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Management réhumanisé

Management (Université du Québec à Montréal)

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LE MANAGEMENT
RÉHUMANISÉ
ANNE-LAURE SAIVES • MEHRAN EBRAHIMI • W. DAVID HOLFORD • MICHEL G. BÉDARD

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LE MANAGEMENT
RÉHUMANISÉ
LE TRAVAIL DE MANAGER À L’ÉPREUVE DU RÉEL

ANNE-LAURE SAIVES
Département de management et technologie
École des sciences de la gestion, UQAM

MEHRAN EBRAHIMI
Département de management et technologie
École des sciences de la gestion, UQAM

W. DAVID HOLFORD
Département de management et technologie
École des sciences de la gestion, UQAM

MICHEL G. BÉDARD
Département de management et technologie
École des sciences de la gestion, UQAM

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Le DaEa eDeE IOALDaEB O


Le travail de manager b l’épreuve du réel Certaines citations de cet ouvrage ont fait l’objet d’une
traduction libre. TC Média Livres Inc. est seul respon-
Anne-Laure Saives, Mehran Ebrahimi, W. David Holford sable de leur traduction dans cet ouvrage.
et Michel G. Bédard
c 2017 TC Média Livres Inc.
Des marques de commerce sont mentionnées ou illus-
C ce i :di iale : Sophie Jaillot trées dans cet ouvrage. L’Éditeur tient b préciser qu’il
di i : Annie Ouellet n’a re u aucun revenu ni avantage conséquemment
C di a i : Annie Ouellet et Nadia Martel b la présence de ces marques. Celles-ci sont repro-
R: i i li g i i e : Anne-Marie Trudel duites b la demande de l’auteur en vue d’appuyer le
C ec i d’: e e : Annie Cloutier propos pédagogique ou scientifique de l’ouvrage.
C ce i g a hi e : Micheline Roy
I f g a hie : Pige communication
Im e i : TC Imprimeries Transcontinental
Les cas présentés dans les mises en situation de cet
ouvrage sont fictifs. Toute ressemblance avec des
personnes existantes ou ayant déjb existé n’est que
pure coancidence.

Le matériel complémentaire mis en ligne dans notre


site Web est réservé aux résidants du Canada, et ce,
b des fins d’enseignement uniquement.

L’achat en ligne est réservé aux résidants du Canada.


Ca aC a e a aE LbCBca B E
de BBbCB A Le e AIcAB e Ea B EaCe dL QLObec
e BBbCB A Le e AIcAB e CaEada

Saives, Anne-Laure, 1971-


Le management réhumanisé
Comprend des références bibliographiques et un index.
ISBN 978-2-7650-5384-2
1. Gestion – Manuels d’enseignement supérieur. i. Ebrahimi, Mehran,
1962- . ii. Holford, W. David, (William David), 1961- . iii. Bédard,
Michel G., 1949- . i . Titre.
HD33.S24 2017 658 C2017-940366-4

TOUS DROITS RNSERVNS.


Toute reproduction du présent ouvrage, en totalité ou en partie,
par tous les moyens présentement connus ou b etre décou-
verts, est interdite sans l’autorisation préalable de TC Média
Livres Inc.
Toute utilisation non expressément autorisée constitue une
contrefa on pouvant donner lieu b une poursuite en justice
contre l’individu ou l’établissement qui effectue la reproduction
non autorisée.

ISBN 978-2-7650-5384-2
Dépôt légal : 2e trimestre 2017
Bibliothdque et Archives nationales du Québec
Bibliothdque et Archives Canada
Imprimé au Canada
1 2 3 4 5 ITIB 21 20 19 18 17
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de
livres – Gestion SODEC.

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LES AUTEURS
ANNE-LAURE SAIVES
Ing., Dre ès sciences de la gestion
Professeure titulaire de management et créativité au Département management et technologie
de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG-UQAM).

MEHRAN EBRAHIMI
Ph. D. administration
Professeur titulaire de management au Département management et technologie de l’ESG-UQAM.
Il est également directeur du Groupe d’Études en Management des Entreprises de l’Aéronautique
(GEME-Aéro).

W. DAVID HOLFORD
ing., Ph. D. administration
Professeur titulaire de management au Département management et technologie de l’ESG-UQAM.
Il a également œuvré durant 20 ans chez Pratt & Whitney Canada, où il a exercé les fonctions
d’ingénieur, de coordonnateur de recherche et de gestionnaire.

MICHEL G. BÉDARD
MBA, Ph. D. administration
Professeur titulaire au Département management et technologie de l’ESG-UQAM. Il y a
coordonné durant plus de 20 ans les cours d’introduction en gestion offerts au premier cycle
et a également été directeur du programme du baccalauréat en administration.

Les auteurs • III

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REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier nos nombreux interlocuteurs qui ont accepté de répondre à nos questions ou qui,
de l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’Uni- au cours de conversations fortuites, nous ont souvent
versité du Québec à Montréal (UQAM) qui ont direc- indiqué les pistes de réflexion indispensables afin de
tement ou indirectement contribué à la réalisation mieux penser le management.
de cet ouvrage, en partageant avec nous leurs écrits,
leurs idées, leurs lectures ou leurs critiques sur le cours Un merci particulier aux membres de nos familles qui
de gestion des organisations, et ce, depuis plusieurs ont été sollicités pour jouer un rôle de critique ou ont
années maintenant. Nous pensons bien sûr à nos col- généreusement témoigné eux-mêmes de leur expé-
lègues professeurs et aux chargés de cours de notre rience des évolutions évoquées dans cet ouvrage.
équipe pédagogique au Département de management Merci à Christine Médaille, bibliothécaire à l’UQAM, qui
et technologie. Nous pensons également aux étudiants nous a aidés avec bienveillance et dévouement dans nos
de doctorat, aux étudiants du programme de maîtrise recherches documentaires à chaque demande urgente !
ès sciences de la gestion ainsi qu’aux managers, étu-
diants du MBA pour cadres (Gestion de la technolo- Merci à Anne Bruneau de nous avoir autorisés à repro-
gie) des promotions 2012, 2013 et 2015, qui ont duire certaines de ses photos pour illustrer l’ouvrage.
patiemment partagé leurs expériences professionnelles Merci à Carl Dupuis et Ariane Martin qui nous ont
avec nous. également permis d’accéder à certaines des photos de
locaux d’entreprises à Montréal. Notre reconnaissance
Nous remercions aussi nos collègues des autres dépar- va aussi à Maarten Baas, artiste et designer hollandais,
tements de l’ESG, notamment les départements de d’avoir accepté de nous fournir quelques images de
stratégie, responsabilité sociale et environnementale l’œuvre Schiphol Clock (2016) de sa série Real Time
et d’organisation et ressources humaines qui nous ont pour notre couverture.
permis d’établir des ponts entre le management et
leurs disciplines dans cet ouvrage ou dans le cadre du Pour finir, nous remercions très sincèrement la mai-
développement de cours communs et de programmes son d’édition Chenelière Éducation. Nous pensons
conjoints consacrés au management. aussi bien à nos interlocuteurs de longue date, qui
se reconnaîtront, qu’à toute l’équipe ayant travaillé
Nous remercions également nos collègues, qui se avec diligence à la préparation de cet ouvrage : Bertin
reconnaîtront, de la communauté d’enseignement et Dickner à la direction de l’édition, Nadia Martel, char-
de recherche au Québec et à l’étranger qui, en diffé- gée de projet, Anne-Marie Trudel à la révision, Annie
rentes occasions toujours appréciées, alimentent nos Cloutier à la correction, Micheline Roy à la conception
réflexions sur le management. Une pensée particulière graphique et Pige Communication à la mise en page.
pour nos échanges stimulants à Richard Déry. Merci Enfin, bien sûr, un merci tout spécial à Annie Ouellet
aussi aux nombreux professionnels et amis praticiens pour son formidable travail d’édition.

ANNE-LAURE SAIVES, MEHRAN EBRAHIMI,


W. DAVID HOLFORD ET MICHEL G. BÉDARD

Montréal, mars 2017

IV • RemeRciements

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TABLE DES MATIÈRES


INTRODUCTION ............................................. 1

PARTIE 1 LES FONDEMENTS D’UN MANAGEMENT HUMAIN 4

CHAPITRE 1 CHAPITRE 2
LA NAISSANCE ET L’ÉVOLUTION PRÊT-À-PENSER OU SUR MESURE ? ... . . . . . . . 27
DE LA DISCIPLINE ......................................... 8
2.1 Définir le management ................... . . . . . . . 27
1.1 Le système précapitaliste ...................... 8
2.2 Le management comme concept . . . . . . . . 30
La FcA f F a ................................... 8
AL F AgA L A O L
La R fF F a ......................... 9 aA F - a AF a A -F: c A A ......... . . . . . . . . 31
L A F L AF LRA RL A aA ......................... . . . . . . . 33
c F FgA L ........................................ 10
2.3 Le management comme discipline . . . . . . 35
1.2 La perspective libérale classique ......... 10
L acA cF F A L
La A A AF L a aA ............................... 12 a a AF a A a AF .......................... . . . . . . . 35
La Lc AF a a L La cA c L a ag :
L a aA ................................................... 13 cA c g AF ................... . . . . . . . . 37
1.3 Les théories formelles ............................ 14 2.4 Le management comme métier .... . . . . . . . 39
L F RF ga A a AF L c A A L L F ROST . . . . . . . . . 39
cA AfA L L a aA .............................. 14
L c A A L Ra A A a AF
FaOF Ra A A a AF c a A L ........ 18 c a A L ........................................... . . . . . . . . 40
1.4 L’organisation bureaucratique .............. 23 La c A A L RF ga A a AF
:L aLc a A L ................................. . . . . . . . . 41
Le courant de la pensée formelle
ou rationnelle .................................................. 26

TAbLe deS mATiSReS • V

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2.5 Le management comme porteur CHAPITRE 4


d’une idéologie........................................ 43
QU’EST-CE QU’UN MANAGEMENT
L EH e e E Ue F eFe HUMAIN ?.......................................................... 71
Lc e e ............................................... 43
4.1 De la complexité des problèmes
OLe E U Ee O U .................................... 43
humains .................................................... 71
Le management est avant tout
4.2 Les trois conceptions concomitantes
un phénomène humain.................................. 44
du travail................................................... 72
U c e e H c H e cBeLLe ... 73
CHAPITRE 3
L eLLe ce e E BHFFe ............................ . 73
LES JALONS HISTORIQUES
DE L’HUMANISATION DU MANAGEMENT ... 45 U L L Fe e e L b H
eL cBeLLeL ............................................ 73
3.1 Le mouvement des relations
4.3 Deux visions et deux utopies
humaines .................................................. 45
du travail.................................................. . 74
LeL e U e ceL e H BH e ............. 47
O e cHFFe e eLL H
LeL cH cE L H L FH OeFe e E be U ............................................. 74
eL eE H L B F eL ....................... .... 49
L O e cHFFe He B F U ..... . 75
U ec e FH OeFe
L bU e E B F ...................................... . 76
eL eE H L B F eL ....................... .... 50
U O EEe H HFe
3.2 Le mouvement de la direction
e eL H L bEe ......................................... 76
humaine . . .............................................. .... 52
4.4 L’humain dans la complexité,
FHEEe : e E cHH H
la complexité de l’humain ..................... 77
E UFHc e ........................................ 52
L F UO L b E U e Ee c e
B : E cHH U H
UFe e ce ............................................ 78
e EH L H H FeEEe.................... .... 56
L c L E Uc c E e ............................ . 78
U ec e FH OeFe
eE ec H B F e .......................... 60 L L Lc E U............................... 79

3.3 Le mouvement participatif ................ .... 60 4.5 Penser le travail humain


dans la complexité ................................. . 80
U e T eL H eFe L
L cBHLHc HEH eL .............................. 60 L E OHc U O E:
O E e ec , O E eLc ............... . 80
LeL UEUFe L cH L L
eE HcBe c Oe .................... 65 E U Fe e Ee UeE................................ 81

U ec e eE HcBe L F E Fe L H E U O E....... . 82
c Oe ......................................... .... 68 4.6 Les obstacles à l’humanisation
Trois mouvements, un courant : celui du travail................................................... 84
des pensées humaine et behavioriste .......... 69 L c L H e E UcH HF e ......... 84
L O L H ecB HLc e e
O E ................................................... 91
Du travail humain à l’approche
humaine du travail ......................................... 99

VI • TaBLE dEs maTi rEs

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PARTIE 2 LES CONCEPTS CLASSIQUES ET CONTEMPORAINS 100

CHAPITRE 5 L7 f 7 d ................ . . . . . . . . 123

LES SaSTÈMES MANAGÉRIAU .................. 104 L d D d 78 ............ . . . . . . . . 125


De la gouvernance à l’approche
5.1 Du gouvernement à la gouvernance
managériale ............................................. . . . . . . . 129
de l’entreprise.......................................... 104
5.2 La définition gigogne du système
managérial ............................................... 105
CHAPITRE 6
LA DÉCISION ET LA DIRECTION ......... . . . . . . . 130
5.3 L’évolution du système capitaliste
anglo-américain ...................................... 106 6.1 De la prise de décision à la direction .... 130
L 7 7 D d c7 7 6.2 L’approche formelle technique
d ................................................... 107 de la décision et ses limites .......... . . . . . . . . 131
D 7 gD 7 c d7 L7 f g d d d 7 D :
c7 7 d ................................ 109 homo conomic s......................... . . . . . . . 131
L g c d 7 D L d ff 7 Ld d c D . . . . . . 132
cD D .................................................. 110 L7 7 D 7 ....................... . . . . . . . . 133
L7 d g 7 D d 7 ch L Dc 7 D d d c D
f 7 c .................................................. 112 d7 7 Dch fD ................. . . . . . . . 134
L7 Dg d gD 7 c L7 f7 8 d 7 cDg D :87 ,
f 7 c .................................................. 112 g .......................... . . . . . . . . 135
L c d 7 D .............. 114 L d c D
5.4 Les systèmes managériaux 7c D ............................................. . . . . . . . 138
comparés .................................................. 117 6.3 Une approche complexe
L 7 Dch c 7 ................... 117 de la décision en situation ............ . . . . . . . . 139
L 7 Dch D ............. 118 L d d 7 D d d c D ....... . . . . . . . 140
5.5 La gouvernance et la finalité L cD c
de l’entreprise réelle............................... 121 cD 7 7 c ....................... . . . . . . . . 141
L D g7 7 D d 7 7
d gD 7 c ....................................... 121

TabLe Des maTi res • VII

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6.4 De la décision complexe 7.4 Le modèle d’analyse stratégique


à la direction humaine........................ .... 142 de l’environnement ................................ . 176
L LC CL : L C L OL
C C .................................. .... 142 Lc c LC ....................................... 177
L c cC C c O ......... 144 LC L C L L C
O C C LC .................... .... 144 L c ....................................... . 180

6.5 La décision, la direction LC LC L L C ........................ . 184

et le leadership ........................................ 149 L c ....................................... 187


L L C C cLC ..................... 149 Les limites et les conditions du succès ...... 188
L C : C LC C c ,
L CL L C .............................. .... 150 CHAPITRE 8
C L C L C c C L’ORGANISATION .......................................... 190
C ....................................... .... 151
8.1 L’organisation : entre structure
L cLC L U
et action................................................... . 190
- .................................. 157
8.2 Les constituantes de l’organisation .... . 191
Sortir de la fabulation de la décision
L ......................................... . 192
idéale . . . . . . . . . . . . . . .............................................. .... 159
L c ......................................... 193

CHAPITRE 7 L C L L C
c C LC ................. . 194
LA PENSÉE ET LA PRATIQUE
STRATÉGIQUES .............................................. 161 8.3 L’analyse de l’organisation à partir
des leviers organisationnels ................. . 195
7.1 Penser pour agir, agir pour penser .. .... 161
L c c LC L cL ............... . 195
7.2 La pensée stratégique............................ 162 L c C c C LC ......... 201
L C L C CLC ....................... 163
L c Cc LC ................................. . 202
C c C L L C : O C C
8.4 Les formes organisationnelles ............. . 205
L C ............................................. .... 163
LC c C L
L L LT ........................................... .... 164
C LC ............... 206
L c c L L L C
L c C LC C LC ... 206
c C ............................................. .... 165
8.5 L’organisation devant les enbeux
7.3 Le processus de planification
contemporains ....................................... . 213
stratégique ............................................... 173
L C LC : CcC c
L L C cLC CL L L C ............. 173
c L C ............................... 213
L C L : c L OL
L C LC OC C C ....................... 214
c L CL. . .............................................. .... 174
L c LC LC
L C CL C C ...................... 175
L C LC C ............................. . 217
U c LCcC LC ................... .... 176
De la réorganisation à l’organisation
humaine .......................................................... . 220

VIII • TabLe des maTi res

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CHAPITRE 9 L c c L U ................ . . . . . . . 227


LE CONTRgLE ................................................ 222 L L C L C
c L U ........................................ . . . . . . . 228
9.1 Un outil de gestion ................................. 222
L C cC O LC c L U ... . . . . . . . 230
9.2 Le contrdle e technique f
9.3 Du concept de contrdle
selon les approches formelles
à celui d’évaluation .......................... . . . . . . . 231
traditionnelles.......................................... 224
L c L U C . . . . . . 233
L C C L c c LC
c L U ............................................... 224 L T c L C
LC L L ....................... . . . . . . . 237
L C O c L U ......................... 225
De l’inspection à la responsabilisation
L cLC c L U : Cc cCL
de tous .................................................... . . . . . . . . 245
L CcC c ............................................ 227

PARTIE 3 LES DÉBATS, ENJEU ET PERSPECTIVES 24c

CHAPITRE 10 10.6 La dimension temporelle


de l’innovation ................................ . . . . . . . 262
RENOUVELER LE MANAGEMENT ............... 250
U L cc ........................ . . . . . . . 262
10.1 L’inéluctable travail d’innovation ........ 250 L C C L ........... . . . . . . . 262
10.2 La dualité de l’innovation ..................... 251 10.7 L’organisation créatrice :
10.3 La finalité de l’innovation .................... 252 sept conditions de la créativité
L C c CL C .............. 252
organisationnelle............................ . . . . . . . 264
L c L C LC cC ..... 256
L C O C C ............. . . . . . . . 265
L C CLC LC ......................................... . . . . . . . 267
10.4 Le lien entre innovation
et performance ...................................... 257 L O C L LC CcC ........ . . . . . . . . 269
L C CL ................................. . . . . . . . . 271
10.5 Des types d’innovation
à l’innovation globale ........................... 259 L LC LC c L Cc ........... . . . . . . . 273

L L C LC .......................... 259 L c Cc LC C L ........... . . . . . . . . 275

L C LC ....................... 260 L L c LC .............. . . . . . . . . 278

LC LC .............................. 262

TabLe des maTi res • I

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10.8 Réhumaniser le management L5 c ll9c 85 l 5 - g5 5


des idées et des connaissances ...... .... 280 9 l5 9 56 l 5 ......................... 292
L5 ch9 h 5 9 89 l5 g9 L5 c ll9c 85 l5 5 9
89 c 5 5 c9 ................................. 280 8 5 5g9 9 ..................................... 293
L5 ch9 9ch l g 9 L5 c ll9c 85 l 8 l g 9
89 l5 g9 89 c 5 5 c9 ..... .... 282 5 5g 5l9 ............................................ 295
L9 9 j9 c 9 5 11.4 Reconsidérer le rapport
89 l5 g9 89 c 5 5 c9 ......... 283 à la richesse en management............. . 296
De la créativité au management humain L5 ch9 9 5 cL 8 c c9
des connaissances ......................................... 283 89 5 5g9 9 ..................................... 297
L5 ch9 9 9 l5 8 c l 9
CHAPITRE 11 8 5 5g9 9 ..................................... 298
REPENSER LE MANAGEMENT ................. .... 284 L5 ch9 9 9 l5 5 9
8 5 5g9 9 ..................................... 299
11.1 Le travail bien fait ................................. 284
L5 ch9 9 85 l 8 l g 9
11.2 Reconsidérer la conception 5 5g 5l9 ........................................... . 302
de l’humain au travail ........................... 285
De la permission au privilège....................... 306
L9 5 89 l5 5 9 5l9
9 5 5g9 9 ................................. .... 286
L5 f c5 89 l h 5 CONCLUSION ................................................. 307
85 l5 8 c l 9 8 5 5g9 9 ..... 287
L5 c c 9 c9 5 cL BIBLIOGRAPHIE ............................................. 309
89 l5 5 98 5 5g9 9 ....... .... 288
SOURCES ICONOGRAPHIQUES .................. 329
L5 c c9 89 l h 5
9 l 8 l g98 5 5g9 9 ............. 288 INDE .............................................................. . 330
11.3 Reconsidérer le rapport
à la collectivité en management ......... 290
L9 5 5 l c ll9c f 5 cL
8 c c9 8 5 5g9 9 ............... 290

• TabLe des maTi res

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INTRODUCTION
Frédérique est pilote de ligne. En ce moment, l’information, spécialiste de la conception, fabrication
elle est en grève. Son syndicat se trouve engagé et commercialisation de caisses enregistreuses en libre-
dans un conflit majeur avec la haute direction de son service. l est en mode urgence pour régler ce problème,
entreprise. Philippe-André dirige la compagnie car l’implantation du projet accuse un retard. Josée-
aérienne qui emploie Frédérique. l est très soucieux. Anne, la supérieure de aean-cves, responsable des
Évidemment à cause de la crise du moment avec ses communications dans l’entreprise, est en colère parce
employés, mais aussi parce que les médecins ont que la grève des pilotes la bloque à l’aéroport. Elle devra
découvert que Marie-Angéline, sa fille unique, souffre travailler de chei elle, ce soir, pour régler la situation
d’une maladie orpheline. Elle redoit des soins dans un que lui a exposée aean-cves plus tôt dans la journée.
hôpital oh travaille Geneviève, une infirmière. borsqu’elle travaille ainsi, aosée-Anne souffre de
Celle-ci est très curieuse de connaître ce que lui réserve migraines. Elle devra repasser à la pharmacie du quartier
le cabinet-conseil qui vient implanter le management pour renouveler ses médicaments. Steevy, étudiant
lean (mot anglais signifiant e sans gras f) dans son en génie, travaille dans cette pharmacie. Sa petite amie,
hôpital. Elle espère ne pas y passer trop de temps, car, Julie-Aude, occupe pour sa part un emploi dans
en ce moment, elle doit soutenir son mari, Paul, qui un supermarché. Dans la vie, elle veut toutefois devenir
subit une forte pression dans son entreprise. Paul journaliste. C’est certain : elle ne fera pas le même métier
est coordonnateur dans une grande entreprise de que sa mère Frédérique, pilote, qui est toujours
commerce de détail de produits de quincaillerie et de éreintée entre deux vols internationaux.
rénovation, menacée par une offre publique d’achat Dans cet ouvrage, tous ces personnages fictifs
(OPA). b’ambiance s’est récemment dégradée sous le feront face à de multiples situations tirées, elles,
coup de l’annonce par le conseil d’administration des de faits réels. ls accompagneront notre projet de
objectifs financiers à atteindre à court terme. Jean- présenter ici le management en trois temps : dans la
Yves est un client fidèle de l’entreprise de Paul. partie 1, ses fondements historiques g dans la partie 2,
ngénieur en électronique, il a encore fait une visite dans ses composantes classiques et contemporaines g et
un de ses magasins afin d’acheter une pièce nécessaire dans la partie 3, les débats, enjeux et perspectives que
pour régler plus rapidement un problème sur le chantier préfigurent les pratiques nouvelles ou renouvelées qui
qu’il mène pour son entreprise de technologies de peuvent constituer des sources d’inspiration aujourd’hui.

Le management en contexte
Le concept de management présenté dans cet ouvrage Les technologies numériques ? Elles sont partout :
est celui que nous connaissons en Amérique du Nord. dans les caisses enregistreuses désormais complices
Il est marqué par au moins cinq tendances lourdes : de la collecte des données qui alimentent le big data
• la généralisation des technologies numériques du supermarché de Julie-Aude, dans le téléphone in-
(numérisation) ; telligent, la tablette et l’ordinateur de la manager
• l’automatisation ;
mobile-et-joignable-en-tout-temps qu’est Josée-Anne,
ou dans les simulateurs de vols utiles à la formation
• la financiarisation ;
de Frédérique, dans les systèmes d’information de ges-
• la mondialisation ;
tion en temps réel des approvisionnements répartis
• le développement durable. à l’échelle de la planète de l’entreprise de Paul, etc.
Toutes ces tendances dans le monde des entreprises
imprègnent la vie de nos personnages fictifs.

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L’automatisation ? Elle remplacera peut-être vélos et de bornes pour autos électriques sur le parc
Julie-Aude par une borne libre-service. Et peut- de stationnement, etc. Même obsession dans la com-
être Frédérique, le jour o les avions-drones seront pagnie aérienne de Frédérique, o les pilotes sont
autorisés… tous sensibilisés à la nécessité de mieux gérer les ré-
La mondialisation ? Elle donne des maux de dos à serves de kérosène.
Philippe-André qui voit les compagnies aériennes à En quoi ces tendances générales façonnent-elles
bas prix, aux États-Unis, en Europe et ailleurs dans le les pratiques du management d’aujourd’hui ? Nous le
monde, envahir son marché. Elle permet à Jean-Yves verrons tout au long de cet ouvrage en examinant les
de présenter des soumissions pour des projets partout quoi, pourquoi et comment du management.
sur la planète et de travailler avec une diversité de
collègues technologues brillants de toutes origines. Le plan de l’ouvrage
Elle fournit les armoires de pharmacie d’hôpital de
Geneviève, remplies de médicaments génériques, Cet ouvrage s’articule en 3 parties et 11 chapitres (voir
moins chers, dont les molécules actives sont souvent la figure I.1).
fabriquées en Chine et en Inde. • La partie 1 propose un exposé des fondements clas-
La financiarisation de l’économie et du manage- siques du management : la perspective technique
ment ? Elle préoccupe les cadres intermédiaires de (voir les chapitres 1 et 2) et la perspective humaine et
l’entreprise de Paul qui se sont fait dire qu’une OPA behavioriste (voir les chapitres 3 et 4) replacées dans
était possible et qu’il fallait rassurer les actionnaires leur contexte historique, économique et scientifique
actuels en redoublant d’idées pour trouver des sources de façon à comprendre ce que l’on entend par une
d’économies ou de création de valeur pour améliorer approche humaine du management.
la rentabilité du capital et les dividendes des inves- • La partie 2 présente les concepts et les fonctions
tisseurs de l’entreprise. Les cadres intermédiaires classiques du management contemporain. Le cha-
redoutent plus encore que d’habitude les entretiens pitre 5 brosse d’abord un portrait du système mana-
d’évaluation annuels qui risquent de porter sur un seul gérial nord-américain et de son imbrication dans
indicateur : le taux de croissance de leurs services res- un système économique et sociopolitique différents
pectifs. Elle obsède Josée-Anne qui doit constamment d’autres systèmes dans le monde. Il décrit aussi les
valider les flux d’information internes et externes pour niveaux et les instances de la gouvernance d’une
s’assurer que son entreprise, cotée en bourse, conserve entreprise et les responsabilités de la haute direc-
sa bonne réputation auprès des spéculateurs. Elle tion dans le contexte contemporain d’un capita-
séduit Steevy qui, dans le cadre de ses études, est sur lisme cognitif et financiarisé. Cette deuxième partie
le point de breveter un nouveau procédé développé expose également le processus systémique classique
dans le laboratoire de son professeur. Ce procédé d’administration et ses composantes contempo-
pourrait d’ailleurs intéresser le secteur aéronautique si raines que sont la décision et la direction (voir le
la nouvelle entreprise fondée par son professeur par- chapitre 6), la planification (voir le chapitre 7), l’orga-
venait à décrocher quelques centaines de milliers de nisation (voir le chapitre 8), ainsi que le contrôle (voir
dollars auprès de spécialistes du capital-risque pour le chapitre 9).
financer les derniers tests du concept. • La partie 3 intègre des approches récentes de la
Le développement durable? Il constitue le fon- gestion de l’innovation, du management des idées
dement de l’engagement social au moyen d’une poli- et du management des connaissances (voir le cha-
tique de dons à des organismes de soins et d’éducation pitre 10) dans la société contemporaine et l’économie
à la santé de la pharmacie o travaille Steevy. Il est le fondée sur les connaissances et recense quelques
mot d’ordre, dans sa dimension écologique, du gérant pratiques inspirantes des organisations créatrices
du supermarché de Julie-Aude qui, de concert avec la tentant de dépasser le management classique. Le
maison-mère, procède régulièrement à la mise en chapitre 11 invite le lecteur à réfléchir sur le mana-
œuvre de nouvelles idées : ajout de produits écorespon- gement et sur sa pratique du management à partir
sables dans les rayons des magasins, récupération de d’une série de questionnements sur l’être humain et
l’eau de pluie des toits des magasins, concours citoyens le rapport aux autres, à la collectivité, à la richesse
de recyclage de produits, implantation de supports à et à la nature.

2 • INTRODUCTION

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FIGURE I.1 L’articulation des chapitres de l’ouvrage

Partie 1 Partie 2 Partie 3


Les fondements d’un Les concepts classiques Les débats, enjeux
management humain et contemporains et perspectives

Chapitre 5
Les systèmes managériaux
Chapitre 1
La naissance et l’évolution
de la discipline
Chapitre 6
La décision et la direction
Chapitre 2 Chapitre 10
Prêt-à-penser ou sur mesure ? Renouveler le management
Chapitre 7
La pensée et
Chapitre 3 la pratique stratégiques
Les jalons historiques de
l’humanisation du management
Chapitre 8 Chapitre 11
L’organisation Repenser le management
Chapitre 4
Qu’est-ce qu’un
management humain ?
Chapitre 9
Le contrôle

Les objectifs de l’ouvrage pour aller au-delà du rôle de technicien de gestion,


d’utilisateur d’outils et pour acquérir une compé-
Les objectifs de cet ouvrage pédagogique sont de per- tence d’analyste.
mettre au lecteur : Le management est un système de pensée qui per-
• d’apprendre à situer le management dans son met de comprendre et de concevoir les liens entre
contexte global (rôle et impact sociétal) ; entreprise et société ; il s’agit aussi d’un système
• de se constituer une culture générale et synthétique d’action qui façonne l’entreprise et la société. Il nous
du management et de ses ancrages (historiques, semble donc important de revenir à une perspective
économiques, philosophiques) ; humaine du management alors que la tendance est à
• d’apprendre à raisonner sur son environnement son instrumentalisation de plus en plus poussée en
en gestionnaire intelligent et responsable, ainsi raison de la financiarisation actuelle de l’économie.
que sur les outils utilisés en management en abor- Ce faisant, nous proposons de restituer à la disci-
dant la complexité du système qu’est l’entreprise : pline du management sa portée analytique. Manager
la diversité des acteurs, de leurs attentes et de exige réflexion, responsabilité et réflexivité. C’est donc
leurs interdépendances ; à la découverte d’un savoir critique que cet ouvrage
• d’a apprendre à comprendre b en examinant les invite le lecteur.
a pourquoi b des a comment b du management,

INTRODUCTION • t

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PARTIE 1

LES FONDEMENTS
D’UN MANAGEMENT
HUMAIN

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« Une scène de renvoi. On me renvoie d’une usine où j’ai travaillé un mois, sans qu’on m’ait
jamais fait aucune observation. Et pourtant on embauche tous les jours. Qu’est-ce qu’on a
contre moi ? On n’a pas daigné me le dire. Je reviens à l’heure de la sortie. Voilà le chef d’ate-
lier. Je lui demande bien poliment une explication. Je reçois comme réponse : “Je n’ai pas de
comptes à vous rendre” et aussitôt il s’en va. Que faire ? Un scandale ? Je risquerais de ne trouver
d’embauche nulle part. Non, m’en aller bien sagement, recommencer à arpenter les rues, à station-
ner devant les bureaux d’embauche, et, à mesure que les semaines s’écoulent, sentir croître,
au creux de l’estomac, une sensation qui s’installe en permanence et dont il est impossible de dire
dans quelle mesure c’est de l’angoisse et dans quelle mesure de la faim. »
(Weil, 2002, p. 268)

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L
e management, comme ensemble de exactes. La complémentarité de ces diverses
pratiques de conduite des affaires, disciplines utiles à la pratique comme à la théoj
n’est pas nouveau. Certains diraient rie du management explique pourquoi on parle
qu’il existe depuis que le capitaj souvent de e sciences de la gestion f au pluriel
lisme existe hDubarier, 201ki. Mais les lorsqu’il est question de l’administration. C’est
managers d’hier géraientjils leurs donc avec beaucoup de curiosité et une grande
entreprises comme on le fait de nos bours ? ouverture à une multitude de disciplines que
Réciproquement, gèrejtjon encore aubourd’hui le gestionnaire ou le manager1 peut prétendre
les entreprises à partir de principes datant de aborder la problématique de la gestion des
siècles antérieurs, sans le savoir ? Il est imporj entreprises.
tant de comprendre que les pratiques de maj
nagement que l’on connapt ne peuvent otre Historiquement, et après Adam Smith hphiloj
dissociées du contexte qui les a vues naptre et sophe moral de la perspective libérale classiquei,
se transformer. Ainsi, convientjil de se pencher ce sont d’abord des technologues hBabbage,
sur les éléments qui expliquent l’origine de ces Taylor, Fayoli qui se sont emparés de la problémaj
pratiques, de ces approches et de ces systèmes tique de la productivité après la première révoj
managériaux qui fanonnent le bon sens qu’est lution industrielle. Vers la fin des années 1l20, les
censé otre le management à l’ruvre hMintmberg, sciences sociales hWeberi et les sciences humaines,
2004i. C’est pourquoi nous aborderons ici avec le mouvement des relations humaines hMayoi
les principales théories managériales qui ont et behavioriste, investiront l’usine. C’est aussi dans
modelé la conception dominante du managej cet ordre que nous présenterons dans cette prej
ment d’aubourd’hui hvoir la figure 1i en assoj mière partie les deux grandes écoles qui constij
ciation avec les caractéristiques principales tuent les deux piliers de la pensée managériale
des époques historicojéconomiques oq elles classique : le courant de pensée formel ou rationj
sont apparues. nel hvoir les chapitres 1 et 2i et le courant de penj
sée des approches humaines hFollett, Barnardi
Parce qu’il implique d’abord des personnes, et behavioristes hvoir les chapitres 3 et 4i. Nous
puis des moyens financiers et matériels, le maj n’évoquerons les théorisations plus récentes qui
nagement et ses théorisations s’abreuvent des viendront peu à peu les compléter que lorsque
connaissances tirées de nombreuses disciplines cela sera nécessaire, dans la suite de l’ouvrage et
en sciences humaines et sociales et en sciences au fil des chapitres.

1. Nous verrons, dans le chapitre 2, que les verbes gérer et manager, de même que les termes manager et gestionnaire recouvrent
des réalités différentes même s’ils sont souvent utilisés – à tort – indifféremment l’un de l’autre.

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FIGURE 1 Une chronologie des principaux courants de la pensée managériale


LES PIONNIERS PERSPECTIVE TECHNIQUE PERSPECTIVE HUMAINE ET SOCIALE

Approches formelles-rationnelles

Productivité et rendement des instruments


1780
de production (Smith, Say, Mill)

O.S.T. (Taylor)
1910
Administration classique (Fayol)

1920 Approches humaines et behavioristes

Relations humaines (Mayo)


Organisation bureaucratique (Weber)

Direction humaine
1930
(Follett, 1924 ; Barnard, 1938)

1940

Mouvement participatif
(Lewin, McGregor, Likert, Argyris, etc.)
Théories de la décision néorationalistes
1950
(Simon) : RO, systèmes d’information

Approche contingence/écologie

Théories de la contingence 1960

Approches stratégiques
Écoles stratégiques de la planification/
design/positionnement (Porter)
1970 Approches psychodynamiques

Approches de la gouvernance
Théories économiques néoclassiques
de la firme : droits de propriété, théorie 1980 Psychodynamique du travail (Dejours)
de l’agence, coûts de transaction (Williamson)
Mouvement de la qualité : amélioration
continue, contrôle statistique de la qualité
Théories fondées sur les ressources, 1990
les compétences, les capacités dynamiques
Théories fondées sur la créativité et
les connaissances : management des idées
et management des connaissances
2000

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CHAPITRE

1 LA NAISSANCE
ET L’ÉVOLUTION
DE LA DISCIPLINE
La « division du travail » LA RATIONALITÉ ET L’ENTREPRISE DE PRODUCTION Si le voisin de
votre siège en avion vous demande quel est votre domaine d’activité
apparaît dès la seconde
et que vous lui répondez « le management », il s’exclamera probablement :
moitié du XVIIe siècle « Ah, vous faites de la comptabilité ? » ou encore « Ah, vous gérez
comme le principe la fabrication de quoi ? » Puis il compatira peut-être : « C’est pas trop
de l’organisation sociale dur de nos jours, avec la compétition mondiale ? » Curieusement ou non,
le management représente souvent dans l’imaginaire commun la discipline
et comme la cause du calcul et de la rationalisation des moyens de production pour
des progrès matériels. accroître le plus possible l’efficacité d’une activité économique. Dans ce
chapitre, nous explorons les racines historiques de cet imaginaire depuis
(Dardot et Laval, 2010, p. 36)
la société pré-capitaliste à la société industrielle occidentale, berceau du
courant formel de la pensée managériale.

1.1 Le système précapitaliste


L’idée de la rationalité h et de la rationalisation h, que Pour simplifier, on peut considérer que la société féo-
sous-tend l’exercice d’optimisation de rendement, dale fonctionnait essentiellement sous l’emprise de
constitue effectivement une notion dominante dans l’Église et de la tradition.
l’histoire de la discipline du management et de l’admi-
nistration. En 1ddc, Adam Smith, défenseur de l’éco- La société féodale
nomie libérale, représente déjà un des piliers de la
pensée rationnelle. C’est là le jalon marquant que nous La société féodale est organisée autour d’un État mor-
avons choisi pour amorcer l’histoire des théories du celé, d’une Église forte et de corporations de métiers
management, du système féodal à l’organisation avec le duo majtre (artisan)-apprenti. Il existe peu
bureaucratique, et pour comprendre l’emprise encore d’entreprises commerciales privées. C’est principale-
très forte de cette idée de rationalisation sur les orga- ment le mécénat d’État qui finance la société. Alors
nisations aujourd’hui. que l’agriculture domine, l’importance croissante des
La façon de pratiquer le management dans un marchands se profile avec l’édification des grandes
contexte donné est indissociable des systèmes écono- nations et la nécessité de les équiper.
mique et sociopolitique auxquels il appartient (voir les i coup skr, le capital au sens de richesse privée
chapitres 2 et 5). Aussi, il est indispensable de s’attarder existait dans le monde précapitaliste. Mais nul ne
d’abord sur la nature du système capitaliste qui exis- brklait d’en faire un usage nouveau et agressif. eien
tait au moment de la naissance de la discipline à la fin plus que le risque et le changement, la devise était
du gfIIIe siècle et sur les conditions de son émergence. la sécurité d’abord. On préférait les techniques de

s • Chapitre 1

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production les plus longues et consommant le plus • d’ordre artistique avec l’invention, notamment, de
de main-d’œuvre plutôt que les techniques courtes la perspective ;
et efficaces. La publicité était interdite et l’idée qu’un • d’ordre scientifique avec la découverte de l’héliocen-
majtre de corporation pkt fabriquer un meilleur pro- trisme, de l’infini mathématique, etc. ;
duit que ses collègues était considérée comme infa-
• d’ordre religieux avec la montée du protestantisme ;
mante. o…p Le monde médiéval ne pouvait concevoir
• d’ordre commercial avec, par exemple, l’uniformisa-
le système de marché, car il n’avait pas conçu les élé-
tion des systèmes de mesure.
ments abstraits de la production elle-même. Ignorant
les notions de terre, de travail et de capital, le Moyen Ces nombreux bouleversements ont eu pour effet
qge ignorait le marché ; sans marché (en dépit des de transformer le rapport de l’homme à lui-même, aux
marchés locaux hauts en couleur et des foires itiné- autres et à l’argent. Il lui est désormais permis de pen-
rantes), la société fonctionnait par la coutume et la ser par lui-même, de croire qu’il a un droit fondamen-
tradition. (meilbroner, 2ll1, p. 2d) tal à la liberté et que l’accumulation de richesse n’est
pas nécessairement en contradiction avec la vertu.

La Réforme protestante
Le courant de pensée formel est
L’invention de l’imprimerie, au gfe siècle, permet entre
un projet de rationalisation de autres la diffusion des connaissances à la fois scienti-
l’entreprise en quête de productivité fiques et techniques que les esprits universels et encyclo-
pédistes tentent peu à peu de constituer pour comprendre
dans un système économique libéral. le monde au-delà de la soumission au dogme religieux.
Copernic, par exemple, brave l’Église et Galilée, le tri-
bunal de l’Inquisition, avec la thèse de l’héliocentrisme.
Le Moyen qge a été suivi par une période dite de La nenaissance au gfIe siècle accélère ce processus
a renaissance b marquée par une série de révolutions : d’évolution rationaliste des hommes et de la société.
• d’ordre politique avec l’émergence des grandes La Réforme protestante (voir l’encadré 1.1 à la page sui-
nations puis, de siècle en siècle, la réforme des vante) attaque le monopole idéologique de l’Église ca-
régimes monarchiques de type royauté vers des sys- tholique en Occident en faisant la promotion des idéaux
individualistes orientés vers le progrès matériel. C’est
tèmes démocratiques de type république ;
aussi une période de développement du commerce
• d’ordre philosophique avec l’avènement du cartésia-
international et de grandes découvertes. Par la suite,
nisme et du scepticisme, ainsi que la dénonciation
les premiers empires coloniaux se constituent autour de
du providentialisme ;
nations fortes : longtemps après l’Empire romain se sont
• d’ordre technique avec l’invention majeure de développés des États marchands comme l’Espagne,
l’imprimerie ; puis la Grande-eretagne, la France et l’Autriche.

ja va tu finir par finir l se demande Julie-Aude, exaspérée. koilà sept


VÉCUES
HISTOIRES

heures qu’elle scanne des produits sur le tapis de sa caisse. Ses pieds, son dos,
ses bras sont douloureux, car elle doit bien avoir soulevé le poids d’un éléphant
d’Afrique depuis le début de la journée ! Et encore, elle a du mal à dépasser
la performance exigée par son gérant, soit de 20 articles par minute. l lui faut
tout de même trouver l’énergie nécessaire pour passer au travers de la dernière
heure de son quart de travail. Comment font Rosetta et Monique qui accomplissent
ce travail depuis plus de 15 ans l aulie-Aude jette un coup d’œil à aean-cves
qui s’affaire à installer des machines automatiques dans le magasin pour
optimiser le rendement des caisses. Sous peu, je n’aurai peut-être plus de boulot
du tout, se dit-elle en laissant échapper un soupir de résignation. Comment
pourra-t-elle finir de payer ses études l

La naissance et L’évoLution de La discipLine • l

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ENCADRÉ 1.1 À PROPOS DE L’ÉTHIQUE PROTESTANTE


ET DE L’ORIGINE DU CAPITALISME
Au ok e siècle, en Europe, certains C’est là le terreau de la rupture entre aurait choisi de toute éternité ceux
chrétiens sont dédus de l’Église l’Église catholique et les différentes qui seront graciés et auront droit
catholique. ls vivent dans la présence Églises protestantes (luthérienne, à la vie éternelle, c’est-à-dire les
obsédante de la mort (guerres féo- calviniste et anglicane) qui s’éloi- élus, par rapport à ceux qui seront
dales, épidémies foudroyantes, etc.) gnent du catholicisme dans leur condamnés à l’enfer, transforme le
et dans le besoin de dominer et de conception du travail, de la richesse rapport à la richesse. En effet, pour
donner un sens à la peur constante et du salut. Pour le catholicisme, Calvin, réussir au moyen de l’accu-
qui l’accompagne. ls dénoncent les l’ascèse monastique et la prière mulation des richesses par le travail
abus des pratiques de l’Église tels ainsi que le refus de la richesse est un signe d’élection divine. Selon
que l’attribution de privilèges et la matérielle sont fortement valorisés neber (1pp1), c’est le calvinisme, et
perception des indulgences. Alors comme des voies menant au salut. le comportement ascétique et puri-
que le développement de l’impri- m l’inverse, pour buther, le travail tain d’accumulation qu’il favorise,
merie permet la diffusion de la Bible, est une vocation divine, en ce sens qui servent de fondement à l’esprit
de nouvelles interprétations sont qu’il est un devoir voulu par Dieu. du capitalisme et à la conception de
proposées par des théologiens alle- Surtout, le dogme calviniste de la l’Homo œconomicus.
mand (buther) et frandais (Calvin). prédestination selon lequel Dieu

perfectionnement de l’outillage grwce à la métallur-


gie du fer et de la fonte, transforment l’économie des
C’est un ensemble de révolutions, dont pays occidentaux sous l’influence du capitalisme libéral
la Réforme protestante, qui a fait le lit d’inspiration protestante. L’école préclassique, intro-
duite par les physiocrates (disciples de l’économiste
du capitalisme libéral classique. français François uuesnay), amorce une réflexion
sérieuse sur le fonctionnement des moyens de pro-
duction. tes économistes libéraux tels que Smith,
Les premières révolutions nicardo, Say et Mill élaborent les premières théories
technologiques de la pensée économique classique sur la productivité
et le rendement des instruments de production. Cette
Les premières révolutions technologiques que époque se caractérise par les premières concentrations
constituent l’invention du métier à tisser mécanique d’êtres humains dans des lieux de travail comportant
(1d33), de la machine à vapeur (autour de 1drl) et le des machines : les usines.

1.2 La perspective libérale classique


C’est cependant à Adam Smith qu’on prête la paternité majtrise de soi, la justice) qui permettraient aux êtres
de la description du système philosophique régula- humains d’établir un lien social et de créer une société.
teur de la société qui vient supplanter la coutume et la Ce principe de sympathie suppose que les jugements
tradition incarnées par l’Église à la fin du gfIIIe siècle, individuels qui guident les conduites humaines
à savoir le capitalisme libéral. Professeur de philo- sont conformes à ceux d’un hypothétique specta-
sophie morale à l’université de Glasgov, Smith tente teur impartial de ces conduites. L’être humain serait
d’énoncer dans un premier ouvrage, La théorie des sen- en quelque sorte un observateur avisé de lui-même.
timents moraux, publié en 1d5s, le principe de la nature Cependant, cette capacité de décentrement ne serait
humaine (la sympathie) et les vertus (la prudence, la pas donnée à tous, et son ouvrage majeur Recherches

10 • Chapitre 1

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sur la nature et les causes de la richesse des nations, publié d’une morale incarnée par un système étatique de jus-
en 1ddc, trouve dans le concept de la main invisible tice prônant le respect de la propriété et des posses-
de la concurrence (le marché) l’incarnation idéale de ce sions, celui de la vie des personnes et des promesses
tiers impartial externe auquel se référer. faites à autrui.
La doctrine économique de Smith est souvent inter-
prétée pour fonder la perspective libérale classique.
Celle-ci reposerait sur deux postulats : le premier
stipule l’existence d’un ordre et de lois économiques
C’est autour de la première révolution
conformes à la nature de l’être humain. Parmi ces technologique à la fin du XVIIIe siècle
lois, celle de la liberté d’entreprendre, c’est-à-dire
la possibilité légale pour tout citoyen de fonder une qu’on situe la théorisation d’un
entreprise privée. Le second postulat propose que la capitalisme libéral par Adam Smith
recherche de l’intérêt individuel ou du profit comme
moteur conduit infailliblement à l’intérêt géné- en Occident.
ral grwce à la a main invisible de la concurrence b
selon l’interprétation commune de cet extrait célèbre
de son œuvre : a Ce n’est pas de la bienveillance du Jacques Généreux rappelle également que la dyna-
boucher, du marchand de bière et du boulanger, que mique de la concurrence économique sur le marché
nous attendons notre djner, mais bien du soin qu’ils a ses limites et doit être encadrée par l’intervention
apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas de l’État :
à leur humanité, mais à leur égo sme et ce n’est jamais Il n’y a pas là de quoi fonder une loi générale
de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de
selon laquelle la libre compétition des intérêts pri-
leur avantage. b (Smith, 1sdc, p. 22) yalras complètevés sur les marchés mènerait automatiquement
plus tard cette théorisation du marché avec les hypo-vers des résultats optimaux pour la société dans
thèses de la concurrence a pure et parfaite b (atomicité
son ensemble. On ne trouve pas trace d’une telle loi
du marché, homogénéité des produits, information chez Smith, tandis qu’on peut lire son inventaire des
transparente, rationalité des personnes, libre entrée sur
situations o la libre quête de l’intérêt privé est col-
le marché, libre circulation des facteurs de production).
lectivement inefficace et doit être corrigée par l’in-
tervention de l’État. Avec sa a main
invisible b, Smith ne pense pas inven-
ter une thèse extraordinaire. En fait,
La pensée économique libérale qui supplante celle il se contente de répéter l’argument
de la tradition artisanale au XVIIIe siècle repose sur exploité par les mercantilistes depuis
le milieu du gfI siècle pour justifier
e

deux lois naturelles : la libre entreprise et la main le développement des activités mar-
chandes : l’appwt du gain privé n’a
invisible de la concurrence. pas que les inconvénients habituelle-
ment reconnus du point de vue de la
morale individuelle ; il stimule aussi
Il faut être prudent à l’égard des interprétations des activités qui peuvent contribuer à la prospérité
contemporaines de ces deux lois libérales proposées générale. (Généreux, 2l1x, p. 31)
par Adam Smith. Certains auteurs (fergara, 2ll1 ; La théorisation du capitalisme libéral classique par
Sen, 2llr) contestent l’interprétation et la traduction Smith reposait sur une question clé : comment organiser
réductrice de la pensée smithienne qui circule de nos la production d’une nation pour créer un enrichisse-
jours en rappelant que, selon ses dires, a la prudence ment général qui profite à toute sa population ? Les
dépasse largement la maximisation de l’intérêt per- réponses économique et morale à cette question tien-
sonnel b (Sen, 2llr, p. 2x). Cette prudence procède draient donc dans les concepts de libre entreprise et de
de a l’amour de soi b (self-love) et non d’un égo sme libre concurrence encadrées adéquatement par l’État de
(selfishness) systématique et aveugle. Cet a amour de justice. La réponse technique à la même question
soi b est une inclination naturelle et légitime à vouloir constitue la première pierre de la réflexion managé-
améliorer son sort. Il doit être encadré par les règles riale : la division du travail.

La naissance et L’évoLution de La discipLine • 11

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Josée-Anne est furieuse. Elle est bloquée à l’aéroport par la grève

VÉCUES
HISTOIRES
des pilotes, elle ne pourra donc pas se rendre à Toronto oh elle devait assister
à une réunion importante avec la haute direction. Et elle ne peut rentrer chei elle,
car les chauffeurs de taxi débrayent pour forcer le gouvernement à légiférer devant
la tentative d’Uber d’imposer, au nom de la liberté d’entreprendre, de nouveaux
standards dans l’industrie du transport. ba jeune entreprise américaine tente
d’implanter ses services partout dans le monde. Elle offre, au moyen
d’une plateforme en ligne, des services de transport avec chauffeur.
Elle cherche du regard la fin de la longue file de personnes qui attendent
l’autobus qui les ramènera au centre-ville. Découragée, elle agrippe son
téléphone et compose le numéro de aean-cves, son collègue. Celui-ci lui répond
immédiatement.
q T’es déjà arrivée à Toronto l
q Non, je suis bloquée à l’aéroport, peux-tu venir me chercher ou m’envoyer
quelqu’un l
q baisse-moi voir, je te rappelle.
Elle fait demi-tour et prend la direction du hall de l’aéroport en tirant sa valise
derrière elle. Espérons au moins qu’elle y trouvera un espace de travail oh elle
pourra connecter son ordinateur portable. be boulot n’attend pas !

La division du travail épingle est divisé en dix-huit opérations distinctes


o…p. J’ai vu une petite manufacture de ce genre qui
L’histoire de la pensée administrative attribue aussi n’employait que dix ouvriers, et o , par conséquent,
à Smith la paternité de l’analyse du premier principe quelques-uns d’eux étaient chargés de deux ou trois
de management : celui de la division et de la spécia- opérations. Mais, quoique la fabrique fkt fort pauvre
lisation du travail. L’idée ne serait guère nouvelle. et, par cette raison, mal outillée, cependant, quand
génophon, Platon, Aristote, à l’époque de l’Antiquité ils se mettaient en train, ils venaient à bout de faire
grecque (fe et Ife siècles avant notre ère), de même entre eux environ douze livres d’épingles par jour ;
que mume au gfIIIe siècle, font de la division du travail or, chaque livre contient au-delà de quatre mille épin-
à l’échelle d’une société un mécanisme d’interdé- gles de taille moyenne. Ainsi, ces dix ouvriers pou-
pendance et de lien social. Mandeville (1d1x) , parmi vaient faire entre eux plus de quarante-huit milliers
d’autres philosophes, puis tiderot et d’Alembert, dans d’épingles dans une journée ; donc, chaque ouvrier,
l’Encyclopédie, auraient pour leur part décrit à leur faisant une dixième partie de ce produit, peut être
époque la division du travail comme le principe d’or- considéré comme donnant dans sa journée quatre
ganisation de l’entreprise. mille huit cents épingles. Mais s’ils avaient tous
travaillé à part et indépendamment les uns des
Le principe de division et de spécialisation du travail
autres o…p chacun d’eux assurément n’ekt pas fait
serait né, dans l’esprit de Smith, de l’étude de l’exemple
vingt épingles, peut-être pas une seule, dans sa
d’une manufacture d’épingles : journée. (Courcelle-Seneuil, 1rrr, p. s-1l)
Un ouvrier tire le fil à la bobille, un autre le
dresse, un troisième coupe la dressée, un quatrième
empointe, un cinquième est employé à émoudre
le bout qui doit recevoir la tête. Cette tête est elle- La réflexion sur la productivité mène
même l’objet de deux ou trois opérations séparées :
la frapper est une besogne particulière ; blanchir au premier principe de management
les épingles en est une autre ; c’est même un métier dans l’histoire : la division du travail.
distinct et séparé que de piquer les papiers et d’y bou-
ter les épingles ; enfin l’important travail de faire une

12 • Chapitre 1

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Smith observe donc que, dans la manufacture d’épin à chaque processus ; alors qu’à l’inverse, si l’ensemble
gles, le travail de fabrication comporte 1r opérations du travail est exécuté par un seul ouvrier, cette per
différentes et que la division et la spécialisation des sonne doit posséder assez de compétences pour réus
twches ont pour effet d’accrojtre le rythme de fabrica sir à faire les twches les plus difficiles et suffisamment
tion, de rendre les ouvriers plus habiles à la réalisation de force physique pour exécuter les plus laborieuses
d’une twche donnée et de leur permettre d’inventer de des opérations dans lesquelles l’art de produire est
nouvelles façons de travailler. divisé. (eabbage, 1r32, p. 1d5 1dc)
Un de ses principaux soucis était
la recherche de moyens d’abaisser
La division et la spécialisation du travail permettent les cokts et, dans la foulée, la rému
nération consentie aux travailleurs.
l’accélération de la production, l’augmentation des Selon eabbage, il importe, pour le
habiletés et l’accroissement de la capacité de chacun propriétaire d’une usine, d’obtenir
la quantité et la qualité exactes de
à innover et à améliorer son poste de travail. travail, c’est à dire d’habileté et de
force physique nécessaires, pour
l’exécution de chaque twche. C’est
Cette division du travail pour Smith découle de ce que permet une plus grande
la dynamique de l’échange. Elle vise à satisfaire une subdivision du travail dans chacun des processus
demande (un marché), en réduisant les prix des produits industriels, puisque, pour certaines twches, la préci
fabriqués en un plus grand volume et, ce faisant, permet sion pourrait être requise, alors que pour d’autres, il se
la redistribution de la richesse entre ceux qui possèdent pourrait que la seule force physique ou la dextérité le
les outils de production et les usines et ceux qui y tra soient, et elles ne cokteraient pas la même chose.
vaillent comme salariés. Indirectement, elle favorise aussi
une redistribution de la richesse au sein de la société tout
entière, au moyen du mécanisme de la consommation
que rend possible cette rémunération du travail. Pour Babbage, il est aussi possible
de réduire la valeur économique
La réduction de la valeur
du travail du travail une fois celui-ci divisé
i la suite de Smith, d’autres théoriciens ont réfléchi et spécialisé.
à la division du travail et à ses effets. Le plus célèbre,
Charles eabbage, écrivait en 1r32 : a Le fabricant d’un
produit qui veut devenir un industriel o…p doit minu
tieusement organiser le système tout entier de son Là o Smith voyait dans la division du travail un
usine pour que tout article vendu au public soit pro moyen d’augmenter la productivité et ainsi la valeur
duit au cokt le plus bas possible. b (p. 121) eabbage est économique du travail, eabbage va plus loin et entre
un mathématicien, une idole célébrée de la préhistoire voit la possibilité même de réduire la valeur éco
de l’informatique. C’est l’inventeur du principe de la nomique du travail en le confiant à des personnes
programmation d’instructions séquentielles de l’or différentes rémunérées selon la difficulté du travail.
dinateur qui a conçu la première machine à calculer Ainsi, l’accroissement des volumes produits ne permet
mécanique programmable. Mais que dire de sa place plus uniquement la redistribution de la richesse par la
dans l’histoire du management ? Certains le considèrent rémunération du travail, mais vient aussi réduire les
comme le père du génie industriel. En effet, Babbage a cokts de ces volumes par la diminution de la valeur
publié en 1r32 un traité qui préconisait l’approche scien du travail humain. Il est préoccupé par le souci d’amé
tifique de l’organisation et de la gestion, tout en mettant liorer les décisions prises dans les organisations, et
l’accent sur la planification et la division du travail. ce principe de la stricte rémunération du travail selon
L’industriel, en divisant le travail à exécuter en dif la valeur de la twche conduira, par exemple, à cibler la
férents processus requérant chacun différents degrés recherche de la productivité davantage dans les postes
de force physique ou de compétences, peut acheter ouvriers les mieux payés que dans les postes occupés par
l’exacte quantité de ces deux ressources nécessaires les femmes et les enfants (dont le salaire est moindre).

La naissance et L’évoLution de La discipLine • 1t

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1.3 Les théories formelles


Smith et eabbage ont en quelque sorte posé les fon- systématique des twches seront plus efficaces. En consé-
dements des approches classique et scientifique, que quence, Taylor se lance dans une démarche d’analyse
nous verrons plus loin dans ce chapitre. C’est cepen- micro-scientifique de l’administration du travail, notam-
dant au début du gge siècle que sont vraiment intégrées ment par l’observation au plus près des activités des
les idées en cette matière et que s’élaborent les théories ouvriers, pour déceler les sources de la productivité. Il
à l’origine du courant de pensée formel ou rationnel. en tire les conclusions qu’il publie, en 1s11, dans un
Les théories formelles, axées sur la rationalité, ont le traité intitulé Principles of Scientific Management.
mérite de mettre l’accent sur le problème fondamental
de l’administration des entreprises,
soit l’atteinte d’une productivité
dans les conditions optimales, grwce
à la mise en place de mécanismes L’organisation scientifique du travail (OST), basée
formels comme la division des
twches, le contrôle et la hiérarchisa-
sur des normes loyales de rendement, est l’œuvre
tion des fonctions. Nous passerons de Taylor, dont l’intention première était de concilier
donc en revue trois des principales
contributions théoriques de la pers-
les intérêts économiques des patrons avec ceux
pective rationnelle : le modèle de des employés pour assurer la prospérité de tous.
l’organisation scientifique du tra-
vail, l’administration classique et
l’organisation bureaucratique. Ces
théories, tout en ayant plusieurs traits en commun, Les principes de l’organisation
ont l’avantage d’aborder l’idée de rationalité sous diffé- scientifique du travail
rentes facettes complémentaires. Le taylorisme représente une des premières véritables
manifestations de l’idée de la rationalité dans le monde
industriel. tans l’optique de Taylor, le travail artisa-
Le modèle de l’organisation
nal du patron ou de l’ouvrier est inefficace, même s’il
scientifique du travail contribue à la satisfaction de besoins psychologiques.
L’organisation scientifique du travail (OST) est peut- Taylor a gravi tous les échelons de la Midvale Steel
être plus connue sous le nom que lui ont donné Company o il a été embauché très jeune, sans forma-
ses disciples comme ses détracteurs : le taylorisme. tion supérieure, avant d’y devenir ingénieur en chef,
Le modèle de l’organisation scientifique est une puis d’entrer à la eethlehem Steel. En raison de sa
approche qui a vu le jour au début du gge siècle aux propre expérience d’ouvrier, il déplore autant la flwne-
États-Unis et qui vise à déployer la production de rie ouvrière que celle des patrons. nappelons que nous
masse. Le fondateur de ce mouvement est Frederick sommes au début du gge siècle, en des temps difficiles
Taylor, un ingénieur mécanicien. Taylor postule que le o les ouvriers sont nombreux à frapper aux portes des
principal but du management est la prospérité de usines pour quémander du travail après leur expro-
l’employeur comme des ouvriers. priation des campagnes en pleine révolution agricole
Plus d’un siècle après, la promesse utopique de pros- et à la suite des vagues d’immigration successives aux
périté et de paix sous-jacente au modèle de redistri- États-Unis qui ont alimenté une a armée industrielle
bution de la richesse pensé par Adam Smith ne s’est de réserve b (Coriat, 1sds, p. 53). t’un côté, donc, les
pas réalisée ni généralisée. i son époque, Taylor est en ouvriers ralentissent le travail, persuadés qu’un accrois-
quête de moyens pour désamorcer les tensions entre sement de la production les mènera droit au chômage.
employeurs et employés et retrouver une harmonie te l’autre, ils ne sont pas convaincus que l’augmentation
productive. te plus, pour lui, le caractère artisanal du de leur rythme de travail (payé à l’heure ou à la pièce)
travail des ouvriers ou des patrons, les uns comme les sera gratifiée d’une augmentation véritable de salaire.
autres peu ou inégalement productifs, nuit à la prospé- Ils croient qu’une diminution du prix par unité produite
rité générale. Une direction scientifique et la division entrajnera finalement une diminution du prix du travail

14 • Chapitre 1

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Julie-Aude, fatiguée, fait le pied de grue en attendant le métro. Elle en

VÉCUES
HISTOIRES
profite pour lire les derniers messages que ses amis ont laissés sur Facebook.
e a’ai réussi à faire 32 ! f, écrit Andréanne qui travaille dans le supermarché
voisin et qui se réjouit d’avoir battu son record de vitesse du nombre moyen
journalier d’articles scannés par minute. l est aussitôt suivi par le commentaire
de Charlie-Marc qui, lui, travaille dans un supermarché de rabais :
e 32 l Nous, on doit faire 50 ! f
aulie-Aude aperdoit les phares du métro qui se rapprochent. Elle a tout de
même le temps de taper :
e Ouin, pis quand on réussira tous à en faire 50, on nous en demandera r5.
C’est jamais fini ! f

lui-même et que les records individuels de certains ne scientifique que le fait d’utiliser une méthode précise
tarderont pas à devenir la nouvelle norme de rendement de calcul des temps nécessaires à l’exécution des twches
pour tous les autres plutôt qu’une source de rémuné- à l’aide d’un chronomètre. Et elle est renforcée par
ration supplémentaire pour le travailleur plus efficace. ses tendances névrotiques à la mesure et à l’optimi-
Enfin, la fatigue naturelle les porte à limiter leurs efforts sation, selon certains biographes ( akar, 1sdl). Cette
pour supporter les longues heures de travail. démarche a engendré l’OST (qui recouvre les études
Taylor constate que les ouvriers, peu aidés ou conseil- des temps et des mouvements, par exemple) et les
lés dans leur twche par les dirigeants, gaspillent leurs techniques du génie industriel (Gantt, 1s1s).
efforts. Pour réconcilier les intérêts des patrons avec
ceux des travailleurs, il faut, selon lui, repenser le
management. Il s’agit de garantir la prospérité des deux
parties : de l’employeur, d’une part, qui, en favorisant la La question que pose Taylor pour
productivité et la stabilité de son entreprise, s’assure réconcilier l’employeur avec les
de profits à long terme et non plus seulement à court
terme ; et des employés, d’autre part, qui, en dévelop- employés : a Qu’est-ce qu’une journée
pant leurs aptitudes au travail afin qu’il soit efficace et
de qualité, s’assurent, au-delà de salaires ponctuels,
loyale de travail b
d’un gagne-pain à long terme (voir le chapitre 2). Pour
Taylor, la a source de la richesse n’est pas constituée par
l’argent mais par le travail b et la a richesse provient de En vue d’une organisation optimale du travail dans
deux sources : tout d’abord du sol et de ce qui se trouve l’usine, Taylor a élaboré les grands principes suivants.
dans le sol et ensuite du travail de l’homme b (cité par
• Le travail mérite d’être soumis à une analyse et à
Coriat, 1sds, p. 5s).
une décomposition systématiques. Le système arti-
Selon Taylor, le travail devrait donc être dépouillé
sanal, qui laisse à l’ouvrier la responsabilité de plani-
de toutes les activités inutiles, de façon à procurer
fier et d’exécuter son travail, est inefficace. Il incombe
des revenus élevés aux ouvriers et aux dirigeants. Sa
donc à la direction de réaliser la microanalyse des
démarche scientifique repose sur une analyse empi-
twches et d’accrojtre l’efficacité du travail grwce à la
rique du travail faite au moyen d’observations et de
planification.
mesures chronométriques et cinétiques de façon à éta-
• La division et la responsabilité partagée du tra-
blir des normes de rendement et ce qu’on peut considé-
vail entre la direction et les ouvriers sont claires. Les
rer comme a une journée loyale de travail b, c’est-à-dire
membres de la direction assument la responsabilité
la somme de travail journalier qu’un dirigeant est en
de planifier, d’analyser et de systématiser le travail
droit d’exiger d’un travailleur en contrepartie d’un
ainsi que d’exécuter toutes les twches pour lesquelles
salaire donné. L’analyse préconisée par Taylor n’a de

La naissance et L’évoLution de La discipLine • 1k

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ils sont plus qualifiés que les ouvriers. La direction Le taylorisme a eu ses précurseurs avec les époux
choisit les ouvriers et établit les systèmes de rémuné- Gilbreth (1s11) qui ont travaillé sur l’étude des mou-
ration. Les ouvriers, de leur côté, exécutent les twches vements aux États-Unis dont Taylor s’est inspiré. Très
de manière à atteindre les revenus les plus élevés. Le rapidement, il a aussi compté de multiples adeptes,
travail de gestion lui-même doit être analysé et spéci- dont menry Gantt, connu pour son diagramme de
fié de façon à éviter les styles de direction artisanaux visualisation et d’ordonnancement des twches d’un
qui se fondent sur l’intuition. La figure 1.1 illustre projet et qui a travaillé avec Taylor en Amérique, et
ainsi la double division du travail (horizontale et ver- le chimiste et académicien français menry Le Chatelier.
ticale) qui résulte de ces deux premiers principes. Celui-ci se fera le défenseur des relations entre la
science expérimentale et l’activité industrielle et dif-
fusera les travaux de Taylor après avoir découvert la
FIGURE 1.1 La double division du travail vitesse de travail des machines-outils conçues par ce
dernier et son assistant yhite lors de l’exposition uni-
cirection verselle de Paris en 1sll.
Le recours à la démarche taylorienne a notoirement
Verticale : permis d’accrojtre l’efficacité et la productivité des
séparation
manufactures. Il importe toutefois de ne pas confondre
entre conception
et exécution cette démarche avec le fordisme, qui désigne un
Managers
modèle d’organisation du travail et de l’entreprise
fondé sur l’OST. S’y ajoutent cependant :
• l’introduction du travail sur convoyeur, découvert à
l’occasion d’une visite d’menry Ford (le fondateur de
Employés l’entreprise automobile du même nom), encore ado-
lescent, dans un abattoir de Chicago ;
• une politique dite vertueuse de rémunération qui
indexe les salaires des ouvriers aux gains de produc-
Horidontale : à chacun sa tâche spécialisée
tivité et qui génère ainsi une amélioration de leur
pouvoir d’achat.
• La sélection et la rémunération des ouvriers mé- En effet, afin de permettre à ses employés d’ache-
ritent d’être faites d’une manière scientifique. La ter eux-mêmes une voiture, Ford décide de mieux les
responsabilité de la direction est d’établir une adé- payer (le fameux afive-dollars dayb contre les deux ou
quation entre les exigences des twches et les capacités trois dollars payés par les concurrents). Il leur impose
des ouvriers. en contrepartie une discipline sociale stricte o boisson,
débauche, impiété et autres écarts dans la vie privée sont
• L’ouvrier est d’abord un agent économique qui
surveillés. Cette pratique salariale a permis à Ford de
répond aux stimuli et aux choix de la direction. En
retenir les employés que le travail à la chajne épuisait.
conséquence, les systèmes de récompense et de ré-
munération proportionnels à des
normes de rendement s’avèrent
les plus efficaces, étant donné
l’intérêt économique des ou- La pensée taylorienne repose, entre autres principes,
vriers. Il s’agit en quelque sorte de
sur la division verticale du travail entre les personnes
rémunérer des personnes et non
des postes de travail. nappelons qui le coneoivent et celles qui l’exécutent.
que le système de rémunération
prôné par Taylor consiste en une
augmentation des salaires pro- Le fordisme est implanté par Ford entre 1slr et 1s13. La
portionnelle au rendement obtenu par l’employé technologie lui permettait alors de produire des pièces
au-delà d’une norme loyale calculée et fixée conjoin- parfaitement usinées en fonction de normes strictes et
tement avec un bon ouvrier moyen. d’introduire la chajne de montage automobile.

1c • Chapitre 1

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L’usine Dominion Textile, rue St-Ambroise, Montréal, 19 9

Les héritages contemporains


de l’organisation scientifique du travail
Le taylorisme a proposé une démarche de rationalisa- Certaines méthodes de gestion
tion du travail qui est encore utilisée fréquemment de actuelles s’inspirent encore largement
nos jours dans nombre d’entreprises et de secteurs
industriels (par exemple, la construction automobile, de la vision taylorienne de l’organisation.
l’industrie du textile). Elle est maintenant désignée par
des noms modernes tels que l’analyse de système, la
recherche opérationnelle, la direction scientifique, etc. les méthodes successives d’organisation du travail du
ou, plus récemment, le lean management. Le tableau 1.1 taylorisme, du fordisme, du toyotisme, voire du tour-
donne un aperçu de quelques techniques de gestion nant gestionnaire contemporain qui repose, entre
utilisées dans les entreprises contemporaines et héri- autres, sur la gestion par des indicateurs clés de per-
tées de cette vision taylorienne qui s’est diffusée dans formance (tejours, 2l15).

TABLEAU 1.1

L’influence de Taylor sur les entreprises contemporaines : quelques héritages actuels


Outils de gestion Manifestations
Prise de décisions rationnelle, scientifique astèmes d’information, recherche opérationnelle, comptabilisation des cocts,
tableaux de bord, indicateurs de performance, etc.

gtude des temps et des mouvements Usages étendus, modèles standards (allocations et données standards)

Normalisation Méthodes normalisées dans plusieurs sphères d’activité, robotisation, etc.

Thches btablissement des objectifs, gestion par objectifs, rétroaction

Primes, gratifications Prolifération des sastèmes de récompenses, programmes de participation


aux actions, etc.

formation et apprentissage Responsabilisation de la direction dans la formation du personnel

Sélection scientifique Développement de la psachologie industrielle et de la gestion des


ressources humaines
Horaire de travail plus court, pauses, etc. emaine de 40 heures ou moins, respect des pauses, etc.

La naissance et L’évoLution de La discipLine • 17

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Geneviève connaît par cœur l’affiche épinglée dans le local des infirmières :
VÉCUES
HISTOIRES
e Mura, Muri, Muda ! f On dirait un cri de guerret ou de ralliement d’une équipe de sport.
b’affiche rappelle ceci : e Appliquons le Lean dans notre hôpital pour le meilleur soin de nos
patients ! f En gros, comme le lui a expliqué Colette, sa collègue de travail, cela veut dire
d’éviter les moments creux improductifs et les pics de stress (Mura), de mieux répartir
la charge de travail pour éviter la surcharge (Muri) qui conduirait à des erreurs fatales
et d’éviter les gaspillages inutiles (Muda) à l’échelle de l’hôpital.
Colette a participé avec les consultants chargés du projet Lean à l’hôpital à un atelier
de travail d’une semaine oh il a fallu trouver tous les moyens pour réduire les pertes de
toutes sortes dans son service : temps d’attente, temps de transport, temps d’exécution
de protocoles trop sophistiqués, tailles de l’inventaire, mouvements et gestes inutiles,
prestations de non-qualité, etc. Du côté de la salle d’opération oh elle travaille, les infirmières
sont contentes, car avec l’aide des consultants, le personnel a réorganisé le trajet du patient
jusqu’au bloc opératoire, ajouté une salle d’anesthésie, revu la gestion des fournitures
médicales et réaménagé la salle de réveil g cela permet de gagner deux heures sur le temps
moyen de séjour d’un patient pour une chirurgie d’un jour ! ba liste d’attente des patients
a diminué du tiers ! Par contre, au laboratoire, les techniciens rslent, affirmant qu’ils n’avaient
pas besoin de consultants pour se faire expliquer comment faire fonctionner leur machine
plus efficacement. ls estiment que les consultants leur font perdre leur temps. Geneviève,
elle, se demande encore à quoi tout cela va mener g son service est le prochain sur la liste.

Le toyotisme, dans sa conception occidentale, est ins- Fayol et l’administration classique


piré de façon réductrice des pratiques de gestion de lean
manufacturing dans l’entreprise Toyota au cours des Si l’OST a des racines américaines, l’administration
années 1scl. Il s’applique à la production dans les mi- classique a de son côté des origines européennes. Son
lieux industriels et constitue le fondement de la vision principal instigateur est menri Fayol, un brillant ingé-
du lean management telle que proposée en Amérique nieur des mines à la personnalité affable qui, en 1rrr,
est promu directeur général de la Commanbault après
du Nord dans les années 1ssl par James yomack, cher-
une carrière de 2r ans au sein de cette société, notam-
cheur au MIT, vision qui se trouve maintenant répan-
ment comme directeur des mines de Commentry.
due autant dans les milieux industriels que dans les
services privés et publics. Il consiste à rationa-
liser autant que possible l’organisation du tra-
vail pour réduire les pertes, maintenir une
qualité optimale de produits, éviter les excé-
L’administration classique est l’œuvre de
dents inutiles (kanban), les erreurs à l’aide de fayol qui réfléchit sur son expérience de
dispositifs d’alerte (poka yoke) sur les ma-
chines, les stocks (flux tendus, juste-à-temps) dirigeant et sur le rile du chef d’entreprise.
en intégrant l’avis des opérateurs lors de cer-
cles de qualité (kaizen) pour l’amélioration
continue de la production ou de l’organisa- Contrairement au mandat initial que lui confient les
tion des entreprises. Mentionnons que le toyo- actionnaires lors de sa nomination, à savoir liquider
tisme, dans sa version originale pratiquée au Japon définitivement les activités de l’entreprise après plu-
chez Toyota, visait par contre non pas la réduction sieurs années de difficultés financières, Fayol réussit
systématique des cokts et l’élimination méthodique à restaurer la rentabilité de la Commanbault. Il finit
d’emplois, mais le renforcement du rôle de tous les même par en faire un fleuron de la métallurgie très
employés de façon à faire appel au mieux à leur utile aux alliés durant la Première Guerre mondiale
force cognitive et non à la seule vigueur de leurs bras. (Aktouf, 2llc). Après une carrière fructueuse, cet

1s • Chapitre 1

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ingénieur et chef d’entreprise paternaliste apprécié que leur nombre n’est pas limité. Ils font par contre
décide de réfléchir sur son expérience de direction et appel à un art de la mesure qui s’appuie à la fois sur
d’en dégager des principes de gestion afin d’aider à l’intelligence, l’expérience et la capacité de décision.
mieux former les ingénieurs appelés à diriger des 1. La division du travail
personnes et des entreprises1. L’encadré 1.2 présente Il importe que les travailleurs soient spécialisés. te
plus en détail la notion de paternalisme. cette façon, ils deviennent sans cesse plus expérimen-
tés et plus productifs. La division du travail permet de
produire davantage, avec des efforts comparables. Selon
Fayol (1sc2, p. 21), a o…p elle a pour conséquences la spé-
fayol propose 14 principes généraux
cialisation des fonctions et la séparation des pouvoirs b.
d’administration paternalistes. Elle a cependant des limites que a l’expérience, accompa-
gnée de l’esprit de mesure, apprend à ne pas franchir b.
2. L’autorité et la responsabilité
L’objectif fondamental des réflexions de Fayol (1s1c) Ce principe correspond au droit de donner des ordres et
était, d’une part, d’établir des principes d’organisation au pouvoir de les faire exécuter. On distingue ici l’autorité
qui permettraient d’élaborer des structures génériques statutaire, liée à la fonction, de l’autorité personnelle,
assurant une efficacité maximale, compte tenu des buts a faite d’intelligence, de savoir, d’expérience, de valeur
établis par la direction, et, d’autre part, de repérer les morale, de don de commandement, de services rendus,
principales opérations de la fonction d’administration. etc. b (Fayol, 1sc2, p. 21). Les deux agissent en complé-
mentarité. te plus, si l’autorité demeure recherchée, la
Les principes généraux d’organisation responsabilité l’est beaucoup moins ; pourtant, selon
Les principes d’organisation de l’entreprise selon Fayol Fayol, il n’est point d’autorité sans responsabilité, c’est-
et les auteurs classiques sont nombreux et d’ordre à-dire sans une sanction (récompense ou pénalité) des
structurel. Cela signifie qu’ils touchent principalement conséquences des actes. La sanction découle de la res-
à la structure d’une entreprise, c’est-à-dire à l’agence- ponsabilité et doit exister à tous les niveaux de l’échelle
ment des fonctions et des mécanismes de coordina- hiérarchique. Elle encourage de fait a les actions utiles
tion qui permettent d’accomplir les twches requises et et décourage les autres b (Fayol, 1sc2, p. 22).
d’atteindre les objectifs. En quelque sorte, la structure 3. La discipline
est à l’organisation ce que le squelette est au corps : Les membres doivent se plier aux conventions explicites
une disposition d’éléments (nous y reviendrons dans ou tacites établies dans l’entreprise en matière d’obéis-
le chapitre r sur l’organisation). Fayol insiste sur le fait sance, d’assiduité, d’activité et de marques extérieures
qu’il ne s’agit en rien de principes rigides ou absolus. de respect (tenue). Il est intéressant de relever cette
te même, s’il en propose 1x, Fayol insiste sur le fait remarque de Fayol (1sc2, p. 23) : a Lorsqu’un défaut

ENCADRÉ 1.2 LA NOTION DE PATERNALISME


be paternalisme est une conception patriarcale ou pater- tradition saint-simonienne qu’il était du devoir des capita-
nelle du rôle du chef d’entreprise. m l’époque de Fayol, listes industriels et philanthropes de travailler à l’élévation
c’est une vision de la responsabilité de l’exploitant (le matérielle et morale du peuple prolétaire. Saint-Simon,
patron) envers ses salariés, fidèle à l’élitisme aristocra- économiste et philosophe frandais (1r60-1u25), a en
tique européen. Certains patrons dits éclairés, souvent effet été l’auteur d’une doctrine critiquant la propriété
chrétiens ou libéraux, jugeaient utile de prendre soin de privée et l’exploitation du prolétariat par les nobles. l
e leurs f ouvriers pour s’assurer de leur productivité au appelait plutôt à une révolution industrielle progressiste
travail et de leur fidélité à l’employeur. pilotée par les élites bourgeoises renversant l’aristocratie.
Cet industrialisme progressiste prônait l’égalitarisme,
ba philosophie saint-simonienne est plus radicale et socia-
le collectivisme et la planification sociale.
lisante. b’idée existait dans les sphères industrielles de

1. Les idées de gaaol ont été développées par d’autres auteurs néoclassiques tels que Moonea et Reilea (1f31), hulici et Urjici (1f3e)
de même que Drucier (1fd4).

