glessi ma bozo nu settin : le paysan ne peut pas détruire par le feu le chiendent
C

(espèce d’herbe qui renaît de ces cendres). Le chiendent est une herbe qui résiste aux
intempéries et même si le cultivateur brûle son champ le chiendent repousse toujours et c’est
peine perdue pour le cultivateur qui cherche à le supprimer par le feu.
AMATIN
Ama tin : la feuille existe. Ama en fon signifie Bo, grigri. Ama, la feuille entre dans la
composition du Bo pour ses vertus incommensurables. La puissance est dans la feuille.
Amatin est le nom que l’on donne à toute personne qui a un charisme ineffable et incroyable.
Sur de sa puissance et fier de son invulnérabilité, le porteur de ce nom défie tout et tout le
monde. En tant que nom, Amatin ne peut pas être donné à un enfant mais à un adulte, à un

267
prince qui a déjà fait ses preuves, en Bo. Loin de lui, point de salut en Bo. Atin ejiro ama wa
do ei e. De nos jours, Amatin sans être le nom d’un roi est le nom de toute une collectivité à
Abomey.

AMAGBEGNON
Ce nom a vraiment une signification anthropologique. Etymologiquement il signifie
incantation ou voix de la feuille est bonne. L’incantation est bonne et utile. Quiconque la
prononce n’essuie jamais de honte, ni de refus car le Bo ne trahit jamais. Amagbégnon incite
à la quête insatiable du Bo. Il faut cultiver le Bo si l’on veut revendiquer le bonheur car rien
n’est aussi fantastique, aussi miraculeux que la feuille, source de tout Bo. C’est ici la véritable

E
raison de l’attachement des membres de notre société au Bo et c’est aussi ce qui explique la

U
survivance du Bo malgré l’invasion des sectes nouvelles importées et des religions.

EQ
TH
KPO MAYI AXI
Kpo ma yi axi : on n’amène pas la panthère au marché pour la vendre. Le porteur de
O
ce nom est le genre d’homme qu’il est difficile d’atteindre par envoûtement et qui échappe
LI

naturellement à tout. Le libellé de ce nom ne laisse transparaître aucune idée de Bo mais le


IB

sous-entend implicitement et fermêment. On pense en général qu’il n’y a que les hommes
-B

pour porter ce nom. C’est un "Suni nyiko", un nom d’homme.


GBEDJI
IA

Awadakpèkpè no ho avo bono do do houea, gbédji, gbédji wèna dogbon : le papillon


R

qui se procure un beau vêtement ne reste pas au bercail pour l’affubler, il ne le porte qu’en
ES

exil. C’est un Bo que l’on fait à base de papillon pour condamner à l’exil un concurrent
D

dangereux.
O

GANSELEGO
C

Ganse lego alo matu : personne ne peut défaire le fer en nœud. GANSELEGO est un
nom de défi qui exalte avec exagération la puissance qu’on se donne.
AGBOOUNDJI
Agbo un ji, gbono no ji agbo bè no ku a. Quand la chèvre met bas un bouc tout petit il
ne meurt pas. Après le malheur de voir leurs enfants mourir, les parents ont recours à ce Bo
dont le nom se confond avec son incantation. Ils nomment ainsi leur dernier enfant AGBO
OUNDJI. Tout l’entourage reconnaît l’invulnérabilité et l’intouchabilité de cet enfant qui
contre vents et marées doit survivre comme le petit bouc de la chèvre qui ne meurt pas à la
naissance. Il est soumis à certains interdits qui lui garantissent son invulnérabilité. Les adultes

268
aussi font ce Bo et il suffira de les appeler AGBO OUDJI pour qu’ils deviennent immunisés
contre tout sortilège.
YADIYEDE
Ya di jede joba devo cio de mea : le fourmillon ne creuse pas un trou pour y enterrer
d’autres, ils vont s’enterrer. Ce nom exprime le danger que courent tous ceux qui tentent de
lui nuire. C’est le roi Glèlé qui se faisait appeler aussi ainsi.
AGBIDINUKU & AZEOUNGBO
Hèdé kpo agbidi nuku mèo agbidi no gbo azé é : si un oiseau regarde l’oiseau agbidi
dans les yeux, il est victime de la sorcellerie. AGBIDINUKU et AZEOUNGBO sont deux
noms que le roi Béhanzin a donnés à deux de ses frères qu’il aimait tant. Agbidi est un oiseau

E
sauvage symbole de la sorcellerie dont les gens ont peur de s’approcher au risque de se voir

U
attaqués par les sorciers.

EQ
DJEKPETE

TH
Gbo ma du djè do zodji : il est impossible à la chèvre de manger du sel sur le feu.
Quand l’individu est bardé de Bo, il devient invulnérable et défie tout ennemi. Celui qui doute
O
de sa puissance l’attaquera en vain.
LI

L’étude des noms des rois d’Abomey et de certains noms de famille et de collectivités
IB

d’Abomey nous a permis de recenser quelques faux noms bophores qui pourtant inspirent la
-B

même crainte que les vrais noms bophores. Comment distinguer les vrais des faux bonymes,
seule l’habitude nous convaincra. C’est l’ambition du chapitre qui suit.
IA
R
ES
D
O
C

269
CHAPITRE III
LES BONYKO PROPREMENT DITS

Chercher à distinguer les faux bonymes des vrais bonymes c’est chercher à résoudre
un problème mal posé. Dans la mentalité des gens les "Bonyiko", les bonymes, les noms
bophores sont ceux qui sont dérivés du Bo. Cette dérivation se reconnaît dans l’orthographe
des noms mêmes qui ont Bo, comme suffixe, préfixe, ou désinence ou racine. Les autres qui
inspirent l’idée de Bo sans être orthographiquement désignés ou écrits constituent des pseudo-
bonymes, des noms qu’on tient pour des bonyiko sans en être, sans réflexion, sans analyse de
l’expérience vécue.

E
Dans les vrais bonymes nous allons distinguer deux catégories : ceux qui ont

U
effectivement Bo comme suffixe et ceux qui l’ont en préfixe ou en racine.

EQ
A/LES BONYMES A SUFFIXE BO

TH
Nous n’en dresserons pas une longue liste mais nous en citons les plus courants pour
montrer comment leur prononciation édifie les gens en les mettant en garde et en leur donnant
O
un enseignement sur l’usage du Bo.
LI

AKOBO
IB

Akobo dé no di a : aucun bo du Ako, de la famille ne peut porter préjudice à un autre


-B

membre de la même famille. Dans un milieu familial où les querelles sont fréquentes, le
règlement de ces querelles par des Bo nuisibles ne peut aboutir car aucun akovi (membre du
IA

ako) ne peut chercher à nuire à un autre du même ako. En effet deux membres de la même
R

famille ne peuvent se nuire par le Bo car l’appartenance à la même famille donne l’immunité.
ES

Il est d’ailleurs maléfique de chercher à nuire à son frère ou à sa sœur par le Bo. Si d’aventure
D

on a trempé dans la mort d’un akovi, on risque de ne pas survivre longtemps car c’est une loi
O

de la nature, une justice "atavique".En général un chef de famille (Henugan) qui a résisté à
C

plusieurs assauts de ses administrés donne le nom AKOBO à l’un de ses enfants pour
exprimer sa confiance aux mânes protecteurs de la famille qui l’ont assisté et éloigné des
esprits mauvais de la famille. Effectivement sans une telle confiance en la garantie de la
protection des ancêtres du "Ako", personne n’accepterait de diriger la famille.
AMANYIBO
Ama : feuille, nyi est, bo bo ; c’est la feuille qui est Bo. Dans la définition du bo nous
avons retenu que le Bo c’est une feuille ajoutée à une autre, autrement dit la confection du Bo
est la combinaison de plusieurs feuilles. Ces feuilles peuvent aussi servir de remède très
efficace. AMAGNIBO se donne comme nom à un enfant dans le même cas que le nom Bonou

270
pour montrer que l’enfant a été l’œuvre du Bo, par recours au Bo après plusieurs avortements
ou mauvaises couches ou après de longues années de vie conjugale sans enfant.
GBEXUBO
Gbè, vie xu, est plus que, Bo Bo : Gbèxubo : la vie est plus que la mort. Il suffit de se
débarrasser des pensées négatives, paralysantes pour réaliser des choses positives et continuer
à vivre en échappant au Bo des autres en se situant au-delà du Bo. Le porteur de ce nom se
situe à la fois par rapport à la vie et à la mort. Quelle que soit la confiance que nous mettons
dans le Bo, nous préférons la vie au Bo et nous aimerions continuer à vivre malgré l’exploit
de nos Bo car sans la vie le Bo n’est rien. Il en est de même avec l’argent face au Bo.
AHOWOUBO

E
L’argent dépasse le Bo. Un jour un père de famille bourré de Bo avait besoin de cent

U
francs pour se tirer d’une situation très désagréable mais il ne savait pas comment se les

EQ
procurer. Alors un de ses enfants lui donna les cent francs. En souvenir de ce fait il donna le

TH
nom de AHOWOUBO à son enfant. Cet enfant par son nom signifie qu’il arrive des
circonstances où ne peut intervenir que l’argent car en ce moment le Bo est impuissant, le Bo
O
est sans pouvoir d’intervention.
LI

KLEUNBO
IB

Un petit Bo. C’est un homme qui porte ce nom et qui est très respecté et très craint
-B

dans son milieu car avec un petit Bo, il arrive à tuer facilement ses ennemis en un instant, très
rapidement. Kleunbo est un nom qui inspire crainte et tremblement.
IA

AYIHUBO
R

Le cœur vaut plus que le Bo. Devant les forces du mal dont les hommes se servent le
ES

sage conclut que le Bo n’a aucune portée si l’on n’y croit pas car sa conscience est au-dessus
D

du Bo et qu’on peut même réussir dans la vie si on suit la voix de sa conscience. En effet
O

quelles que soient nos dispositions en Bo, il faudra nous fier à notre conscience car la voix de
C

la conscience est supérieure au Bo et peut nous rassurer mieux que le Bo. Il faut toujours
avoir confiance en soi pour ne pas s’ébranler devant n’importe quelle menace.
AZEHUBO
La sorcellerie l’emporte sur le Bo. L’enfant qui porte ce nom signale que les parents
ont eu beaucoup de difficultés avant de l’avoir. Parmi ces difficultés domine la sorcellerie
mais cet enfant résistera aux attaques des sorciers.
HOUNGNIBO
Hun mè wè bognidé : le Bo est dans le sang. C’est le sang qui constitue le Bo. De
même que AMAGNIBO de même HOUNGNIBO. De même que sans la feuille il n’y a pas de

271
Bo, de même sans le sang on ne peut parler de Bo. Le sang rentre dans la composition de
plusieurs Bo et c’est lui qui donne au Bo son efficacité, il est l’un des éléments fondamentaux
du Bo. Le porteur du nom HOUNGNIBO joue un rôle très important dans la vie de la
communauté de son village, sans lui les gens ne peuvent rien faire.

B/ BO : PREFIXE RADICAL DU NOM BOPHORE


Avec les vrais Bonyiko, les vrais Bonymes nous pouvons déceler l’influence des
religions importées sur nos traditions, nos mœurs, nos coutumes et nos mentalités. De toutes
les religions importées, le Christianisme est celle qui a le plus d’impact sur nos croyances et a
conduit même parfois au doute, à la négation de notre foi traditionnelle. Cette lutte, cette

E
dialectique entre la religion traditionnelle et la religion chrétienne se retrouve dans les deux

U
premiers noms de Bo Bodé et Bodéa que nous avons recueillis au cours de nos enquêtes.

EQ
BODE & BODEA

TH
Le Bo est ; le Bo n’est pas. Bodé et Bodéa sont des noms de famille qui vivent encore
aujourd’hui à Ouidah, au quartier Masséhouè. La tradition rapporte qu’une querelle éclata au
O
milieu de ces deux frères jumeaux dont l’un était un animiste convaincu du Bo, Bode, et
LI

l’autre un nouveau converti au Christianisme qui ne croit pas au Bo, Bodea, son nom.
IB

Bodé est le chef de guerre. Il ne perd jamais une bataille grâce à la protection de ses Glo et à
-B

la chance de ses Ylo qui l’aident à ne connaître que des victoires sur les champs de bataille.
Un jour le roi l’appela et lui demanda son secret. Il lui répondit que ses exploits dépendaient
IA

du Bo et constituaient des preuves de l’existence du Bo, une Bodicée, ce qui pousse à ne pas
R

douter du Bo. Effectivement dans la tradition animiste Bodé est un homme au sens
ES

nietzschéen du terme, un ‫״‬surhomme‫״‬. Il peut à coup d’incantations faire brûler un arbre à


D

feuilles vertes.
O

Un jour Bodé eut une dispute avec son frère jumeau Bodéa, fervent chrétien à propos
C

d’un lopin de terre. Il proféra des menaces à son frère Bodéa, en comptant sur ses Bo. Tandis
que l’autre Bodéa, convaincu qu’il n’y a qu’un seul Dieu, le Dieu Suprême appelé en fon
Mahugbèdoto ou Mahu qu’aucune puissance ne dépasse en tant que Créateur de toutes
choses, ne ressentit rien des menaces de son frère. Au contraire ce fut son frère Bodé qui pâtit
de ses propres menaces avec ses enfants qui connurent toutes sorte de malaises, de malheurs
et d’infortune. Bodéa qui dès lors croit fermêment en Jésus-Christ, notre Sauveur, conclut que
l’univers n’est pas régi par le Bo, ni par les forces occultes contrairement à Bodé qui est
convaincu de la thèse contraire. Depuis ce jour l’un s’appela Bodé et l’autre Bodéa.
Effectivement Bodéa nouveau converti au christianisme devient sceptique sur le Bo et sur son

272
efficacité car il pensait que pour avoir changé de religion les siens auraient cherché à lui nuire
mais il n’est pas atteint par eux, d’où sa ferme conviction que le Bo n’existe pas, ni ne peut
agir sur lui, ne peut être qu’une mystification, de quoi amuser la galerie. Cependant à propos
de Bodé et de Bodéa court une autre version.
Bodé et l’un de ses voisins avaient une querelle de parcelle. Plusieurs fois il fut
renvoyé pas son voisin quand il cherchait une solution. Son voisin usa de tous les moyens
sans pouvoir le déloger de là et il s’y installa en maître. Résolu à ne pas céder la terre, il est
devenu excessivement puissant et fort. Il prit alors le nom de Bodéa pour signifier par ce nom
qu’il n’a pas peur et qu’il ne peut plus avoir peur du Bo : Bo mo le so dea. Dans cette
nouvelle version Bodéa serait signe de force, de puissance alors que dans la première version

E
il serait signe de faiblesse et de lâcheté.