La naissance et L’évoLution de La discipLine • 1l

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de discipline se manifeste ou lorsque l’entente entre


chefs et subordonnés laisse à désirer, il ne faut point se
borner à en rejeter négligemment la responsabilité sur le
mauvais état de la troupe ; la plupart du temps, le mal
résulte de l’incapacité des chefs. b
4. L’unité de commandement
Chaque personne ne doit dépendre que d’un seul chef.
Le fait qu’un membre ou un service de l’entreprise
reçoivent des ordres de plusieurs dirigeants pour une
action quelconque explique de nombreux conflits ; il peut
s’agir des hésitations de l’employé subordonné ou de la
contrariété du dirigeant court-circuité (Fayol, 1sc2).
5. L’unité de direction
Les personnes qui mènent un ensemble d’opérations
visant le même but doivent relever d’un seul patron,
mais aussi d’un seul programme. L’idée sous-jacente est
que l’unité de direction devient la condition nécessaire
de l’unité d’action, de la bonne coordination et de la
convergence des efforts de tout le personnel.
6. La subordination de l’intérêt particulier Le travail des femmes dans les manufactures de textile, 191a
à l’intérêt général
L’intérêt général ou encore les buts de l’entreprise
suivent en passant par tous les degrés de la hiérarchie les
doivent primer les intérêts individuels et passer avant
communications qui partent de l’autorité supérieure ou
ceux de groupes particuliers au sein de l’entreprise.
qui lui sont adressées. b (Fayol, 1sc2, p. 3d) Néanmoins,
néciproquement, un intérêt individuel ou particulier
cette voie n’est pas forcément la plus rapide. Aussi, l’uti-
ne doit pas prévaloir contre l’intérêt de l’entreprise.
lisation des communications latérales par le principe de
7. La rémunération la passerelle d’une fonction à l’autre peut parfois mieux
La rémunération doit être établie en fonction des servir l’intérêt général, pourvu que les a chefs b concernés
efforts que les membres consentent à faire pour l’entre- autorisent ces relations horizontales entre leurs services
prise. Il n’y a pas de meilleur système de rémunéra- et leurs fonctions et soient informés de leur contenu.
tion pour Fayol, qui en a analysé plusieurs : paiement Fayol considère même qu’en cas de nécessité, dans des
à la journée, à la twche, aux pièces, supplément sous situations o il ne peut pas consulter son supérieur hié-
forme de primes, participation aux bénéfices (très rare rarchique ou son équivalent selon le principe de la pas-
à l’époque ) et subsides en nature. Il faut par contre serelle, un membre doit être préparé (par sa direction)
qu’elle soit équitable et que l’employeur comme les à adopter de sa propre initiative les choix qu’imposerait
employés soient satisfaits de leur rémunération. l’intérêt général (Fayol, 1sc2).
8. Le degré de centralisation 10. L’ordre
a Tout ce qui augmente l’importance du rôle des subor- Fayol évoque deux types d’ordre. t’une part, l’ordre
donnés est de la décentralisation ; tout ce qui diminue matériel : une place pour chaque chose et chaque chose
l’importance de ce rôle est la centralisation. b (Fayol, à sa place. t’autre part, l’ordre social : a Une place pour
1sc2, p. 3d) Selon Fayol, la centralisation résulte de lois chaque personne et chaque personne à sa place. b
naturelles, telle la centralisation des sensations vers le (Fayol, 1sc2, p. xl) Cependant, l’ordre social est dif-
cerveau dans l’organisme humain. Elle n’est pas néces- ficile à appliquer, car il exige une connaissance exacte
sairement bonne ni nécessairement mauvaise. Le degré des besoins et des ressources sociales de l’entreprise
de centralisation va de pair avec le type d’activité et le ainsi qu’un équilibre constant entre ces besoins et ces
profil des personnes. Il s’agit d’en trouver la juste mesure. ressources. Seuls une saine organisation et un bon
9. La hiérarchie recrutement permettent d’atteindre cet équilibre.
La hiérarchie est un mécanisme essentiel au bon fonc- 11. L’équité
tionnement de l’entreprise en vertu de la nécessité de la La justice découle de l’application rigoureuse des conven-
transmission de l’information et du principe d’unité de tions établies au sein de l’entreprise. Elle est cependant
commandement. a La voie hiérarchique est le chemin que insuffisante, car les conventions ne prévoient pas toutes

20 • Chapitre 1

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les situations possibles. Fayol, en bon dirigeant paterna- grwce à une rémunération équitable. Ils subordonnent
liste, considère plutôt que l’équité, c’est-à-dire la combi- aussi leurs intérêts particuliers à l’intérêt général, en
naison de la justice avec la bienveillance, est la solution raison du style de gestion du chef qui se doit d’être
pour pallier les insuffisances des règles établies. efficace, ferme, attentif et mesuré.
12. La stabilité du personnel Cette insistance sur l’importance de puiser dans
La stabilité est un facteur de succès pour les entre- l’expérience pragmatique un sens de la mesure en
prises, car il faut du temps et de l’expérience pour bien toute chose est caractéristique de Fayol et de sa préoc-
remplir une fonction. cupation humaine à l’égard de l’harmonisation du
13. L’initiative corps social de l’entreprise. Il s’agit là d’une préoccu-
L’initiative consiste en la possibilité donnée à une pation moins prégnante chez Taylor, qui est centré
personne de concevoir des plans et de faire en sorte davantage sur les activités de production et sur la pro-
qu’ils soient menés à terme avec succès. Elle contri- ductivité du corps technique de l’entreprise. En effet,
bue à stimuler les membres de l’entreprise. te même, Taylor évoque simplement la nécessaire collaboration
Fayol considère que la liberté de proposer et la liberté cordiale entre dirigeants et employés, mais dans la
d’exécuter sont aussi partie intégrante de l’initiative. perspective d’un contrôle du travail exécuté conformé-
Un gestionnaire habile doit savoir laisser son person- ment aux principes de la science qui l’a prescrit.
nel prendre des initiatives, dans les limites imposées Les auteurs classiques reconnaissent la dimension
par les principes d’autorité et de discipline. Sur ce point, humaine et sociale de l’entreprise, mais ils considèrent
l’opinion de Fayol est très différente de celle de Taylor. que les dirigeants ne devraient pas s’y attarder outre
14. L’union du personnel mesure. Ceux-ci devraient définir des paramètres for-
L’union fait la force, et la direction contribue à la pro- mels tels que les twches, la hiérarchie, les règles, les
mouvoir en faisant appel à l’unité de commandement, méthodes et les critères de sélection.
en évitant les discordes entre les membres du person- Les aspects non structurés aussi bien qu’infor-
nel et en privilégiant les communications verbales mels seront dès lors infléchis et conditionnés par les
plutôt qu’écrites, les premières étant plus rapides, caractéristiques formelles établies. Les problèmes
plus claires et plus saines que les secondes. Une telle personnels n’ont pas leur place dans un cadre imper-
approche apparajt très progressiste pour son temps. sonnel comme l’entreprise, axée essentiellement sur
la réalisation d’objectifs. Toutefois, l’impersonnalité
Fayol, distinct de Taylor des conventions de travail doit être tempérée par les
L’autorité légitime prend sa source au sommet de la normes d’équité des dirigeants.
hiérarchie ; elle peut cependant être déléguée. Ce faisant,
Fayol s’écarte de Taylor en reconnaissant aux subordon- Les principales opérations de la fonction
nés une valeur intrinsèque, là o Taylor tente de rendre d’administration
au maximum le travail indépendant de toute aptitude Fayol est aussi le père de la fonction d’administration.
ou de tout savoir-faire particuliers. Cependant, la délé- Il recense en effet l’ensemble des opérations de l’entre-
gation d’autorité implique de facto une a imputabilité b prise, qu’il catégorise entre (Fayol, 1sc2, p. 1) :
(responsabilité) du subordonné à l’égard du supé- • a opérations techniques (production, fabrication,
rieur. La délégation doit se conformer au principe de transformation) ;
l’unité de commandement : l’entreprise n’a qu’un seul • opérations commerciales (achats, ventes, échanges) ;
chef et un seul programme d’action pour l’ensemble
• opérations financières (recherche et gérance des
des opérations, qui sont toutes axées sur la réalisation
capitaux) ;
des mêmes buts. La coordination des activités est la res-
ponsabilité de la direction supérieure, qui doit également • opérations de sécurité (protection des biens et des
planifier et diriger les twches et les actions. personnes) ;
• opérations de comptabilité (inventaire, bilan, prix
Toujours selon Fayol et les protagonistes du modèle
de revient, statistiques, etc.) b ;
classique, les travailleurs sont des a instruments
rationnels b guidés par des motifs économiques et • et opérations administratives: Fayol ajoute cette
éthiques. Ils font partie d’une société qui met l’accent sixième fonction, qui a moins trait à la gestion du corps
sur les responsabilités juridiques et sur l’obligation des matériel de l’entreprise (biens, matières, machines,
employés de collaborer à l’entreprise. Les membres ressources financières, etc.) qu’à la gestion du corps
effectuent donc spontanément les twches qui leur sont social (c’est-à-dire les interactions entre les membres
confiées et se comportent d’une manière prévisible du personnel).

La naissance et L’évoLution de La discipLine • 21

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Notons que Fayol insiste déjà (1sc2) sur le fait que la à agencer la communication entre membres du corps
fonction d’administration ainsi définie n’est pas l’apa- social et entre activités.
nage d’un seul chef, mais qu’elle doit être répartie entre Il convient aussi, de nos jours, de réfléchir aux acti-
le chef et les membres de l’entreprise2. Cela étant, Fayol vités de décision qui mènent à ces plans, prévisions,
et les auteurs classiques décrivent aussi cette fonction structures, règles, etc. (voir le chapitre 6) et de remettre
d’administration comme un processus analysable. en perspective le rôle de a chef b hors du modèle hié-
Ainsi, pour Fayol (1sc2, p. 5), administrer, c’est : rarchique prôné par les classiques.
• a Prévoir (P), c’est-à-dire scruter l’avenir et dresser le
programme d’action.
• Organiser (O), c’est-à-dire constituer le double orga-
nisme ole corpsp, matériel et social, de l’entreprise. fayol est le père de la fonction
• Commander (C), c’est-à-dire faire fonctionner le d’administration (POCCC) :
personnel.
• Coordonner (C), c’est-à-dire relier, unir, harmoniser
a Administrer, c’est prévoir, organiser,
tous les actes et tous les efforts. commander, coordonner et contriler. b
• Contrôler (C), c’est-à-dire veiller à ce que tout se
passe conformément aux règles établies et aux
(fayol, 1962, p. 5)
ordres donnés b.
Les opérations d’administration initialement conçues
et décrites par Fayol sont aujourd’hui désignées par de L’activité de a commandement b visant à s’assurer de
multiples auteurs sous le sigle POttC (ou POtC), l’exécution des plans et l’activité de coordination des
pour a planification, organisation, décision et direc- activités pensée par Fayol consistant à créer l’harmo-
tion, contrôle b. nie nécessaire pour faciliter le fonctionnement de l’entre-
La prévoyance correspond, selon Fayol, à la prépara- prise relèvent aujourd’hui des activités de direction
tion du programme d’action général et pour chacune (voir le chapitre 6).
des fonctions de l’entreprise, et ce, à moyen terme, Enfin, le contr le a pour objet, selon Fayol, de
de manière annuelle et à long terme, tous les 1l ans. vérifier le rendement ; nous en verrons la conception
Ce programme devra être aussi précis que possible contemporaine dans le chapitre s. La figure 1.2 pré-
selon les a bornes de la perspicacité humaine b (Fayol, sente les principales activités liées aux cinq fonctions
1sc2, p. 5l), mais aussi suffisamment souple et adap- de l’administration.
table aux modifications jugées nécessaires
pour réagir continuellement à l’inconnu.
Ces twches s’apparentent aujourd’hui à
l’activité de diagnostic stratégique ou de
planification telle que nous la verrons La fonction d’administration contemporaine,
dans le chapitre d. La planification per- qui est inspirée des travaux de fayol, comprend
met, selon une conception contemporaine,
d’établir des objectifs et de préparer des la décision, la planification, l’organisation,
plans à la suite de prévisions.
la direction et le contrile (cPOcC).
L’organisation élabore des structures et
des mécanismes de coordination, dont les
règles formelles de l’entreprise, de façon
à permettre le fonctionnement harmonieux du corps Les théories préconisées par les auteurs classiques
social en cohérence avec les objectifs prévus. Nous consistent donc à mettre en place des structures et
décrirons dans le chapitre r la vision contemporaine des règles de façon que les personnes, guidées par
du design organisationnel. Celle-ci intègre l’organisa- leurs motivations économiques, se comportent de
tion et l’activité de coordination pensée par Fayol en manière prévisible et travaillent à la réalisation des
ce qu’elle consiste à a adapter les moyens aux buts b et buts de l’entreprise. Les préoccupations des auteurs

2. Notons aussi que gaaol dissocie la fonction d’administration de la fonction de « gouvernement », proche de l’idée contemporaine de gouvernance,
à savoir « assurer la marche des six fonctions essentielles » (gaaol, 1f62, p. d). Nous a reviendrons dans le chapitre d de cet ouvrage.

22 • Chapitre 1

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de l’administration classique ont trait à la saine dé cadre de ces grandes organisations, de ces manufac
légation de l’autorité et à la responsabilité des ca tures devenues d’immenses usines avec le temps et
dres et des membres de l’organisation (voir le chapitre 2, depuis le début de la révolution industrielle, plus d’un
p. 40). Une question demeure cependant en suspens : siècle plus tôt ? Un détour par la sociologie et les
pourquoi des individus décident ils d’obéir aux ordres travaux de Max yeber sur la bureaucratie nous est
d’autres individus responsables de l’autorité dans le ici utile.

FIGURE 1.2 Les activités liées aux principales fonctions du processus d’administration (ccPOC)

fonctions du processus d’administration (ccPOC)

Ressources Décision/Direction Buts, objectifs


o ginancières • mnformation • krbitrage • knimation • De nature :
o lognitives • knalase • loordination et coopération – économique
o nechniques • Délibération • Leadership – technologique
o Phasiques – humaine
Planification Organisation Contrôle
o mnformationnelles – sociale
• blaboration : • Définition : • kctivités : – politique
– des stratégies et – des structures – d’évaluation – éthique
des politiques (dont autorité et – d’analase
– des buts responsabilités) – de comparaison
– des objectifs – des mécanismes – de correction
– des programmes de coordination – d’observation
– des plans (structurels
– d’ajustement
et opératoires)
– des budgets
– des moaens de
– des procédures
communication
– des normes
– des règles

1.4 L’organisation bureaucratique


Le modèle bureaucratique est le fruit des analyses yeber (1ss5a) discerne les caractéristiques typiques
sociohistoriques de l’économiste et sociologue Max de la forme d’organisation la plus efficace dans les
yebern. tans un des textes de son œuvre Économie et sociétés occidentales modernisées, à savoir la forme
Société, publiée de manière posthume en 1s25, il essaye rationnelle-légale ou encore la bureaucratie.
de comprendre la régularité des comportements et les Au sein de ces organisations, on trouve différentes
formes de structures adoptées par les grandes organi formes de domination et d’autorité à l’œuvre. Le ta
sations. Peu préoccupé par l’administration des entre bleau 1.2 (voir la page suivante) compare les trois types
prises, yeber tente tout de même de saisir les rapports d’autorité qu’observe yeber dans la société allemande
de domination dans ces structures. Pourquoi les per de son siècle. Celui ci reconnajt que les trois types
sonnes obéissent elles à des ordres ? uu’est ce qui légi n’existent pas vraiment à l’état pur, et l’intervention
time les rapports de domination ?

3. L’puvre de ce sociologue allemand est colossale, et les éléments retenus par les théoriciens du management sur l’organisation bureaucratique ne constituent
que quelques pages dans des écrits qui en contiennent plusieurs milliers sur différents thèmes comme les déterminants et les fondements subjectifs de l’action,
le processus de rationalisation du monde moderne, l’avènement du capitalisme ou l’impact des idées religieuses sur les activités économiques, etc.

La naissance et L’évoLution de La discipLine • 2t

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combinée des différentes formes d’autorité au sein de de certains qui se réclament de la tradition, d’autres qui
l’organisation peut aussi donner lieu à des tensions et à font appel à la séduction pour rassembler les forces
des conflits. Il n’est pas rare, en effet, de constater, en cer- vives et, enfin, de ceux qui ont une fonction d’autorité
taines occasions, l’apparition de frictions entre les visions en vertu du poste qu’ils occupent dans l’organisation.

TABLEAU 1.2

Les types d’autorité selon jeber


Domination rationnelle-légale
Domination charismatique Domination traditionnelle
(bureaucratique)
• ur la base des qualités personnelles • ur la base de la tradition, des coutumes o ur la base des lois, des règles
• goi des subordonnés en celui qui dirige, • Pouvoir transmis par héritage et des procédures
perçu comme une personne rassembleuse (par exemple, une succession familiale, o Détention par le chef d’un pouvoir
(par exemple, un prophète) la monarchie) qui découle d’une nomination légale
• kppareil administratif souple, peu structuré, • kppareil administratif comportant o Délimitation du pouvoir par des règles
instable, géré par des disciples des attachés à la personne du chef o kppareil administratif q bureaucratie
(serviteurs, favoris) o ladre de référence rationnel et légitime
• mndépendance relative des subordonnés au sein duquel l’autorité est concentrée
et autonomie à l’intérieur d’une sphère au sommet de l’organisation
d’influence restreinte o Démarcation entre engagement envers
• Engagement exclusif à l’endroit du chef l’organisation et engagement à l’extérieur
de celle-ci

Selon yeber (1ss5a, p. 2sx), a le type le plus pur de carrière : la promotion se fait par le jugement des
domination légale est la domination par le moyen de supérieurs ;
la direction administrative bureaucratique k, o le chef s. ne sont ni propriétaires des moyens de l’organisa-
occupe la position de détenteur du pouvoir en vertu tion ni propriétaires de leur poste ; il y a donc sépa-
le plus souvent d’une élection ou d’une désignation et ration entre la fonction, d’une part, et l’homme
o les attributions du chef ont un caractère légal. Il est qui l’occupe, d’autre part ;
entouré de fonctionnaires qui individuellement : 1l. sont soumis à une discipline stricte dans leur travail
1. sont personnellement libres et obéissent à une et à un contrôle régulier (yeber, 1ss5a ; Scheid, 1sss).
autorité seulement pour l’accomplissement des
devoirs objectifs de leurs fonctions officielles ;
2. sont organisés dans une hiérarchie de fonctions et
d’emplois claire et bien définie ;
Sur quoi repose l’ordre dans les grandes
3. avec une sphère de compétences bien établie ; organisations Sur la domination
x. sur la base d’une relation contractuelle ;
rationnelle bureaucratique qui a
5. sont nommés, sur la base d’une sélection ouverte (par
examen, concours ou selon leurs diplômes), d’après remplacé la tradition, observe jeber.
leurs compétences techniques et professionnelles ;
c. sont rémunérés par un salaire fixe ; le salaire variant
selon l’échelon hiérarchique et les responsabilités La façon dont la structure et les fonctions de l’organi-
assumées et donnant le plus souvent droit à des sation bureaucratique sont définies découle donc d’un
prestations de retraite ; ensemble de buts établis par la direction. tes règles
d. traitent leur emploi dans l’entreprise comme leur administratives, des méthodes de coordination et
seule occupation professionnelle ; des plans servent, dans un cadre rigide d’autorité, à
r. peuvent bénéficier d’un avancement selon l’ancien- intégrer les diverses twches des travailleurs. Les com-
neté ou le mérite et entrevoir une trajectoire de munications suivent la voie hiérarchique, et les rôles
individuels sont décrits en détail de façon à assurer

24 • Chapitre 1

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la précision et la régularité des actions routinières. • à la stricte définition du travail et de l’autorité


eref, chacun sait exactement ce qu’il doit faire et com- de chacun ;
ment le faire selon des règles explicites. Le personnel, • à la structure hiérarchique qui contrôle tout ;
recruté en fonction de ses compétences et de sa for- • aux règles écrites qui prévoient tout, la forme écrite
mation, obéit aux règles établies par l’autorité légitime. étant nécessaire pour l’efficacité ;
Ces règles et des normes impersonnelles dictent le
• aux experts qui connaissent bien leur travail b
comportement des personnes. Les systèmes de récom-
(Scheid, 1sss, p. 1x).
pense et de contrôle renforcent les comportements
L’organisation bureaucratique est caractérisée par un
désirés. L’autorité des cadres supérieurs supprime les
engagement total dans la rationalité, par l’imperson-
conflits et les discussions au sujet des buts à atteindre
nalité des relations humaines et par la régularité des
ou des moyens à employer.
comportements (voir le tableau 2.3, p. 41). tans l’hypo-
Pour yeber, qui a bien connu le fonctionnement thèse o l’environnement est stable et o la stratégie
des universités, de l’administration allemande et qui économique est bien adaptée à l’environnement, les en-
a même dirigé un hôpital en 1s1x, le terme a bureau- treprises de type bureaucratique atteignent d’excellents
cratique b n’est pas péjoratif ; c’est une forme d’organi- résultats. uui plus est, elle représente, du fait du mode
sation efficace. Cette efficacité tient essentiellement : de recrutement sur la base des compétences, une forme
• a au rejet des préférences personnelles du leader, de démocratisation de l’accès à l’emploi dans des socié-
des coutumes et des traditions ; tés de plus en plus éduquées (rappelons qu’au tournant

bes soupers de famille sont toujours très animés chei Frédérique. Elle finit
VÉCUES
HISTOIRES

toujours par se faire agacer par son frère, un antisyndicaliste notoire, qui ne peut
s’empêcher de la provoquer, en s’en prenant à son métier de pilote de ligne :
q En tout cas, da prendrait un joueur comme Uber dans le domaine des compagnies
aériennes, da mettrait les syndicats à genou, et da ferait descendre les prix.
Frédérique verse un verre du vin rouge qu’elle a rapporté d’ talie à son frère tout
en répliquant du tac au tac :
q Ben voyons, bouis. Peut-être que la bureaucratie n’a pas bonne presse,
mais les conventions syndicales sont là pour protéger le public.
q Sont surtout là pour protéger vos salairest
q magine que l’entreprise pour laquelle je travaille soit la propriété d’un milliardaire,
un entrepreneur visionnaire certes, mais pas un pilote de métier, qui imposerait ses vues
et ses lubies au nom de sa passion pour l’aéronautique. Nous, on vole r00 heures par an.
Qu’est-ce que tu penses qu’il arriverait s’il engageait des pilotes chômeurs prêts à voler
jusqu’aux limites de la réglementation sur long courrier l
q Bent
Frédérique est bien décidée cette fois-ci à ne pas se laisser interrompre par son frère g
aussi, elle monte le ton d’un cran et poursuit :
q Des accidents en série. Parce qu’ils voleraient jusqu’à p00 heures par an, sans compter
les heures du travail de préparation sur le tarmac avant et après le vol. Et puis si ce super
entrepreneur se mettait à donner les meilleurs créneaux de vols aux mêmes pilotes en vertu
de ses préférences personnelles plutôt que d’une distribution équitable l Tu crois que je
finirais au grade de commandant de bord dans ce genre d’entreprise l l y a tellement de
jeunes pilotes travailleurs précaires à l’échelle planétaire maintenant qui seraient prêts à me
remplacer quand mon salaire deviendrait trop élevét
Pour une fois, son frère semble incapable de répondre. l prend une gorgée de vin
et lui signifie qu’il le trouve très bon.
q Ben, il faudrait qu’à l’avenir ce soit toi qui apportes le vin.

La naissance et L’évoLution de La discipLine • 2k

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du gge siècle en Allemagne, l’enseignement est obliga- éprouvent des difficultés à évoluer au sein de milieux
toire pour les enfants wgés de c à 1x ans et que depuis de travail si impersonnels et si formalistes (Argyris,
1rr2, en France, l’instruction la que et gratuite est obli- 1s5d). Néanmoins, avec, entre autres, l’utilisation de
gatoire jusqu’à 13 ans). Cependant, le rendement élevé plus en plus poussée des ordinateurs, des techniques
des entreprises de type bureaucratique est souvent ob- et des systèmes modernes de gestion, l’organisation
tenu au détriment de la satisfaction des membres, qui de type bureaucratique n’a cessé de se répandre.

Le courant de la pensée formelle ou rationnelle


Avec les approches formelles, et notamment les trois d’entre elles, notamment l’administration classique de
théories complémentaires présentées jusqu’ici (voir la Fayol, contiennent aussi des mises en garde sur les
figure 1.3), l’organisation est un instrument servant à la limites de certains principes par exemple la division
réalisation des buts établis par la direction. Les struc- du travail et les risques liés à la surspécialisation ou la
tures d’autorité, les définitions de twches et les méca- parcellisation du travail qui n’ont pas forcément été
nismes de coordination sont les manifestations de la entendues par leurs adeptes d’hier et d’aujourd’hui.
rationalité organisationnelle. L’organisation est
une structure manipulable, qui peut s’articuler
de façon à accrojtre la productivité et l’efficience
de l’ensemble. Les comportements sont infléchis
Le courant formel considère le management
et administrés d’une manière rationnelle par des comme une technique. Ce projet de
règles, des incitations économiques et un recru-
tement planifié.
rationalisation formel est encore bien
Ces trois écoles complémentaires dans leur vivant dans l’économie contemporaine.
point de vue, depuis la base jusqu’en haut de la
pyramide hiérarchique de l’entreprise, fondent
une conception technique du management qui Elles posent aussi certaines prémisses plus axées sur
perdure aujourd’hui sous plusieurs formes (lean mana- les dimensions individuelles et sociales que nous trou-
gement, gestion technologique des connaissances, verons largement développées dans les mouvements
etc.) et dans de nombreuses pratiques de gestion ; nous ultérieurs de la pensée humaine et behavioriste (voir le
y reviendrons tout au long de l’ouvrage. uuelques-unes chapitre 3).

FIGURE 1.3 Un résumé des apports des pionniers du courant formel du management

Trois points de vue sur l’organisation du travail

Fayol : comment bien gérer Fonction d’administration


et être un bon chef ? 14 principes de gestion

Weber : comment expliquer Forme bureaucratique


les rapports de domination ? rationnelle-légale

Taylor : comment gagner en


Organisation scientifique
productivité ? Qu’est-ce qu’une
du travail (OST)
journée loyale de travail ?

2c • Chapitre 1

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CHAPITRE

PRÊT-À-PENSER
OU SUR MESURE ?
2
DES e COMMENT f AU e POURQUOI f DU MANAGEMENT Taylor, Fayol Curt Le in soutint ue
et tous leurs successeurs du courant formel ont proposé des principes
rien n’est aussi prati ue
généraux de management. Pourquoi ces principes plutat que d’autres ?
Pourquoi gérer une entreprise de telle ou telle fa on ? Dans cet ouvrage,
u’une onne tEéorie
nous croyons qu’il est primordial de comprendre les éléments qui influent (1 4 ). L’inverse est
sur la pensée managériale. Pour ne pas être emprisonnés dans une vision aussi vrai rien n’est
instrumentale du management, nous devons nous demander non seulement plus dangereu u’une
« comment faire » b cela est certes important, et nous consacrons une
mauvaise tEéorie.
partie importante de ce manuel à cette question b, mais également
« pourquoi » nous gérons de telle ou telle manière. C’est peut-être là (hhoshal, 200d, p. 86)
le point essentiel. Si nous cherchons à comprendre les « pourquoi »
de nos gestes, nous pourrons alors donner un sens à nos actions et
choisir de fa on plus judicieuse nos approches managériales
et nos instruments de gestion.

2.1 Définir le management


Comment considérer les théories proposées par le du gfIIIe siècle, signifie a celui qui s’occupe de quelque
courant de la pensée formelle aujourd’hui ? Un mana- chose b, et provient du verbe manager, qui veut dire
ger se doit d’être critique au moment de mettre en mener, ou diriger un chemin (ney, 2lll).
pratique des outils de management issus de ces
approches, qu’ils soient hérités de l’organisation scien-
tifique du travail (OST) ou de l’administration clas-
sique comme le POtC. Comment penser de façon kérer et manager sont deux activités
critique, c’est-à-dire raisonner méthodiquement pour différentes : exécuter versus prendre
discerner les mérites et les qualités comme les défauts
et les imperfections d’une idée et comprendre le bien- soin des choses et des relations entre
fondé ou la juste valeur d’un système de pensée ? Pour
les hommes.
y parvenir, ce chapitre propose de revenir sur la défini-
tion même du management, à la fois concept, métier,
discipline de connaissances et porteur d’une idéologie.
Si l’on s’en tient à la définition qu’en donne Le Petit
uu’est-ce que le management ? En anglais, ce mot
Robert, le management englobe les techniques de ges-
signifiait historiquement prendre soin de ceux qui
tion et d’organisation d’une affaire, d’une entreprise. Le
sont dépendants au sein de la famille (les enfants)
mot gérer quant à lui est un emprunt au latin gĕrō, qui
ou de la société (les indigents) (Le Texier, 2l1c). En
signifie a porter (sur soi), prendre en charge b ; syno-
français, le nom manager, emprunté à l’anglais à la fin
nyme d’administrer, le verbe indique l’idée d’une activité

Pr t-à-Penser ou sur mesure ? • 27

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propre du sujet, celle d’exécuter, de faire, d’accomplir, et activité difficile et complexe, à la fois technique et
possède une étymologie proche de gestum (le geste). sociale, teintée d’une idéologie.
Gérer et manager sont
donc deux choses diffé-
rentes. La gestion relève de Le management englobe à la fois un concept, un métier,
l’utilisation d’instruments
et de techniques à des une discipline de connaissances et est porteur d’une idéologie.
fins d’exécution. uuant au
management, ce n’est pas
seulement une technique. Cette définition fonctionnelle est intéressante, mais,
Si l’on se penche sur sa définition fonctionnelle comme toute définition, elle ne peut dévoiler toute la
(qu’est-ce que ça fait ?), on peut considérer que a olap complexité de ce concept. Nous ne pouvons prétendre
fonction odu managementp consiste à produire un sys- devenir manager sur la base de cette définition. Pour
tème reliant et combinant des éléments aussi dispa- téry (2l1l, p. 13) citant St-Simon, le management est
rates que le capital, le travail, les matières premières, la à la fois « l’administration des choses » et le « gouver-
technologie, les règles, les normes, les procédures b (de nement des hommes ». Il consiste donc à gérer une
Gaulejac, 2ll5, p. 25) pour générer a une production de panoplie d’activités quotidiennes sur le plan de la pro-
biens ou de services économiquement et socialement duction, du recrutement, du paiement des fournisseurs,
utiles et si possible, pour l’entreprise à but lucratif, ren- etc. tout en s’assurant d’un esprit qui donne une orien-
tables b (Aktouf, 2llc, p. 1). L’exercice de cette fonction tation dans l’entreprise et d’une qualité de rapports
peut avoir des conséquences positives comme néga- entre personnes dans l’organisation.
tives : bonheur ou souffrance au travail des employés, Autrement dit, nos actions ne sont jamais isolées de
pérennisation ou faillite d’entreprises au sein de leurs notre état d’esprit, de ce en quoi nous croyons. Prenons
communautés locales. Le management est donc une un exemple simple : le recyclage des déchets ménagers.

Geneviève s’approche de la salle de repos, surprise d’y trouver un tout jeune


VÉCUES
HISTOIRES

médecin, le nouveau chirurgien, qui affiche une mine abattue. l paraît tellement jeune,
il pourrait être son fils.
q Tout va bien, Christian l
q Bof. ja ne s’est pas passé comme prévu au bloc ce matin, et l’on va sûrement perdre
un patient bientôt. Chaque fois, da me rentre dedans.
q e kivre de mort, mourir de vie f disait véraclite, c’est cela l
q Mouais. Ainsi va la vie qui va ou s’en vat l faut s’y résigner.
q Tu veux m’en parler l
q Bah, en ouvrant le patient, on s’est rendu compte en voyant l’état des tissus internes
qu’on ne pouvait pas le sauver et qu’on allait le faire souffrir atrocement et inutilement si
l’on procédait à l’opération. Alors on n’a pas fait la chirurgie prévue.
q Tu t’en veux l
q Pas vraiment, on ne peut pas tout savoir d’avance. Chaque cas est tellement différent.
C’est une plongée dans l’ambivalence chaque fois. Entre le connu, parce que c’est toujours
un corps humain, et l’inconnu, parce que tous les corps réagissent différemment à la maladie
et aux traitements. ae t’avoue que j’admire la capacité de jugement du chirurgien en chef
ce matin qui a admis immédiatement avec discernement qu’on était confrontés aux limites
de notre savoir-faire technique et de nos connaissances théoriques.
q Ce n’était pas votre seule opération au bloc ce matin l
q Non, heureusement, car c’est plus gratifiant de sauver des vies ! Et ce matin, on a réussi
de belles sutures qui ne laisseront pas trop de traces !

2s • chapitre

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La majorité des citoyens ont des bacs qui leur permettent • un métier : un travail qui requiert la majtrise d’un
d’y déposer leurs déchets à recycler. Cela nécessite une ensemble de techniques spécialisées (techne) ainsi
infrastructure à l’échelle municipale pour le ramassage, qu’une forme de sagesse tirée de l’expérience et d’un
la distribution vers les centres de tri, la gestion des gens certain jugement dans l’action (phronesis) ;
qui y travaillent, etc. Ici, nous sommes dans l’adminis- • une discipline : un domaine de connaissances et de
tration des choses, il faut trouver la combinaison opti- production de théories scientifiques (theoria) ;
male des ressources pour réaliser efficacement cette • le porteur d’une idéologie: c’est-à-dire d’un système
activité. Mais au-delà de cette question de combinai- de croyances qui façonne notre rapport aux autres et
son de ressources, le succès de cette entreprise est de à nous-mêmes, à la collectivité, à la richesse et à la
l’ordre de nos croyances, de notre état d’esprit à l’égard nature. Cette idéologie guide l’action dans l’approche
du recyclage. Il y en a qui y croient, qui sont très métho- managériale adoptée par la direction.
diques et qui s’organisent pour recycler le maximum L’encadré 2.1 présente les différents savoirs qui
de déchets, parce qu’ils sont convaincus que la survie entrent en jeu dans le management.
de la planète en dépend. Gérer une organisation, c’est Nous ne pourrons comprendre le management que
la même chose. Ce en quoi nous croyons comme ges- si nous nous attardons plus en profondeur sur toutes
tionnaire va largement influer sur nos actions. ces dimensions (voir la figure 2.1, page suivante). Ainsi,
Sur les bases de la définition précédente (téry, si nous avions à définir le concept de a conduire b, nous
2l1l), nous ajoutons que le management est à la fois : pourrions, dans une perspective technique, dire qu’il
s’agit de l’acte de tenir un volant en respectant un code
• un concept : une représentation mentale abstraite ;
de la route tout en connaissant les possibilités de

ENCADRÉ 2.1 , ET
be management n’est pas qu’une technique. b’action ba figure ci-dessous établit les différents savoirs entrant
humaine, et donc le management à plus forte raison, repose en jeu dans l’action humaine.
sur différents types de savoir, théoriques et pratiques.
FIGURE Les différents savoirs et les formes
• ba theoria est une activité d’observation ou de
contemplation par l’humain, spectateur des choses
de l’action humaine
du monde par les yeux ou par l’esprit. Elle est
soutenue par des compétences scientifiques et pistém
résulte en l’épistémè, un ensemble de théories
et de connaissances scientifiques sur le e pourquoi f Savoir (Theoria)
des choses. ba theoria, l’activité théorique donc,
nourrit deux activités pratiques qui relèvent du
e comment f : la poiesis et la praxis. bompétences
• ba poiesis est le e faire f, la fabrication matérielle scientifiques
concrète, l’action productive qui transforme et
Action
continue le monde par la force de l’habileté et de humaine
la maîtrise technique. Elle repose sur la techne, le
savoir-fabriquer, le métier, l’art manuel, de l’ordre Savoirs
du maniement, disjoint de tout archè, c’est-à-dire
de tout raisonnement sur le fondement, l’origine, cabiletés Sagesse et
le commencement, la cause des choses. et madtrise jugement
• ba praxis est une transformation morale du sujet
Fa

is )
i re

x
ra

agissant. Cet agir est engendré en même temps


(P

(P
oie

ir

sis

qu’il stimule la sagesse et le jugement et résulte en


Ag
sis
Te

ne
c

la phronesis, la prudence de la sagesse pratique


hn

ro
e

Ph

(Rwmy, 200x).
ource : Rrms, 2004.

Pr t-à-Penser ou sur mesure ? • 2l

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FIGURE 2.1 Le management : concept, métier, discipline et idéologie

Métier
Madtrise de techniques spécialisées,
sagesse et jugement

Idéologie
Concept
Système de croyances :
• Représentation mentale
• Encastré dans un sastème économique
• Définition : gestiontadministration Management et un sastème sociopolitique
des choses et gouvernement
• Rapport à soi et autrui, à la collectivité,
des hommes
à la richesse et à la nature

ciscipline
ensemble de théories scientifiques
(sciences de la gestion)

sa voiture. Mais la manière de conduire une voiture, managériale dans l’entreprise, qui sert à réaliser et à
par exemple, dépend également d’autres éléments, assurer les intérêts d’une catégorie d’acteurs en parti-
comme l’état d’esprit du conducteur, l’état du réseau culier (en l’occurrence, très souvent, les actionnaires).
routier, les règles en vigueur, le civisme du conducteur Enfin, certains envisagent l’organisation comme un
et, étrangement, la culture d’une région. Une des pre- système social. Le rôle du management est alors
mières choses que nous remarquons d’ailleurs lorsque défini par sa capacité à mobiliser l’ensemble des
nous voyageons dans un pays étranger, c’est le style de membres de l’organisation vers une direction souhai-
conduite. Nous ne pouvons inclure tous ces éléments tée dans l’intérêt de tous.
dans la définition technique de a conduire b,
mais ils jouent néanmoins un rôle détermi-
nant dans la façon dont on conduit.
En management, nous sommes dans une
Le travail de management : interroger autant
situation semblable. Nombreux sont ceux les a pourquoi b que les a comment b gérer.
qui considèrent le management comme un
ensemble de règles et de procédures accom-
pagnées d’instruments de gestion. On qua-
lifie cette vision d’instrumentale. Le rôle du manager Pour prendre du recul par rapport à l’approche
consiste donc à faire fonctionner ces règles et à jauger managériale que nous adoptons peut-être sans nous
la performance de l’organisation avec des instruments en rendre compte, il faut réfléchir aux a pourquoi b du
d’évaluation en fonction du rendement financier, de management tout autant qu’aux a comment b faire le
la productivité, du niveau de qualité, etc. t’autres travail de manager. Nous détaillons donc dans la suite
voient dans le management un système idéologique, du chapitre l’analyse du concept, de la discipline, du
qui se traduit par une approche ou une philosophie métier et de l’idéologie dont le management est porteur.

2.2 Le management comme concept


Tout au long de ce livre, nous opposerons deux exact de notre monde, cette distinction nous permet
manières de concevoir le management : l’approche globalement de faire la démonstration de deux visions
rationnelle et objective versus l’approche humaine et du monde, de la société, de l’organisation et, finalement,
subjective. eien que la réalité soit toujours plus com- du champ de la connaissance en management. Nous
plexe et que ce genre de dichotomie ne soit pas le reflet nous attardons plus particulièrement dans cette section

t0 • chapitre

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sur ce que nous qualifions d’approche rationnelle. longue vie. Ainsi, il est intrigant de constater que, si
Nous étudierons d’abord les origines des caractéristi cela fait plusieurs siècles que nous savons que c’est la
ques de cette représentation mentale du management Terre qui tourne autour du soleil, cela ne nous empêche
que sont la raison, la rationalité et l’objectivité avant pas d’utiliser tous les jours l’expression a le soleil se
d’examiner l’idée d’universalité qu’elle véhicule. lève b. Même les scientifiques, les météorologues par
exemple, nous donnent chaque jour l’heure précise,
à la minute près, du coucher de soleil. Le soleil ne se
Aux origines du triptyque
lève ni ne se couche, mais ce mythe millénaire, la Terre
raison-rationalité-objectivité statique au centre de l’univers, reste toujours présent
Pourquoi s’intéresser à l’approche rationnelle ? Parce dans nos esprits (Sedlacek, 2l13). Il ne faut pas croire
qu’elle est prépondérante, parce qu’elle a une place que les mythes appartiennent à des époques révo-
importante dans notre inconscient et que cette lues, que les sociétés modernes marquées par les
approche s’est imposée comme un cadre mental pré progrès scientifiques ne construisent plus les leurs.
dominant, notamment dans les sociétés occidentales. C’est en grande partie la science et la technique qui
Est ce parce qu’elle est naturelle ? Ou bien est elle le créent nos mythes d’aujourd’hui. Nous croyons en la
résultat d’un parcours historique précis du développe science, en son objectivité, en sa force de progrès, en
ment de la connaissance dans nos sociétés ? sa neutralité, etc. Comment les récits du passé ont ils
Prenons l’exemple d’une dispute. Il est arrivé à cédé la place aux nouveaux ? Un détour par l’histoire
chacun de nous d’assister à une querelle entre deux des sociétés occidentales, notamment européennes,
personnes. Les arguments s’opposent, les positions nous apporte quelques éléments de réponse.
diffèrent, etc. Pour mettre fin à cela, si nous sommes Toutes les sociétés humaines ont produit et conti
interpellés comme médiateur, nous invitons les deux nuent à produire des connaissances et s’organisent
parties à être raisonnables et à se comporter de manière pour les transmettre aux générations futures. Les
rationnelle. Nous prétendons alors avoir une position êtres humains organisent la société en fonction de ces
objective pour mettre fin au conflit. Ces trois concepts mêmes connaissances, expliquent et améliorent avec
(raison, rationalité et objectivité) font tellement partie elles le monde qui les entoure. Ces connaissances ont
de notre quotidien que nous n’avons même pas besoin leur pertinence et leur validité auprès de chaque civi
de les justifier auprès de nos protagonistes. Cela signi lisation. Établir une hiérarchie et nier cette pertinence
fie que nous faisons appel à une logique qui trans propre à chacune revient à considérer certaines civili
cende les deux positions et que, par son objectivité, sations plus intelligentes que d’autres, supérieures aux
cette dernière peut servir de référence. Nous agissons autres. C’est là la dérive raciste et suprématiste qui a
alors comme s’il existait quelque chose en dehors de souvent conduit aux guerres, à l’esclavage et au colo
nous qui sert de référence, qui existe en soi, permet- nialisme. Si c’est l’histoire de l’Occident qui nous inté
tant d’expliquer les phénomènes qui nous entourent resse ici, c’est d’abord parce que nous y vivons, c’est
et les liens qui existent entre eux indépendamment de notre milieu et notre monde, mais aussi parce qu’en
notre position subjective ou émotive sur un sujet. Occident, depuis les philosophes grecs qui ont énor
Est ce vrai ? En a t il toujours été ainsi ? tepuis mément influencé la pensée occidentale, le rapport
des siècles, les êtres humains ont eu besoin d’expli aux connaissances a pris un chemin particulier.
quer l’univers qui les entoure. Ils cherchent à donner Le savoir grec est réflexif, ce qui signifie qu’il ne
un sens aux phénomènes qu’ils observent, qui les se contente pas d’être un simple savoir, mais qu’il
effraient, pour lesquels ils n’ont pas d’explications. cherche également et fondamentalement à être un
Pendant longtemps, selon l’époque et les endroits, ce savoir du savoir lui même o…p. En effet, dès Platon
sont les mythes, les croyances et même les religions et Aristote, on s’interroge sur ce que connaître veut
qui ont joué ce rôle. Les mythes et les récits permet dire. (Nadeau, 2l1c, p. d)
taient de répondre aux questions que les humains se Si les Grecs cherchaient à expliquer rigoureusement le
posaient sur la nature, sur l’origine de la vie et de la monde humain, les mythes entraient en jeu dès lors qu’ils
mort, sur les autres, sur le bien et le mal, etc. Il ne faut étaient confrontés à la limite de leurs connaissances et
pas minimiser l’influence inconsciente de ces mythes du connaissable. Les mythes donnaient des explications
et de ces récits sur notre vision du monde encore à ce que l’on ne pouvait pas concevoir ou savoir. Jusqu’au
aujourd’hui. Chaque société à chaque période de l’his Moyen qge, c’est donc la religion, la foi et les mythes
toire produit ses propres mythes, qui ont souvent une qui tentent de donner une explication a cohérente b

Pr t-à-Penser ou sur mesure ? • t1

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de l’univers. On ne met pas en doute ce


système qui fournit des références et des
dogmes pour tous les domaines d’activi-
tés humaines. On explique ainsi l’origine
de l’univers, la création, le fonctionnement
du monde, ce qui est bien ou mal, com-
ment se comporter en société, comment
gagner sa vie, etc.
Petit à petit, cette société ancienne a
évolué vers ce qu’on a qualifié quelque
temps plus tard de modernité1. Nous
avons vu apparajtre des idées nouvelles,
des penseurs importants mettant en
cause l’ordre établi par l’Église, faisant la g fe pense donc je suis. i h René Descartes
promotion de la science et de la connais-
sance, ne croyant pas à l’illumination pour expliquer les phénomènes. Le monde est régi,
divine, mais plutôt à la lumière libératrice de la connais- affirme-t-il, sur la base d’un ordre unifié, liant tous les
sance délivrant les sociétés humaines de l’obscuran- éléments de l’univers selon une logique, une loi, qu’il
tisme et de la religion (voir le chapitre 1). nous revient de découvrir par la mobilisation de
C’est ainsi que l’Europe entre dans le siècle des la rationalité.
Lumières. On voit apparajtre des idées nouvelles sur L’objectivité, c’est-à-dire ce qui se rapporte à l’objet
le plan scientifique, philosophique, dans les domaines existant en soi, indépendamment du sujet pensant, est
de la physique, la chimie, la biologie, l’architecture, l’art, valorisée par le fait que les objets ont un comporte-
la littérature, etc. S’opèrent une certaine émancipation ment permanent dans le temps. Cette permanence
des règles du passé et une remise en cause profonde des permet de les observer et d’établir des règles et des
savoirs du passé. Cette nouvelle ère devient le théwtre lois, qui sont, pour les rationalistes, les seuls éléments
de changements importants. valables dans notre monde. Par la même occasion, il
oL’ère scientifiquep a recherché une méthode d’exa- y a une méfiance, voire du mépris, pour tout ce qui
men du monde qui ne laisserait pas place au doute et représente la subjectivité. Cette dernière renvoie à la
échapperait à toute dimension subjective discutable. notion de suAet, c’est-à-dire à l’individualité de l’être
Sa caractéristique peut-être la plus importante est de humain. Son caractère changeant, émotif, non fiable
privilégier la question du comment ? et non plus celle et faible, selon ces penseurs, les pousse à concevoir
du pourquoi ? Elle est ainsi passée, pourrait-on dire, une dualité forte entre le corps et l’esprit, ainsi qu’à
de l’essence à la méthode. L’ère scientifique a tenté de
proposer une conception du monde o les mathéma-
démystifier le monde qui nous entoure, de le présen-
tiques et la mécanique occupent une part importante.
ter de manière mécanique, mathématique, détermi-
niste et rationnelle, et se débarrasser des axiomes qui
ne peuvent être confirmés empiriquement comme la
foi et la religion. (Sedlacek, 2l13, p. 1d3)
Le management instrumental a pour
Avec la modernité, peu de place est accordée à la sub-
jectivité, à l’incertain et aux comportements changeants ; piliers exclusifs la raison, la rationalité
il faut renforcer l’objectivité, la raison et la permanence.
Un des grands penseurs, architecte de cette transforma-
et l’objectivité, héritées du passage du
tion, est nené tescartes qui, au début du gfIIe siècle, mode de civilisation de la tradition à
devient le père de la pensée cartésienne. Pour ce der-
nier, tout peut et doit être exprimé selon une logique
celui de la modernité.
déterministe, o la raison est le seul élément valable

1. Notre intention ici n’est pas d’entrer dans les débats et les différentes polémiques concernant les dates du début ou de la fin de cette modernité ni de
désigner les penseurs marquants de cette période. Nous cherchons simplement à faire état de cette transformation dans ses grandes lignes.

t2 • chapitre

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Aucune place n’est laissée à l’émotion, au hasard La mathesis universalis


ou à quelque espace vide que ce soit. Tout se rapporte uualifiée de mathesis universalis, la science cartésienne
à tout avec un déterminisme implacable et la préci- moderne, tout autant démarche méthodique, a explique
sion d’un mouvement d’horlogerie. tescartes et ses tout ce qu’il est possible de rechercher touchant l’ordre et
héritiers a ont pratiquement tout conçu en termes la mesure, sans assignation à quelque matière particu-
mathématiques h l’univers, la politique, le corps hu- lière que ce soit b (tescartes, 1sc3, p. sr). Cette démarche
main et même les impulsions et la morale humaines b peut être applicable dans différents domaines, mais elle
(Mini, 1sdx, p. 1r). (Sedlacek, 2l13, p. 1d5) est difficile à étendre à l’ensemble des aspects de la vie
Ainsi, dans la philosophie cartésienne, grwce à la sociale et humaine. Pourtant, erszberg constate que :
raison, on peut éliminer la présence du doute, peu L’excellence d’une démonstration mathématique ne
importe sa nature. dépend pas de la spécificité du sujet dont elle traite.
C’est la géométrie, avoue tescartes, qui l’a conduit à
imaginer que toutes les choses qui tombent sous la
L’idée d’universalité coupe de la connaissance humaine sont reliées entre
Concevoir un monde o tout peut s’exprimer en termes elles d’une manière analogue. En suivant jusqu’au
mathématiques, avec la raison comme un formidable bout la voie mathématique pour déchiffrer l’essence
instrument d’explication des phénomènes, procure un de ce qui est premier, la science universelle ainsi
caractère universel (valable pour tout, partout et en conçue permet de fonder les divers genres de sciences
sur un même principe général. (2l1x, p. 12)
tout temps) à l’approche rationnelle, cartésienne.

Frédérique surprend la conversation entre deux jeunes copilotes à la direction


VÉCUES
HISTOIRES

des opérations avant de partir en vol.


q T’as vu le film Sully l Tu sais, le pilote de l’avion qui a dû se poser rapidement après
le décollage parce que ses moteurs avaient été abîmés par des oiseaux l be gars a atterri
sur une rivière plutôt que sur les pistes de l’aéroport le plus proche, c’est dingue !
q Non, mais j’en ai entendu parler. l paraît qu’il a subi une enquête serrée aprèst
q Oui, les autorités lui reprochaient de ne pas avoir suivi les procédures. Mais en fait,
on sait bien que si les lois de la physique sont les mêmes pour tout le monde, il y a toujours
des éléments particuliers qui perturbent l’évaluation des variables importantes comme
la présence du vent arrière ou l’état de la piste.
q On pilote e aux fesses f comme on dit.
q Ben, l’évaluation de tous les paramètres du vol se fait par chaque pilote selon un mode
singulier de réaction et d’intégration des éléments dans un laps de temps très court. Sully,
lui, a pris moins de 1p secondes pour évaluer ses options et décider de poser son avion
sur l’vudson. bes simulations du constructeur ont essayé de montrer après l’incident qu’il
aurait pu retourner à baGuardia, mais elles ne correspondaient pas à la situation réelle !
bes pilotes étaient déjà prévenus de l’objectif à atteindre ! Dès qu’ils ont intégré au calcul
un temps de réaction de quelques secondes, plusieurs essais aboutissaient à des crashs.
ae comprends qu’on ait considéré que Sully avait finalement bien fait de sauver ainsi son
équipage, ses 150 passagers et d’épargner probablement bien d’autres vies aux alentours
de Nez cork !
Frédérique s’arrête pour intervenir dans leur discussion.
q kous avei raison, messieurs. Chacun de nous a des réactions différentes. Pensei à un
exemple simple, poursuit-elle : si je lsche mon crayon, il tombe. C’est vrai partout. C’est une loi
universelle de la physique. Mais si je prends mon crayon et que je vous le lance dans la face, les
réactions de chacun seront différentes. bes réactions des humains ne sont pas les mêmes.
q Ben oui, nous, pilotes, on essaie toujours de lui éviter un vol plané, à ce crayon !
rétorque l’un des deux en rigolant.
q Mais chacun à notre manière, si je comprends bien ! conclut son camarade hilare.

Pr t-à-Penser ou sur mesure ? • tt

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comme beaucoup de scientifiques de notre


époque, est convaincu que cette loi unique
Le management instrumental se fonde sur l’idée se trouve à portée de la main. Selon lui,
de l’universalité de l’approche rationnelle utilisant il ne s’agit pas de savoir si une telle loi
existe, mais plutôt de savoir quand cette
les principes de l’ordre et de la mesure inspirée loi va être découverte. Plus de 2l ans plus
des sciences exactes. tard, force lui est de constater, avec l’hon-
nêteté intellectuelle qui le caractérise,
que cette loi n’existe peut-être pas : a Il se
peut que l’espoir constant des physiciens
Cette croyance a profondément marqué, jusqu’à nos
d’une théorie unique de la nature soit vain, qu’il n’existe
jours, la manière de concevoir la science au-delà des
aucune formulation unique et que, pour décrire l’uni-
disciplines des sciences exactes. Aujourd’hui, on peut
vers, nous devrions employer différentes théories dans
constater à quel point même les sciences sociales et
différentes situations. b (mavking, 2l1l, p. 1x5)
humaines sont fondamentalement marquées par cette
approche universaliste, en admettant l’idée de la meB L’OST et autres théories ne sont donc
sure et de l’ordre. Nous n’avons qu’à penser à la place pas universelles
que les disciplines comme la psychologie, la sociolo- Si les phénomènes humains ne sont jamais totalement
gie, l’économie et même l’anthropologie ont accordée objectifs, et qu’il n’existe pas de loi unique pour expli-
à la mathesis universalis, en introduisant massivement la quer le monde humain, alors les théories formelles en
psychométrie, la sociométrie, l’économétrie et l’anthro- management que nous avons étudiées dans le chapitre
pométrie. Ces disciplines humaines et sociales ont été précédent (OST et administration classique), pas plus
envahies par l’idée séduisante qu’il existe un ordre uni- que d’autres, ne peuvent prétendre à l’universalisme ni
versel de la réalité humaine totalement accessible à la leurs outils et instruments prétendre à l’universalité. En
raison et qu’il est possible de formuler un certain effet, le cas étudié par Taylor ne peut être généralisé,
nombre (souvent petit) de lois simples pour l’expliquer de même que ses principes de l’OST ne peuvent être
et le majtriser. Il est ainsi séduisant pour certains de considérés comme optimaux ou universels.
recruter un employé aujourd’hui en mesurant son intel-
La démarche de Taylor est très déterministe alors
ligence et ses comportements au moyen de tests psy-
qu’il cherche à démontrer le meilleur moyen d’orga-
chométriques plutôt que par une entrevue en profondeur
niser le travail productif dans l’usine (voir la figure 1.1,
et en face à face avec ses futurs collaborateurs pour cer-
page 16). nappelons cependant que cette approche n’a
ner l’humain dans l’interaction et vivre un aperçu de la
de scientifique que la méthode de mesure des temps
qualité des relations possibles.
d’exécution des twches avec le chronomètre et qu’elle
tescartes pense, tout comme beaucoup de physiciens ne peut prétendre à l’universalité, puisque l’expé-
et de mathématiciens, qu’il existe une loi, une seule, qui rience de Taylor s’est limitée à quelques entreprises
régit tout dans l’univers. L’unité de cette loi fondamen- (la Midvale et la eethlehem Steel).
tale proviendrait du fait qu’elle unirait tous les éléments
constituants de notre monde. Cette idée de la théorie
unique de la nature a mobilisé les scientifiques durant
des décennies, notamment les physiciens et les mathé- L’administration n’est pas une science
maticiens. tans un succès de librairie paru en 1srr, exacte recouvrant une théorie universelle,
intitulé Une brève histoire du temps, Stephen mavking,
l’un des plus grands scientifiques de notre temps, pré- mais une doctrine, selon fayol.
tendait que d’ici quelques années nous allions découvrir
une théorie complète de l’univers. Certains scienti-
fiques, dont les adeptes de la théorie des cordes, l’ont te leur côté, les théories classiques résument sou-
nommée théorie-M (M-Theory). tans la pure tradition vent les expériences et la pratique de cadres supé-
des partisans du déterminisme scientifique2, mavking, rieurs quant à l’organisation et à la motivation de leur

2. Une fois que les conditions initiales d’un sastème sont définies, l’évolution future du sastème est déterminée et prévisible selon les lois phasiques.
kutrement dit, avec les mêmes conditions initiales, il ne peut a avoir plusieurs choix possibles, il n’existe qu’un seul trajet déterminé par les lois
de la phasique.

t4 • chapitre

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personnel. En conséquence, ces principes constituent d’organisation éprouvés dans des contextes parti-
non pas des lois scientifiques universelles, vérifiables culiers, mais elles reflètent aussi une vision sociale
et éprouvées, mais des guides empiriques. Fayol esti- conservatrice propre à l’époque. Malheureusement,
mait d’ailleurs pour sa part que l’administration était comme pour les théories formelles, certains auteurs
une doctrine et non une science. Ces théories clas- ont fait l’erreur de considérer ces opinions comme des
siques non seulement présentent des solutions pra- lois universelles, valables dans toutes les situations 3.
tiques aux problèmes de structures et de méthodes

2.3 Le management comme discipline


Le management est, pour les écoles théoriques du Pourquoi le concept de rationalité a-t-il trouvé un
courant formel, une science de la rationalisation. Nous terrain aussi fertile dans le domaine des sciences éco-
avons vu que c’est, entre autres, au cartésianisme hé- nomiques ? La réponse n’est pas simple, mais celle que
rité du siècle des Lumières que nous devons l’idée de nous apportent certains anthropologues économistes
rationalité. Pourquoi celle-ci s’est-elle introduite dans s’avère convaincante. Cette conception de la rationalité
la science du management, comme dans bien d’autres ? en économie, et aussi en management, permet d’ex-
clure le débat idéologique et d’imposer un système
Les racines économiques qui, malgré ses lacunes, apparaît comme le résultat
d’une démarche naturelle. Pour Godelier (1scs), la
de la rationalisation rationalité est en effet une question à deux volets.
Le management puise ses racines scientifiques et dis- • En économie, cette notion est toujours associée
ciplinaires dans plusieurs sciences au rang desquelles à des termes tels que rendement, efficacité, profit
figurent en premier les sciences économiques. La foi maximal, etc. Ces derniers sont considérés comme
inébranlable de tescartes dans les mathématiques et rationnels et scientifiques puisqu’ils peuvent être
la mécanique a beaucoup servi le développement de calculés et planifiés.
la pensée économique de notre temps et, par la même • Tant qu’on maintient le débat à ce niveau, on avance
occasion, de la pensée managériale. a Aucune autre l’argument scientifique, mais une fois que la question
science sociale n’a accepté les idées cartésiennes avec de la finalité du profit, du rendement maximal ou autre
autant d’enthousiasme que l’économie. b (Sedlacek, est posée, le débat perd son caractère pseudo-rationnel
2l13, p. 1dx) Nous reviendrons sur ce point un peu plus pour se rapprocher plutôt d’un discours idéologique.
loin. Ainsi, McCloskey constate que :
le modernisme promet un savoir
libéré du doute, de la métaphy-
sique, de la morale et de la convic-
Adopter la conception d’une science du management
tion personnelle ; ce qu’il livre inspirée de l’économie moderne permet d’évacuer le
rebaptise simplement sous le terme
a méthode scientifique b les méta- débat sur la dimension idéologique et de naturaliser
physiques, la morale et les convic- les méthodes de rationalisation utilisées.
tions personnelles du scientifique
lui-même et de l’économiste scien-
tifique en particulier ; ce ne peut
pas et ne doit pas être ce qu’il promet. (1sr3, p. xrr) Avec les thèmes de la légitimité du profit, de la
définition de la satisfaction individuelle, de l’avan-
En effet, ce type de courants de pensée économique tage collectif, il semble que toute rigueur scienti-
fait ainsi des simplifications absurdes qui réduisent les fique soit perdue pour faire place au conflit ouvert
êtres humains à a l’imbécillité volontaire b (Polanyi, des idéologies concernant le bien-être, la justice, etc.
1sc2, p. rr). (Godelier, 1scs, p. 15)

3. l’est l’objet, entre autres, des théories de la contingence de montrer que des contraintes comme la taille, l’uge, l’histoire ou l’environnement
influent sur les comportements des entreprises et différencient leurs modes d’organisation. Nous a reviendrons au chapitre e.

Pr t-à-Penser ou sur mesure ? • tk

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La notion de rationalité économique, comme nous Nous commençons à apercevoir ici les premiers
la connaissons aujourd’hui, est le résultat du mariage signes de l’emprise de la logique économique sur les
de deux notions, à savoir le comportement ration autres aspects de la vie sociale, étant donné que, dans
nel et l’entrée de l’action finalisée dans le champ de toute action, quelle qu’elle soit et indépendamment du
l’économie politique. Nous définissons ci après ces cadre de relations, nous commençons par établir des
deux notions. objectifs et des fins et nous mettons ensuite en place
les moyens les plus efficaces et les plus économiques
Un comportement rationnel pour les atteindre. Ce qu’il faut comprendre, c’est que
uu’est ce que le comportement rationnel ? Godelier cette logique rationnelle n’est plus seulement valable
reprend à son compte la définition de Maurice Allais dans le domaine de l’activité économique proprement
qui est communément acceptée par les économistes : dite, puisque dès lors tout devient économique.
Nous sommes obligés de recourir à la définition Comme le précise eurling :
qui nous semble se dégager de la logique scientifique Il n’y a pas de techniques ni de buts économiques
suivant laquelle un homme est réputé rationnel spécifiques. C’est seulement la relation entre des fins
lorsque : a) il poursuit des fins cohérentes avec elles et des moyens qui est économique. Si tout comporte
mêmes ; b) il emploie des moyens appropriés aux ment impliquant une allocation (de moyens) est éco
fins poursuivies. (Allais, 1s55, cité par Godelier, nomique, alors la relation d’une mère à son bébé est
1scs, p. 1r) également une relation économique tout autant que
Ainsi, le comportement humain rationnel n’est la relation d’un employeur avec son ouvrier salarié.
autre chose que l’établissement d’une série d’objectifs (1sc2, cité par Godelier, 1scs, p. 2l)
et la mise en place de tous les moyens disponibles On constate sans surprise que la genèse de la ratio
pour les atteindre, ce que nous qualifions « d’actions nalité développée notamment par les penseurs des gfIIe
finalisées ». Cela doit se faire dans un souci logique et gfIIIe siècles co ncide et se confond totalement avec la
d’efficacité, en économisant ses moyens pour obtenir genèse de l’activité marchande capitaliste.
un résultat maximum. Nous sommes
alors conduits vers un formalisme qui
ne concerne plus seulement le compor
tement rationnel dans l’univers écono
Le management instrumental est le bras exécutif
mique. L’action finalisée ainsi conçue d’une approche économique rationaliste dans un
régit les comportements humains même
dans les autres sphères de la vie sociale, système économique capitaliste.
politique, religieuse et autres.

L’action finalisée Si nous nous intéressons à la rationalité en écono


L’action finalisée fait son entrée dans le champ de mie, c’est parce que le lieu de la réalisation par excel
l’économie politique. Pour les économistes classiques lence du projet du capitalisme h faire du profit h, c’est
(Smith, nicardo, Marx, etc.), l’économie politique avait l’entreprise. tans cette perspective, le management
comme principale préoccupation la théorisation d’une devient le bras exécutif de l’approche économique en
sorte d’éthique dans le domaine de la production et de vigueur dans un système économique. Comme nous
la distribution de la richesse au sein des sociétés. Mais l’avons vu précédemment, dans l’approche rationnelle
avec la logique du comportement rationnel, l’écono et instrumentale, l’action finalisée ne concerne pas
mie politique devient la discipline de la théorisation seulement les questions économiques, mais l’ensemble
formelle de l’action finalisée. Ainsi, nobbins, repris des activités humaines. La pratique managériale
par de nombreux économistes, définit l’économie est alors l’incarnation de cette idée dans le quoti
politique comme a la science qui étudie le comporte dien d’une organisation. En mettant à l’avant scène
ment humain en tant que relation entre les fins et les les questions concernant l’efficacité, la performance
moyens rares à usages alternatifs b (1sxd, p. 3l). et l’optimisation dans une logique purement maté
Le mariage entre ces deux notions, à savoir le rielle, on impose la loi de la rationalité économique à
comportement rationnel et cette économie politique, la logique de la communauté humaine qui constitue
a comme conséquence un déplacement épistémolo l’entreprise. Encore une fois, les questions de finalités
gique important : toute action finalisée, rationnelle, sont éclipsées (objectifs de l’entreprise, bénéficiaires
devient économique, et réciproquement. du profit, responsabilité éthique de l’entreprise, etc.)

tc • chapitre

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au profit d’une réflexion sur les instruments qui per- outils scientifiques, comme le langage des chiffres,
mettront d’optimiser la performance de l’entreprise, équivaut à faire de la science. Or, il n’en est rien (voir
réduire le cokt de production, minimiser les ressources le chapitre 9). Ce n’est pas parce que nous utilisons un
déployées tout en maximisant les gains. outil scientifique que nous faisons de la science. Si une
diseuse de bonne aventure a recours à l’informatique et
prédit notre avenir à partir d’un algorithme bien élaboré,
La science du management :
nous ne dirons pas qu’elle fait de la science, même si elle
les sciences de gestion utilise un outil scientifique. En déformant la réalité à des
En plus d’un concept, le management est donc une composantes qui se veulent objectives, on réduit l’être
discipline qui puise largement ses théories dans des humain à un agent rationnel, c’est-à-dire qu’on dénie
champs de connaissances qui se veulent scientifiques et la psychologie humaine et la subjectivité de l’humain.
objectifs comme les mathématiques. Après les doctrines te plus, on donne une définition extrêmement réduc-
des technologues pionniers du management comme trice de cette rationalité, à savoir la maximisation des
eabbage, Taylor et Fayol, la discipline de la recherche intérêts dans un espace qui ne se définit que par la
opérationnelle, très importante en gestion, est née dans concurrence, le marché. Autrement dit, la logique de
cette logique. Elle consacre l’imposition de la mathesis l’action finalisée devient la logique de tout être humain
universalis dans le champ du management. Autrement et de toute société, y compris, et surtout, en entreprise.
dit, en recherche opérationnelle, tout problème de Il est vrai cependant que le management mobilise
management peut se définir et se décrire sous forme des approches et des instruments scientifiques en tant
mathématique. Il y a ici un glissement épistémologique que discipline de connaissance de l’humain s’organisant
de taille, une certaine réduction de la réalité. Dans cette collectivement. Pour s’humaniser, le management
approche instrumentale, régler un problème mana- comme discipline scientifique doit donc puiser dans des
gérial revient à résoudre un problème mathéma- théories qui guident les pratiques au sein de plusieurs
tique. L’inscription d’une difficulté managériale dans le domaines au-delà des sciences exactes et des appro-
champ disciplinaire des mathématiques semble rassu- ches mathématiques des problèmes afin de mieux
rante quant à la possibilité d’en trouver la solution. Ce aborder la complexité humaine. C’est pourquoi on
faisant, on réduit cependant la situation managériale à parle souvent des sciences de la gestion au pluriel,
ce que les mathématiques peuvent en décrire. te plus, comme un ensemble de sciences alimentant le manage-
dans la continuité de la pensée de tescartes et de ses ment. Ces dernières et leur objet principal sont inven-
disciples d’aujourd’hui, on pense que l’utilisation des toriés dans la figure 2.2 (voir la page suivante).

q ja va l Ta figure est toute rouge, demande Robert qui était en train de


VÉCUES
HISTOIRES

se servir un verre d’eau à la fontaine.


q ja va, réplique Jean-Yves. ae fais une overdose de conneries.
Robert le regarde avec une attitude incertaine. l se demande s’il doit rire
ou être offensé.
q ae m’excuse Robert, je ne voulais pas être agressif, ajoute aean-cves
en remplissant son verre à son tour.
Robert lui répond d’un sourire.
q ae ne sais pas si c’est parce que je manque de patience aujourd’hui, mais
il fallait que je prenne une pause. On a amputé mon équipe de quatre techniciens
cette année. Ce qui fait qu’on a beaucoup de difficulté à atteindre les objectifs.
Et au lieu de réembaucher du personnel pour nous aider, la direction nous paye
une formation sur la gestion du temps et la gestion des émotions. a’ai l’impression
de faire rire de moi. ae sais pas pour toi, mais moi, au lieu d’échéances, de
diagrammes, d’objectifs irréalistes, je préfère gérer du vrai monde. Bon, il faut
que j’y retourne.
q Bon courage !

Pr t-à-Penser ou sur mesure ? • t7

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FIGURE 2.2 Les sciences aux origines de la discipline du management

kénie Psychologie

Attitudes et
Mathématiques
comportement Sociologie
Procédés
humains

Recherche Lien social


opérationnelle

Sciences
Marché, Pouvoir et politiques
gconomie
Homo gouvernance
œconomicus Management

Réglementation
Santé et et législation
corps
croit
Médecine

bulture
Écosystème
et
connaissance
Anthropologie
Sciences
naturelles

Philosophie

Le management, pratique de gestion des choses et exactes et surtout au-delà d’une seule discipline pour
de gouvernement des hommes, n’est donc pas que le entrer dans l’interdisciplinarité et la transdiscipli-
fruit de théories issues des sciences exactes ; il découle narité (voir le chapitre 4).
aussi et surtout de différentes disciplines des
sciences sociales et humaines. En effet, on
ne peut isoler un phénomène managérial en
Le management repose sur une pluralité de
quelques sous-éléments distincts et sépa-
rables. i l’heure de la complexité des pro- disciplines de connaissances et sur une variété
blèmes et des phénomènes humains, nous
verrons que nourrir un savoir en manage-
d’approches théoriques et méthodologiques, et
ment, c’est alimenter un corpus de connais- pas seulement sur une approche mathématique.
sances au-delà du seul espace des sciences

ts • chapitre

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2.4 Le management comme métier


Le management est aussi un métier. Au quotidien, jour à une semaine maximum, ss l’étaient en moins
le travail du manager est de faire des choses avec un d’un an (Coriat, 1sds, p. dd). Appliquant ces principes
usage raisonné de techniques (techne). Il agit éga- de rationalisation du travail, Ford décrira comme
lement par la force des habitudes et à partir d’une suit son usine au début du gge siècle :
sagesse pratique (phronesis) tirée des connaissances i la fonderie, par exemple, o autrefois tout le tra-
expérientielles, pas forcément réfléchies, qu’il possède vail se faisait à la main et o il y avait des ouvriers
sur ces choses (voir l’encadré 2.1, page 29). qualifiés, il n’y a plus, après rationalisation, que 5
uuelles ont été les conséquences du travail des de modeleurs et de fondeurs réellement spéciali-
managers de métier que furent en leur temps Taylor, sés. Les s5 restants sont a spécialisés b dans une
Fayol et les praticiens, tenants des approches formelles seule opération que l’individu le plus stupide peut se
du management : l’OST, l’administration classique et rendre à même d’exécuter en deux jours. Le montage
l’organisation bureaucratique (voir le chapitre 1) ? eref, se fait entièrement à la machine o…p. (1s2d, p. 115)
quels furent les résultats et quelles ont été les critiques
portées à l’encontre de l’exercice du métier de mana-
ger à partir du corpus théorique des connaissances Le taylorisme dépossède le travailleur
proposé par le courant formel ? Au vu des explications
précédentes sur la rationalité instrumentale et le pri-
de son savoir spécialisé.
mat de la logique économique, il n’est pas surprenant
de constater les critiques liées à une conception limi-
tée de la nature humaine et à des pratiques d’organi- Comme Smith (1sdc) ou de Tocqueville (1rxl) l’avaient
sation du travail déshumanisantes. déjà observé en leur temps, la séparation de la planifica-
tion et de l’exécution des twches et le déplacement des
savoirs vers la direction contribuent à l’aliénation et à
Les critiques du modèle de l’OST la monotonie du travail. En outre, ils sont contraires à
Aujourd’hui, on s’aperçoit que l’échec relatif de l’OST l’esprit démocratique, en ce sens qu’ils ne permettent
de Taylor est imputable à ses conséquences sur la pas d’associer les travailleurs aux objectifs de la direction
nature du travail et sur le climat qui règne dans l’entre- (Crozier, 1sc3 ; Ellul, 1s5x ; Sainsaulieu, 1sd3).
prise ( nights, yillmott et Collison, 1sr5 ; Scarbrough Pire encore, de l’organisation du travail prônée
et Corbett, 1ss2 ; Shostak, 1ssc ; yall, Clegg et emp, par Taylor, le fordisme h du nom du système d’orga-
1srd). La rationalisation conduit à dépecer le travail nisation du travail fondé sur la chajne de montage
pour en confier les éléments conceptuels aux élites et à inventé par Ford, le constructeur automobile, en 1slr h
déposséder le travailleur de toute intelligence ou de tout renforce les phénomènes aliénants en ajoutant deux
savoir ou savoir-faire particulier pour en faire un quasi- contraintes majeures pour l’ouvrier :
automate. a L’attention, privée d’objets dignes d’elle,
• la mécanisation : le recours systématique aux
est par contre contrainte à se concentrer seconde par
machines pour économiser sur la main-d’œuvre de
seconde sur un problème mesquin, toujours le même,
manutention. Par exemple, le nombre de machines
avec des variantes : faire 5l pièces en 5 minutes au lieu
utilisées chez nenault, le constructeur automobile
de c, ou quoi que ce soit de cet ordre. Grwce au ciel, il y
français contemporain de Ford, est passé de xll en
a des tours de main à acquérir, ce qui donne de temps
1sl5 à 2 25l en 1s1x (Coriat, 1sds, p. dd) ;
à autres de l’intérêt à cette recherche de vitesse. Mais
• la fixation autoritaire d’une cadence de travail et
ce que je me demande, c’est comment tout cela peut
non d’une norme individuelle comme chez Taylor.
devenir humain… b, raconte ainsi
Simone yeil (2ll2, p. 52) de son
expérience d’ouvrière. te fait,
x3 des employés chez Ford en Le taylorisme contribue à l’aliénation des êtres humains
1s2c recevaient une formation de
moins d’une journée, 3c étaient au travail. Le fordisme les conditionne en automates.
formés pendant une période d’un

Pr t-à-Penser ou sur mesure ? • tl

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L’ouvrier devient un instrument de l’entreprise t’une part, l’ouvrier abruti par la quantité et la vitesse
au même titre que sa machine. Il est mis au service de son travail n’a pas le temps, ni l’espace, ni l’éner-
de sa machine au moyen de réflexes conditionnés, gie de penser. t’autre part, le travailleur, obsédé par le
tel un automate. La conception du travail est en effet rythme de sa machine, tend à s’isoler des autres dans la
très sommaire et essentiellement physiologique. Elle quête de sa propre norme de rendement h norme sou-
consiste principalement en un calcul de normes de ren- vent inaccessible pour qui n’est pas un homme costaud
dement sur la base de l’apparition de la fatigue physique à l’époque h pour ne pas être renvoyé (yeil, 2ll2). Les
et elle néglige les composantes psychologiques (alié- principaux apports, mais surtout les principales cri-
nation) et sociologiques (individualisation) du travail. tiques de l’OST, sont résumés dans le tableau 2.1.

TABLEAU 2.1

Les apports et les limites du modèle de l’OST


• Démarcation nette entre les prérogatives des gestionnaires (conception des tuches) et les obligations
des travailleurs (exécution)
Principales • knalase et découpage du travail sur une base scientifique
contributions • kdéquation entre les exigences des tuches et les capacités réelles des travailleurs
• Reconnaissance de liens entre l’engagement des travailleurs et les récompenses économiques
• kccroissement de la productivité
• Perception des travailleurs en tant qu’automates v conception du travail comme devenant quasi indépendant
de tout savoir-faire particulier ou aptitude particulière
Points faibles • kliénation et désintéressement des travailleurs
• kbsence de prise en compte des besoins sociaux des personnes
• kvantages pour les entreprises au détriment des membres

Les critiques de l’administration


classique
Nous avons décrit le contexte et détaillé le contenu
de la théorie fayolienne de l’administration classique
dans le chapitre 1. En s’intéressant surtout à des fac-
teurs d’ordre structurel, la doctrine de l’administration
classique de Fayol élimine de son schéma conceptuel
les comportements réels, les interactions humaines, les
relations de pouvoir, les motivations et les besoins psy-
chologiques d’identification à l’entreprise. Les auteurs
des théories behavioristes que nous décrivons dans le
chapitre 3 se chargeront de rectifier le tir. Le tableau 2.2
récapitule les apports et les limites des principes de
l’administration classique avancés par Fayol (1s1c). jne aire de travail ouverte, divisée en cubicules

TABLEAU 2.2

Les apports et les limites de l’administration classique


• kdministration décomposée sur la base de fonctions clés (POlll)
Principales • Principes d’administration qui guident la gestion du corps social dans un souci d’efficacité
contributions • lonsidération des besoins économiques et éthiques qui amènent les membres de l’entreprise à collaborer
• ubordination des intérêts individuels aux intérêts collectifs
• Prise en compte trop sommaire des considérations humaines (psachologiques et sociales), ces considérations
Points faibles
s’appuaant seulement sur le sens éthique des dirigeants : une vision utopique

40 • chapitre

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La critique de l’organisation la possibilité de toute initiative individuelle ou col-


lective. Il prive aussi chacun du sens de la responsa-
bureaucratique bilité, car il ne fait appel qu’à l’obéissance aux règles,
L’organisation rationnelle-légale, ou bureaucratique, et non à l’intelligence, même si ces règles sont inu-
fondée sur la centralisation, la hiérarchisation et la spé- tiles ou ont perdu leur raison d’être (March et Simon,
cialisation de ses membres a produit des effets a révo- 1s5r ; Merton, 1sxs), et non à l’intelligence. uui plus
lutionnaires b dont nous avons parlé dans le chapitre 1 : est, l’excès de spécialisation isole chacun et détruit les
une égalité de traitement des individus contre tout arbi- solidarités vis-à-vis d’un plus grand ensemble dont
traire, la rationalisation des décisions et une prévisibilité chaque travailleur fait partie. La bureaucratie dans sa
plus grande des comportements. yeber constate que : forme pathologique génère donc de l’irresponsabilité,
a La bureaucratie présente un caractère rationnelÉ : son de l’inertie, un désintérêt pour la chose et la cause
action est dominée par la règle, les objectifs, les moyens, commune, en dehors de son secteur compartimenté
l’impersonnalité objectiveÉ. b (2l15, p. 11r) Cependant, d’intervention. te plus, la bureaucratie opprime cha-
nous verrons dans le chapitre c que la rationalité parfaite cun à l’intérieur de sa sphère d’intervention très déli-
est impossible. te plus, la bureaucratie a eu plus géné- mitée en particulier quand le travail y est répétitif et
ralement des conséquences néfastes, qui ont été étudiées monotone (Morin, 2l11). On observe alors des phéno-
en profondeur au fil de la seconde moitié du gge siècle par mènes de blocages, car les travailleurs peuvent user de
des sociologues américains (elau, 1sc3 ; Goulder, 1s5s ; leur pouvoir à l’intérieur de leur zone et manifester leur
Merton, 1sxs ; Selznick, 1scc) et français (Crozier, 1sc3). mécontentement par la grève du zèle ou un comporte-
Aujourd’hui, on qualifie en effet souvent de a bureau- ment procédurier, par exemple. Ces ralentissements et
cratiques b de façon péjorative des formes a dégéné- ces blocages traduisent un malaise d’ordre managérial.
rées b d’organisations se voulant rationnelles-légales. Le cercle vicieux bureaucratique (Crozier, 1sc3) s’en-
La bureaucratie est en effet devenue une pathologie qui clenche, telle une gangrène, quand le management, au
gruge l’organisation, en particulier les grandes admi- lieu d’essayer de trouver l’origine du malaise, émet de
nistrations publiques nationales et internationales (Or- nouvelles règles pour tenter de résoudre les dysfonc-
ganisation des Nations unies, Unesco, etc.), les grandes tionnements et de renforcer son contrôle centralisé, tout
entreprises multinationales, voire la société tout entière en restant déconnecté de la réalité et en stimulant d’au-
(Graeber, 2l15). Le tableau 2.3 relève ainsi les apports, tant plus de résistances (voir la figure 2.3, page suivante).
mais aussi les limites de l’organisation bureaucratique. Comme l’explique Crozier :
Une organisation qui s’est bureaucratisée de façon Ceux qui décident ne connaissent pas directement
pathologique est une organisation a qui n’arrive pas à les problèmes qu’ils ont à trancher ; ceux qui sont
se corriger en fonction de ses erreurs b (Crozier, 1sc3, sur le terrain et connaissent ces problèmes n’ont pas
p. 2xd). L’excès de centralisation, de hiérarchie et les pouvoirs nécessaires pour effectuer les adapta-
tions et pour expérimenter les innovations devenues
de formalisation de règles et de procédures grève
indispensables. (1sc3, p. 251)

TABLEAU 2.3

Les apports et les limites de l’organisation bureaucratique


• hestion fondée sur la rationalité, l’impersonnalisation et la régularité des comportements
• kutorité et subordination dans les entreprises : valeurs intériorisées par les membres dans la société
• Recrutement des personnes en fonction de l’expertise et non sur la base des relations personnelles
Principales
• kccent mis sur les postes plutôt que sur les personnes
contributions
• Définition précise des tuches et élimination des actes subjectifs
• Recours aux structures hiérarchisées, aux règles, aux normes et aux conventions formelles
pour l’intégration des membres et la transmission des informations
• mnflexibilité des règles et des normes
• gonctionnement dans un contexte de stabilité
• Ralentissement du processus décisionnel
Points faibles
• tructures organisationnelles plutôt rigides
• tale de gestion autoritaire et concentration du pouvoir au sommet de l’entreprise
• mncompatibilité avec la créativité et l’innovation

Pr t-à-Penser ou sur mesure ? • 41

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FIGURE 2.3 Le cercle vicieux de la bureaucratie

Routine
Ritualisme
Rigidité dans
Renforcement de la réglementation le comportement Difficulté de communication avec
et des procédures de travail des employés les supérieurs et le public

Tendance à l’autoritarisme et à Difficulté pour Mauvaise circulation de l’information


la centralisation des décisions la hiérarchie et de la connaissance des problèmes
de prendre
des décisions
adaptées

ource : Etienne, wloess, Noreci et Roux, 2004, p. d3.

Julie-Aude est furieuse. Elle revient du ministère oh elle n’a pas obtenu le passeport
VÉCUES
HISTOIRES

qu’elle espérait pour faire son stage de journalisme à l’étranger. l lui reste si peu de temps
pour remplir les formalités d’usage qu’elle se demande si elle pourra partir. Sa mère lui sert
un thé et des beignes en espérant la calmer.
q Qu’est-ce qui s’est passé, ma chouette l demande-t-elle.
q a’ai passé quatre heures dans la file d’attente pour me faire demander le même papier
que j’ai déjà envoyé, mais à un autre service, et ils n’ont pas voulu vérifier. ba préposée avait
juste à se lever et à aller leur demander, ils sont voisins de cubicule !
aulie-Aude attrape un beigne à la confiture.
q l faut que j’y retourne quand le papier sera arrivé ! ja veut dire qu’il va falloir que
je refasse la file ! ajoute-t-elle dépitée.
q C’est dingue, il est arrivé la même chose à ton père quand il a voulu renouveler son
passeport ! ba file, même en serpentins, pour donner l’impression d’être tout le temps en
mouvement, lui paraissait sans fin.
Frédérique se lève pour attraper le lait qui était resté sur le comptoir et en verse
quelques gouttes dans le thé de sa fille.
q ae sais, renchérit aulie-Aude. ls préfèrent gérer la file d’attente plutôt que de régler
les problèmes. Moi, ils avaient mis deux guichets : un pour que tu retires un ticket et ailles
signaler ton arrivée et la raison de ta visite et un deuxième pour que tu retires un autre
ticket en lien avec l’objet de ta visite. On essaie de te faire croire que c’est plus court,
mais c’est faux !
q Et imagine combien de personnes de cette file sont là pour la deuxième ou la troisième
fois, parce qu’on n’a pas réussi à régler leur problème la première.
q Si tant est que la personne sache quel est son problème et qu’elle ait le bon ticket
après la première filet Sinon, retour à la case départ !
aulie-Aude souffle sur son thé.
q On dirait la maison des fous dans Les douze travaux d’Astérix. C’est quoi l’adage déjà l
Sa mère lève les yeux au ciel pour réfléchir.
q Ah, oui, je me souviens : il n’y a pas de problèmes que l’absence de solutions
ne saurait régler.
Elles s’esclaffent toutes les deux, puis aulie-Aude reprend son air sérieux.
q C’est pas drôle.