U
BOYA

EQ
C’est le nom d’une grande famille au quartier Lèbou à Ouidah. L’ancêtre qui portait ce

TH
nom était longtemps persécuté par ses voisins pour un lopin de terre. Après avoir usé de
toutes les voies de négociation, il a reconnu qu’il était opportun de livrer un combat mystique
O
par l’entremise des forces occultes et de la puissance des feuilles, autrement dit il faut passer à
LI

la phase ‫״‬Bomachie‫״‬, combat par le Bo qui en fon se traduirait par ‫״‬Bo houan ya‫ ״‬qui pour des
IB

raisons linguistiques a subi des déformations de prononciation pour donner BOYA.


-B

Ce nom est signe de colère, de force, de détermination pour ne pas céder, en toute
sincérité, dans quelque situation que ce soit. On rapporte aussi selon la tradition que Boya
IA

était un haut personnage chargé à la cour du roi des affaires occultes, du Bo. Ami personnel
R

du roi parmi les esclaves, il faisait au roi des Bo très efficaces et le roi mettait toute sa
ES

confiance en lui.
D

BODA
O

Atin do toto no sa alinvo a : le bois ne se plaint pas de maux de reins. Ce Bonyme


C

indique que le père de l’enfant porteur de ce nom a du offenser quelqu’un qui s’en prendra à
lui. Les parents de l’enfant doivent prendre des dispositions de prévention par le Bo pour
éviter de devenir stériles. Leur renommée s’assoira dès leur adhésion au cercle des pratiquants
du Bo mais Boda doit éviter de faire lui-même des Bo aux femmes.
BOBLA
Afafa wè no fun din houan : c’est l’éventail qui chasse ou sèche la sueur. Le Bovi sera
protégé contre tous ses ennemis. Mais cette protection exigera de son père de grandes
dépenses. Il devra faire preuve d’une grande patience pour remporter la victoire finale. Au
foyer il sera heureux avec son épouse. Ambitieux il sera malheureux au soir de sa vie s’il ne

273
respecte par surtout les interdits du Bo que son père lui a fait dans la carapace d’une tortue. Il
évitera le serpent, l’ennemi recherché par ses ennemis pour lui nuire. Il ne se vêtira pas de
raphia dont on peut se servir pour détruire sa force de défense.
BOKA
Avi no da cigba boka no su. Les noix de kola diront oui mais les calebasses seront
nombreuses. Dans la famille qui porte ce nom on n’aime pas faire usage du Bo et les enfants
meurent sans raison. Mais pour ce dernier qui porte ce nom, les parents ne sont résolus à faire
du Bo que pour le maintenir en vie. Avant de faire un sacrifice on prend une noix de kola de
quatre lobes que l’on ouvre. On les jette par terre et si deux tombent face à terre et les deux
autres sur le dos, la divinité consultée dit oui, accepte le sacrifice offert. De nombreux Bo

E
résident dans Boka, la calebasse du Bo. Ce Boka est un récipient à Bo consacré par deux

U
expressions fatidiques :

EQ
1. Lèguèdè govi ma cito. Lèguèdè govi, petite calebasse où l’on met poudres et talismans

TH
tombé dans l’eau ne s’y immerge pas. Si le Bovi tombe dans un malheur quelconque il
s’en sortira facilement.
O
2. E mo no jè to do ko bo no ba ka do oun na mo hin gbè gbè : celui qui est tombé dans
LI

une rivière ou dans l’eau jusqu’au cou n’utilise pas une calebasse pour se désaltérer, il
IB

n’a plus qu’à boire (s’il attend encore une calebasse pour boire, sa vie ne vaut plus
-B

cher). Le bonheur de Boka dépendra de lui-même. Il sera ambitieux, irréfléchi et


belliqueux d’esprit. Riche, il devra user du Bo, le louer, l’honorer pour assurer sa
IA

longévité car par le Bo, il se préservera contre ses adversaires. Il évitera coûte que
R

coûte les singes. La violence de cet interdit peut lui être préjudiciable parce que le
ES

singe aurait violé, renversé un Bo que son grand père aurait fait à son père pendant
D

que sa mère portait sa grossesse.


O

BOLA
C

Le porteur de ce nom est persévérant. Il pratique le Bo et compte énormément sur lui.


Il n’a d’égard pour personne et son indiscrétion sera exploitée par les Bokonon pour le spolier
ou pour lui nuire. Comme interdit alimentaire, il ne devra pas manger de la viande de porc. Il
ne doit pas avoir sur lui un couteau, un canif. Indifférent au malheur des autres, il dédaigne
son entourage. Son père lui fera un Bo qu’il vénérera chaque année en le rechargeant
d’énergie par un sacrifice comme on recharge sa batterie.
BOGNON OU BOKPE
Bo kpèvi dé déa : pas de petit Bo. Tout Bo a sa fonction car il est destiné à quelque
chose. Il n’y a pas de Bo plus important que d’autres car tout Bo a son effet et tout effet est dû

274
à un Bo comme tout Bo est bon : BOGNON.
Le nom de BOGNON ou de BOKPE est donné à un enfant en action de grâces et en hommage
au Bo pour ses services. C’est souvent l’aventure d’un couple resté sans enfant longtemps qui
l’a conduit à recourir au Bo. Le couple estime que le Bo l’a honoré en le rendant procréateur,
géniteur. Il proclame par le nom de cet enfant Bognon, Bokpè, que le Bo est bon, très utile et
qu’il faut lui être reconnaissant et lui manifester sa reconnaissance en toutes choses. D’où en
fon on dit Bo o é nyon dans le cas de Bognon, le Bo est bon, et Kpé wè éné do nubo dans le
cas de Bodepè, on doit remercier le Bo. On pense à cet effet qu’il n’y a pas de petit Bo car
tout Bo a une puissance qu’on aurait tort de minimiser ou de négliger. C’est ainsi qu’une
épidémie de variole (Sakpata) ravageait la population. L’ancêtre qui a pris ce nom de BOKPE

E
a dû entreprendre un voyage pour quérir le remède nécessaire. A son retour il sauva les

U
membres de sa famille et pour exprimer sa gratitude au Bo il a pris le nom de BOKPE.

EQ
BOHOUEDO

TH
Dans le même sens on donne le nom de BOHOUEDO, il n’y a pas de petit Bo car tout
Bo a sa valeur. Un père de famille donne ce nom BOHOUEDO à son enfant si après avoir
O
dépensé toute sa fortune en fréquentant sans succès les Boto, découragé, il perd confiance au
LI

Bo. Mais survient un Boto qui lui fait un Bo qu’il considère comme banal, anodin, futile et à
IB

sa grande surprise il obtient satisfaction en faisant un enfant. Il en conclut qu’il n’y a pas de
-B

petit Bo, qu’il n’y a pas de petit Bo à considérer, à sous-estimer. Tout Bo mérite
considération, respect, admiration. Tout le monde n’a pas une confiance absolue au Bo. Cette
IA

confiance est relative à l’expérience que chacun a faite du Bo.


R

BOTOKOU
ES

C’est le nom d’une famille à Ahlobé à Ouidah. La tradition rapporte qu’un jour un
D

chasseur fort en Bo a rencontré à la chasse un buffle qui se transforma en homme pour lui
O

demander de ne pas lui tirer dessus mais le chasseur entêté a tiré et la balle s’est retournée
C

contre lui et il mourut. La nouvelle se répandit dans le village et dans la famille des chasseurs
BOTOKOU. C’est la consécration de l’affront que le buffle a fait aux chasseurs pour leur
notifier qu’il y a dans la nature des forces que l’homme si puissant en Bo ne maîtrise pas et
qui le dépassent.
Dans la vie courante étymologiquement Botokou, le faiseur de Bo est mort. Ce nom
renferme une grande leçon de sagesse fon : personne ne peut échapper à la mort car tout
homme est mortel. Même le Boto que tout le monde reconnaît comme un faiseur de Bo est
mort, lui qui trouve remède aux maux des autres n’a pas pu se sauver devant le buffle et est
mort comme n’importe qui. La mort du Boto est d’ailleurs l’occasion de la guérison de

275
beaucoup d’autres victimes de ses sortilèges. Les victimes du Bo n’ont jamais la paix tant que
ceux qui cherchent à leur nuire continuent à fréquenter les Boto et s’il arrivait que le Boto
meurt, il cesse de nuire aux autres par le Bo. En fon on dit é nyi boto ku o azo no gbo : si le
jeteur de sort meurt, la victime est rétablie.
BOSSOU
Bo assu, Bo mâle. On estime que l’enfant porteur de ce nom aurait été même envoûté
à l’état fœtus au risque de ne plus connaître le jour. C’est grâce à son destin, par la force des
choses qu’il a échappé à l’anéantissement pour voir le jour. Bossou désigne l’enfant retenu
par les forces maléfiques dans le placenta de la femme enceinte au-delà de la durée normale
d’une grossesse. C’est l’enfant attaché au sein de sa mère (vi é bla do xomè) ; en d’autres

E
termes c’est le Bo qui l’a retenu dans le sein de sa mère en retardant sa délivrance (vi é su do

U
xomè lé), l’enfant qui a grandi déjà dans le ventre de sa mère. A partir de là, il symbolise le

EQ
Bo puissant, le Bo mâle, le Bo personnifié. Avec cette anamèse l’enfant au lieu de Bossou

TH
peut être appelé Bojrènu.
BODJRENU
O
L’enfant né avec un cauri à la main ou avec un corps étranger introduit par les ennemis
LI

dans le sein de la mère. On justifie cela par le fait que les parents ont eu une prise de bec avec
IB

quelqu’un, qui a dégénéré en menace, en défi. La naissance de Bojrènu traduit la victoire du


-B

père sur ses ennemis qui ont ainsi subi une humiliation. Si le dessein des ennemis s’était
réalisé le fœtus aurait évolué en cauri ou en toute autre chose bizarre visible dans un
IA

avortement. Dernièrement dans la Province du Mono une femme sous les sortilèges de sa
R

belle-mère fut accouchée d’une grosse pierre au lieu et place d’un bébé.
ES

Le Bojrènu a échappé à beaucoup de dangers avant de voir le jour. Sa naissance a été


D

assurée par le Bo-assurance (Bo jèlè nu bo vio do nyin djidji). C’est par miracle que le Bo a
O

rendu possible la naissance de cet enfant. Effectivement dans la vie courante on remarque que
C

les Bojrènu font des merveilles et bravent impunément leurs ennemis.


BODJINU
Dans le même sens on a Bodjinou. Le Bo a donné la vie à la chose. Ce nom montre
que l’ancêtre a survécu grâce au Bo, qu’il a été sauvé de l’agressivité hostile des ennemis des
parents.
BOGLO
Bo : grigri glo, contre. Boglo, ce que le Bo ne peut pas faire. Ce que le Bo ne peut pas
faire est inefficace : impossibilité notoire. La mère de cet enfant en état de grossesse a été en
vain tentée par toutes sortes de Bo des malfaiteurs, des méchants, des jaloux et grâce au Bo

276
elle a échappé à la mort. Boglo est un enfant terrible, redoutable qui vivra longtemps en
échappant chaque fois aux sortilèges qu’on lui envoie. Il aurait pu être appelé BOGLONU.
BOGLONU
Bo a échappé à la chose : invulnérabilité acquise par le Bo. Ce nom traduit l’une des
vertus du Bo qui est de faire de celui qui le pratique invulnérable, difficile à atteindre par ses
ennemis. Celui qui s’appelle Boglonu arrive toujours à se tirer d’affaires car lui-même
constitue un témoignage vivant et permanent des actions du Bo. Il arrive toujours à déjouer
les tentatives de ses ennemis et devrait de ce fait s’appeler BOLOME ou AGNIBO.
BOGLA
Gla ici désigne la chance qu’un individu a en échappant à une situation très

E
dangereuse. Par sa puissance le Bo sauve. Il exprime aussi la gratitude de celui qui a été sauvé

U
par un Bo de quelque nature que ce soit.

EQ
BOSSA

TH
Contraction de sajimè bokonon djandji wè undé : je suis assis sur la chaise du
Bokonon. Le porteur de ce nom est prédisposé lui-même à devenir Bokonon comme son père.
O
Il s’enrichira et oubliera les dures épreuves de la pauvreté puisqu’après de difficiles débuts il
LI

connaîtra la réussite dans ses entreprises, dans sa vie. De santé robuste, il voyagera beaucoup.
IB

Il ne devra jamais se décourager car la Providence lui viendra toujours en aide. Il ne devra
-B

jamais s’approcher du coton en feu. Il ne fera pas usage de Kpéjrékun (girofle), ni des feuilles
de l’iroko. Il aura toujours au cou et aux reins un Bo sous forme de collier ou de ceinture. Il
IA

devra s’empêcher de faire l’amour pendant le jour de peur de montrer à la femme son Bo et
R

s’il devrait faire l’amour, il devrait enlever sa ceinture de Bo aux reins.


ES

BOTE
D

Ce bonyme est explicable par plusieurs sentences du Bo :


O

1. Boko dényon tinkaka nué aton mèna suo nude naku bo éna gbodjè, houé mo no wli
C

axosu, ha avivia. Si les interdits du Boto sont respectés par le bovi, cette observance
entraîne en moins de trois mois la mort de ses ennemis pour qu’il devienne tranquillisé
et hors d’inquiétude.
2. Nu go sin ji mo no tè ta ayi, tout ce qui vient d’en haut doit poser la tête sur la terre
parce que la terre voit et reçoit tout ce qui tombe d’en haut. On recueille l’eau de pluie
sous un toit de paille pour en faire une infusion à un malade qu’on veut guérir ou à
l’enfant qui s’appelle ainsi et qui a la hantise du Bo. Le Botè sera considéré dans la
famille et dans son village natal. Confiant en la sollicitude de son père qui le protège
par le Bo, l’enfant n’aura plus peur de rien, même pas de la mort. Pour sa protection

277
en effet son père a érigé un Bo dans une termitière et c’est pour cette raison qu’il aura
pour tabou de ne pas casser une termitière.
BOKLAN
Contraction de adokpo sakotovè mo no si kodo bonu vito Xo tomè to no jayi, Do no
no hu aklaku dègbo. Le contenu d’un sac à fermeture - éclair même retourné ne tombe pas au
sol (c’est la menace d’avortement d’une femme enceinte qu’il faut à tout prix protéger par le
Bo). L’animal surnommé don en fon ne tue pas l’animal nommé dègbo. BOKLAN échappera
toujours aux dangers et aux accidents. Son père, un Bokonon très honoré et très puissant, lui
assurera une longue vie par l’usage du Bo comme tremplin. Il évitera le Bo où entrent le
sucre, le haricot, l’akassa comme ingrédients.

E
BOKO

U
Un enfant qui nait infirme et qui par la suite est appelé à devenir Bokonon.

EQ
BOKONON

TH
Contraction de BOKO awonon ou boko nugbonon : maître de la vérité, celui qui est
au-dessus du Bo et par extension de toute magie noire. Dans La géomancie à l’ancienne côte
O
des esclaves, Bernard Maupoil montre que le Bokonon est au centre de toutes les
LI

manifestations : familiales, religieuses (naissances et sortie de l’enfant, initiation, fiançailles,


IB

funérailles, décès) ; royales (intronisation du roi, cérémonie annuelle ou commémoration des


-B

rois défunts). Dans la vie courante le Bokonon fait partie de la classe des professionnels du
Bo, des Boto. Il transmet le message du Bo car il est le maître de l’habitacle du Bo. Au dessus
IA

de toutes forces maléfiques, il repousse le mal et empêche le malheur d’arriver. Selon son
R

statut et sa déontologie, il est un père et un bienfaiteur. Il est à la disposition des gens qui sont
ES

en difficultés ou qui souffrent des vicissitudes de la vie ou qui ont des inquiétudes. Il donne
D

solution à leurs problèmes et les aide en fin psychologue à rétablir leur équilibre rompu. Il ne
O

doit pas voler, ni prendre la femme d’autrui.


C

Au Bokonon se rapportent les noms de BOTO, BOWATO, pères et faiseurs de grigris.


BOKOVI, fils de Bokonon, ou élève du Bokonon ou enfant né avec un cordon ombilical au
cou.
BOKONONKPEVI
Petit Bokonon, un débutant qui n’est pas un spécialiste, qui n’inspire pas confiance.
Un Yoruba l’appellerait IMAWO, enfant du devin, du secret. Les BOKONONDAHO, les
grands Bokonon possèdent à proximité de leur case un enclos qui dénommé Cakpa,
CAKPABO ou Amagbe comprenant une ou plusieurs cases qui servent pour aller consulter le
Fa au pays des morts (Kutomè), on les appelle Bokonon london, les Bokonon de l’au-delà.

278
BOKO HUGA Devin et Prêtre
BOKATO
Charlatan ventriloque qui parle au client en lui tournant le dos pour lui faire croire que
c’est une divinité qui lui parle. Aujourd’hui l’épithète de BOKONON AKPO D’AKPA,
BOKONON sac à l’épaule est donnée au Bokonon qui circule dans la ville, de maison en
maison à la quête du client. Il inspire peu confiance car on le considère comme un mendiant,
un affamé.
BOKONONHOUI
Bokonon, dans la pénombre, dans l’obscurité. Autrefois à la cour du roi d’Abomey les
Bokonon qui y vivaient étaient plus considérés que les autres du royaume et les autres

E
membres de la cour. Ils sont chargés de consulter le Fa pour prévenir le roi des dangers qui le

U
menacent. Ils constituaient les privilèges du pays.

EQ
Les autres étaient relégués au second rang. Un soir le roi en indexa l’un qui se cachait

TH
toujours dans l’obscurité "et toi Bokonondo houimè, toi Bokonon dans l’obscurité viens
exhiber ce dont tu es capable". Alors tous les autres se sont mis à rire. A partir de ce jour tous
O
les autres Bokonon l’appellent BOKONONHOUI et ce nom lui est resté.
LI

BOKOSSA
IB

Lorsqu’un Bokonon est consacré par ses pairs, le premier enfant qui naît de lui porte le
-B

nom de Boko, le second BOKOSSA. Ce dernier est réticent au Bo et a tendance à pratiquer


les religions importées. Il se recherche tout en doutant du Bo. Toutefois il ne peut pas
IA

s’empêcher de faire du Bo car son esprit n’y est pas allergique, le Bo étant de sa lignée.
R

BODI
ES

Le Bo est efficace. Le porteur de ce nom est à l’abri de tout accident comme


D

l’expriment les deux maximes suivantes :


O

1. Kinaho kpako azonnalokpako, kwènahokpako, huenahokpato, avo dindin mayi


C

vèunmè : la mort, la maldie, le procès ne peuvent l’atteindre, on n’entre pas dans un


buisson d’épines vêtu de grands pagnes.
2. Kpo mo no wli avun do ganjamè : le léopard ou le tigre n’attrape pas le chien enfermé
dans une cage en fer. Bodi est à tout point invulnérable. Pour préserver cette
invulnérabilité il devra respecter les interdits alimentaires suivants : ne pas consommer
la viande du tigre ni celle du léopard, ne pas faire usage du pois d’angol. Il ne doit pas
s’éloigner du Bokonon s’il veut réussir sa vie car de nombreuses difficultés et peines
l’attendent. Son père fréquentera tout le temps les Bokonon pour lui garantir longévité
et bonheur.

279
BOGE
Deux incantations sont à la base de ce nom :
1. Agbagba disi boge sodokpa djo ma mon : la terre est recouverte d’eau, les herbes y ont
poussé, les montagnes s’y sont érigées en barrière et le vent qui souffle ne réussit pas à
les renverser.
2. So non djè aguidigbahouin do so nu mè an : jamais la foudre n’atteint le rongeur
aguidigbahun au cœur de la montagne.
Bogé comme la montagne sera très protégé. Il aura une audace et une audience particulière. Il
connaîtra peu de souffrances. Il sera très orgueilleux à cause de sa renommée. Il observera
comme tabou alimentaire : la chair du chien, du léopard et de l’éléphant.

E
BOLOSSOU

U
La main du Bo ou le pouce du Bo. Le porteur de ce nom aura beaucoup de prestige

EQ
malgré les vicissitudes de la vie. Il devra compter sur le Bo pour triompher des membres de

TH
son entourage car il connaîtra le succès d’une manière instable. Il évitera la couleur rouge et
ne mangera pas les fruits appelés en fon gogozontin et coli vovo.
O
BOKOU
LI

Le Bo est mort. Ce bonyme s’illustre par quelques incantations :


IB

1. Godo do atin hu mahu atin, godoka mahu ka, akpakadja mahu tolo : la nudosité de
-B

l’arbre ne tue pas l’arbre, le nœud de la calebasse ne tue pas la calebasse, les aspérités
de la peau du crocodile ne tuent pas le crocodile.
IA

2. Zan non ku nu nuku mon non mon fè do avo wi méan : l’œil ne peut pas voir à travers
R

un pagne noir dans la nuit noire.


ES

Par son simple nom Bokou échappe à la maladie, aux accidents et à ses ennemis. Quoique
D

bavard et indiscret, il mérite qu’on lui fasse confiance. Très intelligent il sera un meneur de
O

foule et aura une longue vie. Malheureusement il devra tout le temps s’entourer de Bo car il
C

sera souvent malade.


BOWOLI
Le porteur de ce nom aura l’estime de tout le monde, une enfance rude à cause de ses
ennemis mais son père par la fréquentation des Bokonon lui assurera une vie éclatante.
BOWINLIN
C’est le féminin de BOWOLI. Son support est constitué de deux incantations :
1. Sè lissa madé gbé doto déa ahouan non gbaa a : sans l’ordre de Sèlissa, la guerre
n’envahit pas un pays.

280
2. Zan mon non aga nu fidoh : la nature ordinaire de Zokplakpa ne se pose jamais sur la
natte de jonc : celle-ci est la plus jolie des deux.
Le Bovi doit faire un sacrifice à Sègbolissa pour être à l’abri du danger. BOWOLI et
BOWINLIN sont très estimés de leur entourage. Ils auront une enfance malheureuse mais à
partir de leur adolescence ils deviendront heureux. Considérés dans leur milieu pour leur
savoir-faire et leur amour du travail, ils auront des difficultés au foyer. Comme interdits
alimentaires : ils ne mangent pas de mil, ni de sorgho, éléments nécessaires pour leur baptême
à la cour de leur père.
BOFU
Deux sentences expliquent ce bonyme :

E
1. Nu mo no so lovi do lo nuku min : nul ne peut ravir le petit du caïman devant lui.

U
2. Adi wè non gnin bonon hin kin, tana kin an : le savon mousse pour laver la tête puis

EQ
disparaît mais la tête reste. Le Bofu vivra longtemps. Son père devra lui faire un Bo

TH
avec du savon noir avec lequel il n’oubliera pas de se laver la tête chaque jour. Sa vie
sera satisfaisante au début mais s’il lui arrivait de devenir orphelin, il sera malheureux.
O
Loyal, franc, ambitieux, il aimera les prérogatives. Les honneurs, la discipline et
LI

l’ordre dans toutes choses surtout la hiérarchie. Son égoïsme l’empêchera d’être
IB

heureux sur le plan sentimental. Il devra respecter son père et se respecter lui-même
-B

pour bénéficier spécialement de la sécurité qu’accorde le Bo.


BOKPIN
IA

Ce nom bophore est soutenu par deux incantations :


R

1. Kan gbèdoto non gbè koa ; alo dité non wli houéa : qui tresse la corde ne saurait
ES

tresser la terre ; on ne peut lever la main pour capter le soleil.


D

2. Waa to sissa mo non hue do fanji : la rivière en crue s’étale largement sur les herbes.
O

Bokpin sera comblé de bien comme de mal. Personne ne pourra pourtant lui nuire.
C

Excellent juge, il agira toujours avec équité. Comme interdits : il devra se méfier du
gombo, de la papaye à cause de leur force car ses ennemis peuvent lui tendre un piège
en ayant recours à un Bo sous un papayer ou dans les graines du gombo.
BOTCHE
Mon Bo ou la grâce du Bo. Le porteur de ce nom sera le jouet de la société et des
événements pour ses sentiments qui ne favorisent guère l’union. Riche, il sera menacé de
prodigalité. Ses parents lui feront un Bo dans une natte neuve, c’est-à-dire une poudre grillée
(atin) avec des morceaux de natte neuve. Il devra s’adonner au Bo sinon sa vie sera écourtée.
Il évitera les amulettes, les talismans ou les tila.