42 • chapitre

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2.5 Le management comme porteur d’une idéologie


Sur le plan social, il est difficile de proposer les pra- des sciences exactes en établissant des règles pseudo-
tiques de l’OST comme étant le meilleur mode d’or- objectives et des approches universalistes (c’est-à-dire
ganisation de la manufacture. te plus, l’histoire a des règles et des recettes qui s’appliquent partout et
démontré, au grand désespoir de Taylor lui-même, en toute situation). La dimension toujours relative,
que le système taylorien a été appliqué plus souvent au mouvante, imprévisible et subjective du management
profit des patrons qu’au profit des employés. Aktouf est en effet très déstabilisante aussi bien pour les ges-
(2llc, p. x2) rappelle ainsi que même si la eethlehem tionnaires que pour les chercheurs, les universitaires
Steel a réalisé des économies en salaires grwce au ren- et les consultants. Cette dimension contextuelle nous
voi de xll à x5l ouvriers sur cll après la réorganisa- rappelle aussi l’importance de bien arrimer nos actes,
tion scientifique du travail dans l’usine et des gains de nos pensées, nos décisions et nos prises de position en
productivité de rll , les travailleurs, eux, n’ont reçu fonction des différentes situations. Pour ces raisons, ce
qu’une augmentation de salaire de cl . te même, le livre ne considère pas que le management peut être
constat de yeber (1ss5b) sur l’impact de l’émergence réduit à des recettes pratiques magiques ou univer-
de la forme bureaucratique sur la perpétuation d’iné- selles. C’est là une vision erronée du management,
galités entre classes sociales accédant aux postes de dans la mesure o les organisations sont constituées
fonctionnaires pousse à une réflexion critique sur la avant tout d’êtres humains qui, eux, sont porteurs de
portée idéologique du management et des choix de subjectivité. Nous sommes ici au cœur d’une contra-
ceux qui le pratiquent sans le réfléchir. diction fondamentale du management d’aujourd’hui
qui cherche à concilier l’inconciliable : objectiver la
La logique de l’idée subjectivité de la personne.

du management scientifique
Oser la réflexivité
Si le management n’est pas universel, en quoi reflète-
t-il des rapports sociopolitiques et économiques précis Les théories et les modèles conceptuels en adminis-
porteurs d’idéologies distinctes ? Nous avons montré tration servent donc d’appui aux gestionnaires dans
que la mathématisation des problèmes managériaux leurs décisions, voire alimentent leurs pratiques de
évacue les questions éthiques, humaines et subjectives gestion et transforment leurs organisations et par-
pourtant dominantes dans les organisations. Or, le fait fois la société tout entière. Pour penser de façon cri-
d’exclure ces dimensions a une portée idéologique. te tique, il faut donc comprendre en quoi le management,
fait, une certaine idéologie, ou plutôt un certain corpus c’est-à-dire l’approche et le système managérial (voir
de connaissances – dominant par rapport à un autre – le chapitre 5), ainsi que la discipline du management,
et servant cette idéologie, est largement valorisée au s’est transformé avec le temps, et ce, différemment
nom de l’objectivité scientifique. selon les grands systèmes capitalistes et sociopoli-
tiques contemporains au sein desquels il évolue. C’est
Ainsi, une approche managériale, c’est-à-dire
la raison pour laquelle nous tentons de comprendre
une philosophie de gestion adoptée dans une entre-
la pratique du management (ce métier) à travers les
prise (voir le chapitre 5), n’est pas une chose qui se crée
principales théories qui l’ont érigé au fil de l’histoire
toute seule sans lien avec notre perception socioéco-
au rang de discipline scientifique et que nous tw-
nomique. Nous gérons une entreprise à l’image de
chons de reconnajtre au cœur des enjeux et des débats
la culture et des valeurs d’une société. uuand nous
actuels des pratiques de management inspirantes
parlons de culture et de valeurs, nous ne sommes
pouvant servir de soubassement à un management
pas dans l’univers des sciences exactes et des théories
réhumanisé dans la société actuelle.
universelles, mais dans le relatif, le particulier et l’im-
prévisible, ce qui rend l’action et la prise de décisions Car être un manager intelligent et responsable sup-
plus difficiles. C’est pourquoi certains chercheurs et pose une réflexivité. nevenons à la réflexivité évo-
praticiens du management, pour réduire l’incertitude quée par les penseurs grecs (voir la page 31) : que vaut
inhérente à la complexité des systèmes économique et ce que je sais ? Et ce que je sais s’applique-t-il à la situa-
sociopolitique o s’insère l’entreprise, veulent élever tion ? Et que vaut ce que je fais ? Il s’agit de remettre en
le management ou les instruments de gestion au rang cause de façon permanente ses certitudes dans le

Pr t-à-Penser ou sur mesure ? • 4t

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dialogue, le débat avec autrui, bref dans un mou­ est au cœur de la tradition millénaire de production
vement constant des connaissances « du dehors au­ de connaissances en Occident. Comment comprendre
dedans » et « du dedans vers le dehors » (Gusdorf, autrement le silence sur le scandale des suicides dans
1sc3, p. 1r). La pratique managériale réflexive n’obéit une grande entreprise de télécommunications fran
pas seulement aux règles et aux modèles, mais elle çaise, au moment de sa restructuration brutale en
remet en cause ses propres pratiques en fonction de 2llc ? Le nouveau patron annonce qu’en trois ans,
l’évolution du contexte. C’est une pratique qui se 22 lll salariés devront avoir quitté l’entreprise, et près
pense en situation dans la mouvance des change de 1x lll autres devront avoir accepté une mutation
ments de la société, de l’environnement, etc. géographique, souvent très éloignée. Il met au point
une stratégie de découragement et de sape du moral
des employés, inspirée des étapes psychologiques du
deuil. eilan : cl personnes se sont suicidées pendant
La pratique managériale réflexive est
cette période, dont 35 en 2llr et 2lls. Comment les
une pratique qui se pense en situation managers de la haute direction ont ils réagi ? tevant
ces suicides, certains opposaient un argument choc :
et se remet constamment en question. le taux de suicide dans l’entreprise se situait dans la
normale de la société. Il n’y avait donc pas lieu de s’in
quiéter… Une telle réponse est typique d’une absence
Or, comme nous l’avons déjà dit, de nos jours, la de réflexivité. Les managers ne remettent pas en
raison instrumentale associée à une prédominance de question les informations qu’ils avancent, en l’occur
l’idéologie économique maximaliste et court termiste rence ce taux de suicide, même s’il est vrai, alors qu’ils
dans l’activité de production de connaissances neutra devraient s’interroger sur les raisons de ces suicides et
lise la réflexivité. Le souci de la pertinence et de la vali y voir une tragédie humaine. Jusqu’o peut on ainsi
dité de ce que nous faisons se trouve sacrifié alors qu’il choisir le savoir qui nous arrange ?

Le management est avant tout un phénomène humain


Si la tentative de réconciliation entre employeurs et • la domination du contrôle, de la centralisation et des
employés par l’entremise de la rationalisation du tra communications à sens unique (et d’un style de ges
vail, de la clarification et de l’instauration de règles et tion autocratique) au détriment de l’autonomie et
de procédures formelles est louable, soulignons que de l’épanouissement individuel (aliénation, retrait
le courant de pensée formelle ou technique n’a pas des employés) ;
atteint cet objectif, et nombre de critiques ont été for • la priorité accordée aux objectifs économiques de
mulées à son endroit. On lui reproche ainsi : l’entreprise (efficience et efficacité) et la minimisa
• son déterminisme ; tion de la prise en compte des influences sociales et
• la rationalisation abusive, o la personne devient un humaines (progrès social).
automate au service de l’entreprise, et non l’inverse ; Le management dit moderne ou scientifique
• la généralisation abusive, ces lois n’étant pas appli consacre, sur le plan idéologique, la figure de l’Homo
cables à toutes les situations ; œconomicus, rationnel, a culturel, sans subjecti
• la domination de l’autorité, qui risque d’occasionner
vité, mais la réalité humaine exige une conception
des conflits ; plus riche à laquelle se sont attachées les approches
humaines du management que nous aborderons dans
• l’engagement total dans la rationalité, l’imper
le prochain chapitre.
sonnalité et la régularité du fait d’une gestion
technocratique ;

44 • chapitre

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CHAPITRE

LES JALONS
HISTORIQUES DE
t
L’HUMANISATION
DU MANAGEMENT
LE COURANT HUMAIN ET BEHAVIORISTE ie courant humain et behavioristec ’est inEumain travail
du management est né en réaction au courant technique centré sur la rationalité.
parcellaire la tQcEe
Il contient plusieurs approches théoriques que l’on peut regrouper en trois
mouvements. Nous examinerons d’abord le mouvement des relations humaines,
organisation purement
qui ne remet pas fondamentalement en cause l’approche taylorienne du travail, ureaucrati ue des
mais qui tente de comprendre l’articulation entre le facteur humain et la rapports entre les divers
productivité du travail. Nous verrons ensuite le mouvement de la direction éléments de l’entrepriseI
humaine que nous associons aux travaux de Follett (cg2e) et de harnard (cgdf),
les diMMérentes opérations
tous deux très ancrés dans la pratique du fait de leur propre activité de
gestionnaire ou de consultant en organisation. Enfin, nous nous pencherons
du travail. K L e ue
sur le mouvement participatif, une approche de gestion axée sur la participation, Ne me demandeI c’est
qui met l’accent sur la dimension humaine et sur l’idéal démocratique. comment tout cela peut
devenir Eumain
(Weil, 2002, p. d2)
3.1 Le mouvement des relations humaines
Selon le mouvement des relations humaines (Mnm), éthique, logique, philosophie et psychologie, il a aussi
l’entreprise forme un organisme social que la direction suivi des cours de médecine, ce qui explique sa propen-
doit gérer grwce à un style de commandement associatif. sion à utiliser des métaphores biologiques liées à l’orga-
Les principaux chefs de file en sont noethlisberger et nisme dans ses réflexions. Mayo est l’un des premiers
tickson (1s3s), momans (1s5l), yhyte (1s55) et Mayo à s’intéresser au phénomène de la fatigue industrielle
(1s33, 1sx5). Si les premiers (notamment noethlisberger au milieu des années 1s2l. tès 1s23, il mène des tra-
et tickson) font le compte-rendu le plus complet vaux sur les origines et la dimension psychologique
des célèbres études menées à partir des années 1s2l de la fatigue dans une usine textile de la région de
dans l’usine de mavthorne de la yestern Electric, Elton Philadelphie o il constate que l’introduction régulière
Cayo est incontestablement leur mentor. Spécialisé en de x à c pauses de 1l minutes dans la journée de travail

1. Le behaviorisme (ou comportementalisme) est la science de l’étude des comportements observables et mesurables de l’individu déterminés par des stimuli
internes ou externes (environnement). Elle repose souvent sur des expérimentations, des tests et des mesures psachométriques par questionnaire. Elle s’écarte
du psachisme et des approches en psachologie fondée sur l’introspection (conscience, inconscience, sujet) pour se centrer sur les phénomènes d’adaptationt
apprentissage observables des êtres dans un contexte donné.

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • 4k

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améliore la productivité et le moral des ouvriers en bri- (turkheim, 1scd, p. 22). tans le champ d’analyse du
sant, entre autres, la monotonie. Après les expériences Mnm, la société devient l’usine. Le cadre organisation-
de mavthorne, Mayo est par la suite considéré comme nel de l’usine est défini par la hiérarchie, les règles et
le père fondateur du Mnm. les plans émanant de la direction. uuant aux tenants
La préoccupation de ces auteurs à l’égard de la réa- de l’école de pensée de Pareto, ils se rallient à l’idée
lité du travail à l’usine pour l’être humain découle de que les dirigeants (l’élite administrative) ont la respon-
deux intentions : sabilité de gérer les relations sociales, de façon à créer
des milieux de travail harmonieux et intégrateurs, et à
1. la volonté d’améliorer la condition ouvrière par
permettre aux travailleurs d’y retirer des satisfactions.
une modification du climat social de façon à contrer
teux orientations complémentaires caractérisent
l’isolement des travailleurs ;
également le Mnm. La première consiste à concevoir
2. le désir de rectifier les modes formels d’organisa-
le système humain de l’entreprise comme un ensemble
tion pour améliorer, ce faisant, la productivité.
complexe de groupes formant un organisme social
Le Mnm emprunte ses bases théoriques à la fois autoéquilibré. La seconde définit la personne comme
à la sociologie de turkheim sur le fonctionnement un être affectif dont le comportement et les attitudes
de la société moderne et à celle de Pareto sur les rôles peuvent s’adapter ou ne pas s’adapter aux moyens, aux
des élites. Selon turkheim, dans une société, seul le méthodes et au milieu social de l’usine. Ces travaux du
groupe (professionnel) peut restaurer une cohésion Mnm sont précurseurs, avec les travaux des écoles for-
sociale du fait de son pouvoir moral de produire des melles, de la science de l’ergonomie du travail, visant
règles sociales. Il permet a de contenir les égo smes à organiser plus méthodiquement le travail en matière
individuels, d’entretenir dans le cœur des travailleurs de confort, de sécurité et d’efficacité. Ils trouveront
un plus vif sentiment de leur solidarité commune, aussi des prolongements dans les champs des relations
d’empêcher la loi du plus fort de s’appliquer aussi bru- industrielles et de la psychologie organisationnelle.
talement aux relations industrielles et commerciales b

Aujourd’hui, Julie-Aude se fatigue et s’ennuie dans sa tsche répétitive


VÉCUES
HISTOIRES

de caissière. Elle tend l’oreille. Sur les ondes de la radio qui anime l’ambiance
routinière de son magasin, une vieille chanson : e t Comme on dit dans la fleur
de l’sge a’suis rentrée à factrie d’coton ku qu’les machines font trop d’tapage
a’suis pas causeuse de profession t . f
Une cliente l’interrompt. Scan. Bip. Scan. Bipt
e Pourtant à cause de mes heures a’peux pas vous décrir’ mon parcours
a’vois rarement les choses en couleurs ku qu’y fait noir aller-retour t f
Scan. Bip. Scan. Bipt
ba cliente sourit en reconnaissant la chanson et fredonne la fin :
e Maint’nant j’ai pu rien à vous dire a’suis pas un sujet à chansont f
q kous la connaissei bien, commente aulie-Aude.
q Oui, da me rappelle des souvenirs. a’ai travaillé dans une usine de textiles
à Sherbrooke au milieu des années 50. On s’épuisait toute la journée sur
les lignes de fabrication. Comme toi sur ton tapis, ajoute la cliente en lui jetant
un regard complice.
q Et comme vous, certainement, j’ai très hste qu’arrive la journée du samedi
pour avoir enfin congé, lui répond aulie-Aude avec un sourire en lui remettant
son sac.
q Pas tout à fait, moi je travaillais aussi le samedi, renchérit la cliente en lui
faisant un clin d’œil.
ource : Desrochers, l. (1f62). La vie d’gactrie. Clémence Desrochers xklbumy. Montréal, Québec : élect. kvec
la permission des bditions haloche mnc.

4c • chapitre E

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L’usine d’cawthorne de la Western electric, à bicero, kllinois

Les expériences de Hawthorne ou financiers (la méthode de rémunération). Ils ont


observé que, peu importe le changement introduit, la
Les hypothèses du Mnm émanent de l’analyse des production augmentait, pour ensuite se stabiliser à un
données de recherches empiriques réalisées à l’usine niveau élevé.
de mavthorne de la yestern Electric (fabrication de
matériel téléphonique pour le compte d’AT T), dans
la région de Chicago, au cours des années 1s2l et
1s3l. Mayo, entré à la marvard eusiness School en 1s2c, Les expériences de Halthorne sont
supervise les expériences de mavthorne à partir de 1s2d emblématiques du MRH, qui établit
jusqu’en 1s32 alors que plusieurs études ont déjà été
entreprises par la yestern Electric depuis 1s23. le lien entre la satisfaction sociale
Une première série d’expériences, menées avant l’ar- et la productivité.
rivée de Mayo et inspirées du courant de la pensée
formelle rationnelle, avait eu comme objectif de mesu-
rer la relation entre l’éclairage (facteur indépendant) La conclusion fondamentale des chercheurs, à la suite
et la productivité (facteur dépendant). Or, quel que de ces deux séries d’expériences, a été que la satisfac-
soit le changement d’éclairage introduit, les groupes tion des personnes au travail en groupe, du fait, entre
modifiés ou témoins augmentaient tous leur produc- autres, d’un sentiment d’appartenance sociale, exerce
tivité. Les chercheurs ont conclu que l’éclairage n’était une influence plus grande sur leur comportement au
qu’une des variables modifiant la productivité et qu’il travail et sur leur niveau de production que les dimen-
fallait entreprendre d’autres expériences afin de mieux sions physiques ou économiques. Mayo affirme ceci :
connajtre le rôle des facteurs humains. Ce qu’a fait a Le désir d’être en bons termes avec ses semblables,
l’équipe de Mayo. cet instinct d’association, l’emporte facilement sur les
La deuxième série d’expériences a donc consisté à intérêts individuels et le raisonnement logique sur
isoler un petit groupe de six ouvrières affectées à des lesquels de si nombreux principes managériaux
twches routinières et à observer systématiquement leurs sont basés. b (1sx5, p. 3s) Cela dit, les chercheurs ont
comportements. Au cours de 23 périodes de quelques aussi attribué la hausse de la productivité à a l’effet
semaines chacune, les chercheurs ont modifié sys- mavthorne b, c’est-à-dire au fait que les ouvrières ont
tématiquement des facteurs physiques (tels que le eu le sentiment d’avoir été a choisies b pour l’expérience
nombre et la durée des pauses, l’humidité et la tempé- et qu’elles se sont senties spéciales aux yeux de la
rature des lieux, le nombre d’heures de travail par jour) direction et de ceux qui les observaient travailler.

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • 47

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Paul se dirige vers l’attroupement bruyant des jeunes employés rassemblés autour
VÉCUES
HISTOIRES
de la caisse d’Akim, le nouveau caissier qu’il vient juste d’embaucher. l jette un coup d’œil
à sa montre. l reste 10 minutes avant l’ouverture de la quincaillerie.
q ae vois qu’on t’a bien accueilli, dit-il.
q Oui, et quel accueil, répond Akim.
q C’est sûr qu’il est impressionné, renchérit Solène. Avant, il travaillait chei Sonar.
b’ambiance est mortellet
q En tout cas, ici, tu vas être gsté côté ambiance. b’atmosphère est super sympa,
poursuit Gaelle. Notre job est pas toujours passionnant, mais savoir qu’on va avoir du fun
avec les collègues, da aide à se lever le matin.
q Et le patron est génial, ajoute Paul avec un grand sourire.
ls éclatent de rire.
q Blague à part, reprend Solène, c’est vrai qu’il est génial, Paul. l fait toujours
de son mieux pour te donner un horaire décent et il est très compréhensif quand
vient le temps des examens.
Elle se tourne vers Paul et bat des cils de manière exagérée.
q austement, Paul, j’ai un examen jeudi prochain g penses-tu qu’on pourrait s’arranger l
q kiens me voir à ta pause, on va voir ce qu’on peut faire, répond-il.
Paul tape sur sa montre.
q C’est le temps de s’y mettre, je vous souhaite une belle journée.
l se tourne vers Gaelle.
q Gaelle, tu t’occupes de la formation d’Akim aujourd’hui l
q Pas de problème !
Paul retourne vers son bureau. l ne comprend toujours pas trop pourquoi la direction
lui demande de faire passer des entretiens annuels d’évaluation à ses employés. l lui suffit
de passer chaque jour quelques minutes sur le plancher pour prendre le pouls des énergies
du personnel. Tout le monde est content. bes employés comme les clients.

Les chercheurs ont donc proposé l’explication sui- personnes intervievées. En particulier, les enquêteurs
vante quant à la hausse sensible de la productivité : se sont rapidement aperçus que les employés avaient
grwce à la présence du groupe, le travail est devenu tendance à évoquer leurs sentiments et leurs émotions
satisfaisant. En raison du climat amical, les ouvrières au moins autant que des éléments factuels liés à leurs
ont eu le sentiment d’appartenir à un groupe privilégié, conditions de travail. Ces entrevues ont révélé que les
et les liens se sont renforcés. tu même coup, le groupe attitudes et les comportements des membres dépen-
s’est donné un objectif commun, soit de hausser le daient à la fois de leur personnalité, mais aussi de
niveau de production. En bref, l’amélioration des rela- leurs positions, de leurs attentes quant à la reconnais-
tions de travail a permis d’accrojtre la productivité. sance et de leurs représentations de leur travail dans
Une troisième série d’expériences visait à connajtre l’organisation sociale (c’est-à-dire l’agencement des
les attitudes des employés à l’égard du système de relations sociales entre individus) au sein de l’usine.
gestion de l’entreprise et à approfondir les notions La dernière série d’expériences, menées par l’obser-
psychosociologiques de a moral b et de a satisfaction b vation minutieuse des comportements d’un groupe de
au travail. Ainsi, les chercheurs ont effectué plus 1x ouvriers d’un atelier de montage pendant un laps
de 21 lll entrevues sur l’emplacement industriel de de temps assez long, a mis en évidence la dynamique
mavthorne. Plus de la moitié du personnel des usines de l’organisation informelle au sein de l’organisation
a ainsi été interrogée. Ce vaste effort a permis de sociale. S’inspirant du taylorisme, la direction avait
mettre au jour le fait que les mêmes conditions de tra- élaboré un système complexe de rémunération afin de
vail et de supervision n’étaient pas perçues de façon motiver les ouvriers à accrojtre leur productivité. Or,
identique par tous les employés et ne provoquaient les chercheurs ont observé que les employés décidaient
pas le même niveau de satisfaction chez les différentes du niveau approprié de productivité de leur groupe de

4s • chapitre E

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travail par l’intermédiaire de l’organisation informelle, Mayo : a Le désir de l’être humain d’être continuellement
différemment du niveau imposé par la direction. associé à ses pairs oconfrères ou encore camaradesp
dans le travail est une, sinon la plus forte, des caracté-
ristiques humaines. Tout manquement du management
à la comprendre ou toute tentative mal avisée de vaincre
Les deux objets d’étude du MRH cet élan humain conduit instantanément à une forme de
sont le groupe (formel et informel) défaite du management lui-même. b (1sx5, p. 111)

de travail et la personne au travail. N’oublions pas non plus ceci : alors que les approches
formelles du management en quête d’efficacité pensent
que l’automation libère l’homme de twches pénibles,
les ouvriers, eux, considèrent qu’elle dévalorise leurs
L’autonomie et l’identité symbolique du groupe s’expri-
compétences et, de façon plus générale, qu’elle mini-
ment donc par l’intermédiaire de l’organisation infor-
mise leur importance en tant que personne à leurs
melle issue de la structure formelle. Cela veut dire que
propres yeux comme aux yeux des autres. te plus, le
lorsque les employés travaillent ensemble, ils forment,
salaire, les outils utilisés par les travailleurs, l’horaire
sans que cela soit officiel, leur propre hiérarchie de sta-
et le lieu de travail, etc. sont tous porteurs d’une signi-
tuts sociaux au sein du groupe, leurs propres règles et
fication symbolique et d’une valeur sociale. Aussi,
leur propre structure de travail, souvent pour pouvoir
pour comprendre le sens des plaintes et des griefs de
se protéger du management. En effet, on a constaté au
tout employé, il est nécessaire de prendre en compte
cours de l’expérience que la productivité était demeu-
sa position et son statut social dans l’entreprise : a Là
rée constante. Les ouvriers étaient en effet convaincus
o les conditions sociales du travail font qu’il est dif-
que si leur productivité augmentait, la direction dimi-
ficile pour l’employé d’associer sa twche à une fonction
nuerait la rémunération à la pièce.
sociale significative, il est susceptible de répondre de
Cette expérience éclaire le processus de constitution manière obsessive et d’avoir une capacité de travail
des a cliques b et les mécanismes de freinage élaborés diminuée. b (noethlisberger et tickson, 1s3s, p. 5d5)
par le groupe pour contrôler le niveau de production.
Les chercheurs ont ainsi constaté que la dyna-
mique du groupe est régie par des normes impli-
cites : il ne faut produire ni trop ni trop peu. Il ne
faut ni être un délateur auprès de la direction ni Selon le MRH, la productivité dépend de
déroger aux ordres du groupe ou tenter d’y adop-
la satisfaction de besoins humains sociaux.
ter une posture marquant la différence sociale
(noethlisberger et tickson, 1s3s).

Les conclusions du mouvement La productivité du travailleur n’est pas détermi-


née par sa capacité physique, mais par sa capacité
des relations humaines sociale, c’est-à-dire sa propension ou non à s’inté-
i la suite des expériences de mavthorne que nous grer au groupe de travail et à se conformer à la norme
avons décrites ici de façon simplifiée, le Mnm retien- informelle décidée par celui-ci.
dra deux conclusions principales sur la compréhension
de la personne, d’une part, et sur le groupe, d’autre Le groupe comme réalité humaine
part : l’être humain est un animal social, et la vie au et organisationnelle
travail crée une organisation sociale informelle qui se La vie au travail produit une organisation sociale faite
superpose à l’organisation formelle. de relations informelles et affectives (d’affinités ou de
rivalités) ainsi que de groupes informels qui se super-
L’humain comme personne posent à l’organisation formelle. Le travail a donc un
L’être humain n’est pas qu’un animal économique caractère social, et les entreprises doivent savoir dia-
dans la quête de la productivité : c’est aussi un animal gnostiquer des situations difficiles au travail, s’engager
social. La rémunération non économique, c’est-à-dire dans un processus délibéré d’analyse, de compréhen-
la satisfaction de besoins psychologiques que sont les sion et d’apprentissage des codes sociaux et des éven-
sentiments d’estime et de reconnaissance, joue un rôle tuels conflits dans ces situations. te fait, selon Mayo
capital dans la motivation du travailleur. Comme l’écrit (1s33), tous les postes de responsabilité doivent être

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • 4l

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occupés par des superviseurs et des élites adminis- telles que la parcellisation du travail, les conflits et le
tratives adéquatement formés et dotés d’un jugement syndicalisme, la direction doit aller au-devant des
avisé pour comprendre les enjeux de la collaboration en situations et prendre des mesures qui tiendront compte
entreprise qui ne relèvent pas seulement de problèmes de la dimension affective du travail.
purement économiques, mais sur-
tout d’une réalité sociale.
Les travailleurs ne réagissent pas Le défi du gestionnaire est d’harmoniser l’organisation
aux normes, aux directives et aux
récompenses de la direction de formelle du travail avec l’organisation informelle
l’organisation formelle en tant en utilisant un style de direction plus associatif.
que personnes isolées, mais en
tant que membres d’un groupe.
Ce groupe possède sa dynamique
propre d’organisation informelle et n’est fonctionnel, Une critique du mouvement
en cas de modification, qu’une fois sa vie affective des relations humaines
stabilisée.
Les expériences de mavthorne ont exercé une influence
Le travailleur est loin d’être isolé. Il se trouve plutôt sur la pensée administrative en mettant l’accent sur les
en interaction constante avec ses collègues et ses supé- facteurs sociaux. te nombreux dirigeants ont accepté
rieurs en tant que membre d’un groupe social. L’orga- les conceptions de ce courant de pensée et reconnu le
nisation sociale de l’entreprise se compose donc d’un
fait que les styles de commandement autoritaires ne
ensemble de groupes sociaux en interaction les uns
se sont pas révélés les plus efficaces. Il est certes diffi-
avec les autres. Les individus, comme les différents
cile de reprocher aux chercheurs qui ont pris part à ces
groupes sociaux eux-mêmes, sont interdépendants les
expériences de s’être intéressés à l’analyse des aspects
uns des autres et reliés par des codes de comporte-
du comportement des personnes et des groupes qui
ments et des usages qui définissent les attitudes que
contribuent à l’harmonie. Cependant, il est impossible
chacun doit avoir envers les autres, envers la direction
de prétendre que leur analyse offre une description
et à l’égard de l’entreprise en général. Les perturba-
complète de la réalité organisationnelle. En effet, la
tions dans l’entreprise proviennent souvent de la rup-
dynamique organisationnelle est davantage empreinte
ture inopinée de l’équilibre social de ce a système de
de relations de pouvoir, de contradictions et de conflits
sentiments b (noethlisberger et tickson, 1s3s, p. 5d5).
que ne semble le suggérer le Mnm. C’est ce que s’em-
La productivité dépend donc du moral et de la satis- ploieront à démontrer les approches sociopolitiques
faction des membres au sein du groupe. Mayo uti-
(revendiquer, c’est participer ). Les auteurs du Mnm ont
lise souvent la métaphore biologique de l’organisme
en effet oublié d’analyser l’effet possible de la cohésion
vivant pour expliquer sa théorie. Selon lui, a o…p on
sur la résistance du groupe envers la direction qui peut
conçoit mieux l’organisme vivant comme un ensemble
aboutir à l’émergence de groupes d’intérêts opposés à
de variables en équilibre les unes avec les autres de
la direction, lorsque cette dernière s’avère défaillante.
telle sorte que tout changement affectant l’une d’elles
affecte l’ensemble de l’organisation o…p. L’organisme Certains critiques reprochent aussi aux expérimen-
vivant répond au changement comme un tout b (1s33, tateurs de mavthorne d’avoir considéré les employés
p. 11). Cette idée d’équilibre préfigure l’approche observés comme des sujets passifs : a Les chercheurs
systémique des problèmes humains, par nature étaient portés à attribuer tout changement dans la
complexes, sur laquelle nous reviendrons dans le cha- production aux changements qu’ils avaient introduits
pitre x. Le rôle de la direction est donc de modifier au eux-mêmes, et à concevoir les ouvriers et les ouvrières
besoin, d’une manière avisée et grwce à des techni- comme des objets sur lesquels on faisait opérer des
ques appropriées, l’équilibre du système social en vue variables et non comme des acteurs capables d’initia-
d’en assurer l’harmonie (voir le chapitre 6). Elle doit tive. b (Lécuyer, 1ssx, p. 111) En l’occurrence, l’aug-
régler les problèmes de communication et utiliser cette mentation de la productivité ou certaines réactions des
organisation informelle. Elle doit le faire de façon ouvrières et des ouvriers pouvaient aussi être liées au
que les normes du groupe s’accordent avec les buts contexte de la dépression économique de l’époque et à
de l’entreprise. Afin de susciter la participation des leur conscience des comportements propices à amélio-
employés et de contrecarrer les forces déstabilisantes rer leur situation financière.

k0 • chapitre E

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La direction de l’entreprise a aussi été présentée lui permettait d’accrojtre ses gains. Le climat ami-
comme l’autorité bienveillante à laquelle les subor- cal de supervision serait aussi l’effet et non la cause
donnés confient, dans leur intérêt, l’organisation des de la productivité. Enfin, selon plusieurs détracteurs,
relations humaines. Les notions de conflits d’intérDts l’étude d’un cas, limitée à quelques phénomènes pré-
et de relations de pouvoir qui ont servi à l’élaboration cis, rend difficile la généralisation des observations et
des lois du travail ne sont pas entrées dans le champ des conclusions à l’ensemble du monde industriel. Le
des préoccupations des chercheurs de mavthorne. Le tableau 3.1 résume les principales contributions et cri-
MRH récuse donc les notions libérales d’individua- tiques du Mnm.
lisme, de concurrence et de conflits d’intérêts pour Malgré leurs faiblesses méthodologiques, les expé-
se préoccuper de relations interpersonnelles harmo- riences de mavthorne et le Mnm ont fait progresser
nieuses. Il accorde trop d’importance aux besoins de la pensée administrative. Même s’ils ne remettent pas
prestige social, négligeant ainsi les réalités du pouvoir en cause la vision hiérarchique taylorienne et formelle,
et des récompenses pécuniaires. ils ont souligné l’importance de la dimension sociale
dans la motivation au travail et montré, par rapport au
taylorisme, que les facteurs économiques et physiques
ne constituent pas les seuls éléments qui influent sur
Le MRH repose sur une conception le comportement des travailleurs. La motivation du
simpliste des conflits et des jeux travailleur devenait ainsi un phénomène à la fois éco-
nomique et psychosocial. Ce mouvement révélait donc
de pouvoir dans l’entreprise. qu’un rôle essentiel du dirigeant consiste à satisfaire
les besoins psychosociologiques des employés. Avec
ce Mnm, il s’agit ainsi d’inverser l’équation de la satis-
t’un point de vue méthodologique, les expériences faction proposée par les approches formelles du ma-
de mavthorne ont aussi suscité de vives critiques. nagement voulant que plus la productivité augmente,
Selon certains, les conclusions des chercheurs ne sont plus les employés, mieux payés, soient satisfaits À
absolument pas fondées, car les données recueillies l’inverse, selon les tenants du MRH, plus la satisfaction
confirment aussi bien l’hypothèse selon laquelle les (sociale) des employés est élevée, meilleure devient
récompenses matérielles sont les déterminants prin- leur productivité.
cipaux du moral et des comportements au travail
que l’inverse. En effet, au cours des expériences, la
productivité s’est mise à augmenter lorsque les deux
ouvrières les moins productives ont été soustraites du
Le MRH ne remet pas en cause la vision
groupe. Une des remplaçantes, en raison de sa situa- hiérarchique taylorienne et formelle.
tion familiale, avait besoin de revenus, et l’expérience

TABLEAU 3.1

Une présentation sommaire du mouvement des relations humaines


Principales contributions Principales critiques
• mnfluence des processus sociaux sur la productivité et l’efficacité • Minimisation des aspects économiques et techniques
• wesoin d’harmonisation des organisations formelle et informelle • bpanouissement des personnes qui n’est pas assuré
• Reconnaissance d’une réalité informelle au sein des organisations v uniquement au sein des groupes
le groupe comme facteur de confiance et d’intégration des membres v • Direction présentée comme une autorité bienveillante
satisfaction sociale • Vision trompeuse du sandicalisme envisagé comme
• bvolution vers une gestion associative ou consultative un phénomène passager
devant la centralisation et la gestion autocratique rendant • Vision partielle de la réalité organisationnelle v
les personnes calculatrices absence des relations de pouvoir et des conflits

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • k1

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3.2 Le mouvement de la direction humaine


Même s’ils occupent souvent une place à part dans l’his- rapport plus responsabilisant et intégrateur à tous
toire du management, deux autres personnages nous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise. C’est sans
semblent mériter toute notre attention pour compléter doute aussi une des premières à moins se demander
cette édification progressive d’une perspective humaine a comment b faire et avec quels outils et instruments
du management. Follett (1s2x, 1sx1, 1sxs) et earnard gérer la productivité de l’entreprise, qu’à se demander
(1s3r) ne sont pas considérés comme faisant partie du a pourquoi b les managers font ce qu’ils font. Avant
Mnm, mais ils s’en sont inspirés. Nous les associons plu- de s’intéresser à l’entreprise et au management, elle
tôt à un mouvement que l’on peut qualifier comme celui a d’abord œuvré en tant que travailleuse sociale à de
de la direction humaine des organisations (téry, 2l1l). nombreuses initiatives communautaires, notamment
dans le secteur de l’éducation civique, auprès des
populations minoritaires ou démunies des quartiers
Follett : de la coordination pauvres de eoston. Parmi les idées défendues alors,
à la démocratie on trouve par exemple la cité scolaire impliquant la
Mary Parker ollett est étonnamment d’actualité participation des jeunes à la direction de leur école, la
puisque ses idées sont au fondement de nombreuses formation de conseillers municipaux représentants des
pratiques de management d’aujourd’hui (voir l’enca- jeunes et le droit de vote des femmes. Follett soutient que
dré 3.1). Et pourtant ses premiers écrits en management, seule la participation active des personnes en groupe à
leur communauté locale peut faire vivre une réelle démo-
avec Creative Experience, datent en fait de 1s2x, c’est-
cratie et améliorer la qualité de vie en société.
à-dire de la même période que celle des expériences
menées à mavthorne Selon Crainer, a les réflexions de Le fonctionnement démocratique
Follett étaient un grand pas au-delà de celles de Mayo Follett a beaucoup réfléchi et a expérimenté et pro-
et des chercheurs de mavthorne. Alors que Mayo offrait posé, dans le domaine politique, un fonctionnement
une vision humaniste des lieux de travail, il supposait démocratique des institutions basé sur le groupe (et la
encore que le comportement de l’ouvrier était dicté par communauté locale). Elle prône une démocratie basée,
la logique du sentiment alors que celui des patrons l’était d’une part, sur l’intégration par le groupe de la diver-
par la logique du coût et de l’efficacitéb (2lll, p. d1). sité et, d’autre part, sur la résolution des désaccords au
L’approche de Follett est différente en ce qu’elle moyen d’un processus dynamique et continu d’évolu-
envisage autrement les rapports de coopération dans tion sociale : les a conflits constructifs b. L’évolution
l’entreprise, moins dans un rapport de subordination- sociale provient du fait que, en groupe, les participants
supériorité (de type parent-enfant) que dans un confrontent les forces positives de leurs différents

ENCADRÉ 3.1 MARY-PARKER FOLLETT :


UNE FEMME D’AVANT-GARDE
Mary-Parker Follett est une auteure une série de conférences devant, ardents défenseurs, byndvall Urzick,
d’avant-garde restée pourtant mécon- entre autres, dans les années 1p20, le un consultant très influent en Angle-
nue après sa mort en 1p33. Pour cer- Bureau of Personal Administration terre, amateur des travaux de Fayol
tains, c’est un véritable esprit universel : de Nez cork et la Taylor Society, et fondateur de la prestigieuse revue
elle fut à la fois une brillante étudiante dont elle était membre, puis, dans Administrative Science Quarterly. Ce
en droit, économie et philosophie au les années 1p30, devant le tout nou- sont ses récents exégètes Pauline
Society for Collegiate nstruction of veau département d’administration Graham (1pp5) en Angleterre et
nomen (le collège féminin de var- des affaires de la célèbre bondon Marc Mousli (2002a) en France qui
vard, aux États-Unis), puis en histoire School of Economics. Alors qu’elle ont permis à ses travaux de trouver
et sciences politiques à Cambridge, en disparaît en 1p33, ses travaux en un écho dans les établissements
Angleterre. b’essentiel de ses contribu- management seront publiés à titre d’enseignement aujourd’hui.
tions en management a consisté en posthume notamment par l’un de ses

k2 • chapitre E

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points de vue et diverses opinions. Ils analysent les si n’est pas auprès de qui vous êtes responsable mais de
tuations jusqu’à faire émerger leur problème commun, quoi. Ce qui est important dans l’autorité, c’est que
c’est à dire un objectif commun qui dérive de ce que l’autorité officielle et le pouvoir réel co ncident b
Follett appelle la aloi de la situationb, et ils élaborent (Follett, 1sxs, p. xc). te fait, le pouvoir lié à la compé
avec créativité et imagination des solutions adéquates tence ne se délègue pas, seule l’autorité formelle
à ce problème pour le bien du groupe dans son entier. légale (le droit de diriger) peut l’être. Il s’agit alors de
savoir déléguer cette autorité aux personnes compé
tentes pour leur donner l’occasion de développer leur
propre pouvoir. L’autorité finale, centrale, supérieure,
follett prine un fonctionnement si elle existe, repose en fait sur une série d’actes d’auto
démocratique basé sur le groupe rité de chacun des travailleurs sur leur twche ; elle est
partagée, ou distribuée, entre tous les employés
et sur le conflit constructif. experts responsables, chacun à leur twche.

Le métier de dirigeant
Constatant que les problèmes de direction étaient Le métier de dirigeant consiste à faire vivre l’organisa
souvent les mêmes dans les institutions, les adminis tion par la coordination, c’est à dire par quatre prin
trations publiques et les entreprises, Follett a ensuite cipes fondamentaux d’organisation :
étendu le champ de ses réflexions au management 1. la coordination comme mise en relation réciproque
et produit une œuvre foisonnante d’idées avant de tous les facteurs dans une situation ;
gardistes pour son temps autour de thèmes comme 2. la coordination par le contact direct entre les per
le pouvoir, l’autorité et le métier de dirigeant. Parallè sonnes responsables concernées ;
lement à l’école des relations humaines, elle s’est inté 3. la coordination aux stades les plus précoces de la
ressée à la façon dont la motivation et l’engagement décision ;
des employés peuvent être encouragés par une dyna
x. la coordination comme processus continu de
mique de groupe bien comprise o la participation et
concertation.
la coopération sont essentielles.

Le pouvoir et l’autorité
Follett a suffisamment étudié, durant sa carrière
follett prine un pouvoir co-actif (pouvoir
de travailleuse sociale puis de consultante en
entreprise, la réaction d’un individu dans un a avec b les autres) et non un pouvoir
groupe pour cerner l’importance de rejeter l’idée
d’un pouvoir dominant coercitif (a pouvoir sur
coercitif (pouvoir a sur b les autres).
quelqu’un b) et d’adopter l’idée d’un pouvoir
co-actif (pouvoir ensemble, pouvoir a avec b).
La coordination comme mise en relation
Selon elle, le pouvoir constitue une énergie à dévelop
La a mise en relation réciproque de tous les facteurs dans
per. Il est nécessaire à toute fonction et à toute twche.
une situation b (Follett, 1sxs, p. dr) consiste à se pencher
Mais il n’est pas pouvoir de subordination. En effet,
sur toutes les relations entre les facteurs qui interagissent
la plupart des employés n’aiment pas se sentir sous
les uns avec les autres dans une interdépendance globale
l’autorité de quelqu’un : a t’accord pour travailler avec
pour expliquer et comprendre une situation donnée et
quelqu’un ; ce qui est désagréable c’est de sentir trop
dépersonnaliser les ordres qui découlent ainsi des faits.
nettement que vous travaillez sous quelqu’un b aurait
La coordination ne relève pas de l’exercice d’une auto
dit un mineur, qu’elle cite dans une de ses conférences
rité unilatérale de décision en toute situation mais plutôt
(Follett, 1sxs, p. 3c). Selon Follett, le fait de recevoir
de l’assemblage à plusieurs des informations nécessaires
des instructions de quelqu’un ne signifie pas que l’on
pour éclairer une situation qui commande ensuite d’elle
devient son subordonné. Celui qui a autorité est plu‑
même une décision : a Comment éviter les deux extrêmes :
tôt celui qui possède la compétence pour exécuter
un trop grand autoritarisme dans la façon de donner des
le travail. L’employé n’est pas responsable envers
ordres, et une quasi absence de commandement ? o…p
quelqu’un, mais responsable de quelque chose. Ainsi,
Ma solution est de dépersonnaliser l’ordre, de réunir
a ce qui est important dans une décision, ce n’est pas
tous les gens concernés pour étudier la situation, pour
qui la prend mais ce qu’on y met. Ce qui est important

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • kt

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découvrir la loi de la situation et lui obéir. Tant que i cet effet, le dirigeant a pour rôle d’orchestrer l’in-
nous n’y parviendrons pas, je ne crois pas que nous tégration des points de vue des personnes compé-
ayons le meilleur management b (Follett, 1sx1, p. 5r). tentes à tous les niveaux, y compris au plus près des
réalités opérationnelles par l’intermédiaire d’un
mode précis de gestion des conflits dit a conflit
constructif b.
Le dirigeant doit coordonner, c’est-à-dire
Le mode a constructif b de résolution des
appliquer quatre principes fondamentaux conflits est très exigeant : il faut posséder une
grande intelligence, une bonne capacité de
d’organisation selon follett. perception et de formulation des problèmes de
façon accessible à tous les partis et posséder
une inventivité certaine pour créer une solu-
Les employés ne voient rien à redire à l’idée de faire tion nouvelle o tout le monde est gagnant. Il faut
ce qui leur est demandé, mais ils n’aiment pas rece- aussi abandonner le gokt de la conquête pour celui de
voir des ordres, qui plus est s’il s’agit d’un commande- l’interaction. Follett convient néanmoins que toutes
ment arbitraire : a Un ordre ne devrait donc jamais être les situations ne se prêtent pas à l’intégration. Cer-
considéré comme une affaire personnelle, ni donné tains points de vue sont irréconciliables (par exemple
parce que celui qui le donne veut que quelque chose lorsque deux hommes veulent épouser la même femme
soit fait mais parce que la situation l’exige. b (Follett, ou lorsque deux fils veulent récupérer en héritage la
1sxs, p. 23) Ainsi, un ordre n’obtient sa validité qu’au maison de famille).
fil du processus de son élaboration entre émetteurs et
Ce mode gagnant-gagnant est reconnu comme le
receveurs qui contribuent à le façonner.
plus efficace. La domination, c’est-à-dire la victoire
La coordination par le contact direct d’une partie sur l’autre, ou le compromis, qui suppose
a Le contact direct entre les personnes responsables des concessions réciproques, constituent à l’inverse des
concernées b (Follett, 1sxs, p. r2) dans une situation sources de frustrations immédiates et de revendica-
donnée permet qu’elles s’autoajustent et ajustent les
tions ultérieures.
unes avec les autres leur compréhension de la situation
et des actions à mener. tes auteurs récents comme Nonaka et Takeuchi
(1ssd) ont proposé une approche intégrative similaire
La coordination précoce
avec l’idée de synthèse dialectique (thèse, anti-thèse,
La coordination aux stades les plus précoces de la
synthèse). tes entreprises ont d’ailleurs mis cette
décision consiste en la consultation des personnes
approche en pratique avec succès, comme monda qui
dont la compétence permet de formuler un avis sur
a mis en place une pratique du consensus et du débat
la situation dès le début d’un processus d’élaboration
ouvert au cours de discussions spontanées (Waigaya).
d’orientations, avant même d’arrêter une politique.

Geneviève ramasse ses dossiers éparpillés sur la table de conférence. ba réunion


VÉCUES
HISTOIRES

clinique hebdomadaire oh son équipe et elle passent en revue les dossiers des malades
hospitalisés au sein de son unité s’est bien déroulée. Geneviève est contente, car
aujourd’hui, elle a vraiment eu l’impression de contribuer au diagnostic de l’équipe
soignante. Grsce aux observations de l’équipe de nuit, elle a convaincu ses collègues
que M. Dimalo avait besoin d’un suivi psychologique qui soulagera ses angoisses
nocturnes. Et elle a aidé aussi Mme Chifolau, qui doit marcher pour bien récupérer,
mais qui fait semblant de ne pas savoir se lever devant la physiothérapeute alors que
Geneviève a bien vu qu’elle en était capable au moment de la prise de ses signes
vitaux ce matin.
q Bon travail, Geneviève !, la félicite le Dr Poulain.
Elle le remercie d’un sourire et s’empresse de se rendre dans la chambre
de Mme Rondeau qui, si tout va bien, devrait obtenir son congé aujourd’hui.

k4 • chapitre E

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Cette approche exige un management des discordes


et des tensions o les participants, quel que soit leur
rang hiérarchique, doivent s’écouter et peuvent être en
désaccord les uns avec les autres, mais sans se montrer
désagréables. Cet exercice requiert un management o
l’animateur est capable de faire remonter à la surface
les opinions de chacun et les impressions du moment
pour évoluer, ensemble, vers une action constructive
(Pascale, 1ssl).
La coordination comme concertation continue
La coordination doit être vécue comme un processus
continu de concertation afin d’apprendre des pro-
blèmes déjà traités et des expériences passées, de parta- Des ouvrières de l’usine de chocolats Rowntree, à mork dans
ger les connaissances pour mieux se préparer à l’avenir laquelle M.-P. Follett découvrit des pratiques participatives en 192l.
kci, pendant un cours donné à l’extérieur, en 1933.
et de rester alerte devant les faits qui, eux, évoluent
constamment. te fait, le rôle du manager est triple :
Cela préfigure l’exercice de la pensée et de la prospec-
1. assurer une vision large des choses en orchestrant tive stratégique que nous évoquerons dans le chapitre d.
cette intégration continue des points de vue dans
Ainsi, pour Follett, dans une perspective particu­
l’organisation ;
lièrement avant­gardiste pour son époque, l’être hu­
2. définir les finalités de l’entreprise en mettant main n’est pas seulement la main de la productivité,
en relation les objectifs larges que se donne l’entre- comme pour Taylor, ni seulement un être d’émotions
prise et les objectifs immédiats pour l’exécution des et de sentiments, comme pour Mayo et ses adeptes,
twches des employés ; mais aussi un cerveau capable de réagir, d’envisa­
3. anticiper les événements pour ne pas se laisser dépas- ger, de proposer et de manager (voir l’encadré 3.2).
ser par eux, mais plutôt créer le prochain événement.

ENCADRÉ 3.2 SUR LES TRACES DU MANAGEMENT PARTICIPATIF


Follett rapporte un exemple probant q le problème d’avoir un flux régulier voulu que tous ceux qui avaient une
d’expérience de management partici- de matériel approprié a été réglé, et aptitude à le faire puissent devenir
patif menée dès 1p2x dans les ateliers certaines difficultés de l’atelier d’ou- des managers, oh qu’ils soient, au
d’entretien d’une compagnie de che- tillage ont été surmontées. Tout cela comptoir, dans les réserves, à la livrai-
min de fer située près de Pittsburgh : fait partie de ce qu’on attend du son ou ailleurs. Nous l’avons voulu
management. Même lorsque les dans notre intérêt aussi bien que
e On dit que l’organisation, à la Balti- pour aider les gens à progresser.
capacités managériales des ouvriers
more Ohio, de réunions bihebdo- koilà sans aucun doute une concep-
ne sont pas autant sollicitées, ils ont
madaires entre l’encadrement et les tion saine de l’entreprise, mais je
l’occasion d’en faire preuve. bà oh le
ouvriers dans les ateliers a donné pense qu’on peut, en plus, avoir une
travailleur utilise son jugement dans
les résultats suivants : une réduction autre attitude, en reconnaissant chei
la programmation du travail, c’est
de l’instabilité de la main-d’œuvre, à peu près tous les hommes une cer-
d’une certaine fadon du manage-
des manœuvres de mise en place du taine aptitude à manager, même
ment. Si on lui confie une tsche, en
matériel plus rapides et plus faciles, minime, et en donnant à chacun
lui permettant de décider comment
un travail plus complet et plus régu- l’occasion de l’utiliser dans son travail
il l’exécutera, c’est aussi du manage-
lier, une réduction des retards moyens courant. Si tous les managers ont q et
ment. On ne pourrait pas faire tour-
par rapport au programme heb- c’est bien sûr le cas q de l’initiative, de
ner une entreprise si les travailleurs
domadaire, une économie sur les l’imagination créatrice, une capacité à
ne faisaient pas de management.
matériaux utilisés mensuellement organiser et à réaliser, de nombreux
par chaque salarié et des opéra- l y a deux fadons de considérer cette ouvriers ne manquent pas totalement
tions de réparation facilitées, ainsi capacité à manager chei les ouvriers. de ces qualités. Nous voulons qu’ils
qu’une meilleure qualité du travail Un cadre m’a déclaré : Nous avons s’en servent. f (Follett, 1px1, p. u5-u6)

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En tant que membre doublement responsable de sa l’objectif commun, d’ordre social et non pas personnel,
twche et du tout de l’entreprise auquel il contribue, cet être et être efficiente, c’est-à-dire permettre d’atteindre
humain doit cependant être compétent et donc formé cet objectif sans conséquences indésirables tout en
Nombreux sont ceux qui ont soulevé une interroga- satisfaisant les motivations individuelles. Les élé-
tion : pourquoi les théories de Follett sont-elles tom- ments clés d’une organisation sont alors, selon lui, de
bées dans l’oubli après sa mort en 1s33 et ont-elles deux ordres : structurel et dynamique (earnard, 1s3r).
été redécouvertes seulement dans les années 1scl au
Japon puis au milieu des années 1ssl en Angleterre ?
Parmi les rares critiques à l’encontre de ces théories
aujourd’hui, on trouve néanmoins l’idée que le conflit
Barnard définit l’organisation selon
constructif ne s’applique pas à toutes les situations et, des aspects structurels et des aspects
plus généralement, au conflit majeur en management
entre capital et travail.
dynamiques, et il explicite les fonctions
de l’encadrement.
arnard : la coopération
et l’organisation formelle
Les aspects structurels d’une organisation
Chester earnard est l’auteur d’un ouvrage qui a fait Une organisation est un système de coopération entre
une forte impression chez les managers : The Func- deux personnes ou plus. Un système est un ensemble
tions of the Executive, paru en 1s3r. Cette œuvre a en dont le tout diffère de la somme des parties. Un sys-
fait été constituée à partir d’une série de conférences tème de coopération peut être lui-même enchwssé
qu’il a prononcées à eoston en 1s3d à la demande de dans un système plus grand, par exemple une équipe
l’institut Lovell, une fondation pour l’éducation qui de quelques personnes à l’intérieur d’un département
existe toujours, et de ses amis de marvard. Elle syn- lui-même à l’intérieur d’une division de l’entreprise.
thétise les idées accumulées par earnard au fil de ses
Généralement, une grande entreprise est un ensemble
xl années d’expérience au sein de l’entreprise Ameri-
de plus petites organisations interreliées dont la taille
can Telephone and Telegraph Company (ATT) h qu’il
moyenne atteint moins d’une dizaine de personnes. La
a intégré comme statisticien en 1sls et dont il a rapi-
clé pour réussir à structurer une grande entreprise réside
dement gravi les échelons h, et en particulier à la Nev
d’ailleurs dans l’art de limiter la taille des organisations
Jersey eell Telephone Company, dont il a été fait pré-
subordonnées et donc des systèmes de coopération qui
sident en 1s2d, à l’wge de x1 ans.
la composent. L’entreprise est ainsi une pyramide de
Même si earnard ne fait pas carrière à l’université, ces petites organisations dont les unes, opérationnelles,
c’est un homme d’affaires formé en économie et évo- sont encadrées par d’autres, administratives.
luant au sein d’un cercle de penseurs de marvard et
L’organisation formelle coexiste avec l’organi-
d’un réseau de dirigeants parmi les plus en vue à eos-
sation informelle. Cette dernière est l’agrégat de
ton. Il présente une théorie de l’organisation et une
toutes les interactions et de tous les contacts directs
explicitation des fonctions d’encadrement tirées de
entre les personnes ou les groupes de personnes qui
sa compréhension de la nature et des qualités des
travaillent dans une même entreprise sans que ces
forces à l’œuvre au travail dans l’entreprise. relations soient gouvernées par celle-ci. Les relations
Sa théorie se fonde sur l’idée que l’organisation for- informelles peuvent être accidentelles, imprévues ou
melle est sans doute la caractéristique la plus impor- sans véritable finalité prédéfinie avant leur formation.
tante de la vie sociale et la plus structurante de la Cette organisation informelle établit des attitudes et des
société elle-même. L’organisation formelle est en fait normes sociales qu’il convient de suivre, des compré-
une forme particulière de coopération, à savoir une hensions partagées, des actions et des habitudes à la fois
coopération consciente, délibérée et réfléchie entre inconscientes et non intellectualisées entre personnes
humains. Pour earnard, une organisation existe dès dans l’entreprise. Elle précède souvent l’apparition de
lors que des personnes aptes à communiquer entre l’organisation formelle qui contient, elle, des politiques
elles veulent contribuer à l’action pour accomplir un et des actions raisonnées et calculées ensemble.
but commun et surmonter ainsi leurs limites indivi- Les conditions d’existence d’une organisation for-
duelles. Pour survivre, elle doit remplir deux condi- melle consistent à forger un but commun, à accepter
tions : être efficace, c’est-à-dire permettre d’atteindre un mode de communication commun et à partager

kc • chapitre E

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Même si Jean-Yves se sent un peu maussade, il essaie de faire bonne figure devant

VÉCUES
HISTOIRES aoannie et Alex, ses deux enfants, qui pour une fois se tiennent bien tranquilles sur le siège
arrière de la voiture. Si ceux-ci sont habitués à se lever tôt le samedi matin pour écouter
leurs dessins animés, c’est en général la seule journée oh aean-cves peut dormir et paresser
un peu au lit. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, samedi ou pas, il lui a fallu se lever très tôt.
C’est la course caritative annuelle organisée par son entreprise. Même s’il apprécie
l’ambiance de cet événement, il déteste la course. veureusement, l’épreuve est ouverte
aux enfants. Comme il ne les voit pas souvent, il n’aime pas sacrifier ses fins de semaine
et préfère les consacrer à sa progéniture.
Alors qu’il arrive sur l’aire de stationnement, un automobiliste klaxonne derrière
lui. l découvre Anton qui lui fait signe de la main avec un grand sourire. l l’a d’ailleurs
rencontré lors de ce même événement l’an dernier. ls ont réalisé qu’ils travaillaient
tous deux dans le même service et qu’ils habitaient le même quartier. Depuis, ils font
du covoiturage pour aller au travail pendant lequel ils partagent leurs problèmes respectifs,
confrontent leurs réflexions du moment et se conseillent mutuellement. Rosa, la grande
fille d’Anton, vient même souvent garder les enfants de aean-cves. D’ailleurs, aoannie
s’exclame : e ae veux voir Rosa ! f

un état d’esprit marqué par la volonté de coopérer. Les aspects dynamiques


Selon earnard, cette a volonté de coopérer b ( illingness d’une organisation
to cooperate) signifie a l’abnégation de soi, la renonciation Un des aspects essentiels de la coopération repose sur
au contrôle de sa conduite personnelle, la dépersonna- la libre volonté des personnes de contribuer à l’effort
lisation de l’action personnelle. Son résultat est la cohé- commun. Il y a ici une posture résolument démocra-
sion de l’effort, le fait de faire corps b (1s3r, p. rx). Les tique chez earnard qui considère que la coopération ne
conditions d’existence d’une organisation formelle sup- peut être contrainte sans être vouée à l’échec. Selon lui,
posent donc des contacts préliminaires et des interac- il faut préserver le sens de l’intégrité et de la respon-
tions antérieures entre les contributeurs du système de sabilité des êtres humains. Chacun est doté, de façon
coopération qui permettent à chacun de mieux connajtre saine et normale, d’un libre arbitre, d’une volonté et
les comportements et les habitudes de travail des uns d’un pouvoir de choisir, ainsi que d’une capacité d’au-
et des autres. L’organisation informelle, en facilitant la todétermination. Il s’agit alors, pour le manager, de
communication, maintient plus généralement l’équilibre penser adéquatement les rétributions proposées aux
entre les personnes dans l’organisation formelle. membres de l’organisation et l’exercice de la persua-
sion pour les amener à collaborer.
Les rétributions peuvent être individuelles (propres
Sur le plan structurel, l’organisation à chaque employé) ou générales (valables pour tous
selon Barnard est un système élargi les employés). Elles doivent équilibrer incitations
matérielles et objectives (argent, conditions et horaire
de coopération délibérée, facilité de travail) et incitations symboliques et subjectives
(prestige, reconnaissance ou distinction qui changent
par les relations informelles.
positivement l’état d’esprit de l’employé) ; nous y
reviendrons dans le chapitre x. Selon earnard, les
primes non matérielles se révèlent souvent plus effi-
Les contributeurs du système de coopération de caces que les seules rétributions financières une fois
l’organisation ne se limitent pas aux membres internes que les besoins physiologiques de base (alimentation,
de l’entreprise, mais comprennent aussi des mem-
logement, habillement) des employés sont satisfaits.
bres de l’environnement comme les clients, les four-
nisseurs, les investisseurs, etc. Nous reviendrons sur Comme une entreprise ne peut pas toujours offrir
cette idée au moment d’aborder la notion de partie toutes ces rétributions, ou parce que tous les êtres
prenante dans les chapitres ultérieurs. humains ne sont pas sensibles aux mêmes avantages,

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • k7

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elle doit aussi convaincre ses membres de coopérer par les personnes occupant ces positions émettent des
l’intermédiaire de pratiques de persuasion adéquates. ordres appropriés à celle-ci ; et
L’exercice de la persuasion repose sur un élément • a l’autorité de leadership b, qui provient du respect
clé : la communication. Et la communication, selon qu’inspirent le savoir et le jugement avisé de cer-
earnard, est étroitement liée à l’autorité. En effet, il tains individus indépendamment de leur position
définit l’autorité comme a le caractère de la commu- hiérarchique (1s3r, p. 1d3).
nication (ordre) b (1s3r, p. 1c3) qui rend
acceptable pour un membre de l’organi-
sation de considérer cette communication
comme régissant son action. Pour earnard, Sur le plan dynamique, l’organisation, selon
l’autorité vient d’en bas et non d’en haut. Il Barnard, repose sur la volonté de chacun de
observe en fait deux formes d’autorité :
• l’autorité imputée aux communications
collaborer. Celle-ci peut être encouragée par
provenant de positions hiérarchiques su- des rétributions matérielles et symboliques
périeures (a autorité de position b), pourvu
que, aux yeux de leurs subordonnées,
et par une communication adaptée.

Si Frédérique est fière de son métier de pilote, elle l’est aussi de celui
VÉCUES
HISTOIRES

d’instructrice. Encore plus maintenant que la philosophie de la formation continue a évolué


dans son entreprise. Comme l’entreprise manque d’instructeurs, elle souhaite convaincre
ses collègues de jouer aussi ce rôle. Aujourd’hui, ce sont Charles et Sandrine qu’elle
forme en simulateur de vol.
q Pourquoi t’es restée instructrice l Tu n’as pas l’impression que la formation des pilotes
est souvent autoritaire et procédurière l lui demande Charles, jeune aspirant commandant
de bord.
q C’est vrai qu’on peut avoir cette impression, renchérit Sandrine. b’obsession
des compagnies aériennes pour la minimisation des risques en raison des poursuites en cas
d’accident y a probablement contribué. Aussi, le corpus des séances et des exercices à
faire est en grande partie imposé par les autorités de l’aviation civile qui sont de plus en plus
déconnectées de la réalité.
q kous n’avei pas complètement tort, répond Frédérique, mais le nouveau programme
d’instruction EBT (Evidence Based Training) redonne vraiment du sens au rôle d’instructeur.
On travaille avec des données de sécurité disponibles à l’échelle mondiale auxquelles
s’ajoutent des retours internes à la compagnie qui permettent une adaptation plus fine de
la formation des navigants. Et les pilotes sont mis en situation de vol avec des scénarios
imprévus. b’instructeur est là pour observer les actions et les réactions du pilote et
déterminer avec lui ses besoins spécifiques d’entraînement. Et ces besoins portent souvent
sur des compétences plutôtt humaines, en fait : le leadership et le travail en équipe,
la conscience de la situation, la gestion de la charge de travail, la prise de décision, la
communication, etc. Bref, on fait une évaluation beaucoup plus proche de notre e vrai f
métier au quotidien !
Sandrine, qui l’écoutait attentivement, ajoute :
q C’est vrai qu’on ne peut pas se mentir en situation. On l’a bien gérée ou pas.
q koilà ! approuve Frédérique. On apprend beaucoup sur soi-même et sur la réalité
humaine de la profession.
b’instructrice sourit. Elle aura peut-être réussi à convaincre au moins une personne !

ks • chapitre E

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L’autorité ne dépend pas d’une position hiérarchique, comprendre les employés aux plus petits éche-
mais des qualités de l’ordre donné. Le degré d’accep- lons de la structure hiérarchique pour infléchir
tation d’un ordre, c’est-à-dire d’une communication au besoin la formulation de ces buts et objectifs
autoritaire, dépend quant à lui de quatre conditions : généraux. Cette troisième fonction du manage-
1. l’employé peut comprendre et comprend effective- ment repose donc sur des systèmes efficaces de
ment la communication ; communication, d’interprétation, d’imagination
2. l’employé pense que l’ordre est conforme à la fina- et de délégation.
lité de l’organisation et cohérent avec celle-ci ; Les fonctions du manager, selon earnard, sont donc
3. l’employé a confiance dans le fait que l’ordre de formuler et de communiquer les finalités et les objec-
est généralement compatible avec son intérêt tifs de l’organisation ainsi que de s’attacher les services
personnel ; de collaborateurs. tans la mesure o l’organisation
fait toujours face à l’incertitude et o la coopération
x. l’employé est capable mentalement et physique-
suppose de constamment persuader les employés de
ment de l’exécuter.
contribuer à l’organisation, la coordination globale des
Les fonctions d’encadrement efforts nécessite enfin ce que earnard appelle un lea-
Il est tout à fait possible que les employés décident de dership, soit a la qualité du comportement d’individus
ne pas obéir à un ordre s’il ne remplit pas l’une des par lequel ils guident les autres ou leurs activités dans
conditions précédentes. Cependant, il existe chez un effort organisé b (1sxs, p. r3).
chacun ce que earnard appelle une a zone d’indiffé- Le leadership est un pouvoir d’inspiration générale
rence b o les ordres sont considérés comme d’emblée et d’ordre moral qui crée l’adhésion individuelle de
acceptables et ne font pas l’objet d’un questionnement chacun à la finalité commune de l’organisation : ainsi,
conscient. Cette zone est plus ou moins élastique selon il entretient la foi des employés envers la supériorité
le niveau de rétribution matérielle et symbolique du de cette finalité, en la probabilité de leur réussite, en la
travailleur. Il sera plus enclin à remettre les ordres en satisfaction ultime de leurs motivations personnelles
question notamment lorsqu’il s’estime mal rétribué et en l’intégrité de l’autorité objective. Il découle d’un
par l’organisation. comportement et de qualités de leader. Le leader a un
Il s’agit donc pour le manager de bien saisir cette sens aigu de la responsabilité. Ainsi, il doit posséder
zone d’indifférence. Il lui incombe pour cela de remplir les aptitudes suivantes :
trois fonctions interreliées : • un sens moral irréprochable et une capacité de res-
1. développer et entretenir un système de commu- pecter un code moral de conduite (l’intégrité, par
nication, c’est-à-dire établir les positions formelles exemple) et non des intérêts, des pulsions ou des
et les personnes en responsabilité d’encadrement, désirs purement personnels ;
gérer le personnel d’encadrement et s’assurer de la • un sens esthétique ;
vitalité de l’organisation informelle fondée sur la • un jugement global avisé des situations et des pro-
compatibilité des membres du personnel ; portions (pour assurer le maintien d’une éthique
2. recruter et s’attacher les services des employés commune et de codes communs de coopération
essentiels à l’organisation par l’entretien du moral dans l’entreprise) ;
des troupes, par le maintien de politiques d’incita- • un sens de ce qu’il convient de faire et de ce qui
tions et de persuasion, par le développement de manque ;
modes de supervision et de contrôle, d’éducation et • une capacité d’analyse des liens significatifs entre
de formation ; les détails d’un tout qui inspirent tout un chacun
3. formuler la finalité et définir les obAectifs de l’or- bien au-delà de ses finalités immédiates et qui
ganisation de faFon qu’ils soient acceptés et com- entretiennent la cohésion vitale pour la coopération
pris par tous, car traduits en sous-objectifs à chaque (voir le chapitre 6).
niveau de la structure de l’organisation. Les mana-
gers doivent savoir formuler des buts généraux ins-
pirants et convaincants pour que la base puisse se La coordination globale de l’organisation
les approprier et définir des objectifs spécifiques co-
hérents. te même, les managers ne doivent pas repose sur un pouvoir de leadership.
s’isoler de la base et doivent savoir écouter et

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • kl

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Une critique du mouvement voient plutôt comme un protagoniste actif de l’orga-


nisation. Ils soulignent l’importance des rétributions
de la direction humaine symboliques qu’évoquent largement les écrits associés
Le mouvement de la direction humaine ne remet pas à Mayo, mais ils insistent aussi sur la capacité d’au-
en cause certains principes des écoles formelles que todétermination de l’humain et sur une vision plus
nous avons vus dans le premier chapitre : la spécia- démocratique de l’exercice de l’autorité et du pouvoir
lisation, la ligne hiérarchique, la dépersonnalisation sur laquelle se forge le prochain courant : celui du
des ordres. Par contre, Follett comme earnard ne management participatif.
partagent pas la vision mécanique de l’humain qu’ils

3.3 Le mouvement participatif


Le Mnm s’est modifié graduellement pour faire place sociale ont été regroupées en un corpus théorique, for-
à une vision plus conforme à l’idéal démocratique : mant l’approche de la gestion orientée vers la parti-
l’organisation axée sur la participation. La participa- cipation. Avant de décrire cette approche, examinons
tion est une marge de manœuvre naturellement mise les trois bases théoriques qui en constituent les fonda-
à la disposition des membres de l’organisation avec tions : les groupes et le leadership (avec Levin), l’hypo-
les pouvoirs et les responsabilités qui l’accompagnent. thèse de a l’être humain autoactualisé b (avec Maslov
Elle est façonnée par la volonté des membres dans la et merzberg) et le conflit psychologique inévitable
réalisation d’eux-mêmes et de l’objectif de l’organi- entre les personnes et l’organisation (avec Argyris).
sation. Elle ne peut réussir qu’à la suite de l’adhésion
volontaire des individus. Elle suppose une approche
managériale qui entretient l’engagement et la volonté
Le mouvement participatif examine
de coopérer évoqués par earnard (voir page 57).
L’approche participative proposée aux dirigeants et la dynamique du groupe comme
aux membres des entreprises est le fruit des recherches un élément central de l’organisation.
empiriques et des spéculations de psychologues et des
psychosociologues, notamment behavioristes, sur les
sources de motivation (voir le chapitre 4). t’abord, nous
Les groupes et la notion de leadership
examinerons quelques-uns des fondements psychoso-
La psychologie sociale, après les études de mavthorne,
ciologiques qui ont servi d’inspiration aux chercheurs.
est devenue hautement empirique, c’est-à-dire qu’elle
Ensuite, nous décrirons le corpus théorique du mouve-
s’est tournée vers la recherche-action et se fonde sur
ment axé sur la participation.
l’expérimentation scientifique. Elle a limité ses construc-
tions théoriques au phénomène des petits groupes.
L’objet d’analyse n’a été ni la personne ni l’organisa-
Le mouvement participatif s’interroge tion, mais le groupe, défini comme l’élément consti-
tutif des organisations ou de la société.
sur une approche managériale plus
L’influence du groupe sur la personne a été examinée
conforme à l’idéal démocratique. au cours de plusieurs recherches. C’est à urt GeHin
que l’on doit l’expression a dynamique de groupe b. En
raison de la montée du nazisme dans son pays natal,
Un aperau des fondements Levin émigre aux États-Unis en 1s32 après des études
de philosophie et des recherches en psychologie en
psychosociologiques
Allemagne. Il enseigne dans différentes universités
Le mouvement de l’organisation participative est asso- américaines dans les années 1s3l avant de devenir
cié de très près à l’évolution de la psychologie indus- directeur du nesearch Center for Group tynamics
trielle depuis les expériences de mavthorne. En effet, (centre de recherche pour la dynamique de groupe) au
grwce aux efforts, entre autres, de McGregor (1scl) et Massachusetts Institute of Technology (MIT) entre
de Likert (1sxd, 1scd), diverses notions de psychologie 1sxx et 1sxd, année de sa mort. torvin Cartvright,

c0 • chapitre E

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qui succède à Levin au MIT, transfère le centre de une situation concurrentielle empreinte de tiraille-
recherche à l’université du Michigan, au sein du ments. i ce stade, le groupe est politique. Il progresse
Survey nesearch Center fondé en 1sxc par Theodore difficilement vers la cohésion susceptible de permettre
Nevcomb qui deviendra par la suite l’Institute for la résolution de problèmes. La structure d’autorité au
Social nesearch (ISn) et sera dirigé par nensis Likert à sein d’un groupe peut créer des blocages qui freinent
partir de 1sxs jusqu’en 1sdl. Ce centre de recherche de la capacité de résoudre des problèmes. C’est alors que
l’université du Michigan existe toujours. le leadership se différencie et que deux types de chefs
Les travaux de Levin au sujet de l’influence du apparaissent spontanément : le leader socioémotif et le
groupe sur les attitudes des membres sont aujourd’hui leader orienté vers la twche.
de grands classiques pour le management comme pour Le leader socioémotif mise sur des actions conci-
les sciences de l’éducation, par exemple ses expérimen- liatrices, désamorce les conflits et établit un climat de
tations sur l’autorité et l’influence sociale dans le cas soutien mutuel. Le leader orienté vers la tIche insiste
de groupes d’enfants (1s3r-1s3s). Levin et ses succes- plus sur les aspects techniques de l’accomplissement
seurs, comme Cartvright et ander (1scr), constatent productif de la twche par le groupe. L’effet combiné des
que la discussion et la décision du groupe sont effi- deux types de leadership rend le groupe plus efficace
caces non seulement pour modifier les attitudes, et mieux disposé à résoudre des problèmes. Certaines
mais aussi pour assimiler de nouvelles orientations. données empiriques permettent de croire qu’il est pos-
Nevcomb (1s5l), quant à lui, observe que la cohésion sible, par la formation, de faire passer un groupe de la
du groupe établit des relations de soutien mutuel qui, phase politique, caractérisée par des conflits, à la phase
à leur tour, permettent de changer les attitudes et les socioémotive, durant laquelle apparaissent les normes
comportements individuels. Le groupe semble ainsi de collaboration, le double leadership et l’appartenance
jouir d’un certain nombre d’avantages contribuant à au groupe. tans cette perspective, le leadership ne
sa supériorité pour ce qui est de la prise de décisions, dépend pas des traits personnels, mais du phénomène
de la motivation et des influences sociales. Toutefois, il des petits groupes. Il ne découle pas de la nomination
constitue un instrument de gestion cokteux. formelle à un poste, mais constitue, au contraire, un
Le prix de la participation à un groupe est l’obliga- rôle qui émane de la vie du groupe. tans cette veine,
tion, pour la personne, de se conformer à ses exigences Fleishman, marris et eurtt (1s55) ont relevé deux types
et à ses normes. Lorsqu’un comportement déviant fait de leadership chez les cadres. Le premier, fondé sur la
son apparition, l’énergie du groupe tend à exercer notion de considération sociale, se préoccupe de la
des pressions sur la personne concernée afin qu’elle dimension socioémotive de la communication et du
le modifie. tans l’éventualité o le comportement soutien mutuel ; le second, basé sur la notion de struc-
déviant persiste, le membre se trouvera exclu et isolé. ture, s’intéresse à l’organisation et à la définition des
responsabilités en vue d’assurer la productivité.
La supériorité et l’efficacité potentielles du groupe ne
sont aussi réelles qu’à la condition qu’il dépasse le stade L’autoactualisation
nocif des relations interpersonnelles de concurrence Les tenants de l’approche participative n’ont pas retenu
pour atteindre ce qu’il est convenu d’appeler a l’effet de la vision sociale de l’être humain voulant que le compor-
groupe b. Cet effet découle du cheminement du groupe, tement de celui-ci soit déterminé par son environne-
passant d’une situation de conflit à un état d’harmonie, ment social et que sous-tendaient les expériences de
par l’intermédiaire d’un processus rythmique d’ap- mavthorne et les recherches sur les petits groupes. Ils ont
prentissage. L’idée de l’effet de groupe, grwce auquel le plutôt adhéré à l’hypothèse humaniste héritée de la psy-
groupe stabilise ses tensions et influence ses membres, chologie et de l’anthropologie, de l’actualisation du moi.
a surtout été abordée par eales (1s5r).
Le processus rythmique d’apprentissage
vers l’efficacité peut être décrit de la façon
suivante : la nécessité d’exécuter des twches et L’approche participative concilie les besoins
de résoudre des problèmes en groupe crée individuels, notamment les besoins supérieurs
des tensions qui ont tendance à détruire la
cohésion. Ces tensions se caractérisent par d’affiliation et d’actualisation de soi, et les
des a ordres du jour b informels et par de exigences de l’organisation.
l’agressivité chez les membres. Il en résulte

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • c1

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i leurs yeux, les membres d’une organisation désirent positif de celui-ci après les ravages de la Seconde
d’abord et avant tout négocier des contrats psycholo- Guerre mondiale. Elle se penche sur les sources de la
giques qui leur permettent de satisfaire leurs besoins. En motivation humaine et sur les raisons qui entravent
témoignent les emprunts contemporains aux travaux de le plein potentiel de réalisation de chaque personne.
trois psychologues toujours célèbres dans notre champ : Selon son expérience clinique et les résultats de ses
Maslov (1sx3), Argyris (1s5d) et merzberg avec ses col- entrevues menées auprès d’individus sains (amis,
laborateurs (1s5s). connaissances, étudiants), Maslov (1sx3) constate que
CasloH est le fondateur de la psychologie dite les personnes ont des besoins liés à leur personnalité
a humaniste b de l’être humain. t’inspiration préchré- et qui sont organisés de manière hiérarchique, soit
tienne, son approche stipule d’emblée la bonté fonda- des besoins inférieurs de sécurité aux besoins supé-
mentale de l’être humain et vise à restaurer le caractère rieurs d’accomplissement du moi (voir l’encadré 3.3).

ENCADRÉ 3.3 LA HIÉRARCHIE DES BESOINS

Pour Abraham Masloz (1px3), psy- 2. c’est la privation ou encore la 3. l’être humain est mû par la satis-
chologue américain et professeur : non-satisfaction de ses besoins faction de besoins qui s’inscrivent
qui est source de sa motivation dans deux hiérarchies corrélées
1. l’être humain a des besoins fon-
à l’action g et synergiques, de bas en haut,
damentaux et cognitifs jamais
des plus essentiels aux moins
totalement satisfaits g
pressants (voir la figure qui suit).

FIGURE Une représentation de la théorie de la hiérarchie des besoins de Maslol

BESOINS
fONcAMENTAUX

BESOINS COkNITIfS
fONcAMENTAUX

Besoin d’accomplissement de soi

Besoins esthétiques

Besoins d’estime

Désir de comprendre

Besoins d’appartenance et d’amour

Désir de savoir

Besoins de sécurité

Besoins physiologiques

c2 • chapitre E

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Selon Masloz (1px3, 2006), la hié- • aux besoins d’accomplissement choses f (p. r1) et de construire
rarchie des besoins fondamen- de soi, c’est-à-dire à la fois de un sens g
taux correspond : réalisation (ressentir la plénitude), • aux besoins esthétiques tels que
d’actualisation (réalisation de ses le désir de beauté.
• aux besoins physiologiques qui
possibilités), de dépassement de Au fur et à mesure que les besoins
consistent à assurer l’homéos-
soi (surmonter ses freins et travail- fondamentaux inférieurs sont satis-
tasie du corps humain g
ler à découvrir et à devenir tout ce faits, ils cessent d’être des facteurs
• aux besoins de sécurité qui com- que l’on est capable d’être), voire
prennent les besoins de stabi- de motivation, et les besoins d’un
d’engagement dans une cause ordre supérieur sont alors déclen-
lité, de protection, d’ordre et de extérieure à soi.
structure, etc. g chés. bes besoins cognitifs fonda-
ba hiérarchie des besoins cognitifs mentaux sont interreliés avec les
• aux besoins d’appartenance et fondamentaux (Masloz, 200u) précédents et permettent de satis-
d’amour qui comprennent les correspond : faire les cinq types de besoins fon-
besoins d’affiliation et les besoins
• au désir de savoir (toujours plus)
damentaux. bes critiques de Masloz
de donner et de recevoir de
et de connaître (avec plus de ne manqueront pas de souligner
l’affection g
précision) g que l’importance des besoins varie
• aux besoins d’estime qui com- en général d’un individu à l’autre et,
prennent les besoins d’estime • au désir e de comprendre, de sys-
en particulier, selon sa position hié-
de soi et de reconnaissance des tématiser, d’organiser, d’analyser,
rarchique dans l’entreprise.
autres g de chercher des relations entre les

rgyris (1s5d) est également un psychologue amé- les besoins individuels et les exigences de l’organisation
ricain et un spécialiste du comportement organisation- rationnelle émises par le courant de la pensée formelle.
nel qui a régulièrement correspondu avec Maslov. Pour La solution ne se trouve pas dans des relations plus
lui, l’individu s’inscrit dans une démarche de dévelop- humaines, mais dans des formes d’organisation qui
pement personnel, allant d’un état infantile et imma- permettent l’actualisation du moi. Le mode d’organisa-
ture de dépendance, de soumission et de courte vision tion qui concilie le mieux les besoins individuels et les
temporelle à un état adulte, mature, caractérisé par la exigences organisationnelles est le mode participatif.
recherche de contrôle et d’autonomie. Or il peut exister
des tensions entre les exigences de ce processus d’épa-
nouissement de la personnalité individuelle et celles du
développement de l’organisation (voir la section suivante).
erLberg, après des études en psychologie et méde-
cine, s’est penché lui aussi, avec un œil neuf, sur le thème
de la motivation au début des années 1s5l en interrogeant
plus de 2ll professionnels qualifiés tels des ingénieurs
et des comptables dans des entreprises des alentours de
Pittsburgh, aux États-Unis. Avec ses collègues Mausner
et Snyderman (1s5s), il a proposé une théorie de la
motivation indiquant que les facteurs de la satisfaction
au travail, c’est-à-dire les facteurs intrinsèques, ne sont
pas les mêmes que les facteurs de mécontentement au
travail, soit les facteurs extrinsèques ou d’hygiène (voir
le tableau 3.2 à la page suivante). Selon ces travaux, les
facteurs extrinsèques ne contribuent qu’à réduire l’insa-
tisfaction, alors que les facteurs intrinsèques, et notam-
ment la responsabilisation, accroissent la satisfaction et la
motivation. Les besoins individuels et la situation orga-
nisationnelle exercent donc une influence directe sur le
comportement des personnes. Il existe un conflit entre Locaux de travail, siège social Shopify, Montréal

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • ct

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TABLEAU 3.2

ceux groupes de facteurs de motivation

Facteurs d’hygiène Facteurs motivateurs

Type de facteurs gacteurs extrinsèques (liés au contexte de la tuche) gacteurs intrinsèques (liés au contenu du travail)

Impact des facteurs mnsatisfaction (mécontentement) atisfaction (motivation)

Nature des facteurs • londitions générales de travail (conditions • nravail intéressant en soi
phasiques, avantages, salaire, sécurité) • uccès : réalisation des aptitudes personnelles
• Politiques et pratiques administratives • lonsidération : appréciation des capacités
• upervision • Responsabilité
• Relations interpersonnelles • kvancement
ources : zer berg, 1fe4 v zer berg et collab., 1fdf.