281
BOHOSSOU BOGAN
Chef du Bo, responsable du vodun.
BOKOVO
Si on empêche le Bo de fonctionner le porteur de ce nom sera foutu car le Bo constitue
son seul recours. En ce sens on peut l’appeler aussi BOGANE, le Bo l’a sauvegardé.
BOGBE
La voix du Bo, selon les ordres du Bo, selon ce que le Bo a dit.
BONA
Le Bo a donné, l’enfant est dû au Bo.
BONAMI, BONAME

E
Le Bo a donné.

U
BOWANU

EQ
Le Bo a œuvré, nous a assistés, nous devons lui dire merci.

TH
BODINUMI
Le Bo a répondu à nos aspirations, nous devons lui dire merci.
O
BOXOE
LI

Le Bo l’a engendré, l’a racheté.


IB

BOYIHEN
-B

Le Bo l’a conservé, l’a sauvegardé, l’a pris en protection.


BOTIN
IA

Le Bo existe : on ne peut le réfuter ni le mettre en doute. C’est une profession de foi.


R

Le porteur de ce nom est une preuve vivante du Bo. Toutes les actions de l’individu sont
ES

garanties par le Bo. Dans le même sens nous aurons :


D

BOSE
O

L’esprit du Bo, la substance, l’essence du Bo, sa quintessence.


C

BOYISSE
Son esprit dépend du Bo. Grâce à la bénédiction du Bo on est parvenu à concevoir et à
accoucher cet enfant favorablement. En dehors du Bo aucun pouvoir ne peut enlever son Sè.
BOGBLEMAKOU ou BOGLOMAKOU
Si le Bo se gâte, je suis enclin à la mort. Seul le Bo peut me garantir la vie car le Bo
dissipe l’appréhension et l’inquiétude.
BOKOUIN
C’est le noyau du Bo, l’élément primordial, le fond du Bo.

282
BODJANNANGNI
A voir les événements, la situation où nous sommes, il n’y a que le Bo qui puisse
rendre compte, qui puisse se justifier. C’est le signe même du Bo.
BOSOGBE
Le Bo est prêt, il y a l’unité du Bo.
BOGBEMEDEA
Le Bo ne refuse personne, ne rejette personne, il accepte tout le monde, il convient à
tout le monde et il n’a pas d’opposants.
BOFATIN
Le Bo a tempéré le milieu. Après les durs moments, les dures épreuves, l’intervention

E
du Bo a été bénéfique et capitale.

U
BODEAYA

EQ
Le Bo a apaisé les esprits, les inquiétudes qui ont nécessité d’avoir recours à lui et qui

TH
se sont dissipées grâce au Bo.
BODUNDE
O
Pratiquant, amateur ou professionnel du Bo.
LI

BOKOUN
IB

Espèce, souche race du Bo, exigeant les mêmes éléments constitutifs du Bo pour des
-B

effets semblables.
BODEHOUGAN
IA

Après litige, concurrence, accrochage de toutes sortes, le vainqueur peut se prévaloir


R

de ce nom pour montrer sa supériorité. C’est la reconnaissance de la hiérarchisation des Bo,


ES

de l’existence de Bo inférieurs et de Bo supérieurs.


D

BONAHU
O

Le Bo est plus fort et doit l’emporter dans cette affaire. Ce que le Bo ne tue pas la
C

sorcellerie ne peut éliminer.


BONAZON
Le Bo doit progresser, évoluer, doit connaître des dénouements heureux, glorieux.
BOXWUENYON
La maison du Bo est bonne.
ANIAMBOSSOU
L’homme peut-il être plus fort que le Bo ? C’est le nom d’une famille célèbre à
Ouidah pour montrer comment l’ancêtre porteur de ce nom a pu résister aux assauts occultes
des siens.

283
BODEHUSE
Le Bo est supérieur au destin, au Sè.
BODJRO
La volonté du Bo ou "Bolonté". Le Noir anthropomorphise tout et dans ce sens il
reconnaît la volonté au Bo (Bojro, Bolonté). La volonté du Bo ne se distingue pas de celle de
celui qui pratique le Bo. Cette volonté peut être renforcée, violée, détruite par l’intervention
du Bokonon. En définitive la volonté du Bo devrait se ramener à celle du Bokonon puisque
c’est lui qui fait le Bo.
GBEBODE ou KUGNIBO
Pas de Bo pour vivre éternellement ou le Bo ne donne pas l’immortalité. Si nous nous

E
appliquons bien nous verrons que le Bo n’échappe pas à la mort, sinon tout le monde courrait

U
après lui pour continuer toujours à vivre quelles que soient les conditions de vie.

EQ
Ces derniers noms que nous venons d’énumérer très rapidement nous établissent une sorte

TH
d’horoscope qui précise d’avance et de façon définitive l’homme en échafaudant une véritable
anthropologie.
O
LI
IB
-B
IA
R
ES
D
O
C

284
CHAPITRE IV
ANTHROPOLOGIE DES NOMS BOPHORES

Faisons un pas de plus dans ces choses profondes 2


Victor Hugo

A/ LES PSEUDO-BONYMES ET LES VRAIS BONYMES


"Nous sommes tellement habitués à nous servir de ces mots, qui reviennent à tout
instant dans le cours des conversations, qu’il semble inutile de préciser le sens dans
lequel nous les prenons. On se réfère simplement à la notion commune. Or celle-ci est
très ambiguë. Cette ambiguïté fait qu’on réunit sous un même nom et dans une même

E
explication des choses en réalité très différentes. De là proviennent d’inextricables
difficultés" 3.

U
EQ
Cette situation que signale Emile Durkheim nous la vivons à propos des "Bonyiko",

TH
une notion commune pleine de confusions inextricables que nous essayons de lever par une
traduction française appropriée. En traduisant en effet "BONYIKO" par les bonymes et les
O
noms bophores, nous levons l’équivoque établie au sein des noms Bo, dans l’anthropologie du
LI

Bo.
IB

Les bophores sont les "Bonyiko" qui expriment à l’analyse réflexive l’idée de Bo sans
-B

la désignation de Bo dans leur orthographe et que nous avons appelés les pseudo-bonymes.
Les noms bophores sont les véritables bonymes, les noms de Bo qui ont dans leur orthographe
IA

le Bo comme radical, préfixe, suffixe ou désinence. Les noms bophores révèlent même sans
R

analyse la part massive de Bo dans leur signification comme dans leur orthographe. C’est
ES

ainsi que par une sorte de notion commune nous affectons les noms GUEUNDE, GLELE,
D

AKPEMIAKU comme des bonyiko, des pseudo-bonymes tandis que dans les noms comme
O

BODE, BOTIN, BOKPE, KLEUNBO, nous exprimons de façon précise sans aucune
C

ambiguïté le bonyiko même que nous traduisons en français d’une manière générale par les
noms bophores du fon Bo et du grec phorein porter, les noms qui sont composés de Bo, que
la pensée reconnaît comme tels sans analyse.
La tradition reconnaît effectivement deux sortes de "Bonyiko" :
1. Ceux que l’habitude a rangés dans les bonymes, les noms de Bo que nous considérons
comme des pseudo-bonymes, les noms de Bo que nous considérons comme des
pseudo-bonymes parce que c’est à l’analyse de leur anamnèse qu’on les rattache au
Bo ;

2
Les Contemplantations, ce que dit la bouche d’ombre vers 119.

285
2. Ceux que nous classons d’emblée dans la catégorie des noms bophores parce qu’ils
ont dans leur orthographe Bo en radical, en préfixe, en suffixe ou en désinence, les
vrais bonymes (Anayibo bo en désinence, Botin, Bo en radical). L’anthropologie de
ces derniers va nous permettre de faire l’anthropologie de l’homme (béninois). Il
montre et signifie ce qu’est l’homme, le rapport que le Bo détermine avec l’homme et
le rapport que l’homme tisse dans la vie, dans la nature, dans la société avec le Bo car
dans la culture fon ("la FONITUDE"), le Bo est la définition de l’homme, la meilleure
définition.
B/PHILOSOPHIE DES NOMS BOPHORES

E
Avec les noms bophores, nous éditons une véritable anthropologie, basée sur une

U
anthroponymie culturaliste. C’est pourquoi la définition que nous donnons de l’homme

EQ
(béninois) est la meilleure, considérée par nous. Dans la "Fonitude", mieux dans la culture

TH
béninoise, le Bo est un déterminant social, un invariant culturel. Avec des noms comme Botin
(le Bo existe), nous ne pouvons douter de cet invariant culturel, de son existence, de ses
O
actions. Mais quelle que soit la confiance que nous mettons dans le Bo, nous devons savoir
LI

que "AYIHUBO" que la conscience est supérieure au Bo. Rien n’éclaire mieux l’homme que
IB

la lumière de sa conscience. Rien ne le guide mieux, ne le sauve mieux que sa conscience


-B

(Ayi), car la voix de la conscience est plus forte que la voix du Bo (Bogbé). En même temps
par notre conscience illuminée par la raison nous savons que notre existence est finie. Notre
IA

finitude nous accompagne partout et nous rend en permanence sujet à la mort car il n’y a pas
R

de Bo pour vivre éternellement, même le faiseur de Bo (Botoku), meurt, ne peut pas échapper
ES

à la mort. Cependant avec notre attachement à la vie nous savons que la vie est supérieure au
D

Bo ("GBEHUBO").
O

C/IDEOLOGIE DES NOMS BOPHORES


C

Dans ces conditions les noms bophores renseignent sur une praxis et cessent d’être
cette praxis, un ensemble de techniques pratiques pour devenir un ensemble d’idées, une
idéologie qui nous aide à agir, à mieux agir, à mieux vivre et à engendrer nos différents
rapports sociaux, nos relations inter-individuelles pour une psychologie sociale plus
dynamique. Ne se limitant pas à un état de la conscience individuelle et collective, formant et
renforçant nos mentalités, le Bo détermine notre attitude au monde en se prêtant comme la clé
de toutes les énigmes "BODJINNANNYI" (ce ne peut être que le Bo, cela ne peut avoir pour

3
Emile Durheim, Les Règles de la méthode sociologique, PUF, 1968, p. 37.

286
source que le Bo).
Dans ce contexte le Bo est ouvert à tout le monde, il est à la disposition de tout le
monde car il suffit de s’y connaître pour s’y adonner, pour s’y conformer car
"BOGBEMEDEA" (le Bo ne refuse personne, il accepte tout le monde, il convient à tout le
monde). Même les mécréants cessent de le dénigrer pour le reconnaître comme le
"background" de notre personnalité 4 individuelle et collective.
Dans cette anthropologie le Bo n’arrive pas à déterminer notre volonté, nous arrivons à
façonner le Bo selon notre volonté, notre volonté selon le Bo "BODJRO", la volonté du Bo.
(La volonté du Bo (la "bolonté") est en dernière analyse la volonté même de l’homme, qui
combat toute volonté, toute velléité pour s’inféoder dans la volonté universelle, la volonté

E
infinie, la volonté divine, telle que la religion chrétienne importée nous l’enseigne dans la

U
belle prière filiale :

EQ
"Notre père, qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre

TH
volonté soit faite sur la terre comme au ciel".
D/EXISTENTIALISME DES NOMS BOPHORES
O
LI

En dernier ressort la volonté du Bo, la "bolonté", ne peut être pratique 5 au sens


IB

kantien du terme, ni pragmatique au sens StuartMillien du terme que si elle arrive à coïncider
-B

avec la volonté de Dieu. C’est pourquoi nous croyons fermêment que notre volonté qui nous
pousse à l’exercice du Bo pour faciliter notre adaptation au monde est tout compte fait, notre
IA

manière propre à nous humainement de vouloir prendre la direction des événements, des
R

choses en évitant que les situations ne deviennent pour nous catastrophiques, désastreuses.
ES

Nous avions au début de notre Thèse défini l’homme (béninois) comme un être en situation à
D

la lumière de l’existentialisme. Et dans l’existentialisme c’est le Bo qui nous aide à sortir des
O

situations conflictuelles. L’être de l’homme (béninois) est dans le Bo. Dans un langage
C

heideggerien nous dirions que l’homme est un-être-pour-le-Bo et dans un sens nietzschéen
nous dirions que par le Bo, chaque homme arrive à dévoiler le "surhomme" qu’il y a en lui
(BODI, BOJRENU ou BOGLO) et dans un langage paulinien qu’il y a du devin en lui. Dieu a
d’ailleurs créé l’homme à son image. L’image que l’homme a gardée de Dieu est un être qui
réalise des merveilles, des miracles. Par le Bo l’homme réalise comme Dieu des merveilles,
des miracles, en se transcendant. Il s’émerveille devant les merveilles que Dieu a mises dans
la nature que l’homme puise les éléments qu’il façonne, transforme en Bo en déclenchant des
choses merveilleuses par la Science du Bo, (la "BOLOGIE").