Les relations entre les personnes réduit les occasions d’action et le contrôle que peut
et l’organisation exercer la personne sur son univers. tu même coup,
Selon Argyris (1s5d), il existe souvent des conflits elle accrojt son sentiment d’impuissance et de dépen-
entre les besoins des personnes et les mécanismes de dance. tans la situation o il y a discordance entre
coordination de l’organisation. Ces conflits ont des les exigences de l’organisation et les possibilités de
effets néfastes sur la santé mentale et l’engagement progrès psychologique d’un de ses membres, ce der-
affectif des membres. Les organisations pyramidales et nier peut avoir tendance à se replier. Frustré, il risque
rationnelles centralisent l’information et le pouvoir aux d’adopter l’un ou l’autre des comportements suivants :
échelons supérieurs et spécialisent les twches. Elles éta- se joindre à un syndicat, quitter l’entreprise, limiter son
blissent des normes, évaluent le rendement et suscitent engagement ou accepter, en compensation, des récom-
des styles de commandement directifs. L’organisation penses matérielles ou symboliques.

Quand, un matin, chei Unodollar, le gérant avait demandé à Steevy de remplir


VÉCUES
HISTOIRES

le linéaire de chocolats pour l’vallozeen, celui-ci avait trouvé que la quantité de cartons
à ranger était étonnamment grande. Steevy était allé voir Denis, le plus ancien et aussi
le plus respecté sur le plancher. Ce dernier lui avait dit :
q No way, da prend deux jours pour faire c’te job-là normalement. Te précipite pas !
m la pause, Steevy avait retrouvé Denis et Dylan, un autre employé avec qui il travaillait
souvent sur le même quart.
q Pis l
q T’avais ben raison, Denis, j’y arriverai jamais, avait répondu Steevy.
Denis avait pris Dylan à part :
q ja pas d’bon sens de l’faire travailler comme da ! l profite des jeunes pour rentabiliser
la shop !
q Ouais ben, on ne les laissera pas faire ! avait répliqué Dylan.
Par la suite, l’ambiance au travail s’était rapidement dégradée. Rétrospectivement, Steevy
pourrait dire que c’était la goutte qui avait fait déborder le vase et qui l’avait poussé à se
dénicher un nouvel emploi.
Depuis qu’il travaille à la pharmacie de son quartier, Steevy est content. Avec son regard
de futur ingénieur, il a tout le temps plein d’idées à suggérer. Si son ancien gérant ne voulait
rien savoir, et surtout, ne rien changer, son nouveau patron est ouvert à ses suggestions.
ja fait du bien de se sentir écouté.

c4 • chapitre E

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te nombreuses recherches tendent, selon Argyris d’organisation participative par groupe sur les trois
(1s5d), à confirmer cette thèse. Les études portant sur autres formes que sont les systèmes autoritaire, pater-
l’aliénation et la satisfaction au travail font état de la naliste et consultatif (Likert, 1scd) (voir le tableau 3.3 à
situation de dépendance et d’impuissance de nom- la page suivante).
breux travailleurs. Plus les personnes
ont l’occasion de contrôler les élé-
ments essentiels de leur travail, plus
L’approche participative considère que les managers
leur satisfaction est élevée. Ainsi, les
cadres supérieurs et les médecins a utilisent b souvent mal leur personnel.
sont plus satisfaits au travail que les
ouvriers non spécialisés. La solu-
tion à cette situation est la mise sur
Selon les chercheurs de l’ISn, la forme participative
pied d’organisations axées sur la participation, de sorte
est plus efficace, car elle stimule les échanges d’in-
que la personne puisse obtenir des satisfactions intrin- formation, la capacité d’influence des subordonnés
sèques. Malheureusement, le monde des organisations et la prise de décisions en groupe. Elle permet à la
est caractérisé par la méfiance, la conformité et le repli personne de se contrôler elle-même et de participer à
sur soi, alors qu’il devrait être celui de la confiance et de l’établissement des buts. Elle améliore les attitudes et
l’expression du moi (Argyris, 1s5d). la productivité. Les formes d’organisation
autoritaires peuvent certes, à court terme,
générer de hauts niveaux de productivité,
L’approche participative réduirait le sentiment mais, à long terme, elles ont des effets
négatifs sur la collaboration des employés,
d’aliénation et augmenterait le sentiment leurs comportements et leur satisfaction.
L’organisation participative s’oppose donc
de satisfaction en permettant à l’employé à la gestion autoritaire, bienveillante ou
d’obtenir des satisfactions intrinsèques telles simplement consultative.

que le contrile de sa thche et la participation Le système de gestion


à l’établissement de ses objectifs. participatif par groupe
Comme nous l’indiquons dans le ta-
bleau 3.3, Likert observe à son époque
quatre systèmes de gestion différents :
Les éléments constitutifs l’autoritarisme, le paternalisme, la consultation ou la
de l’approche participative participation.
La gestion axée sur la participation est un mode
Les recherches empiriques de l’ISn de l’université du
d’organisation qui étend le pouvoir aux employés
Michigan ont suscité, chez Likert et chez ses collègues,
grâce à la mise en place de groupes, de comités ou de
l’idée que les entreprises n’utilisent qu’en partie, et mal,
commissions ad hoc. Les systèmes de gestion fondés
leur personnel. nensis GiMert, le psychologue et profes-
sur l’autoritarisme ou le paternalisme font appel, selon
seur de psychologie industrielle célèbre pour l’invention Likert (1scd), à des motivations inférieures : l’insécurité
de l’échelle de jugement en cinq points du même nom économique, la peur des punitions ou les récompenses
utilisée dans les questionnaires psychométriques, s’est pécuniaires. i l’inverse, le système de participation
fait le défenseur emblématique de l’organisation axée s’articule autour des motivations d’affiliation et d’ac-
sur la participation en tentant de mesurer quantitati- tualisation de soi, exprimées au sein des groupes. Les
vement les performances (productivité, absentéisme, récompenses financières, bien qu’importantes, vont
rotation du personnel, cokts, pertes, gains) des entre- de pair avec la participation au travail de groupe et à
prises adoptant ce mode d’organisation. i la demande l’élaboration des buts. En conséquence, les membres
de la Life Insurance Agency Management Association, se sentent responsables de la réalisation des buts de
il mène, dès le milieu des années 1s3l, des enquêtes l’entreprise. Les communications, dans l’organisation
auprès de différentes compagnies d’assurances pour autocratique ou paternaliste, prennent leur source au
comprendre les variations de résultats entre elles. tans sommet de la hiérarchie. tans l’entreprise axée sur la
les années 1scl, Likert publie les conclusions de ses participation, elles émanent de tous les niveaux de la
recherches qui indiquent la supériorité de la forme hiérarchie et s’effectuent dans toutes les directions.

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • ck

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de soutien mutuel dans le système de participation.


Les membres, peu importe leur échelon, ont le sen-
Le courant participatif prine une timent que les rapports interpersonnels contribuent à
délégation de l’autorité et un mode leur développement personnel.

d’organisation par groupes de travail. Une conception renouvelée


de l’être humain
Cette conception participative de l’organisation sup-
L’interaction et l’influence entre supérieurs et subor- pose une conception de l’être humain renouvelée. C’est
donnés se caractérisent, dans les systèmes autoritaire du moins ce que considère touglas Cc regor (1scl),
et paternaliste, par la méfiance et les conflits latents. psychologue behavioriste très connu des managers
Au contraire, il existe un haut niveau de confiance et en son temps et profondément influencé par Maslov.

TABLEAU 3.3

Les quatre systèmes de gestion selon Limert


Système participatif
Système autoritaire Système paternaliste Système consultatif
(par groupe)
Prise de • Décisions autocratiques • Quelques décisions peu • Participation des • Utilisation régulière
décision prises au sommet importantes prises aux subordonnés aux des groupes pour
niveaux inférieurs décisions sans qu’ils la prise de décisions,
aient une influence réelle la gestion des conflits
et l’établissement
des objectifs

cirection • kucune confiance entre • lonfiance condescendante • hrande confiance • lonfiance totale
subordonnés et supérieurs des supérieurs envers réciproque mais entre supérieurs
• Utilisation par les les emploaés et attitude pas totale et subordonnés
dirigeants de la crainte, soumise des subordonnés • Utilisation par les • Utilisation par les
des menaces, des avec une faible conscience dirigeants de récom- dirigeants de sastèmes
sanctions et récompenses de leurs responsabilités penses, de sanctions d’intéressement
occasionnelles seulement • Utilisation par les diri- occasionnelles et d’une aux bénéfices
• Esprit d’équipe inexistant, geants de récompenses participation partielle • lohésion de l’organi-
travail d’équipe et de sanctions • nravail d’équipe sation résultant de la
découragé • Peu d’encouragement encouragé participation de chacun
au travail en équipe à plusieurs groupes

Communication • lommunications peu • giltrage de l’information • lommunications à • lommunication


nombreuses, du haut vers montante vers le supérieur la fois ascendantes bidirectionnelle
le bas, avec de grandes pour refléter ce qu’il et descendantes et • upérieurs et subor-
déformations souhaite entendre transmises avec fidélité donnés généralement
• upérieurs et subordon- • ksse bonne psachologiquement
nés psachologiquement connaissance et très proches
très éloignés compréhension par
les supérieurs des
problèmes de leurs
subordonnés

Contrile • hrande centralisation, • Organisation informelle • lontrôle modérément • lontrôles largement


utilisation des partiellement hostile à confié aux subordonnés décentralisés
informations tirées la poursuite des objectifs
du contrôle à des fins de l’organisation officielle
répressives, organisation
informelle hostile aux
objectifs officiels
ources : Liiert, 1fe4 v cheid, 1fff.

cc • chapitre E

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McGregor est un professeur influent des années 1s3l de participer. Le contrôle appartient aux personnes et
aux années 1scl qui a recruté Levin au MIT et l’a aux groupes, plutôt que de procéder du système officiel
aidé à fonder le centre de recherche sur la dynamique de règles, d’évaluation et de sanctions. Au lieu d’être
de groupe. Il propose deux théories du leadership, réservée aux supérieurs et transmise par la hiérarchie,
connues sous les noms de théorie g et de théorie Y l’autorité est largement partagée avec les subordonnés ;
(voir le tableau 3.4). Celles-ci correspondent à deux ceux-ci sont alors capables d’exercer une influence sur
perceptions de la personne, l’une apparentant celle-ci leur supérieur hiérarchique.
à un être paresseux et non motivé, l’autre la perce-
vant comme un être essentiellement bon et motivé.
Partant de ces deux conceptions, McGregor définit le
leadership autoritaire (associé à la théorie g) et le lea- L’approche participative facilite
dership démocratique (associé à la théorie Y), plutôt
l’adhésion aux décisions.
axé sur la consultation et la participation. Il préconise
un leadership démocratique, plus proche selon lui de
la véritable nature humaine et plus souple en vue de
la réalisation de la finalité organisationnelle. L’autorité cesse d’être un pouvoir réservé au départ
à la direction et cédé morceau par morceau aux subor-
Les effets positifs de la participation donnés. Elle représente au contraire une influence qui
Les chercheurs de l’ISn sont aussi d’avis que le sys- s’exerce dans tous les sens, de bas en haut, de haut en
tème de gestion axé sur la participation réduit les bas et latéralement. Grwce à la participation, les diri-
frustrations des employés. La participation leur per- geants augmentent leur a contrôle b (des situations et
met d’accrojtre leur autorité et d’élargir le champ de non des personnes), et les membres ont aussi la certi-
leurs activités. Les règles de l’entreprise leur apparaj- tude de mieux contrôler leur travail. Les subordonnés
tront comme moins arbitraires en raison de leur colla- ont l’impression que leurs suggestions sont écoutées.
boration aux décisions. Ainsi, la participation fait du Les tentatives d’influence des subordonnés ne sont pas
subalterne un décideur et accrojt non seulement sa perçues par les administrateurs comme des menaces,
satisfaction, mais aussi sa motivation au travail. mais comme des contributions à l’organisation, faites
L’avantage fondamental de la décision en groupe n’est en vue d’en accrojtre l’efficacité.
pas tant la qualité des décisions que leur acceptation et
l’adhésion des personnes qui les ont prises. Ce type Les réaménagements de structures
de système s’accompagne d’une forme de commande- L’application du système de gestion orienté vers la par-
ment d’autant plus démocratique que la participation ticipation suppose des aménagements de structures,
est élevée. La direction laisse la liberté aux personnes c’est-à-dire la création de groupes ayant des pouvoirs

TABLEAU 3.4

ceux conceptions opposées de la nature humaine


Théorie X Théorie Y
Leadership autoritaire Leadership démocratique
• L’être moaen a un dégoct inné du travail et fait tout pour l’éviter. • L’effort phasique ou mental au travail est aussi naturel
• Du fait de cette aversion, il faut le contraindre, le contrôler, que le jeu ou le repos.
le diriger et le menacer de sanctions pour obtenir ses efforts pour • L’être normal est capable de se contrôler et de se diriger lui-même
atteindre les objectifs de l’organisation. s’il se sent responsable de certains objectifs et s’il tire une satisfaction
• ml préfère être dirigé, éviter les responsabilités. (en particulier l’accomplissement de soi) dans leur réalisation.
• ml a peu d’ambition et recherche surtout la sécurité. • Dans des conditions normales, l’être non seulement assume
les responsabilités, mais il les recherche.
• La créativité, l’imagination et l’ingéniosité sont mises au
service de la résolution des problèmes par tous les emploaés
et sont souvent sous-utilisées.
ource : kdapté de Mchregor, 1f60.

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • c7

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collégiaux et liés entre eux. Comme l’indique Likert Une critique de l’approche
(1sdx, p. 1d) :
participative
Pour parvenir à établir la coordination voulue, une
condition essentielle doit être remplie. Il faut que la L’effet prévu de l’organisation axée sur la participa-
structure de l’organisation tout entière comprenne tion est de faciliter la mise en œuvre des décisions et
de multiples groupes qui s’imbriquent les uns dans d’accrojtre l’adhésion des membres à celles-ci. En
les autres, et que chacun d’entre eux soit capable raison de leur participation, les membres sont plus dis-
d’appliquer au mieux les méthodes de prise de déci- posés à accepter et à exécuter les décisions dont ils
sions en groupe. o…p L’organisation qui remplira sont les coauteurs. La participation motive les mem-
cette condition disposera d’un système d’influences bres en leur donnant le sens de leurs responsabilités,
et d’interaction assurant une communication aisée ; accrojt leur degré de satisfaction et leur rendement,
l’influence exercée sera alors aussi bien latérale qu’as- et elle réduit l’absentéisme.
cendante ou descendante et les forces de motivation
nécessaires à la coordination se feront jour.
Les groupes se chevauchent, car ils sont réunis par Participer prend du temps. Or, le temps
des dirigeants de chaque groupe, qui jouent le rôle
d’agents de liaison. Chaque dirigeant (manager) rem-
devient une denrée rare.
plit une triple fonction : il est à la fois subordonné,
chef et collègue. Les managers agissent donc comme
cheville ouvrière ; animateurs pivots, ils transmettent Toutefois, la mise en place de l’organisation parti-
l’information d’un groupe à l’autre et exercent une cipative n’est pas sans difficulté (voir le tableau 3.5).
influence de façon à réaliser l’intégration des membres Ce fonctionnement présuppose des modifications
et des groupes. Par exemple, une infirmière pourrait structurelles et des styles de direction qui ne peuvent
avoir plusieurs statuts dans son hôpital. Tantôt, elle est être établis rapidement. La participation est aussi de
une sorte de a subordonnée b du médecin au moment de nature à conduire à une cohésion contre l’administra-
suivre avec lui et son groupe d’internes la tournée des tion lorsque cette dernière n’est pas à la hauteur des
lits chaque jour ; elle est a chef b au moment de trans- attentes. La participation exige un investissement de
mettre les instructions pour la journée aux infirmières temps et d’énergie qui peut susciter des frustrations,
auxiliaires et aux préposés aux bénéficiaires de son surtout relativement à la qualité des décisions prises
service ; et elle est a collègue b au moment de partici- (voir le chapitre 6). En outre, en dépit de leurs bonnes
per aux réunions de cas cliniques avec tout le personnel intentions, les dirigeants ne possèdent pas forcément
médical, notamment, une fois par mois, sur les causes les aptitudes managériales nécessaires. Enfin, l’entre-
de décès à son étage. tans tous les cas, elle joue un rôle prise peut se trouver incapable, dans certaines situa-
clé pour transmettre les informations essentielles à qui tions comme dans le cas d’une urgence, d’une crise ou
de droit et faciliter la coordination des soins. d’un moment de fragilité financière, de consacrer les
dépenses et les énergies requises par un mode de ges-
Les groupes peuvent aussi être tempo-
tion participatif.
raires : des comités éphémères, des équipes
de projets ou des cellules chargées de mis-
sions spéciales. Ils rassemblent, en vue d’un
but déterminé, des personnes de différents Le MRH tente de comprendre le facteur humain
niveaux hiérarchiques ou de divers secteurs,
de la productivité, alors que le mouvement de la
placées temporairement sous la direction
d’un responsable. Les comités ad hoc et les direction humaine et le mouvement participatif
groupes de travail facilitent les commu-
nications verticales et horizontales et font
mettent l’accent sur la dimension sociale
en sorte que les décisions soient prises à la et démocratique du management.
lumière de toute l’information disponible.

cs • chapitre E

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TABLEAU 3.5

Une présentation sommaire du mouvement participatif


Principales contributions Principales critiques
• Prise de conscience du fait qu’un mode de gestion démocratique • Difficulté dans certains cas à appliquer rapidement
participatif favorisant la participation des travailleurs contribue • Nécessité d’accorder beaucoup de temps et d’énergie
à accroître l’efficacité et la créativité et apparition possible de frustrations
• Vision conforme à l’idéal démocratique et au besoin • kpplication difficile en situation de crise ou de ressources
d’accomplissement des membres financières restreintes
• Motivation des personnes lorsqu’on leur confie
des responsabilités
• kccroissement de l’adhésion des membres
• tructuration de l’organisation par un chevauchement
de groupes interactifs

Trois mouvements, un courant :


celui des pensées humaine et behavioriste
Les approches humaines et behavioristes ont pris nais- le désordre, l’absence de collaboration et la réduction
sance avec le Mnm, qui voulait donner aux personnes de la participation individuelle à l’organisation sociale.
des satisfactions sociales au travail et qui a donc tenté Le syndicalisme existe, selon le Mnm, en raison de
d’intégrer à la pensée managériale des considérations l’isolement des ouvriers provoqué par la technologie
humaines et sociales. Par la suite, l’approche axée et les styles de gestion autoritaires. tès l’instant o
sur la participation a remis en cause la répartition la direction prend en charge l’organisation sociale de
du pouvoir et proposé des modes de gestion qui l’entreprise, le syndicalisme perd sa fonction. Avec le
laissent une large place aux groupes et à l’actualisa- recul, on s’aperçoit que c’est prêter un rôle réducteur
tion du moi avec toutes les conséquences bénéfiques au syndicat, relégué à la fonction de club social et non
que nous avons pu voir jusqu’ici (voir le tableau 3.6 à la d’institution du dialogue social (ayant un impact sur
page suivante). la législation sociale et le droit du travail) à l’échelle
La participation aux décisions et le partage du pou- sociétale.
voir ne s’effectuent pas toujours dans l’harmonie et ne On reproche donc souvent aux théories behavio-
contribuent pas nécessairement à accrojtre la produc- ristes l’exclusion des conflits d’intérêts et des relations
tivité. Au contraire, le conflit et l’affrontement sont des de pouvoir en raison d’une conception anthropolo-
phénomènes organisationnels auxquels la direction gique humaniste limitée. En effet, pour les behavio-
des entreprises doit savoir faire face. C’est un modèle ristes, l’humain semble être l’équivalent d’une bojte
efficace, mais qui exige d’être compris dans toutes ses noire, sans psychisme ni subjectivité. te plus, le mode
dimensions et sa philosophie. Ainsi, le modèle partici- de gestion participative ne peut être établi rapidement
patif a souvent échoué quand la direction n’était pas et il représente un cokt important en ressources, en
authentique ni cohérente entre les principes énoncés temps et en énergie. Il ne faut cependant pas oublier
et les actions menées. que le mouvement participatif date d’une période
Les défenseurs des théories behavioristes, en par- marquée par la Seconde Guerre mondiale puis par la
ticulier les auteurs du mouvement des relations guerre froide et que les chercheurs de l’époque (dont
humaines, ont toutefois fait part de positions singu- certains étaient des immigrants installés aux États-
lières à l’égard du syndicalisme. Ils l’ont vu comme un Unis après avoir fui l’Europe) avaient pour parti pris
phénomène qui allait disparajtre à mesure que les diri- idéologique la recherche de la paix sociale et la défense
geants adopteraient les styles de commandement axés de systèmes d’organisation voulant remplacer les
sur la participation. Mayo (1sx5) et plusieurs autres mouvements autoritaristes de l’époque tels le commu-
ont partagé l’idée que le syndicalisme est en quelque nisme (Aktouf, 2llc).
sorte une résistance vaine dont les conséquences sont

Les CaLons historiDues de L’humanisation du manaBement • cl

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Au-delà de ces blwmes pragmatiques, certains pen- limitées par la série des objectifs et des indicateurs
seurs critiques radicaux vont jusqu’à s’interroger sur de performance qui la formatent (voir le chapitre 6) :
l’utilisation faite de ces avancées théoriques qui prô- La nature humaine a sentimentale b et a irration-
naient le rapprochement entre direction et employés ; nelle b redécouverte à mavthorne devra, bon gré mal
ils constatent qu’elles ont parfois plutôt servi à réa- gré, se a couler b dans le moule rationnel et écono-
dapter les principes rationalistes des écoles formelles mique de l’organisation industrielle et n’y avoir droit
à la vocation productiviste de l’entreprise industrielle de cité que si la productivité s’en trouve améliorée o…p.
comme l’introduction des analyses des profils psycho- Le mouvement a été dénommé a humanisation b du
sociologiques du personnel à des fins de recrutement, travail et de l’industrie, mais on a plutôt assisté à une
par exemple avec des pseudo-pratiques de participation industrialisation de l’humain. (Aktouf, 2llc, p. 1dc)

TABLEAU 3.6

Le résumé des caractéristiques des trois mouvements du courant humain et behavioriste


Perspective
Perspective humaine et sociale
technique
Mouvement des Mouvement de la
Pensée formelle Mouvement participatif
relations humaines direction humaine

Autorité • Verticale • Verticale (élite) • lirculaire (haut-bast • lirculaire


bas-haut)
• lentralisée • lentralisée • Distribuée • Distribuéetdécentralisée
• Position hiérarchique • Lien de subordination • Lien d’interdépendance • Lien d’interdépendance
• Responsabilité • Responsabilité de • Responsabilité de • Responsabilité de
de quelqu’un quelqu’un quelque chose quelque chose
• Découle de la fonction • Découle du statut • Découle de la • Découle du leadership
social compétence

Pouvoir loercitif (pouvoir « sur ») loercitif (pouvoir « sur ») lo-actif (pouvoir « avec ») lo-actif (pouvoir « avec »)

Ordres Dépersonnalisés Personnalisés Dépersonnalisés Dépersonnalisés

Optique nravail kffects – relations ituation – informations wesoins humains supérieurs


interpersonnelles (actualisation du moi)

Personne Main (corps) lpur (sentiments) lerveau (acteur) Psaché

Satisfaction Rémunération Rémunération mncitations intrinsèques gacteurs de motivation


financièretmatérielle socialetsambolique et extrinsèques intrinsèques et extrinsèques

Conflits Occultés • implifiés kbordés par Réglés par la participation


d’intérêts • Réglés par l’harmonie la persuasion (décision de groupe) et
et jeux de sociale (communication) et l’adhésion qui en découle
pouvoir le conflit « constructif »

Métier du mntégration technique des mntégration sociale des mntégration mntégration organisationnelle
dirigeant machines et des gestes personnes (relations) organisationnelle (au sein de groupes) des
(au sein du groupe) besoins d’actualisation
des points de vue (délégation)
(concertation)

70 • chapitre E

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CHAPITRE

QU’EST-CE QU’UN
MANAGEMENT HUMAIN ?
4
L’HUMAIN AU TRAVAIL : LE TRAVAIL HUMAIN Qui n’a pas souri ou grincé Le travail n’est pas
des dents en entendant ce refrain célèbre « ie travail, c’est la santé, ne rien
une valeur dont on
faire, c’est la conserver » d’lenri Salvador (cgkj) ou celui d’un traditionnel
cajun « Travailler, c’est trop dur » chanté par machary Richard (cggk) ? Depuis
s’Eonore. Le travail
longtemps, la chanson populaire se fait l’écho de la pénibilité du travail. est un Mait concretI
En effet, le travail renvoie plus souvent à sa part de peine (penos en grec pE si ueI l’engagement
veut dire activité pénible) qu’à sa part gratifiante de production, d’élaboration des corpsI des espritsI
d’une œuvre (ergon en grec). Il combine pourtant inextricablement douleur
des sens pour agir
et création (Méda, 20cj). Nous ne referons pas ici l’histoire du concept de
travail depuis la Grèce ancienne où il était réservé aux esclaves, mais nous
sur le monde.
nous concentrerons plutat sur les raisons et sur la fa on dont le travail est (home , 2016, p. 3e)
défini et vécu aujourd’hui.

4.1 De la complexité des problèmes humains


noethlisberger et tickson (1s3s) h collègues de Mayo, a nouveau management b se sont imposés depuis les
le père fondateur du courant des relations humaines h années 1srl dans toutes les sphères de l’entreprise et
ont constaté dans les années 1s3l que l’insatisfaction de la société comme une puissante bojte à outils pour
des employés au travail dépend de causes multiples et prescrire et modeler la performance des individus et
résulte souvent de situations complexes. Elle découle de l’entreprise.
plus largement d’interférences négatives entre les On est passé d’un gouvernement par les ordres à
conditions physiques et sociales de travail dans l’entre- une nouvelle forme de pouvoir qui fonctionne à la
prise, d’une part, et la situation d’équilibre déséquilibre prescription, à l’évaluation des résultats, au mana-
personnel des employés, par exemple leur état de santé gement par projets. Il s’agit moins d’imposition que
physique ou mentale ou leurs préoccupations person- d’incitation, moins de contrôle disciplinaire que de
nelles, d’autre part. Selon eux, le manager devrait donc mesure des performances, moins de surveillance
savoir considérer les employés comme autant d’indivi- tatillonne par des chefs que d’intériorisation de
dus différents et ne pas ignorer les problèmes humains l’exigence de l’organisation, moins enfin de normes
dans toute leur complexité pour comprendre certains formelles à respecter que de prescriptions idéales à
dysfonctionnements au travail. atteindre. (de Gaulejac et manique, 2l15, p. 25)
Mais les managers ont-ils contribué à une huma- eien des sociologues (de Gaulejac et manique, 2l15 ;
nisation ou à une déshumanisation du travail ? tans tujarier, 2l15 ; Linhart, 2l15, etc.), psychologues
le contexte contemporain de a révolution managé- (Aubert, 2l1l ; Clot et Gollac, 2l1x) et psychanalystes
riale b (de Gaulejac et manique, 2l15), le management (tejours, 2l15) actuels du travail déplorent que cela
et les techniques managériales les plus récentes du se fasse au détriment de l’humain. Nous tenterons de

u’est-ce u’un manaBement humain ? • 71

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comprendre pourquoi dans ce chapitre construit en


deux parties. La première fournit les éléments de com-
préhension de ce qu’est le travail humain, et la seconde Le travail est à la fois activité pénible
examine les obstacles contemporains à l’humani sation (penos) et œuvre gratifiante (er on).
du travail dans la société contemporaine.

Josée-Anne regarde sa montre en revenant des toilettes. l est 21 h, et elle croyait


VÉCUES
HISTOIRES

en avoir fini plus tôt. En relevant les yeux, elle tombe nei à nei avec la femme de ménage
qui sursaute si violemment en la voyant qu’elle en échappe le tuyau de sa balayeuse. aosée-
Anne se met à rire.
q ae suis désolée, je ne vous avais pas vue, dit-elle.
q Pas de problème, répond la femme de ménage en ramassant rapidement son outil
de travail.
Empêtrée depuis le matin dans la rédaction de son plan de communication, aosée-Anne
a bien envie de se distraire un peu. Elle désigne la balayeuse que la femme porte comme
un sac à dos.
q ja a l’air d’un aet pack, votre truc, commente aosée-Anne. C’est vous qui faites le
ménage sur tous les étages l
q Non. ae fais partie d’une équipe, nous sommes plusieurs employés, débite la femme à
toute vitesse. Mon employeur fait la sous-traitance dans tous les bureaux du quartier.
q kous aimei travailler le soir l
q Oui. Mais je suis désolée, je ne peux pas vous parler très longtemps, ajoute-t-elle en
s’éloignant. a’ai 15 bureaux à faire à l’heure. Passei une belle soirée.
q Bonne soirée !
aosée-Anne la regarde s’éloigner. Quinie bureaux à l’heure l C’est comme si elle devait
faire le ménage de son appartement en 15 minutes. Ouch, se dit-elle en retournant à son
plan de communication.

4.2 Les trois conceptions concomitantes du travail


Nous vivons souvent le travail aujourd’hui comme En effet, le concept de travail, au sens économique pré-
a une activité pénible liée à la satisfaction de besoins b cédent, n’existait pas dans les sociétés précapitalistes,
(Méda, 2l15, p. d). Au sens économique, le travail est car la logique d’accumulation et de production à des
une activité productive, mobilisant des capacités phy- fins d’échange et de satisfaction de besoins illimités
siques ou intellectuelles, rémunérée par un revenu n’existait pas. tans les groupes amérindiens des socié-
(salaire, honoraires, etc.). Pourtant, selon tominique tés précapitalistes par exemple, l’activité quotidienne
Méda, sociologue et spécialiste du travail, cette concep- regroupe des twches qui participent de la vie et de la
tion est récente dans l’histoire humaine. En fait, elle survie du groupe social. L’activité de production n’y est
najt avec le capitalisme industriel (voir le chapitre 1). jamais exercée à titre individuel ni pour des motivations
strictement personnelles. On est loin des concep-
tions du travail qui se sont imposées au fil des révo-
lutions industrielles qui ont marqué les gfIIIe et gIge siè-
Au sens économique, le travail est cles, et selon lesquelles le travail est à la fois devenu
un facteur de production de richesse, l’essence de
une activité productive rémunérée. l’homme et un moyen de redistribution de richesse
et de soutien à l’intégration sociale (Méda, 2l15).

72 • chapitre

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Un facteur de production Le travail constitue aussi un puissant mécanisme de


socialisation. tans la société moderne, tout entière en
de richesse quête d’abondance, le rapport social qui lie les indi-
Sur la base des travaux d’Adam Smith, La richesse des vidus entre eux est un rapport de contribution à la
nations, publiés en 1ddc, on considère que le travail est production de richesse. Le travail permet la mesure
une activité productive à l’inverse des autres activités de cette contribution. Le travail est utile. Il contribue
humaines, qui ne sont pas liées à l’échange de biens et ainsi, pour les économistes, à l’augmentation du pro-
à la rétribution de capacités : les activités politiques, per- duit intérieur brut d’un pays.
sonnelles, amicales, familiales, etc. Au cœur de la pro- i la fois abstrait et détachable de la personne
duction de biens et de services, le travail joue deux rôles puisqu’il se mesure et se marchande, le travail est en
importants dans les activités économiques. t’une part, même temps le moyen par lequel la personne obtient
il génère des revenus pour les travailleurs et, plus glo- son autonomie. Il faut ici entendre l’autonomie non
balement, il crée de la richesse individuelle et collective seulement comme une autonomie de subsistance qui
par l’introduction de ces revenus dans le circuit écono- permet de satisfaire des besoins primaires, mais aussi
mique, que ce soit à l’échelle locale, régionale, nationale, comme l’appropriation par l’humain de sa propre
etc. t’autre part, il crée de la valeur pour le capitaliste. La capacité de transformation de la nature à ses usages et
différence entre la rémunération de l’ouvrier et la valeur d’amélioration de l’existant.
de la vente d’un objet produit par ce dernier devient de la
a valeur ajoutée b. Pour créer le maximum de valeur ajou- L’essence de l’homme
tée, il faut soit augmenter le prix de la vente d’un produit, tans la foulée des penseurs et des philosophes du
ce qui diminue l’attrait de celui-ci pour les clients et pour début du gIge siècle, notamment marxistes, le travail
la concurrence, soit diminuer la rémunération du travail, est aussi considéré comme la a force créatrice b, qui fait
d’o ce que nous appelons, depuis Marx, le conflit capi- advenir l’humain même (Marx, 1sd5, p. 3r). Le travail
tal travail. Pour de nombreux économistes classiques tels entendu comme la production industrielle à l’époque
que Mills, nicardo, Marx et eynes, la valeur d’un objet de Marx, dans les années 1r5l, est directement asso-
est en effet évaluée à la quantité de travail qu’il contient. cié à l’humain. Il distingue en cela l’humain de l’ani-
Le travail est une unité de mesure de la valeur qui per- mal, celui qui fabrique, exprime sa singularité dans le
met de rendre les marchandises comparables entre elles. monde et s’inscrit en même temps dans l’œuvre com-
tevant l’impossibilité d’évaluer intrinsèquement le tra- mune de la société au sein de laquelle il laisse la trace de
vail en soi et la nécessité de mesurer la quantité de travail ses créations. Selon l’utopie marxiste, il s’agit alors de
et d’attribuer une valeur au travail lui-même, les écono- libérer le travail de son aliénation au capital, c’est-à-dire
mistes susmentionnés ont peu à peu assimilé travail et au profit des capitalistes qui détiennent les moyens de
temps1 de travail. Le travail en soi devient générique. Le production. L’idéal consiste donc à atteindre une société
travail temps de travail ne suppose pas d’interrogation d’abondance généralisée qui permet à l’homme une
sur la nature du travail. Ainsi, la valeur du travail devient production création libre, une réalisation de soi par le
l’élément principal du calcul du cokt de production d’une travail, puisque c’est le moyen d’expression et de recon-
marchandise, et cette valeur est calculée uniquement sur naissance sociale par excellence. Pour cela, Marx préco-
la base de la valeur de sa rémunération, autrement dit le nisait donc l’abolition de la propriété privée des moyens
salaire de l’ouvrier. de production et donc du salariat.
Marx a alors montré, au gIge siècle, en pleine révolu-
tion industrielle, combien l’aliénation du travail pro- Un système de redistribution
venait de l’appropriation par le capitaliste, au nom de des richesses
la propriété des moyens de production, de la valeur du Selon le discours sociodémocrate apparu à la fin du
travail fourni en surplus (Marx parle de plus-value) gIge siècle, en particulier en Allemagne, le travail, exi-
par le travailleur qui, lui, est rémunéré seulement par geant une contrepartie comme un salaire, des avantages
un salaire. sociaux ou des honoraires, est un moyen par lequel

1. ml est intéressant de constater dans l’histoire comment les instruments de mesure du temps se sont rapidement perfectionnés, davantage en Occident
qu’en Orient, à partir du Ve siècle et de l’avènement du travail industriel (Delmas, 1ff1 v Landes, 1f8e) : de la cloche de l’église, à l’horloge de l’usine
jusqu’à la montre individuelle, qui est devenue l’instrument par excellence du capitaliste

u’est-ce u’un manaBement humain ? • 7t

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s’organise une redistribution des richesses,


avec la répartition de revenus et de droits, et,
par là, un ordre social plus juste. Cependant, Le travail est à la fois un facteur de production
l’État social démocrate doit alors garantir de richesse, l’essence de l’être humain et
la croissance économique et s’assurer de la
possibilité pour tous d’accéder à l’emploi ou un système de redistribution des richesses.
aux richesses produites, bref, d’assurer, par
l’intermédiaire du principal moyen qu’est le
travail, l’intégration sociale de tous les citoyens.
Évidemment, ces trois conceptions du travail sem cas, garantir par ailleurs l’expression de la singularité
blent contradictoires entre elles. Par exemple, si le de chacun et son sens de l’accomplissement dans ce
travail est un facteur de production de richesse et travail quantité, dépouillé de toute réflexion sur son
qu’il est l’outil de la mesure de la richesse produite, contenu ? Sans lever ces contradictions qui demeurent
la quête d’efficacité voudrait que l’on produise le plus vivaces aujourd’hui, un détour par deux utopies domi
possible en réduisant au minimum ce qu’il en cokte nantes du travail peut nous aider à progresser dans
pour y arriver, c’est à dire le travail. Comment, en ce notre définition du travail humain.

4.3 Deux visions et deux utopies du travail


teux philosophes du gge siècle, mannah Arendt, une en étions couvertes, nous en respirions plein la
Américaine d’origine allemande, auteure en 1s5r bouche et le nez. Et le soir nous sortions, les mains
de La condition de l’homme moderne, et la Française et la figure toutes bleues, toutes noires ou toutes
Simone yeil, avec La condition ouvrière, paru en 1s51, rouges, suivant la couleur de la matière que nous
nous aident à penser le travail humain (Gomez, 2l13). avions manipulée. Il nous fallait relaver nos bas tous
On doit à Arendt une réflexion sur la distinction entre les jours. Mais le plus pénible, c’était cette impres
le travail (le labeur de l’animal laborans) et l’ uvre (la sion que nous avions, tout en faisant en vitesse nos
fabrication de l’homo faber) publiée en 1s5r. L’œuvre, nœuds grossiers, d’une besogne bwclée et sale, qui
selon elle, c’est la fabrication d’un monde d’objets arti servirait mal et qui ne durerait pas. Croirait on que
ficiels par l’être humain, destinés à lui survivre et à le jusque dans cet humble labeur de dévider un bout
transcender. L’œuvre est le résultat durable de l’activité de fil et d’y faire des nœuds, l’être humain veuille
humaine qui témoigne de son appartenance au monde encore produire œuvre durable et puisse encore
et lui permet d’éprouver l’idée d’une stabilité dans ce trouver sa joie à faire bien, à faire beau et bon (fan
monde par l’intermédiaire de ces objets plus perma der Meersch, 1ss3, p. s5s)
nents que lui. Ainsi, a le monde commun est ce qui
nous accueille à notre naissance, ce que nous laissons buvrer comme expression
derrière nous en mourant b (Arendt, 1sr3, p. s5). te
d’une liberté
fait, là o le produit du travail se consomme, le pro
duit de l’œuvre, lui, fait l’objet d’usages dans la durée : Contrairement au travail, l’œuvre au sens d’Arendt
pensons à des objets artificiels qui durent comme une résulte de l’expression d’une liberté puisqu’elle ne se
maison, un meuble, un outil, un objet d’art, etc. trouve pas contrainte, comme l’est le travail, par les
Il est saisissant de lire certains témoignages ou écrits nécessités de l’existence. Le travail de l’animal laborans,
portant sur la condition ouvrière dans des usines emblé en effet, est une obligation, car il assure la subsistance
matiques de la deuxième révolution industrielle et sur le de l’être humain et la survie de son espèce. Il faut
souci de ces travailleurs de faire bien, beau et bon mal s’y résoudre. Mais l’homo faber, quant à lui, se réalise
gré tout. Par exemple, fan der Meersch écrit en 1sxr : librement à travers ses choix de fabrication en fonction
Mais il n’y a plus guère de contentement pour
d’objectifs qu’il a invente à son gré b (Arendt, 1sr3,
l’ouvrier, une fois qu’il a conscience de produire du p. 1sc). uui plus est, a œuvrer b requiert moins le
médiocre. t’abord, nous étions dans une atmos a travail du corps b que a l’œuvre des mains b et avec
phère de saleté et de laideur. Nous faisions à nos fils elle l’exercice d’un discernement, qui élève l’être hu
de gros nœuds de tisserand malpropres, nous tra main à des activités a plus hautes et plus enrichis
vaillions une fibre grumeleuse et morte o…p. Nous santes b (p. 3d) que celles prêtées à la bête de somme.

74 • chapitre

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Jean-Yves contemple avec fierté la caisse automatique qu’il vient

VÉCUES
HISTOIRES
d’installer dans le supermarché oh travaille aulie-Aude. l ramasse ses outils et se
rend au pub de l’autre côté de la rue oh il a donné rendei-vous à ses collègues
de travail. l fait un signe de la main à Robert qui est déjà assis devant une bière.
Robert est un fin connaisseur de bière. l aime toujours en essayer de nouvelles
sortes. Celle qu’il a commandée aujourd’hui a une signature bien particulière.
be cruchon réutilisable qui la contient a une allure stylée comme les anciennes
bouteilles de lait de verre qui étaient distribuées par les laitiers. C’est étrange
comment les modes passent et reviennent, se dit-il. Comment ses caisses
enregistreuses passeront-elles le temps l Et si elles devenaient ce que les montres
Szatch ont été à l’horlogerie, ou le iPod à la baladodiffusion : des créations
révolutionnaires, marquantes et design l Seul l’avenir le dira.

L’cuvre comme projet laquelle je n’arrive pas ; j’y ai d’autant plus de mal
qu’étant là avant tout pour observer et comprendre,
d’humanité je ne puis obtenir de moi ce vide mental, cette
te plus, l’œuvre collective porte en elle le projet d’hu- absence de pensée indispensable aux esclaves de la
manité, elle vise à produire des objets artificiels, dont machine moderne. (yeil, 2ll2, p. c3)
le rôle est a d’offrir aux mortels un séjour plus durable Avec la spécialisation et la mécanisation du travail,
et stable qu’eux-mêmes b (Arendt, 1sr3, p. 2lc). tans le travailleur est souvent maintenu dans l’ignorance de
cette perspective, œuvrer, c’est perpétrer un monde, l’usage des pièces qu’il fabrique, de la succession des
a patrie des hommes durant leur vie sur terre b (p. 23l) opérations qui mène au produit final, de la globalité de
par des objets, des paroles et des actions dont la l’ensemble. L’ouvrier souffre au quotidien de sa reléga-
vertu, politique, n’est pas l’utilité, mais une relative tion à un rang inférieur à un état de servitude délibérée.
immortalité. La faiblesse de sa rémunération est souvent une consé-
te son côté, Simone Weil considère que c’est en sa quence de cette infériorité délibérément imposée et de
dignité de travailleur que l’humain trouve sa force. cette servitude (yeil, 2ll2). Aussi, c’est plutôt l’appro-
Elle tire cette conclusion de sa propre expérience alors priation du travail par les travailleurs eux-mêmes qui
que, jeune agrégée de philosophie, à 22 ans, elle se fait est la source de leur libération: a Non seulement que
engager à l’usine volontairement pendant plusieurs l’homme sache ce qu’il fait mais si possible qu’il en
mois entre 1s3x et 1s35 pour comprendre la condi- perboive l’usage qu’il perçoive la nature modifiée par
tion ouvrière. Elle devient découpeuse, puis ouvrière lui. uue pour chacun son propre travail soit un obaet de
sur presses chez Alsthom à Paris, emballeuse chez contemplation. b (yeil, 2ll2, p. r1)
Carnaud et Forges et fraiseuse chez nenault, à
eoulogne-eillancourt. L’expérience s’avère difficile :
On travaille aux pièces, les normes sont dures,
comme il est normal en temps de crise, rien dans ma
ceux visions du travail : distinguer
vie passée ne m’a préparée à ce genre d’efforts, et le ou non le travail et l’œuvre.
découpage est, je crois, une des choses les plus dures
qu’il y ait parmi les travaux de femmes. Je suis loin
encore d’atteindre les normes, lesquelles sont d’ail-
Partant de la distinction possible entre travail et
leurs assez souvent rigoureusement impossibles à
œuvre, Gomez (2l13) propose deux visions possibles
atteindre, même pour de bonnes ouvrières, vu que
du travail, relevant de deux utopies distinctes (voir la
le chronométrage se fait en dépit du bon sens ; mais
figure 4.1 à la page suivante).
il y a une moyenne à laquelle je devrais arriver et à

u’est-ce u’un manaBement humain ? • 7k

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FIGURE 4.1 ceux utopies et deux visions du travail

cistinction entre Pas de distinction entre


travail et œuvre travail et œuvre

Travail éprouvant, déshumanisant : il Travail humanisant qui permet de


faut réduire la souffrance et le travail s’épanouir : il faut un travail valorisant

cégager du temps pour l’œuvre Créer les conditions


Modifier l’organisation du travail et d’un travail authentique
non le travail même dans sa nature Revoir le travail lui-même et sa nature

S’approprier le travail
Se libérer du travail pour
pour la pleine réalisation
se consacrer à l’œuvre
de la personne humaine

kdéal d’une société de loisirs kdéal d’une liberté, d’une émancipation


et de la possibilité de l’nuvre acquise par le travail lui-même

ource : home , 2013.

Libérer l’humain On retrouve ici l’idée de Marx selon laquelle, pour


sortir de l’aliénation du travail, il faut sortir du travail
Si, comme Arendt, on dissocie les deux concepts du salarié dont la plus-value est accaparée par le capita-
travail et de l’œuvre, on peut alors penser à un monde liste et dont la rémunération est dissociée de la nature
meilleur o l’être humain serait dégagé des impératifs du travail réel. Certains prônent d’autres formes de
matériels du travail nécessaire pour assurer sa survie rémunération en entreprise comme le partage de
et o il pourrait donner libre cours à l’ingéniosité de bénéfices (Aktouf et molford, 2lls). tominique Méda
son esprit. Sur le plan sociétal, cela revient à considé- préconise aussi une répartition des twches les plus dif-
rer que a toute organisation sociale qui ne permet pas ficiles sur l’ensemble de la société et la réduction du
la réalisation de l’œuvre et qui condamne l’homme au temps de travail, pour rendre à chacun toute son auto-
seul travail est globalement asservissante b (Gomez, nomie et lui permettre d’exercer son œuvre citoyenne,
2l13, p. 1c2). Ainsi, une entreprise qui condamne un c’est-à-dire sa participation à la société civile et à la vie
employé à des twches inintéressantes et répétitives démocratique pour délibérer sur le type de société à
et l’empêche a d’œuvrer b est d’emblée déshumani- laquelle il aspire (Méda, 2l15).
sante. Le travail, parce qu’il est par essence pénible,
aliénant et déshumanisant, devrait disparajtre autant
que possible. Pour les managers, cela revient à pen- Un travailleur autonome
ser autrement l’organisation, à limiter le travail pour et responsable
libérer l’être humain afin qu’il se consacre désormais
Simone yeil n’opère pas de distinction entre le tra-
à son/l’œuvre. Évidemment, cela pose de multiples
vail et l’œuvre. C’est plutôt parce qu’il est à la fois
questions quant au système économique et sociopo-
contraint par les nécessités de la nature, mais qu’il
litique qui devrait accompagner cette vision ; notam-
est aussi le résultat d’un engagement et d’un dépas-
ment, quels filets sociaux devront être offerts à ceux
sement de soi que le travail est humanisant (Gomez,
qui travaillent à une œuvre non rémunératrice ?
2l13). L’être humain qui se voit contraint à fournir des

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efforts pour affronter les nécessités de sa subsistance la douleur et l’échec peuvent rendre l’homme mal-
comprend aussi comment s’y prendre pour surmonter heureux, mais ne peuvent pas l’humilier aussi long-
cette nécessité. Par exemple, pour résister au froid ou temps que c’est lui-même qui dispose de sa propre
combattre la maladie, il doit apprendre comment bwtir faculté d’agir. (yeil, 1s55, p. rr)
une maison et découvrir des médicaments. Le travail Selon cette interprétation, il s’agit alors non pas
contient sa propre source d’émancipation, comme d’éliminer le travail afin de dégager du temps pour
l’écrit si bien Simone yeil en 1s3x : l’œuvre, comme dans le premier cas, mais de créer les
On peut entendre par liberté autre chose que la meilleures a conditions d’un travail authentique dans
possibilité d’obtenir sans effort ce qui plajt. Il existe l’entreprise b (Gomez, 2l13, p. 1c5), o la personne se
une conception bien différente de la liberté, une réalise pleinement en éprouvant son intelligence et
conception héro que qui est celle de la sagesse com- sa propre conscience dans une action qui a un sens.
mune. La liberté véritable ne se définit pas par un Pour les managers, cela revient à repenser la nature du
rapport entre le désir et la satisfaction, mais par travail lui-même comme le lieu de responsabilisation
un rapport entre la pensée et l’action ; serait tout à et d’expression de l’autonomie du travailleur, qui sait
fait libre l’homme dont toutes les actions procéde- quoi faire et comment le faire.
raient d’un jugement préalable concernant la fin qu’il
Comment ces deux visions du travail, apparemment
se propose et l’enchajnement des moyens propres à
contradictoires, peuvent-elles nous aider à avancer
amener cette fin. Peu importe que les actions en
une compréhension du travail humain ? La contradic-
elles-mêmes soient aisées ou douloureuses, et peu
tion est inhérente à la complexité humaine. Nous le
importe même qu’elles soient couronnées de succès ;
verrons dans la section suivante.

4.4 L’humain dans la complexité, la complexité de l’humain


On doit à Edgar Morin une explicitation d’une pensée • qu’il est impossible, comme le prétend le principe
de la complexité qui s’est imposée peu à peu au de réduction de la science classique, de connajtre un
cours de la seconde moitié du gge siècle au-delà de la tout à partir de la connaissance de chacune de ses
science classique pour penser les problèmes humains. parties constitutives ;
Pour avancer dans notre compréhension d’un mana- • qu’il est impossible, comme le prétend le principe de
gement humain, considérons comme lui : disjonction adopté par la science classique pour faire
• qu’il est impossible, comme le prétend le principe du face à la difficulté de penser les problèmes humains
déterminisme universel de la science classique, de dans leur ensemble, d’isoler les objets et de séparer
tout connajtre du passé et de tout prédire du futur ; les disciplines.

Steevy se retrouve sur le trottoir. l ne se souvient déjà plus d’être sorti de la salle
VÉCUES
HISTOIRES

de réunion, d’avoir pris l’ascenseur et repéré la porte pour sortir à l’extérieur. l s’assure
qu’il a bien son sac et son veston et aperdoit un banc public oh il va pouvoir retrouver
ses esprits avant de rentrer chei lui.
l se sent un peu découragé par sa rencontre avec des investisseurs potentiels. l pensait
avoir trouvé le bon modèle d’affaires pour sa future entreprise de haute technologie,
mais les conditions imposées pour recueillir du financement lui paraissent démesurées.
D’après ce qu’il a compris, il lui faudrait internationaliser son marché, créer un conseil
scientifique d’experts et breveter son produit sur plusieurs continents. Soudain, on lui
tape sur l’épaule. l lève les yeux et reconnaît le plus silencieux des financiers qu’il vient
de rencontrer et qui lui tend deux cartes professionnelles. b’investisseur désigne la première.
q ae te conseille de prendre contact avec cette personne, aolaine Rolant. Elle finance
ton genre de projet. Et, da, c’est la mienne, dit-il en désignant la seconde. a’ai quelques
conseils à t’offrir pour bonifier ta présentation. Appelle-moi si da t’intéresse.

u’est-ce u’un manaBement humain ? • 77

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L’imprévisibilité et le principe La causalité circulaire


d’émergence Un système complexe est un ensemble dont le tout
L’univers comme l’être humain sont des systèmes n’est pas réductible à la somme de ses parties. Il s’agit
complexes. Le terme système désigne générale plutôt de comprendre les relations entre le tout et ses
ment à la fois un ensemble d’éléments et une réalité parties. Non seulement le tout peut il être plus et
complexe, difficile à cerner ou à décrire. Complexe moins que la somme de ses parties (principe de rela-
vient du latin complexus, qui signifie a ce qui est tissé tion), mais le tout est souvent contenu dans la partie,
ensemble b. Un système, c’est un ensemble d’éléments et la partie dans le tout (principe hologrammatique).
interdépendants, interreliés, en interaction constante Par exemple, la cellule comprend l’ensemble de l’AtN
les uns avec les autres, orienté selon un but, qui humain, mais n’en exprime qu’une partie. te même,
peut lui même changer, dans un environnement un travailleur qualifié et polyvalent est capable de
donné. tes interactions entre ses éléments émergent mener de nombreuses twches dans une usine, mais se
constamment de l’ordre, mais aussi du désordre et trouve à n’accomplir qu’une twche hyperspécialisée en
de l’organisation, et ce, de façon irréversible (principe raison des approches formelles du travail.
d’émergence). Ainsi, si l’on prend l’exemple extrême de Un système complexe comprend ainsi un ensemble
l’univers (eréchet, 2l12), il se désintègre (désordre) en de liens récursifs et de phénomènes enchevêtrés. Le
même temps qu’il s’organise en éléments organisés schéma de causalité linéaire selon lequel à chaque cause
(ordre) et a organisants b (atomes, molécules, êtres correspond un effet ne permet pas de rendre compte du
vivants, sociétés, planètes, astres, etc.). Et toutes sortes fonctionnement d’un ensemble complexe comme un être
d’imprévus ou de déviations peuvent surgir de leurs vivant ou d’un phénomène complexe comme le dévelop
interactions. Les comportements de ces systèmes sont pement d’une société humaine. Comprendre leur com
donc imprévisibles. plexité impose de faire appel à une causalité circulaire

q ja sert à rien de t’obstiner, Paul, c’est le service de comptabilité qui veut


VÉCUES
HISTOIRES

da, martèle aohanne. l faut s’ajuster aux procédures du nouveau propriétaire de


l’entreprise.
q Peut-être, mais da sert à rien, répond Paul avec un air buté. Faire une évaluation
de crédit pour s’assurer du risque-fournisseurs : da marche pas. b’important n’est
pas forcément la solvabilité du fournisseur. Souviens-toi de 2011.
q Quoi, 2011 l
q l y a eu un tsunami au aapon. Nos fournisseurs asiatiques étaient tous
solvables, mais ils étaient quand même incapables de livrer à leurs clients !
Un de mes clients, aean-cves, a dû attendre quatre mois la pièce dont il avait
besoin pour servir ses clients. Pense aux conséquences que da a eu pour sa
compagnie : le manque à gagner du client pendant que la machine ne marche
pas, la perte de réputation et le coût des indemnités prévues au contrat en cas
de retardt
q C’est quoi la solution selon toi l demande aohanne.
q On ne peut pas analyser le risque-fournisseurs dans l’abstrait et penser
qu’une seule mesure sera la bonne pour tous. Au contraire, il faut faire une vraie
analyse, cas par cas, dans chaque contexte précis. Au début, ce genre d’analyse
prend du temps, car il faut accepter de créer bien des scénarios hypothétiques,
mais avec l’expérience, on apprend à avoir du pif, parce qu’on s’est forcé à
imaginer une diversité de situations. On apprend alors à mieux anticiper.
q OÇ, OÇ, je vais en parler au service de la comptabilité, conclut aohanne.
En attendant, comment trouves-tu le petit nouveau l

7s • chapitre

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ou récursive selon laquelle un effet peut rétroagir sur Ces trois instances (individu, société, espèce), comme
sa cause et la transformer. Ainsi, les composantes du ces différentes dimensions (biologique, psychologique,
processus d’administration ( fonctions ccPdC décrites sociale), entretiennent entre elles des relations complé
dans le chapitre 1, page 23) interagissent les unes avec les mentaires, mais aussi antagonistes. Elles sont poten
autres et rétroagissent les unes sur les autres. tiellement des sources de conflits. Ainsi, les besoins
te plus, non seulement les systèmes complexes s’auto socioculturels de l’individu, par exemple le besoin de
organisent, car ils produisent par eux mêmes de l’ordre, voyager, entrent parfois en contradiction avec ceux de
mais ils s’auto éco organisent, car ils s’organisent dans l’espèce, comme préserver l’environnement naturel.
l’interdépendance avec un environnement. En tant L’individu socialisé est pétri de contradictions. Il oscille
qu’être humain, nos actions dans le monde ont une entre comportements de repli sur soi et d’ouverture
portée planétaire et des conséquences éco logiques, car aux autres, de rationalité et d’affectivité, de rationali
elles ont des impacts sur le cadre naturel et sur le milieu sation et de croyances aux mythes, de déterminisme
socioéconomique de vie. Elles supposent de prendre et de liberté. Ces logiques contradictoires existent, car
conscience de l’interdépendance de tout et de tous le système complexe produit à la fois de l’ordre et du
(eréchet, 2l12). te plus, l’autonomie d’un élément désordre, bref de la complémentarité et des antago
implique sa dépendance à un autre élément. Un être nismes. Un système complexe exige alors de pouvoir
vivant ne survit que dans la dépendance à une nature penser ensemble ces vérités contraires. Le principe diaB
prolifique. Un travailleur, autonome, évolue dans la logique compose avec ces contradictions en considé
dépendance à un groupe social comme son équipe ou rant la coexistence créatrice de principes qui devraient
ses collègues de métier. s’exclure. Il s’agit de chercher quel méta-point de vue
permettrait de relativiser la contradiction (Morin,
La transdisciplinarité 1sdd). On retrouve ici l’idée précurseure de Follett de
la a loi de la situation b (voir le chapitre 3, à la page 53).
Si l’on ne peut isoler les objets et les disciplines pour
penser les systèmes dans leur ensemble, il serait pré
férable de partir plutôt d’un principe de distinction
conAonction (reliance) entre les éléments parties Pensée complexe : penser l’émergence
du système complexe. Pour réfléchir aux problèmes hu
(imprévisible), la relation (interdépen-
mains, parmi les premiers liens à considérer, il y a ceux
qui encastrent l’homme dans une trinité : individu dance et circularité) et la distinctionn
société espèce. L’être humain est une espèce capable de
communiquer par le langage, de majtriser le feu, de fa
conjonction (contradiction).
briquer ses outils, de créer des relations sociales, de
former une société, etc. Selon le principe hologramma
tique, l’individu fait partie de la société, et la société fait tans les systèmes complexes que sont les entre
partie de l’individu. En effet, la société reproduit les prises, il faut distinguer plusieurs types de tensions
individus au moyen de la culture et des apprentissages et de logiques contradictoires à l’origine de nombreux
qu’elle transmet par l’éducation. Considérer l’être hu paradoxes (Smith et Levis, 2l11).
main dans sa complexité requiert donc un regard tri 1. La dualité : qui est la coexistence d’éléments à la
nitaire (individu société espèce), liant a l’anthropos b fois opposés et complémentaires avec lesquels il
(diversité humaine, animal), le a bios b (monde du faut composer, par exemple devoir investir dans la
vivant) et le acosmos b (monde matériel) (Morin, recherche et développement tout en recherchant
2l11a) ; donc un regard transdisciplinaire, qui englobe l’efficacité.
les dimensions individuelle (individu) et collective
2. Le dilemme : qui est l’arbitrage difficile entre deux
(société espèce), à la fois biologique (espèce), psycho
pôles dont il faut savoir peser les pour et surtout les
logique (individu) et sociale (société). Contrairement à
contre dans le temps afin de prendre la décision la
la pluridisciplinarité, qui désigne le fait que coexistent
moins insatisfaisante possible, par exemple faire
plusieurs disciplines, et à l’interdisciplinarité, qui est
une activité à l’interne ou la faire réaliser à l’externe.
une approche des problèmes scientifiques à partir des
points de vue d’experts de disciplines différentes se 3. La dialectique: qui est l’intégration de deux éléments
limitant chacun à leur spécialité, la transdisciplinaB opposés en une synthèse, par exemple créer un pro
rité est une démarche scientifique qui dépasse les fron gramme de MeA en gestion de la technologie pour
tières d’une seule discipline. améliorer la capacité managériale des ingénieurs et

u’est-ce u’un manaBement humain ? • 7l

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des scientifiques dans les firmes de haute technologie. transdisciplinaire et globale des objets complexes (voir
On peut aussi penser à la dialectique de la contradic- le tableau 4.1). Elle est complémentaire de l’approche
tion entre travail capital chez Marx qui se résout par analytique en ce qu’elle se concentre sur les interac-
une humanisation du travail (voir la page 73). tions à la fois entre les éléments du système et entre
L’approche systémique et sa méthode, l’ana- le système et son environnement, ainsi que sur leurs
lyse systémique, conduisent donc à une approche effets dans le temps.

TABLEAU 4.1

Une comparaison de la pensée classique et de la pensée complexe


Science classique (approche analytique) Pensée complexe (approche systémique)
céterminisme gmergence
Les phénomènes considérés sont prévisibles et réversibles. Les phénomènes imprévisibles sont considérés comme émergents
des interactions des éléments d’un sastème.

Réductionnisme Relation
• msole : se concentre sur les éléments. • Lie : se concentre sur les interactions entre les éléments et le tout.
• notalité : le tout est la somme des parties. • hlobalité et interdépendances : le tout n’est pas réductible
• Utilise la causalité linéaire (causeteffet). à la somme des parties.
• Utilise la causalité circulaire (rétroaction).

cisjonction (logique séparative) cistinctionnconjonction (logique intégrative, reliance)


• kdopte une vision par discipline. • kdopte une vision transdisciplinaire.
• lonsidère la nature des interactions : • nrinité humaine : individutsociététespèce.
insiste sur les composantes du sastème. • lonsidère les effets des interactions : insiste sur l’interaction
sastème-environnement.
• Logiques contradictoires : dialogique et tensions paradoxales
résolues par la coexistence (dualité), le va-et-vient dans le temps
(dilemme) ou la santhèse (dialectique).

4.5 Penser le travail humain dans la complexité


Penser le travail humain dans la complexité nous et du sommet stratégique (voir le chapitre 7). On dis-
entrajne alors à expliciter la plurivocité (plusieurs tingue souvent la tâche prescrite (ce qui doit être fait)
sens) et la multidimensionnalité du travail. de l’activité, c’est-à-dire « ce qui est réellement fait »
(tejours, 2l1x, p. 3c), en contexte, par les travailleurs
La plurivocité du travail : pour être efficaces et atteindre au mieux les objectifs
fixés, comme nous le verrons dans le chapitre r. S’il
travail effectif, travail prescrit est impossible de tout prévoir dans un système com-
Avec les approches formelles, le management a peu plexe, alors la prescription est forcément imparfaite,
à peu imposé une structure verticale dans l’organisa- lacunaire, et une twche accompagnée d’une série d’ob-
tion qui dissocie plusieurs pouvoirs et différentes acti- jectifs ne peut jamais être exactement atteinte. Il y a
vités entre la prescription, l’organisation administrative toujours un écart avec ce qui est réellement produit.
et l’agir opérationnel (de Gaulejac et manique, 2l15).
L’organisation administrative
La prescription L’organisation administrative consiste en l’attribution
La conception du cadre, des objectifs que l’on sou- par les managers, en l’occurrence les cadres du niveau
haite atteindre, des twches à accomplir et des règles de administratif (voir le chapitre 8), des places, du rôle et
fonctionnement est souvent l’apanage de la direction de la fonction de chacun pour minimiser l’écart entre

s0 • chapitre

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le travail prescrit et le travail réel et effectif. Car l’ac-


tivité réelle contient toujours une part de difficulté ou
d’échec qui exige des réaménagements des objectifs et
des moyens.

L’agir opérationnel
L’agir opérationnel est l’activité concrète et quoti-
dienne qui fait que les choses prescrites se réalisent. i
ce niveau, les travailleurs déploient toutes leurs com-
pétences, leurs savoirs, leurs outils et leurs a trucs b
de métier pour accomplir la twche prescrite le mieux
possible : a L’homo faber se réalise dans ce qu’il produit,
dans son œuvre, dans ce pouvoir d’agir qui lui permet
d’affirmer une identité professionnelle et de s’affir-
mer comme sujet. b (de Gaulejac et manique, 2l15,
p. 122-123)

Expérimenter le réel
tans une perspective humaine, tejours (2l1x) dis-
socie aujourd’hui le travail effectif, réel du travail L’horloge Real Time, de l’artiste Maarten Bass,
prescrit (voir le chapitre 8). Le réel en ce sens comporte aéroport de Schiphol d’Amsterdam
une réalité, mais n’est pas la réalité : il s’agit de la résis-
tance rencontrée dans l’activité d’accomplir la prescrip-
tion. C’est a ce qui, dans le monde, se fait connajtre par psychique et culturelle b (tejours, 2l1x, p. xx), l’ingé-
sa résistance à la majtrise technique et à la connais- niosité, qui comble l’écart entre le travail prescrit et le
sance scientifique o…p, c’est ce qui dans le monde nous travail réellement accompli.
échappe et devient à son tour une énigme à déchif-
frer b (tejours, 2l1x, p. 3r). Le travailleur expérimente
le réel par l’intermédiaire de son impuissance initiale,
de ses échecs successifs à accomplir la twche. uui n’a La plurivocité du travail : comprendre
pas déjà abordé sa twche ou un nouveau projet en se la différence entre le travail prescrit
disant intérieurement a je ne sais vraiment pas com-
ment m’y prendre b ou en constatant a posteriori a j’ai dk et le travail effectif, réel.
m’y reprendre à plusieurs fois et de plusieurs manières
pour y arriver b. Le travailleur réalise sa tâche par le
dépassement, en déployant ingéniosité, imagination, Selon certains sociologues, à l’ère du a nouveau
invention, pour surmonter ces résistances du réel. management b aujourd’hui, les managers-prescripteurs
Le travail n’a donc rien d’une exécution stricte de la h héritiers du bureau des méthodes chez Taylor h sont
prescription, on parlerait alors de a grève du zèle b. Il de plus en plus déconnectés du réel du travail. tujarier
a toujours une part humaine qui contient ce qui a doit (2l15, p. dl) les appellent des a planneurs b, car leurs
être ajusté, réaménagé, imaginé, inventé, ajouté par les prescriptions sont souvent non seulement abstraites,
hommes et les femmes pour tenir compte du réel du idéales, mais aussi absurdes en termes d’injonctions à
travail b (tejours, 2l1x, p. x1). la productivité, à la rentabilité, à l’efficacité au regard des
Le travail humain est forcément une expérience par moyens disponibles et des pouvoirs d’agir de chacun (de
l’être humain. On a vu qu’il n’est pas d’être humain Gaulejac et manique, 2l15). Cela n’est pas sans consé-
ni d’humanité sans le travail pour en témoigner ; de quence sur la santé au travail des opérateurs, mais aussi
même, il n’est pas de travail sans l’être humain tra- des managers intermédiaires chargés de l’organisation
vaillant. Le travail est une activité et non un simple administrative, qui font une gymnastique difficile voire
résultat, c’est un a travailler b. Le travail contient une souvent le grand écart pour réconcilier les exigences de
énergie créatrice à l’œuvre ainsi qu’une a production la haute direction et les possibilités des opérateurs.

u’est-ce u’un manaBement humain ? • s1

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q So, so, sot Solidarité ! crie un pilote, le poing en l’air en lui faisant

VÉCUES
HISTOIRES
un clin d’œil.
Aucune chance de voir les pilotes défiler sur le tarmac avec des pancartes,
se dit Frédérique. Au cours de négociations difficiles, leur syndicat utilise
toujours le même moyen pour tenter de se faire entendre : la grève du ièle.
Celle-ci consiste à appliquer à la lettre les règles aériennes de sécurité et de
maintenance technique. bes pilotes augmentent alors le temps de roulage de
l’avion au sol avant ou après décollage, emportent du carburant au-delà du
nécessaire et déclarent le moindre problème de maintenance de leur avion. De
concert, le personnel au sol se met aussi à procéder à des fouilles minutieuses de
tous les passagers pour ralentir l’enregistrement. Bref, tout cela oblige souvent la
compagnie à retarder ou à annuler des vols. Mais, pour Frédérique, cela prouve
que son travail est bien plus que du pilotage automatique !

La multidimensionnalité • qualitatifs : appréciation de la conformité de l’ouvrage


aux règles du métier, utilisation adéquate des savoir-
du travail faire selon une description de poste, développement des
Une approche complexe du travail nous amène aussi expertises, des compétences selon un référentiel, etc.
à considérer le travail comme une triple expérience La performance est généralement la mesure, à par-
(Gomez, 2l13). Le travail se vit à la fois comme une tir de ces critères, de la valeur du travail objectif, c’est-
expérience objective, car il débouche sur la production à-dire de l’écart entre le résultat concret du travail et la
matérielle d’un bien ou d’un service ; et comme une prescription initiale (voir le chapitre 9). Elle peut servir
expérience subjective, car le travail est toujours celui à des formes de rétroaction auprès des travailleurs sur
d’un sujet particulier, une personne qui travaille, et le travail accompli (Taskin et tietrich, 2l1c).
une expérience collective, car cette personne travaille
toujours avec ou pour un ou plusieurs individus ; bref,
le travail est social (voir la figure 4.2). FIGURE 4.2 La multidimensionnalité du travail

La performance est généralement la


mesure de la valeur du travail objectif. Objectif Subjectif
performance reconnaissance

La dimension objective Travail


Le travail est une activité productive. Il se concré-
tise en une réalisation matérielle (un processus) et
en un résultat (un bien ou un service). Pour que ce
processus ou ce résultat soient comparables pour tous Collectif
les individus, l’organisation a besoin d’établir des cri- solidarité
tères d’évaluation, idéalement acceptés par tous, qui
peuvent être :
• quantitatifs : échéancier à respecter, niveau de ventes, ource : home , 2013.
de production, etc. ;

s2 • chapitre

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La dimension subjective mécaniques ou qu’elle bride les possibilités pour le


tans la réalisation de son activité, le travailleur se travailleur d’exprimer sa singularité en l’empêchant
fabrique lui-même. Le travail représente une acti- de mettre en œuvre ses compétences professionnelles
vité qui mobilise des savoir-faire particuliers et une de façon autonome (Clot et Gollac, 2l1x).
ingéniosité grwce auxquels a s’accomplit une twche
oprescritep plus ou moins valorisante,
et se fabrique une œuvre plus ou
moins durable b (de Gaulejac, 2l13).
Le travailleur développe la fierté du
Par son travail, l’être humain se fabrique lui-même.
travail qu’il sait et a su bien faire, et
il construit, ce faisant, une identité
ipséité dans le travail. eref, le travailleur est vu par La dimension collective
lui-mDme comme sujet connaissant et agissant, dans Enfin le travail ne s’accomplit jamais seul, mais
l’activité de travailler. Par l’intermédiaire de la recon- requiert un ensemble d’interactions avec d’autres:
naissance du travail, le travailleur est également a vu ceux qui fabriquent les matières premières, conçoivent
pour lui-mDme b (Gomez, 2l13, p. 1dx) par les autres ; les outils, échangent les informations et partagent les
il tire de leurs regards sur son travail à la fois le senti- connaissances dont le travailleur a besoin pour accom-
ment de sa singularité, c’est-à-dire la reconnaissance plir son œuvre, ceux qui distribueront, achèteront,
au travail, et l’énergie de la poursuite de l’engagement. utiliseront le fruit du travail, etc. Par exemple, un ou-
vrier au travail dépend des pièces fournies par d’autres,
En effet, la reconnaissance najt de deux types de
de la fiabilité de sa machine entretenue par d’autres, des
jugements portés sur le travail (tejours, 2l1x). Le
commandes, etc. Le travail produit donc une commu-
premier est un Augement d’utilité (technique, éco-
nauté, c’est-à-dire un ensemble complexe de personnes
nomique, sociale), souvent proféré par la ligne hiérar-
ayant des choses en commun, à savoir des objectifs, des
chique composée des supérieurs, subordonnés, clients,
attentes, des liens, un temps d’activité et des façons de
etc., et selon lequel le bien service accompli remplit la
faire communes. Les travailleurs valorisent la solida-
prescription. Le second est un Augement de beauté,
rité née de la collaboration avec d’autres au sein de
émis par les pairs (collègues, membres de l’équipe,
cette communauté. La solidarité porte en elle des liens
etc.), selon lequel le travail est reconnu comme respec-
de confiance et de réciprocité qui permettent l’entraide.
tant les règles de l’art ou du métier et portant, ainsi, la
En bref, il est rassurant pour le travailleur de savoir
marque originale du style propre du travailleur. Cette
qu’il peut compter sur autrui pour l’aider à affronter la
reconnaissance du travail bien fait et stylé provoque
résistance du réel du travail…
ensuite une gratification symbolique sur le plan iden-
titaire. Le travailleur reconnu par ses pairs devient Évidemment, ces trois dimensions, si l’on pense
membre d’une communauté d’appartenance (équipe, complexité, interagissent entre elles constamment.
profession, métier). Pensons aux applaudissements Le management doit veiller à l’équilibre de ces trois
que provoque dans l’avion un bel atterrissage réussi dimensions qui, s’il est rompu, peut entrajner des
à l’arrivée par un a vrai b pilote, à l’injection indolore effets néfastes. Par exemple, une organisation qui ne
et rassurante de la a vraie b infirmière, à la beauté du valorise que la performance individuelle (objective) au
travail d’un a vrai b artisan. te fait, le désinvestisse- moyen d’outils de contrôle et de rémunération indi-
ment du travail, voire la souffrance au travail, pro- viduelle sophistiqués risque d’entrajner une course
vient souvent de l’absence de cette reconnaissance de délétère au record personnel qu’aucune dimension
la singularité de la participation de chacun à l’œuvre collective ne pourrait enrayer. Une organisation qui ne
commune. Ou, pire encore, de l’absence même de par- conçoit la valorisation du travail que dans sa dimen-
ticipation à une œuvre lorsque le travailleur est expulsé sion subjective risque de produire des querelles d’ego
de la réflexion et maintenu en situation d’ouvrier non (Gomez, 2l13) entre ceux des travailleurs narcissiques
qualifié, relégué au statut d’étranger à la connaissance qui se pensent indispensables ou qui s’attribuent tous
et au produit qu’il fabrique. La souffrance peut najtre les mérites. Enfin, survaloriser la solidarité et la sub-
du déni de la professionnalité de chacun (Linhart, jectivité sans une juste mesure de la performance
2l15), c’est-à-dire de la non-reconnaissance de son objective peut certes renforcer les dynamiques sociales
expertise complexe, de son éthos du travail bien fait, au sein des groupes de travail, mais conduire à l’impasse
dès lors que l’entreprise réduit le travail à des twches de leur improductivité. Comment atteindre l’équilibre

u’est-ce u’un manaBement humain ? • st

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entre ces trois dimensions ? Nous verrons dans les le prescrire. Mais des obstacles majeurs se dressent
prochains chapitres (voir les chapitres 6 et 8) que c’est contre cette vision humanisée du travail. Nous les
par la délibération entre managers et travailleurs que abordons dans la prochaine section.
l’on peut mieux assurer à la fois la coopé-
ration horizontale et verticale (le travailler
ensemble) et la coordination (la gestion des
prescriptions formelles). Le travail est un équilibre entre travail objectif
L’humanisation du travail consiste donc (performance), subjectif (reconnaissance)
à pleinement comprendre et à équilibrer
les trois dimensions objective, subjec-
et collectif (solidarité).
tive et collective du travail au moment de

4.6 Les obstacles à l’humanisation du travail


Selon l’enquête menée par Mercure et fultur (2l1l), Faut-il lire dans ces chiffres une faillite du manage-
x2 des travailleurs québécois disent travailler pour ment à humaniser le travail de certains ou de tous ?
l’argent et 31 pour leur réalisation personnelle. Plus Le management contemporain rencontre en effet deux
des deux tiers (cd ) considèrent le travail comme obstacles à l’humanisation du travail : la financiarisa-
l’une des valeurs les plus importantes de leur vie, au tion de l’économie, de concert avec une vision tech-
deuxième rang derrière la vie de couple et la famille, noscientifique prédominante du travail.
mais devant les loisirs et les amis (troisième rang),
et loin devant l’engagement communautaire et social La financiarisation
(quatrième et dernier rang).
de l’économie
L’Enquête québécoise sur les conditions de travail,
d’emploi et de santé et de sécurité du travail (Institut de te Gaulejac et manique affirment ceci : a Le modèle
recherche nobert-Sauvé en santé et sécurité du travail, néolibéral o…p enjoint à chacun de nous de vivre
dans un univers de compétition généralisée, référée
2l11) révèle pour sa part qu’un uuébécois sur cinq
au modèle du marché. tepuis près d’une trentaine
présente un niveau de détresse psychologique élevé
d’années, cette norme d’existence sociale préside aux
liée au travail. Cette détresse provient le plus sou-
politiques publiques, commande les relations écono-
vent de la précarité ou de l’insécurité contractuelle. En
miques mondiales, transforme les rapports sociaux,
effet, 3c des travailleurs québécois souffrent d’in-
remodèle la subjectivité. b (2l15, p. 11). uuel modèle
sécurité d’emploi. te plus, 35 des travailleurs de la
économique fait ainsi figure de rouleau compresseur
province sont en désaccord avec leur rémunération.
aujourd’hui ? Celui de la financiarisation de notre éco-
Selon des prévalences comparables à celles mesu-
nomie et de la gouvernance de nos entreprises dont
rées dans les pays occidentaux, on constate que x2
nous exposons ci-après les traits et les contradictions.
des travailleurs québécois disent recevoir une faible
reconnaissance au travail. Aussi, xr se plaignent du La gouvernance financière
faible soutien social, dont 1r de la part de leurs col- Il nous arrive souvent de voir dans l’actualité écono-
lègues et 25 de la part de leurs supérieurs. L’enquête mique qu’une entreprise procède à des mises à pied
révèle notamment que x2 ressentent une faible ou à des licenciements de son personnel parce qu’elle
autonomie de compétences et que 32 éprouvent éprouve des difficultés financières. Ce phénomène
une faible autonomie décisionnelle. Alors que plus s’accentue souvent en période de crise économique.
du tiers des travailleurs québécois se sentent menacés Cela peut se comprendre et peut-être même se justifier.
par la peur de perdre leur travail et leur place dans la tans bien des cas, l’argument principal est le suivant :
société par le travail, et se disent peu reconnus ou mal l’entreprise fait face à des problèmes, elle manque de
payés, le management semble donc peiner à équilibrer trésorerie, les ventes s’effritent, sa production dimi-
dans ces cas les trois dimensions du travail évoquées nue ; elle est alors obligée de congédier une partie de
précédemment. son personnel pour réduire ses cokts variables. uue

s4 • chapitre

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peut-on dire, par contre, des entreprises qui procèdent réglementation des normes du travail, du salaire mini-
à des congédiements alors qu’elles ne se trouvent mum, de la protection sociale, de l’imposition et de la
pas en situation de détresse économique ? Pourquoi délocalisation. Il faut alléger les obligations de l’entre-
une entreprise cherche-t-elle à réduire ses cokts de prise pour qu’elle puisse générer plus de richesses
main-d’œuvre alors qu’elle n’éprouve pas de difficul- destinées cette fois-ci essentiellement aux action-
tés particulières ? Les dirigeants utilisent dans ce cas naires. Il faut multiplier alors les occasions de rémuné-
des termes comme a restructuration de l’entreprise b, rer le capital, c’est-à-dire les détenteurs des actions
a optimisation des ressources b ou a réingénierie des de l’entreprise, ceux qu’on qualifie comme étant a les
processus b et a maximisation de la valeur b. propriétaires de l’entreprise b.
Pour répondre à ces questions et comprendre ce La naissance de l’économie financière
phénomène, il faut s’intéresser aux bouleversements En redéfinissant la notion de propriété, c’est-à-dire
qu’a connus le concept de gouvernance à l’ère récente en éliminant justement la responsabilité et l’engage-
de la financiarisation de l’économie. La gouvernance ment qui devraient accompagner dans le temps cette
en général, c’est l’ensemble des mesures, des règles, propriété, le nouveau capitalisme financier ouvre la
des processus (plus ou moins formalisés, négociés col- voie à la rémunération unilatérale de l’actionnaire.
lectivement) et des organes de décision, d’information Tout est mobilisé pour que l’actionnaire se rémunère
et de surveillance (par exemple, un conseil d’admi- de la manière la plus rapide, de façon maximale, sans
nistration) qui permettent d’assurer, dans l’intérêt de entrave légale ou morale. Le management concentre
ses ayants droit et des acteurs concernés, le bon fonc- ses énergies sur l’amélioration des résultats de l’entre-
tionnement et le contrôle d’un État, d’une institution prise en augmentant les profits afin de redistribuer un
ou d’une organisation qu’elle soit publique ou privée, dividende par action plus élevé. te plus, en exposant
régionale, nationale ou internationale. tans le cas d’un un visage sain de l’entreprise sur la place publique,
État, on parle de gouvernance publique. tans le cas la valeur de ses actions sur le marché financier aug-
d’une entreprise, il s’agit de gouvernance d’entreprise. mente, ce qui se traduit par une deuxième rémuné-
C’est en quelque sorte le système de pilotage qui gou- ration du détenteur de l’action. Cela nous ramène à la
verne les orientations majeures d’une organisation. fameuse contradiction du travail capital. Pour aug-
Un nouveau genre de libéralisme menter le montant des profits, mais aussi pour mon-
Au début des années 1srl se produit un double phéno- trer que la structure du cokt de l’entreprise (à savoir
mène politique et économique important. L’élection de essentiellement la masse salariale) est contrôlée, le
neagan à la présidence des États-Unis et, presque à la management financiarisé met une forte pression sur
même époque, celle de Thatcher en Grande-eretagne les salaires. Tandis que le capital profite d’une double
marquent une rupture avec les périodes précédentes. rémunération, le travail, lui, ne se rémunère qu’une
C’est le début d’un nouveau genre de libéralisme qui fois et de moins en moins… Le tableau x.2 (voir la
tente de réduire le rôle de l’État autant que possible tout page suivante) résume les différences entre l’économie
en éliminant un grand nombre de réglementations afin industrielle que nous connaissons depuis longtemps
de stimuler le secteur privé en lui assurant un environ- et cette récente économie financiarisée.
nement propice et sans entraves. On remet alors en
cause le principe de l’État providence établi dans la plu-
part des pays industrialisés après la Seconde Guerre
mondiale. Ce dispositif de gouvernance au niveau de cepuis les années 1980, la gouvernance
l’État est très libéral et encourage la libéralisation non financière impose de nouveau la
seulement sur le plan macroéconomique, mais aussi
sur le plan microéconomique, c’est-à-dire sur celui de logique des actionnaires à la direction
la gestion des entreprises. Cela signifie qu’il faut enle-
des entreprises.
ver toutes les entraves au fonctionnement de l’entre-
prise afin qu’elle puisse se déployer dans un contexte
concurrentiel international. néduire, voire éliminer, la

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TABLEAU 4.2

ce l’économie industrielle à l’économie financiarisée


Économie industrielle Économie financière
Contexte • bconomie de reconstruction : • bconomie « d’abondance », mais métaphore de la guerre
après-guerre, pénurie économique en temps réel (nouvelles technologies
• atisfaction de besoins de l’information et de la communication)
• atisfaction de désirs imaginaires et sans limites
Rile de l’gtat Rôle régulateur de l’btat-nation lontestation du rôle de l’btat en raison de la mondialisation :
(providence) coupure entre le pouvoir économique et le pouvoir politique
Nombre de personnes blevé : logique de production gaible : logique d’obsolescence
engagées dans la
création de valeur
Territoire du capital lapital local, personnalisé lapital non territorial
Liens entre propriétaires Destin commun entre les propriétaires Dissociation entre l’entreprise et les actionnaires
et employés des moaens de production et les emploaés
Objectif Lien (créer une société) wien (exploiter les ressources)
finalités • ginalité de l’entreprise négociée • ginalité imposée de l’extérieur : taux de rendement financier
avec les membres de l’entreprise et • Valeur pour l’actionnaire
partagée entre eux
• atisfaction du client
ource : de haulejac, 200d.