4
Ralph Linton, Le fondement culturel de la personnalité.

287
Notre " BOLOGIE", notre science du Bo (du Fon, Bo et du grec logos, science, étude,
discours), telle qu’elle vient de se présenter dans la théorie et dans la pratique montre que le
Bo lui-même fuit la lumière de la raison pour briller dans les nuits sombres de l’irrationnel,
renfermant l’irrationnel même contenu dans la nature car jusqu’à présent nous ne connaissons
pas la spécificité du déterminisme du Bo. Est-il physique ou psychique ?
Mais nous savons qu’avec le Bo l’homme arrive à réglementer, à dominer et à utiliser
le déterminisme physique et à déclencher aussi le déterminisme psychique des rapports
humains, sociaux, suivant un déterminisme culturel (le déterminisme défini par le Bo). Par le
Bo en effet, nous estimons pouvoir avoir prise sur le psychisme humain, social, en amenant
les hommes à faire notre volonté, la volonté du Bo, la "Bolonté" qui est infinie comme la

E
volonté de Dieu. Par le Bo l’homme participe au divin.

U
Sous cet angle la pratique du Bo n’est contraire à aucune religion. Nous avions

EQ
souligné que BOGBEMEDEA, le Bo ne rejette personne, ne refuse aucune religion. Si

TH
d’ailleurs on respecte la déontologie du Bo, on ne peut pas utiliser le Bo pour faire du mal, car
la volonté de puissance que le Bo déploie en nous si elle évolue suivant les lois morales doit
O
rechercher le Bien car toute volonté doit tendre vers le bien comme à un idéal. Toute religion
LI

recommande le Bien comme le Bo lui-même. Le Bo n’est jamais efficace s’il est utilisé dans
IB

le dessein de nuire à autrui, sans une certaine recherche de justice, du sens de l’équité. La
-B

"bolonté", la volonté du Bo doit toujours tendre vers l’évolution, le progrès comme le nom
bophore : BOZON.
IA

Le progrès du Bo nous amènera un jour à une approche plus rationaliste, plus


R

scientifique du Bo, c’est-à-dire moins mystique, moins métaphysique, moins philosophique


ES

pour saisir en dernière analyse que le Bo est une ruse de la raison humaine pour instaurer le
D

règne de l’homme sur les choses, sur l’univers dans une "anthropocratie" universelle dans
O

laquelle toute chose portera la marque de l’homme, toute situation prendra la coloration ou la
C

photographie de l’homme pour remédier à la finitude de l’homme car "l’homme passe


infiniment l’homme".
Ce dépassement de l’homme par l’homme, la transcendance humaine est à l’image de
la transcendance divine.
L’idée du Bo à travers les noms bophores nous ramène à l’idée de Dieu puisque c’est
par les éléments que Dieu a mis dans la nature que nous arrivons à créer le Bo, à
confectionner le Bo : AMANYIBO. Et le Bo une fois confectionné, nous le rendons
indépendant de nous, objectif en niant toute notre subjectivité, toute notre participation pour

5
Kant, Critique de la raison pratique.

288
donner une existence autonome au Bo, ce qui nous conduit à accorder une volonté au Bo (la
bolonté) à l’image de la volonté humaine. Cette bolonté se confond avec la volonté de
puissance qui sommeille en chacun de nous et que le Bo manifeste aux yeux des autres dans
notre tentative de les dominer, de les soumettre à notre volonté en les faisant agir ou être selon
notre volonté, bref en les asservissant au joug du Bo. Le Bo rend l’homme thaumaturge, un
faiseur de merveilles, de miracles. Mais ces miracles au lieu de glorifier l’homme glorifient
Dieu car le Boto, le faiseur de Bo est toujours persuadé que c’est par la grâce de Dieu qu’il
arrive à satisfaire les volontés de son client en ajoutant une feuille à une autre. De même que
la feuille provient de Dieu en tant que créature de Dieu ou en tant que manifestation ou preuve
de Dieu l’existence de Dieu de même toute preuve de l’existence de Bo (Bodicée, du fon Bo

E
et du grec dixen), toute Bodicée est une Théodicée.

U
C’est pourquoi un athée proprement dit ne peut jamais faire du Bo car il manquerait la

EQ
garantie divine pour asseoir l’efficience de son Bo, Dieu étant reconnu selon Descartes

TH
comme la cause efficience de tout, y compris le Bo. C’est d’ailleurs pourquoi aussi pour
définir le Bo nous avons été obligé de faire appel à la notion de croyance, de foi pour
O
distinguer le Bo de tout objet profane, de tout instrument technique ordinaire sans pour autant
LI

faire du Bo un objet exclusivement sacré.


IB

E/BODICEE = THEODICEE
-B

C’est là le paradoxe des noms bophores. Tout en instaurant l’anthropocratie, le règne


IA

de l’homme sur l’univers reconnaît cependant la dépendance de l’homme de Dieu. Le Boto


R

qui fait son Bo dira : "si Dieu le veut son Bo aura l’efficience souhaitée", reconnaissant Dieu
ES

comme la source de toute efficience.


D

Les premiers missionnaires ont eu tort de penser que "toute statue est pour eux le
O

diable ; (et que) toute figure symbolique est un talisman" 6. Les prédicateurs des sectes
C

importées condamnent à tort la pratique du Bo. C’est leur méconnaissance foncière de la


bodicée qui les pousse à voir dans toute manifestation du Bo, une manifestation du diable.
L’homme ne peut pas donner des ordres au diable, au contraire il peut en recevoir de lui car le
diable impose toujours sa volonté et ne fait jamais la volonté de l’homme, tandis que le Bo
concourt à faire la volonté de l’homme et c’est dans cet accomplissement que l’homme révèle
le caractère thaumaturgique qu’il a hérité de Dieu. Si le Bo est, Dieu est.
En réalité ce que révèle le Bo à travers les noms bophores, ce n’est pas seulement
l’existence des enfants, des adultes, des êtres engendrés, sauvés et sauvegardés par le Bo mais

6
Michèle Duchet, Anthropologie et Histoire au siècle des lumières, Paris, Flammarion, 1971, p. 17.

289
aussi l’existence de Dieu. Si l’individu se reconnaît BOLOME (dans les mains du Bo ou sous
la protection du Bo) à la réflexion c’est sous la protection divine qu’il se place car le Bo n’est
rien sans la permission de Dieu. La foi en Bo est paradoxalement la foi en Dieu. Car le Bo
créé par l’homme par ruse pour la gouverne de l’homme sur les événements physiques,
humains, sociaux ou culturels opère toujours sous la bénédiction divine efficiente. Comme
notre conscience est la voix de Dieu, instinct divin, juge infaillible du bien et du mal,
l’excellence de la condition humaine, elle est au-dessus du Bo comme nous l’avons vu dans le
nom bophore AYIHUBO. C’est en oubliant l’aspect théophanique du Bo que nous pensons
qu’il faut toujours suivre la voix de notre conscience en tant que voix de Dieu pour ne jamais
prendre le bien pour le mal, ni le mal pour le bien.

E
C’est pourquoi nous ne pouvons pas toujours mettre notre foi en Bo car notre

U
conscience est plus divine en nous que le Bo que nous façonnons de nos mains et auquel nous

EQ
donnons foi. 7

TH
Mais personne ne proclame la foi en la conscience car la conscience est considérée
comme naturelle, innée en l’homme. Le Bo est artificiel, fait de mains d’homme en tant
O
qu’artifice, il nécessite la foi pour qu’arrive le règne de l’art, de la technique pour faciliter la
LI

praxis et rentabiliser d’avantage l’action humaine. Toute étude approfondie des noms
IB

bophores doit servir d’introduction aux noms théophores. Car "on conçoit encore Dieu
-B

comme providence, ce qui vérifie l’usage des noms théophores" 8.


Il ne nous reste plus qu’à conclure notre thèse.
IA
R
ES
D
O
C

7
"L’homo sapiens, seul etre doué de raison, est le seul aussi qui puisse suspendre son existence à des choses
déraisonnables". Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion. PUF, Paris, 1967, p. 106.
8
Louis Vincent Thomas/René Luneau, Les Sages dépossédés, Robert Lafont, Paris, 1977, p. 136.

290
CONCLUSION

"Nos idées sont nos lunettes" 9


Alain
"Car en la matière, la place des définitions
est à la fin de la recherche" 10
Giovanni Sartore

La route étant ainsi balisée est-il possible d’appréhender quelque chose du mystère du
Bo, objet de notre thèse ?

E
"La plupart des sociologues croient avoir rendu compte des phénomènes une fois qu’il

U
ont fait voir à quoi ils servent, quel rôle ils jouent. On raisonne comme s’ils

EQ
n’existaient qu’en vue de ce rôle et n’avaient d’autre cause déterminante que le
sentiment clair ou confus des services qu’ils sont appelés à rendre. C’est pourquoi on
croit avoir dit tout ce qui est nécessaire pour les rendre intelligibles, quand on a établi

TH
la réalité de ces services et montré à quel besoin social ils apportent satisfaction" 11.
O
Or dans la réalité, "quand donc on entreprend d’expliquer un phénomène social il faut
LI

rechercher la cause efficiente qui le produit et la fonction qu’il remplit" 12.


IB

La cause efficiente et la cause finale sont confrontées à propos du phénomène social


-B

Bo parce que tout simplement au niveau de l’épistémologie négro-africaine on ignore le seuil


qui sépare l’être du connaître. "La connaissance est un être et non pas seulement un
IA

instrument au service de l’homme" 13. Or l’être a la force et celle-ci a la vie. Mais sera
R

d’autant plus riche qu’elle sera foisonnante, créatrice, qu’elle prendra la marque du pluriel,
ES

d’où la pluralité des forces, la pluralité des symboles, la pluralité des Bo, la pluralité des
D

ethnies et des espèces socio-géographiques.


O

Le Bo est à la fois une force physique et une force surnaturelle. C’est par son caractère
C

surnaturel qu’il fait opérer des miracles et qu’il est lié à la mentalité des gens et à leurs
croyances qui tiennent à la fois de la magie, de la religion et de l’expérience. C’est la foi qui
fonde l’efficacité du Bo selon certains. Et depuis Goethe nous savons que "le miracle est
l’enfant le plus chéri de la foi" 14. Par contre les scientistes purs pensent que le Bo n’a pas
besoin d’être opérant, efficace car son efficacité, son efficience résultent de la nature des
éléments qui le composent, qui le manifestent, qui le dévoilent. C’est toujours dans le monde

9
Le Citoyen contre les pouvoirs, Paris, Ed. du Sagitaire, 1926, p. 148.
10
Théorie de la démocratie, Armand Colin, Paris, 1973, p. 174.
11
Emile Durkheim, Les Règles de la méthode sociologique, PUF, Paris, 1990, p. 89.
12
Ibidem, p. 95
13
A. Ndaw, la pensée africaine, Thèse de Doctorat, Paris, Sorbonne, 1976, p. 152.

291
physique, le monde sensible que nous faisons l’expérience du Bo bien qu’il arrive des fois par
son intermédiaire que nous communiquions avec les êtres du monde supra-sensible, des êtres
invisibles. Nous serons d’accord avec M. Soustelle pour dire du Bo ce qu’il tirait comme
conclusion de l’analyse du "Mana" : le Bo est une force bonne ou mauvaise qui se distingue
des forces physiques habituelles par le fait qu’elle dépasse de beaucoup les possibilités
connues de celle-ci mais qui se manifestent sur le plan physique.
Comme "nos idées sont nos lunettes" selon Alain, il serait bon que nous ayons une
idée précise du Bo dans une définition définitive. Ce qu’est une chose c’est la manière dont
on peut en donner une définition, elle paraît généralement laisser en suspens l’existence de ce
qu’elle définit. Elle nous laisse, comme on dit, au niveau du possible. Reste à passer du

E
possible à l’être. L’existence précède l’essence selon Sartre. Cette priorité de l’existence sur

U
l’essence n’a rien de mystérieux. Elle dit d’abord qu’il y a dans le réel plus que nous ne

EQ
pouvons immobiliser dans un système de définitions arrêtées une fois pour toutes. Le tout de

TH
la philosophie depuis Platon est d’avoir cru pouvoir essentialiser le réel. L’essence n’est
jamais que seconde, et c’est l’existence, Aristote le disait déjà, qui est première. Il en est de
O
même en Anthropologie, c’est l’existence qui précède l’essence. Dans ce cas notre définition
LI

du Bo aura-t-elle un sens seulement descriptif ou encore normatif ?


IB

A/SENS DESCRIPTIF ET SENS NORMATIF DU BO :


-B

Par quelque penchant ou paradoxe on pourrait redéfinir le Bo comme le nom


IA

mystérieux de quelque chose de pompeux qui existe ou qui n’existe pas. Bien entendu cette
R

affirmation est provocante et il y aurait plus de tact à dire que le terme Bo est trompeur quand
ES

on l’applique à ce qu’il prétend désigner. Bien que cette manière d’exposer puisse sembler
D

encore un peu malhonnête, nous pensons qu’elle nous met mieux sur la voie des difficultés de
O

notre thèse.
C

Si définir le Bo signifie seulement indiquer la signification du mot il aurait suffi de


connaître un peu le Yoruba comme nous avons fait en tentant une définition étymologique,
EBO signifie ce qu’il faut cacher, ou par une traduction française, "gri-gris". Mais à ce stade
nous n’avons résolu qu’un problème de terminologie. Notre explication n’a rien de plus
qu’une définition "Mot à mot" qui traduit dans une langue comme le sens d’un terme venant
d’une autre langue. Or le problème que représente la définition du Bo est plus compliqué que
cela. Quand nous utilisons le terme, il représente évidemment quelque chose. La question
n’est pas seulement que signifie le mot ? Mais aussi quelle est la chose ? Et quand nous avons

14
Le second Faust

292
essayé de répondre à cette dernière interrogation nous avons découvert que la chose ne
correspondait pas au mot, nous qui comprenons bien le Fon. Autrement dit nous décelons le
peu de ressemblance entre les faits et l’étiquette, entre nos découvertes selon la typologie et
leur nom. Bien que Bo ait un sens littéral précis de pouvoir à tenir caché, cela ne nous a pas
aidé à comprendre ce qu’est le Bo en fait. Comment pouvons-nous remédier à cela ?
Au premier coup d’œil la solution paraît assez simple. Si l’observation révèle le
caractère trompeur du terme Bo, pourquoi ne pas commencer à donner aux choses des
dénominations plus adéquates ? Si le nom n’est pas correct pourquoi ne pas chercher le terme
approprié ? Dans le monde réel on appelle Bo tout ce qui étonne, paraît insolite, miraculeux et
irrationnel. S’il en est ainsi pourquoi ne pas appeler le Bo ce qui constitue un mystère pour

E
nous et que nous avons l’obligation de rationaliser maintenant pour le clarifier.