L’école de Chicago chapitre 5). La priorité des gestionnaires est désormais


C’est aussi au début des années 1srl que les penseurs de veiller à ce que les intérêts des actionnaires soient
de l’école de Chicago, très actifs dans l’élaboration assurés, même si cela va parfois à l’encontre de ceux
des théories libérales et néolibérales, proposent une de l’entreprise. Les gestionnaires sont alors mandatés
théorie qui prendra rapidement une place très impor- pour maximiser la valeur des actions, et leur straté-
tante dans la conception de la gouvernance finan- gie managériale doit être orientée dans ce sens. Pour
cière. Il s’agit de la a théorie économique du marché du faire en sorte que les gestionnaires ne négligent pas
contrôle des entreprises b (market for corporate control). cela, on modifiera d’ailleurs leur système de rémuné-
Pour cette école, le contrôle des entreprises h ce qui, ration. torénavant, une partie importante de celle-ci
en pratique, nous ramène à une notion squelettique se fait par options d’achat d’actions (stock options).
de la gouvernance d’entreprise h est a tout simple- Ainsi, le gestionnaire qui a réussi à augmenter la
ment un marché, sur lequel s’affronte des concurrents, valeur des actions voit sa rémunération s’accrojtre de
des équipes rivales, prêtes à payer plus ou moins cher façon substantielle. te cette manière, son obsession
pour acquérir le droit de prendre le contrôle b (Gadrey, devient également la maximisation de la valeur
2lll, p. 2l2). Les titres de propriété des entreprises de l’action.
deviennent des produits financiers qui se négocient De nouveaux indicateurs de performance
sur un marché indépendamment de la réalité et de tes indicateurs traditionnels de la performance de l’en-
la vie des entreprises. Cette théorie devient la justi- treprise cèdent la place à un nouveau langage o les
fication conceptuelle et idéologique d’une série de lois intérêts de l’actionnaire deviennent, dit-on, le centre
qui préparent le terrain à ce qu’on qualifie aujourd’hui de toutes les décisions. On constate alors l’appari-
de gouvernance financière des entreprises. Alors que tion graduelle d’autres indices comme le bénéfice par
le destin de l’entreprise se trouvait autrefois entre les action (Price Earning Ratio, PER), le rendement de l’ac-
mains des propriétaires-capitaines d’industrie (gIge - dé- tif (Return on esset, Rde) ou le rendement des capitaux
but gge siècle) puis entre celles des gestionnaires pen- propres, nCP (Return on Equity, RdE), qui participent
dant l’ère managériale (1s2l-1srl), on assiste au retour aujourd’hui pleinement du langage des gestionnaires.
en force de l’actionnaire qui impose sa volonté à toutes On pousse même cette logique jusqu’à l’invention
les autres parties prenantes de l’entreprise (voir le de nouvelles formules comme la valeur économique

sc • chapitre

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ajoutée, fEA (Economic falue edded, Efe), qui permet Les trois contradictions managériales
d’aller jusqu’à isoler, portion par portion, la contribu- de la gouvernance financière
tion des différents niveaux, paliers, sections de l’en- Pourquoi une entreprise qui n’est pas en difficulté
treprise, ou parties de l’entreprise, à la création de la procède-t-elle à des licenciements ? La réponse à une
valeur pour l’actionnaire. telle question se trouve dans cette logique de la gouver-
En inventant le concept de valeur marchande ajou- nance financière de l’entreprise. Il faut en tout temps
tée, fMA (Market falue edded, Mfe), les marchés maximiser la valeur des actions pour les actionnaires,
financiers déterminent à l’avance ce que l’entreprise même si cela va à l’encontre des intérêts des autres par-
doit verser à ses actionnaires avant même que l’exercice ties prenantes, en l’occurrence les employés. Pourtant,
financier ne commence. Autrement dit, ils planifient le cette gouvernance financière apporte un avantage de
montant des rendements que l’entreprise devrait rap- taille à l’entreprise en lui fournissant une disponibilité
porter au cours du prochain exercice financier et récla- de capitaux importants, ce qui en théorie est une très
ment à l’avance ce montant. Ainsi, tout le risque est bonne chose puisque cela lui permet de financer son
transféré sur l’entreprise tandis que l’actionnaire expansion et ses projets. Mais en même temps, ce type
risque peu ou pas. Il est intéressant de mentionner que de gouvernance place le management d’aujourd’hui
la discipline de la finance est basée à l’origine sur deux devant trois contradictions importantes détaillées dans
concepts très simples et logiques : renoncer à une jouis- les prochaines sections : le court-termisme, le maxima-
sance immédiate en vue d’un gain plus important plus lisme et l’immatérialité des profits au détriment de l’éco-
tard et assumer un risque maintenant en renonçant à un nomie réelle (voir le tableau 4.3).
montant d’argent dans l’espoir d’en obtenir davantage
plus tard. Le risque et la perte de cette jouissance
immédiate sont alors rémunérés par une récompense TABLEAU 4.3
accrue plus tard, essentiellement par l’application
d’un pourcentage d’intérêt. Toutefois, avec la gouver- Le capitalisme industriel
nance financière, grwce à l’utilisation des ratios comme et le capitalisme financier
le fEA et la fMA, le détenteur de l’action est récom-
pensé avec très peu de risque, voire pas du tout, et ce, Capitalisme industriel Capitalisme financier
immédiatement. Cela oblige cependant les entreprises
• mnvestissement ou réinves- • mnvestissement immatériel
à se priver d’une partie parfois importante de leur tré- tissement matériel dans les spéculatif (immatérialité)
sorerie afin de faire face aux exigences des marchés. moaens de production
Cette perversion va encore plus loin dans la mesure o • Optimisation de l’organisation • Maximisation des profits
des entreprises sont parfois obligées d’utiliser leur tré- du travail (maximalisme)
sorerie pour (r)acheter leurs propres actions sur les • Rendement des • Rendement des investisse-
marchés financiers. Cela fait en sorte que la demande investissements à moaen ments à (très) court terme
pour les actions en question augmente, ce qui se traduit et à long terme (immédiateté)
par une hausse de la valeur des actions, et que le ource : de haulejac, 200d.
nombre d’actions en circulation diminue, ce qui pro-
duit un plus grand montant de dividende par action. En
Le court-termisme
effet, généralement, ce qui détermine le montant des
Comme le précise uttner (1sss), cette vision de la gou-
dividendes, c’est le montant des profits de l’entreprise
vernance financière a renforcé un défaut majeur du capi-
divisé par le nombre d’actions. Plus on diminue le
talisme néolibéral (ou financier) : son court-termisme.
nombre d’actions en circulation, plus grand est le mon-
Comme nous l’avons signalé auparavant, les investis-
tant des dividendes par action. Ces politiques réduisent
seurs financiers cherchent à maximiser leurs intérêts
non seulement les investissements à long terme des
entreprises dans la recherche et développement, mais de la façon la plus rapide possible. La première contra-
empêchent l’amélioration technologique ou les condi- diction se trouve entre la perspective temporelle de
tions de travail. Elles peuvent même parfois mettre lit- l’investisseur-actionnaire et celle de l’entreprise. Le
téralement en cause la pérennité de l’entreprise. Cela temps de l’actionnaire-spéculateur est souvent court
va ainsi à l’encontre des principes fondateurs de la h quelques secondes, quelques minutes, quelques
finance. Une telle approche n’est possible que si les lois jours, quelques semaines, quelques mois ou, rarement,
le permettent (libéralisations politiques et législatives) quelques années h, alors que le temps de l’entreprise
et que le management est mobilisé dans ce sens (gou- est toujours le long terme. Une entreprise élabore en
vernance financière).

u’est-ce u’un manaBement humain ? • s7

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général un plan stratégique sur 5 ou 1l ans. Elle déve- autour d’elle, c’est-à-dire les employés, les clients, les
loppe une famille de produits nouveaux tous les quatre fournisseurs, les institutions, la société et bien skr les
ou cinq ans tout en apportant à ces produits, au sein actionnaires. Elle doit chercher constamment la façon
d’une même famille et à plus court terme, des amé- optimale de composer avec l’ensemble de ses par-
liorations périodiques et incrémentales. i l’inverse, ties prenantes. Si l’un de ces acteurs, en l’occurrence
le dirigeant-gestionnaire est évalué périodiquement l’actionnaire, cherche à se rémunérer de façon maxi-
(souvent tous les trois mois) alors qu’il doit rendre des male, alors il devient impossible pour l’entreprise de
comptes à ses actionnaires régulièrement, en publiant maintenir un équilibre. Si le gestionnaire doit congé-
des rapports d’activités trimestriels et annuels. Ainsi, dier un certain nombre d’employés afin de réduire les
le gestionnaire doit afficher à court terme un bon bilan cokts pour augmenter la rémunération de l’actionnaire,
auprès des investisseurs pour espérer, de fait, maximi- il désavantage l’employé au profit de l’actionnaire et,
ser sa rémunération par la revente des titres de l’en- par la même occasion, prive l’entreprise de la com-
treprise dont il possède des options d’achat. tans ces pétence des personnes congédiées. Il est évident que
conditions, comment concilier dans le temps l’intérêt l’entreprise souffrira de cette situation dans la mesure
de l’actionnaire pressé avec celui de l’entreprise ? tans o l’équilibre se trouve rompu.
cette situation, la logique managériale devient une Cette logique maximaliste se traduit dans l’entre-
logique court-termiste : on s’intéresse aux projets qui prise par un culte de la performance pour atteindre
rapportent rapidement et l’on évite les plans qui ont un les objectifs financiers. Cela influence largement l’or-
cokt dans l’immédiat, mais qui sont profitables dans le ganisation du travail et la relation à long terme entre
temps, comme la formation des employés ou les inves- les parties prenantes. Le management est chargé de
tissements d’envergure en recherche et développement. mener cette mission de maximisation, qui atteint vite
tans un capitalisme industriel, des sommes ses limites et qui devient paradoxalement préjudiciable
énormes sont investies dans des moyens de produc- aux gestionnaires eux-mêmes (voir le chapitre 9). L’entre-
tion et dans la recherche pour développer un secteur prise a intérêt à présenter aux investisseurs les rende-
(par exemple, les industries pharmaceutique, aéronau- ments les plus élevés, une productivité maximale, dont
tique, ferroviaire, forestière, etc.). Souvent, ces indus- la source ne peut qu’être liée à la réduction des cokts
tries connaissent, au fil des décennies, des périodes salariaux et à la maximisation du travail lui-même. Ce
florissantes de forte croissance et des épisodes de faisant, elle encourage un cercle vicieux o chacun,
ralentissement. En période de vaches maigres, faut-il même bien rémunéré, est jetable une fois les projets
se départir de ses actions ou patienter pour traverser choisis terminés, substituable lorsqu’il y a baisse de
la tempête ? i quel moment en fait-on trop en tant performance et inquiet quant à la pérennité de sa
qu’actionnaire ou partenaire financier ? Par exemple, place dans l’entreprise, voire dans la société. La finan-
faut-il ou non subventionner encore eombardier en ciarisation de l’économie n’est ainsi pas sans lien avec
2l1c alors que l’avion CSeries, le plus moderne de son une individualisation et une maximisation de la per-
histoire qui a été développé pendant une douzaine formance individuelle objectivée, une démesure de
d’années, peine encore à trouver des clients ? Faut-il la subjectivation au travail et une déconstruction des
se départir de certaines autres branches d’activités de solidarités au travail (voir l’encadré 4.1).
l’entreprise, comme ce fut le cas de la division Produits L’immatérialité ou la négation
récréatifs pour restaurer des profits à court terme ? de l’économie réelle
Le maximalisme La troisième contradiction, qui est d’une certaine
La deuxième contradiction fait référence à la logique manière plus importante à nos yeux, consiste en la néga-
maximaliste de la finance. En effet, l’investisseur indi- tion de la place à accorder à l’humain dans l’entreprise
viduel ou institutionnel veut obtenir le rendement de l’économie du savoir. Mettons les choses en pers-
maximal pour son investissement, alors que l’entreprise pective pour mieux comprendre cela. Nous sommes à
en tant qu’entité sociale et économique ne peut pas l’ère d’un capitalisme dit cognitif et de l’économie de la
fonctionner dans une logique maximaliste. Il n’est connaissance (voir les chapitres 5 et 10). Le moteur créa-
pas rare de voir les marchés financiers espérer un ren- teur de la richesse de l’économie, c’est la connaissance.
dement du capital de 15 quand l’économie réelle de Celle-ci servira idéalement (sous la forme d’idées nou-
la plupart des pays occidentaux crojt au mieux à rai- velles, d’inventions) à encourager des innovations de
son de 1 à 2 par an en moyenne. L’entreprise doit toute sorte. La capacité d’innovation d’une entreprise
tenir compte de l’ensemble des acteurs qui gravitent lui assure une position concurrentielle avantageuse de

ss • chapitre

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même que sa pérennité. Cet enchajnement des idées nouvelles connaissances et à les mettre au service de
n’est toutefois valable que si l’humain se trouve au l’organisation. Cela nécessite une relation à long terme
cœur des projets de l’entreprise. Tout commence par entre l’entreprise et l’employé basée sur la confiance
le savoir acquis par les personnes et par la mobilisa- mutuelle. Or, le marché financier cherche autre chose.
tion de celui-ci dans l’entreprise. Le seul créateur et le Si elle n’est pas suffisamment attractive, le marché
seul porteur des connaissances nouvelles, c’est l’être financier se détourne de l’économie réelle pour spé-
humain. Logiquement, si l’on cherche à améliorer le culer à partir de papiers commerciaux et de produits
niveau des connaissances de l’entreprise, il devient financiers dérivés, sources immatérielles d’enrichis-
primordial d’encourager les personnes à acquérir de sement plus rapide.

ENCADRÉ 4.1 DE L’ÉCONOMIE FINANCIARISÉE AU MANAGEMENT


À L’ÈRE SPÉCULATIVE
bes lois implicites des marchés tableau ci-dessous) dans plusieurs les travailleurs de base. Des hommes
financiers (immatérialité, immédia- ouvrages critiques oh ils dénoncent et des femmes se mettent au service
teté et maximisation des profits) le management maximaliste qui du pouvoir qu’ils croient posséder
se répercutent immanquablement contribue un peu plus à l’aliénation alors que c’est lui qui les possède.
dans l’entreprise par les exigences des employés et des gestionnaires Dans cet univers, la satisfaction est
que posent les actionnaires et eux-mêmes du fait d’un culte nou- toujours différée dans le temps. On
les gestionnaires à leurs employés. veau, non plus de la productivité, accumule, on court, on se défonce
De Gaulejac (2005) et Aubert et De mais de la performance. pour des résultats à venir. b’alié-
Gaulejac (200r), entre autres socio- nation, c’est l’hallucination per-
e b’aliénation dans le toujours plus
logues du travail, ont proposé une manente du désir. f (De Gaulejac,
touche les élites dirigeantes plus que
analyse de ce phénomène (voir le 2005, p. 1x2)

TABLEAU

cu système managérial industriel au système managérial spéculatif


Management à l’ère industrielle Management à l’ère spéculative
Travail comme moyen de subsistance Travail comme finalité de l’existence

• Rentabilité et compétitivité (moaen terme et long terme) • Rendement et compétition financière


• Excellence • Performance

• Logique de changement social progressif • Logique de mutation permanente (événement)


• zistoire, patrimoine industriel, profession • entiment d’appartenance faible
• Lien expertise-fonction, carrière • Lien faibletfonction (flexibilité, mobilité) : insécurité,
• Lieu phasique de travail caractère jetable
• nemps de travail délimité • wureau virtuel
• nemps de travail illimité

• mnscription possible de la personne dans un collectif • mndividualisation et isolement de l’emploaé


de travail (milieu) • Lutte individuelle pour les intérêts personnels
• Luttes collectives (sandicales) • Lutte « des places »
• olidarité de classe, « lutte des classes »

• Mesures de productivité • « Quantophrénie » : évaluation de l’intangible


• bvaluation du rendement • bvaluation déconnectée du travail réel

Valeurs pour guider l’action kction comme valeur


ource : de haulejac, 200d.

u’est-ce u’un manaBement humain ? • sl

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Nous n’avons qu’à penser à l’un des fleurons de l’entreprise, ni des employés, ni de la société, ni, fina-
l’économie canadienne dans le domaine des télé- lement, du marché financier lui-même. La crise finan-
communications, la compagnie Nortel, une des plus cière des années 2llr-2lls, connue sous le nom de la
importantes au monde. En quelques années, cette crise des prêts hypothécaires à haut risque (subprimes),
entreprise est tombée dans le tourbillon de ce genre a bien démontré cette réalité.
de politique spéculative qui a fait le bon-
heur des actionnaires pour un temps avant
de disparajtre de façon désolante. Pourtant, La logique du capitalisme financier repose
durant ces années, elle a souvent été dési-
gnée comme la bonne élève par les marchés sur trois règles : l’immatérialité, l’immédiateté
financiers. Le cas Nortel, comme beaucoup
et la maximisation des profits.
d’autres (Enron, yaste Management, etc.)
ont été la démonstration parfaite de cette
rupture entre la finalité des marchés finan-
ciers et la raison d’être des entreprises. Ces dernières La gouvernance financière consacre un système
n’étaient plus là pour produire le meilleur produit ou économique qui repose sur le postulat néoclassique
service, mais étaient plutôt devenues un instrument de l’ , selon lequel l’être humain
financier au service des spéculateurs cherchant à faire est un agent rationnel, amoral, asocial et opportu-
beaucoup d’argent en peu de temps au détriment de niste, dont le seul et unique but est de maximiser
l’entreprise. C’est pour cela que certains observateurs ses intérêts sur un marché, ce dernier devenant la
considèrent qu’il y a une rupture entre la réalité de figure centrale du système économique et sociopo-
l’économie et des entreprises, qui est le lieu de pro- litique au détriment de la société elle-même. uue ce
duction des biens et des services réels, et la logique de soit à l’intérieur de l’organisation ou à l’intérieur de la
casino des marchés financiers spéculatifs. société, la relation sociale est réduite à une transac-
tion contractuelle et devient la scène de l’affrontement
tans le cas de Nortel, devant les exigences et les
d’intérêts divergents. Si, aujourd’hui, la pensée éco-
choix imposés par la gouvernance des actionnaires,
nomique néoclassique est dominante dans la plupart
nous avons vu avec quelle vitesse les employés ont
des systèmes capitalistes, il importe de souligner que
perdu leur motivation, les meilleurs ont commencé à
cette conception de l’humain et de sa rationalité est
chercher des emplois ailleurs, ce qui a privé l’entre-
contestée et différente dans d’autres écoles de pensée.
prise d’un savoir-faire immense, réduisant ainsi sa
L’école keynésienne, l’école institutionnaliste, l’école
capacité de faire face à la crise. Le réel de l’entreprise
évolutionniste, etc. conçoivent différemment le rap-
était régi par une autre logique que celle des marchés
port entre la création et la distribution de la richesse,
financiers ; il n’a pas pu survivre à cette crise, empor-
le développement humain et le développement de
tant dans son sillage des milliers d’emplois très qua-
la société. eynes (1s3c) prône le rôle régulateur de
lifiés, des connaissances pointues et privant le pays
l’État. Les écoles institutionnalistes démontrent le rôle
d’une expertise de haut niveau dans ce domaine.
et l’apport des institutions comme les structures so-
La finance tente aussi de s’approprier la connais- ciales d’éducation, de formation, de soins de santé, de
sance pour réduire les risques de son investissement, financement et de défense, dans l’établissement d’un
d’o son intérêt pour les brevets. Comment s’appro- équilibre sociétal. Les évolutionnistes considèrent que
prier la connaissance que détiennent les personnes ? le processus d’apprentissage et les compétences des
N’oublions pas au passage que l’employé type de personnes et de la collectivité sont au cœur du déve-
l’économie de la connaissance est une personne ins- loppement économique des sociétés (voir le chapitre 5).
truite et compétente qui peut offrir son expertise à
une multitude d’entreprises. Comment investir dans
un employé qui peut à tout moment quitter l’entre-
prise ? Comment concilier le court-termisme du mar- Le capitalisme financier encourage un
ché financier avec la vision à long terme nécessaire management axé sur la performance
pour créer un milieu social permettant aux personnes
de s’épanouir ? La logique maximaliste de la gou- maximaliste.
vernance financière oblige souvent le management à
prendre des décisions qui ne sont dans l’intérêt ni de

l0 • chapitre

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Comment en sommes-nous arrivés à cette forme de décomposé jusqu’à en extraire et en exclure tout ce
management maximaliste ? uuels choix les praticiens que l’individu sait et invente. Il peut être parcellisé
ont-ils faits à travers l’histoire pour entériner ce mode de sorte que personne, à sa twche, n’a jamais une vue
de gestion aux accents néofordistes ? L’organisation du complète du processus complet de transformation ou
travail a évolué, mais la division du travail entre ceux de production. Il peut être partiellement incorporé à
qui savent et ceux qui ne savent pas, entre ceux qui pos- une machine. Il peut se réduire à une interaction avec
sèdent et ceux qui ne possèdent pas, demeure aliénante. la machine qui, à la limite, n’a presque plus besoin de
l’être humain. Dans cette perspective technoscienti-
La vision technoscientifique fique, on cherche à calculer, à paramétrer le travail
pour le rendre prévisible. Par exemple, cela revien-
du travail drait à réduire le service d’une banque à une série de
L’ambition des approches formelles du management transferts de fonds automatisables par le guichet ou en
fut d’instaurer un monde de l’entreprise o il est pos- ligne. On enlève alors au commis la singularité du
sible a de penser le travail sans le faire et de faire le tra- contexte des relations et des situations humaines, par
vail sans le penser b (tujarier, 2l15, p. 1lx). Comme le exemple produire de la réassurance pour les clients
préconisait Taylor (voir le chapitre 1), a autant que pos- inquiets, pour réduire l’activité à des transactions.
sible, les ouvriers, de même que les chefs d’équipe et Évidemment, étant donné les exigences du capita-
les contremajtres devraient être entièrement délivrés lisme financier, ce faisant, on cherche aussi à réduire
du travail de planification et de tout travail plus ou le travail et sa valeur pour en minimiser le cokt. Cela
moins clérical par nature. Toutes les twches nécessitant n’est pas sans rappeler les idées de eabbage (voir le chag
du travail intellectuel devraient être retirées de l’atelier pitre 1). Or, on a vu toute l’importance du travail pour
et centralisées dans un département s’occupant de la l’être humain et pour sa santé mentale (tejours, 2l15).
planification et de la conception, laissant aux contre- Le travail apporte à l’être humain les moyens de sa
majtres et aux chefs d’équipes des twches strictement subsistance sous la forme d’avantages et d’une rému-
de nature exécutive b (1s1s, p. sr-ss). nération. uue ces rétributions soient symboliques ou
Selon la vision technoscientifique du travail qui financières, elles permettent de mesurer la valeur du
le distingue de l’œuvre et le réduit à sa dimension travail accompli. Le travail prend donc souvent la forme
objective, le travail peut être décortiqué en twches d’un emploi rémunéré par un salaire (ou autre). On
précises, en modes opératoires et dé-substantialisé de sait aussi que le travail, dans ses dimensions subjective
ses volets subjectif et social. Le travailleur et le travail et collective, est a un facteur de développement person-
sont en quelque sorte réifiés et chosifiés. Le tra- nel et de construction de soi, donc un élément essentiel
vail est conçu comme une juxtaposition d’éléments et de l’être de l’homme b (de Gaulejac, 2l13). Il confère à
un enchajnement de gestes techniques. Il peut être l’individu non seulement une identité, mais aussi une
place dans la société en favorisant son
intégration sociale. La figure x.3 illustre
FIGURE 4.3 Le cercle vertueux du travail productif une simplification du cycle vertueux du
capitalisme industriel, de la redistribution
de la richesse et de l’intégration sociale par
le travail héritées d’Adam Smith.
cemande
tans les sociétés industrialisées, la
demande de biens et de services sup-
pose l’organisation du travail de produc-
tion par les propriétaires de capitaux et
Production
Salaires u (division du travail)
d’usines. La distribution d’emplois au sein
de ces usines et chez leurs partenaires, et
donc de salaires proportionnels au travail
accompli, permettent aux travailleurs de
s’intégrer à la société par l’intermédiaire
Emplois de la consommation en dynamisant ainsi
le cycle vertueux de la demande. Les
fruits de la consommation sont réinvestis

u’est-ce u’un manaBement humain ? • l1

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dans les outils de production par les propriétaires Le management, dans sa vision technoscientifique,
actionnaires (économie réelle) pour assurer la péren- attache de plus en plus d’importance à la motivation au
nisation de l’entreprise. travail, c’est-à-dire à la force qui pousse l’employé à agir
On assiste, avec la vision technoscientifique du tra- (malgré tout, pourrait-on dire ). On se réfère souvent à
vail qui se prolonge aujourd’hui dans les techniques elle pour expliquer la baisse de productivité des em-
déployées par le nouveau management et la révolu- ployés et l’augmentation des taux d’absentéisme et de
tion managériale en cours2, à une remise en cause rotation du personnel que connaissent de nombreuses
de l’emploi lui-même. On cherche à minimiser éli- entreprises. Si les ouvriers d’une entreprise freinent la
miner le travail ou à réduire sa rémunération (voir le production, s’ils sont souvent absents ou si le taux de
chapitre 8) ; sans le travail, l’individu se sent devenir rotation des employés est élevé, on considère qu’ils ne
inutile au monde auquel il tente d’appartenir. te plus, sont plus motivés à fournir un haut niveau de perfor-
on dépouille le travail de son sens en en éradiquant mance3. Comment restaurer cette force par des stimuli
la part d’œuvre. Il est alors peu surprenant de lire les adéquats ? Dans la conception technoscientifique du
statistiques québécoises sur la précarité et le sentiment travail, les managers ont ainsi plutôt tendance à se
d’insécurité vécu par une proportion importante de demander comment motiver un travailleur plutôt que
travailleurs, ainsi que sur leur perception d’un manque de poser la question plus fondamentale : pourquoi le
travailleur est-il démotivé, voire pourquoi agit-il
de reconnaissance au travail. Ces statistiques révèlent
encore et s’implique-t-il dans des conditions défavo-
des disparités entre la finalité du travail tel que vécu par
rables Par exemple, plutôt que de décréter la nécessité
les travailleurs et les buts poursuivis par l’entreprise.
d’effectuer une rotation des twches ou d’accorder une
Faut-il faire un lien entre cette réalité et la façon dont
augmentation de salaire pour stimuler la motivation
le management s’est approprié le concept de motiva-
d’un travailleur, il faut plutôt se demander pourquoi le
tion ? uue signifie l’usage prédominant de ce concept
travailleur est démotivé, car les twches, qu’elles soient
aujourd’hui ?
variées ou non, sont peut-être toutes exécrables.
Peut-être faut-il plutôt songer à enrichir les
twches et à repenser la prescription du travail.
La vision technoscientifique du travail remet Le chapitre précédent sur les approches
en cause l’emploi et le statut d’employé. humaines et behavioristes du management
révèle que là o les approches formelles ont
considéré qu’une rémunération financière
adéquate prédominait pour satisfaire les tra-
La technoscience de la motivation
vailleurs, les approches humaines et behavioristes ont
Le management, dans cette vision technoscienti-
modifié cette vision en introduisant l’idée de la motiva-
fique du travail, s’est doté des outils pour pallier le
tion au travail, distincte de la satisfaction insatisfaction
fait que tout le travail humain ne peut être complè-
au travail (voir le chapitre 3).
tement éliminé ou qu’il se trouve immanquablement
réduit réifié. Parmi eux, les théories et les techniques Cependant, dans la vision managériale technoscien-
de motivation qui, à travers le temps, ont tenté de tifique du travail, le concept de motivation à l’action
répondre à deux questions. renvoie à une sorte de construit décrivant le comporte-
ment déterminé par des stimuli et des pulsions de l’être
1. uu’est-ce qui motive une personne à agir ? Il s’agit
humain. La motivation, assimilée à un moteur fait de
d’une approche par le contenu.
motifs à l’action, est un stock d’énergie-ressource qui
2. Comment une personne est-elle motivée ? Il s’agit
peut ou non être activé et rechargé au fil du processus
d’une approche par le processus.
de travail, indépendamment du travailleur lui-même.

2. elon de haulejac et zanique (201d), la révolution managériale comporte, en vrac, le développement de la gestion des ressources humaines,
l’organisation par projets, la gouvernance financière, la culture du résultat, le management par l’excellence et l’évaluation performative. Elle s’appuie
sur moult outils, dont l’aménagement en espaces de travail ouverts, l’entretien individuel annuel d’évaluation, l’utilisation du logiciel PojerPoint
comme outil de communication professionnelle, la pratique du benchmarking (étalonnage concurrentiel) et du ranking (classement), la gestion par
appel d’offres, le lean management, etc., dont les effets sont discutables (voir le chapitre 9).
3. Une autre approche du management, soit l’approche psachopathologique, se penche plutôt sur les raisons pour lesquelles la plupart des gens restent
« normaux » au travail, c’est-à-dire en équilibre fonctionnel, alors que nombre d’entre eux sont en permanence en état de souffrance psachologique
(normalité souffrante) (Dejours, 1ff0).

l2 • chapitre

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La motivation est un facteur de productivité du tra- jn interrupteur de l’ancienne


vail. C’est une force humaine que veut accaparer le usine Simmons à Montréal
plus possible l’entreprise pour l’orienter au maxi-
mum vers ses fins et non hors travail (hors entre- behavioriste, nous avons
prise). Comme le travail qui est parcellisé, décomposé évoqué, dans chacun des
et dépouillé de sens, l’être humain est réifié, parcel- cas, les facteurs suscep-
lisé, dépouillé de sa subjectivité et de sa socialité. Il est tibles d’inciter les per-
décomposé et dépouillé de son œuvre pour être réduit sonnes à adopter les
à l’état d’une machine guidée de l’extérieur et exigeant orientations souvent dic-
des compensations en carburants (besoins) divers. tées par les supérieurs.
L’être humain est ici considéré comme guidé par des Issues du courant de
besoins, des stimuli et non doté de raisons, de choix, de pensée rationnel, des
sentiments, d’une subjectivité, etc. (Aktouf et molford, approches telles que le
2lls) On pourrait aller jusqu’à dire que les facteurs dits modèle scientifique (Taylor, Le Chatelier, Gilbreth),
de motivation sont alors en quelque sorte les compen- l’administration classique (Fayol, Mooney et neiley,
sations matérielles ou symboliques auxquelles accède Gulick, Urvick et trucker) et l’organisation bureau-
l’être humain pour ne pas œuvrer à son plein poten- cratique (yeber) proposent le recours à des incitations
tiel d’existence et d’autodétermination, mais bêtement, financières et économiques pour motiver les per-
c’est-à-dire avec peu ou pas d’intelligence. Curieuse- sonnes, alors que les approches décisionnelles cogniti-
ment, l’étymologie du mot a motivation b, qui renvoie vistes et néorationalistes (Simon, 1sxd, 1sr3 ; March,
plutôt à la a vivacité b, n’est pas retenue dans cette vision 1srr ; voir le chapitre 6) mettent l’accent sur la forma-
technoscientifique qui dénie au travailleur sa fin der- tion, l’endoctrinement et les valeurs qui permettent de
nière d’être dans la puissance-travail, son ingéniosité rassembler les forces vives de l’organisation. En ce qui
et son autonomie à définir lui-même le travail bien fait, a trait au courant de pensée behavioriste, le mouve-
bref dans cette vision qui subvertit le sujet-travaillant. ment des relations humaines (Mayo, noethlisberger et
On parle ainsi de facteurs de motivation plutôt que de tickson, momans) propose la reconnaissance des
la motivation comme facteur-fait humain. besoins sociaux comme mode d’intégration des per-
sonnes. Ce mouvement s’est développé graduellement
pour faire place à une vision plus conforme à l’idéal
démocratique poursuivi par bon nombre de personnes
Sortir de la vision technoscientifique au sein de l’organisation. On reconnajt entre autres
des facteurs et des techniques dans ce modèle la présence de besoins supérieurs
chez les personnes, par exemple le besoin d’accom-
de motivation pour penser plutit plissement ou l’engagement concret dans le processus
la motivation au cœur du travail(ler) décisionnel, auxquels, dans le souci d’une plus grande
ouverture d’esprit, l’entreprise devra être attentive.
et de l’œuvre humaine. Toutes ces théories de la motivation ont en général
été regroupées en deux grands ensembles.
• t’une part, les théories axées sur le contenu visent
Les théories classiques de la motivation à inventorier les facteurs (besoins, désirs, buts ou
Le terme a motivation b ne daterait que du milieu du manques à combler) matériels et psychologiques qui
gIge siècle, donc de l’ère industrielle. Étymologiquement,
poussent les personnes à l’action. Il s’agit de com-
a motivation b est issu du verbe movere (mouvoir) et de prendre les différences des besoins individuels pour
l’adjectif motif ou motive (131x), qui possédait le double mieux organiser le milieu de travail en réponse à ces
sens de a qui donne le mouvement b et a mobile b, bref de besoins et pour éviter, ultimement, des comporte-
motif et de moteur (vvv.cnrtl.fr). ments indésirables qui seront nuisibles à l’entreprise
Le tableau x.x (voir la page suivante) présente les théo- et à l’employé.
ries classiques sur les notions de motivation et de satis- • t’autre part, les théories axées sur les processus se
faction. Nous avons déjà fait allusion à certaines d’entre penchent sur les processus cognitifs et mentaux qui
elles, dans le chapitre 3 notamment. Ainsi, lorsque déterminent les comportements suivant le contexte.
nous avons abordé les courants de pensée rationnel et

u’est-ce u’un manaBement humain ? • lt

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La recherche de la satisfaction d’un même besoin entre les besoins précédents et les diverses caractéris-
peut en effet déclencher plusieurs comportements tiques de l’environnement. Certaines théories dites du
différents. Aussi ces théories s’attachent-elles à dé- renforcement vont jusqu’à déterminer l’influence qui
crire les comportements, à les expliquer et à analyser peut être exercée sur le comportement individuel par
comment ils peuvent être déclenchés, entretenus ou la manipulation des conséquences qui lui sont asso-
évités. Pour ce faire, elles tentent d’établir des liens ciées (Schermerhorn, munt, Osborn et de eilly, 2llc).

TABLEAU 4.4

Quelques théories classiques en administration sur la motivation


Principaux
Théorie Facteurs à l’origine de la motivation
auteurs
Modèle scientifique, naalor (1f11), gaaol Les incitations financières et économiques, et un intérêt général engendrent
administration classique, (1f16), Weber (1f2d) la productivité et donc la satisfaction.
organisation bureaucratique
(voir le chapitre 1)

Mouvement des Maao (1f33, 1f4d), La reconnaissance des besoins sociaux des membres et la danamique
relations humaines Roethlisberger et Dicison de groupe sont des sources de motivation.
(voir le chapitre 3) (1f3f), zomans (1fd0)

nhéorie de la hiérarchie des Masloj (1f43) ml existe cinq niveaux hiérarchisés de besoins devant être comblés successivement
besoins (voir le chapitre 3) (phasiologiques, de sécurité, d’appartenance et d’amour, d’estime et
d’accomplissement de soi).

nhéorie des besoins (ERh) klderfer (1fe2) ml a a trois tapes de besoins évoluant sur un continuum (avec un processus
en continuum de frustration-régression en cas d’insatisfaction), lesquels sont liés :
• au maintien de l’existence (E) : subsistance v
• à l’établissement de relations interpersonnelles (R) v
• au besoin de grandir (h) : croissance.

nhéorie des deux facteurs zer berg, Mausner et ml existe deux catégories de facteurs qui influent sur la conduite des personnes :
wloch naderman (1fdf) • facteurs de motivation : procurant de la satisfaction v
• facteurs d’hagiène : donnant lieu à l’insatisfaction.

nhéorie des besoins acquis Mcllelland (1f61) Les besoins ne sont pas seulement innés v ils sont aussi acquis par l’expérience,
la formation, la culture. ml a a trois tapes de besoins acquis :
• accomplissement v
• affiliation v
• pouvoir.

Modèle sur l’enrichissement zaciman et Oldham La motivation et le rendement peuvent dépendre des caractéristiques
et l’élaboration des tuches (1fed) de l’emploi et des tuches.

Motivation, buts et objectifs Lejin (1f4e), Les buts et les objectifs (et leurs caractéristiques : clarté, difficulté, réalisme)
Locie (1f68) que se fixent consciemment les personnes ont un impact sur la motivation.

nhéorie des attentes Vroom (1f64) La motivation résulte d’un calcul rationnel de la relation entre les efforts
fournis, le niveau de rendement atteint et la valeur des récompenses obtenues.

Motivation, aspiration Porter et Lajler (1f68) La motivation provient de la confiance en ses propres aptitudes et
et rendement des récompenses offertes en fonction des performances enregistrées.

nhéorie de l’équité kdams (1f63) noute iniquité perçue est une source de motivation pour redresser la situation.
ou de l’iniquité

nhéorie du renforcement iinner (1fd3, 1fe1) Les renforcements positifs et négatifs ont une influence sur les comportements.
Note : Les dates entre parenthèses présentent l’année de publication de l’ouvrage original.

l4 • chapitre

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Ces facteurs, a motifs b ou a mobiles b nécessaires de cet environnement est la responsabilité des gestion-
pour passer à l’action, traduisent différentes théorisa- naires. La conceptualisation du milieu de travail passe,
tions de la motivation. Selon les approches psycholo- entre autres choses, par la connaissance des besoins et
giques, essentiellement behavioristes (voir l’encadré 4.2) des attentes des membres. La réflexion ici, d’ordre
et instrumentales, majoritairement développées dans la technoscientifique, est linéaire et déterministe en ce
littérature, la motivation au travail se présente sou- sens qu’une cause donnée déclenche un comporte-
vent comme étant dépendante de différents éléments ment mesurable et prévisible.
internes (propres à la personne)
et externes (propres à l’environne-
ment de travail). La motivation com-
porte en effet différents éléments ces théories du contenu aux théories du processus
(Toulouse et Poupart, 1sdc) : un et du renforcement, des approches de la motivation
état d’o provient la motivation, une
impulsion à passer à l’action, des qui restent souvent behavioristes et instrumentales.
comportements déclenchés par cette
impulsion à s’engager dans l’action
de même qu’une rétroaction. Selon Les facteurs de motivation
Levin (1scd), le processus motivationnel prend forme tans la perspective technique contemporaine, la
lorsqu’une personne détermine un but qui, à ses yeux, motivation provient de la combinaison de facteurs
est important. Elle éprouvera une impulsion à agir selon tangibles, comme une rémunération, des récompenses
l’importance qu’elle lui accorde. Le but apparajt comme matérielles et des conditions de travail satisfaisantes,
le facteur qui pousse une personne à adopter des com- et de facteurs intangibles tels que des récompenses
portements qui en permettent l’atteinte. Le résultat des symboliques et une organisation du travail stimulante
actions entreprises par la personne devient une source (voir le tableau 4.5 à la page suivante). Ces facteurs sont
de satisfaction ou d’insatisfaction selon le rapport qui toujours décidés a par en haut b ou de l’extérieur par
existe entre le comportement adopté et le but (la rétroac- rapport à la sphère du travail effectif du travailleur.
tion). Il importe de signaler que l’état dont nous faisons Ils sont aussi à la fois individuels et organisationnels,
mention correspond à l’environnement de travail et internes (propres à la personne : besoins, pulsions,
aux mesures (récompenses) qui prédisposent les mem- instincts) et externes (propres à la situation et à l’en-
bres de l’entreprise à accomplir délibérément certaines vironnement de travail). C’est le gestionnaire qui a la
actions ou à tendre vers certains buts. La mise en forme responsabilité de les orchestrer de manière optimale.

ENCADRÉ 4.2 LE BEHAVIORISME ET SES CRITIQUES


ba psychologie selon les approches des animaux), mais plutôt, selon la de recherches tentent alors de
behavioristes (prolifiques dans les théorie de l’apprentissage vicariant découvrir ces stimuli dans le but de
années 1p30 à 1p60) consiste en de Bandura (1pr6), par exemple modifier, voire de conditionner les
l’étude scientifique et expérimen- parce qu’il a pu s’identifier à une comportements. Par contre, il est
tale du comportement sans recou- personne et détecter chei elle des impossible, de cette manière, de
rir à l’introspection, à la conscience comportements à imiter (lire, faire comprendre les processus mentaux
ni aux explications profondes de la des efforts, etc.). Pour les beha- à l’œuvre (le pourquoi du com-
vie mentale d’ordre physiologique vioristes, l’individu reste une boîte portement) et la diversité des pro-
ou psychologique qui expliquent noire, et seul son comportement cessus qui aboutissent au même
ces comportements. Un enfant observable est étudié. On reproche comportement. Ce courant beha-
n’étudiera pas forcément plus souvent à ces théories de nier la vioriste a évolué au contact de la
(réaction conditionnée) si on lui complexité humaine. bes approches théorie cognitiviste, qui considère
donne systématiquement une note behavioristes expliquent l’apprentis- au contraire la pensée comme un
encourageante (stimulus) (comme sage par le couple stimulus-action. processus de traitement de l’infor-
pourrait le prescrire une approche Un stimulus ou un ensemble de mation et de situations conduisant
behavioriste simpliste des compor- stimuli entraînent une action (un à des croyances et à des représenta-
tements humains, assimilés à ceux comportement) donnée. Nombre tions mentales (Rouleau, 200r).

u’est-ce u’un manaBement humain ? • lk

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TABLEAU 4.5

Les facteurs tangibles et intangibles de motivation


Facteurs tangibles Facteurs intangibles
cifférentes formes de rémunération Reconnaissances d’ordre social et symbolique
• elon l’importance du poste • Par des gestes (par exemple, une poignée de main)
• la pièce • Par des paroles (par exemple, remercier, féliciter)
• Primes de rendement individuelles ou de groupe • Par des comportements (appuaer, défendre, donner de la
• Partage des gains de productivité rétroaction, sourire, respecter, etc.)
• la commission • Par des samboles (trophées, activités sociales, etc.)
• elon les compétences • Par la diffusion de la performance
• kctionnariat, options d’achat d’actions, etc. Organisation du travail stimulante (voir le tableau 4.6)
• Participation aux bénéfices • lonception des postes (élargissement, rotation, enrichissement,
a Récompenses b matérielles approche sociotechnique, etc.)
• ladeaux, voaages, prêts avantageux, etc. • kménagement du temps de travail (horaires variables, réduction
du temps de travail, travail à distance, temps partagé, etc.)
Conditions de travail
• Participation à la définition des objectifs
• Promotions, congés spéciaux, etc.
• kutonomisation, délégation d’autorité
• gormation, perfectionnement
• kutogestion (autocontrôle, cercles de qualité)
• harderie, gamnase, assurances, avantages sociaux
ource : kdapté de Mc hane et wenabou, 2008, p. 2f8.

Nous avons vu dans le chapitre 3 que, selon certains est pourtant rarement un état d’être prêté d’emblée à
théoriciens, la motivation peut résider dans les besoins l’être humain. La motivation est, selon l’approche mana
que cherchent à satisfaire les personnes. Ces besoins peu gériale technoscientifique, une énergie dynamique qui
vent être innés ou acquis graduellement par elles pendant témoigne de l’engagement des employés et de tous les
le processus de socialisation avec leurs semblables. Selon membres de l’organisation qu’il faut stimuler et entrete
les théories plus récentes de l’autodétermination (teci nir par des facteurs adéquats (voir le tableau 4.5).
et nyan, 1sr5, 2lll), les besoins ressentis peuvent être Les techniques auxquelles ont le plus fréquemment
satisfaits par le comportement lui même (pour le plaisir recourt les entreprises pour réorganiser et restructurer
qu’on en retire) ou par les récompenses qui sont asso le travail sont la rotation des twches, l’élargissement
ciées à ce comportement ou par les deux à la fois. tans des twches, l’enrichissement des twches et les groupes
le premier cas, les théoriciens parlent de motivation inB autonomes de travail (voir le tableau 4.6). On peut, bien
trinsèque et, dans le second cas, de motivation skr, faire appel à une seule ou à une combinaison de
extrinsèque. Ainsi, une personne peut effectuer telle ces formes de structuration des twches, sans toutefois
ou telle action parce que les comportements qu’elle s’y limiter. Cependant, réfléchir dans la perspective de
adopte comblent ses besoins ou parce que les récom l’humanisation du travail repose surtout sur le fait
penses auxquelles donnent lieu ces comportements les de se demander qui décide de ces techniques et réor-
comblent d’une manière ou d’une autre. On peut, par ganisations et pourquoi.
exemple, exécuter un travail parce que celui ci est
satisfaisant en soi, ou parce qu’on reçoit une prime s’il
est accompli selon les attentes de l’employeur, ou parce
qu’il répond au besoin de se sentir solidaire des ac cans la vision technoscientifique du
tions qu’accomplissent les collègues, car a c’est en travail, la motivation est à la fois une
partageant des émotions qu’on trouve un sens à son
action b (Alter, 2lls, p. 122). force interne (besoins, compétences et
Pour teci et nyan (1sr5, 2lll), la motivation intrin buts) et une force externe (situation et
sèque qui najt du sentiment d’autonomie, de compé
tences et d’affiliation est prédominante sur la motivation environnement de travail) qui peuvent
extrinsèque une fois les besoins physiologiques et psy être stimulées.
chologiques de base satisfaits. La motivation intrinsèque

lc • chapitre

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TABLEAU 4.6

Les techniques de réorganisation du travail


Technique Intérêt Précaution
Rotation des thches : déplacer • Occasion d’apprentissage ml a a peu d’apprentissages si la rotation
les personnes d’une tuche à une autre. • Mise en puvre de compétences plus variées se fait sur des postes semblables.

glargissement des thches : regrouper • Réduction de la monotonie ml faut être attentif à récompenser
plusieurs tuches en un seul poste. • kjout à l’intérêt des tuches adéquatement les efforts additionnels.

Enrichissement des thches : attribuer Utilisation meilleure des compétences lela crée un besoin important de formation
à l’emploaé des responsabilités plus et élargissement de celles-ci de sorte pour les emploaés.
étendues (par exemple, planifier et vérifier qu’un sentiment de réussite personnelle
son propre travail ou celui de son unité). puisse en émerger

kroupes autonomes de travail Liberté accrue pour les membres du groupe • lela crée un besoin important
(cercles de qualité) : accorder à des groupes en ce qui concerne le travail qu’ils veulent de formation pour les emploaés.
d’emploaés une très grande latitude en accomplir et le choix des nouvelles • lertaines personnes ont de la difficulté
matière de planification et d’organisation techniques qu’ils veulent assimiler à s’adapter à ce degré d’autonomie.
autonomes de leur travail.

De sa propre initiative, Geneviève a décidé de rentrer au travail aujourd’hui même


VÉCUES
HISTOIRES

si c’est un jour férié et qu’elle avait droit à son congé. Elle ne veut pas laisser seule Shuda,
sa jeune collègue, tout juste embauchée pour compléter l’équipe, car celle-ci ne connaît
pas encore très bien le fonctionnement du service, ses patients et leurs familles.
q ci, on a monsieur Samion, qui a redu un diagnostic d’Aliheimer il y a quelques mois,
chuchote Geneviève pour ne pas réveiller l’occupant du lit voisin qui s’est déjà endormi.
Bonsoir Monsieur Samion !
q Ah, Geneviève ! soupire monsieur Samion avec un air rassuré.
Elle laisse Shuda remplir ses tsches habituelles pendant qu’elle replace les oreillers de
monsieur Samion et qu’elle lui prend la main.
q kous allei bien dormir, Monsieur Samion, et je vais être là demain. En attendant,
je vous présente Shuda, elle va aussi venir s’occuper de vous.
q Ah, Geneviève ! répète monsieur Samion qui n’a d’yeux que pour son
infirmière préférée.
q Passei une bonne nuit !
Elles se retirent toutes les deux.
q l fait des crises d’angoisse quand je ne vais pas le voir avant la nuit. Maintenant, on
va aller voir madame Auster. ae lui fais toujours un petit massage de quelques minutes
avant qu’elle s’endorme, elle me dit que da l’aide à dormir.
q be médecin a prescrit un massage l demande Shuda les yeux écarquillés de stupeur.
q Ben non, répond Geneviève en riant. C’est juste que savoir que mon travail fait une
différence, da m’aide moi aussi à dormir.
Shuda est impressionnée. Elle comprend pourquoi tous ses collègues, et même l’équipe
des médecins, ont insisté pour qu’elle participe elle aussi à la récente collecte de fonds pour
souligner les 25 ans de carrière de Geneviève. Elle espère qu’il y aura assei d’argent
pour que son aînée et mentore se paie un beau voyage avec son mari, étant donné toutes
les heures de vacances qu’elle sacrifie pour ses patients !

u’est-ce u’un manaBement humain ? • l7

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En effet, dans une perspective humaine, on consi- une autre, ou générales, c’est-à-dire ne pouvant pas
dère la motivation comme un principe vital, une fin être accommodées individuellement.
en soi d’explication de l’existence. C’est une sorte de Les rétributions peuvent donc être de nature obAec-
prédisposition à l’œuvre, gouvernée par la curiosité tive et matérielle (argent, conditions et horaire de tra-
épistémique de l’être humain (aerlyne, 1bcd) lors- vail) ou de nature subAective et symbolique (prestige,
qu’il est confronté à la résistance du réel et au défi reconnaissance ou distinction qui changent positive-
cognitif, ainsi qu’à l’excitation intellectuelle de les ment l’état d’esprit de l’employé). Selon earnard (1s3r),
dépasser. De fait, la motivation est une force-énergie il faut savoir combiner ces deux formes de rétribution,
identitaire à préserver, mais elle ne peut être prédite. car l’une ne peut aller sans l’autre. Plus encore, les
tans une perspective humaine, il s’agit moins d’ex- primes non matérielles sont souvent plus efficaces
pliquer la motivation au travail que la performance au que les seules rétributions financières une fois que les
travail en cherchant à comprendre ce qui peut démoti- besoins physiologiques de base (alimentation, loge-
ver l’employé ou détourner dépouiller le travailleur du ment, habillement) des employés sont satisfaits.
flux de son activité.
Le choix des facteurs de motivation précédents n’est
De l’outil à la philosophie jamais neutre. Comme une entreprise ne peut pas tou-
Comme l’indique l’encadré x.3, la motivation est jours offrir toutes les rétributions auxquelles aspirent
indissociable de l’utilisation de techniques de gestion les employés, ou parce que tous les êtres humains
fondées sur le pouvoir (voir les chapitres 6, 8 et 9). Une ne sont pas sensibles aux mêmes avantages, elle doit
approche managériale portée sur la participation et aussi convaincre ses membres de coopérer au moyen
la délibération (voir les chapitres 6, 8 et 9) serait plus de pratiques de persuasion adéquates. En dehors de
efficace selon les tenants des modèles démocratiques la coercition qui est peu souhaitable, earnard (1s3r)
(tejours, 2l15). observe plusieurs méthodes de persuasion, de la ratio-
nalisation qui est une forme de discours servant à
tès 1s3r, earnard insistait sur le fait que l’organi-
convaincre les employés qu’il est dans leur intérêt ou
sation formelle reposait sur deux choses : des rétribu-
de leur devoir de se conformer aux exigences de l’or-
tions adéquates et des activités de persuasion dans la
ganisation à l’endoctrinement par la propagande
mesure o il est souvent impossible de combler tous
politique ou religieuse.
les besoins de l’employé. Selon lui, les rétributions
(voir l’encadré 4.3) peuvent être individuelles, donc Les travailleurs ne sont pas dupes des facteurs et
offertes spécifiquement à une personne plutôt qu’à des stratégies de motivation proposés par l’entreprise.

ENCADRÉ 4.3 LES RÉTRIBUTIONS ADÉQUATES SELON BARNARD 1938a

RÉTRIBUTIONS INDIVIDUELLES RÉTRIBUTIONS GÉNÉRALES


bes incitations spécifiques, ou rétributions indiviÉ bes incitations générales sont :
duelles, sont : • l’attractivité de l’association avec les collaborateurs,
• des avantages matériels en argent et en avantages en c’estÉàÉdire la compatibilité interpersonnelle et sociale
nature assurant une subsistance minimum g qui touche aussi bien les origines géographiques,
• des opportunités personnelles comme des sources la religion, les coutumes, le statut social, l’éducation,
de distinction, de prestige, de pouvoir personnel, les ambitions g
d’une position sociale plus dominante, bref, des • des conditions de travail conformes aux standards g
formes de rémunération sociale recherchées dans • le sentiment de participer plus largement à une cause
toute organisation g grande et utile g
• de meilleures conditions physiques de travail g • le sentiment de l’intégration sociale, par exemple la
• la satisfaction d’idéaux personnels, par exemple la solidarité, le sentiment de sécurité sociale, la camaÉ
fierté de la qualité du travail fait, le sens de l’accomÉ raderie, le soutien mutuel ou en lien avec le besoin
plissement, de la loyauté, de l’altruisme g de communion.
• la satisfaction de besoins esthétiques, religieux.

ls • chapitre

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L’être humain sait, même s’il ne peut pas toujours humains – consubstantielle du travail et non de sti-
l’expliciter, et ressent ce qui le motive. Plutôt que de muler une motivation – stoce-ressource – au travail.
céder à la tentation d’une approche technoscientifique
Convenons enfin que la complexité humaine
déterministe et déterminante des facteurs de moti-
engendre aussi une réalité plus ambivalente et équi-
vation et de la productivité du travail, il conviendrait
voque. L’être humain étant lui-même traversé par des
plutôt de réfléchir au libre arbitre de l’être humain
contradictions entre pulsion de vie et pulsion de mort,
à s’autodéterminer et à faire son travail et d’orga-
il peut être animé de motivations positives (désir
niser les conditions de la délibération collective
d’accomplissement, comme le décrivent les approches
des moyens d’accomplir ce travail. aref, de préser-
humaines et behavioristes) et de motivations négatives
ver sa motivation – puissance d’existence parmi les
(jalousie, envie, désirs inavoués et inavouables, tensions
inconscientes, etc.). Et l’organisa-
tion peut plus ou moins entrete-
nir ces motivations. Il s’agit moins
céterminer les facteurs de motivation au travail alors d’améliorer la motivation que
ou délibérer pour entretenir la motivation du travail : de remettre en cause l’organisa-
tion, le travail lui-même et, plus
deux approches managériales différentes. globalement, le management dans
sa clairvoyance.

Du travail humain à l’approche humaine du travail


Un management humain est donc un management artificielle. Pourtant, l’humain est celui qui, dans le
de l’organisation of le travail est humain, c’est-à-dire réel du travail, pallie l’insuffisance des machines. Ces
équilibré entre performance individuelle et collec- deux visions produisent ainsi à l’extrême un cercle vi-
tive, reconnaissance et solidarité. Une twche peut être cieux et absurde o la quête de la maximisation des
accomplie par une seule personne dans l’organisation, profits produit une détérioration de ceux-ci. Les em-
mais le travail se fait collectivement (Gomez, 2l13). ployés, considérés comme de simples ressources, sont
Travaillant, l’être humain produit une communauté, manipulés et oppressés au nom de la recherche ma xi-
un monde social. Le management d’un système, telle male de profits et, ce faisant, sont de moins en moins
l’entreprise, est, du fait de sa complexité, une pratique motivés, de plus en plus désengagés et de moins en
émergente, en contexte et paradoxale qui oblige le moins performants. Les managers renforcent alors
manager à composer avec toutes sortes de tensions plus encore leur pression et entretiennent la spirale
contradictoires. Il y parvient d’autant plus facilement infernale (Aktouf et molford, 2lls). Évidemment, ces
qu’il organise le débat dans l’entreprise sur le travail à logiques délétères fonctionnent tant que l’entreprise
bien faire avec les employés (voir le chapitre 6). n’a pas épuisé les possibilités de recrutement de res-
Le management humain, en tant qu’idéologie en sources pour alimenter ce cycle insoutenable.
pratique, impose une réflexion sur l’humanisation Le travail humain et l’humanisation du travail posent
du travail et l’articulation-imbrication entre travail, la question de l’articulation entre le système managérial
entreprise et société (teming, 1sr2a). qui gouverne plus globalement l’approche managé-
Le travail humain est aujourd’hui menacé et subverti riale, la philosophie, les choix des managers et les sys-
par les deux grandes tendances que sont la financiari- tèmes socioéconomiques dans lesquels ces derniers
sation de l’économie et la prédominance d’une vision exercent leur métier. Par exemple, entretenir le mythe
technoscientifique du monde. Selon ces deux visions, de la croissance dans les entreprises, telle une méta-
pour augmenter la qualité et réduire les risques, il faut phore de l’immortalité, pour motiver les employés
éliminer le a facteur humain b pour que l’outil, la tech- a un caractère infantilisant (Aktouf et molford, 2lls).
nique ou la machine sécurise l’obtention d’une produc- Comment se doter d’une vision plus clairvoyante
tivité et d’un revenu maximal. L’approche technique de l’inscription de l’entreprise organisation et du a tra-
a contribué à marginaliser l’humain, à déshumani- vailler b dans le monde humain ? C’est l’objet des
ser le travail, dans l’idéal d’une parfaite intelligence chapitres suivants.

u’est-ce u’un manaBement humain ? • ll

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PARTIE 2

LES CONCEPTS
CLASSIQUES ET
CONTEMPORAINS

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« Une spécialiste de la mise en place du management par les objectifs confirme : “ On met en
place des indicateurs dans les entreprises, pour leur pilotage. a donne des jalons mais, très
vite, il a a trop d’informations, c’est trop détaillé. a part dans tous les sens, ça fait un paquet
de nouilles. Personne ne sait comment ça marche. a ne veut rien dire. Et puis il faut recruter
une armée de gens pour les faire marcher. On ne regarde plus que les indicateurs, et, à la fin,
on ne regarde plus la route ”. »
(Dujarier, 201d, p. 61)

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P
ourquoi et comment piloter une d’emplois, par exemple, devant le conseil d’admi-
organisation ? Pourquoi et com- nistration de son entreprise qui doit trancher. On
ment diriger l’entreprise pour que parle ici de gouvernance. Ces choix effectués au
le travail humain y produise dura- plus haut niveau de la direction auront un fort
blement des biens et des services impact sur l’avenir de l’entreprise et sur la vita-
économiquement et socialement lité de bassins d’emploi tout entiers dans son
utiles ? La deuxième partie de cet ouvrage tente pays comme ailleurs dans le monde. Il nous faut
de réfléchir à cette question en passant en donc réfléchir au e management du manage-
revue les concepts classiques de gouvernance, ment f, c’est-à-dire à la fanon dont les systèmes
de décision et direction, de planification, d’orga- économiques et sociopolitiques influencent
nisation et de contrdle qui font le management les systèmes managériaux, qui orientent eux-
contemporain. momes les choix de gouvernance et l’approche
managériale de l’entreprise. C’est l’obbet du
Souvenons-nous que c’est à Fayol que l’on doit chapitre k portant sur la gouvernance.
le premier découpage des composantes de la
fonction d’administration au début du e siècle Admettons qu’un manager découvre les consé-
au sein du courant des écoles formelles du mana- quences des choix de gouvernance de son entre-
gement. Ce découpage s’est perpétré au cours prise en lisant le plan stratégique et les obbectifs
du siècle et dans les programmes d’enseigne- que lui communique sa haute direction au lende-
ment des écoles de commerce et de gestion dans main d’une OPA. Peut-otre pourrait-il otre dénu de
le monde occidental sous différents acronymes constater que son service n’a pas été consulté
du POCCC hFayol, 1l1ci, au POSDCORB hGulicv pour l’élaboration de ce plan stratégique, sans
et Urwicv, 1lt7i, pour Planning, Organizing, Staf- pour autant en otre surpris, car bien souvent, la
fing, Directing, Coordinating, Reporting, Bud- stratégie se décide en plus haute instance. Peut-
geting, ou au PODC pour Planifier, Organiser, otre ce manager se demandera-t-il aussi comment
Diriger et Contrdler, inspiré de Deming h1ll1i. convaincre ses troupes, dans le service dont il a la
Pour notre part, nous expliquerons le manage- charge, de s’engager dans la nouvelle orientation
ment contemporain dans cette deuxième par- proposée par la direction. Car il est probable qu’il
tie autour du concept de gouvernance et du rencontre peu d’adhésion à des décisions prises
DDPOC hvoir le chapitre 1i. e par le haut f. Il nous faut donc examiner la fanon
dont se prennent les décisions et comprendre le
En effet, quand le dirigeant d’une grande rdle du manager pour emporter l’adhésion et l’en-
entreprise internationale se demande comment gagement des employés : c’est l’obbet du cha-
régler une grève de ses employés tout en fai- pitre c sur la décision hDi et la direction hDi.
sant face à la concurrence des compagnies qui
offrent les momes produits ou services à des Si un employé est confronté aubourd’hui à
prix plus bas, il est confronté à la difficulté de l’implantation du management lean dans son
choix stratégiques. Il pourrait devoir exposer entreprise, c’est probablement la réponse opé-
ses arguments pour ou contre la suppression rationnelle de son organisation à des exigences

102

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stratégiques de compression des coxts et d’opti-


misation de l’organisation voulue par les stratèges
de sa haute direction. Cet employé pourrait aussi
faire face à la mise en place d’un programme de
développement de nouveaux produits et ser-
vices si l’entreprise a décidé d’otre innovante.
Bref, l’organisation fait constamment des choix
stratégiques tantdt pour résister à la concur-
rence, tantdt pour pérenniser son existence et
perpétrer sa mission. Le chapitre 7 abordera la
pensée et la planification stratégique hPi qui
mènent à ces choix et analysera ses limites.

Évidemment, les choix stratégiques précé-


dents ont des conséquences sur le quotidien
des travailleurs. Ils se traduisent par des fanons
de faire et d’organiser le travail. Par exemple,
une petite entreprise qui choisit de s’interna-
tionaliser n’aura peut-otre pas toutes les res-
sources financières nécessaires pour sillonner
ses différents marchés potentiels sur différents
continents. Comment réussir à toucher la clien-
tèle là oq elle se trouve sans pouvoir embaucher
autant de commerciaux qu’elle le souhaiterait ?
Comment s’organiser ? À l’inverse, dans une
grande entreprise, qui dessert plusieurs mar-
chés à l’échelle mondiale, comment s’assurer Enfin, comment s’assurer que le travail est fait
que les produits et services livrés seront les et bien fait ? Là oq, autrefois, le contrdle dans une
momes partout sur la planète ? Peut-otre faut-il succursale de commerce de détail, par exemple,
formaliser les procédures ? Les fanons de faire ? consistait pour le manager à s’assurer que l’inven-
Qui plus est, peut-otre faut-il organiser diffé- taire était à bour, on constate aubourd’hui qu’il faut
remment le travail selon que l’on est dans un rendre compte de plus en plus de choses. Il
ministère, une usine, une succursale de banque, faut non seulement mesurer la performance de
une start-up, un hdpital, un supermarché, un vente, mais aussi évaluer la performance et le
commerce de quartier, etc. Bref, manager, c’est bonheur de ses salariés sur le plancher. Ce n’est
organiser le travail. Nous aborderons l’organisa- guère facile. Nous verrons pourquoi dans le cha-
tion hOi, ses formes et ses défis contemporains pitre l, consacré au contrdle hCi et à l’évaluation.
dans le chapitre s.

10t

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CHAPITRE

k LES SaSTÈMES
MANAGÉRIAU
La sagesse consiste DE LA GOUVERNANCE AU OPÉRATIONS Corruption (Enron, É.-U.), comptes
falsifiés (Andersen, É.-U.), complot, fraude boursière, fausse déclaration
en une seule cEoseI
(Worldcom, É.-U.), publications financières frauduleuses (rivendi, France),
connaître la pensée manipulations comptables (Parmalat, Italie), escroquerie (hernard Madoff,
ui gouverne tout É.-U. o qazutsugi Nami, papon), détournement (Norbourg, Québec), complicité
et partout. de blanchiment aggravée de fraude fiscale (UhS, lShC, Suisse) : la courte
histoire de notre nouveau siècle regorge de scandales financiers. Si ces types
(zéraclite)
de scandales ne sont pas nouveaux dans l’histoire de la finance, leur ampleur
et leur étendue planétaire sont inégalées. Mais qui doit-on pointer du doigt
pour comprendre de tels écarts ? ia gouvernance. Ce mode de gestion
des entreprises cotées en bourse est apparu dans les années cgn0 pour
assurer la meilleure articulation possible entre le pouvoir des actionnaires
et celui de la direction. ie terme s’est depuis propagé à toutes les sphères
de haute direction. Se pencher sur cette évolution dans ce chapitre va nous
aider à comprendre la variété des systèmes managériaux et des approches
managériales à l’œuvre dans les entreprises.

5.1 Du gouvernement à la gouvernance de l’entreprise


uuand Fayol prônait, dans edministration industrielle et de la conduite des affaires qui résulte de la conjugaison
générale (1s1c), l’établissement de la fonction adminis- des efforts des managers-dirigeants, d’une part, et des
trative, il insistait sur le fait que l’administration n’était membres de la structure de haute direction constituée
qu’une des six fonctions (avec les fonctions technique, entre autres du conseil d’administration, d’autre part.
commerciale, financière, de sécurité et la comptabilité) La conduite elle-même de l’entreprise s’incarne dans
dont le a gouvernement b de l’entreprise devait assu- une approche managériale, une sorte de philosophie
rer la marche. Fayol entend alors le a gouvernement b de gestion empruntée par ses managers-dirigeants
comme le fait de a conduire l’entreprise vers son but en sous la gouverne de leur conseil d’administration. Cette
cherchant à tirer le meilleur parti possible de toutes les approche, propre à chaque entreprise, découle et s’ins-
ressources dont elle dispose b (p. 5). uu’est-ce que a le crit à l’intérieur d’un système managérial englobant qui
gouvernement de l’entreprise b aujourd’hui ? C’est ce marque du sceau d’une doctrine dominante un ensemble
que l’on appelle la a gouvernance b. Le gouvernement de de préceptes, de principes, de règles sur la façon dont se
l’entreprise, ou encore sa gouvernance, est la direction font les affaires dans une société.

104 • Chapitre

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En effet, maintenant que l’on a une idée des théories et des moyens managériaux qui sont mis en applica-
managériales qui se sont succédé dans le temps (voir les tion en vue d’un résultat, quel est donc le résultat que
chapitres 1, 2 et 3), et que l’on sait ce qu’est un système en recherchent nos entreprises et nos gestionnaires ? C’est
général (voir le chapitre 4), qu’en est-il du système mana- à ces différentes questions que ce chapitre se consacre
gérial contemporain, celui dans lequel les managers en trois temps : nous présenterons d’abord une défini-
sont appelés à exercer leur métier aujourd’hui ? uuel tion du système managérial à l’intérieur du système
ensemble de principes, de propositions, de conclu- capitaliste contemporain. Par la suite, nous aborderons
sions forme le corps de la doctrine managériale dans les formes distinctes de capitalisme et des systèmes
notre société occidentale d’Amérique du Nord ? Et, sur- managériaux dans le monde ; et nous terminerons par
tout, comment se forge-t-il ? Et si l’on peut penser le une réflexion sur la finalité de l’entreprise à l’heure de
système managérial comme l’ensemble des principes l’injonction au développement durable.

5.2 La définition gigogne du système managérial


Le management émerge d’un système plus large, qui système d’action inextricablement lié à un espace social
est le système économique en vigueur dans un pays. et historique. Connajtre celui-ci éclaire alors forcément
Cela signifie qu’il n’existe pas un système managérial celui-là. b (téry, 2lls, p. r).
unique ou universel. Un système managérial est l’en-
semble des idées, des actions et des outils à l’œuvre
pour réaliser la mission et les objectifs des organi- Le succès socioéconomique dépend de
sations, imprégné d’une idéologie propre et intégré
dans son système économique et sociopolitique. Par l’adéquation du système managérial aux
exemple, quand nous parlons du management japo-
nais, nous faisons référence à un système managérial
systèmes économique et sociopolitique.
qui trouve tout son sens dans le système économique
japonais. Toute tentative pour isoler le manage-
Comme nous pouvons le voir dans la figure 5.1 (voir
ment japonais de son origine économique japonaise
la page suivante), le système économique aussi émerge
peut s’avérer un échec. t’ailleurs, dans les dernières
d’un système encore plus important et plus englobant
années, devant les succès industriels des Japonais,
qui est le système sociopolitique. Autrement dit, nous
certaines entreprises, mais aussi des chercheurs et des
concevons un système économique à l’image de notre
consultants, ont tenté d’instaurer des approches japo-
histoire, de notre culture et de nos valeurs. Par exemple,
naises de production, comme la qualité totale, le juste-
si, pour des raisons historiques ou culturelles, les
à-temps ou la production optimisée (lean production).
valeurs collectivistes ou égalitaires sont très présentes
Un bon nombre de ces tentatives se sont soldées par
dans une société, on constate que l’infrastructure de
des échecs importants. Le succès des Japonais s’ex-
l’économie ainsi que son mode de fonctionnement
plique par l’adéquation qui existe entre le fonction-
tiennent compte de ces valeurs en ce qui a trait à la
nement de leur système économique et celui de leur
redistribution et au partage de la richesse. Le système
système managérial. Toutefois, cela ne veut pas dire politique intervient afin de maintenir la cohésion de la
que nous ne pouvons pas nous inspirer des autres pra- société en fonction de ses choix et de ses souhaits, de
tiques comme source d’enseignement afin de réfléchir la même manière que, dans des sociétés valorisant l’in-
à nos propres façons de faire. dividualité, la maximisation des intérêts personnels va
Le management est en fait a toujours plongé dans une établir un système économique basé sur l’affrontement
société donnée à un moment très précis de son histoire. des acteurs dans une logique de concurrence à une
Corrélativement, par cette inscription dans la trame grande échelle. Nous présentons évidemment ici un
caractéristique de son temps, le management transforme portrait dichotomique de cette réalité, afin de faciliter
son espace et fait l’histoire. Le management est donc un la compréhension, alors que la réalité est plus nuancée.

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FIGURE 5.1 L’imbrication gigogne des systèmes managérial, économique et sociopolitique

kouvernance de l’entreprise (dont


le conseil d’administration oCAp) Système
managérial Système
kpproche managériale d’une entreprise ensemble d’idées, Système sociob
d’actions et d’outils économique politique
à l’nuvre pour Mode de cistoire,
Planification
réaliser la mission création et de valeurs,
(P)
Organisation et les objectifs redistribution système
(O) des organisations, de la richesse politique
cécision- imprégné d’une et social
cirection (c, c) idéologie propre

Contrile (C)

Il faut retenir qu’il existe différents systèmes capi- nous explorerons d’abord l’évolution du système éco-
talistes qui donnent naissance à plusieurs approches nomique et social qui nous est proche : le système
en management. Pour mieux comprendre le sys- anglo-américain.
tème managérial dans lequel nous nous trouvons,

5.3 L’évolution du système capitaliste anglo-américain


La description de l’évolution du système économique et locales, les associations, les groupes de pression,
social anglo-américain suppose une réflexion sur l’ar- etc., potentiellement touché par les décisions et les
ticulation des formes de capitalisme à l’œuvre depuis orientations de l’entreprise ou susceptible d’influer
la première révolution industrielle avec les logiques et lui-même sur ces décisions et orientations (Freeman,
les dispositifs de gouvernance des entreprises et des 1srx). Nous décrirons dans cette section l’évolution du
institutions. On entend par logiques et dispositifs de système économique d’un capitalisme industriel à un
gouvernance les rapports et les influences mutuelles capitalisme financier, de l’instauration du capitalisme
entre les dirigeants et les autres parties prenantes de à l’émergence de la nouvelle économie. La figure 5.2
l’organisation. nappelons qu’on appelle « partie pre- résume l’évolution des systèmes sociopolitique, éco-
nante » de l’entreprise tout groupe d’acteurs tel que nomique et managérial en Amérique du Nord au cours
les actionnaires, les employés, les clients, les par- du gge siècle.
tenaires, les institutions, les gtats, les collectivités

10c • Chapitre

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FIGURE 5.2 L’évolution des systèmes sociopolitique, économique et managérial en Amérique du Nord

191c 192c-193c 1945 196c 198c 199c-2ccc

Développement
Système Progrès technique Progrès technique
durable
sociopolitique (productivité) (innovation)
(pérennité)

bapitalisme financier
Système bapitalisme
économique industriel
bapitalisme cognitif
Écoles formelles d’administration
(organisation scientifique du travail,
administration classique, etc.)
École des relations humaines/Behaviorisme

Système bontingence
managérial Planification stratégique/compétition
Resource-base vie
Kno le ge-base vie
Gestion des connaissances

L’instauration siècles, la raison d’être des marchés financiers était de


fournir à l’industrie les capitaux dont elle avait besoin
du capitalisme industriel pour se développer. tes penseurs comme Smith (voir
La révolution industrielle qui débute au milieu du les chapitres de la partie 1) et nicardo théorisent les
gfIIIe siècle influe très largement sur l’organisation fondements de ce système prônant la concurrence, la
du système économique et sur le système managérial maximisation des intérêts individuels, l’affrontement
qui lui est associé. L’économie basée sur l’agriculture, des égo smes, etc. Ainsi, à la fin du gge siècle, on voit
dominée par les grands propriétaires terriens, et l’arti- apparajtre les bases d’une économie o la finance
sanat disparaissent petit à petit au profit des fabriques prend de l’importance, tout en valorisant la réalisation
et, plus tard, des usines très organisées. Le centre de des profits à court terme.
gravité du système économique se déplace ainsi vers Évidemment, cette transformation du capitalisme se
un capitalisme industriel (voir le chapitre 2). i l’exté- matérialise aussi à l’intérieur des entreprises. L’organi-
rieur de l’entreprise, le système s’efforce d’encourager sation du travail et celle de la production connaissent
et de consolider le capitalisme naissant. t’une part, le des changements importants. Avant la révolution
système politique, par l’entremise des nouvelles lois, industrielle, la production des biens de consomma-
prépare le terrain à un fonctionnement plus harmo- tion se faisait essentiellement dans les ateliers d’arti-
nieux de l’industrie comportant moins d’entraves. sans. L’artisan et ses apprentis produisaient un objet
t’autre part, les marchés financiers s’organisent afin en assumant toutes les étapes de la production. i la
de fournir les capitaux nécessaires au développement fin du gIge siècle, Taylor bouleverse cette logique de
de l’industrie. production. tans la foulée de Smith, il promeut et
Les progrès technologiques, la majtrise des éner- pousse encore plus loin la logique de la division du
gies, la mécanisation et l’automatisation progressive travail. tésormais, il y a une rupture entre l’objet pro-
de la production augmentent les besoins des indus- duit et la personne qui le fabrique. Chaque personne
triels en capital financier. Il est important de souligner sur la chajne de montage n’effectue qu’une partie de
que, pendant cette période qui a duré plus de deux l’ensemble, et ce, de façon répétitive.