U
La solution n’est pas si simple : qu’un vocable ne soit pas approprié à la description ne

EQ
signifie pas qu’il doive être remplacé car le terme Bo est celui dont nous avons besoin

TH
exactement dans un dessein normatif. Et ce dessein est aussi important. Ce sont les rumeurs,
les craintes, les sentiments qui établissent le Bo dans les esprits. C’est pourquoi ce qui est Bo
O
ne doit pas être isolé de ce qu’il devrait être. Le Bo n’existe que pour autant que les gens y
LI

croient et cette croyance une fois qu’elle est ancrée dans leur esprit, conduit les gens à des
IB

comportements, à des attitudes que la raison ne comprend pas.


-B

Le terme Bo n’a pas seulement une fonction descriptive mais aussi une fonction
normative et persuasive. Il relève de là que le problème qui consiste à définir le Bo est double,
IA

exigeant à la fois une définition descriptive et normative. L’une ne peut pas exister sans
R

l’autre et en même temps l’une peut être remplacée par l’autre. Pour partir de bon pied nous
ES

devons avoir à l’esprit trois propositions : une distinction durable doit être faite entre les buts
D

et la réalité du Bo, en second lieu, cette distinction ne doit pas être mal comprise parce que les
O

idéaux et la réalité sont en interaction. Troisièmêment les définitions normative et descriptive


C

du Bo toutes complémentaires qu’elles soient ne doivent pas être confondues car l’idéal Bo ne
définit pas des réalités Bo, un Bo réel ne peut pas être identique à un Bo Idéal.
L’une des conditions essentielles de la validité de notre définition est son
intelligibilité. La même intellection exige que tout ce qui est complexe soit simplifié, que ce
qui est embrouillé soit démêlé, car en dernière analyse notre comportement dépend de ce que
nous pensons que le Bo peut et doit être. Quand quelqu’un dit que ce fait relève du Bo, que ce
fait ne relève pas du Bo, il n’y a pas de Bo, notre jugement et notre comportement se référant
à une définition. Et si nous définissons le Bo d’une manière irrationnelle, nous accepterons
tous les Bo existants.

293
Si le Bo est défini incorrectement nous sommes en danger de refuser ce que nous
n’avons pas défini correctement, que nous n’avons pas bien identifié et de recevoir en
échange quelque chose que nous ne voulons pas du tout. La réalité du Bo dépend de la
diffusion du Bo. Toutes nos difficultés de la vie ultérieure dépendront de cette idée du Bo ou
toute notre confiance dépendra de cette compréhension que nous aurions du Bo en ce sens
qu’une compréhension claire de ce dont il s’agit quand on parle du Bo est une des principales
conditions du comportement du Bo. Car des idées fausses du Bo font dévier du Bo.
Il va sans dire que le grand problème n’est pas en mesure de proposer une définition
du Bo. L’individu réagit à l’image du Bo qu’il a à partir de l’idée qu’il s’en est faite. Cette
image est le reflet et l’écho des conditions auxquelles on est parvenu au niveau de la pensée

E
critique et elles sont modelées par les définitions. En conséquence il serait plus payant

U
d’explorer le problème du Bo au niveau exprimé des réactions dérivées et informulées aux

EQ
images à condition de ne pas oublier que ce qui au niveau critique est une idée précise devient

TH
représentation imprécise au niveau de l’inexprimé. Nous prétendons donc que les définitions
sont importantes parce que c’est d’elles que dépend en dernière analyse la représentation que
O
nous avons du Bo.
LI

Omnis definitio est periculosa, toute définition est dangereuse ou il est dangereux de
IB

définir, en ce sens que la définition présente la chose définie d’une manière figée et est
-B

semblable à un gel du langage. Il est important de préciser en quelques termes ce qu’est le Bo,
car le Bo est un fait mentalitaire, un fait de la représentation d’abord individuelle avant d’être
IA

collective.
R

Le Bo tel que nous venons de l’aborder est un instrumentum regni, un instrument de


ES

domination. L’idée du gouvernement par le Bo peut faire naître des images très agréables et
D

porteuses d’espoirs chez les hommes mais dans la mesure où elle s’articule seulement sur
O

l’idée d’un gouvernement de la "raison" fantomatique et désincarnée. Mais elle peut nous
C

conduire à de perpétuelles et graves méprises si nous ne tenons pas vraiment compte de la


déontologie du Bo. A cette condition le Bo n’aura aucun handicap et nous arrivons à maîtriser
le monde, le monde de l’homme et pas seulement celui de la nature comme l’Occident l’a
toujours fait. Nous faisons notre la position de Hayek : "Une des tâches et non la moins
importante, de la raison humaine (est) de comprendre rationnellement ses propres limites" 15.
"Je sais que la raison est une servante fidèle, mais je crains ceux qui la servent. Je
l’utilise parce que je ne peux pas faire autrement, mais je ne lui voue pas de culte, car je sais à

15
The conuter-revolution of science, p. 92

294
quel point elle peut être faillible." 16
L’homme a le pouvoir de déterminer les déterminations comme dirait Schelling.
Le Bo est sensé donner deux types de pouvoir : le potestas et l’auctoritas, entre le pouvoir
comme force (ou effet de domination) et le pouvoir comme autorité entre le pouvoir de
contraindre et le pouvoir de faire les choses. Ainsi "autorité" est le terme dont nous avons
besoin pour désigner non le pouvoir qui est imposé d’en haut à ceux qui doivent s’y soumettre
mais au contraire le pouvoir qui émane de l’investiture spontanée et tire sa force et son
efficacité de la reconnaissance dont il est l’objet. Le pouvoir du Bo est une autorité qui est
"pouvoir accepté, respecté, reconnu, légitime ou obéi". Cette autorité est la forme du pouvoir
relationnel qu’il ne faut pas confondre avec le pouvoir substantiel (pouvoir en tant que chose

E
possédée). L’autorité du Bo repose sur la persuasion, le prestige, la référence. L’autorité se

U
rapproche ici du pouvoir du leadership qui suscite et reçoit une adhésion spontanée. Il serait

EQ
éclairant de se référer à Jacques Maritain :

TH
"Nous appellerons autorité le droit de diriger et de commander, d’être écouté et/ou
obéi d’autrui, et pouvoir la force dont on dispose et à l’aide de laquelle on peut obliger autrui
O
à écouter ou à obéir… En tant que pouvoir, l’autorité descend jusque dans l’ordre physique en
LI

tant qu’autorité, le pouvoir est élevé à l’ordre moral et juridique." 17


IB

En réalité notre définition du Bo ne résulte pas d’une analyse conceptuelle où le normatif et le


-B

descriptif auraient trouvé place dans la réalité, en s’opposant, en se contredisant mais elle est
élaborée dans l’expérience dans une enquête d’observation participante.
IA

"L’observation participante est plus difficile à appliquer pour une enquête


R

sociologique par suite de l’étendue plus importante de la société et de sa diversité très grande,
ES

et surtout en Afrique où les particularismes même dans les lieux de brassage comme les
D

centres urbains, restent importants. Les difficultés essentielles proviennent du caractère de ces
O

sociétés sans écriture, émiettées et séparées encore par des particularismes nombreux, même
C

dans les zones de contact" 18


Grâce à cette observation patiente et persévérante notre définition du Bo, écartée des
élucubrations abstraites, hypothétiques, philosophiques, est maintenant dans notre conclusion.
Une définition est-elle le donné de départ d’une recherche ou sa conclusion ?" 19.
Effectivement dans les sciences formelles ou dites exactes, elle est le donné de départ mais
dans les sciences non-formelles dites sociales elle doit être construite normalement à la fin

16
Giovanni Sartore in Théorie de la Démocratie, Armand Colin, Paris, 1973, p.324.
17
démocratie et autorité in Institut International de Philosophie politique, Le Pouvoir, Paris PUF, 1957 t II p. 26-
27.
18
C. Anta Diop, Sociologie africaine et méthodes de recherches in Présence Africaine, n°XLVIII, p.183 et 186.
19
Giovanni Sartore, op. cit., p. 173.

295
pour révéler ses caractères empiriques pour trouver sa validation dans et par la pratique. Le
Bo est un pouvoir et ce pouvoir prend des nuances différentes selon l’intentionnalité de
l’individu qui acquiert ce pouvoir et qui l’utilise soit pour séduire (le Bo a pour nom le Ylo,
porte-bonheur, porte-change), pour se défendre (le Bo a la forme du Glo équivaut à
l’antimissile de Aguessy) ou pour se défendre tout en attaquant (le Bo prend le nom de Flidjè,
de retour à l’envoyeur). Dès lors notre définition n’est pas seulement formelle, mais elle est
essentiellement fonctionnelle, pratique car nous l’avons découverte par l’expérimentation, ce
qui nous amène à des conclusions qui peuvent être assurées (vraies). "Car en la matière la
place des définitions est à la fin de la recherche", et non au début comme nous avons cru
opérer. Il faut reconnaître que notre expérience personnelle (comme l’indique notre

E
Introduction) a joué un rôle décisif dans la manière dont nous avons mis les problèmes en

U
perspective. "Néanmoins, l’expérience fondamentale c’est le fait que notre prétendue

EQ
expérience nous arrive sous la forme de témoignage" 20.

TH
B/DEMONSTRATION DU BO
O
Le Bo ainsi défini peut-il faire l’objet d’une démonstration ? Deux options possibles,
LI

une rationnelle et l’autre pratique.


IB

- La démonstration au sens rationnel, on ne saurait démontrer le Bo. Cette réponse n’est guère
-B

surprenante. Car en dernière analyse le Bo n’est qu’une épure des sociétés existantes qui se
fondent une règle de procédure fondamentale et qui s’appuient sur un système de valeurs. En
IA

donnant un tour pragmatique au vieux terme platonicien on pourrait dire que le Bo est un
R

"paradigme", un modèle que l’on projette et que l’on essaie laborieusement d’adopter et
ES

d’appliquer à la réalité. C’est pourquoi il risque de nous glisser si nous essayons de le saisir
D

ou de le caractériser empiriquement ou logiquement. De nos jours l’opinion est très répandue


O

que les valeurs, ou du moins les valeurs ultimes sont hors de portée de toutes espèces de
C

preuves. On pense que l’on croit aux valeurs plus qu’on ne les prouve, qu’on les désire plus
qu’on ne les explique, qu’on les chérit plus qu’on ne les justifie. Bien que les savants aient
tendance à accepter de plus en plus mal la théorie affective des valeurs le point de vue
extrême selon lequel nos jugements de valeur n’expriment pas des émotions et des sentiments
et bien que l’on accorde à juste tire une place croissante au rôle joué par la raison dans le
choix des valeurs, nous sommes encore incapables de trouver ces preuves concluantes du
genre "l’égalité c’est le bien suprême, la paix c’est la valeur idéale".
S’il en est ainsi il semble que nous sommes parvenu à une impasse. Sur le plan

20
Ibidem.

296
empirique, pratique, nous ne pouvons que vérifier la définition opérationnelle du Bo depuis sa
confection jusqu’à son usage, sa mise en pratique dans le monde réel. Issu du monde réel par
les éléments que nous avons puisés dans la nature pour le confectionner, le Bo est un fait
évident, on le constate, on l’expérimente, on éprouve des sentiments inspirés par lui. On le
fait correspondre aux intentions que l’on a. On en jouit, on en pâtit. On le prouve par la
preuve de l’expérience de la vie. Seul celui qui a été victime du Bo peut en parler
valablement. S’il n’en est pas ainsi on ne peut pas démontrer car dans le domaine de la
logique notre raisonnement a consisté surtout à montrer que nous nous embrouillons dans de
faux problèmes. Apparemment la démarche axiologique nous force à conclure que le
raisonnement n’a pas de conclusion ou qu’il ne peut pas être poussé au-delà d’une certaine

E
limite. Cela veut dire qu’on ne peut pas confirmer le Bo, ni par des données de l’expérience,

U
ni par des données rationnelles, ni en prétendant que les valeurs du Bo sont les meilleures

EQ
puisqu’on ne peut pas démontrer celles-là non plus.

TH
Si nous ne sommes pas parvenu à convaincre de la possibilité de la démonstration du
Bo, c’est que nous avons confondu deux problèmes différents : le problème de la
O
connaissance de la vérité objective et le problème pratique de l’utilité rationnelle. Et si nous
LI

faisons la distinction bien que nous ne soyons pas en mesure d’affirmer : "le Bo est vrai en
IB

lui-même", nous pouvons dire résolument : "Le choix du Bo peut se justifier rationnellement".
-B

C’est là que nous sommes d’accord avec H.R.G. Greaves : "Il existe certainement un stade à
partir duquel il est vain de poser des questions ou d’exiger plus de raisons, mais au cours du
IA

processus par lequel on parvient à ce stade on peut espérer trouver un terrain d’entente avec
R

d’autres pour ce qui est de faire des appréciations et un tel terrain d’entente a une grande
ES

importance". 21
D

Le terrain d’entente est la pratique, l’expérience de la vie qui à chaque instant nous
O

révèle un signe, une manifestation du Bo dans nos relations avec la nature, dans nos relations
C

avec les autres chaque fois que nous voulons avoir sur eux une certaine autoritas, une certaine
potentas qui ne va pas de soi légalement, légitimêment mais que nous voulons par le simple
fait de notre volonté de puissance.
Même malgré notre volonté de puissance, nous ne pouvons pas faire des
démonstrations des "Bodida, des Dakabo", des Bo qui tuent parce que la société répugne à de
tels actes, de tels agissements. On ne peut pas non plus démontrer publiquement le pouvoir de
séduction que nous donne le Bo (Ylo) car nos concitoyens seront portés à se méfier de nous et
à écarter leurs femmes de nous. N’oublions pas que le Bo dans sa définition étymologique

21
The foundation of political theory, London, G. Allen and Unwin, p. 35.

297
comme la magie d’ostentation.
Dans l’histoire des rois d’Abomey la volonté de puissance poussait les guerriers à aller
limer leurs armes contre une enclume dans la salle appelée DJEXO, la case du sel. Le sel dans
le sens large désigne tout ce qui est cher, précieux, qui a de la saveur, de la valeur et qui est
nécessaire et indispensable. DJEXO désigne la case chère, sacrée qui a été construite au palais
royal avec du sang humain, des cauris, et où l’on entre pour faire des prières accompagnées de
sacrifices. Là il y a des osselets d’animaux, des crânes des bêtes immolées. De même le
BOXO est une salle réputée en Bo, une salle sacrée où les rois mettaient leurs Bo les plus
chers. Dans cette case remplie de mystères et d’énergies spirituelle et vitale construite sous le
roi Ghézo existe un vodu Gu, formidable enclume sur laquelle les guerriers allaient fourbir

E
leurs armes avant le combat. Dans le langage courant le BOXO désigne une chambre-

U
sanctuaire où l’on met tous ses Bo et à laquelle les femmes n’ont pas accès. C’est aussi le lieu

EQ
de recueillement, de prières, de méditation, de communion avec les mânes des ancêtres. C’est

TH
dans ce sanctuaire qu’on se réfugie en cas de difficultés graves pour rechercher ou
confectionner les Bo capables de nous tirer d’affaires, de nous dégager des situations
O
difficultueuses, désespérées même pour nous donner une sorte de "supplément d’âme" pour
LI

affronter les choses et les hommes.


IB

C/AUTHENTICITE BENINOISE DES "BONYIKO", DES NOMS BOPHORES


-B

Le Bo conduit au règne des choses et des hommes, instrumentum regni avons nous
IA

dit. Ceux-ci sont typiquement dahoméens, béninois. Ils proclament l’authenticité de notre
R

culture et l’originalité de nos anthroponymes ou de nos patronymes. Cependant pour les


ES

analyser, les comprendre et chercher à les adopter il faut savoir que le Bo est ce que l’homme
D

a hérité de Dieu de merveilleux par la possibilité qu’il a de continuer l’œuvre de la création


O

divine. C’est pourquoi l’individu y croit fermêment et s’y adonne entièrement car il est
C

conscient que par le Bo il peut engendrer des déterminations dans le déterminisme naturel,
physique, psychique et sociologique. C’est pourquoi les noms bophores, les bonyiko comme
"Bolomè" dans les mains du Bo ou Bogbèmèdea, le Bo ne refuse personne, ne refuse aucune
croyance et ne rejette aucune idéologie. Les vrais connaisseurs et pratiquants du Bo sont des
croyants et des pratiquants des religions importées comme des religions traditionnelles. Pour
la plupart, le Bo ne doit pas s’écarter du Bien, du Beau, du Vrai, du Juste, c’est pourquoi il est
considéré comme une preuve de la manifestation de Dieu et que toute Bodicée conduit à une
Théodicée.
Malheureusement le Bo tend à favoriser l’individualisme. On remarque à son propos

298
la multiplication des associations, des confréries des Boto, les faiseurs de grigris qui créent
toujours de nouveaux Bo comme s’ils n’arrivaient pas à étancher leur soif de nouveauté. C’est
là aussi l’importance des fonctions psychiques du Bo qui animent les mentalités. Le Bo se
développe surtout dans l’isolement comme nous l’avons fait remarquer chez les Holli de
l’Ouémé, curieusement repliés sur eux-mêmes, jaloux de leur pureté folklorique, rebelles aux
changements qui ne parviennent pas à éviter la dégénérescence de la multiplicité des contacts,
sources de nombreux emprunts ou de démarquages, de symbioses techniques, reflets de tous
les syncrétismes et assimilation des éléments d’autres horizons ou d’autres cultures.
D/UNIVERSALITE DU BO

E
Le Bo est un produit de la nature et de la culture. La foi et le rite constituent une

U
réponse organisée et standardisée. C’est pourquoi le Bo est présent dans toutes les cultures,

EQ
surtout dans les cultures dites à tort primitives. Son importance dans la société dépend du

TH
niveau de développement de la raison dans cette société, dans sa conception du monde et dans
sa conception même de la culture. Dans les pays dits développés il est traduit par la magie car
O
l’Occident n’arrive pas à concevoir que l’irrationnel puisse cohabiter avec le rationnel en
LI

essayant de rendre aussi rationnels que possibles les rapports de l’homme avec la nature ou
IB

avec ses semblables.


-B

La lutte de l’homme européen contre la nature à outrance a fait qu’il n’arrive pas à
dominer ses semblables en-dehors des génocides, des guerres, des luttes armées et des
IA

idéologies meurtrières. L’homme noir par son pacte avec la nature arrive à dominer la nature,
R

l’homme son semblable, sans une hostilité ouverte par la guerre mais par le Bo. Le Bo séduit
ES

et contraint à la fois d’une manière inconsciente, imperceptible, lente, rapide corrosive ou


D

gaie.
O

Le Bo inaugure le règne de l’homme partout dans tous les domaines et montre que
C

l’homme est vraiment à l’image de Dieu, l’image attestée par les faits surprenants accomplis
par le Bo, les auxiliaires invisibles, insolites et insoupçonnés qui surviennent dans vos
difficultés grâce à de simples invocations, incantations qui disent les noms premiers des
choses, car l’homme noir reste toujours fidèle à la tradition, à la nature et à Dieu.
"On peut poser comme hypothèse qu’à un moment quelconque de l’avenir notre savoir-faire
(par le Bo) permettra la naissance d’une science sociale capable de dominer vraiment le
monde et l’homme. Mais dans une telle situation notre conception de la vie exigerait que
l’expert ne soit pas chargé de décider pour les non-spécialistes de la vie qui leur convient. On
ne demandera pas à l’ingénieur social de nous dire ce que nous devions désirer, ni quels buts

299
il nous faudrait viser. Il aurait plutôt pour tache de nous mettre en garde à l’avance contre nos
erreurs, et de nous dire avant l’échéance ce que nous pourrions risquer si nous choisissions de
nous lancer dans une aventure donnée" 22. L’aventure du Bo est toujours une aventure
ambiguë pour les Etrangers à la Culture Noire car "la culture est une réaction raciale de
l’homme à son milieu".
Nous ne pouvons terminer sans nous acquitter de notre dette envers tous ceux qui dans
leur bienveillance nous ont aidé à édifier cet ouvrage en particulier Mademoiselle BAGIEU
Michèle, laz secrétaire aux doigts de fée, mon feu Maître le Professeur THOMAS Louis
Vincent, ses amis fidèles les Professeurs LABURTHE TOLRA Philippe, RIVIERE Claude,
POIRIER Jean, Annich BARRAU, mes fofos AGUESSY Honorat, OLOGOUDOU Emile,

E
mes chers collègues BELLO Latif, MEDEGAN Ambroise, OKOU Christophe, DOSSOU

U
Bernard, HOUNTONDJI Paulin, ANTONIO Bienvenu, YETCHENOU Berthe, ZINSOU

EQ
Edouard, ADEYE Basile, HOUNKPATIN Philippe et ZOHOUN Isidore, Ka Mana,

TH
OLOUDE Georges, AGOSSOU Medewale Jacob, mon frère Cyrilles, mes aimables enfants
Eliane, Florence, Pétronille, Annick, Eric, mes petits enfants Gloria, Ornella, Kenneth,
O
Kuetchi et ma généreuse épouse Justine.
LI

Nous avons fait cela par devoir, devoir patriotique et devoir culturel pour défendre et
IB

illustrer l’ANTHROPOLOGIE AFRICAINE et célébrer l’authenticité béninoise dans ses


-B

noms bophores, BONYK‫ כ‬uniques au monde. Car l’ANTHROPOLOGIE en tant que science
de l’homme peut entre autres usages servir simplement à essayer de faire comprendre ce que
IA

l’on fait lorsqu’on fait quelque chose. Et si cela chante, à tenter par ce biais de savoir
R

comment l’on pourrait s’y prendre pour faire malgré les conséquences inattendues à savoir
ES

pourquoi on le fait, ce qu’est ce que l’on fait. Viser la forme pour donner à quelques-uns la
D

possibilité de réaliser les virtualités optimales.


O

Cotonou, le 10 Février 2004


C

22
Giovanni Sartore, op. cit., p. 318.c

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Religieuses, Tome 63, No. 1, Janv. 1974.

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• La danse des Egungun in Tropiques No. 368, 1954.
• THOMAS, L.V., Les constantes de la culture nègre ou réflexion à propos du livre de
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Jahn Janheinz (Muntu, l’homme africain et la culture néo-africaine) in Bulletin de l’IFAN T.
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XXVI Janv.-Avr. 1964, pp. 258-271.


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• Senghor à la recherche de l’homme nègre in Présence Africaine, No. 54, 2è trim 1965,
-B

pp. 7-35

IA

Aspects de la Négritude in Cahiers Pédagogiques 20-29 Sept. 1964.


• SENGHOR, L.S., L’Esthétique négro-africaine in Diogène No. 16, 1956.
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YOKE, H.P., Le rôle particulier des Sciences humaines dans l’adoption des valeurs
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provoquent dans les sociétés contemporaines in Cahiers 17 AIU Paris, 1983.


O
C

336
• TABLE DES MATIERES

• Sommaire • 3
• Préface du Professeur AGUESSY Honorat • 4
• Introduction : L’arme occulte • 7
• Homme = Etre en situation = Etre pour le Bo • 13
• PROBLEMATIQUE • 18
• A/Etat de la recherche sur les Noirs • 18

E
• B/L’Univers négro-africain • 22

U
• C/Attitude du Béninois envers le Bo • 25

EQ
• D/Attitude des Européens vis-à-vis du Bo • 26
• E/Raisons du choix du thème Bo
TH • 27
O
• F/Balises de l’Anthropologie du Bo ou difficultés inhérentes •
LI

au Proprium africanum • 29
IB

• G/Le Bo : fait négritudinaire ou génie de la culture noire • 31


-B

• H/Approche de l’Anthroplogie par le Bo • 32


IA

• I/Le Bo, fait mentalitaire, fait de croyance • 36


R

• METHODOLOGIE • 37
ES

• a) La méthode pluridisciplinaire ou la méthode par • 39


D

convergence du Professeur Louis Vincent thomas


O

• •
C

b) Enquête proprement dite sur le Bo 40


• c) Difficulté linguistique • 42
• d) Difficultés inhérentes à la mentalité du Bo • 46
• e) Méthode psychologique dans l’Anthropologie du Bo • 47
• f) Bo et Dialectique • 54
• g) Plan du développement • 59
• Première Partie : Théorie du Bo • 61
• a) Esprit rationaliste et empirique • 62

337
• b) Mentalité rationaliste • 63
• CHAPITRE 1er : BO et MANA • 64
• A/Mana • 64
• Caractères du Mana • 69
• B/Bo = Gri-gri • 70
• CHAPITRE II : GENESE DU BO • 72
• II.1. Etonnement de la question • 72
• II.2. Origine du Bo = Origine de la société • 73

E
• II.3. Genèse cosmique du Bo • 73

U
• II.4. Le Fa comme origine du Bo • 74

EQ
• II.5. Théorie mythique de la genèse du Bo • 75

TH
II.6. Origine voduesque du Bo ou recherche de la sécurité • 77
O
permanente
LI