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Cette période en est une de progrès scientifiques seuls l’équilibre économique, la vision libérale de
et techniques majeurs. La notion même de progrès l’économie laisse la place à une autre vision capitaliste
prend une place importante dans le discours des poli- qu’on a qualifiée de keynésienne. Cela fait référence
ticiens, des industriels, des scientifiques, des penseurs à la pensée de eynes (1s3c), un grand économiste
et dans la population. Elle envahit l’imaginaire col- britannique, qui affirme que, en période de crise ou
lectif de manière fulgurante. Les découvertes dans les de ralentissement économique, le marché n’est pas
différents domaines de la science conduisent à l’in- capable à lui seul d’établir l’équilibre. En effet, eynes
vention des machines et des outils qui influent aussi soutient l’idée selon laquelle un ralentissement écono-
grandement sur l’univers de la production et sur la vie mique a l’effet suivant : les consommateurs ne peuvent
quotidienne. La période qui suit, de la fin du gIge au consommer autant en raison de la perte de leur emploi
début du gge siècle, est fortement marquée par ce qu’on ou de la diminution de leurs revenus, ce qui entrajne
appellera le taylorisme et le fordisme. Ford, en particu- une diminution de la production des entreprises. Cette
lier, a réussi à augmenter la productivité à un niveau diminution engendre à son tour une réduction de la
jusque-là inégalé et, en même temps, à faire fortune. main-d’œuvre nécessaire pour produire, et donc du
Ces deux éléments ont cautionné la légitimité de sa nombre de personnes aptes à consommer. Également,
démarche d’une manière importante. devant la baisse de la demande, les entreprises inves-
tissent peu (ou pas du tout) pour maintenir
ou développer leur production. Il se crée
Le management classique axé sur la productivité alors un cercle vicieux (voir la figure 5.3) o
la demande générale diminue. Pour eynes,
est né du capitalisme industriel. le marché devient incapable de faire face à
cette descente aux enfers, et une interven-
tion de l’État s’avère nécessaire. Les gouver-
Pendant les trois premières décennies du gg siècle,
e nements peuvent s’engager dans de grands
l’euphorie s’empare des économies américaine et euro- projets d’infrastructures ou autres, ce qui a comme
péenne, dans lesquelles la croissance génère beaucoup conséquence l’augmentation de la demande permet-
de richesse. te nombreux industriels, comme Ford, tant aux entreprises de maintenir leur niveau de pro-
font fortune durant cette période. Une partie de cette duction, et même éventuellement d’investir dans leur
richesse sert à stimuler et à relancer d’autres activités modernisation. Comme ces projets sont limités dans
industrielles, l’autre partie étant investie sur les mar- le temps, une fois un certain équilibre établi, les gou-
chés financiers dans un but de spéculation. turant vernements peuvent cesser de jouer le rôle d’acteur
la présidence de Cleveland, à la fin du gIg siècle, les majeur de l’économie.
e

règles régissant les activités économiques et notam-


ment financières ont été considérablement assouplies FIGURE 5.3 L’équilibre économique meynésien
afin de laisser la voie libre aux industriels et aux finan-
ciers. Au cours de cette période, la pensée libérale de
l’économie était dominante. Partant des travaux de Ralentissement
gtat
Smith de 1ddc, on considérait qu’il fallait réduire le économique
plus possible les règles et l’intervention de l’État dans
K J
le champ de l’économie et laisser la concurrence faire
émerger un équilibre entre les acteurs économiques.
cemande
La Grande tépression de 1s2s, et ses conséquences
néfastes sur une partie importante de l’économie capi-
taliste mondiale, a poussé certains pays, notamment
les États-Unis, à tirer des leçons de cette crise et à
intervenir pour réglementer les marchés financiers afin Salaires K J Production
d’éviter de reproduire de telles crises majeures. tans le
sillage de cette crise, la Seconde Guerre mondiale est
considérée comme un tournant dans la gouvernance
des États dans la mesure o , immédiatement après
la guerre, devant les défis gigantesques que doivent Emplois
relever les marchés et l’incapacité de ceux-ci d’établir

10s • Chapitre

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Après la Seconde Guerre mondiale, cette approche La gouvernance d’une organisation détermine la
a permis aux économies américaine et européenne nature des rapports existant entre ses dirigeants et les
de s’engager dans de grands projets d’infrastructures différentes parties prenantes, à savoir les actionnaires,
comme la construction de routes, de ponts, d’aéro- mais aussi les employés, les clients, les fournisseurs, etc.
ports, d’écoles, d’universités, de centres de recherche, En retour, les changements dans les modes de produc-
etc. Ces projets d’envergure ont contribué au dévelop- tion, la place de la technologie, le rapport avec le marché
pement du système capitaliste industriel. financier et enfin les modèles idéologiques dominants
Jusqu’au début des années 1sdl, le capitalisme dans le système managérial de la société exercent une
d’après-guerre continue sa croissance. Le système influence sur la manière de gouverner les organisations.
managérial associé à ce système
économique, avant et après la
guerre, puise essentiellement
La gouvernance de l’entreprise est le a management
dans l’école formelle d’admi-
nistration (voir le chapitre 1). Le du management b. Elle reflète la nature des relations
système fordiste est largement
dominant. L’organisation scien-
entre la direction de l’entreprise et ses parties prenantes
tifique du travail (OST) consti- (dont les actionnaires).
tue le modèle par excellence de
l’organisation du travail et de la
production. Il faut ajouter à cela Au début du capitalisme industriel, les dirigeants
que ce système anglo-américain devient le modèle des entreprises en étaient également les propriétaires.
dominant un peu partout au fur et à mesure que les Le capitaine d’industrie, comme on appelait l’indus-
différents pays s’engagent sur la voie de l’industriali- triel à l’époque, était à la fois le propriétaire, le gestion-
sation. Une des raisons qui explique ce phénomène, naire et l’actionnaire de l’entreprise. Autrement dit,
c’est bien skr le succès économique des États-Unis. l’entrepreneur-actionnaire majoritaire détenait tous
On attribue généralement ce succès à la manière dont les pouvoirs dans son organisation. Ce modèle com-
les entreprises américaines sont gérées. t’o le para- mence à changer au cours des années 1sxl-1s5l. foici
logisme qui a transcendé les montages théoriques de comment, en 1s5d, eerle décrit la situation :
l’époque, voulant que pour atteindre la même perfor-
Statutairement l’entreprise appartient toujours à
mance que celle des firmes américaines, il fallait adop-
l’actionnaire, mais ce n’est plus lui qui effectivement
ter des façons identiques de gouverner, de faire et faire la dirige, et même, à vérité, la possède. Il demeure
faire, organiser, décider, diriger. sans doute une préoccupation de la gestion, mais de
La productivité, qui permet de faire face à la plus en plus secondaire : on lui concède un dividende,
demande croissante nationale et mondiale au moindre un peu à la façon d’une aumône, mais la direction
cokt, est devenue le mot d’ordre de cette période du effective se concentre entre quelques mains et, à vrai
capitalisme. eien skr, on cherche à peaufiner le système dire, l’entreprise s’appartient de plus en plus à elle-
fordiste, à l’adapter à l’évolution de l’industrie et de la même. (eerle, 1s5d, p. fIII)
société, mais, de fait, malgré les ajustements de surface Ce changement s’explique en partie par les progrès
et de forme, on reste profondément fidèle à ce système. techniques, l’augmentation de la complexité de la ges-
tion des industries modernes, le rôle grandissant de la
De la gouvernance dans planification et de l’élaboration de la stratégie, la pré-
sence accrue des entreprises sur les marchés extérieurs
le système capitaliste industriel qui nécessitent des expertises poussées et multiples que
tepuis le début du gge siècle, la logique de la gouver- les entrepreneurs ne peuvent pas tous posséder. Pour le
nance des entreprises a considérablement changé. La lo- grand économiste américain Galbraith, la complexifi-
gique de gouvernance a renvoie à toutes les influences cation grandissante de la gestion exige que celle-ci soit
touchant les processus de sélection des administrateurs pratiquée par des groupes composés a d’individus déten-
et des dirigeants dans le cadre de l’organisation de la teurs de savoir hautement spécialisés, de sorte que ce ne
production des biens et des services, de même qu’à sont pas les dirigeants qui décident : le pouvoir effectif
toutes les influences externes touchant les opérations de décision se situe en profondeur, parmi les techni-
ou les administrateurs b (Turnbull, 2lll, p. 1112). ciens, les équipes de planification et autres personnels

Les s st mes manaBériauI • 10l

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spécialisés b (Galbraith, 1ss2, p. d). Il est très impor-


nord-américains, a accentué la crise. Ce phénomène
tant de comprendre que, dans cette logique de la gou- force les théoriciens à se poser des questions sur les
vernance, les gestionnaires assurent aux actionnaires méthodes de gestion des entreprises de ces nouveaux
un niveau acceptable et continu de profit au moyen concurrents. On compare alors les pratiques occiden-
des dividendes. Cependant, leur but premier n’est pas tales avec les méthodes japonaises pour redécouvrir
la maximisation des capitaux des actionnaires, mais la certains enseignements transmis par des penseurs
croissance de l’entreprise et sa pérennité économique, d’avant-garde, dès les années 1s3l, sur les méthodes
même si parallèlement une entreprise performante aug- de contrôle de la qualité. Un auteur américain, teming
(1sr2b), a essayé d’intéresser des entreprises améri-
mente bien skr la valeur de l’action de ses propriétaires.
Ainsi, les gestionnaires ne sont pas directement dépen- caines à ses idées dès 1sxc. Ignorées aux États-Unis,
dants des marchés financiers, sur lesquels la valeur descelles-ci furent reprises par des industriels japonais qui
actions de l’entreprise se négocie. Cette indépendance les ont mises à profit. Trois auteurs japonais marquent
leur procure une certaine autonomie leur permettant l’après-guerre : Ueno, Shingo (1sr3) et Ohno (1srs).
d’envisager des plans à long terme pour l’entreprise. En particulier, Shingo a travaillé activement, à partir de
1scl, sur les méthodes
de contrôle et sur les
défauts de production.
cans les années 1940-1950, l’actionnaire-propriétaire n’est Ces travaux ont mené
plus forcément le dirigeant de l’entreprise. La direction devient aux concepts de a zéro
défaut h zéro contrôle b et
l’affaire de gestionnaires-spécialistes dont le but est d’assurer de a gestion de la qualité
totale b, qui commencent
la pérennité économique de l’entreprise.
à se répandre parmi les
entreprises occidentales
dans la seconde moitié
L’émergence de des années 1srl. Fondamentalement, ces approches
la nouvelle économie managériales prônent la confiance envers les personnes
qui exécutent le travail à la base et qui sont capables de
Les années 1sdl ont vu najtre une crise importante participer au processus d’amélioration de l’entreprise
du système capitaliste américain dont les causes sont sous tous ses aspects.
multiples. Tout d’abord, le premier véritable choc pétro-
Parallèlement à ce phénomène, on assiste à une in-
lier vient porter un dur coup à l’économie mondiale,
tégration grandissante des technologies de l’informa-
notamment américaine. L’augmentation fulgurante du
tion et de la communication (TIC). Ce phénomène a une
prix du pétrole met fin à l’ère de l’énergie à bon marché.
double conséquence. Premièrement, les technologies
Certains auteurs attribuent le formidable essor éco-
nomique américain avant les années 1sdl au bas prix de l’information entrent massivement dans le proces-
de l’énergie, plus particulièrement à celui du pétrole. sus de production, ce qui crée des bouleversements
En effet, durant les années d’après-guerre (dites a les importants : la chajne de production devient ainsi plus
Trente Glorieuses b), le capitalisme américain a pu faire flexible et peut répondre de plus en plus rapidement
face à une production de masse pour satisfaire une aux exigences des clients de façon quasi personnali-
demande d’une très grande ampleur à un cokt relative- sée. Cela génère un nombre grandissant d’emplois se
ment bas lié au faible prix de l’énergie. Le choc pétrolier penchant désormais sur la conception et le design de
vient brusquement mettre fin à cette situation. la chajne de production et de nouveaux produits plutôt
que de s’occuper directement de la production. On voit
Un deuxième élément susceptible d’expliquer cette
ainsi apparajtre de plus en plus de travail immatériel
crise réside dans les limites de la production de masse
axé sur l’intangible. Le travail de publicité sur l’image
fordiste. Avec l’augmentation du niveau de vie des
citoyens dans les pays industrialisés, les clients exigent de marque d’une entreprise, le travail de design archi-
de plus en plus des produits de qualité, variés et corres- tectural d’un bwtiment, la conception technique d’un
pondant davantage à leur situation. L’arrivée en force avion, etc. sont des exemples de travail immatériel.
sur le marché des produits provenant des pays asia- teuxièmement, l’essor des technologies de l’infor-
tiques, avant tout du Japon, de l’Allemagne ainsi que des mation permet d’accumuler une grande quantité
pays scandinaves, qui proposent une meilleure qualité d’informations pertinentes sur les clients afin de leur
et répondent plus précisément à la demande des clients proposer des produits sur mesure.

110 • Chapitre

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Au début des années 1srl en Amérique du Nord, on pétrole. o…p Les Américains travaillent plus nombreux
constate donc une rupture avec le capitalisme fordiste dans les semi-conducteurs que dans la machinerie de
et la crise qu’il a engendrée. Une nouvelle économie construction, plus nombreux dans l’informatique que
voit le jour, laquelle est basée sur la connaissance, sou- dans le raffinage du pétrole. (eeck, 1ssx, p. sx-s5)
tenue formidablement par les technologies
de l’information et financée par les marchés
financiers mondiaux. Les entreprises phares Les TIC et les marchés financiers contribuent
de ce secteur augmentent considérablement
leurs investissements en recherche et déve- à l’émergence de la a nouvelle économie b dans
loppement, en formation des employés, en
les années 1980, qui repose sur un capitalisme
acquisition de technologies et de logiciels.
turant les années 1ssl, les secteurs tra- à la fois financier et cognitif.
ditionnels perdent des emplois alors que les
secteurs technologiques en gagnent mas-
sivement. Comme l’a fait l’imprimerie au début de la Nous sommes indéniablement entrés dans une nou-
nenaissance, l’utilisation généralisée du réseau Internet velle ère o le fonctionnement de l’économie a pro-
révolutionne le nouveau millénaire. L’explosion des TIC fondément changé. Ce capitalisme, dont le moteur est
bouleverse tous les aspects de la vie : l’administration l’innovation (voir le chapitre 10), devient très rapide-
publique (e-government), l’éducation (e-education), les ment un animal à deux têtes. En fait, le capitalisme
activités bancaires (e-banking), les affaires (e-business, de la nouvelle économie est un capitalisme cogni-
e-commerce, e-marketing, e-procurement, etc.), le courrier tif et financier (voir la figure 5.4). Le capitalisme co­
gnitif se fonde essentiellement sur la mobilisation
(e-mail), etc. Les entreprises émergentes (startups) de la
des connaissances dans les processus de production
haute technologie improvisent de nouveaux modèles
tangibles et intangibles, sur l’apprentissage et la
d’affaires financés par les marchés boursiers. téjà en
formation, sur la mobilisation massive des techno­
1ss2, aux États-Unis :
logies. L’autre particularité du capitalisme de la nou-
L’industrie aérospatiale compte plus d’employés que velle économie, c’est qu’il est profondément financier.
celles réunies de l’automobile et des pièces. o…p l’in- a Le développement de la finance est endogène au
dustrie de l’ordinateur (matériel, semi-conducteurs, fonctionnement du capitalisme contemporain. Plus
services informatiques) compte plus d’employés que précisément la finance moderne est étroitement liée
celles toutes confondues de l’automobile, des pièces, aux besoins spécifiques de l’économie de la connais-
de la sidérurgie, de l’extraction et du raffinage du sance. b (El Mouhoub et Plihon, 2lls, p. 52)

FIGURE 5.4 Le capitalisme cognitif et financier

Nouvelle économie
Type d’économie gconomie industrielle
Économie financiarisée Économie du savoir

Type de capitalisme Capitalisme industriel Capitalisme financier Capitalisme cognitif

Capitaliser par des


Mécanisme Capitaliser par des investissements
investissements matériels
d’accumulation matériels et immatériels spéculatifs
à moyen et long termes

Portefeuille de
Types d’actifs Patrimoine de moyens et Portefeuille de
connaissances
échangeables d’outils de production produits financiers
intéressées

Les s st mes manaBériauI • 111

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koilà deux mois que Steevy s’évertue à trouver du financement pour démarrer sa

VÉCUES
HISTOIRES
future entreprise en haute technologie. Partout, on lui offre du capital, mais à la condition qu’il
investisse lui-même un certain montant à titre de mise de fonds. l a fait le tour de sa famille.
l a bien réussi à amasser quelques milliers de dollars, mais c’est loin d’être suffisant. Ce
n’est pas son boulot à la pharmacie qui va lui permettre d’économiser la somme nécessaire.
Aujourd’hui, il a décidé d’aller voir son banquier, un jeune homme qui doit avoir à peine
deux ans de plus que lui. Celui-ci le redoit dans son bureau oh Steevy lui a déjà exposé
son projet en long et en large.
q ja va vous prendre une mise de fonds, affirme le banquier.
q ae sais, répond Steevy, c’est pour da que je suis ici. aet
q Avei-vous des garanties l l’interrompt le jeune homme.
q veu, qu’est-ce que vous appelei e garanties f l demande Steevy.
q Des biens, comme une maison qu’on pourrait hypothéquer, des placementst
q Ben non, si j’avais eu des placements, je n’aurais pas eu besoin de venir vous voir.
be banquier se met à ranger ses crayons sur son bureau. Steevy voit son rêve s’envoler
comme un ballon qui se dégonfle.
q Mon seul bien précieux, c’est mon cerveau.
be banquier éclate de rire.
q C’est dommage, mais on n’a encore pas trouvé moyen de les hypothéquer.
ae suis désolé, Monsieur Cadotte, mais sans garanties, je ne peux malheureusement
pas vous accorder de prêts.
be banquier se lève, indiquant que l’entretien est terminé.
q Revenei nous voir quand votre entreprise sera sur pied. Nous pourrons alors
certainement vous aider.

La déréglementation mises en garde venant de ces différents milieux n’ont


pas été prises au sérieux. Comme avant la crise de
des marchés financiers 1s2s, les acteurs économiques ont repris confiance
Ainsi, on constate un regain de croissance de l’éco- dans le modèle américain. Le géant se tenait de nou-
nomie américaine durant les années 1ssl. Le secteur veau debout. Un colosse aux pieds d’argile. teux crises
financier devient extrêmement actif, efficace et puissant se succèdent alors : celle de 2ll1 en raison de l’éclate-
à la fois. Le modèle américain est de nouveau séduisant ment de la bulle spéculative dans la haute technologie
pour le reste du monde. tevant une certaine stagnation et celle de 2llr consécutive à l’effondrement des titres
du modèle japonais, il apparajt moderne en raison des des prêteurs qui avaient misé sur les prêts hypothé-
performances du secteur des technologies de l’informa- caires à haut risque. Ces deux crises successives ont mis
tion, mais également en raison des résultats affichés par l’économie américaine en situation de quasi-faillite en
le secteur financier. Tout comme le président Cleveland entrajnant dans son sillage une partie importante de
à la fin du gIge siècle, les présidents nonald neagan, au l’économie mondiale. Les États, y compris le gouver-
début des années 1srl, et eill Clinton, au milieu des nement des États-Unis, ont dk intervenir massivement
années 1ssl, ont procédé à la libéralisation des marchés pour soutenir d’abord leurs banques, mais ensuite tous
financiers en éliminant un nombre important de régle- les secteurs de leur économie. Cela a eu comme consé-
mentations mises en place à la suite de la crise de 1s2s. quence un endettement colossal des États concernés.
Nombreux sont les politiciens, économistes et cher-
cheurs qui ont tiré la sonnette d’alarme à l’égard de La logique de
cet emballement de l’économie américaine et de sa fra-
gouvernance financière
gilisation latente à la suite de cette déréglementation
excessive des marchés financiers. Mais les indicateurs Comment le capitalisme financier influe-t-il sur la
financiers étaient tellement élevés, et les entreprises gouvernance et sur le management des organisations ?
affichaient un tel niveau de profits que les multiples Comme nous l’avons dit précédemment, le capitalisme

112 • Chapitre

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a besoin du secteur financier pour se développer. tans agents qui visent à maximiser les gains dans le délai le
le passé, ce secteur servait surtout à fournir des capitaux plus court possible. Plus de bi h des capitaux dispo-
pour appuyer des activités économiques, l’expansion nibles sur les marchés mondiaux sont consacrés aux
des entreprises, financer le commerce international activités spéculatives plutôt qu’aux activités de pro-
et la balance des paiements. La finance, par le truche- duction de biens et de services. En d’autres termes,
ment des échanges de titres entre les acteurs écono- le centre de gravité du capitalisme actuel se trouve au
miques, permettait de financer les activités. tepuis les cœur des marchés financiers. L’accumulation de capi-
années 1srl, cette discipline a connu une évolution tal se trouve désormais assurée par la rentabilité des
extraordinaire. Elle n’est plus un instrument au ser- placements financiers, qui est devenue plus élevée que
vice des activités économiques dans la production des celle des investissements industriels.
biens et des services, mais elle a une logique propre,
n’ayant plus qu’un rapport indirect avec l’économie Le rapport entre le capitalisme financier
réelle (voir l’encadré 5.1). uuand nous achetons un titre et le capitalisme cognitif
financier, par exemple l’action d’une entreprise, nous Pourquoi la finance et l’économie de la connaissance
avons entre nos mains un produit financier qui a sa ont-elles besoin l’une de l’autre ? Pour répondre à cette
propre vie et qui a un rapport secondaire avec l’entre- question, nous devons distinguer deux catégories de
prise. Autrement dit, nous pouvons acheter le titre de connaissance. Une première catégorie consiste en
propriété d’une entreprise sans la connajtre ni même la connaissance désintéressée. Les personnes sont
savoir dans quel domaine d’activité elle se trouve. Ce porteuses de ce type de connaissance pour leur propre
qui nous intéresse, c’est d’acheter ce titre au prix le plus satisfaction. Elles veulent apprendre pour en savoir
bas et de le vendre au prix le plus élevé, le plus rapi- davantage sur un sujet, servir la science et comprendre
dement possible. Cela s’appelle la spéculation. foilà les phénomènes qui les entourent. On ne peut s’appro-
ce qui caractérise aujourd’hui l’essentiel des activités prier ce savoir, et il n’a pas de contrepartie. Il est mis à
financières internationales. Le capitalisme financier la disposition des autres par les articles publiés dans
désigne l’ensemble des activités spéculatives entre les revues spécialisées, les conférences, les blogues,
etc. Un bon exemple de ce phénomène est le dévelop-
pement des logiciels libres. Chaque personne à l’inté-
rieur d’une communauté virtuelle contribue au
Le capitalisme financier désigne un développement et à l’amélioration de ces logiciels,
système économique fondé sur des sans s’attendre à être rémunérée ou à posséder le pro-
duit qui évolue constamment par la force du groupe.
activités de spéculation financière. La seconde catégorie est la connaissance intéressée
qu’on peut s’approprier et monnayer. tans l’économie

ENCADRÉ 5.1 À PROPOS DE SPÉCULATION

Frederick Smith, le président fondateur de FedEx, une à environ un tiers ! Entre ces deux dates, la finance
entreprise de transport comptant près de 300 000 em n’a rien inventé qui justifie l’appropriation d’une
ployés dans le monde, a émis, en 200p, dans le sillage telle part des profits de l’ensemble de l’économie
de la crise financière, des réserves sur la contribu t . Tout ce que les financiers ont inventé, c’est un
tion de la finance à la croissance et sur la part des ri système dans lequel ils découpaient en tranches des
chesses qu’elle accapare : actifs et les diffusaient dans l’ensemble de l’écono
mie à la vitesse des marchés électroniques. ls pré
C’était largement un rideau de fumée t . En 1pu3,
tendaient que cela créait de la valeur et permettait
le secteur financier représentait 15 des profits de
de diversifier les risques. En fait, c’était le contraire :
l’économie américaine. En 200u, le dernier exer
cela n’ajoutait pas de vraie valeur et ne faisait que
cice avant la crise, sa part dans les profits a grimpé
concentrer les risques. (Barré et Barroux, 200p, p. 15)

Les s st mes manaBériauI • 11t

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capitaliste, une connaissance commence à exister dès généreront un jour un médicament. tans le domaine de
qu’il est possible de la capter et de l’intégrer dans un pro- la haute technologie, c’est-à-dire les secteurs d’activité o
cessus de création de valeur, bref, dès qu’on peut se l’ap- un niveau de connaissance très élevé est exigé, le risque
proprier et en tirer des profits (voir le tableau 5.1). s’avère aussi très élevé. tans la mesure o il est difficile
Comment faire pour reconnajtre le savoir qui a le poten- pour le marché d’établir une valeur pécuniaire pour l’ac-
tiel d’être approprié et monnayé ? Autrement dit, com- tivité de la création de connaissances, c’est la finance qui
ment déterminer s’il vaut la peine d’investir de forts entre en scène pour assumer ce rôle.Le droit de propriété
montants dans une connaissance précise en vue d’un intellectuelle et les brevets servent de garantie pour les
rendement de l’investissement important et rapide ? investisseurs qui espèrent récupérer leur investisse-
Actuellement, la finance s’accapare le rôle de répondre ment rapidement avec la plus-value la plus élevée.
aux questions précédentes. C’est pour cette raison que,
depuis deux ou trois décennies, le phénomène du droit
de propriété intellectuelle a pris une telle importance :
Le droit de propriété intellectuelle
Finance et droits de propriétés intellectuelles consti-
tuent bel et bien les deux mamelles institutionnelles et les brevets sont les moyens de
de l’économie de la connaissance. Ainsi, les actifs
marchandisation de la connaissance
immatériels représentent de d5 à sl de la capi-
talisation boursière des grandes entreprises cotées, et les leviers de la nouvelle économie.
voire plus de sl dans le cas d’entreprises telles que
Microsoft et Amazon. On a donc bien une relation
triangulaire entre connaissance, marché et finance. La marchandisation consiste alors à transfor-
(El Mouhoub et Plihon, 2lls, p. 5s) mer une partie des savoirs acquis par l’intelligence
Toutefois, il ne faut pas oublier que le chemin entre une humaine en compétences ou qualifications réperto-
idée (une connaissance) et un produit peut être parfois riées et rémunérées o…p. L’économie de la connais-
très long et très risqué. Par exemple, dans le domaine sance, par l’intermédiaire de la finance de marché, est
pharmaceutique, entre le moment o un chercheur ce qui permet de rendre rentable et appropriable le
découvre une molécule active pouvant éventuellement processus de mise en œuvre du savoir dans des rap-
combattre une maladie et celui o le médicament conçu ports sociaux. (El Mouhoub et Plihon, 2lls, p. 5s)
sur la base de cette molécule arrive sur le marché, il
peut s’écouler plus d’une dizaine d’années et s’investir
Le culte de la propriété privée
plusieurs centaines de millions de dollars ; et cela, sans
compter les investissements consacrés aux milliers de Nous avons vu qu’à partir du milieu du gge siècle, la
molécules qui ne deviendront jamais un médicament. gouvernance des entreprises est passée de la main des
Car seule une infime partie des molécules découvertes propriétaires à celles des gestionnaires, pour revenir

TABLEAU 5.1

Les deux sphères de la connaissance et de l’information


Sphère 1 Sphère 2
Activité désintéressée Activité intéressée
Information mnformation gratuite ou accessible mnformation correspondant à des savoirs codifiés
(par mnternet à coct quasi nul)

Connaissance • lonnaissances tacites et informelles • lonnaissances codifiées (brevet, licence,


pour des échanges interindividuels droit de propriété intellectuelle)
• ginancement permettant la réalisation • Marchandisation et financement aux sources
de l’innovation et la transformation de de la diffusion de l’économie de la connaissance
l’information en nouvelles connaissances

Compétence ou kccumulation de savoir désintéressé ou lompétence spécifique rémunérée dans le cadre


travail immatériel dans le cadre de relations non marchandes d’un rapport de production

ource : Dardot, Laval et El Mouhoub, 200e.

114 • Chapitre

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en force à la fin du gge siècle vers les actionnaires. Comme nous l’avons mentionné précédemment,
Nous avons montré que cette nouvelle orientation de cette nouvelle catégorie de propriétaires a un rapport
gouvernance des entreprises qui place l’actionnaire au très différent avec l’entreprise par rapport à celui du
centre de toutes ses préoccupations est relativement début de l’industrialisation. Aujourd’hui, on peut être
récente. Mais la question qui mérite d’être posée ici propriétaire d’un titre d’entreprise (une action) sans
est la suivante : sur quelle base a-t-on pu justifier ce connajtre l’organisation, ni son domaine d’activité, ni
revirement du a tout pour l’actionnaire b au sein de nos son lieu de production. Peut-on prétendre que possé-
entreprises et de nos sociétés ? der un titre de propriété d’une entreprise est la même
chose que d’être propriétaire de celle-ci ? La question
Si la société américaine est un terreau fertile pour
est à la fois simple et vaste, mais fondamentale, et
cette idéologie, la raison principale réside dans l’impor-
les économistes, les juristes et même les philosophes
tance qu’elle accorde à la notion de propriété privée.
tentent d’y apporter des éléments de réponse. Elle a
tepuis sa fondation, cette notion joue un rôle majeur
de l’importance, car elle implique la notion de respon-
dans la philosophie économique des États-Unis. Elle a
sabilité. Autrement dit, peut-on être propriétaire de
été élevée au rang du sacré et elle a même été enchwssée
quelque chose sans assumer les responsabilités que ce
dans sa constitution. C’est précisément en exploitant ce
bien nous impose ?
principe que les défenseurs de la gouvernance finan-
cière ont justifié la priorité accordée aux propriétaires
des entreprises, les actionnaires. tans cette logique,
ce sont ces derniers, en mettant leur capital dans l’en- La propriété privée est au cœur de
treprise, qui assument tous les risques. Or, ce risque
l’idéologie économique qui influence
mérite une rémunération largement supérieure à celle
des autres acteurs, qui, finalement, ont moins à perdre notre système managérial.
en cas d’échec. C’est cet argument, simple et fort sédui-
sant, d’o sa force de persuasion, qui a servi de levier
principal pour faire accepter la théorie des actionnaires Selon la théorie des actionnaires (Friedman, 1sdl), le
selon laquelle ceux-ci cherchent d’abord à maximiser détenteur de l’action, le propriétaire partiel de l’entre-
leurs intérêts (versement de dividendes, revalorisation prise, se trouve souvent dans un rapport passif avec sa
de leurs titres), et les entreprises doivent servir ces inté- propriété. Il est surtout concentré sur le cours de l’action
rêts prioritaires (Friedman, 1sdl). La figure 5.5 illustre qu’il possède et sur l’évolution de sa valeur à une période
les différences fondamentales entre ces deux théories. donnée. Il cherche à éviter toute contrainte, dépense ou
responsabilité sans rapport direct avec la maximisation
de la valeur de son actif. Sa relation à l’entreprise est
FIGURE 5.5 La théorie des actionnaires versus indirecte, détachée, fictive, dépersonnalisée. Ainsi, le
celle des parties prenantes sort des employés, la pérennité à long terme de l’entre-
prise et le rapport de ses activités avec la société lui
échappent. C’est comme si ces éléments ne faisaient
Théorie des Théorie des
plus partie des responsabilités du propriétaire de l’en-
actionnaires parties prenantes
(friedman, 1970) (freeman, 1984) treprise. Peut-on même considérer ces actionnaires
(sh reho ers) (st eho ers) comme des propriétaires véritables de l’entreprise ? Une
personne qui possède un titre de propriété de quelque
chose en détient normalement les droits d’usage (usus),
Entreprise Entreprise de profit (fructus) et de cession (abusus). tès lors, il est
dans son intérêt, pour tirer avantage de ses droits, de
préserver et de développer son patrimoine (sa pro-
Engagement de priété). En tant que propriétaire, s’il devait transférer ses
kénération de profits
parties prenantes droits à un autre propriétaire, c’est-à-dire vendre son
bien, il est dans son intérêt d’en accrojtre la valeur
durable (qualité des bwtiments, performance des outils
Satisfaction des de production, capital immatériel de compétences et
kénération de profits
actionnaires
qualifications des personnes, etc.) et pas seulement la
valeur financière (par des effets artificiels de rareté).

Les s st mes manaBériauI • 11k

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Philippe André repère la table que l’hôtesse lui désigne. Ce soir, c’est le souper
VÉCUES
HISTOIRES
de gala à la chambre de commerce g en tant que patron d’une compagnie aérienne bien
en vue, il doit y assister. l gagne sa place et salue les autres personnes à la ronde.
Chacun se présente rapidement, car il arrive au milieu d’une discussion fort animée.
aean-Charles, directeur de succursale d’une grande banque, prend à partie kincent,
qui est directeur de projet au sein d’une grande compagnie de matériel informatique.
q OÇ, je te donne un exemple : je suis propriétaire d’une maison. a’ai investi dans cette
propriété pour profiter de tout ce qu’elle peut m’offrir. ae protège mon investissement,
je la décore selon mes goûts. Mais en même temps, malgré le fait que je sois le seul
et unique propriétaire de cette maison, je ne peux pas en faire tout ce que je veux. a’ai la
responsabilité de l’assurer, de respecter les lois municipales, de ne pas déranger les voisins,
enfin, pas trop, ajoute-t-il avec un sourire. Autrement dit, à un certain statut de propriétaire
incombe une certaine responsabilité qui, parfois, limite les jouissances associées à cette
propriété. Donc, l’idée de dissocier la responsabilité de la propriété ne peut exister, si
nous cherchons l’harmonie de l’ensemble. C’est la même chose pour les actionnairest
ls devraient agir en bons propriétaires !
q C’est un faux argument, réplique kincent. Quelle est la responsabilité réelle d’un
actionnaire minoritaire l l n’est responsable que de son portefeuille !
Philippe André décide de s’inviter dans la conversation.
q En tant que membre du conseil d’administration et patron de ma compagnie,
il m’arrive quelquefois de me demander laquelle de ces deux parties a le plus de
responsabilités. Mais je n’ai qu’à me remémorer le jour oh j’ai dû faire des mises à pied
massives à la fin des années 2000, et la réponse me vient alors aisément. tre responsable
de vies qui s’effondrent, c’est plus qu’une responsabilité, c’est un fardeau.
q Faire ou faire faire des mises à pied l bes plus touchés, c’est quand même nous,
les managers, qui devons l’annoncer en face à face à nos employés ! s’écrit kincent.
q C’est à se demander si ce sont les actionnaires qui auraient dû virer le patron,
ou le patron virer les actionnaires qui entérinaient une telle décision, souligne le banquier
à la blague.

i l’inverse de la théorie des actionnaires, la théo- à échapper à la réglementation afin de profiter de leur
rie des parties prenantes (Freeman, 1srx) considère propriété sans assumer de responsabilité particulière.
qu’une entreprise (en bonne propriétaire) crée de la Ainsi, le système économique nord-américain qui en-
valeur à partir du moment o elle participe à assurer cadre le système managérial contemporain, c’est-à-dire
la gestion des intérêts et des besoins d’un ensemble de le capitalisme financier et cognitif, est marqué par
parties prenantes. Mais, dans une économie financia- la recherche d’un portefeuille spéculatif à maximiser
risée, o les actionnaires sont revenus en force parmi les plutôt que d’un patrimoine industriel à pérenniser. uui
acteurs importants du système économique, il faut que plus est, le capital se rémunérant plusieurs fois (plutôt
leurs intérêts soient assurés à l’égard de certains choix qu’une pour le travail salarié), les inégalités entre profi-
managériaux. te fait, la théorie de l’agence (Jensen teurs du capital financier et bénéficiaires de salaires se
et Meckling, 1sdc) préconise même une indexation creusent également. Il s’opère ainsi une concentration
de la rémunération des managers (mandatés par les de plus en plus forte des gains en capital et de la richesse
actionnaires pour gérer leur entreprise) sur le capital entre les mains de quelques-uns à l’échelle planétaire.
de l’entreprise, de sorte que cela renforce un peu plus la a En 2l15, c2 personnes possédaient à elles seules les
logique de gouvernance axée sur la seule maximisation mêmes richesses que 3,c milliards de personnes (soit
des profits et dividendes des actionnaires. Plus encore, la moitié la plus pauvre de l’humanité), contre 3rr per-
les détenteurs d’actifs et d’actions cherchent en général sonnes en 2l1l. b (Oxfam, 2l1c, p. 2)

11c • Chapitre

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Cette forme financiarisée de capitalisme est domi- le nôtre. Mais cette forme de capitalisme ne peut être
nante dans le système économique nord-américain et généralisée. En effet, les choses peuvent se faire autre-
imprime la philosophie du système managérial qui est ment, ailleurs. Il est intéressant de le découvrir.

5.4 Les systèmes managériaux comparés


Les Trente Glorieuses ont grandement contribué à capitaliste, deux approches majeures ont vu le jour au
consacrer le modèle américain, et son système mana- début des années 1srl. La première, dominante aujour-
gérial, comme le modèle par excellence, le modèle d’hui et influencée par l’anthropologie, s’est concentrée
à suivre. La performance économique américaine, sur une explication culturelle (l’approche culturaliste).
engendrée par une croissance soutenue et forte, mais La deuxième, se situant plus dans une mouvance de
aussi une glorification idéologique ont servi de base l’économie politique, s’est intéressée aux institutions qui
pour la promotion et l’enseignement de ce modèle régissent le fonctionnement d’un système économique et
dans le monde. Les écoles de gestion à l’américaine managérial. Dans les deux cas, l’idée d’un management
ont fait leur apparition, et les programmes tels que les universel est largement remise en cause.
MeA se sont donné le mandat de
former les gestionnaires avec un
contenu très américain.
La crise économique majeure des Les systèmes managériaux ne sont pas uniformes dans
années 1sdl qui a plombé l’écono-
mie américaine, d’une part, mais
le monde. On peut les comparer au moyen de deux
aussi l’accélération de la mondialisa- types d’approches : culturaliste ou institutionnelle.
tion économique et l’augmentation
des échanges et des interactions
entre différents systèmes écono-
miques, d’autre part, ont eu comme conséquence une Les approches culturalistes
certaine prise de conscience de la diversité des modèles Selon Livian (2llx), la dimension humaine associée à
capitalistes. Cette polarisation nette du monde, avec chaque culture conduit à des pratiques différentes. Les
d’un côté le capitalisme comme un système uniforme approches culturalistes sont très influencées par les
et de l’autre le socia lisme, venait de s’effriter. L’opposi- études en anthropologie générale ou en anthropologie
tion capitalisme socialisme perdurait, mais on décou- économique. Selon ces approches, saisir ce a en quoi les
vrait alors plusieurs visages au capitalisme. tésormais, mêmes pratiques peuvent être comprises et mises en
on ne parlait plus du capitalisme, mais des capita- œuvre de manière différente, voire revêtir des signi-
lismes. tès lors, la question de la comparaison s’im- fications différentes selon les pays ou les régions est
pose en force, notamment pour comprendre, mesurer d’une grande utilité intellectuelle et pratique b (p. 12).
et comparer les performances économiques associées à Pour opérationnaliser les comparaisons culturelles,
chaque système national. On cherche alors à déterminer différents chercheurs proposent certains outils et
ce qui est à l’origine de l’efficacité ou de l’inefficacité de
concepts. L’une de ces approches, et probablement la
chaque système. En management, la comparaison a sert
plus connue, est celle de Geert mofstede, qui a définit
trois finalités :
la culture comme une programmation mentale, qui
1. saisir les spécificités réelles des pratiques de mana- façonne les comportements b (cité dans Livian, 2llx,
gement dans chaque situation observée ; p. 1l). mofstede (1ss1) a caractérisé cinq dimensions
2. repérer les ressorts fondamentaux de processus de qui déterminent le système managérial et qui dis-
direction et de gestion dans les pays ou zones géo- tinguent un pays d’un autre. Chaque dimension est
graphiques concernés ; conçue comme un continuum, et chaque pays utilisant
3. faciliter une mise en perspective, voire une remise en ses propres approches managériales peut se trouver
cause, des convictions du lecteur par une confrontation quelque part sur ce continuum :
raisonnée avec d’autres réalités b (Livian, 2llx, p. c). 1. individualisme versus collectivisme ;
Pour décrire, analyser, expliquer et comprendre diffé- 2. organisation très hiérarchisée versus organisa-
rents systèmes managériaux associés à chaque système tion aplatie ;

Les s st mes manaBériauI • 117

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3. organisation cherchant la stabilité et la permanence Les approches institutionnelles


versus organisation audacieuse cherchant cons
tamment à se mettre en cause ; Fondamentalement, il existe deux orientations diffé
x. valeurs dominantes associées à la masculinité ver- rentes en ce qui concerne la philosophie de la création
sus valeurs dominantes associées à la féminité ; de richesse et le rôle des institutions dans un système
capitaliste. tans la mesure o ce dernier est basé sur
5. organisation orientée vers le court terme versus or
la fructification et l’accumulation du capital privé, une
ganisation orientée vers le long terme.
question fondamentale a toujours préoccupé les pen
i partir de ces cinq dimensions, on peut situer et
seurs : comment peut on établir l’harmonie et l’équi
comparer les pratiques managériales les unes avec
libre dans une société o les individus cherchent à
les autres (mofstede, 1ss1). Cette approche n’est pas
accumuler ou à augmenter leur capital ? Autrement
la seule, il y en a bien d’autres, comme celle propo
dit, comment maintenir une cohésion malgré les
sée par l’anthropologue français Philippe d’Iribarne
intérêts individuels différents
(1srs) qui oppose la logique de l’honneur à la fran
çaise (chacun a sa place et sait ce qu’il a à faire) à la Pour faire face à cette question, il existe deux cou
logique américaine du contrat (chacun s’engage selon rants au sein de la discipline de l’économie politique :
un contrat approuvé par les deux parties). la réponse de mobbes et celle de Smith.

Toutes ces approches culturalistes considèrent la • La réponse de Thomas mobbes est que a face à la vio
dimension culturelle comme base d’explication entre lence de tous contre tous et la conséquence directe de
différents comportements managériaux. Si la com la compétition entre individus, seule la délégation de
paraison sur la base culturelle parajt séduisante, elle l’autorité à un souverain permet de pacifier une telle
est néanmoins assez contestée par les chercheurs et société b (eoyer, 2l15, p. 1r). tans cette approche, la
les praticiens (easkerville Morley, 2ll5). La référence présence d’un tat fort garantit les conditions néces
systématique à la différence culturelle peut facilement saires pour le fonctionnement des individus, mais
tomber dans la caricature. aussi des entreprises. Les systèmes économiques et
managériaux qui sont les héritiers de cette approche
L’explication culturelle est souvent invoquée par
ne voient aucune contradiction entre la présence de
facilité. Ici, on fait différemment, c’est culturel, devient
l’État dans les institutions et l’autonomie des entre
une explication balai qui regroupe des éléments par
prises dans une quête de performance.
fois confus, de nature diverse, et qu’on ne veut pas se
donner la peine d’analyser. tire que quelque chose • Adam Smith, de son côté, prétend que les êtres
est culturel, c’est justifier aussi son maintien, c’est humains sont naturellement portés à échanger et
avouer qu’on ne veut pas changer ou c’est admettre à troquer et a dès lors que s’approfondit la division
que la réalité est immuable. (Livian, 2llx, p. 1x) du travail, et pour autant que soit garanti un ordre
monétaire, le marché a pour propriété de
permettre l’enrichissement d’une nation alors
même que chacun ne cesse de poursuivre son
Selon les approches culturalistes, la dimension propre intérêt b (eoyer, 2l15, p. 1r).
culturelle, d’échelle nationale, explique les Tantôt l’État, tantôt le marché opère la
régulation de systèmes économiques et
différences managériales entre entreprises.
managériaux. a Ainsi, dès l’origine, l’écono
mie politique met elle en concurrence deux
interprétations opposées : il revient soit à
Nous ne nions pas dans cet ouvrage l’importance de l’État, soit au marché d’assurer la coordination de la
la culture dans une organisation ni son influence sur concurrence que se livrent les individus. Ce débat
les comportements managériaux, mais pour éviter les prend toute son acuité lorsque, au capitalisme com
stéréotypes souvent utilisés comme a les Japonais sont mercial, succèdent le capitalisme industriel et plus tard
travaillants b, a les Latino Américains sont désorgani un capitalisme dit financier b (eoyer, 2l15, p. 1r).
sés b, etc., et procéder à une comparaison entre les élé
tans la vision institutionnelle, il ne s’agit pas de com
ments comparables d’un système à l’autre, l’approche
parer le fonctionnement d’une entreprise à celui d’une
institutionnelle est souhaitable.
autre, mais de mettre en contraste le cadre général dans
lequel l’entreprise évolue. Ce cadre général, qu’on peut

11s • Chapitre

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qualifier de cadre institutionnel, c’est-à-dire fait d’ins- société et l’approche managériale d’une organisation ?
titutions, influence grandement un certain nombre Nous savons, par exemple, qu’une entreprise a besoin de
d’éléments qui sont déterminants de l’approche et des capitaux pour assurer son développement. La façon dont
pratiques managériales d’une entreprise. a Plus spéci- l’entreprise se finance pour ses projets peut être un élé-
fiquement, ces théories s’intéressent au rôle de l’État, ment de comparaison intéressant d’un système à l’autre.
des établissements financiers,
des syndicats, du système édu-
catif, et cherchent à montrer en
quoi ces éléments de base de
Selon les approches institutionnelles, il faut comparer
chaque société structurent et les cadres sociopolitiques et économiques généraux
reproduisent des modes d’or-
ganisation économique parti- dans lesquels les entreprises évoluent pour comprendre
culiers influençant la gestion leurs différences managériales.
de l’entreprise. b (eoyer, 2l15,
p. 2l) C’est essentiellement la
théorie de la régulation en éco-
En Amérique du Nord, l’essentiel de ce financement,
nomie qui s’est intéressée à cette question.
notamment pour les grandes entreprises, s’effectue sur
Le tableau 5.2 propose un exemple de comparaison les marchés financiers. Alors que dans les pays scan-
de ces dimensions institutionnelles par yhitley et dinaves ou en Allemagne, cela se fait plutôt auprès des
ristensen (1ssc) entre deux pays : l’Allemagne et la banques. Selon qu’on se finance auprès d’une banque ou
Grande-eretagne. des marchés financiers, la philosophie et les pratiques
Comment ces dimensions institutionnelles (yhitley, managériales se révèlent bien différentes. tans le pre-
2ll5) influencent-elles le système managérial d’une mier cas, nous avons affaire à des partenaires de longue

TABLEAU 5.2

La comparaison des institutions entre la krande-Bretagne et l’Allemagne


Caractéristiques institutionnelles Grande-Bretagne Allemagne
L’État
Rôle d’organisations intermédiaires faible fort
tabilité de la structure économique faible fort
Degré d’intervention de l’btat
• Partage des risques faible faible
• Régulations (réglementations ) faible fort
Le système financier
Degré de pression de la rentabilité à court terme fort faible
gacilité de prise de contrôle forte faible
Le système éducatif
Prestige de la formation professionnelle faible fort
Disponibilité de main-d’puvre qualifiée faible forte
Disponibilité de managers techniquement compétents faible forte
Degré de collaboration sur la recherche université-entreprises faible fort
Les associations professionnelles
Degré de formalisation des relations inter-entreprises faible fort
Le système de relations professionnelles
Efficacité de la résolution des conflits faible forte

ource : Livian, 2004, p. 2d.

Les s st mes manaBériauI • 11l

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date qui voient leur avenir et leur intérêt liés au destin leurs compétences pour augmenter leur propre valeur
de l’entreprise. Nous sommes dans une relation de long sur le marché de l’emploi. Encore une fois, on constate
terme notamment en matière de retour sur investisse- qu’en ce qui concerne l’institution a système éducatif b,
ment, alors que le financement par le marché finan- diverses approches sont à l’œuvre, et cela engendre
cier expose l’organisation à des investisseurs souvent des pratiques managériales différentes.
anonymes intéressés par un retour sur investissement
Le a marché de l’emploi b peut également être consi-
rapide. Le management de l’entreprise est donc différent
déré comme institution. Est-il flexible ou très régle-
selon l’une ou l’autre des situations institutionnelles.
menté ? Peut-on facilement embaucher ou congédier
On peut également évoquer l’exemple du système des employés ? Est-il souhaitable ou non que le mana-
éducatif comme institution. tans certains pays, ger se donne pour rôle de faire circuler l’information et
l’éducation est gratuite et assumée par l’État, alors ses connaissances dans l’entreprise (voir la figure 5.6) ?
que dans d’autres, cette responsabilité revient aux La culture et le système de valeurs de chaque pays
citoyens. tans les pays asiatiques, mais aussi les pays déterminent des finalités variables aux institutions
nordiques, la formation des employés est largement de différents pays. eien que les institutions soient des
assumée par l’entreprise. Ainsi, des montants impor- construits sociaux, nous considérons que l’approche
tants sont consacrés à cette formation. L’entreprise institutionnelle nous permet plus facilement de décorti-
considère que pour profiter d’une expertise de qua- quer et de comprendre un système socioéconomique et
lité, c’est à elle de la former. Alors qu’en Amérique du d’en dégager le système managérial qui lui correspond.
Nord, l’entreprise intervient moins dans la formation Elle facilite également la comparaison entre les diffé-
des employés, et c’est plutôt à ces derniers d’améliorer rents systèmes. Ici, nous ne comparons pas les Français

FIGURE 5.6 Les pratiques managériales comparées en matière de gestion des connaissances

kl est important pour un manager d’avoir sous la main des réponses


précises à la plupart des questions que ses subordonnés pourraient
soulever à propos de leur travail.

rapon
Indonésie
Allemagne de l’Ouest

france

Italie
Belgique
q d’accord

krande-Bretagne

Suisse
canemarm
Pays-Bas
gtats-Unis

Suède

13 13 18 27 30 40 40 49 59 59 67 77

138 90 134 102 349 161 88 81 382 91 92 54


Nombre de répondants
ource : Laurent, 1f86, p. f4.

120 • Chapitre

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avec les Allemands, mais plutôt le système éducatif, le obtenir les mêmes résultats. a Les modèles écono-
marché de l’emploi et le système financier de l’un ou miques ne doivent pas être considérés simplement
l’autre des pays. comme une collection de formes institutionnelles plus
Toutefois, une précaution s’impose. Nous ne pou- ou moins aléatoires, mais surtout comme un ensemble
vons pas cibler une institution ou une autre comme de relations de complémentarité entre ces formes, qui
étant seule responsable de la performance d’un sys- sont à la base de la cohérence entre les institutions
tème managérial. On ne peut pas dire, par exemple, spécifiques à chaque modèle. b (Amable, 2ll5, p. 1x).
que le système éducatif danois est très performant Autrement dit, nous devons considérer la complémen-
et qu’il suffit de le reproduire aux États-Unis pour tarité des institutions dans notre analyse.

Geneviève regardait son hôte, la bouche ouverte, ébahie par ce qu’elle venait
VÉCUES
HISTOIRES

d’entendre. Elle discutait avec Greta, une infirmière franco-suédoise qui travaillait dans
un hôpital de Stockholm et qui se trouvait au Québec pour le congrès mondial des infirmières
et infirmiers francophones tenu à Montréal. Elle venait de lui décrire le système de santé
de son pays, et Geneviève n’en revenait tout simplement pas.
q a’ai bien compris l kos gestionnaires de santé sont élus par la population l
Tous les quatre ans l
q Oui, et de manière proportionnelle, ajoute Greta avec son fort accent suédois. Et comme
il s’agit de mandat à temps partiel, ce sont souvent des gens issus du milieu de la santé.
l est donc dans leur intérêt que le système soit bien géré et performant.
Geneviève prend une gorgée de vin que Greta lui a apporté d’Europe pour la remercier
de l’héberger le temps du congrès.
q ci, aux élections scolaires, on a de la difficulté à faire sortir les gens pour aller voter.
Quel est le taux de participation chei vous aux élections det comment as-tu appelé da l
demande-t-elle.
q Aux élections de comté. En général, le taux varie de ru à u0 . Mais la communauté
est aussi impliquée dans l’établissement des politiques de santé. l y a régulièrement des
consultations publiques organisées par les conseils de comté.
q noz ! ci, toutes les politiques sont décidées par le gouvernement central en place.
Qui change de ministre de la Santé quand l’eau devient trop chaude. bes réformes
successives ont vraiment affaibli le système de santé.
q Ma chère Geneviève, je peux repartir avec ton Ck, si tu le souhaites, dit Greta
avec un clin d’œil espiègle.
q C’est difficile à apprendre, le suédois l

5.5 La gouvernance et la finalité de l’entreprise réelle


Une fois comprise l’imbrication des systèmes socio- L’organisation du travail
politiques, économiques et managériaux dans leur
de gouvernance
ensemble, comment leur influence mutuelle se traduit-
elle dans l’entreprise ? Elle s’incarne dans sa gouver- nécemment, tujarier (2l15) a bien montré combien le
nance et dans son approche managériale. C’est ici qu’il travail de direction est de plus en plus divisé :
faut poursuivre la définition de la gouvernance jusqu’à • verticalement : entre les propriétaires actionnaires,
son niveau le plus opérationnel ainsi que la réflexion les membres du conseil d’administration, les diri-
sur les finalités de l’entreprise. geants, les managers de proximité et les cadres

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a organisateurs à distance b qu’elle appelle aujourd’hui principaux de l’entreprise. Nous reviendrons sur le
a les planneurs b ; travail des cadres fonctionnels dirigeants dans la suite
• horizontalement : entre les différentes directions des chapitres de cet ouvrage qui abordent le processus
fonctionnelles, dont la multiplication des acronymes d’administration de l’entreprise (ttPOC). téfinissons
en a C b est le témoignage (CEO oChief Executive succinctement par contre la cellule spécifique de haute
dfficerp, CFO oChief Financial dfficerp, COO oChief direction qu’est le conseil d’administration.
dperating dfficerp, CTO oChief Technology dfficerp,
CIO oChief information dfficerp, etc.).
Le long de cette hiérarchie, le travail de gouver- La gouvernance se divise en trois
nance, c’est-à-dire de management du management,
s’opère à différents échelons (verticalement) :
niveaux : méta (haute direction), méso
• au niveau a méta b ou supérieur : avec les grandes (intermédiaire) et micro (opérationnel).
orientations idéologiques et stratégiques de l’en-
treprise et leur traduction pour la conception des
pratiques d’organisation dans l’entreprise ;
• au niveau a méso b ou intermédiaire du manage-
ment : avec le travail de management, c’est-à-dire de
traduction opérante des orientations et de la doctrine
de l’entreprise (voir le chapitre 6) ;
• au niveau a micro b ou opérationnel : avec le travail
de direction et de management de proximité au plus
près des opérateurs.
t’une entreprise à l’autre et selon son approche
managériale, la gouvernance comprend des structures
(comités, groupes de travail), des politiques, des procé-
dures et des pratiques différentes. Ainsi d’une approche
à l’autre, les types de comités (comités de direction,
d’orientation, de pilotage, de partage de connaissances,
etc.), leur composition (incluant une représentation
plus ou moins exhaustive des parties prenantes) et leur
rôle (audit, gestion des risques, révision, ressources jne salle de réunion de la haute-direction de Rio Tinto Alcan
humaines, environnement et sécurité, etc.) varient. à Montréal

La haute direction Le conseil d’administration


Ce que l’on appelle la haute direction, ou encore le Le conseil d’administration a une composition variable
a sommet hiérarchique b (Mintzberg, 1sr2), c’est le
selon les entreprises. Par contre, les règles classiques
collège de dirigeants qui se situent au sommet de la
quant à sa constitution contiennent souvent des exi-
hiérarchie de l’entreprise. Ce peut être a le(s) proprié-
gences en ce qui a trait à l’indépendance et à la com-
taire(s), ou leurs représentants, le président-directeur
pétence des membres administrateurs. Son rôle est
général, le directeur général, le conseil d’administra-
double : la protection des intérêts des actionnaires et
tion, le conseil de direction, etc. C’est à ce niveau qu’on a
des autres parties prenantes de l’entreprise, de même
toujours placé le rôle de penser et d’élaborer la mission,
que le conseil en matière de stratégie. Selon l’approche
la stratégie et les orientations générales b (Aktouf, 2llc,
managériale partiellement dictée par le conseil d’ad-
p. s2-s3). tans le paradigme de la financiarisation de
ministration et adoptée par les managers, les orien-
l’économie (tenis, 2llr ; mafsi et Youssofzai, 2llr ;
tations de l’entreprise pourront différer de même que
Martinet, 2lld), la haute direction comprend les deux
les décisions et les actions (ttPOC, voir les chapitres
cellules de direction dissociées que sont, d’une part,
les cadres fonctionnels dirigeants travaillant sous une 6 à 8) posées dans l’entreprise. Pour le comprendre, il
étroite surveillance et, d’autre part, le conseil d’adminis- nous faut ici revenir sur une réflexion sur la finalité et
trateurs, o prédomine souvent la voix des actionnaires les buts atteints par l’organisation.

122 • Chapitre

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La finalité de l’entreprise n’est pas amorale (de Gaulejac, 2ll5) et que le deve
nir des sociétés humaines et de la planète tout entière
Les buts et les objectifs que sont susceptibles d’adop dépend directement et largement des activités éco
ter les dirigeants ou les propriétaires h et leurs em nomiques et des décisions des entreprises (Martinet,
ployés h selon leur système de valeurs sont multiples 2lld). En effet, le management engendre des pratiques
(voir la figure 5.7). Certains buts et objectifs peuvent d’entreprises qui sont souvent le creuset de mutations
viser la croissance des marchés, ou plus largement la idéologiques profondes de l’ensemble de la société
pérennité de l’entreprise, le maintien d’une autonomie sur les plans économique, sociologique, politique, etc.
de décision ou d’une indépendance financière, le pro La gestion, jusqu’ici le bras armé de l’économie, est
fit, le rendement, le leadership technologique, la qualité devenue une arme de mutations qui va au-delà de
du produit, etc. L’ensemble des buts et des objectifs l’aspect économique (voir le chapitre 9).
choisis façonnera des types
d’entreprises et de partena-
riats tout à fait différents.
nappelons qu’il est aujour La finalité de la stratégie et de l’entreprise : la pérennité.
d’hui indéniable que la gestion

FIGURE 5.d Quelques exemples de buts et d’objectifs de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes

Exemples de buts et d’objectifs


poursuivis par une entreprise
Exemples de résultats Exemples de parties
Pérenniser les activités produits par l’entreprise prenantes concernées
en obtenant un certain taux
de profit et de rendement bénéfices par actions, Entreprise
des investissements croissance du chiffre Actionnaires à vocation
d’affaires, accroissement économique
Se financer prioritairement par des ventes
le réinvestissement des bénéfices
et par la dette bancaire

Mettre l’accent sur la recherche


pour créer ses propres produits réponse aux attentes, aux
Clients
ou services goûts, rapport qualité-prix

Instaurer une forme de propriété


par actions

cistribuer les produits dans des réputation de l’entreprise


marchés d’envergure mondiale comme employeur,
valorisation des compétences, Employés
S’assurer de prix compétitifs formation et développement
pour des produits de du personnel, etc.
qualité supérieure

Atteindre une position


fiabilité, participation Entreprise
dominante dans l’industrie
citoyenne, progrès technique, à vocation
Collectivité
création de connaissances économique
Adhérer aux valeurs scientifiques, etc. et sociale
de la société dans laquelle
elle exerce ses activités

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L’entreprise, en tant qu’acteur socioéconomique, joue


o…p au-delà de la rentabilité du capital, de la profi-
tabilité, de l’efficience, de l’efficacité (dont il faut sans
plusieurs rôles importants vis-à-vis des acteurs de son
relwche interroger les critères de mesure), le mana- environnement interne et externe (voir le tableau 5.3).
gement stratégique doit pleinement s’emparer des Elle consiste en un patrimoine immobilier devant
questions de pertinence, de justice, d’équité, d’éthique
fructifier et fournir un rendement satisfaisant à ses
o…p puisque la récursivité est désormais massive : les
propriétaires ou à ses actionnaires. Elle est un outil
énoncés des sciences de gestion infiltrent tôt ou tard
de production, qui vise évidemment à satisfaire les
les terrains auxquels ils s’adressent et deviennent ainsi
besoins des consommateurs, voire à dépasser les at-
de facto objets eux-mêmes (Martinet, 2lld, p. 1ld). tentes des usagers des produits et des
services commercialisés dans le respect
des normes sociales de sécurité, de qualité
cans la perspective du développement durable, et d’un juste prix (morovitz, 2lll). Elle
représente aussi un lieu de production de
l’entreprise joue plusieurs riles sociétaux et savoirs qui participe aux progrès du patri-
moine de connaissances de l’humanité.
est au cœur d’un réseau de parties prenantes.
Comme milieu de travail, l’entreprise doit
répondre aux aspirations des employés
ou de leur représentant (syndicat) ; comme
tans le contexte actuel, il est pertinent de s’impré- personne morale, elle doit respecter les lois en vigueur
gner de la perspective de Martinet (1srx) selon laquelle dans les États o elle exerce des activités ; et comme
l’objectif du manager consiste à a maintenir, sur la citoyenne, on attend d’elle un bon comportement social.
durée, la viabilité de l’entité onous soulignonsp dont uu’est-ce qu’un bon comportement social ? Pour ré-
ole dirigeantp a la charge, et, plus généralement, pour pondre à une telle question, il faut s’interroger sur
réaliser son projet politique b (Martinet, 1ssd, p. dl). les attentes sociales ou sur les exigences de respon-
sabilisation que nourrit la société envers l’entreprise.

TABLEAU 5.3

Les différents riles de l’entreprise et les attentes de ses parties prenantes


Rôle de l’entreprise Attentes sociales Parties prenantes
Patrimoine Résultats financiers et rendement suffisant kctionnaires et propriétaires
pour les propriétaires

Unité de production atisfaction des besoins économiques des Usagers, consommateurs


consommateurs (qualitatifs et quantitatifs)

Concurrent s partenaire nransmission d’une information loaale llients, fournisseurs, investisseurs


commercial et transparente

Centre technique Progrès du patrimoine de connaissances ociété


de l’humanité

Milieu de travail Réponse aux aspirations des emploaés Emploaés, sandicats


(qualité de vie au travail)

Personne morale Respect des lois btat

Acteur médiatique lommunication d’une information fiable et Médias


commercialisable

Citoyenne won comportement social : protection des droits, • litoaens, communautés civiques,
redistribution de la richesse et contribution à la locales et territoriales
richesse nationale et locale, engagement local, • hroupes de pression
respect des valeurs, écologie • Observateurs sociaux
• bcosastème (faune et flore)

124 • Chapitre

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Il s’agit alors, pour le manager, de penser ses actions 2llx). Autrement dit, comment fournir des biens et
de façon à la fois épistémique (nécessitant un ques- des services à prix compétitifs qui permettent de satis-
tionnement sur les connaissances en jeu), pragmatique faire les besoins et d’offrir une qualité de vie, tout en
(impliquant une réflexion sur les actions exécutées) limitant leurs impacts écologiques ?
et éthique (exigeant une conscience à l’œuvre ; voir
le chapitre 2). Pour reprendre les termes de Martinet FIGURE 5.8 Les trois dimensions de la RSE
et Payaud (2lld), le management est alors moins la
maximisation d’une dimension que l’exercice d’une
sagesse de base pour atteindre une performance
conçue comme un équilibre économique et social,
sagesse de base qu’expriment bien, selon eux, les Social/Sociétal gquitable Économique
quatre vertus cardinales de l’héritage gréco-latin :
• la tempérance : a savoir respecter les limites, ne pas
curable
aller trop loin b ;
• la justice : a avoir le sens de ce qui est bien b ; Vivable Viable
• la fortitude : a savoir tenir compte du contexte et du
long terme b ; environnement
• la prudence : a poursuivre des objectifs raisonnables
oature
et pratiques b (Paquet, 2ll5, cité par Martinet et
Payard, 2lld, p. 12).
Le système managérial véhicule donc un « modèle ource : lapron et Quairel-Lanoi elée, 2004, p. 116.
de l’Homme » (Martinet, diib) ainsi qu’une cer-
taine conception de la collectivité (voir le chapitre 11). L’intersection entre l’environnemental et le social
Aujourd’hui, nombre de propositions sont faites pour représente les préoccupations quant aux conditions
penser un développement durable et convier les entre- qui permettent de rendre vivable l’activité humaine,
prises à réfléchir à leur responsabilité sociale et envi- telles que l’hygiène, la sécurité et la santé des popu-
ronnementale (nSE). lations, et de la rendre équitable de manière intragé-
nérationnelle en réduisant la pauvreté, par exemple, et
de manière intergénérationnelle en faisant en sorte de
Le management n’est pas amoral ni sans préserver la biodiversité, par exemple.

incidence sur la société tout entière. L’intersection entre le social et l’économique repré-
sente les préoccupations en ce qui concerne l’équité
ou la justice sociale : comment les profits des entre-
prises doivent-ils être distribués aux salariés et dans
Le développement durable les communautés de proximité, ainsi qu’à la société
Comme l’expliquent Capron et uuairel-Lanoizelée tout entière ?
(2llx), experts sur le sujet du développement durable, Le cœur de l’intersection entre les trois cercles est
la nSE renvoie à l’idée qu’une entreprise responsable censé représenter la pérennité, avec tous les défis que
doit concrétiser un équilibre le plus harmonieux pos- cela comporte. L’équilibre entre chacune des dimen-
sible entre les trois dimensions économique, sociale, sions est essentiel. Chaque dimension peut bouger
environnementale, et ce, en conjuguant trois objec- dans différentes directions rendant plus ou moins
tifs : la prospérité économique, la Austice sociale et facile l’atteinte des objectifs.
la qualité environnementale (voir la figure 5.8). Les Chacune des dimensions peut faire l’objet d’éva-
intersections entre les trois cercles des trois dimen- luations et d’objectifs particuliers. Cependant, les
sions précédentes représentent des zones de tension méthodes d’évaluation des zones d’intersection sont
pleines de risques comme d’opportunités pour l’entre- toujours embryonnaires. Les entreprises peuvent s’in-
prise (Elkington, 1sss).
téresser à atteindre certains objectifs seulement ou
L’intersection entre l’économique et l’environnement chercher à les atteindre tous simultanément. Une ap-
représente les préoccupations relatives à la viabilité proche holistique permettrait d’amalgamer étroite-
de l’activité humaine (Capron et uuairel-Lanoizelée, ment les trois dimensions dans une perspective globale

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et intégrée de la responsabilité. On pourrait ainsi éva- tans ce contexte, la responsabilité sociale des
luer la performance de l’entreprise de manière globale entreprises est interpellée par le truchement de nom-
et non plus seulement en additionnant les résultats dans breuses questions (Pasquero, 2ll5) qui reflètent (voir
chacune des dimensions. le tableau 5.4) :
• des besoins sociaux nouveaux de crédibilité dans
un monde de plus en plus complexe à comprendre
cans la perspective du développement et incertain sous l’effet des poussées individualistes
et technologiques notamment, o les liens sociaux
durable, faire preuve de RSE, c’est remodelés, érodés, voire virtualisés appellent à une
entretenir un monde équitable, viable plus grande transparence pour refonder la confiance
entre personnes ;
et vivable avec ses parties prenantes. • des besoins de signification ou de sens devant un
monde équivoque o la légitimité des valeurs est
constamment remise en question ;
Selon Pasquero (2ll5, p. s5-sc), le concept de res- • des besoins d’identité dans un monde de plus en
ponsabilité sociale des entreprises se mondialise plus ouvert, mondialisé et menacé d’uniformisation ;
aujourd’hui sous la pression de trois phénomènes
• des besoins de coordination de la résolution de
amplificateurs :
problèmes dans un monde de plus en plus pragma-
1. une a poussée libertaire qui se manifeste par un tique, axé sur des résultats.
certain retrait de l’État et un accent sur les valeurs Concrètement, il s’agit de formuler des réponses
d’initiative individuelle, mais qui ne peut se justi- acceptables aux questions essentielles suivantes.
fier que si elle s’accompagne d’un sens accru des
• uui croire ? Par exemple, quelles informations
responsabilités b ;
doivent être diffusées pour assurer le devoir de
2. une a poussée technologique, dont le rythme s’ac-
transparence des entreprises ?
célère, mais dont les bénéfices évidents s’accom-
pagnent aussi de plus en plus de nouveaux défis • uuelles sont les valeurs prônées ? uuelles sont les
sociétaux, que ce soit dans le domaine éthique (bio- prises de position éthiques de l’entreprise ?
génétique), environnemental (effet de serre), social • Comment l’entreprise entend-elle mener ses activi-
(accès au yeb) ou politique (propriété de l’espace) b ; tés dans le respect de sa communauté ? Par exemple,
3. une a poussée mondialiste, qui a généré des pro- la gestion de la diversité.
blèmes qui transcendent les frontières politiques • Comment penser et organiser l’efficacité socio-
et ne peuvent, en l’absence d’une réglementation économique et écologique des entreprises ? (uuel
mondiale encore bien illusoire, trouver des solu- partage des responsabilités faut-il en matière,
tions que si tous les acteurs majeurs, parmi lesquels notam ment, de protection de l’environnement ?)
les entreprises, acceptent la responsabilité des
conséquences de leurs actions b.

TABLEAU 5.4

Le changement social et les exigences de responsabilisation


Conditions Responsabilité
Besoins sociaux Question Nouvelles exigences
nouvelles : sociale interpellée
nouveaux posée de responsabilisation
Un monde… (exemples)
plus complexe lrédibilité Qui croire ? nransparence Divulgation de l’information

plus équivoque ignification Quelles valeurs ? Leadership moral Prise de position éthique

plus ouvert mdentité lomment être soi ? Respect d’autrui hestion de la diversité

plus pragmatique loordination Quelle efficacité ? Responsabilités partagées Protection de l’environnement

ource : Pasquero, 200d, p. fe.

12c • Chapitre

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Selon Pasquero, la responsabilité sociale des citoyenneté dans un milieu donné » (2ll5, p. rl). Elle
entreprises est alors « l’ensemble des obligations, recouvre diverses composantes héritées de différentes
légales ou volontaires, qu’une entreprise doit assu- époques. Toutes font partie intégrante d’une gestion
mer afin de passer pour un modèle imitable de bonne responsable (voir le tableau 5.5).

TABLEAU 5.5

Les éléments de la RSE moderne


La RSE comme… Origines Expression actuelle (exemples)
t gestion efficiente bconomie classique lompétence technique
• Existence de profits sous conditions
• Maintien durable des acquis
• hestion compétente : effort permanent d’utilisation au mieux
des connaissances afin de gérer les ressources collectivement
disponibles (investissement dans la formation, l’appareil productif,
l’innovation, etc.)
t philanthropie nraditionnelle Dons et mécénat d’entreprise
• kttitude de partage avec l’environnement proche ( m e siècle)
• ens d’une identité commune donné à l’entreprise et à
son environnement
t sollicitude Début du e
siècle wesoins des emploaés (protection contre
hestion humaniste des emploaés, considérés non seulement comme les risques professionnels évitables, assurance
des moaens d’atteindre les objectifs stratégiques fixés par l’entreprise, de conditions de travail décentes, reclassement
mais aussi comme des fins en soi (respect de la dignité des êtres en cas de fermeture, etc.)
humains libres et autonomes au-delà de leur utilité productive)
t limitation des nuisances knnées 1f60 Priorité à l’environnement
Limitation de la totalité des nuisances (externalités négatives,
c’est-à-dire des effets externes non désirés) que peuvent générer
les activités de l’entreprise, et pas seulement les nuisances naturelles
t réceptivité sociale knnées 1fe0 astème de gestion sociétale
Mise en place délibérée de structures, de sastèmes et d’une culture
de gestion appropriés pour anticiper, détecter ou absorber loaalement
les changements sociopolitiques de l’environnement
t rectitude éthique knnées 1ff0 lodes de bonne conduite
ku-delà du respect des lois, respect des normes sociales que la
société reconnaît comme des biens moraux supérieurs et culture
organisationnelle orientée vers l’excellence dans tous les domaines
t reddition de comptes knnées 2000 nriple bilan
nransparence de l’entreprise (obligation de rendre des comptes)
et information abondante, compréhensible, juste, vérifiable et utile
à la société et facile à interpréter sur ses activités (et potentielles
externalités négatives)
t participation citoyenne knnées 2000 Engagement proactif
ku-delà de la prise en compte des attentes des parties prenantes,
engagement citoaen proactif de l’entreprise envers le bien commun

ource : kdapté de Pasquero, 200d, p. 118-12e.

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L’atteinte des buts et des fins de l’entreprise suppose ces mêmes services. La direction offre aux travailleurs
des échanges continus et harmonieux avec les divers une rémunération en échange de leur travail, et aux
partenaires et les parties prenantes qui permettent à clients, les produits ou les services désirés, contre des
l’entreprise de fonctionner. La figure 5.s présente les paiements immédiats ou différés. L’entreprise paie
principaux échanges auxquels le management doit des taxes à l’État, en contrepartie du cadre juridique
s’efforcer de faire face et trouver un équilibre afin fourni. Le capital investi sous forme de moyens de
d’assurer la survie et la progression de l’organisation. production, d’infrastructures ou d’installations est
La mobilisation des ressources intellectuelles et phy- rémunéré par des dividendes, des intérêts et l’accrois-
siques, en vue de produire les biens ou les services, sement de l’avoir des actionnaires, et ainsi de suite.
permet de réaliser les fins. Le management consiste Le management est donc moins la mainmise que le
donc à gérer des flux continus d’échanges et à articu- ménagement pérenne de cet ensemble de ressources,
ler les ressources pour produire ces mêmes biens ou de flux et d’attentes.

FIGURE 5.9 La gestion des échanges avec le réseau des partenaires de l’organisation

Travail Paiements
Main-d’œuvre Clients
Rémunération Biens et services

Solution Parts de marché


Laboratoires de recherche Industrie
knvestissements Produits et services
distinctifs

Paiements badre juridique


gtat et organismes
gouvernementaux aux
fournisseurs Organisation divers paliers
Matières premières Taxes
et technologie

Soumissions bollaborations
firmes d’ingénieurs firmes collaboratrices
et de consultation (alliances)
kdées Projets communs

gtat et communautés
knvestissements Légitimité locales (citoyens, groupes
Actionnaires
de pression, associations
Gains et rémunérations emplois de consommateurs, etc.)

12s • Chapitre

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De la gouvernance à l’approche managériale


La gouvernance, ou encore le gouvernement mesuré les grandes orientations de l’entreprise en ordre(s) ou
de l’entreprise, établit des orientations que le manage- collaboration(s). Chez monda, les idées importantes
ment a pour fonction de traduire dans l’organisation, en matière de développement viennent de la produc-
comme nous le verrons dans les chapitres suivants tion et remontent en objectifs là o d’autres fabricants
portant sur les composantes du processus d’adminis- automobiles américains travaillent plutôt de façon
tration (décision et direction, planification, organisa- verticale, du haut vers le bas en imposant les direc-
tion, contrôle) et sur le métier de manager. L’analyse tions. Il n’existe pas une seule façon d’agencer les trois
comparée des systèmes économiques et sociopoli- étages du triplex de la gouvernance (étage supérieur
tiques à l’intérieur desquels les entreprises évoluent de la haute direction ométap, étage des cadres inter-
dans le monde révèle par contre qu’il faut parler non médiaires omésop, étage opérationnel de la direction
pas de gouvernance, mais de gouvernances au plu- de proximité omicrop). tans certaines entreprises, on
riel. En effet, les systèmes capitalistes ne sont pas note une philosophie de gouvernance plus autoritaire,
uniformes, et la pression du capitalisme financier et d’autres sont plus participatives, certaines se fondent
cognitif est particulièrement distinctive du système plutôt sur l’ancienneté (Japon), et d’autres sur l’ex-
managérial d’Amérique du Nord. Elle teinte la logique
pertise (Allemagne). Cette gouvernance teintera l’ap-
de gouvernance et l’approche philosophie managé-
proche managériale et les pratiques de management
riale qui s’opérationnalise dans des pratiques mana-
que nous décrirons dans la suite de l’ouvrage comme
gériales propres à chaque entreprise.
plus punitives ou permissives (voir le chapitre 6), pla-
En effet, la conception de l’administration des choses nifiées ou émergentes (voir le chapitre 7), centralisées
et du gouvernement des hommes, c’est-à-dire de la ou horizontalisées (voir le chapitre 8), contrôlantes ou
façon dont les choses doivent être pensées puis faites stimulantes (voir le chapitre 9), voire repensées, renou-
(bref, opérées) et par qui, se trouve influencée par la velées et réhumanisées (voir les chapitres de la partie 3).
manière dont le management intermédiaire traduit

Les s st mes manaBériauI • 12l

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CHAPITRE

c LA DÉCISION
ET LA DIRECTION
Le meilleur cEeM est celui DE L’AUTOCRATIE À LA PARTICIPATION Ce chapitre se penche sur la prise

dont on sait peine u’il de décision par les managers, c’est-à-dire ceux dont le management est
le métier sans exclure les nombreuses personnes dans l’entreprise qui,
e iste. Il est moins on
au quotidien, se retrouvent à « faire » du management et à prendre des
si la Moule lui o éit et décisions sans que ce soit leur tsche principale. Comme l’indiquaient Fayol
l’acclame. K L ais du et Follett en leur temps, le management est une fonction distribuée dans
on cEeMI ui parle peuI toute l’entreprise et à tous ses niveaux hiérarchiques. Or, à tout moment,
dans l’entreprise, un manager est confronté à une question simple : que
une Mois la tQcEe acEevée
faire ? Ce qui engendre une question corollaire : que décider ? Et pourquoi
et le dessein accompliI et comment le faire à plusieurs ?
tous diront « Vous avons
Mait cela nousTm mes. »
(Lao i, Civre e la Doie et e la Dertu
xDao De ingy)

6.1 De la prise de décision à la direction


uue ce soit au cours des activités de conception et de d’emblée de nombreuses questions, à savoir : qui décide ?
formulation d’une stratégie, de configuration d’une uu’est ce qui se décide ? Et quand ? Comment se décide
organisation ou bien dans le quotidien des opérations, ou se façonne un choix selon les situations ? Pourquoi ?
les managers sont constamment placés devant la né te plus, décider suppose vraisemblablement une im
cessité de faire des choix. Il faut à la fois trancher et agir. plication, une responsabilité et une projection des per
Parfois dans cet ordre et parfois dans l’ordre inverse. sonnes vers l’avenir de même qu’une adhésion des uns
Agir pour trancher. Décider engage le passage de la
et des autres pour agir. Le processus d’organisation
conception à l’action, et réciproquement. La décision
(voir le chapitre 8) entrajne évidemment dans son sil
consiste pour certains à effectuer un choix préalable
lage des changements ainsi que des réactions à ceux ci.
parmi différentes options et, pour d’autres, à construire
La direction de l’entreprise doit donc parvenir à réunir
un choix satisfaisant dans l’action et par l’action.
les efforts individuels en un effort commun et continu.
La prise de décisions peut être rationnelle et délibé jlle consiste à amener les membres de l’organisation
rée, voire répétitive, ou alors innovatrice et inspirée par à agir ensemble avec cohérence, et à le faire dans les
l’intuition. Lorsque les enjeux s’avèrent importants, les meilleures conditions possible, et ce, , pour le
décisions sont parfois prises dans un climat de relations bien des employés autant que pour celui de l’entre-
de pouvoir et de conflit, pas toujours propice aux choix prise. La cohérence n’exclut toutefois pas une diver
les plus éclairés (Allison, 1sd1). eref, la décision pose sité de points de vue, de rationalités à l’œuvre ou de

1t0 • Chapitre L

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finalités parfois divergentes. Comprendre la décision et techniques (voir le chapitre 1), plus enclines à une
suppose de saisir les conditions d’une prise de déci- approche rationnelle, et ce que nous révèlent les
sion harmonieuse, ce qui passe par une définition de approches plus humaines (voir les chapitres 3 et 4) de la
la direction et une caractérisation des styles de lea- décision complexe qui critiquent nombre des limites
dership1 dans l’organisation selon la logique managé- de la rationalité instrumentale. Nous nous pencherons
riale en place. Ce chapitre abordera donc la décision ensuite sur ce qu’est une direction (et un leadership)
en deux temps : ce qu’en disent les approches formelles propice à la pérennisation de l’organisation.

6.2 L’approche formelle technique de la décision


et ses limites
Selon les adeptes d’une approche formelle et tech- comment ne pas hésiter ? La décision en entreprise est-
nique de la décision, il est possible d’anticiper une elle toujours intentionnelle, volontaire et rationnelle ?
décision, de prévoir la séquence d’étapes ou la chajne Comment prendre parti ? uui débat de la décision à
de raisonnements qui précèdent la mise en œuvre à prendre ? Les réponses à ces questions varient selon
un moment précis d’une action une fois décidée. Cette l’approche que l’on a du management. Ces réponses
conception de la décision s’inspire de la méthode dite ont évolué avec l’histoire des idées et des théories du
scientifique et considère que les situations de mana- management. Cependant, on constate une relative
gement se présentent comme des objets expérimen- unité autour de l’idée du primat d’une rationalité ins-
taux dotés d’une régularité de comportement aussi trumentale dans les approches formelles du manage-
prévisible que les changements d’état de l’eau selon la ment que nous évoquerons ici en premier.
température. eref, elle emprunte à un déterminisme
scientifique une permanence et une prévisibilité des La figure de l’individu rationnel :
comportements des choses et de leurs interactions.
l’homo œconomicus
L’approche classique de management, inspirée de
l’économie libérale des gfIIe et gfIIIe siècles, qui se veut
La rationalité instrumentale consiste
cartésienne, logique, méthodique, analytique, instru-
à se concentrer sur l’adaptation des mentale et universelle, postule implicitement, à ses
origines, que le manager, aussi décideur, est un agent
moyens à un objectif désiré. de type capable de trouver une
solution optimale à tout problème (voir le chapitre 2).
Il est parfaitement rationnel, complètement informé
Le mot a décision b, emprunté au latin decisio, vient en toute situation et capable de percevoir tous les pro-
du verbe decidere, qui fait référence à a l’action de tran- blèmes dans son organisation de même que toutes les
cher une question débattue b. Curieusement, ce mot variations de son environnement. Il connajt ex ante
désigne surtout à la fin du gfIIe siècle la a qualité d’une toutes les solutions possibles ou alternatives (stables
personne qui n’hésite pas b (1cdc), pour prendre, un et hiérarchisées) à un problème donné et toutes leurs
siècle plus tard (1ds1), le sens de a parti que l’on prend, conséquences. Il perçoit et connajt également l’en-
acte volontaire b (vvv.cnrtl.fr). Le mot a décision b semble des ressources qu’il possède ou dont il a besoin
semble donc impliquer à la fois la certitude, le pou- et toutes les contraintes qui pourraient entraver son
voir, le choix, le débat. Un florilège de questions vient action. tans le monde de l’homo œconomicus, l’incer-
aussitôt à l’esprit : qui peut décider ainsi ? Pourquoi et titude n’existe pas. tans son univers d’omnipotence

1. lertains dissocient les rôles de manager et de leader ( érieax, 1fff v Çale nii, 1fee). Pourtant, ces rôles sont appelés à se confondre, comme nous
le verrons. kussi, précisons que nous utilisons les expressions « stale de gestion », « stale de management », « stale de leadership » et « stale de
direction » comme quasi sanonames dans ce chapitre. ml est cependant fréquent de considérer que le stale de leadership est individuel, tandis que le
stale de gestion ou de direction s’applique plutôt à l’organisation dans son ensemble.

La décision et La direction • 1t1

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et de transparence, il possède et traite une informa-


tion parfaite. Il raisonne de façon synoptique : il est
capable d’évaluer toutes les options en parallèle et non
de façon séquentielle. L’homo œconomicus fonctionne
en gardant en tête un système de préférences stables et
non ambigu s qui permet d’ordonner les conséquences
d’une décision ainsi qu’un référentiel de critères préé-
tablis de sélection et d’évaluation qui mènent, de fait,
à l’atteinte d’une solution idéale et optimale (eoisvert,
1srl). Le calcul est le plus souvent basé sur la maxi-
misation de l’utilité et détermine les possibles quanti-
fiables les plus rentables.
L’homo œconomicus agit en fonction d’un calcul rationnel.