• II.7. Genèse théologique du Bo • 80


IB

• II.8 Humanité du Bo • 81
-B

• (a) Origine écologique du Bo • 81


IA

• (b) Genèse onirique du Bo • 82


R

• (c) Théorie techniciste du Bo • 83


ES

• (d) Genèse sociologique du Bo • 86


D

• CHAPITRE III : DEFINITIONS DU BO • 86


O

• •
C

III.1. Sens étymologique du Bo 86


• III.2. Les deux composantes du Bo • 87
• A/ Le côté matériel • 87
• (a) Bo = Ama • 87
• (b) Bo ≠ Amasi • 90
• (c) Bo et Nuvènu • 90
• (d) Bo et Kpé • 91

338
• (e) Bo et Nudjidjrè • 92
• (f) Le Nudida et le Bo • 92
• B/ Le côté immatériel du Bo ou deuxième aspect du Bo : • 92
• (a) Bogbé • 93
• (b) Gbesisa et Gbesa • 94
• c) Nunyi • 95
• C/ Troisième aspect du Bo : Dissociation des deux • 98
• D/ Le symbolisme du Bo • 99

E
• III.3. Définitions proprement dites du Bo • 100

U
• (a) Définition de W. Howels • 101

EQ
• (b) Bo ≠ Magie • 102
• c) Définition de Paul Hazoumé
TH • 103
O
• (d) Bo = Art • 106
LI

• (e) Bo = Ruse de la raison • 107


IB

• (f) Bo = Fait social • 107


-B

• CHAPITRE IV : TYPOLOGIE DU BO • 110


IA

• (a) Typologie par le sexe • 111


R

• (b) Le critère de provenance • 113


ES

• c) Le critère dualiste ou ambivalent du Bo • 113


D

• (c1) Le Ylo • 113


O

• •
C

(c2) Le Glo 115


• A/ Les Glo offensifs • 115
• 1. Avertissement • 116
• 2. Défi • 116
• 3. Asservissement • 116
• 4. Punition • 116
• Le Kpé • 116

339
• Le Bo hallucinogène • 117
• Le Cakatu • 117
• Le Bo par analogie, par représentation • 117
• B/ Les Glo protecteurs ou défensifs • 117
• 1. Protection de la personne • 117
• 2. Protection de la maison • 118
• 3. Protection des biens • 118
• 4. Protection contre le mal, la maladie, la mort, le mauvais • 118

E
sort

U
• 5. Le Fla • 118

EQ
• C/ Le Flidjè : le retour à l’envoyeur • 119
• 1. Le Azondjè
TH • 119
O
• 2. Le Guè ou le Aviti • 120
LI

• 3. Le Xa un kui • 120
IB

• D/Les Glo thérapeutiques : Exemples de Kébé, de Gougan, de • 120


-B

Danbo, de Gbègbè, de Tokpote, de Kasiso, Xuédino


IA

• E/Définition du Glo • 120


R

• (d) Le Bo selon la nature des ingrédients • 121


ES

• 1. Ama = la feuille • 121


D

• 2. Nudida • 121
O

• •
C

3. Le Atin : poudre 121


• 4. Le Tila : le talisman, l’amulette, le défifin • 122
• 5. Le Alokè : la bague • 122
• 6. Le Amasi : la décoction, l’infusion • 122
• 7. Le Kudio • 122
• 8. Le So : le pieu, le piquet : exemples : Aisodoxomè, Aiceji, • 122
• Agbatailè, Sukpa • 123
• E/ Typologie du Bo selon la force de frappe • 124

340
• 1. Le Kpé • 124
• 2. Le Nuvènu • 124
• 3. Autres Bo • 125
• (f) Tyopologie selon les pratiques télépathogènes • 125
• (g) Typologie selon matière, nature, mode d’application et • 126
effet
• (h) Typologie selon la profession : • 127
• Forces en présence

E
• (i) Typologie selon les besoins : réponse favorable – sécurité • 129

U
- nouveauté

EQ
• DEUXIEME PARTIE : PRATIQUE DU BO • 132
• CHAPITRE 1ER : REGIONALISATION DU BO
TH • 135
O
• (a) Les peulhs • 137
LI

• (b) Les Pila-Pila de Jugu • 138


IB

• c) Les Bariba • 138


-B

• (d) Les Ditammaribè • 138


IA

• (e) Le Baatonu • 139


R

• (f) Le Dendi • 140


ES

• (g) Le Yoruba • 140


D

• (h) Les Fon • 141


O

• •
C

(i) Les Adja 142


• (j) Les Holli • 142
• (k) Les Nago de Sakété • 147
• (l) Les Agonlinu ou les Fon de Agonlin • 148
• 1. Bokodaxo • 149
• 2. Asanyibokonon • 149
• 3. Azonyanto • 149
• (m) Portrait du Agonlinu ou du Bophile en guise de • 151

341
conclusion
• CHAPITRE II : LA MENTALITE BOESQUE • 153
• II.1. Avant la colonisation • 153
• II.2. Mentalité ritualiste du Bo • 156
• II.3. Nécessité du Bo • 157
• II.4. Fondement de la mentalité Bo • 159
• II.5. Conception matérialiste du Bo • 160
• II.6 Conception animiste du Bo • 161

E
• II.7. Bo et Univers • 161

U
• CHAPITRE III : PSYCHOLOGIE DU BO • 164

EQ
• III.1. Généralités • 164
• III.2. Du Pratiquant du Bo
TH • 165
O
• (a) Le Boto • 168
LI

• (b) Le client, le Bowato • 173


IB

• c) La victime du Bo, l’envouté • 174


-B

• CHAPITRE IV : MODALITES D’ACQUISITION ET DE •


IA

TRANSMISSION DU BO • 177
R

• 1. Acquisition dans les sociétés, les couvents • 178


ES

• (a) Education comme mode d’acquisition du Bo • 178


D

• (b) Apprentissage comme mode d’acquisition du Bo • 179


O

• •
C

2. Acquisition du Bo par réincarnation 180


• 3. Acquisition du Bo par troc • 181
• 4. Acquisition du Bo par don • 183
• 5. Acquisition du Bo par legs • 184
• 6. Acquisition du Bo par héritage • 185
• 7. Acquisition du Bo par achat • 185
• 8. Acquisition du Bo par voyage initiatique • 186

342
• 9. Acquisition du Bo par vision • 188
• 10. Acquisition mystique du Bo • 190
• CHAPITRE V : REGIONALISATION DE • 191
L’ACQUISITION DU BO
• 1. Chez les Adja • 191
• 2. Chez les Fon • 191
• 3. Chez les Batombu • 192
• 4. Chez les Dendi • 193

E
• 5. Chez les Ditammaribè • 193

U
• 6. Chez les Holli par héritage • 194

EQ
• 7. Chez les Yoruba • 195
• 8. Acquisition du Bo à Agonli
TH • 195
O
• (a) Selon les confréries initiatiques • 196
LI

• (b) Selon les classes d’age • 196


IB

• c) Le rite de la transmission à Agonli • 196


-B

• CHAPITRE VI : THEORIE DE LA TRANSMISSION DU • 199


IA

BO
R

• (a) Les causes de la transmission • 199


ES

• 1. Ordre social • 199


D

• 2. Ordre prestigieux • 199


O

• •
C

3. Ordre financier 200


• 4. Nécessité de la transmission • 200
• (b) Phénoménologie de la transmission du Bo • 200
• 1. Bo et Ecriture • 201
• 2. Variétés des modes de transmission du Bo • 202
• - Attribution - vente • 203
• - Attribution par pitié • 204
• - Attribution ou transmission avec alo • 204

343
• A/La première forme la plus simple • 204
• B/La transmission paternelle • 205
• C/La transmission sociale • 205
• - Verticalement • 205
• - Horizontalement • 205
• D/ Rite universel de transmission du Bo • 207
• E/ Transmission des Glo • 209
• F/ Conséquences des modalités de la transmission • 211

E
• CHAPITRE VII – LE BO DANS RAPPORTS SOCIO • 214

U
• A/ Le Bo = fondement de la dynamique sociale • 214

EQ
• B/ Le Bo dans les rapports familiaux • 215

TH
C/ Le Bo dans les rapports sociaux de profession • 218
O
• 1- Bo et vie professionnelle • 218
LI

• 2- Sur le plan politique • 219


IB

• 3- Sur le plan juridique • 224


-B

• a) Essor du Bo • 224
IA

• b) Bo et injustice • 225
R

• c) De l’usage des Bodida, des Dakabo • 225


ES

• Essolєlє xedu xeku tase • 226


D

• 4- Sur le plan économique • 227


O

• •
C

a) Bo et agriculture 227
• b) Bo et commerce • 228
• c) Bo et transport • 230
• V. Bo Sports et Loisirs • 231
• a) Bo et football • 231
• b) Bo et boxe • 235
• c) Bo et lutte • 236

344
• d) Bo et tam-tam • 236
• TROISIEME PARTIE : L’ANTHROPOLOGIE DE •
BOGNYKO DES NOMS BOPHORES OU DES BONYMES • 243
• CHAPITRE 1er : LES BOGNYKO LES NOMS BOPHORES •
OU LES BONYMES • 244
• A/ Généralités sur le nom • 244
• a) Le nom dans la civilisation de l’oralité • 244
• b) la dation du nom • 244

E
• c) Le sacré et le profane dans la personnalité de l’individu • 245

U
• d) Le Patronyme •

EQ
246
• e) La dation du nom chez les yoruba de Porto-Novo • 246
• f) La dation du nom chez les fon
TH • 247
O
• g) Le nom véhicule d’une histoire • 248
LI

• B/ Les noms Bophores, les Bogniko • 249


IB

• a) La place du Bo dans l’histoire de l’individu • 249


-B

• b) Caractéristiques des noms bophores ou bogniko • 250


IA

• c) Genèse des Bonymes ou des noms bophores • 252


R

• e) Le cas des noms bophores pour les jumeaux • 254


ES

• CHAPITRE II – TYPOLOGIE DES BONYMES • 256


D

• A/ Les Bonymes sans Bo • 256


O

• •
C

B/ Les faux bonymes 261


• CHAPITRE III – LES BOGNIKO PROPREMENT DITS • 270
• A/ Les Bonymes à suffixe Bo • 270
• B/ Bo : Préfixe radical du nom bophore • 272
• CHAPITRE IV - ANTROPOLOGIE DES NOMS • 285
BOPHORES
• A/ Les pseudo - bonymes et les vrais bonymes • 285

345
• B/ Philosophie des noms bophores • 286
• C/ Idéologie des noms bophores • 286
• D/ Existentialisme des noms bophores • 287
• E/ Bodicée = Théodicée • 289
• CONCLUSION • 291
• A/ Sens descriptif et sens normatif du Bo • 292
• B/ Démonstration du Bo • 296
• C/ Authenticité béninoise des bogniko, des noms bophores • 298

E
• D/ Universalité du Bo • 299

U
• Annexes • 301

EQ
• Planche I – Quelques Du du Fa • 302
• Planche II – Du du Fa et Kudy‫כ‬
TH • 303
O
• Panche III – Kpe • 304
LI

• Planche IV – Ingrédients du Talisman et du Cakatu • 305


IB

• Planche V – Feuilles fondamentales du Bo • 306


-B

• Planche VI – Dabla et Kudy‫כ‬ • 307


IA

• Planche VII - So Pieu • 308


R

• Planche VIII – Agama et les animaux dont le sang sert à • 309


ES

Nudida
D

• Planche IX - Histoire point de repère • 310


O

• •
C

Planche X - Ethnies et provinces de Bénin 311


• Planches XI – XII – XIII – XIV – XV – XVI – Tenture des •
rois d’Abomey • 312
• BIBLIOGRAPHIE • 318

346
Mon Professeur et mon Maître, de regrettée mémoire, Louis Vincent THOMAS

C’est en ouvrier de la onzième heure que je viens à cette « vigne » moderne,


l’ANTHROPOLOGIE, travailler dans votre fascinant sillage en y abordant le concept fon de
« bo » improprement traduit en français par « GRIGRI ».

Son exploitation permet en effet d’appréhender l’aspect promothéen de l’homme puisé


non pas aux sources de l’antiquité gréco-latine, mais aux eaux vives et profondes de la
Civilisation Noire.

Dans un précédent travail (NEGRITUDE & THEODICEE), j’avais toujours sous votre
direction, tenté en 1980 de montrer que Dieu n’était pas pour le Noir, un objet d’étude, mais
plutôt un objet d’adoration. Avec le « BO », l’homme continue l’œuvre de la création en

E
s’efforçant de sortir des situations conflictuelles qui résultent nécessairement de sa vie en

U
société.

EQ
En parcourant ces chapitres vous vivez à votre tour la bataille du « BO » telle qu’elle
se déroule dans nos sociétés africaines en général et dans notre société béninoise en

TH
particulier. Devant ce réalisme scientifique, vous vous apercevrez que « mon verre n’est pas
grand… » mais « exegi monumentum aere perennius ».
O
LI
IB
-B
IA
R
ES
D
O
C

Photographie de la couverture : Illustration de l’Arme Occulte par Tentures de BRICE


YEMADJE

347
C
O
D
ES
R
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-B
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