Les décisions administratives ou tactiques


Ces décisions visent en général à assurer l’adéquation
Au cœur des approches formelles entre l’organisation, les moyens disponibles et les buts
stratégiques de l’entreprise. Elles ont une incidence à
de décision : l’homo conomicus moyen terme et concernent souvent les gestionnaires
hyperrationnel. intermédiaires des fonctions de l’entreprise et des
activités qui y sont rattachées (par exemple, la gestion
des approvisionnements, la gestion des technologies,
Ce manager rationnel est aussi un Dtre intention- la gestion du personnel, l’affectation des compétences
nelR Il agit en fonction d’une fin précise : la maximi- dans le cas de la gestion d’équipes). Certaines décisions
sation de l’utilité individuelle. C’est un être capable administratives de coordination sont routinières, par
de déterminer d’avance un objectif, par exemple la exemple l’établissement d’un budget, l’ordonnance-
maximisation de son profit dans la perspective des ment d’une production, tandis que d’autres exigent
économistes classiques. Toute décision suppose donc des solutions sur mesure et se font en situation d’ex-
le choix d’un but et des arbitrages appropriés selon les ception, par exemple la gestion du processus d’achat
systèmes de préférences et de référentiels précédents après la faillite inopinée d’un fournisseur ou la ges-
pour parvenir à ce but. tion, par les services du marketing et de la production,
d’une crise quant à la qualité d’un produit (Mintzberg,
Les différents niveaux 1sr2). tans la foulée de la question posée à la fin de
la sous-section précédente, il s’agira, par exemple, de
de décisions se demander : a Comment pourrait-on réorganiser le
Selon l’approche formelle, on peut distinguer plusieurs service commercial pour aborder le marché chinois ?
types de décision dans l’entreprise selon le niveau Comment organiser une gestion du personnel adaptée
organisationnel considéré (voir le chapitre 8) : les déci- aux valeurs de l’entreprise dans le contexte chinois ? b
sions stratégiques, les décisions administratives ou
tactiques et les décisions courantes ou opératoires. Les décisions courantes ou opératoires
Les décisions courantes ou opératoires visent la réa-
Les décisions stratégiques lisation des objectifs opérationnels. Elles sont plutôt
Les décisions stratégiques portent sur la formulation locales et quotidiennes. Elles demeurent l’apanage du
de la mission et de la vision de l’entreprise : l’articu- centre opérationnel de l’entreprise (par exemple, mettre
lation des choix économiques à propos des marchés, en marche une machine, composer l’équipe de travail
du positionnement, du lancement de produits, de du jour en fonction des absences). tans le cas proposé
la détermination des connaissances stratégiques et jusqu’ici en exemple, on pourrait traiter la question sui-
des compétences distinctives, ainsi que des choix en vante : a Combien d’agents commerciaux sont affectés
matière de politique sociale et environnementale. tu aujourd’hui à la prise de commandes pour la Chine ? b
fait de leur importance et de leur impact sur l’entre-
uue les décisions se situent au niveau stratégique ou
prise, ces décisions sont généralement le fait du som-
au niveau opératoire, elles sont toujours importantes,
met stratégique ; par exemple : a Pourquoi devrait-on
car elles ont des conséquences. Celles-ci sont-elles
se lancer sur le marché chinois ? b

1t2 • Chapitre L

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prévisibles ? Les tenants des approches techniques (information parfaite) ou substantive (information
aimeraient paramétrer les choix le plus possible pour imparfaite), merbert Simon oppose une conception
en prévoir les conséquences du fait de la rationalité qui se veut plus réaliste du comportement humain.
limitée qu’ils reconnaissent à l’humain. Selon lui, notre rationalité est limitée. La rationa-
lité humaine doit alors plutôt être abordée
comme procédurale, car le comportement
d’une personne est le résultat d’un processus
Les décisions sont de plusieurs niveaux : de décision approprié dans une situation d’in-
formation imparfaite.
stratégique, administratif ou opératoire.
Lorsqu’on se penche sur ce processus, c’est-
à-dire sur la façon dont une personne prend
des décisions, on constate qu’elle est incapable
La rationalité limitée d’énumérer toutes les données d’un problème, qu’elle
Les tenants des approches formelles et techniques se procède par essais et erreurs, par twtonnements et
sont rendus peu à peu à une évidence ; contrairement à qu’elle n’imagine souvent des solutions que les unes
ce que stipule l’hypothèse de l’homme hyperrationnel, après les autres. Au bout du compte, ses préférences
il est possible que : sont instables et ambigu s, son raisonnement est
séquentiel, et non synoptique, et elle s’arrête à la pre-
• l’information nécessaire pour comprendre une
mière solution satisfaisante. Ainsi, la solution adoptée
situation soit parcellaire ;
n’est au mieux que satisfaisante pour la personne qui
• la personne ne puisse en embrasser toute la com-
décide, elle ne s’avère Aamais optimale. Pour reprendre
plexité et soit incapable de calculer toutes les consé-
l’exemple précédent, si une personne veut acheter une
quences d’une décision.
voiture économique, elle ira peut-être d’abord chez le
tès lors, la décision, qui, dans la perspective des concessionnaire le plus proche, choisira peut-être un
approches formelles, est une solution à un problème, véhicule en fonction de la mode actuelle et se satisfera
n’est pas toujours idéale ou optimale en raison, entre peut-être de cette seule expérience d’achat.
autres, de la rationalité limitée de l’être humain.
On doit ce concept de rationalité limitée à merbert
Simon, lauréat du prix Nobel d’économie en 1sdr.
Théoricien majeur des organisations, formé en éco- cécider (approche technique) : trancher
nomie et en psychologie, c’est aussi l’un des pères entre une infinité de choix possibles,
des sciences cognitives et de l’intelligence artificielle.
Nous avons vu que, jusqu’ici, l’analyse économique malgré la rationalité humaine limitée.
ou organisationnelle s’est donné pour modèle de
comportement humain celui de l’homo œconomicus
considéré comme capable de faire tous les calculs
merbert Simon propose au fond de déplacer le rai-
nécessaires à des choix optimaux pour maximi-
sonnement de la rationalité économique (totale ou
ser ses intérêts. Par exemple, si une personne veut
substantive) fondée sur le calcul optimal (rationalité
acheter une voiture économique, elle fera le tour
de tous les concessionnaires en ville pour choisir la purement fictionnelle en management o les pro-
moins chère. Cependant, dans la plupart des situa- blèmes ne sont jamais simples), pour considérer le
tions, une personne ne serait pas en mesure de se comportement rationnel comme résultant d’un pro-
former une idée instantanée, complète et exacte de cessus de réflexion approprié (rationalité procédu-
toutes ses possibilités de choix. tans des environ- rale), bref d’un raisonnement (et non d’une impulsion)
nements complexes, o les décisions sont loin d’être que les avancées de la psychologie cognitive peuvent
évidentes, les personnes ont plus de mal à saisir et aider à comprendre et à assister. tans cette perspec-
à traiter toute l’information provenant de ceux-ci. tive, les sciences cognitives se sont emparées, depuis
Elles ont aussi tendance à simplifier les données d’un les travaux pionniers de Simon (1sxd), au sortir de
problème pour composer avec l’incertitude. te plus, la Seconde Guerre mondiale, du projet de modéliser
elles sont portées à choisir selon leurs valeurs et leurs ces comportements de décision pour les rapprocher
buts, leurs perceptions, leur position hiérarchique, au mieux de l’optimum. C’est l’essence des avancées
etc. Aussi, à la vision idéale d’une rationalité totale en intelligence artificielle basée sur l’informatique

La décision et La direction • 1tt

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qui fournissent des outils d’aide à la décision fondés


FIGURE 6.1 Les principales étapes de
sur différentes logiques (logique floue, logique sym-
la résolution de problèmes
bolique, réseaux neuronaux artificiels, algorithmes
selon l’approche rationnelle
génétiques, agents intelligents, modèles probabilistes)
pour pallier la rationalité limitée et la capacité compu-
tationnelle faible des managers. Information, perception
et définition du problème

Une décision n’est jamais optimale u cétermination des objectifs pour


la résolution de problèmes
elle est au mieux satisfaisante, étant
donné les biais de la rationalité humaine.
Choix des critères de sélectionn
évaluation des choix possibles

Le processus rationnel
de décision dans gtude des options possibles

l’approche formelle
tans la perspective rationnelle, tout processus de gvaluation des ressources
disponibles
prise de décisions est devenu un processus de réso-
lution de problèmes qui peut être décomposé en une
séquence d’étapes logiques (voir la figure 6.1).
Choix de l’option optimale
• nformation, perception et définition du pro-
blème : il s’agit de se pencher sur un réel problème
et non de traiter seulement l’un ou l’autre de ses Implantation et suivi
symptômes. Cette première étape concerne le dia- de l’option retenue
gnostic du problème et la découverte de ses causes
ource : kdapté de wédard, Desbiens et Dell’aniello, 200d.
probables. Le déroulement des étapes subséquentes
est évidemment fonction de la justesse et de la clarté
avec lesquelles le problème aura été défini (Allaire et
Firsirotu, 1srx). L’analyse des causes et des consé- d’aide à la décision : les sondages sur les préférences
quences de la situation repose sur une recherche des clients, les analyses de marché, les tests de pro-
et une présentation de données factuelles les plus duits, la recherche opérationnelle, la simulation des
exhaustives possible. Signalons que, dans le cas de résultats d’exploitation, etc.
la planification stratégique par exemple (voir le cha- • tude des options possibles : il convient de dresser
pitre 7), la veille et l’intelligence stratégiques sont une liste exhaustive de choix possibles.
souvent perçues à tort comme les moyens de four- • valuation des ressources disponibles : un inven-
nir une information objective et exhaustive sur une taire complet des ressources (personnel, ressources
situation pour établir une stratégie formelle (voir financières, matérielles, etc.) est nécessaire avant de
l’encadré 6.1). choisir et d’agir.
• étermination des obAectifs pour la résolution • Shoix de l’option optimale : il s’agit de retenir la
de problèmes : il faut ordonner et pondérer les meilleure solution en comparant systématiquement
objectifs s’il y en a plusieurs. toutes les options possibles et en analysant leur rap-
• Shoix des critères de sélection évaluation des port cokts bénéfices.
choix possibles : il faut s’entendre sur une base com- • mplantation et suivi de l’option retenue: il s’agit
mune d’évaluation avec des critères quantifiables. de la mise en application rationnelle de la décision
L’analyse de la situation s’effectue par rapport à établie. Avec la remise en cause de la pensée linéaire
des standards ou à des objectifs qui permettent de cartésienne par les penseurs de la complexité (voir le
mesurer l’ampleur des écarts ou des déviations. On chapitre 4), il est maintenant admis par les adeptes de
peut alors utiliser plusieurs techniques ou outils la rationalité instrumentale que tout phénomène étant

1t4 • Chapitre L

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dynamique et systémique, une phase de rétroaction de moyens appropriés et procéder à un diagnostic des
est nécessaire au bouclage de ce processus rationnel. actions possibles avant la mise en œuvre de la solu-
Ainsi, la mise en œuvre d’une option comporte des tion optimale. tans les faits, il commet souvent des
activités de suivi qui permettront de vérifier si les erreurs de raisonnement, et des biais perceptuels et
solutions retenues ont toujours leur raison d’être et, cognitifs expliquent les écarts de la pensée par rapport
s’il y a lieu, d’apporter quelques correctifs. au modèle rationnel (Schvenk, 1srx).
Le concept de biais cognitif a été proposé pendant les
années 1sdl dans le champ de l’économie par taniel
ahneman, psychologue et économiste (prix Nobel en
La décision (approche technique) :
économie en 2ll2 pour ses travaux sur le sujet) et par
un processus récursif de résolution Amos Tversky, psychologue, pour expliquer la tendance
des êtres humains à prendre des décisions a irration-
de problèmes. nelles b. La psychologie cognitive et sociale a, depuis,
multiplié les travaux et enrichi l’inventaire de ces biais.
Parmi tous ces biais cognitifs, certains relèvent du ca-
ractère trompeur de nos perceptions sensori-motrices
La faillibilité de la cognition : ou du caractère limité de nos ressources cognitives
biais, erreurs et préjugés (informations, temps, intérêt pour l’objet, capacités co-
tans la perspective rationnelle, le décideur devrait gnitives) qui nous poussent à des raccourcis cognitifs
méthodiquement atteindre des fins par l’utilisation ou à des jugements rapides (et possiblement erronés).

ENCADRÉ 6.1 UNE DÉFINITION DE L’INTELLIGENCE


ET DE LA VEILLE STRATÉGIQUES
b’intelligence stratégique est une • ba veille stratégique inclut la veille (ou encore d’une intelligence des
activité de collecte de données et technologique, commerciale et faits) que les décideurs pourront
d’informations et de transformation économique. Elle regroupe les activer. Elle diffère de la veille stra-
de celles-ci en de véritables rensei- techniques de recherche docu- tégique, car elle consiste en la dif-
gnements permettant d’assister la mentaire et de traitement de l’in- fusion à l’ensemble du personnel
prise de décisions. Pour comprendre formation permettant la prise de de méthodes de documentation
cette activité, il faut d’abord saisir décisions stratégiques. et de réflexes de veille. l s’agit d’un
la différence entre les notions sui- • Un renseignement est la valeur mode de pensée et d’action, qui ne
vantes (Fuld, 1ppx g Revelli, 2000). ajoutée à une ou à plusieurs infor- se limite pas à un champ d’investi-
mations à un moment donné. gation, ainsi qu’un comportement
• Une donnée est un morceau ou
C’est une connaissance élaborée, proactif et collectif d’acquisition de
une parcelle (qualitative ou quan-
évaluée, vérifiée, recoupée et ana- connaissances inédites, dont l’ob-
titative) d’information, résultat d’une
lysée, un savoir qui n’est pas acces- jectif est de diminuer l’incertitude,
mesure ou d’une évaluation effec-
sible à tout le monde. Renseigner, de créer du sens pour l’organisation
tuée à l’aide d’un instrument.
sur le plan stratégique, signifie et d’actualiser sa vision. Ce proces-
• Une information consiste en un sus repose souvent sur une philo-
comprendre des connaissances
regroupement de données qui sophie du management axée sur le
et donner du sens à des faits et
relate un fait. management par la connaissance,
à des indices (souvent des signaux
• Une connaissance est une infor- faibles, des idées émergentes). qui reconnaît l’ignorance constante
mation mise en contexte (Nonaka C’est un acte d’intelligence. de l’organisation comme moteur
et Teece, 2001). bes connaissances d’apprentissage (e ae sais que je ne
b’intelligence stratégique (ou intel-
sont créées par une personne qui sais pas tout f).
ligence d’affaires) est le moyen par
donne du sens à l’information et
lequel une organisation collecte,
en fait une e croyance conviction
traite et diffuse les informations
justifiée f (Nonaka, Toyama et
sous la forme de renseignements
Çonno, 2001, p. 1x).

La décision et La direction • 1tk

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t’autres procèdent plutôt de l’interférence de facteurs phénomène inconnu ou bouleversant sa représenta-


d’ordre motivationnel, émotionnel, voire moraux pour tion du monde par un a je le savais depuis le début b.
éviter, par exemple, une entorse à l’image de soi ou une • eiais de personnalité : par exemple, le biais du
dissonance cognitive (Festinger, 1s5d). foici quelques- conformisme oriente les décisions en ce que l’indi-
uns de ces biais perceptuels et cognitifs typiques. vidu cherche à ressembler à la majorité qui l’entoure.
• eiais de raisonnement : par exemple, le biais de la
Les biais sensori-moteurs de perception
perception sélective consiste à interpréter de manière
Notre perception sensorielle est parfois parcellaire
sélective des informations en fonction de sa propre
ou inexacte, et nous sommes sensibles à des illusions
expérience et à ne pas considérer celles qui ne
d’optique, illusions ayant des causes aussi bien physio-
résonnent pas avec son expérience. Selon Festinger
logiques (saturation des récepteurs optiques, adapta-
(1s5d), le biais de la dissonance cognitive opère
tion à la luminosité, parallaxe, etc.) que cognitives (lois
quand une personne réinterprète une situation pour
de perception visuelle).
éliminer une contradiction cognitive interne déplai-
Les biais cognitifs sante (voir l’encadré 6.2). Par exemple, il peut s’agir
Un biais cognitif est un schéma de pensée a auto- d’un consommateur qui se convainc d’acheter un
matique b, en quelque sorte, qui est la cause d’une produit trop cher pour ses moyens en réinterprétant
déviation du jugement et d’erreurs de perception, la situation d’achat comme une occasion spéciale ou
d’interprétation logique ou d’évaluation. Chaque indi- encore d’un manager qui réinterprète une décision
vidu, en raison de ses croyances culturelles familiales, de licenciement discutable en la justifiant a posteriori
religieuses ou sociales, son éducation, son patrimoine comme étant exceptionnelle ou inévitable pour la
génétique et son système perceptuel, développe sa survie de l’entreprise.
représentation propre du monde à partir de ses infé- • eiais de jugement : par exemple, l’effet d’ambigu té
rences personnelles sur la réalité extérieure. Il compose fait que l’individu a tendance à éviter les options
avec des biais cognitifs qui façonnent ses jugements. pour lesquelles il manque d’informations. L’escalade
Ces biais sont de différentes natures. de l’engagement est aussi un phénomène qui pousse
• eiais mnésiques : par exemple, l’effet de récence fait un individu à persévérer dans une décision qu’il
que l’individu a tendance à mieux se souvenir des sait mauvaise.
dernières informations qu’il a reçues. Le biais rétros- Le tableau c.1 montre les effets de quelques-uns
pectif (ou effet du cygne noir) correspond à la pro- de ces biais selon les différentes étapes du processus
pension d’une personne à rationaliser après-coup un rationnel de décision.

ENCADRÉ 6.2 LA DISSONANCE COGNITIVE

Pour Festinger (1p5r), l’existence et e je suis fumeur f. Comment le risque d’accident, modifier ses
chei l’individu d’une dissonance réduire cette dissonance l Pour cer- préférences et ses valeurs (je pré-
entre plusieurs éléments cogni- tains, en agissant directement sur le fère mourir d’une vie de plaisir que
tifs (comportements, opinions, comportement (arrêter de fumer) : d’une vie de contrainte, et fumer
croyances, sensations, etc.) a un mais on constate combien ce com- est un plaisir). Cette théorie de la
pouvoir motivant à l’action. l y a dis- portement est difficile à modifier. dissonance cognitive permet alors
sonance cognitive quand, de deux D’autres vont plutôt se trouver des d’affirmer que l’individu se retrouve
éléments se présentant ensemble, raisons de se justifier de continuer souvent à justifier a posteriori son
l’un implique la négation de l’autre. de fumer : se convaincre que les sta- action en modifiant ses valeurs, ses
l en résulte un inconfort psycho- tistiques de mortalité liée au tabac croyances, son comportement ou sa
logique qui déclenche une action sont fausses, relativiser le risque perception de la situation initiale,
tentant de la réduire. Par exemple, de mortalité associé au tabac par plutôt que l’inverse.
il y a dissonance entre e fumer tue f rapport à d’autres risques comme

1tc • Chapitre L

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Il existe des différences individuelles de perception Il peut aussi y avoir une confusion des sympt mes
d’une même situation. Les perceptions d’une situation et des causes d’un problème. Il est souvent tentant
de gestion peuvent varier selon le moment, l’impres- de choisir d’exprimer un problème nouveau en se réfé-
sion liée au caractère définitif ou non de la décision, rant à des situations connues, voire anciennes, ou de
la position hiérarchique ou le rôle des personnes dans choisir la formulation du problème la plus évidente ou
l’entreprise de même qu’en fonction de leur expérience. la plus simple. Or, il faut se méfier de ces tentations
te fait, certaines personnes prendront des décisions simplificatrices pour remonter aux sources véritables
sur un mode plus intuitif (en se fiant à cette expérience) d’un problème. Multiplier les a pourquoi b pour retrou-
que méthodique, et ce, en obtenant autant de succès. ver la chajne cohérente des causes est sans doute un
Comme chacun est porteur d’intérêts différents, bon moyen d’y parvenir. Par exemple, des employés se
d’expériences propres et d’un statut social qui filtrent plaignent d’avoir mal au dos. La solution au problème
sa formulation des problèmes, il peut aussi exister n’est pas de réviser le plan d’assurance maladie pour
des différences individuelles dans la définition des rembourser adéquatement les soins de physiothérapie,
problèmes liés à des filtres socio-idéologiques. Par mais de découvrir en quoi l’ergonomie de leur poste
exemple, un cadre, fort d’une expérience antérieure de travail conduit à ces troubles musculosquelettiques.
difficile en matière de relations industrielles, pourrait
considérer que les revendications syndicales sont sys-
tématiquement la source des problèmes de son entre- La décision (approche technique)
prise sans s’apercevoir qu’il n’a pas reconnu les retards
de compétences ni les besoins de formation néces- est entachée de biais.
saires à l’évolution de la technologie de son entreprise.

TABLEAU 6.1

Les étapes de la décision stratégique et les biais cognitifs


Étapes du processus
Biais cognitifs Effets
de décision
formulation des buts et Ancrage : le décideur est attaché à son jugement Non-perception d’indices et d’écarts
identification du problème initial et peu sensible à l’information nouvelle
et divergente.

Engagement et escalade : le décideur poursuit Minimisation des écarts,


l’action engagée d’autant plus qu’elle ne produit pas non-révision de la stratégie
les effets attendus.

Raisonnement par analogie : le décideur transpose ur-simplification du problème,


des cas simples connus aux cas complexes. stratégie non pertinente

Production d’un éventail focalisation sur une solution préférée Peu de solutions vraiment étudiées,
de solutions stratégiques d’emblée : le décideur ne voit que les avantages rejet prématuré, évaluation insuffisante
de la solution qu’il préfère a priori, et ne voit pas de la solution préférée
les inconvénients des autres solutions.

gvaluation et sélection fausse représentativité : le décideur généralise Mauvaise appréciation des conséquences
d’une solution abusivement à partir de situations passées, de la solution
d’expériences, de cas.

Illusion de contrile : le décideur surestime Mauvaise appréciation des risques


son degré de contrôle sur le cours des choses.

cépréciation des solutions incomplètement Rejet prématuré de solutions


décrites

ource : Laroche et Nioche, 2006, p. 86.

La décision et La direction • 1t7

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tes ancrages psychologiques inconscients, c’est- L’individu n’est pas non plus toujours guidé par des
à-dire des processus d’association (volontaire ou intentions complètement claires ou clairement défi-
non) entre un stimulus externe et une représenta- nies ni stables. Comprendre la situation à laquelle
tion interne accompagnée d’un ressenti, poussent le il est confronté peut recouvrir des éléments autres
décideur à accorder inconsciemment une importance que purement informationnels et cognitifs, comme
disproportionnée aux premières informations reçues des éléments d’ordre psychologique et conatif (états
sur un problème, ce qui peut aussi mener à une défi- d’wme, émotions), social (jeux de rôles, conventions
nition erronée de celui-ci. Plus généralement, il faut sociales) et politique (rapports de force et relations
être conscient des schèmes psychologiques des per- d’intérêts) qui jouent sur le plan individuel et collectif
sonnes, c’est-à-dire des représentations mentales qui sur le moment. tamasio (1ss5) montre ainsi que, sans
organisent de façon structurée des situations ou des les émotions, l’être humain a beaucoup de difficulté
expériences semblables. Ces schémas, stockés dans à raisonner et à prendre une décision, c’est-à-dire à
la mémoire à long terme, permettent d’analyser et a trancher b. te plus, trop d’informations peut freiner
d’interpréter des informations nouvelles. Ils servent la décision : des études cognitives ont montré qu’il y a
en quelque sorte de modèle mental, de cadre pour une charge informationnelle et émotionnelle au-delà
traiter l’information et diriger les comportements. de laquelle la qualité des décisions se détériore, voire
Ils conduisent parfois les dirigeants, dans une situa- qui provoque l’incapacité des individus à juger de
tion inédite, à s’entêter à privilégier une solution sans ce qui est pertinent (eray, 2llr ; toomen, 2lls).
s’ouvrir à d’autres options. Par exemple, en 1s5l, Ainsi, on peut dire que si l’être humain a toujours des
odak, qui était alors le géant de la photographie, n’a raisons de faire ce qu’il fait, ces raisons ne sont pas
pas pris au sérieux, à tort, l’invention du Polaroid, un toujours celles qu’il croit être, et il peut se tromper sur
procédé de photographie à développement instantané, lui-même. L’individu procède aussi à des rationalisa-
considérant que cette technique ne correspondait pas tions a posteriori, pour accorder sa pensée à ses actes et
aux attentes des consommateurs. La représenta- non l’inverse. te plus, selon les sociologues qui se sont
tion sociale de la photographie à l’époque, représen- intéressés au processus de décision, la rationalité ne
tation créée par odak, exigeait un développement peut être considérée dans un vide social et en dehors
différé après la prise de vue d’un rouleau de pellicule d’un contexte ; on parle alors de rationalité située bd
sur du papier. Changer les modèles mentaux hérités sur laquelle nous reviendrons.
de l’expérience de chacun et de sa formation discipli- Certaines approches humaines de la décision consi-
naire est une chose difficile. Si l’on est conscient et dèrent même qu’il est difficile d’isoler la cognition du
ouvert à la richesse de la diversité, travailler dans contexte de la décision et de séparer la décision de l’ac-
l’interdisciplinarité, avec des employés ayant des tion. Il est intéressant de noter que le modèle rationnel
formations et des expériences diverses, permet une (dans sa version rationalité limitée ou non) a été remis
remise en question des schèmes mentaux. en question par certains qui considèrent que les déci-
sions sont plutôt chaotiques et sont imprégnées d’am-
Le renversement bigu tés sur les préférences, la pertinence du moment,
l’historique de la situation et de la personne et les inter-
entre décision et action
prétations des personnes en situation (March, 1srr ;
Contrairement aux sciences exactes (quoique, là aussi, March and Olsen, 1sds). Ainsi, en 2ll1, l’ancien maire
le propos mériterait d’être nuancé), les situations de de Nev York, Michael eloomberg, a investi dx M à dans
management ne se pensent pas comme des objets sa campagne politique pour une rémunération annuelle
expérimentaux dont le comportement, la réalité sont d’environ 2ll lll à comme maire de la ville. foici une
objectivables et complètement prévisibles. La décision décision ambigu : quelle était la logique à l’œuvre ? Les
n’est pas qu’un résultat (non optimal) ni un processus, préférences peuvent changer du fait de pressions
c’est aussi une action vécue et contextualisée. técider externes ou des expériences de chacun ; en plus, les pro-
recouvre certes un processus cognitif d’arbitrage entre blèmes et les solutions sont parfois moins connectés par
une infinité de choix possibles, mais il s’opère chaque des liens causaux que par la simultanéité. Cohen, March
fois dans des situations variées, toujours différentes. et Olsen (1sd2) ont ainsi montré, avec leur modèle dit de

2. Pour en savoir plus sur le sujet, voir imon (1f83), labin (1fff), lharreire et zuault (2002) et Rouleau (200e).

1ts • Chapitre L

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la poubelle, que parfois, au lieu de résoudre rationnelle-


ment des problèmes, des décisions peuvent aussi être
générées par des solutions qui se a cherchent b des pro- Le lien entre décision et action
blèmes. Par exemple, quelquefois, un budget inutilisé n’est pas toujours séquentiel.
(solution) se cherche une affectation et trouve a son pro-
blème b à régler, comme l’achat d’un système d’informa-
tion qui n’avait pas été envisagé jusqu’ici. Ainsi, plutôt
La décision est donc indissociable de son contexte
que de servir les raisons d’un choix, les décisions
organisationnel. Elle najt de situations organisées. La
peuvent aider à amorcer l’action, à attribuer des respon-
situation est un vécu organisationnel qu’il nous faut alors
sabilités ou à donner de la légitimité à ceux qui ont pro-
comprendre. La section suivante aborde cette question.
posé ces décisions (erunsson, 1ssl).

Steevy se sert une grosse cuillère de pommes de terre en purée et tend le bol à son
VÉCUES
HISTOIRES

père. l habite toujours chei ses parents g c’est plus facile pour lui d’économiser assei
d’argent pour ramasser sa mise de fonds tout en poursuivant ses études à l’université.
Ceux-ci sont toutefois perplexes quant à son projet. Aucun membre de sa famille n’a
jamais eu la fibre entrepreneuriale.
q Tu ne crois pas que tu en as assei sur les épaules avec tes études et ton travail à temps
partiel l demande sa mère pendant le souper familial.
q C’est vrai, renchérit son père, après tout, j’ai bien l’impression que ce n’est pas parti
pour fonctionner. T’es trop jeune, c’est probablement la raison pour laquelle tout le monde
a refusé de te prêter la somme nécessaire. C’est trop gros.
q Ben voyons, réplique Steevy. Ne soyei pas défaitistes !
l se tourne vers le réfrigérateur couvert de papillons adhésifs de différentes couleurs,
qui font office de pense-bêtes.
q kous voyei ces e Post-it f l ls sont l’un des cinq produits de fournitures de bureau les
plus vendus au monde. Savei-vous qu’ils sont le résultat de multiples erreurs successives l
ja a commencé par une erreur technique : une mauvaise colle. Ensuite par un mauvais
concept : ils ont décidé de mettre la colle sur le tableau plutôt que sur le papier. Et en plus, il
a fallu tout un concours de circonstances pour que le produit soit enfin commercialisé. ja
aura pris cinq ans de refus et sept ans de développement pour que le e Post-it f se ramasse
sur les tablettes des magasins.
q Méchante gang d’incompétents, s’esclaffe le père de Steevy.
q Peut-être, mais moi, je me dis plutôt qu’il ne faut pas se laisser décourager. Maman,
tu me passes les asperges l

6.3 Une approche complexe de la décision en situation


Si l’on pense que l’organisation consiste essentielle- on peut concevoir que la décision relève alors de l’action
ment en un mécanisme de résolution de problèmes, vécue et de l’improvisation noble dans l’action, au cours
alors le processus de décision aspire à une certaine de laquelle les personnes reviennent constamment sur
rationalité (cas des rationalités parfaite, substantive et leur interprétation des situations, des problèmes à
procédurale des approches formelles). Mais si l’on régler, des conséquences et du sens de leurs actions
considère plutôt que l’organisation génère de l’action, pour repenser les problèmes et inventer de nouvelles

La décision et La direction • 1tl

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actions (Starbuck, 1sr2). Les actes mentaux et la leurs circonstances pour effectuer une action intelli-
réflexion peuvent ainsi être vus comme étant impliqués genteb (Suchman, 1srd, p. 5l).
dans l’action ou comme interpénétrant la pratique tès lors, la décision se découvre, se construit et évo
(Schon, 1sr3) 3. lue dans l’action en situation, selon les circonstances
(ce qui se trouve autour). Une situation est en effet un
vécu en contexte, c’est la construction par ceux qui la
La décision (approches humaines) : une vivent d’une interprétation d’un état complexe de rela
tions concrètes qui résulte, à un moment donné, de
interprétation en situation d’ambiguvté l’interaction entre ces personnes et leur environnement
physique, affectif, social, voire culturel, intellectuel,
historique (tuméry, s.d.). Cette construction s’opère à
partir, entre autres, de leur bagage de connaissances
L’idée de situation de décision et d’expériences, d’une part, et des circonstances (com
Prenant le contrepied des approches formelles, certains binaison de faits, d’objets matériels, etc.), d’autre part.
considèrent que la réflexion, la décision et l’action sont Souvenons nous que Follett parlait déjà en son temps
indissociablement a situées b dans un environnement phy de l’importance de comprendre la loi de la situation…
sique, temporel et social. Ainsi, a chaque cours d’action Selon Jacques Girin, une situation de gestion est une
dépend de façon essentielle des matériaux et des circons situation dans laquelle a des participants sont réunis
tances sociales o…p plutôt que d’essayer d’abstraire l’action et doivent accomplir, dans un temps déterminé, une
de ses circonstances et de la représenter comme un plan action collective conduisant à un résultat soumis à
rationnel, mieux vaut étudier comment les gens utilisent un jugement externe b (1ssl, p. 1x2). Ainsi, certaines

Frédérique se masse le lobe d’oreille droit, signe d’une intense réflexion. Elle vole
VÉCUES
HISTOIRES

en direction de Buenos Aires depuis quelques heures maintenant, et le centre de contrôle


des vols vient de l’aviser qu’ils vont faire face à un nuage volcanique inattendu de gai et de
cendres venu du Chili. bes réservoirs de kérosène sont pleins. ls peuvent donc revenir à leur
point de départ ou dérouter l’avion vers une des villes les plus proches. l manque toutefois
une information capitale pour prendre une décision : quel est le taux de concentration en
particules de ce nuage l Sa localisation dans le ciel nocturne est floue. be centre de contrôle
des vols, qui guide Frédérique et ses coéquipiers depuis le sol, doit combiner les images
satellites visibles du nuage avec les modèles mathématiques disponibles pour le calculer.
C’est l’affaire de 15 ou 20 minutes.
q Qu’est-ce qu’on fait capitaine l
q On va suivre le cap indiqué par les opérateurs au sol. Pour l’instant, on continue,
répond-il.
Ses coéquipiers n’ont pas la même conscience du risque de la situation. vabitué des vols
dans les vents violents vers l’Afrique, le capitaine a tendance à e aller voir f au plus près de
l’obstacle avant de renoncer.
Puis l’information arrive enfin, mais le capitaine l’ignore. Frédérique, de son côté,
fait son calcul : il existe vraiment un risque que le nuage endommage la carlingue et les
moteurs de l’avion même s’il ne menace pas la sécurité des passagers. ba facture de la
réparation de l’avion pourrait être élevée s’ils traversent effectivement le nuage. Que faire l
C’est à son collègue capitaine qu’il revient de trancher.

3. Pour plus d’information au-delà des deux extrêmes qu’est la décision comme processus rationnel versus comme processus chaotique (c’est-à-dire
non séquentiel, non relié, sans liens causaux directs, etc.) : voir zicison, wutler, lraa, Mallora et Wilson (1f86) sur les divers tapes de processus de
décision et Nutt (1f8f) sur le potentiel d’action des décisions (la façon dont leur exécution est menée à bien).

140 • Chapitre L

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situations provoquent le doute. Une situation problé- Ainsi, toute situation a un côté a sérendipitaire bk
matique est une situation que nous ne comprenons (voir le chapitre 10), c’est-à-dire qu’elle recèle un poten-
pas de prime abord, car elle semble incohérente ou elle tiel d’heureux hasards ou d’heureuses co ncidences sur
ne cadre pas avec nos connaissances disponibles ou lesquels il s’agit de rebondir dans l’action. Il faut faire
l’entendement commun, et l’on ne sait pas immédia- preuve d’acuité, d’attention, pour détecter sur le moment
tement comment agir en cet instant, en ce moment-là les indices et faire les liens et les ponts entre informa-
pour obtenir un jugement externe favorable. En effet, tions, actions et connaissances. Car a le hasard ne favo-
la situation apparajt comme a perturbée, ambigu , rise que les esprits préparés b, dirait Louis Pasteur. Il
confuse, pleine de tendances contradictoires, obscure, s’agit donc de faire attention à tout indice qui peut se
etc. b (tevey, 1ss3, p. 1dl). présenter au hasard pour solidifier une compréhension.
Une situation est aussi le produit d’interactions pas-
sées et n’est jamais close sur le présent. Elle peut évoluer
en s’ouvrant sur d’autres sens possibles que lui attri- Une situation problématique est
buent ceux qui la vivent et qui, confrontés à l’indétermi-
nation, font toutes sortes d’apprentissages en situation. toujours ambiguw et a sérendipitaire b.
Ainsi, selon yeick (1sds), devant ces situations problé-
matiques, ambigu s, la capacité du manager à intégrer
l’ambivalence, c’est-à-dire l’ouverture à des points de Se trouve ainsi à l’œuvre une forme de vigilance,
vue, des phénomènes ou des attentes opposés h tout en car tout individu doit être doué de sagacité (finesse
recourant dans une juste mesure à la mémoire des expé- d’esprit et vivacité), d’un sens de l’observation et d’une
riences passées, mais sans s’y limiter h, sont des atouts. capacité d’induction-déduction et d’analogie pour
uuels liens établir donc entre la décision en situation et relever les indices de ce qui permet de bwtir un cadre
la connaissance des personnes en situation de décision ? à partir duquel chacun peut construire une interpré-
C’est l’objet de la section suivante. tation du a sens de ce qui se dit et de ce qui se passe b
dans la situation du moment pour y réagir (Journé et
naulet-Croset, 2llr, p. 31).
Les compétences La décision devient alors une sorte de processus
et les connaissances complexe, non séquentiel, d’explicitations et d’inter-
tans une situation problématique, la rationalité à prétations simultanées ou interreliées fondées sur
l’œuvre n’est pas que strictement procédurale. C’est- des compétences et des connaissances humaines. On
à-dire qu’un ajout de connaissance ne permet pas tou- peut tirer deux conclusions des études menées dans
cette perspective.
jours de peaufiner peu à peu la décision et de prendre
la plus pertinente en plongeant dans un répertoire de 1. Ga décision consiste essentiellement en un acte
réponses déjà prescrites par l’organisation (Journé et d’interprétation de la situation (et non un acte de
naulet-Croset, 2llr). Il s’agit d’articuler l’interpréta- choix, d’arbitrage) (Weice, 1blb). C’est en quelque
tion des faits, de la situation, des actions des uns et des sorte un moment of l’individu s’extrait du flux
autres avec de nouvelles connaissances et de produire continu de son expérience des situations vécues,
pour tenter, rétrospectivement, de donner un sens
de nouvelles interprétations. La rationalité est ici plu-
et une plausibilité à ses actes.
tôt créative. Elle mobilise la mètis grecque (la ruse)
et l’ingenium qui est la a faculté mentale qui permet 2. Ga décision est à la fois une action et une pensée
sur cette action. En réfléchissant au sens et à la plau-
de relier de façon rapide, appropriée et heureuse des
sibilité de nos actes, nous explicitons des connais-
choses séparées b (fico, 2l1l, p. LIII). Elle consiste en
sances. Nous reviendrons sur la distinction entre
une aptitude à faire des liens inattendus, des relations
connaissances tacites et explicites dans le chapitre 1l.
productrices de nouveaux sens, d’idées pour l’action,
tans l’action, le corps agit à partir de connaissances
etc. tans le même sens, tejours (2l1x) évoque pour
incarnées. L’action elle-même est ainsi une forme de
sa part l’ingéniosité à l’œuvre chez tout travailleur connaissance tacite. Enfin, on essaie parfois aussi,
confronté au défi de réduire l’écart entre travail réel et en retour, d’expliciter ces connaissances tacites une
travail prescrit. fois l’action réalisée (Polanyi, 1scc ; Scharmer, 2ll1).

4. De seren ipit : terme anglais signifiant la découverte par chance ou sagacité de résultats qu’on ne cherchait pas, selon le sociologue Merton (1f4f).

La décision et La direction • 141

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Ainsi, dans la réalité du travail quotidien, chaque per- conditions managériales favorisant l’autonomie, l’initia-
sonne prend des décisions : en faisant, en réfléchissant, tive, l’apprentissage, la coopération et l’auto-organisation
en discutant avec autrui des difficultés qu’elle éprouve, fondées sur l’expertise de tout un chacun qui participent
lorsqu’elle est confrontée au travail réel et à l’écart entre de l’ingéniosité et de l’intelligence collective à l’œuvre.
le réel et le prescrit. Plus la per-
sonne est compétente, plus elle
s’est approprié son métier, plus
La décision en situation (approche humaine) relève de
elle peut produire des décisions
inédites dans des situations pro- connaissances à la fois explicites et tacites-incarnées.
blématiques. Ce sont alors aussi les

6.4 De la décision complexe à la direction humaine


uuand un pilote prépare son vol et vérifie tous les para- formalisées dans des procédures qui disent quoi faire),
mètres de l’avion avant le décollage, prend-il des déci- et les décisions non programmées ni programmables,
sions ? Il applique un protocole qui contient tous les celles qui se déroulent dans l’action en situation (quand
éléments et indicateurs à vérifier et qui a donc été décidé on ne sait pas a priori quoi faire). Ces décisions ne
préalablement par d’autres. tans le cas d’incidents en relèvent pas seulement d’une rationalité instrumen-
cours de vol, par contre, il faut construire une décision tale, elles incarnent différentes raisons d’agir. En effet,
fiable et agir si un moteur peine, si un passager est en management, la plupart des situations managériales
malade, si un voyant s’allume de façon impromptue, etc. dont découle une prise de décision relève du cadre de
Il faut alors décider de modifier les paramètres du vol, la complexité, car elles engagent des rationalités mul-
ou de changer de trajectoire, ou de retourner à l’aéro- tiples et une multiplicité de personnes qu’il faut savoir
port, etc. Cette décision se construit à plusieurs, dont le diriger, c’est-à-dire faire converger et engager dans l’ac-
copilote. Elle se base, entre autres, sur des informations tion. Tout cela n’est pas sans lien, ultimement, avec l’ap-
factuelles (les paramètres du vol, les données météorolo- proche managériale même de l’entreprise.
giques, les caractéristiques des infrastructures des aéro-
ports les plus proches, etc.), sur un jugement porté sur
Les rationalités à l’cuvre :
ces informations à partir de l’expérience cumulée de ce
genre de situation, et sur une part intangible et imman- les raisons d’agir
quable d’émotions, bref, de subjectivé à l’œuvre, dans On considère aujourd’hui que toute action de l’être
un contexte fréquent de fatigue physique et psychique. humain s’inscrit dans trois mondes simultanés par
Il faut donc dissocier les décisions que l’on pourrait l’intermédiaire de trois types d’agir en situation : l’agir
qualifier de a préprogrammées b, héritées d’un proces- téléologique ou stratégique, l’agir moral-pratique et
sus analytique rationnel et planificateur (les décisions l’agir expressif ou dramaturgique (voir le tableau 6.2).

TABLEAU 6.2

Les trois formes de l’agir


Agir Rationalité Monde Critère de validation
Téléologique ou lognitive-instrumentale Objectif o Vérité
stratégique ou par rapport à une fin • Efficacité

Moral-pratique kxiologique ou en rapport ocial • Justice


à des normes et à des valeurs • bquité

Expressif ou Par rapport à la présentation ubjectif • Véracité


dramaturgique de soi • kuthenticité
• lohérence expressive

ource : kdapté de Dejours, 2014, p. e8.

142 • Chapitre L

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L’agir téléologique ou stratégique construites dans un monde social o une action s’ex-
tans un monde matériel et physique, les choses sont plique parce qu’elle est bonne, juste et équitable. Si
transformées par l’individu en action, orienté vers une l’ingénieur fait le choix de telle machine pour effectuer
fin à atteindre selon une rationalité instrumentale. telle opération sur la ligne de fabrication, c’est pour amé-
L’action rationnelle se prouve comme vraie et efficace liorer le vivre-ensemble dans l’usine ; par exemple, une
dans le monde objectif. Si un ingénieur, directeur de twche est pénible au point qu’il devient dégradant ou
production, fait le choix de telle ou telle machine sur dangereux de l’accomplir. Ceux qui y sont obligés sont
la ligne de fabrication, c’est pour améliorer la produc- frustrés de cette assignation ingrate. Il est souhaitable
tivité de cette dernière. Par exemple, l’automatisation de l’automatiser pour restaurer une équité au travail.
pallie la fatigue humaine
et augmente la quantité de
produits fabriqués à l’heure. La décision n’est jamais neutre et peut être guidée par
Ce n’est toutefois pas la
seule forme d’agir, contrai- trois formes d’agir : l’agir téléologique ou stratégique,
rement à ce que laissent
l’agir moral-pratique et l’agir expressif ou dramaturgique.
penser les approches for-
melles du management.

L’agir moral-pratique L’agir expressif ou dramaturgique


L’agir moral-pratique est plutôt orienté vers la bonne tans le monde subjectif, l’action de l’un doit être com-
entente, le vivre-ensemble en société, le lien social, le prise par autrui pour ne pas être vouée à l’échec. On
civisme ordinaire. Le terme pratique est à opposer à parle alors d’intersubjectivité. Il importe donc que,
l’instrumental. Il renvoie aux pragmata d’Aristote, c’est- selon le lieu, le temps et le contexte culturel, la forme
à-dire aux affaires humaines qui demandent la délibé- expressive dans laquelle l’action est présentée la rende
ration et la décision et non pas la déduction et le calcul. légitime et justifiée aux yeux des autres, parce qu’elle
Il a renvoie spécifiquement à l’ordre de la praxis, c’est- est véridique, authentique et d’une grande cohérence
à-dire de l’action résultant d’un choix moralement déli- expressive. Par exemple, si l’ingénieur et les opérateurs
béré b (tejours, 2l1x, p. dc), selon une rationalité dite de son équipe ont fait ensemble le choix d’inaugurer
axiologique, car guidée par des valeurs et des normes telle machine sur la ligne de fabrication aujourd’hui

Geneviève sent qu’on lui agrippe le bras. Elle se retourne vers le patient qui l’a
VÉCUES
HISTOIRES

accrochée au passage et constate qu’il vient probablement juste d’arriver, car son chapeau
et ses bottes sont toujours couverts de cette grosse neige qui tombe depuis tôt ce matin.
q Faut que je vois un médecin tout de suite, dit-il avec agressivité.
Geneviève sent une colère sourde lui vriller les entrailles. Elle a beaucoup de difficulté
à supporter ces personnes qui pensent mériter un traitement de faveur au mépris de celles
qui attendent depuis des heures aux urgences et à l’encontre des procédures mises en place
par la direction et l’équipe de consultants dans le cadre du projet Lean de l’hôpital. Mais
sa gentillesse et son empathie instinctives reprennent le dessus, et elle lui offre un sourire
réservé avant de laisser tomber son regard sur la main de l’individu qui serre toujours son
bras. l la lsche immédiatement.
q ae suis désolée, madame. Ses yeux se remplissent de larmes. C’est juste que j’ai eu
un accident de voiture tantôt, je me suis blessé en portant secours au conducteur qui m’a
percuté. Mais da m’a mis terriblement en retard. ae dois aller chercher mon fils à la garderie
dans une heuret Et je suis monoparental. a’ai personne pourt
q ae comprends, asseyei-vous ici un instant. ae vais voir ce que je peux faire.
Mais que pourrais-je bien faire l se demande-t-elle en balayant des yeux la salle d’attente
bondée. Combien d’autres personnes vivent la même situation que ce père de famille l

La décision et La direction • 14t

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à cette heure précise, c’est pour rendre hommage à terme, mais que l’individu n’est pas solvable, l’action
un travailleur qui s’est blessé à ce moment-là et à cet de vendre une carte de crédit se fera au détriment de
endroit dans l’usine. L’achat de la nouvelle machine la banque à long terme. La situation peut nécessiter
a été fait pour éviter que d’autres accidents du même la concertation avec d’autres collègues possédant une
genre ne surviennent à l’avenir. expérience de ces situations paradoxales.
te plus, une décision n’a ni début ni fin en quelque
Le cadre de la décision complexe sorte. Une décision n’apparajt pas comme un événe-
ment ponctuel, mais comme un enchajnement de réac-
Les trois formes d’agir précédentes coexistent en toute tions qui la rend complexe et imprévisible. i la suite
situation et façonnent la complexité du cadre de la de la faillite d’un client à qui il a vendu une carte de
décision en management. Une conception humaine crédit, le commis bancaire pourra tomber en dépres-
du management stipule d’emblée que les situations sion, revenir après quelques mois de congé, s’inscrire
managériales relèvent de cadres de décisions com- au syndicat ou à une association, ou à un groupe de
plexes, voire chaotiques. Les tenants des approches pression externe pour défendre une vision plus res-
humaines estiment que la décision est indissociable ponsable du service bancaire, ou encore proposer à
d’un contexte d’incertitude, quels que soient les savoirs l’interne un programme de formation à la détection de
accumulés : la décision implique un choix, sinon elle la détresse sociale des clients, etc. Ces enchajnements
n’est que l’application d’un programme (terrida et de réactions sont imprévisibles dans leur totalité. Pour
eeardsvorth, 1ssx). te fait, c’est dans l’indécidabilité, les cerner, il s’agit de développer une conscience col-
dans l’instant de rupture cognitive et dans le moment lective (distributed cognition) (mutchins, 1ss5, 1ssc) de
d’hétérogénéité entre les savoirs acquis et les consé- la situation. Cette dernière passe par la concertation, le
quences non anticipées que se situe la décision, qui dialogue, bref, par la délibération.
n’est alors pas qu’un processus rationnel, mais aussi un
phénomène créatif intuitif. Une situation est complexe
dans la mesure o la complexité est un construit des Organiser la délibération
acteurs et non pas une donnée du système (Journé et tans la réalité, toute action revêt donc les trois formes
naulet-Croset, 2llr). C’est donc la confrontation des d’agir. Travailler consiste non seulement en l’accom-
perceptions, des intérêts, des représentations, etc. des plissement d’actes techniques jugés utiles et efficaces,
multiples acteurs d’une situation qui la rend complexe. mais entretient aussi une organisation sociale et pro-
Par exemple, pour un commis en succursale bancaire, duit des jugements intersubjectifs de qualité beauté
vendre une carte de crédit à un client peut sembler du travail et de reconnaissance par les uns et les autres
simple : il s’agit d’appliquer une procédure incitative, de ce travail. Toute action-décision dans l’un des trois
car le commis perçoit des primes sur le nombre de mondes (objectif, social ou subjectif) a un impact, sou-
cartes vendues, et de remplir un formulaire. Mais si vent contradictoire, sur les deux autres.
le commis intègre à son interprétation de la
situation ses présomptions sur la situation
socioéconomique du client qu’il a en face de
lui h dont il ne connajt pas l’état des richesses La décision bien gérée engage la délibération.
ni la solvabilité en dehors de son compte
bancaire de la succursale h, la difficulté que
ce client peut éprouver à remplir les formulaires s’il est La rationalité instrumentale, qui prime dans les éco-
analphabète fonctionnel ou allophone, le besoin tem- nomies modernes contemporaines financiarisées, pri-
poraire du client qui n’est peut-être que de passage au vilégie souvent l’efficacité au détriment du corps social
pays, sa compréhension des objectifs et de la philoso- et du sens du travail sur ce que serait le travail bien fait
phie de son entreprise, ses propres convictions et ses selon la situation. Pour revenir à l’exemple plus haut, la
craintes relatives à sa prochaine évaluation au travail, multiplication de la vente de cartes de crédit par les com-
et tout ce qu’il ne sait pas qu’il ne sait pas, alors le cadre mis pour maximiser leurs primes et les intérêts dus à la
de la décision se complexifie. a fendre une carte de banque par les clients momentanément non solvables
crédit b devient alors une situation de décision char- détruit le côté collectif du travail par l’auto-isolement
gée d’ambigu tés et de contradictions. Et si les résul- des commis bancaires qui ont honte de leur pratique.
tats sont intéressants pour lui et pour la banque à court Ceux qui n’agissent sur la situation qu’en appliquant

144 • Chapitre L

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la procédure de vente de cartes plutôt que d’exercer un groupe b fait référence à la détérioration de l’effort
libre arbitre authentique et cohérent avec eux-mêmes cognitif, de la mise à l’épreuve des faits et du juge-
en viennent alors à une déprofessionnalisation. ment moral qui résultent des pressions du groupe
La rationalité d’une action menée en coopération (à uni (voir le tableau 6.3 à la page suivante).
plusieurs), engageant ces trois mondes, devrait donc plu- • Ges stéréotypes de genre (plafond et paroi de verre
tôt être établie sur la base d’une délibération ouverte, pour les femmes), d’wge (stéréotypes sur les géné-
pluraliste : un débat contradictoire o des opinions diffé- rations ou les travailleurs séniors), ou encore liés à
rentes peuvent s’affronter, sur les fins et les moyens, pour toute forme de diversité (sexuelle, origine ethnique,
parvenir à un compromis et au mieux à un consensus handicap, origine géographique et sociale) consti-
entre acteurs, et ce, dans des espaces de discussion for- tuent autant de préjugés qui façonnent les interpré-
mels, comme dans des espaces informels aménagés par tations d’une situation.
l’organisation et animés par les managers. En
guise d’espaces formels, on pense aux réunions
d’équipe ou de direction, aux séances d’infor- Un modèle participatif de direction puise
mation, de rétroaction ou de synthèse qui
peuvent être coordonnées dans l’organisation dans les avantages de la décision de groupe.
(voir le chapitre 8). Pour ce qui est des espaces
informels, on renvoie aux espaces sources d’une
convivialité plus fortuite comme la cafétéria, la
cuisine, le vestiaire, les occasions festives (anniversaires,
célébrations, etc.). jn effet, les intelligences indivi-
duelles ont besoin de s’articuler entre elles pour co-
opérer, et c’est le rôle du manager que de s’assurer
d’entretenir constamment les conditions propices de
la coopération, ou encore de l’intelligence collective
(tejours, 2l15). Les espaces informels témoignent en
particulier d’une activité développant la confiance au
sein de l’organisation et doivent être considérés comme
tels par les gestionnaires.

De la nécessité du débat contradictoire


Pourquoi mener une délibération contradictoire ? Pour
éviter les aberrations connues d’ordre sociopolitique
de la décision à plusieurs (Morel, 2l12a, 2l12b). En Les espaces de travail des bureaux de Shopify, Montréal
effet, si les sciences cognitives se sont penchées sur la
décision et sur ses biais cognitifs d’un point de vue Il faut aussi considérer l’organisation et l’approche
essentiellement individuel, il ne faut pas négliger managériale comme un facteur important influant
d’autres facteurs influençant la prise de décision, an- sur le processus de décision en raison de la façon dont
crés dans la relation sociale et le collectif de travail. les pouvoirs sont répartis, les règles et les procédures
• Ga preuve sociale (ou preuve par la masse) : les formalisées ou non, et surtout l’intelligence collective
individus qui ne savent quoi penser d’une situation mobilisée ou non. Les managers, selon leur style de
ont tendance à imiter ce que fait la majorité des gens, leadership, utiliseront ou non la force de la décision de
raccourci grégaire commode, mais au risque de l’ef- groupe. On sait que le groupe présente l’avantage d’of-
fet délétère de l’ignorance collective du troupeau de frir plusieurs points de vue et le partage d’un plus grand
moutons de Panurge (Cialdini, 2llx). nombre d’informations pour éclairer une décision qui,
• Ga pensée de groupe : selon Janis (1sr2, p. s), c’est par ailleurs, sera d’autant mieux acceptée et mise en
un a mode de pensée adopté par des personnes qui, œuvre qu’elle est collective (voir le tableau 6.4 à la page
lorsqu’elles sont profondément impliquées dans un suivante). Cela, bien skr, ne doit pas faire oublier les
groupe uni, s’empêchent de concevoir d’autres plans inconvénients connus du groupe : le désir d’acceptation
d’action ou solutions que ceux proposés afin de pré- de soi par les autres peut limiter l’expression individuelle
server l’unanimité des membres b. La a pensée de de solutions créatives pour faire consensus. La situation

La décision et La direction • 14k

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empire quand une personne est dominante et qu’elle point b au lieu de chercher à résoudre un problème ou
rallie le reste du groupe à son point de vue. En l’absence à construire une compréhension partagée d’une situa-
d’un leadership et d’une animation adéquate du groupe, tion peuvent aussi provoquer des discussions stériles et
les pressions exercées par chacun pour a gagner son ralentir le processus de décision.

TABLEAU 6.3

Les symptimes de la pensée de groupe


Forme de pensée
Symptôme Définition
de groupe
Autosurestimation Illusion de Les membres du groupe se croient intouchables et ont tendance à une prise
du groupe l’invulnérabilité de risque excessive.

Croyance en la supériorité Le groupe a tendance à penser que sa propre morale est supérieure à toute autre
morale du groupe et donc à ignorer les conséquences morales et éthiques de ses propres décisions.

Étroitesse d’esprit Rationalisation collective Le groupe s’efforce collectivement de produire les arguments qui écartent
tout contre-avis qui remettrait en cause ses hapothèses initiales et ses
décisions précédentes.

Stéréotypes sur autrui kutrui est considéré avec partialité ou avec des préjugés par le groupe.
les a priori font écran à toute affirmation ou proposition d’option qui irait
à l’encontre de ces convictions.

Pressions pour Autocensure ml s’agit d’un faux consensus apparent du fait que certains s’autocensurent
l’unanimité et répriment l’expression de leurs doutes ou de leurs contre-arguments.

Pression directe sur Une forte pression à la conformité est exercée sur tout individu qui s’écarterait
les dissidents des stéréotapes, illusions et engagements du groupe, afin qu’il s’aligne sur le
consensus, sous peine d’être ostracisé pour déloaauté.

Illusion de l’unanimité Les pressions à la conformité et l’autocensure contribuent à un consensus pseudo-


unanime, sur la base du faux principe selon lequel « qui ne dit mot consent ».

kardiens de la pensée lertains membres protègent le groupe de toute information contraire qui
viendrait semer le doute ou fragiliser la conviction et l’autosatisfaction du
groupe d’avoir pris la bonne décision.

ource : kdapté de Janis, 1fe2, p. 1fe-1f8.

TABLEAU 6.4

La prise de décision à plusieurs : avantages et inconvénients


Inconvénients
Avantages
Un chameau est un cheval de course dessiné
Deux têtes valent mieux qu’une. a
par un comité. a (Churchill)

• Plus de points de vue • Lenteur


• Plus d’informations, de connaissances et d’expériences • Domination par un individu ou une minorité d’individus influents
• Plus d’idées • Pressions de certains individus pour « gagner leur point » plutôt
• kcceptation favorisée de la solution retenue, car les membres que résoudre le problème
adhéreront plus facilement à une décision à laquelle ils • Dilution de la responsabilité au sein du groupe
ont participé (ambiguÉté et inertie)
• Mise en puvre facilitée des décisions jugées plus légitimes, • Pressions pour un consensus : désir d’acceptation,
car prises collectivement (implantation) réduction des décisions créatives
• Pensée de groupe : abandon de l’esprit critique individuel

14c • Chapitre L

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Jean-Yves est heureux g il finalise la dernière entente pour le montage du kiosque

VÉCUES
HISTOIRES de présentation de la compagnie pour la prochaine foire annuelle qui aura lieu à bas kegas.
ba compagnie de kictor s’occupera de fournir les techniciens qui monteront le kiosque.
q ae vais remplir le devis d’après ce qu’on vient de conclure, et vous pourrei repartir avec
votre copie, dit aean-cves à kictor en secouant sa souris pour rallumer son ordinateur qui
s’était mis en veille durant leur conversation.
b’opération semble durer une éternité.
q Désolée, s’excuse aean-cves, mon ordinateur est un peu lent.
q Moi, je change mon système informatique tous les trois ans. C’est compliqué à faire,
notamment avec mes collaborateurs qui ne voient pas l’intérêt de la nouvelle technologie étant
donné que le précédent système répond bien à leurs besoins, affirme kictor.
q Pourquoi changer tous les trois ans, alors l
q Parce qu’on m’a dit qu’après trois ans, les ordinateurs sont moins performants,
répond kictor.
aean-cves tourne les yeux vers le client.
q Est-ce qu’une panne est déjà arrivée au cours d’une période de trois ans l
q Non.
q Pourquoi alors faire ce changement systématiquement l
q Parce que les gens de mon réseau social m’ont dit qu’il fallait le faire, répond kictor.
aean-cves éprouve soudain l’envie de lui répondre la vieille rengaine de sa mère :
e rais-tu te jeter en bas du pont si tout le monde le faisait l f l décide plutôt de se taire.

eref, il est possible que la décision de groupe ne managers qui assument leurs décisions ? En quoi l’ap-
reflète qu’une a pensée de groupe b, dépouillée des proche managériale peut-elle museler ou encourager le
véritables apports critiques individuels qui n’auront débat ? On peut dissocier deux approches en matière de
pas pu ou voulu s’exprimer (voir les tableaux 6.3 et 6.4). rapport à l’erreur: une approche managériale de type
Les décisions qui en résultent peuvent d’ailleurs se a sécurité b et une autre de type a qualité b (tejours, 2l1x).
révéler catastrophiques. Janis (1sd2, 1sr2) a étudié, L’approche managériale de type d sécurité e
entre autres, le cas de la préparation de l’opération de Une approche managériale de type a sécurité b vise-
la baie des Cochons, déclenchée en 1sc1, sous la pré- rait à détecter l’origine et à déterminer les moyens de
sidence de John F. ennedy. Le secrétaire d’État, tean contrôler les défaillances humaines en toute situation
nusk, et l’assistant du président, Arthur Schlesinger, de travail. tans cette perspective plutôt formelle et
se seraient retenus d’exprimer leurs hésitations, et le technique, l’objectif est celui de la garantie de la sécu-
débarquement à Cuba s’est soldé par un échec retentis- rité par la prescription de normes fonctionnelles de
sant. La décision est donc une question d’engagement travail strictes. tans le contexte de la poursuite du
et de mobilisation des personnes qui implique des risque zéro et de la foi en l’hyperrationalité, l’approche
jeux de pouvoir et une gestion de volontés contraires. a sécurité b requiert de traquer les sources de défail-
C’est donc aussi une question de direction et de lea- lance dans toute situation supposée intégralement
dership. Nous y reviendrons dans la dernière section décomposable et connaissable. Toute erreur ou faute,
de ce chapitre (voir la page 149). qu’elle soit attribuée à la négligence ou à l’incompé-
tence des opérateurs d’un côté ou aux insuffisances
Le rapport à l’erreur et la culture dans la conception des règles prescrites par les gestion-
de la non-punition naires de l’autre, entrajne l’activation d’un contrôle,
Pour que la délibération ait lieu, qu’existe le débat d’une surveillance, la vérification de consignes, l’ap-
contradictoire, nécessaire à partager idées, opinions, plication de règlement et peut résulter en des mesures
connaissances et à purger les doutes, quel esprit faut-il disciplinaires et des sanctions, ou encore en de la for-
adopter devant l’erreur en matière de décision ? mation. tans cette culture de la a sécurité b, qui vise la
Jusqu’o sont engagées les responsabilités juridique, conformité maximale à un référentiel normé, l’erreur
morale et éthique, technique et opérationnelle des et la faute sont à sanctionner.

La décision et La direction • 147

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L’approche managériale de type d qualité e sur la finalité de l’organisation, de la rééquilibration


Une approche managériale de type a qualité b viserait des rapports entre l’individu et l’organisation et d’un
plutôt à comprendre comment mobiliser, développer appel aux expertises existantes au sein et hors de l’or-
et gérer les capacités et les connaissances des per- ganisation pour améliorer les décisions. tans ce cadre,
sonnes de façon à améliorer la qualité du travail indi- si la faute demeure condamnable, l’erreur ne doit pas
viduel et collectif et, par ricochet, la sécurité. tans ce Dtre punie. Par exemple, un pilote qui prendrait les
cas, le management admet que toute situation ne peut commandes d’un avion en état d’ébriété commettrait
être intégralement connue et qu’il faut laisser place à une faute. Mais il peut faire erreur dans l’évaluation de
l’imprévisible et à l’inconnaissable. nappelons-nous la situation de son vol à un moment donné. Dans cet
par ailleurs qu’il y aura toujours un décalage entre l’or- esprit, le partage de connaissances par le retour d’ex-
ganisation du travail comme prescrite par les mana- périences sur ces erreurs doit être encouragé (Morel,
gers et l’organisation du travail réelle. tans cet espace 2l12a et 2l12b ; yeick et Sutcliff, 2lld).
logent l’ingéniosité à l’œuvre du travailleur,
la dimension strictement humaine sub-
jective et collective du travail dont il s’agit
d’assurer l’expression. tans ce contexte, Un modèle humain de décision-direction engage
le risque zéro n’existe pas. La sacro-sainte un rapport différent à l’erreur : la non-punition
sécurité technique maximale est mise
de côté, car il devient impossible de tout est une source d’apprentissage pour mieux
connajtre. Il s’agit plutôt d’aller chercher la cerner le réel.
meilleure fiabilité possible au moyen d’une
culture entendue sur les buts généraux et

Frédérique s’est finalement posée à Buenos Aires dans le brouillard matinal.


VÉCUES
HISTOIRES

C’est pourquoi elle n’a pas vu avant le lendemain matin, en ouvrant les rideaux, que
les voitures de la ville étaient toutes couvertes d’une couche grise de poussières volcaniques.
Elle prend son petit déjeuner à l’hôtel quand un membre de son équipage vient lui apprendre
que tous les vols des compagnies concurrentes ont été annulés cette nuit-là et que leur
compagnie aérienne a annoncé l’annulation de tous ses vols pour la journée. m présent,
elle se demande s’ils n’ont pas fait erreur en poursuivant leur chemin. ls sont peut-être
parvenus à bon port, mais l’avion a-t-il été endommagé l Combien coûteront les réparations l
veureusement, l’entreprise de Frédérique a adopté une pratique de la non-punition.
Pour inciter les pilotes à remplir des rapports de sécurité de leurs expériences de vol,
la compagnie garantit l’anonymat des documents qui sont gérés par une cellule spéciale.
C’est la même chose pour les suivis des vols contrôlés en direct sur plus de 200 paramètres
par une autre unité spécialisée. Tout est traqué au mètre près, au nœud près pour analyse.
Grsce à cela, on connaît en direct les comportements des vols sur écran 3D et l’on peut
détecter les anomalies. Mais le plus important, c’est que toutes ces données numérisées
demeurent anonymes. Si un pilote veut revoir après coup l’un de ses vols, il peut demander
à le visionner, mais le management, lui, n’a que les données brutes. l aimerait d’ailleurs
pouvoir lever cette contrainte dans certains cas graves, à juste titre, pour qui fait n’importe
quoi à bord. Au syndicat de Frédérique, on se montre plutôt méfiant envers le management.
Même si l’on croit à la volonté réelle d’améliorer la sécurité des vols, on craint la dérive vers
la sanction et, surtout, que la direction se serve de ce moyen pour licencier du personnel
quand cela l’arranget

14s • Chapitre L

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6.5 La décision, la direction et le leadership


L’approche managériale de l’entreprise se matérialise décrirons ce qu’est et fait un manager-leader impliqué,
dans des choses concrètes : c’est notamment dans le responsable, ancré dans un rapport à l’avenir, qui peut
domaine de la décision qu’elle se manifeste le plus se tromper et apprendre de ses erreurs.
clairement. Par exemple, cela se produit au moment de
constater qui décide, sur quoi, comment… La nature Le travail réel de direction
et la façon dont les décisions sont prises constituent
entre autres des éléments qui déterminent, chez les tans un travail de recherche mené au milieu des an-
employés, si le management est cohérent, c’est-à-dire nées 1scl et devenu depuis un classique, Mintzberg a
en accord avec ses principes. Pour préserver la moti- minutieusement recensé les twches accomplies par cinq
vation et l’engagement de tous à coopérer dans l’en- dirigeants américains en les observant au quotidien
treprise, il faut que a les bottines suivent les babines b. pendant quelques semaines. Il a constaté que 5l des
Le manque d’authenticité du management est rédhibi- twches accomplies par ces dirigeants duraient moins de
toire. Les styles de décision et les styles de leadership s minutes. Moins de 1l de leurs activités excédaient
sont également indissociables. Comment alors diriger une heure à l’époque, et ils ne pouvaient travailler plus
pour préserver l’adhésion de tous à la destinée de l’en- de 3l minutes en continu qu’une fois tous les deux jours.
treprise et l’engagement à la participation aux déci- Il corroborait ainsi les résultats d’une autre étude amé-
sions dans telle ou telle situation ? ricaine sur les activités de contremajtres montrant que,
sur une période de r heures, ceux-ci effectuaient une
Il n’est pas rare de voir en couverture de magazine
activité différente toutes les xr secondes (Mintzberg,
d’affaires la photo d’un chef d’entreprise présenté en
2llx). Loin d’être un planificateur systématique, le ma-
héros. La nécessité d’un manager-super-décideur-
nager semble plutôt œuvrer, voire improviser dans le
leader correspond à un mythe fort en Occident.
flot constant de multiples situations, nourries à l’époque
t’ailleurs, la littérature sur le leadership est majoritai-
par d’innombrables appels téléphoniques, courriers, etc.
rement américaine. On décèle en fait dans les discours
managériaux deux figures héro ques derrière celle du Les dirigeants observés alors occupaient également
dirigeant : celle du manager qui œuvre avec compé- plus de d5 de leur temps à des communications ver-
tence, raison et pour le bien collectif, et celle du lea- bales. Pour s3 d’entre eux, les contacts verbaux étaient
der dont l’intuition, l’instinct, le caractère visionnaire plus souvent improvisés que planifiés. En outre, xl
mobilisent et emportent l’adhésion. Ces deux figures des contacts étaient purement orientés vers la transmis-
véhiculent le besoin d’un héros qui indique une sion d’informations. Enfin, les gestionnaires passaient
direction à suivre, un chemin pour y parvenir et qui environ x5 de leur temps à discuter avec des pairs
possède une capacité à inciter les autres à aller dans extérieurs à l’entreprise, ils consacraient x5 de leur
cette direction. Pourquoi ce besoin ? Il provient vrai- horaire à échanger avec leurs subordonnés et seulement
semblablement d’un rapport occidental au monde de 1l de leur temps à s’entretenir avec leurs supérieurs.
nature téléologique et instrumentale. Les actions sont i l’ère des technologies de l’information et de la
menées en fonction de buts établis sans interrogation communication, cette transmission d’informations a
réflexive sur les buts eux-mêmes, et tous les moyens, peut-être changé de véhicule, mais son intensité est
y compris humains (motivation des personnes, com- restée la même. Le manager-leader joue donc un rôle
munication efficace) sont utilisables pour les atteindre. central dans la communication, la circulation d’in-
Mais est-ce réellement ce que la direction doit être et formation et le partage de connaissances (voir le cha-
doit faire ? Plutôt que de distinguer ces deux figures pitre 10). Follett évoquait déjà, au début du xxe siècle, le
(manager et leader), nous verrons plutôt qu’elles se rôle fondamental du leader dans l’intégration des dif-
confondent et nous proposons de substituer à la figure férents points de vue en toute situation managériale.
du dirigeant-manager-leader héro que la figure du earnard, pour sa part, rappelait l’importance de la per-
dirigeant-manager-leader humble et engagé. Nous suasion, c’est-à-dire de formuler et de communiquer

La décision et La direction • 14l

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les finalités et les objectifs h pour lui des ordres de mécanismes de coordination (voir les chapitres 8 et 9),
qualité h de l’entreprise pour entretenir la coopération. mais cela passe aussi par des relations interperson
iriger, c’est donc en grande partie se renseigner sur nelles de qualité, qui sont par nature informelles. C’est
de nombreuses questions, sans même qu’elles soient tou pourquoi nous nous pencherons plus précisément ici
jours préalablement et délibérément formulées, de façon sur les différentes approches du leadership, cette puis
à faire circuler les renseignements judicieux pour cons sance de relation qui participe de la qualité de la coor
truire des choix éclairés ou régler des situations mana dination et de la confiance dans la coopération. tans
gériales problématiques (voir l’encadré 6.1, page 135). les approches traditionnelles du leadership, cette capa
Il est intéressant de prendre connaissance du prin cité est incarnée par des personnes et, de fait, suppose
cipal sens du nom latin directio, qui signifie surtout l’exercice d’une influence et d’une autorité, bref d’un
a alignement b (Gaffiot, 1s3x, p. 533). Un retour sur la pouvoir individuel. Précisons d’abord cette notion
définition étymologique du verbe a diriger b (dirigo) est de pouvoir avant de décrire les différentes approches
aussi instructif. Signifiant d’abord a conduire selon cer classiques et contemporaines du leadership.
taines règles b (1xs5), ce verbe prend plus tard (1csl) le
sens de a diriger la conscience, les études b (vvv.cnrtl.fr). Le leadership : distinguer
Nous avons vu évoluer dans le temps les conceptions influence, autorité et pouvoir
de la direction d’entreprise d’une vision autocratique et
hiérarchique à une vision plus intégrative et sociale, i la notion de leadership, définie comme force
de l’activité de commander liée aux approches for d’influence et pouvoir de relation, et à la figure du
melles à celle de conduire guider liée aux approches manager leader sont liés trois aspects incontour
humaines. Nous proposons pour notre part de défi- nables : l’influence, l’autorité et le pouvoir (French et
nir la direction comme l’aptitude à faire converger le naven, 1scl). L’influence correspond à la capacité du
maximum d’énergies productives et créatives afin de dirigeant d’obtenir l’adhésion volontaire des membres
conduire la coordination tout comme la coopération aux objectifs ou à un projet de l’entreprise. L’autorité
dans l’entreprise. nappelons que la coordination fait est associée à une forme d’influence légitimée, fon
référence à la prescription formelle du travail et de ses dée sur le droit du dirigeant d’exiger l’obéissance des
règles, alors que la coopération renvoie au travail effec subordonnés en vertu de la fonction hiérarchique qu’il
tif, par nature collectif. occupe. Enfin, le pouvoir découle de l’influence et de
l’autorité. Ainsi, le pouvoir du dirigeant peut najtre de
Alors que l’entreprise évolue de façon dynamique
dans un environnement en continuelle transforma l’influence qu’il exerce sur son entourage en raison
de ses connaissances ou de son expertise, ou encore
tion, la direction de l’entreprise vise à favoriser l’adhé
à cause de ses qualités personnelles, qui en font un
sion et l’action de tout un chacun envers les objectifs
meneur ou une figure de proue (pouvoir d’influence).
de l’organisation. tiriger, dans la perspective des
Le pouvoir peut également provenir de la fonction
écoles formelles d’administration, c’est commander et
d’autorité (pouvoir légitime). tans le tableau c.5, nous
influencer. Selon une perspective plus humaine, c’est
présentons les bases sur lesquelles peut s’appuyer le
plutôt informer et encourager les personnes qui contri
pouvoir de la direction.
buent et coopèrent à la conception et à l’exécution des
décisions réalisées dans l’entreprise par la création Le tableau c.c illustre les liens qui unissent les
d’un milieu de travail propice à l’engagement notions de pouvoir, d’influence et d’autorité.
et à l’épanouissement individuel et collectif.
Informer les employés, mobiliser et fédé
rer les énergies productives et créatives peut cistinguer les sources du pouvoir individuel,
se faire de façon formelle au moyen de poli un mélange d’autorité et d’influence.
tiques, de règles, de récompenses et d’autres

1k0 • Chapitre L

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TABLEAU 6.5

Les bases du pouvoir


Types de pouvoir Caractéristiques
Pouvoir de wasé sur la conviction qu’une personne est capable de récompenser l’obéissance ou la loaauté
récompense dont fait preuve une autre personne.

Pouvoir coercitif • gondé sur la crainte que le leader exerce sur son entourage.
• wasé sur la perception qu’une personne est capable de punir, soit psachologiquement, soit phasiquement,
quelqu’un qui n’obéit pas ou qui n’est pas loaal et qu’elle est prête à le faire.

Pouvoir légitime • Venant de la position hiérarchique qu’occupe le leader.


• Repose sur le droit légal qu’a une personne de prescrire un comportement ou de donner un ordre.

Pouvoir de référence wasé sur la référence à une personne (personnalité) particulière, à un groupe de personnes,
à un but ou à un idéal particulier poursuivi par une personne ou un groupe auquel on s’identifie.

Pouvoir lié à wasé sur une habileté ou des connaissances et une expertise reconnues.
l’expertise

Pouvoir de relation gondé sur les relations qu’entretient un leader avec des personnes ou des groupes influents
à l’extérieur de l’organisation.

Pouvoir d’information wasé sur les informations privilégiées que détient un leader.

ource : grench et Raven, 1fdf.

TABLEAU 6.6

Le pouvoir : un mélange d’autorité ou d’influence


Pouvoir
Influence (leadership)
Autorité formelle Influence découlant
Influence personnelle
de la fonction

• Dérive de la position dans l’échelle • Dérive des connaissances, • Dérive de caractéristiques individuelles
hiérarchique de l’expérience ou des habiletés telles que la force, le charisme
• lomporte le droit de donner des ordres • Peut prédominer dans les activités et la sensibilité aux événements
et d’exiger l’obéissance spécialisées ou techniques sur le droit • e distingue du droit de donner
• Est établie de façon formelle dans de donner des ordres des ordres ou des instructions
la structure organisationnelle • Peut être prévue ou non dans • N’est normalement pas prévue
la structure organisationnelle dans la structure organisationnelle

Catégoriser les théories réels que remplit le dirigeant au quotidien et qui par-
ticipent du leadership et de l’engagement de tous dans
classiques du leadership l’action et la coopération. Ainsi, les recherches sur le
Il existe différentes approches théoriques du lea- leadership ont pu s’orienter sur les traits, les aptitudes
dership. Certaines sont plus prescriptives (ou norma- ou les styles particuliers du leader, ou se pencher plutôt
tives). Elles tentent de déterminer ce que devrait être sur les relations d’interdépendance entre employeurs,
un a bon b manager-leader ou ce qu’il devrait faire pour employés et circonstances situationnelles, ainsi que
que soient appliquées ou mises en œuvre les décisions sur leurs influences réciproques qui permettent ou
dans l’entreprise. t’autres approches sont plus des- non l’adhésion des employés aux projets de l’entreprise
criptives. Elles proposent une description des rôles (voir la figure 6.2 à la page suivante).

La décision et La direction • 1k1

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FIGURE 6.2 Les déterminants interreliés du style de leadership

Caractéristiques du leader

• nraits de caractère (dont propension au dirigisme),


personnalité
• Expérience, connaissances, compétences
• ubjectivité (dont perception des emploaés,
tolérance à l’ambiguÉté), attitudes
• lonfiance envers les emploaés
• wuts, besoins
Efficacité
organisationnelle
Caractéristiques des employés Style de leadership
efficace (comportement)
• Maturité (autonomie, intérêt, personnalité)
• Expérience, connaissances, compétences
• ubjectivité (dont perception du leader), attitudes Engagement
• tale de leadership préféré (implication,
Adhésion
responsabilité,
• wuts, besoins
projection)ncréativité

Caractéristiques de la situation

• ociales : personnes, danamiques de groupe,


interactions
• bcologiques : environnement phasique (objets, lieux)
• nemporelles : contraintes de temps
• Organisationnelles : forme, structure, coordination
• lognitive : nature de « problème »

ources : Journé et Raulet-lroset, 2012 v nannenbaum et chmidt, 1fd8.

Le leadership est bien entendu l’objet d’une litté- fondé sur le postulat que ces a grands hommes b (ou
rature très dense, mais, faute d’espace, nous nous grandes femmes) ont des dénominateurs communs
en tiendrons à quelques grandes lignes. Nous décri- quasi génétiques ou des façons de réagir innées : inté-
rons d’abord quelques théories des écoles classiques grité, honnêteté, résilience, discipline et réflexion
(souvent prescriptives) : le leadership comme trait, morale. tepuis, les recherches ont évolué. Plus généra-
le leadership comme comportement et le leadership lement, le tableau c.d fait état de l’ensemble des traits
contingent (situationnel). Nous présenterons ensuite (personnalité et compétences) de leadership consi-
les rôles que remplit dans la réalité le gestionnaire dérés comme nécessaires pour être un leader efficace.
dans une perspective plus descriptive du leadership. La connexion entre les traits inventoriés et le lea-
dership d’un individu semble avérée par les études
Les traits de leadership
scientifiques dans une variété de cas. Par contre,
Un trait, c’est ce qui décrit un ensemble de différences
diverses compétences et différents traits de personna-
interindividuelles entre les gens. Une personnalité, c’est
l’ensemble organisé des traits distinctifs d’une per- lité seraient requis selon les situations. te plus, une
sonne, c’est-à-dire ses caractéristiques émotionnelles, approche par les traits remet en question la part d’inné
ses attitudes et ses comportements propres. uuand les et d’acquis. Une formation scolaire de haut niveau,
traits sont des préalables pour faire quelque chose, on dont l’accessibilité elle-même a longtemps été corrélée
les nomme a compétences b (eass, 2llr, p. 1l3). Les (et l’est encore) avec le rang social, et la multiplication
recherches portant sur les traits de caractère ou de des expériences professionnelles et des contacts avec
personnalité (Ghiselli, 1sc3 ; Stogdill, 1sxr) se sont différents milieux d’affaires influent sur la propension
employées, pendant la première moitié du gge siècle, au leadership et sur l’apparition de certains des traits
à dresser spécifiquement un portrait type des leaders mentionnés dans le tableau c.d.

1k2 • Chapitre L

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TABLEAU 6.d

Les traits de leadership


Traits Exemples
Traits cognitifs mntelligence, jugement, esprit de décision, savoir, aisance verbale, débrouillardise, habiletés techniques,
qualités intellectuelles stimulantes, vision, imagination, articulation de la pensée, compétence de diagnostic,
originalité, créativité

Traits de compétences mntelligence sociale, assurance, attitude coopérative, habileté à faire appel à la coopération, charme,
sociales encouragement, sociabilité, compétences interpersonnelles, participation sociale, tact, diplomatie,
empathie, perspicacité sociale

Traits de compétences mntelligence émotionnelle, maturité émotionnelle, confiance en soi, estime de soi, autonomie,
émotionnelles robustesse, optimisme

Traits biophysiques gorme phasique, stature

Traits de caractère mntégrité, honnêteté, résilience, discipline, réflexion morale

ource : kdapté de wass, 2008, p. 103.

L’idée de traits universels de leadership a donc été et de prendre des initiatives. tans ce contexte, l’auto-
abandonnée dès les années 1s5l. Si certains de ces rité est centralisée, et les communications cheminent
traits sont difficiles à mesurer, à catégoriser (Saucier plutôt du haut vers le bas. Le gestionnaire agit en fai-
et Goldberg, 2llc), leur importance relative, surtout, sant appel aux sanctions et aux punitions. i l’inverse, le
n’est pas invariante dans le temps (Stogdill, 1sdx) ni dirigeant adopte un style démocratique dans la mesure
selon les situations et les cultures. Selon Stogdill, le o il perçoit ses subordonnés comme étant des gens
leadership est plutôt a la relation qui existe entre des responsables, optimistes, qui envisagent le travail à
personnes dans une situation sociale o…p et les per- accomplir comme un défi et un stimulant. tans ce cas,
sonnes leaders dans une situation peuvent ne pas la communication s’établit dans toutes les directions. Le
nécessairement l’être dans une autre b (1sxr, p. c5). gestionnaire délègue, écoute les personnes et fait appel
Ainsi, le fait d’ignorer l’interaction entre les traits de aux récompenses pour les stimuler.
leadership et la situation constitue une aberration : Les styles de gestion sur la base
a l’homme est ce qu’il fait b, au moment o il le fait, de quatre systèmes
pourrions-nous dire ici partant des mots de l’écrivain L’étude de Likert (1scd), également évoquée dans le
et politicien André Malraux (1ssc, p. 1l). C’est pour- chapitre 3, est aussi associée aux théories du leadership
quoi les recherches sur le leadership se sont orientées axées sur le comportement. Elle regroupe les styles de
sur les types de comportements, d’une part, et sur l’ac- gestion sur la base de quatre systèmes allant d’une
tivité de direction leadership en situation, d’autre part. approche autoritaire à une approche participative, en
passant par des variantes de leadership a paternaliste b
Les comportements de leadership et a consultatif b. i un extrême, dans le système de ges-
Les études du leadership axées sur le comportement tion fondé sur l’autoritarisme, le dirigeant agit de façon
avancent l’idée que les dirigeants doivent bien assimi- autocratique. Il fait peu confiance aux subordonnés
ler la conduite associée à un style de leadership donné et ne les implique pas dans le processus décisionnel.
pour accomplir leur rôle avec efficacité. Afin d’amener les personnes à mettre en œuvre effi-
Les théories du leadership autoritaire cacement des décisions, le leader autoritaire fait appel
et démocratique aux récompenses et aux sanctions. i l’autre extrême,
Les théories g du leadership autoritaire et Y du leader- dans le système de gestion fondé sur la participation,
ship démocratique de McGregor (1scl), dont nous avons les gestionnaires et les subordonnés prennent les déci-
fait état dans le chapitre 3, se rattachent à l’approche de sions d’un commun accord, sur la base d’une confiance
la direction par les comportements de leadership. Ainsi, réciproque et en plusieurs lieux au sein de l’organisa-
un dirigeant adopte un style de leadership autoritaire s’il tion. Entre ces deux extrêmes, dans le système pater-
considère les personnes placées sous sa responsabilité naliste, le leader donne des ordres et prend toutes les
comme paresseuses, incapables d’agir par elles-mêmes décisions, mais il ouvre la porte aux opinions relatives

La décision et La direction • 1kt

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aux instructions. Les personnes peuvent faire des choix Ainsi, selon ces travaux sur les comportements de
en ce qui concerne l’exécution des twches, à la condition leadership, on peut dissocier différents styles selon la
qu’elles respectent les directives. Les employés ineffi- façon dont ils combinent deux inclinations majeures
caces sont punis. tans le système axé sur la consulta- (voir le chapitre 3).
tion, le leader fait confiance à ses subalternes. Il fixe les • Ge comportement centré sur la production ou sur
objectifs et oriente les activités sur la base de consul- la tIche à exécuter met l’accent sur la planification
tations menées auprès des membres avant de prendre rationnelle et la détermination d’objectifs précis.
ses décisions. Il favorise la communication entre les Le dirigeant pourra, par exemple, grwce à l’autorité,
subordonnés et la direction (de bas en haut), qui reste mettre en œuvre des méthodes détaillées afin d’at-
prudente. te ces quatre systèmes, Likert préconisait le teindre les résultats d’une manière efficiente.
style participatif comme étant le meilleur.
• Ge comportement centré sur la qualité des rela-
La théorie du continuum des styles de leadership tions humaines met l’accent sur le principe de la
La théorie du continuum des styles de leadership valorisation personnelle. Une meilleure communi-
(Tannenbaum et Schmidt, 1s51) et la grille du mana- cation entre les parties et une délégation des res-
gement proposée par elake et Mouton (1sdr) envisa- ponsabilités et de l’autorité vers les subordonnés
gent aussi le leadership sous l’angle du comportement. sont des exemples de comportements associés à
Tannenbaum et Schmidt (1s51) présentent les styles de cette orientation, privilégiée par Likert et les tenants
leadership sur un continuum allant d’un style centré des approches humaines du management.
sur le gestionnaire, o toutes les décisions sont prises La grille du management de lafe et Mouton
par lui et annoncées ensuite aux membres, à un style La grille du management de elake et Mouton présente
axé sur les subordonnés, qui y ont la liberté d’agir et de les principales façons d’exercer le leadership autour de
décider par eux-mêmes (voir la figure 6.3).

FIGURE 6.3 L’échelle de leadership direction-subordonnés

Leadership exercé Leadership exercé


par le dirigeant par les subordonnés

Utilisation de l’autorité
par le dirigeant

Marge de liberté
des subordonnés

Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant


prend les g vend i présente les présente des présente les définit les permet aux
décisions et les décisions idées et invite ébauches problèmes, limites, demande subordonnés
les annonce les subordonnés de décisions repoit des sug- au groupe de de fonctionner
à poser des sujettes à gestions, prend prendre des sans balises
questions modifications des décisions décisions

ource : nannenbaum et chmidt, 1fe3, p. f6.

1k4 • Chapitre L

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cinq styles de management en fonction de deux axes : Si la grille de elake et Mouton permet de bien cerner
l’intérêt pour la production ou pour l’élément humain. les styles de management, elle sous-tend, sur la base
La figure c.x présente ces cinq styles : le type club social des apports des écoles behavioristes et humaines (voir
(1,s), le type intégrateur travail en équipe (s, s), le type le chapitre 3), qu’un style est souhaitable et supérieur aux
intermédiaire administrateur (5,5), le type anémique autres : le style s,s. tans les faits, un manager présente
laisser-faire (1,1) et le type autoritaire centré sur la twche en général un style dominant. Un manager opportuniste
(s,1). elake et Mouton préconisent le style du type inté- aura par contre tendance à utiliser de façon interchan-
grateur, en équipe, orienté à la fois vers la twche et vers geable un style ou l’autre selon les personnes qu’il a en
les personnes. On comprend ainsi que ce genre d’outil face de lui, et il pourrait feindre le style souhaitable de
de management sert surtout la pédagogie du leadership type intégrateur avant de revenir à son style dominant
pour aider les managers à situer leur comportement et selon les circonstances. Pour les théoriciens de l’approche
à se former pour développer une double compétence de situationnelle, par contre, il n’y a pas un style meilleur
direction : la gestion de la coordination (des twches) et qu’un autre, car il dépend du contexte et de la situation.
la gestion de la coopération (des personnes).

FIGURE 6.4 Les styles de management

9 LA GESTION DE TYPE LA GESTION PAR LE TRAeAIL EN ÉQUIPE (c,c)


CLUB SOCIAL a (1,c) L’accomplissement du travail et les relations
Le manager privilégie fondées sur la confiance, l’ouverture et le respect
l’absence de conflit et la bonne résultent d’un effort d’intégration des exigences
8
camaraderie sur la production. de la production et des attentes humaines avec
les objectifs et les buts poursuivis par l’organisation
au moyen de la participation, l’implication,
q l’engagement et la résolution de conflits.

l
Intérêt LA GESTION DE TYPE INTERMÉDIAIRE (b,b)
pour les Le conformisme (en se référant à la tradition et au jugement
relations des autres) guide le manager soucieux de satisfaire la majorité
a
humaines de ses employés et de soigner sa popularité, pour rester dans une
bonne moyenne (dans l’équilibration des exigences de la production
et du moral du personnel), selon l’adage g point trop n’en faut i.
4

LA GESTION AUTORITAIRE
3 CENTRÉE SUR LA TfCdE (c,1)
Le manager aménage les conditions
LA GESTION DE TYPE ANÉMIQUE a (1,1) de travail pour minimiser le facteur
be manager est incolore, indifférent, passif, humain et exerce son pouvoir,
2
en retrait et résigné, il en fait juste asser son autorité et son contrôle
pour rester dans l’entreprise. kl fait un effort pour obtenir la complète obéissance
minimal pour soutenir un niveau de production de ses subordonnés et maximiser
1 suffisant et maintenir l’adhésion du personnel. la productivité.

1 2 3 4 a l q 8 9

Intérêt pour la production, la thche ou les résultats


ources : wlaie et Mouton, 1f6e, p. 3 v wlaie et Mouton, 1f80, p. 23.

La décision et La direction • 1kk

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Le leadership contingent et les aspects contrairement aux approches comportementales pré-


d’ordre situationnel cédentes. L’art du leadership consiste à adapter son
Selon Tannenbaum et Schmidt (1s5r), trois variables style de direction du plus strict au plus permissif
influent sur la manière dont s’exerce le leadership (voir selon la perception de la situation par le manager.
la figure 6.2, page 152) : mersey et elanchard (1sr2) proposent quant à eux un
• les caractéristiques du dirigeant: le système de modèle évolutif dit de a leadership situationnel b fondé
valeurs, le niveau de confiance envers les subordonnés, sur la propension des subordonnés à se laisser guider.
la propension au dirigisme, la tolérance à l’ambigu té ; Selon leur théorie du cycle de vie, le leader adopte des
• les caractéristiques des subordonnés : la person- combinaisons de styles en parallèle qui s’ajustent à la
nalité, les attentes envers la direction, l’autonomie, maturité des personnes (ou encore à leur situation
le savoir, l’expérience, l’intérêt pour la situation ; psychosociologique, d’o le nom du modèle théo-
• les aspects situationnels : la forme organisation- rique). C’est en quelque sorte ce degré de maturité des
nelle, la qualité de la dynamique de groupe, la nature employés qui dicte le style de leadership. Ainsi, l’accent
du problème, la pression temporelle. mis sur la production ou sur la twche diminue à mesure
Pour Fiedler (1scd), promoteur d’une approche que la maturité des subordonnés s’accrojt. Les rela-
contingente du leadership, une même personne ne peut tions interpersonnelles du leader avec les subordonnés
pas changer de style. Elle peut être leader dans une situa- s’amplifient avec la maturité de ces derniers. Lorsque
tion, mais pas adaptée dans une autre. Il faut donc choi- les subordonnés font montre d’une forte autonomie,
sir différents types de leaders pour différentes situations. les relations qu’entretient le leader avec eux peuvent
t’après l’approche situationnelle, le leadership diminuer peu à peu. i ce stade, le leader fait de plus en
émerge plutôt du contexte, et l’attention est surtout plus appel à la délégation, les personnes sous sa direc-
portée vers les caractéristiques extérieures au leader, tion ayant moins besoin de soutien (voir la figure 6.5).

FIGURE 6.5 Le modèle de leadership situationnel

oombreux Style du leader

Relation Relation
g Participe i g bonvainc i
Tâche Tâche

Comportements S4 S2
axés sur la
relation S3 S1

Relation Relation
g Délègue i g Ordonne i
Tâche Tâche

Aucun Comportements axés sur la thche oombreux

glevée Moyenne faible

M4 M3 M2 M1

Maturité du subordonné (bapacité et volonté)

s bomportements fortement axés sur la s bomportements faiblement


tâche ou la relation supérieur-subordonné axés sur la tâche ou la relation

ource : zersea et wlanchard, 1f82.

1kc • Chapitre L

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personnes ou sur la coopération au sens de tejours),


nous aurions tendance à les confondre dans l’action.
Si le leadership s’adapte à la situation,
te plus, il s’agit de bien distinguer le leader (une per-
l’organisation ou la situation naissent sonne) du leadership (un comportement ou une force
individuelle et collective, voire un climat propice). Le
aussi du leadership. leader est une personne apte à se conduire et à entraj-
ner avec elle les énergies créatives. Il est un hôte des
situations managériales, et non un héros légendaire, en
Sur ces premières bases théoriques, les modèles accueillant les difficultés et les défis avec pragmatisme.
de leadership et les modes managériales se sont S’il est exemplaire, c’est dans l’humilité de sa pratique
succédé. On a connu, depuis les années 1sdl, le lea- par laquelle, d’une part, il encourage les autres à s’ac-
dership transformationnel versus transactionnel, le tualiser et, d’autre part, il adapte, révèle, reconnajt,
leadership charismatique, la théorie LMg axée sur développe et fait interagir les diverses personnalités
les relations dyadiques employé-leader, le leadership au sein de l’organisation pour qu’elle demeure capable
de chef d’équipe versus de dirigeant, etc. Ces modèles d’évoluer dans la complexité de son environnement
ont permis de caractériser, d’inventer et de mesurer les (Sérieyx, 1sss). C’est, aussi, dans l’acharnement à
déterminants d’un style de leadership efficace selon créer et à maintenir un contexte organisationnel har-
les situations. Ces travaux perpétuent en partie l’esprit monieux propice à l’engagement et à la créativité.
de cette citation d’Ordvay Tead : a La bonne direction
est indiquée par les dirigés. Le leader montre la voie
mais ce sont les dirigés qui disent si elle est bonne. b Les figures du leader et du manageur
(Tead cité par tuncan, 1ssl, p. 1c2) Il est ainsi inté-
ressant de noter que plusieurs études montrent que les se confondent aujourd’hui dans celle
employés préfèrent des managers au style consistant
de l’animateur.
(préférablement s,s) et intégrateur plutôt qu’un style
changeant (eass, 2llr), sauf si les raisons du change-
ment sont sensées et explicables.
Il est alors possible de décrire le manager-leader
tans une perspective très différente, selon certaines comme un animateur en ce qu’il majtrise et rem-
approches humaines du management, le leadership plit différents rôles essentiels et quotidiens. Selon
ne s’adapte pas à chaque situation, mais l’organisa- Mintzberg (2llx), ces rôles sont de trois ordres : inter-
tion et chaque situation naissent en quelque sorte du personnel, communicationnel et décisionnel.
leadership et des rôles incarnés par le manager, voire
• Les r les interpersonnels découlent de l’autorité
par les managers (tenis, Langley et Sergi, 2l12). Cela
formelle confiée au gestionnaire et consistent en des
se vit particulièrement dans les organisations contem-
rapports d’ordre communicationnel qu’entretient le
poraines par projet, plus aplaties et gérées à plusieurs
manager avec des personnes qui interviennent aussi
et en équipes autogérées (voir le chapitre 8). Ces mana-
bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation. Il
gers s’assurent plutôt que la voie est clairement, conti-
est alors considéré comme figure de proue, meneur
nuellement et collectivement coconstruite et débattue
d’hommes et agent de liaison.
comme étant la bonne.
• Les r les informationnels concernent la gestion des
informations qui circulent dans l’organisation et dans
Les fonctions et les rgles son environnement. Parce qu’il est au cœur de réseaux
du manager-leader de relations, le leader, s’il ne sait pas toujours tout, est
souvent mieux informé que quiconque. Il fait figure
Au-delà d’une vision situationnelle ou contingente du d’observateur-veilleur, d’informateur-diffuseur, de
leadership, qui consiste à en adapter le style aux per- porte-parole.
sonnes, à l’organisation et à la situation, on pourrait
• Les r les décisionnels interviennent dans le sillage
dire que les figures du leader comme du manager se
de la recherche de solutions, de compromis ou de
trouvent en chaque personne qui vit et agit en situation
consensus favorisant l’atteinte des objectifs de l’orga-
de gestion. Ainsi, là o , depuis longtemps, certains
nisation. Il est alors entrepreneur, arbitre-régulateur,
tentent de distinguer le manager (axé sur les résultats
répartiteur, négociateur.
ou sur la coordination formelle) du leader (axé sur les

La décision et La direction • 1k7

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tejours (2l15) concluait pour sa part son dernier


ouvrage sur les huit fonctions essentielles du manager
(voir le tableau 6.8) auxquelles sont associées des capa- Le manager remplit dans les faits
cités managériales et de leadership. huit fonctions clés.
Si le manager-leader remplit ces fonctions clés, le
leadership comme tel peut être conçu comme la qualité
collective d’une organisation o le chef, antihéros par
a Si donc vous acceptez ma définition de la direction
excellence (Aktouf, 2llc), est devenu soldat parmi les
comme un processus autogénéré, comme l’expérience
soldats et o tous s’engagent (conjointement ou tour
combinée de tous ceux qui prennent une part active
à tour) en leaders-serviteurs de l’organisation, animés
au fonctionnement de l’activité considérée, est-ce que
par une même vision. Ainsi, le leadership est moins le
le devoir de chacun d’entre nous n’est pas de partici-
propre d’une seule personne que d’un collectif de per-
per résolument à ce processus ? b (Follett, dans Mousli,
sonnes aptes à se a coacher b les unes les autres.
2ll2b, p. 1cd)

TABLEAU 6.8

Les huit fonctions du manager


Fonction Capacités engagées
1. a Apporter une assistance professionnelle hoct et « capacité de transmettre son expérience
à ses subordonnés b : connaître le travail réel, vivant, et ses connaissances techniques ».
comprendre les difficultés éprouvées dans le travail
par les membres de l’organisation.

2. a Entretenir la convivialité et la confiance b. lapacité (temps et risque) d’écouter ses subordonnés


individuellement et surtout collectivement.

3. a Coordonner les intelligences b xsingulièresy pour obtenir Répartition du travail, fixation d’objectifs, hiérarchisation
leur harmonisation, voire leur sanergie et susciter la coopération. des priorités, organisation du déroulement et de l’enchaînement
des tuches.

4. Entretenir des a espaces de délibération b avoir reconnaître et construire ces espaces de délibération
formels et informels entre membres de l’organisation. comme des temps de convivialité et de régulation indispensables
à la coopération.

5. a Traduire les directives b, en en assumant l’interprétation. « Relaaer vers le bas les directives de l’entreprise, en assumant
l’interprétation qu’il en fait pour les services qu’il dirige ».

6. a Remettre en discussion la doctrine b de l’entreprise Lorsque le manager constate de façon répétée que ses subordonnés
(la « doctrine » est le socle des interprétations des directives, n’appliquent pas la doctrine de l’entreprise au moment d’adapter
fait de références théoriques, d’expériences cumulées, de valeurs chacun la prescription au réel de leur travail, d’arbitrer entre
axiologiques, etc.). Elle résulte, selon nous, de la philosophiet différentes interprétations des prescriptions ou de partager
approche managériale. les expériences de travail, remettre en discussion les principes
de la doctrine pour parvenir de nouveau avec la haute direction
à une référence commune pour l’action.

7. a Arbitrer et assumer ses décisions b. « lourage d’assumer ses décisions, ne pas se contenter
de transmettre les ordres venus d’en haut, en se déchargeant
de la responsabilité de ce qu’ils impliquent pour ses subordonnés ».

8. a Participer à l’élaboration de la doctrine e documenter et solliciter des avis pour confronter théorie
de l’entreprise b. et pratique, pour penser la « continuité entre le travail ordinaire
et la civilisation » v « la place que xl’entreprisey prétend et souhaite
occuper dans l’organisation sociale, économique, culturelle
et politique » et l’impact de son management sur l’évolution
de la société.

ource : Dejours, 201d, p. 16e-186.

1ks • Chapitre L

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lOMoARcPSD|7171283

Sortir de la fabulation de la décision idéale


L’entreprise a toujours été un système d’information, Sur le plan individuel, on constate également que les
c’est-à-dire un système social qui produit de l’informa- approches formelles abordent l’individu dans l’organisa-
tion o celle-ci circule et se partage. mistoriquement, tion comme l’héritier de l’homme rationnel des sciences
le management traditionnel5, selon cette conception, économiques, doté d’un seul visage, d’une seule fina-
composait avec la complexité des différentes dyna- lité, d’un objectif de maximisation de son intérêt, sans
miques économiques, sociales, techniques et poli- être nanti de culture ni de système psychologique. La
tiques de l’entreprise pour prendre des décisions au dimension émotionnelle et psychologique, c’est-à-dire
quotidien. Il recourait à une bonne dose de pragma- subjective, de la décision vient, dans la réalité, briser le
tisme, faisait appel à la tradition transmise de généra- discours rationaliste. On peut prendre une décision qui
tion en génération, à l’imitation des plus anciens et au va à l’encontre de son intérêt ou de celui de l’organisation,
partage de la connaissance par les relations directes et et réciproquement. Il faut donc intégrer la subAectivité
les échanges interpersonnels dans l’entreprise. qui vient influencer le processus de décision. Plus encore,
là o la rationalité atteint ses limites, ce sont souvent les
Avec le déplacement qu’impose l’approche formelle
émotions, les représentations psychologiques, bref la
du management vers une conception de l’entreprise
subjectivité qui rendent possible la décision. Il faut donc
comme un système informatique et non vers un
sortir de la fabulation de la décision idéale, perpétrée par
système d’information, c’est-à-dire vers une logique
les approches formelles en général et merbert Simon en
opérationnelle, un design rationnel de l’organisation,
particulier qui a œuvré à comprendre la rationalité limi-
l’approche de la décision elle-même est influencée
tée dans le même sens que les approches formelles. Faute
par la procédure de décision propre à l’informatique,
de produire une décision idéale par la rationalité, il a tra-
c’est-à-dire l’arbre de décision. On réduit la complexité vaillé à la conception des béquilles comme l’intelligence
à la complication d’une décision structurée. Même artificielle et les systèmes informatisés d’aide à la déci-
si une décision est structurée autour de nombreuses sion pour se rapprocher de cet idéal de l’optimalité.
variables, on reste dans une logique fermée et binaire,
La décision existe-t-elle ou non ? Précède-t-elle l’ac-
et, qui plus est, hors contexte. Tout ce que l’imprévu
tion ou non ? Peu importe. La réalité qui s’impose est
du contexte peut comporter se trouve évacué s’il n’est
que dans une situation managériale, il faut agir. Il faut
pas mesurable ou paramétrable. Le renforcement de
faire quelque chose. Il faut donc comprendre ce qui se
cette logique vient aussi du fait que les techniques et
passe, mais aussi saisir cette espèce de cadre mental et
les instruments que nous utilisons dans l’organisation
d’état d’esprit qui pousse à l’action. eref, comprendre les
pour décider sont issus de cette même logique. On
rationalités et les logiques d’action multiples à l’œuvre.
est toujours sous l’influence de l’idée d’une concep-
uui plus est, ce cadre mental est influencé par la logique
tion universelle non seulement de l’organisation, mais
managériale en place, et réciproquement (voir l’enca-
aussi des outils pour l’évaluer. te fait, cette approche dré 6.3 à la page suivante).
formelle mène automatiquement à des décisions a pré-
Au bout du compte, il existe des situations o l’ap-
prises b en quelque sorte.
proche rationnelle est appliquée plus ou moins pleine-
tans l’entreprise vue comme un système d’infor- ment, mais d’autres o elle ne l’est pas… La décision
mation, il faut accepter que les logiques des membres engage l’action, et même ne rien faire est faire quelque
de l’organisation soient différentes, que les intérêts chose. Je prends ou je justifie la décision en fonction
divergent, qu’il existe des rapports de pouvoir, etc. qui de qui je suis, du contexte, de la trajectoire o je me
font que le cheminement épuré de la décision ration- trouve dans ce contexte, de la pression du moment
nelle n’existe pas dans les faits. Les logiques de pou- et des autres. En effet, un guide expérimenté peut
voir, d’expertise, d’intérêts jouent sur la décision, par choisir de ne pas tenir compte de ses connaissances
exemple, dans une entreprise de conseil en ingénierie, d’expert montagnard et de sa logique sécuritaire sous
o le poids des professionnels, c’est-à-dire des ingé- le poids des injonctions de ses clients qui sont, eux,
nieurs, est primordial sur les décisions prises. dans une logique de dépassement dans l’événement.

d. Richard Déra (2010) propose une fresque historique des théories du management. Le management traditionnel non théorisé précède l’avènement
du management moderne du e siècle, que nous avons exploré dans la première partie de cet ouvrage, et du management hapermoderne, apparu
à la fin du e siècle et dont nous vivons les manifestations aujourd’hui (voir les chapitres 9 1 et 11).

La décision et La direction • 1kl

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ENCADRÉ 6.3 L’IMPACT DE L’APPROCHE MANAGÉRIALE SUR LA DÉCISION


Pourquoi la navette Challenger a-t-elle connaissances strictement codifiées l’explosion de la navette n’aient pas
explosé en vol l Comment l’approche ou quantifiées. Tout signe de rai- circulé librement entre les parties
managériale a-t-elle eu une influence sonnement critique était systémati- durant la réunion capitale qui a pré-
sur la qualité de la décision l b’analyse quement muselé ou écrasé par la cédé le lancement raté. Un climat de
par kaughan (1ppr) de cette catas- préséance de règles et de procédures peur doublé de l’absence d’interac-
trophe a montré que l’environnement formelles. On ne peut donc pas être tion en face à face, car certains inter-
culturel de la NASA réprimait conti- surpris de constater a posteriori que les venants n’étaient qu’en relation
nuellement les aspects informels et savoirs critiques, mais informels et virtuelle à distance de la salle de réu-
tacites des connaissances comme les tacites que possédaient certains nion, et un degré de dépendance
intuitions et les instincts fondés sur ingénieurs de Thiokol sur ce qui trop élevé envers les règles formelles
l’expérience au bénéfice des seules aurait pu empêcher le désastre de et le savoir codifié ont mené au pire.

Curieusement, toute l’information nécessaire peut être Comme l’indique James March, pionnier de la théo-
disponible pour savoir que la décision s’avère mau- rie des organisations : a Poser en principe la rationa-
vaise, mais la décision est prise tout de même pour lité de nos décisions conduit souvent à une tautologie
des raisons non rationnelles, comme en témoigne le abstraite qui réduit le rôle de l’identité, de la recherche
triste exemple de l’accident de l’avion transportant de sens, de l’ambigu té ou des contradictions dans la
Jean Lapierre malgré la tempête annoncée aux âles de conduite de l’action, et néglige l’importance du passé b
la Madeleine en mars 2l1c. (1sss, p. r). Nous ajouterions l’importance de l’intelli-
gence collective à l’œuvre.

1c0 • Chapitre L

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CHAPITRE

LA PENSÉE ET
LA PRATIQUE
7
STRATÉGIQUES
DE LA PLANIFICATION FORMELLE À LA STRATÉGIE ÉMERGENTE
La comple ité appelle la
« ies plus belles stratégies s’écrivent au passé », a écrit le journaliste stratégie. Il n’ a ue
et humoriste Alphonse Allais à la fin du i e
siècle. Pourtant, quand la stratégie pour s’avancer
elles partent en voyage, certaines personnes sont assez prévoyantes, dans l’incertain et
préférant le « voyage organisé », donc planifié, alors que d’autres
l’aléatoire K L.
choisissent l’aventure (l’auto-stop), le présent. Certains voyageurs
s’appuient sur un plan détaillé o d’autres se fient à leur sens de KXlleL est l’art d’utiliser
l’orientation. Ce plan peut être précis (« C’est à droite, puis la deuxième les inMormations ui
à gauche, puis j00 mètres tout droit ») ou simplement directionnel surviennent dans
(« C’est par là »). href, les uns s’appuient sur une connaissance fine
l’actionI de les intégrerI
et préalable d’un ordre des lieux (la carte), tandis que les autres
apprennent d’un parcours des lieux (Certeau, cgg0). Ce chapitre
de Mormuler soudain
a pour but de décrire et d’outiller le raisonnement et la pratique des scEémas d’action
stratégiques pour les uns comme pour les autres. et d’ tre apte rassem ler
le ma imum de certitudes
pour aMMronter l’incertain.
(Morin, 1ff0, p. 1e8)
7.1 Penser pour agir, agir pour penser
Les a plus belles stratégies b s’écrivent-elles d’avance ? est émergente et s’appuie sur les expériences préa-
Pour certains, elles se planifient mkrement et se for- lables des gestionnaires-entrepreneurs. Les entrepre-
mulent dans des plans, telles des cartes au trésor. Pour neurs se lancent en affaires sans toujours disposer
d’autres, elles s’établissent au présent, chemin fai- dans l’immédiat des ressources nécessaires. Leur
sant (Avenier, 1ssd), de façon plus ou moins intuitive démarche est un va-et-vient continuel entre les résul-
(Mintzberg, 1sd3). Pour les premiers, que l’on nomme tats obtenus et la poursuite des activités ; leurs plans,
a technocrates b, les stratégies sont établies de façon formels ou non, sont plus changeants.
analytique et rationnelle. Si l’on se replace dans le En quoi consistent ces a plus belles stratégies b ? Pour
contexte de l’entreprise, planifier, c’est établir la mis- certains, il s’agit de choisir le meilleur positionnement
sion de celle-ci, qui précède les buts, qui précèdent eux- de marché possible par rapport aux concurrents.
mêmes les objectifs stratégiques. Ces objectifs sont Pour d’autres, elles sont le fruit de l’exploitation ciblée
définis clairement, et les ressources pour les atteindre des ressources et des forces particulières de l’entre-
sont planifiées et mesurées. Pour les seconds, dans un prise. Selon Marchesnay (2lld, p. xs), la stratégie doit
mode entrepreneurial, la formulation de la stratégie éclairer la prise de décisions sur un double plan : celui

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 1c1

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Josée-Anne repousse sa chaise. Elle vient d’assister à une présentation de deux


VÉCUES
HISTOIRES
heures de la haute direction servant à préparer la réunion stratégique qui aura lieu au siège
social de son entreprise la semaine prochaine. Elle est parvenue à ne pas s’endormir devant
le document PozerPoint interminable qui souhaitait amorcer la réflexion sur le sujet de la
prochaine réunion : l’entreprise doit-elle continuer à fabriquer tout le matériel informatique
intégré dans ses terminaux de points de vente et ses caisses libre-service ou se concentrer sur
la conception de logiciels de traitement de l’information et de transaction ainsi que
sur la vente des services-conseils associés à ces solutions logicielles et aux informations
stratégiques recueillies l Un dilemme qui rappelle la situation d’ BM il y a quelques annéest
Son collègue attend que les patrons sortent de la salle et lui fait un sourire.
q ae pense qu’un café ne sera pas assei pour me réveiller, peux-tu me frapper svp l dit-il
avec un sourire en coin.
q C’est vrai que c’était long, répond aosée-Anne. Pauvre Gilles, il est super gentil, mais il
a autant de charisme qu’une patate. Par contre, c’était intéressant. Et je trouve da motivant
que la haute direction prenne la peine de nous consulter avant de concocter son prochain
plan stratégique.
q Oui, répond son collègue avec une attitude nonchalante qui dément sa réponse.
q Qu’est-ce qu’il y a l Tu n’es pas heureux d’être consulté l
Son collègue lui fait un clin d’œil
q Oui, mais si je participe aux décisions, da va m’enlever l’opportunité de me
plaindre ensuite.
aosée-Anne éclate de rire. ba voilà tout à fait réveillée à présent.

de l’action, c’est-à-dire de la cohérence entre les fins a planification b puis la a stratégie b dans le vocabulaire
poursuivies et les moyens (les activités) pour y parve- actuel, nous nous pencherons sur les différentes ques-
nir, et celui de la faisabilité de l’action. Il s’agit donc de tions qui découlent des précédentes : qu’est-ce que la
répondre aux questions a pourquoi (faire) ? b et a quoi prévoyance ? uui pense et ou fait la stratégie ? Pourquoi
faire des compétences et des savoirs de l’entreprise ? b. et comment penser stratégique ? uuelles sont les limites
Mais elle doit également l’éclairer sur le plan de la de la pensée stratégique ? népondre à ces questions
réflexion. Car l’action peut aussi inclure la réflexion nous conduit à donner une définition du vocabulaire
quand le plan change dans l’action, faute de tout pou- classique de l’analyse stratégique, à proposer ensuite
voir penser dès le départ de l’action. Ainsi, l’élabora- une explication succincte des étapes courantes du pro-
tion de la stratégie, c’est à la fois penser pour agir et cessus de planification ainsi que des outils de l’analyse
agir pour mieux penser. stratégique communément utilisés. Ce chapitre se ter-
Aussi, dans ce chapitre consacré à la a prévoyance b, mine par une analyse des limites de la planification
selon le terme initial de Fayol (1s1c), qui est devenue la stratégique dans l’univers de la société du savoir.

7.2 La pensée stratégique


Une stratégie n’est pas un document, comme un plan, d’administration, c’est a prévoir b. La a prévoyance b,
ou une prédiction de l’avenir de l’entreprise. C’est devenue depuis la a planification b dans la plupart des
une approche globale basée sur un diagnostic ; une manuels de stratégie, renvoie à un exercice de concep-
réponse cohérente à un défi qui se présente à l’entre- tion de l’avenir, à court, à moyen et à long terme, au
prise (numelt, 2lls). Il s’agit donc de se faire une idée, double sens de prévoir pour pourvoir (et réciproque-
de construire, par la pensée, un point de vue cohé- ment pourvoir pour prévoir).
rent sur les forces à l’œuvre en toute situation. Pour tans cette première partie, nous passerons en revue
Fayol (1s1c), la composante première de la fonction les concepts classiques de la pensée stratégique : des

1c2 • chapitre

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niveaux de la réflexion stratégique aux deux visions Le terme a stratégique b, lui-même issu de a straté-
principales h déterministe et volontariste h de la pensée gie b, est d’usage assez récent. Il dérive du grec strag
stratégique, aux approches descriptive ou normative de tegia qui renvoie au contexte militaire mais aussi civil.
la stratégie ainsi que le vocabulaire essentiel du stratège. En ce sens, on désigne aujourd’hui par la stratégie
l’ensemble des choix d’objectifs et de moyens qui
orientent les activités d’une organisation à moyen
et à long terme, dans un environnement donné.
La stratégie : prévoir pour pourvoir. Ces choix visent à établir et à entretenir une vision
pertinente et actualisée de l’avenir de l’entreprise
(Aktouf, 2llc). La stratégie relève ainsi d’un exercice
Étymologie et définitions intellectuel abstrait, la pensée stratégique, aux consé-
quences très concrètes, l’action (ou encore la pratique)
Le mot a planification b est apparu tard dans l’usage
stratégique, dans les décisions prises.
français, vers le milieu du gge siècle, alors que s’opé-
rait une transformation radicale du paysage politique La planification stratégique au sens large consiste à
trouver et à actualiser en permanence l’adéquation entre
national dans les économies dites a planifiées b par
ce que l’entreprise peut spécifiquement faire et ce qu’elle
l’État. Selon le dictionnaire, la planification consiste
veut faire, étant donné les possibilités et les contraintes
en l’agencement des choses selon un plan. Elle sup-
d’un environnement donné. Elle est à la fois la pensée et
pose la détermination d’objectifs et la mise en œuvre
les pratiques stratégiques nécessaires pour commerciali-
de moyens pour les atteindre. Traduire a prévoir b par
ser le produit ou le service projeté selon le marché et en
a planifier b teinte très fortement la conception de ce
fonction des moyens que possède l’entreprise.
qu’est la pensée stratégique qui prédomine depuis
longtemps. Pour beaucoup, l’exercice de la pensée
stratégique est une activité rationnelle de conception
d’un avenir prévisible et contrôlable. Cependant, les Les trois niveaux de planification sont
choses peuvent aussi a être laissées en plan b ou a res-
ter en plan b Nous verrons qu’il y a de nombreuses
le niveau général, le niveau structurel
limites à la planification dans ce sens formel et que les et le niveau opérationnel.
outils disponibles pour analyser l’environnement ne
réussissent qu’imparfaitement à mesurer l’impossible :
les certitudes de l’avenir.
Concevoir la stratégie :
Il est possible de distinguer plusieurs niveaux de
deux visions en tension
planification :
• le niveau général des grandes orientations de l’entre-
Il existe deux façons différentes de concevoir la pen-
prise, souvent qualifié de a stratégique b ; sée stratégique : une vision déterministe et une vision
volontariste. La réalité est souvent faite d’une com-
• le niveau structurel qui correspond à la structure,
binaison des deux. Selon la perspective déterministe,
c’est-à-dire à l’organisation des moyens, des per-
une série de conditions données prédétermine les
sonnes et des rôles dans l’entreprise pour arriver à
choix stratégiques à faire comme des a recettes b exis-
ses fins ;
tantes à suivre. tans une perspective plus volontariste,
• le niveau opérationnel qui correspond à la prépa- on prête au stratège, qu’il soit directeur, entrepreneur,
ration des opérations concrètes et quotidiennes sur analyste ou employé, un pouvoir sur le cours de l’orga-
le terrain (voir les chapitres 5 et 8). nisation et sa stratégie. Pour Allaire et Firsirotu (1ss3,
La pensée stratégique relève souvent du niveau p. 3), la stratégie est plutôt un a amalgame d’intuition
général, et c’est essentiellement celui-ci qu’examine et de calcul, fruit du hasard et de la volonté, oellep se
ce chapitre. Les deux autres niveaux sont évidemment manifeste dans la prestation du jugement affiné par
liés au premier ; nous y reviendrons dans le présent l’expérience. Elle traduit pour un fugace moment
chapitre et aussi dans
les chapitres ultérieurs
portant sur l’organisa-
Concevoir la stratégie : entre déterminisme et volontarisme.
tion et le contrôle.

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 1ct

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Steevy s’assoit dans le majestueux bureau de aolaine Rolant avec un air découragé.
VÉCUES
HISTOIRES
Depuis qu’il a demandé à cette gestionnaire de capitaux de risque de devenir son mentor,
il vient la rencontrer toutes les deux semaines pour lui demander conseil.
q Tu as un air piteux, Steevy, qu’est-ce qui t’arrive l
q Un des experts que j’avais persuadé de faire partie de mon conseil scientifique
vient d’apprendre qu’il a un cancer.
Devant la mine abattue de la gestionnaire, il s’empresse de poursuivre.
q Ce n’est pas très grave à ce qu’il m’a dit, mais il doit se désister. a’ai l’impression
de revenir à la case départ. C’est peut-être une situation que j’aurais dû prévoir. Ce qui fait
que je me demande si j’ai ce qu’il faut pour mener mon projet à terme.
q Tu sais Steevy, il est impossible pour quiconque de prévoir qu’une personne va avoir
le cancer. Et dans notre secteur, les technologies évoluent très vite. C’est difficile de planifier
une stratégie à moyen terme. Moi, je me suis entourée de gens plus intelligents que moi,
je les regarde travailler, et tous les vendredis, pendant un lunch-piiia, je les questionne sur
leurs projets, et ce faisant, je détecte les opportunités d’affaires au fur et à mesure et la
fadon de convaincre nos partenaires d’affaires.
q Bref, ce que tu me dis, c’est que je ne peux pas faire da tout seul l
q Ce que je te dis, c’est que manger de la piiia tout seul, c’est ennuyant !

l’équilibre délicat entre les déterminismes qui pèsent délibéré émergent, lutte coopération, raison émo-
sur l’action humaine et la marge de volontarisme que tion, etc. h mais il faut franchir un pas supplémen-
leurs ressources et leurs compétences confèrent aux taire et laisser coexister les deux pôles en tension.
individus et aux institutions b. (Martinet, 2lld, p. 1l5)
Pour Martinet (2lld, p. 1l1), la stratégie, sise sur les
deux dispositions de la mètis (la ruse de l’intelligence)
et de la phronèsis (la sagesse pratique ou la prudence) La stratégie est un processus dialogique.
grecques, a consiste essentiellement à concevoir, réunir
et manœuvrer des forces-énergies de façon délibérée,
pour introduire des changements jugés avantageux
dans une situation conflictuelle (concurrentielle, dis-
Le stratège
putée) afin de réaliser efficacement le projet politique tans le domaine de la stratégie, on parle parfois du
de l’entité considérée b. stratège comme du législateur en droit : à la troisième
Comme nous l’avons vu au début de ce chapitre, personne, de façon impersonnelle. Et pourtant, le stra-
l’élaboration de la stratégie apparajt tantôt comme un tège est bien souvent, implicitement ou non, le diri-
exercice d’ordre prescriptif, c’est-à-dire comme un pro- geant ou la haute direction composée d’un ensemble
cessus formel et majtrisable, tantôt comme un exercice de cadres fonctionnels qui gèrent l’entreprise. En effet,
d’ordre descriptif, c’est-à-dire comme une activité héritage de la vision tayloriste verticale du travail, la
non ordonnée et partiellement majtrisée qu’au mieux pensée stratégique est perçue, dans les écoles de pen-
on peut décrire le plus souvent après coup. te plus, on sée formelles, comme étant l’apanage du sommet de la
tend aujourd’hui à considérer l’exercice de la pensée hiérarchie, de décideurs en haut lieu, armés pour penser
stratégique comme fondamentalement dialogique quand d’autres exécutent les twches. Pourtant, à l’ère de
dans la mesure o coexistent, en pratique, plusieurs la société du savoir, personne n’ignore que les connais-
réalités en tension : sances s’acquièrent dans le partage aussi bien vertical
Si la complexité appelle la stratégie comme aime qu’horizontal. C’est pourquoi on a tendance à considé-
à le dire Edgar Morin, la stratégie n’en appelle pas rer aujourd’hui que la stratégie émerge des interactions
moins la dialogique o…p la moindre situation pra- constantes entre le haut et le bas de la pyramide, plutôt
tique amène le stratège à ne pouvoir penser une que d’être planifiée uniquement par le haut. Plus encore,
chose sans son contraire h vision circonstances, l’élaboration de la stratégie est perméable à l’expression

1c4 • chapitre

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d’autres points de vue extérieurs à l’entreprise, à savoir qui le portent jusqu’aux objectifs stratégiques pour-
ceux de ses principales parties prenantes. suivis et à la stratégie au niveau de l’entreprise ou
du groupe (corporate strategy), ainsi qu’aux stratégies
d’affaires et aux stratégies concurrentielles utilisées
dans chaque unité d’affaires ;
Héritage des écoles classiques d’adminis-
• s’assurer de la cohérence de ce projet et des choix
tration, la stratégie est souvent pensée critiques qu’il suppose, selon les valeurs, les res-
comme l’affaire des dirigeants seulement. sources et les compétences de l’entreprise et de l’en-
trepreneur, ainsi qu’en fonction de son acceptabilité
dans l’environnement sociétal, c’est-à-dire auprès
des parties prenantes de l’entreprise.
Les concepts stratégiques Nous précisons ci-après le contenu du vocabulaire
classiques classique de l’exercice de la pensée stratégique évoqué
dans les sous-sections précédentes. La figure d.1 (voir
Si l’entreprise résulte de la mise en œuvre d’un projet
ou d’un dessein (eréchet et tesreumaux, 2llx, 2ll5, la page suivante) propose pour sa part une visualisation
2llc), la stratégie consiste à anticiper la place de ce de l’articulation des concepts stratégiques classiques.
projet et les risques qui lui sont associés dans l’espace
La vision
(à la fois géographique, social, économique, etc.) et
La vision est une représentation subjective de l’avenir
dans le temps, bref dans un environnement.
souhaité pour l’entreprise de nature à recueillir l’adhé-
Ainsi, l’exercice de la pensée stratégique, qui articule sion de tous les membres de l’organisation. Elle fonde
constamment des pourquoi (faire) et des quoi (faire) 1, l’énoncé de sa mission et guide les savoirs à construire
consiste concrètement à atteindre deux objectifs (Côté, dans l’entreprise. i l’ère de l’économie du savoir, c’est
Malo, Simard et Messier, 2llr) : la capacité à concevoir une vision de l’avenir en inter-
• clarifier le projet en jeu en concevant tous les élé- prétant son environnement qui différencie majoritaire-
ments clés d’une chajne de raisonnement moyens- ment les firmes les unes des autres plus que tout autre
finsd, depuis la mission et la vision de l’entreprise facteur de compétitivité.

q Et la gagnante estt Julie-Aude !


VÉCUES
HISTOIRES

aulie-Aude, particulièrement fière d’elle-même, monte sur la scène improvisée pour aller
chercher son prix sous les applaudissements de ses collègues. C’est la première fois qu’elle
remporte le premier prix dans un concours. l faut dire qu’elle a beaucoup travaillé sur son projet.
l y a quelques semaines, son gérant est revenu d’une rencontre au siège provincial du
groupe avec la vision du plan stratégique annualisé Cap 2025 : bien manger, mieux consommer.
l a participé pendant trois jours avec les marchands propriétaires, les dirigeants et les autres
directeurs de magasins du Québec à une série de discussions sur les bonnes pratiques,
les enjeux et les opportunités pour le futur. ba bannière du magasin de commerce de détail
en alimentation est exploitée par un groupe international, mais la filiale québécoise a
son autonomie pour décider de la stratégie de ses épiceries dans la province. Aussi son
gérant a-t-il décidé d’impliquer les employés dans plusieurs nouveaux projets et a mis
sur pied un concours afin de trouver la meilleure idée pour animer le magasin quant
aux saveurs et aux couleurs locales. b’idée de aulie-Aude a été retenue par le jury.
be directeur du magasin lui remet un trophée et un bon d’achat dans une librairie. be prix
n’est peut-être pas élevé, mais pendant les semaines qu’elle a passées sur la conception de
son projet, aulie-Aude a été très motivée par son travail. Et da, da n’a pas de prix.

1. Les comment (faire) relèvent pour leur part de la tactique.


2. Une chaîne de raisonnement moaens-fins est une cascade de raisonnements reliant des causes à des effets potentiels et
visant à partir de « pourquoi ? » à établir des « comment (faire) ? ».

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 1ck

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La mission, raison d’être de l’entreprise,


se décline dans le trio de son champ
stratégique.

La mission
La mission est l’énoncé général de la raison d’être de
l’entreprise qui sert à communiquer a qui elle est, ce
qu’elle fait et vers quoi elle se dirige b (tessler, Starke
et Cyr, 2llx, p. 1sl). Elle constitue la projection au
présent de la vision de l’entreprise. Elle justifie la
conjonction des activités à la source de l’offre de pro- entre passé et avenir, lampadaire design, place des Arts, Montréal
duits et de services spécifiques de l’entreprise, destinés
à satisfaire des besoins précis. Pour Allaire et Firsirotu 2. les technologies, les ressources et les compétences
(1ss3, 2llx), s’inspirant de euzzell (1srd), la mission distinctives ; et
se décline dans la description du champ stratégique
3. les marchés (segments de marché, territoires géo-
de l’entreprise, c’est-à-dire d’un trio comprenant :
graphiques et circuits de distribution) ciblés par
1. les produits et les services ; l’entreprise.

FIGURE d.1 Les concepts stratégiques classiques et leur articulation

Environnement externe de l’entreprise

Tendances de l’environnement
Perspective du développement
externe général (PESTEL a) Contraintes et occasions
durable et de l’entreprise
et concurrentiel (industrie d’affaires
responsable
ou groupe stratégique)

Stratégie de l’entreprise et stratégie par unité d’affaires

Vision stratégique Missions et objectifs Stratégie(s) concurrentielle(s)

Environnement interne de l’entreprise

Valeurs et buts
Ressources et compétences Compétences distinctives
des entrepreneurs
de l’entreprise de l’entreprise
et des dirigeants

a. Dans la littérature sur le sujet, le lecteur verra plusieurs acronames (PE n, PE nEL, PE nLmED, nEEPLE, PELn) pour désigner les différentes
composantes sociopolitiques, démographiques, économiques, écologiques, internationales, légales (réglementaires) et technologiques
à prendre en compte dans une analase du macro-environnement de l’entreprise.

1cc • chapitre

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Elle reflète en général les valeurs et la vision partagées La stratégie de l’entreprise


par les membres de l’entreprise et vise à être en phase avec Nous avons vu que le vocable a stratégie b fait référence
les attentes des principales parties prenantes de celle-ci. aux choix stratégiques d’orientation à moyen et à long
terme d’une organisation. Ce mot peut néanmoins
L’objectif stratégique recouvrir différentes significations selon le niveau
L’objectif stratégique est un résultat final spécifique
auquel il correspond. La stratégie de l’entreprise cor-
et escompté en fonction d’un horizon temporel déter-
respond au niveau global des activités de l’entreprise
miné. C’est un but précis que se propose l’action. Il doit
voire du groupe ( ) auquel elle appar-
être, autant que possible, concret, mesurable, datable
tient ( ). jlle consiste en la caractérisa-
et quantifiable. Il faut ainsi distinguer les buts géné-
tion du dessein et du périmètre de l’organisation dans
raux des objectifs stratégiques. Les buts de l’entre-
son ensemble et de la manière dont elle ajoute de la
prise sont des idéaux, des intentions cohérentes avec
valeur à ses différentes activités. L’entreprise peut choi-
la mission de l’entreprise et des normes stables qui ne
sir de crojtre, de se maintenir ou de se retirer de certains
changent que dans les moments de crise ou de réorien-
champs stratégiques. Pour Ansoff (1srs), il existe quatre
tation, tandis que les obAectifs sont des cibles quan-
grandes orientations stratégiques possibles à ce niveau :
tifiables dont la réalisation peut être mesurée à la fin
d’une période précise (année ou trimestre). 1. la pénétration et la consolidation, c’est-à-dire l’aug-
mentation ou le maintien de la diffusion de pro-
duits existants dans un marché existant ;
2. la création de nouveaux produits et services dans
L’objectif stratégique est concret un marché existant ;
et mesurable. 3. la création de nouveaux marchés pour des produits
existants ;
x. la diversification, liée ou non.

FIGURE d.2 Les niveaux stratégiques dans la firme Agropur

Niveau de la gamme
Niveau de l’entreprise ou du groupe
Niveau des unités d’affaires de produits (marmeting) :
(a corpor te b)
exemple d’une unité d’affaires

Agropur
boopérative
Beurres
Division
Fromages
Fromages fins
et ingrédients
jnités d’affaires fromages banada Sans lactose
jnités d’affaires fromages États-jnis
Biologique
Agropur jnités d’affaires ingrédient
Laits aromatisés
jnités d’affaires fromages fins
Division oatrel
enrichi
et produits frais
jnités d’affaires banada
oatrel bafé
jnités d’affaires États-jnis
Portions individuelles
Aliments
jltima inc. t

loentreprise
ource : kgropur, 201d.

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 1c7

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On parle de diversification lorsqu’une entreprise domaine existant et dans lesquels elle n’est pas encore
s’engage dans des domaines d’activité ou des champs présente (voir l’encadré 7.1).
stratégiques ayant des points communs ou non à son

ENCADRÉ d.1 LA DIVERSIFICATION DE L’ENTREPRISE


ba diversification comporte le double en une intégration verticale ou hori- en magasin, ainsi que les activités
avantage d’accroître l’efficience de iontale d’activités dans la filière à de soutien comme la fourniture de
l’entreprise en utilisant les ressources laquelle l’entreprise appartient. semences agricoles, d’équipements
et les compétences existantes dans industriels, d’emballages, l’entrepo-
Une filière est e l’ensemble des liens
de nouveaux marchés ou pour de sage et le transport frigorifique.
interorganisationnels et des activi-
nouvelles offres, générant ainsi des
tés qui sont nécessaires à la créa- ba diversification non liée ou
économies d’envergure et d’appren-
tion d’un produit ou d’un service f conglomérale correspond à la créa-
tissage, et d’accroître le pouvoir de
(aohnson et collab., 200u, p. 136), tion de nouveaux champs straté-
marché et de soutenir les divisions
depuis les activités de conception et giques e qui ne présentent aucun
moins rentables en répartissant les
d’approvisionnement en matières point commun avec les activités exis-
surplus qui sont dégagés ailleurs.
premières jusqu’aux activités en aval tantes f (aohnson et collab, 200u,
ba diversification liée correspond de logistique, de distribution, de ser- p. 32r). Elle peut s’opérer grsce à
au développement de nouveaux vice après-vente, etc. Par exemple, des développements internes ou au
champs stratégiques e qui présentent la filière de l’industrie de la viande moyen des fusions et des acquisitions
des points communs avec les acti- comprend la production agricole, d’entreprises ou des alliances straté-
vités existantes f (aohnson, Scholes, l’abattage, la transformation, la dis- giques (voir la figure ci-dessous).
nhittington, Angzin et Regner, tribution, la découpe de carcasses
200u, p. 32x). Elle peut consister et de pièces congelées sous vide

FIGURE Les formes de diversification

fournisseurs

uers l’amont
Fournisseurs de matières premières

L’intégration verticale Fournisseurs de services


désigne un développement Fournisseurs d’équipements
(transport, financement, etc.)
vers des activités adjacentes
en amont ou en aval de Intégration verticale
l’industrie dans la filière Fournisseurs de produits intermédiaires
d’appartenance.
kntégration horirontale kntégration horirontale

boncurrent entreprise boncurrent

koDjSTRke (concurrents
directs et potentiels)
L’intégration horirontale
désigne un développement Fournisseurs de services (service
uers l’aval

vers des activités Fournisseurs de transport


après-vente, marketing, etc.)
complémentaires ou
concurrentes par rapport
aux champs stratégiques Acheteurs industrielsncistribution
filière
existants.

Acheteurs finals (consommateurs)


ource : Johnson et collab., 2008.

1cs • chapitre

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La stratégie d’affaires Il existe plusieurs stratégies internationales selon que


Si l’entreprise comprend plusieurs domaines d’activité l’entreprise choisit d’internationaliser ses ventes en stan-
ou champs stratégiques (on dit aussi unité d’affaires ou dardisant mondialement ou en adaptant localement ses
domaine d’activité stratégique), cette stratégie de l’entre- produits et services aux marchés visés, ou de mondiali-
prise (corporate strategy) englobe un faisceau de straté- ser ou de disperser ses activités à l’échelle planétaire.
gies d’affaires correspondant à chacun de ses domaines
d’activité (voir la figure 7.3). Lorsque l’entreprise n’a Les e-stratégies
qu’une seule unité d’affaires, stratégie de l’entreprise et Les e-stratégies, ou stratégies d’affaires électroniques,
stratégie d’affaires sont une seule et même chose. à l’ère des technologies de l’information et de la com-
munication, désignent les capacités d’une entre-
prise à exploiter le potentiel d’Internet.

Il faut distinguer stratégie de l’entreprise et Le modèle d’affaires


Le modèle d’affaires, parfois appelé a modèle
stratégie d’affaires lorsque l’entreprise d’entreprise b, est une représentation opéra-
possède plusieurs unités d’affaires. tionnelle de la stratégie. Il permet d’expliciter
la stratégie de l’entreprise. Le modèle d’affaires
expose les choix et la combinaison des moyens
à mettre en œuvre pour créer, capter et parta-
La stratégie d’affaires consiste à repérer les facteurs
ger de la valeur. C’est une sorte de plan d’architecte
clés de succès sur un marché particulier, pour un
(Ostervalder, 2llx) qui précède la rédaction du plan
champ stratégique, une unité d’affaires ou un domaine
d’affaires. Il énonce :
d’activité stratégique donné. Il s’agit de dégager un
avantage concurrentiel ou de renforcer à long terme • la proposition de valeur pour le client ;
une position donnée dans un marché par l’entremise • les ressources, les compétences et les processus maj-
de choix entre plusieurs stratégies concurrentielles gé- trisés par l’entreprise ;
nériques qui s’appuient sur l’avantage par les cokts3, la • le réseau de partenaires clés : les fournisseurs, les
différenciation (distinction) ou la focalisation (niche) clients, les partenaires d’alliances et de collaboration ;
(Porter, 1srl). Il ne faut pas confondre la stratégie • les sources de cokts et de génération de revenus
concurrentielle, au niveau de l’unité d’affaires, avec la (Magretta, 2ll2 ; Saives, tesmarteau et Schieb-
stratégie de produit (ou stratégie de vente, ou stratégie eienfait, 2l12, 2l13, 2l1x).
de marketing) qui s’applique au niveau le plus fin d’une
gamme de produits en marketing (voir la page 186).

Les stratégies internationales La stratégie peut avoir une envergure


Les stratégies internationales désignent la façon dont une
entreprise exploite l’envergure géographique des mar- géographique internationale.
chés pour créer de la valeur ou renforcer ses activités.

FIGURE d.3 ce la stratégie de l’entreprise aux stratégies d’affaires et stratégies concurrentielles

Stratégie de l’entreprise

Stratégie d’affaires de l’unité d’affaires A Stratégie d’affaires de l’unité d’affaires B

Stratégie Stratégie
Vision Mission et Vision Mission et
concurrentielle concurrentielle
stratégique objectifs stratégique objectifs
(choix générique) (choix générique)

3. Voir les économies d’échelle et d’envergure, entre autres, parmi les barrières à l’entrée.

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 1cl

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Il faut distinguer le modèle d’affaires de l’entreprise scientifique, n’ont de valeur que s’ils soutiennent le
des modèles d’affaires au niveau de chaque domaine déploiement de compétences organisationnelles. Ces
d’activité stratégique. Certains utilisent parfois à tort dernières comprennent notamment la compétence de
l’expression a modèle économique b pour désigner le production comme la productivité, l’efficience, la flexi-
modèle d’affaires, alors que le modèle économique bilité ou la qualité des processus industriels, la compé-
renvoie à la seule question des modalités de généra- tence financière comme les relations de confiance avec
tion de revenus et de profits. les investisseurs ou la capacité d’endettement, ainsi
que la compétence d’apprentissage et d’innovation qui
Les valeurs repose sur des connaissances, des expériences cumu-
Les valeurs sont les principes qui sous-tendent l’action lées, des relations sociales, une culture commune et un
et qui peuvent lui conférer une légitimité plus ou moins engagement collectif.
grande selon que ces principes correspondent aux normes
Pour utiliser une métaphore issue de la botanique,
sociétales en vigueur. Elles traduisent ce qui est vrai, beau
les compétences dites a distinctives sont les racines
ou bien, selon un jugement personnel plus ou moins en
et la sève qui alimentent tout l’arbre qu’est l’entreprise,
accord avec celui de la société en général.
et en particulier ses branches et ses feuilles qui corres-
Les ressources et les compétences pondent aux produits commercialisés. Il y a souvent
Les ressources sont les actifs que l’entreprise détient un danger pour l’analyste de prendre la feuille pour
ou peut mobiliser comme les machines ou le person- l’arbre et de se méprendre sur la force de la concur-
nel, alors que les compétences sont ce que l’entre- rence en examinant les produits finis de l’entreprise
prise sait faire et reposent sur des aptitudes ou des concurrente plutôt que les compétences qui les nour-
savoirs. Il s’agit des éléments matériels et immaté- rissent. Pour Andrevs (un des pères fondateurs de la
riels tangibles et intangibles que l’entreprise peut stratégie), les compétences distinctives ne sont fina-
mobiliser pour atteindre ses objectifs k. Par ressources lement pas seulement ce que l’entreprise peut bien
intangibles, on entend : la propriété intellectuelle de faire, mais « ce qu’elle peut faire particulièrement
brevets et de marques de com- bien » (Andrevs, 1sd1, p. sd).
merce, les secrets de fabri-
cation, les contrats, les bases
de données, les réseaux per- cistinguer les ressources et les compétences distinctives
sonnels et professionnels, le
savoir-faire des employés, des est au fondement de la mission de l’entreprise.
fournisseurs et des distribu-
teurs, la réputation des pro-
duits et de l’entreprise, la culture de l’organisation, etc. Les ressources et les compétences doivent être dyna-
miques, c’est-à-dire s’actualiser en permanence pour
Les ressources et les compétences peuvent être indi-
permettre à la firme d’innover à partir de savoirs sans
viduelles, mais aussi et surtout collectives. Si les res-
cesse renouvelés et d’entretenir ainsi sa vision de l’avenir.
sources sont importantes, c’est davantage la capacité
de l’organisation à les mobiliser qui est déterminante. L’environnement général
Ainsi, le capital physique comme les usines, les équi- L’environnement général d’une entreprise comprend
pements, les terrains, les stocks de matières premières son environnement externe et son environnement
et de produits finis, la localisation, ou la technologie, interne (état des ressources et des aptitudes internes,
le capital financier comme les flux de trésorerie ou relations interpersonnelles, structures, etc.). L’environ-
les actifs, ainsi que les ressources humaines comme nement concurrentiel est une lecture stratégique des
le savoir-faire, le travail qualifié ou non, le person- composantes de cet environnement général appliquées à
nel administratif, financier, juridique, technique et l’industrie d’appartenance de l’entreprise en particulier.

4. Parmi les pionniers des théories de la firme fondées sur les ressources et les compétences, citons Penrose (1fdf), zofer et chendel (1fe8),
Wernerfelt (1f84), warnea (1ff1), hrant (1ff1), zall (1ff2, 1ff3), Peteraf (1ff3) v pour ce qui est des capacités danamiques, mentionnons neece,
Pisano et huen (1ffe), kdner et zelfat (2003), zelfat et Peteraf (2003, 200f), zelfat (200e) et neece (200e).

170 • chapitre

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L’environnement externe
L’environnement externe, ou macroenvironne-
ment, est l’ensemble des conditions extérieures Il faut adapter en permanence la stratégie
dites PESTEL (politiques, économiques, sociodé- de l’entreprise aux conditions évolutives
mographiques et culturelles, technologiques,
écologiques, légales et réglementaires) perçues de son environnement.
comme étant susceptibles d’agir sur les capacités de
l’entreprise à exister et à se développer, en susci-
tant des contraintes ou des imprévus, en favori- Un avantage concurrentiel provient du différentiel de
sant des innovations ou en lui offrant des occasions valeur perçu dans le rapport qualité-cokts entre deux
d’expansion (voir le tableau 7.1, page suivante). Ces condi- offres concurrentes. C’est en quelque sorte une force
tions, qui sont complexes et interreliées, échappent avec laquelle une entreprise établit temporairement
souvent à la majtrise des managers. Ces derniers doi- sa spécificité par rapport à ses concurrents. L’avantage
vent néanmoins en faire l’analyse pour mieux orienter concurrentiel est durable lorsqu’il provient d’une offre
leur entreprise. et de ressources et de compétences rares ou inimi-
tables. Nombre d’outils proposés en particulier par une
L’environnement interne
approche prescriptive de la stratégie et la recherche d’un
L’environnement interne est constitué des ressources
positionnement à succès visent à découvrir les sources
et des compétences organisationnelles de l’entreprise
de cet avantage et les moyens de protéger celui-ci par
qui participent, selon les valeurs et les buts prônés par
l’érection de barrières stratégiques (voir la page 182).
ses dirigeants, de la construction de la compétence
distinctive. Nous y reviendrons dans le chapitre r por- L’approche de la responsabilité sociale
des entreprises
tant sur l’organisation.
Aujourd’hui, avec les nombreux débats engagés sur
L’environnement concurrentiel le thème de la nSE, certains considèrent que l’objectif
L’environnement concurrentiel de l’entreprise, ou micro- de l’entreprise va au-delà de la création d’un avantage
environnement, renvoie souvent à son industrie ou plus concurrentiel pour dégager durablement de la valeur
étroitement à son groupe stratégique d’appartenance, et consiste à répondre plus largement aux attentes de
composée d’un ensemble d’entreprises qui se livrent
l’ensemble de ses parties prenantes dans une approche
une concurrence, car elles fabriquent des produits ou
globale du développement durable (voir les chapitres 5
offrent des services plus ou moins similaires avec des
et 11). Selon les tenants de la nSE, il est crucial de
méthodes plus ou moins semblables. Au sein de l’indus-
comprendre les attentes des différents acteurs de son
trie s’exercent des forces de concurrence que nous décri-
environnement, c’est-à-dire les souhaits de ses parties
rons plus loin (voir la page 183).
prenantes à l’égard du comportement et des activités
La finalité de la stratégie de l’entreprise, pour comprendre l’élaboration de la
La finalité de la stratégie consiste à composer un stratégie qui tend à formuler et à réaliser des objectifs
équilibre viable et pérenne entre les forces internes acceptables économiquement et socialement. Péren-
et les forces externes s’exerçant sur l’entreprise. teux niser l’entreprise, c’est-à-dire assurer sa viabilité et sa
approches se font maintenant concurrence : l’approche durabilité, c’est globalement combler, voire dépasser
du positionnement stratégique et l’approche de la res- les attentes de ses parties prenantes, qu’elles s’expri-
ponsabilité sociale des entreprises (nSE). ment explicitement ou non.
L’approche du positionnement
stratégique
Selon les tenants d’une approche dite du cans la perspective du développement durable,
positionnement stratégique, l’entreprise
dégage une valeur économique sur un faire preuve de RSE, c’est dépasser les attentes
marché donné dès lors qu’elle se crée des des parties prenantes.
avantages concurrentiels (Porter, 1sr5).

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 171

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TABLEAU d.1

Les conditions PESTEL de l’environnement externe de l’entreprise


Conditions Définition Exemples de tendance
Politiques Ensemble des décisions politiques fiscales et monétaires • Participation du gouvernement dans le développement
prises et des subventions offertes par les gouvernements économique par des politiques fiscales, budgétaires
nationaux, fédéraux, provinciaux ainsi que les accords et monétaires
des instances internationales comme l’Union européenne, • lroissance ou décroissance de l’intervention de l’btat
l’Organisation mondiale du commerce ou l’kccord de • kccords internationaux
libre-échange nord-américain (kLENk), qui font évoluer
• lontrôles gouvernementaux
les règles du jeu et influent sur la stabilité politique et
• Régime pluraliste ou concentré
l’ouverture des marchés.
• Distribution du pouvoir entre les différents paliers
de gouvernement
• mnstabilité politique en cas de conflit militaire

gconomiques nous les facteurs décrivant l’état de santé • Distribution de la richesse, coct de la vie et
économique comme le taux de croissance, augmentation ou baisse des revenus par habitant
la confiance des consommateurs, l’inflation, expliquant des comportements d’achat
les taux d’intérêt et le développement économique, • kugmentation ou baisse de l’emploi et du chômage
qui influencent le pouvoir d’achat, les comportements et capacité d’achat
de consommation des clients et des parties prenantes. • Développement économique ou décroissance
industrielle
• mnternationalisation des marchés
• Mondialisation des entreprises et de leur réseau
d’approvisionnement-production-commercialisation
• mntensification de la concurrence locale
• ginanciarisation de l’économie

Sociodémographiques bvolution de la population et de ses caractéristiques • Vieillissement de la population


et culturelles sociodémographiques comme la taille, la répartition • kugmentation des attentes en matière de santé
géographique, la paramide des uges ou la structure et de produits sains
familiale, ainsi que ses caractéristiques socioculturelles • kugmentation du niveau d’éducation
comme les valeurs, les croaances, la culture politique,
• lonciliation travail-famille
les modes et les stales de vie, générant, entre autres,
• Militantisme : mouvements sociaux, sandicalisme,
des évolutions dans les comportements d’achats
défense des droits, attentes sociales en matière de
ou de travail.
développement durable, équité, éthique, etc.
• mntérêt pour la qualité de vie
• Cocooning, attentes de sécurité, socialisation virtuelle
• mndividualisation, personnalisation des attentes
• Développement du réseautage social
• Multiculturalisme

Technologiques gorces, telles les découvertes scientifiques et techniques, • bvolution du capital intellectuel, de la main-d’puvre
les alliances et les transferts de technologie qui qualifiée
provoquent des avancées technologiques bousculant • bvolution de la disponibilité de ressources techniques :
les acteurs installés dans leur industrie ou renforçant centres de recherche et développement
leur capacité à innover et à se développer. • Développement de nouvelles technologies :
nanotechnologies, technologies vertes
• Développement du Web interactif 3.0,
des plateformes de réseautage
• Numérisation, automation

172 • chapitre

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Conditions Définition Exemples de tendance


gcologiques bvolution des rapports aux ressources naturelles, • Réduction des impacts sociosanitaires des activités
par exemple le développement des énergies propres, des entreprises du fait de la sensibilisation accrue
le recaclage et la réglementation verte, par des de la population à toutes les formes de pollution
normes et des contraintes écologiques en matière de (de l’air, de l’eau, du sol, sonore, visuelle, etc.)
développement durable, qui influence, autorise ou • Méfiance envers l’écoblanchiment (green ashing)
restreint les activités de l’entreprise. • Protection du patrimoine

Légales et bvolution du cadre réglementaire et législatif comme • Renforcement ou assouplissement de règlements


réglementaires le droit du travail, du commerce, des entreprises et sectoriels sur le travail, l’emploi, la protection
la propriété intellectuelle, aaant des impacts de tout du consommateur, de l’environnement, la santé,
ordre sur le droit et les moaens d’exercer ses activités l’éducation, l’alimentation, etc.
par l’entreprise. • lharges administratives, exigences
réglementaires et quotas

7.3 Le processus de planification stratégique


La planification stratégique (pensée et pratique stra- formels et informels de veille et d’intelligence straté-
tégiques) peut être vue comme un processus d’adap- giques (voir le chapitre 6), c’est-à-dire de collecte, de
tation continue de l’entreprise et des perceptions de tri et d’analyse de données stratégiques à partir d’ou-
ses membres à son environnement, o les résultats tils d’analyse existants, que sont par exemple l’analyse
obtenus sont sans cesse confrontés aux objectifs fixés, PESTEL de l’environnement, l’analyse de l’industrie,
de façon à pouvoir apporter les correctifs nécessaires l’analyse des groupes stratégiques et l’analyse des
au fur et à mesure. Nous présentons ci-après les trois forces de la concurrence de Porter (voir la page 176).
activités (trois a i b) de ce processus a insi que les dif-
férentes conceptions existantes de l’environnement
concurrentiel avant de terminer cette section sur les
L’information : une culture de la veille
conditions de succès et les limites de ce processus.
et de l’intelligence stratégiques.
Les trois activités stratégiques
Pour Allaire et Firsirotu (1ss3, 2llx), comme pour Elle permet l’évaluation des tendances de l’évolution
Johnson et ses collaborateurs (2llr), la stratégie se de l’environnement externe ainsi que des ressources
conçoit en trois activités liées entre elles (les trois a i b et des compétences internes ; elle concourt à l’élabora-
de la stratégie chez Allaire et Firsirotu, 1ss3, 2llx) : tion des objectifs et des plans d’action.
les activités d’information, les activités d’innovation
et les activités d’implantation. Les activités d’innovation
Une activité d’innovation ou d’établissement de choix
stratégiques (I2) demande des habiletés décision-
nelles. Il s’agit de a l’utilisation imaginative de l’infor-
La stratégie est un processus
mation disponible b (Allaire et Firsirotu, 2ll3, p. c22)
d’adaptation continue dont la finalité pour définir des options stratégiques, à partir de stra-
tégies génériques, de nouveaux modèles d’affaires et
est la pérennité. une nouvelle configuration organisationnelle, basée
sur des formes organisationnelles adaptées (voir le
chapitre 8).
Les activités d’information
Une activité d’information ou de diagnostic straté- Les activités d’implantation
gique (I1) requiert des compétences cognitives, infor- Une activité d’implantation ou de déploiement
mationnelles et interpersonnelles (voir la page 174). stratégique interne et externe (I3) nécessite des apti-
Cette activité repose sur la mise sur pied de systèmes tudes à la communication interpersonnelle. turant

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 17t

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cette phase, selon Allaire et Firsirotu (1ss3, 2llx), les


membres de l’entreprise, à travers sa structure, intro-
duisent, légitiment et adoptent les plans d’action, et Implanter la stratégie, c’est penser
ce, à partir d’un modèle de l’organisation. Nous y et conduire une organisation.
reviendrons dans les chapitres r et s consacrés res-
pectivement aux formes organisationnelles et à la
responsabilisation du personnel.
L’environnement :
Pour envisager les approches les plus formelles de
la pensée stratégique, on peut encore décomposer ce
contexte ou construit
processus en plusieurs sous-étapes (Aktouf, 2llc ; L’entreprise est une organisation, c’est-à-dire un lieu
Côté et collab., 2llr) : de production et de reproduction de rapports sociaux,
1. établir la mission et les buts de l’entreprise (I1) ; au même titre qu’un hôpital, une université, un club
2. définir et évaluer l’environnement général et sportif, un organisme de bienfaisance, un regrou-
concurrentiel pour déterminer les occasions d’af- pement syndical ou une coopérative de travailleurs.
faires et les menaces devant lesquelles est placée Cependant, l’entreprise est d’abord un agent éco-
l’entreprise (I1) ; nomique produisant et distribuant des biens ou des
3. évaluer les ressources, les compétences, les forces et services dans son environnement, en relation avec
les faiblesses de l’entreprise (I1) ; d’autres partenaires économiques tels que les consom-
x. élaborer un programme d’action composé d’une mateurs, les concurrents, les institutions financières,
hiérarchie cohérente de plans (stratégiques, struc- les fournisseurs ou l’État.
turels, opérationnels) (I2) ; L’environnement est ainsi à la fois une source de sa-
5. mettre en œuvre la stratégie de l’entreprise et les voirs et de ressources pour les activités de l’entreprise
stratégies d’affaires retenues (I3). de même qu’un espace constitué d’occasions d’affaires
tans une perspective dynamique, ce processus est et d’une multitude d’attentes de la part des parties pre-
continu et suppose une dernière étape, qui consiste nantes concernées par les activités de l’entreprise.
en l’actualisation de la stratégie de l’entreprise et des Nonaka et Toyama (2lld, p. 3dx) avancent ceci : a La
stratégies d’affaires retenues au moyen du recommen- réalité n’existe pas de manière objective. Elle est créée
cement périodique du processus. Précisons que le par une organisation qui la perçoit comme réelle. Ce
processus de planification stratégique est moins une qui veut dire qu’une stratégie n’est pas juste un cane-
séquence établie et ponctuelle d’activités qu’un cycle vas pour créer un plan afin de réagir à cette réalité,
continu de réflexion o plusieurs activités s’alimen- mais que c’est aussi un canevas pour percevoir la réa-
tent les unes les autres (voir le tableau 7.2). Il n’est pas lité, et ce canevas en retour est formé par l’interpré-
approprié de distinguer ces étapes de façon linéaire tation de cette réalité. b Aussi, certains considèrent,
dans la perspective systémique de la complexité, o selon une vision déterministe, que l’environnement
les idées émergent à l’intérieur et autour de l’organi- est un contexte donné auquel il faut s’adapter.
sation et de façon continue dans l’interaction entre
les trois activités.

TABLEAU d.2

Les trois activités du processus stratégique et les habiletés requises


Processus stratégique Activités dabiletés et compétences
mnformationnelles, cognitives,
Information (I1) Diagnostic stratégique
interpersonnelles

Innovation (I2) lhoix stratégiques Décisionnelles

Déploiement stratégique
Implantation (I3) mnterpersonnelles
interne et externe

174 • chapitre

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t’autres, au contraire, s’appuyant sur une perspec-


tive volontariste, le conçoivent comme un construit
abstrait qui reflète les perceptions, les intentions et les L’environnement est à la fois une donnée
actions des dirigeants des entreprises (mafsi, Séguin et un construit. Il est à la fois contraignant
et Toulouse, 2lll). En juxtaposant ces deux pôles et
étant donné l’interaction permanente entre le donné et habilitant.
et le construit, on peut aussi concevoir, selon une troi-
sième perspective dualiste (Côté et collab., 2llr),
que l’environnement a un caractère à la fois contrai- Les limites de la prévision
gnant, qui cadre l’action, et habilitant, qui rend pos- La planification stratégique est une affaire d’individus.
sible cette action. Et quel que soit l’arsenal d’outils statistiques et infor-
Si, pour reprendre la conception de numelt (2lls), matiques utilisés pour aider la prise de décision à court,
la fonction de la stratégie est moins de résoudre un à moyen ou à long terme, elle reste par nature impar-
problème que de structurer une situation de sorte que faite et approximative. Même si la tentation est forte,
les problèmes émergents soient solubles, alors l’activité car elle s’avère rassurante, on ne peut tout planifier
d’information est essentielle. Le diagnostic porte sur t’une part, tout n’est pas mesurable. t’autre part, la
toutes les composantes de l’environnement interne et rationalité humaine demeure limitée, et l’information
externe de l’industrie à laquelle appartient l’entreprise. analysée est naturellement dépassée (voir le chapitre 6).
Les outils que nous décrirons ci-après permettent L’information utilisée pour penser et décider ne se
surtout de poser un diagnostic sur l’environnement révèle pas toujours exacte, pas toujours disponible, pas
externe de l’entreprise, alors que les prochains cha- toujours explicite ou évidente, et il est souvent difficile
pitres fourniront au lecteur des outils plus détaillés de mesurer ou d’appréhender, en particulier à long
d’analyse de son environnement interne. terme, des effets d’incertitude et de complexité, et ce,
malgré le recours à l’analyse. Il faut donc garder à

q Ben bravo, Philippe-André ! dit-il à son double dans le miroir.


VÉCUES
HISTOIRES

l a gagé et il a perdu. Tout ce qu’il lui reste à faire, c’est de s’en mordre les
doigts. Quand les compagnies aériennes à bas coûts (low cost) se sont multipliées
depuis l’arrivée de Southzest Airlines en 1pr0, il n’a pas cru qu’elles pourraient
survivre. bes mêmes modèles d’avions pour tous leurs vols, des aéroports excentrés,
des créneaux horaires peu pratiques en milieu de journée, iéro service à bord,
des bagages payants, l’achat des billets exclusivement en ligne, aucun transfert
entre aéroports, etc. C’était un pari osé ! Personne n’y a cru au début. Pourtant,
début 2000, il lui a fallu se rendre à l’évidence. be transport aérien ne sera jamais
plus comme avant. l a muté. be low cost est entré dans l’ADN de l’industrie.
Et chaque compagnie nationale a dû trouver la manière de lancer sa propre filiale
pour survivre au rai-de-marée. m commencer par la sienne. S’il avait réagi plus
tôt, il aurait pu mieux s’en tirer. Mais il n’est toujours pas convaincu. b’exacerbation
de la concurrence sur la rémunération et les clauses des contrats d’embauche
des pilotes avec des pays oh la réglementation et le coût du travail sont plus
avantageux, l’utilisation de subventions gouvernementales au développement
local des plus petites municipalités oh se trouvent les aéroports ciblés et leurs
faibles taxes aéroportuaires, le coût réduit des créneaux aériens du fait des horaires
choisis sont-ils des moyens durables pour équilibrer le modèle d’affaires des
concurrents low cost à long terme l
Philippe-André se détaille dans le miroir un moment et redresse les épaules.
q Après tout, la partie n’est peut-être pas encore terminée, se dit-il en se tapotant
le visage avec sa crème après-rasage.

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 17k

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l’esprit que la planification stratégique peut être utile pas copier C’est déjà un pas vers la réflexion au sujet
dès lors que l’on en connajt toutes les limites. En effet, de nouvelles options et connaissances sur la base des
elle peut s’avérer très nuisible si la représentation capacités internes d’analyse et de partage de savoirs.
incer taine de l’avenir qu’elle produit devient la norme
à atteindre et si le processus par lequel elle y parvient Un processus participatif
constitue un moyen de renforcer la structure bureau-
cratique qui ne laisse alors plus de place à l’innovation, Enfin, la planification stratégique reste une affaire
à l’adaptation, éléments essentiels d’un management de d’individus, et l’affaire de tous les individus Étant
l’entreprise innovante dans la société du savoir. eref, donné que le projet de l’entreprise est indissociable
trop planifier n’est pas mieux que trop peu planifier. des porteurs de connaissances qui la composent ou
Et les outils de la planification doivent s’adapter à la réa- qui l’observent dans la société, l’élaboration de la stra-
lité, et non l’inverse. Il s’agit ainsi d’éviter d’utiliser tégie devient un formidable exercice de motivation et
les outils de la planification pour justifier des plans de dialogue, fondé sur des efforts politiques de persua-
d’action figés, fermes ou irrévocables sion des parties prenantes et de conciliation avec elles
à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise (employés
dans l’entreprise et intervenants hors de l’entreprise).
Cet exercice contribue à la matérialisation d’un projet
La planification de la stratégie formelle commun et à l’explicitation d’intérêts partagés.
Parce qu’elle est à la fois précurseure et résultats de
est un outil faillible.
changements, et qu’elle influe sur le cours de l’organisa-
tion, la pensée stratégique réussira dans la mesure o
elle s’intégrera au tissu social externe et interne de l’en-
Certes, l’entreprise se trouve limitée par ses moyens treprise, et notamment si le dirigeant comprend parfai-
pour réaliser toutes les options souhaitables. Mais la tement les réalités formelles et informelles de celle-ci et
pensée stratégique doit demeurer une recherche per- de sa culture. La stratégie est à la fois intuition et calcul.
manente d’options d’actions à partir d’une utilisation Elle demeure aussi accidentelle et improvisée. Elle se
créative d’informations disponibles et de connais- manifeste dans l’action. te fait, dans la société du sa-
sances à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise pour voir, l’exercice même ne doit pas se limiter à la haute
éviter les déséquilibres potentiels entre son offre direction ; il doit se nourrir au mieux de toutes les
et son environnement. Elle repose sur une capacité connaissances à l’œuvre dans l’entreprise organisée
d’acuité. On lit souvent que l’exercice très formel de de façon participative comme un système de ba (espaces
planification que commandent les écoles prescriptives de partage et de création de connaissances en japo-
est si rarement réalisable que nombre d’entreprises ont nais h voir le chapitre 10) vivant et protéiforme pour faire
simplement recours à l’imitation. Mais imiter, ce n’est émerger les idées nouvelles.

7.4 Le modèle d’analyse stratégique de l’environnement


Pour comprendre globalement les caractéristiques et la turbulentes, dans lequel se trouve l’entreprise influent
dynamique de l’environnement externe de l’entreprise, sur la structure et la dynamique de l’industrie. i
nous utiliserons le modèle d’analyse stratégique sché- son tour, la structure et la dynamique de l’industrie
matisé dans la figure d.x. Ce schéma simplifié s’inspire influent sur le choix des stratégies de l’entreprise. Les
du modèle de l’organisation industrielle issu des travaux stratégies retenues de même que les conditions de base
menés dans les années 1sdl par des économistes insti- agissent sur la performance économique et sociale à
tutionnels tels que Mason, eain, Scherer et Jacquemin, la fois de l’industrie et de l’entreprise. Cependant, les
pour ne citer que les principaux, ainsi que des travaux influences ne vont pas toujours dans le même sens.
de Porter sur l’analyse de la concurrence. Il intègre la En effet, grwce à leurs actions stratégiques, les entre-
dimension sociopolitique et les préoccupations contem- prises peuvent modifier partiellement les conditions
poraines relatives au développement durable. de base de leur environnement. Les entreprises qui,
Les conditions de base de l’environnement général pour diverses raisons, n’amorcent aucune action stra-
externe, plus ou moins changeantes, complexes ou tégique ne peuvent, par contre, prétendre exercer une

17c • chapitre

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quelconque influence. Le sens des flèches de rétroac-


FIGURE d.4 Le modèle d’analyse stratégique
tion verticale à droite dans la figure d.x indique que
de l’environnement de l’entreprise
la performance de la firme exerce un effet de rétroac-
tion à la fois sur la stratégie et sur l’environnement
de l’entreprise. Caractéristiques de l’environnement
tans les sous-sections suivantes, nous examinerons externe et concurrentiel
chacune des variables qui composent ce modèle : l’en-
• knalase des conditions PE nEL du macroenvironnement
vironnement externe et concurrentiel, l’industrie ou le
• mdentification des parties prenantes de
groupe stratégique d’appartenance, l’innovation stra- l’environnement
tégique et la performance de l’entreprise. • knalase des tendances (PE nEL) dans l’environnement
concurrentiel :
L’environnement externe – gacteurs d’évolution de la demande
– Mondialisation
et concurrentiel – Effervescence technique et innovations
L’environnement d’une industrie à laquelle se rattache un
certain nombre d’entreprises est façonné par l’ensemble
Structure et dynamique de l’industrie
de ses conditions politiques, sociodémographiques, éco-
nomiques, technologiques, légales et réglementaires. • Définitions de l’industrie et des groupes stratégiques
Cet environnement impose des contraintes, génère • loncepts structuraux et danamiques :
des imprévus, suscite des innovations et peut aussi of- – loncentration et parts de marché
frir des occasions d’expansion à l’entreprise. L’analyse – warrières à l’entrée ou à la sortie
des conditions de l’environnement doit donc être à la – Rivalité entre firmes : cinq ( 1) forces de la
concurrence de Porter
fois globale et dynamique. Il s’agit de détecter les ten-
dances (PESTEL) qui ont et auront un impact à court
et à moyen terme sur l’industrie et sur les activités de Stratégie de l’entreprise et
l’entreprise, car ces tendances dessinent à plus long stratégies d’affaires
terme les traits d’une société tout entière.
• bvaluation, actualisation, reformulation permanente
de la stratégie de l’entreprise et des stratégies
d’affaires de l’entreprise dans chacun de ses champs
Comprendre la société pour y intégrer stratégiques d’activité
• lhoix critiques dans chaque champ stratégique :
les activités de l’entreprise. – Mission (trio produit-compétence-marché), vision
– wuts et objectifs, en cohérence avec les attentes
des parties prenantes
– tratégie concurrentielle (prix, différenciation,
tans cette section, nous présentons plus particu-
niche, habride)
lièrement quelques-uns des facteurs dynamiques (ou
encore des tendances) de l’environnement concurren-
tiel à la source d’incertitudes, d’occasions d’affaires Performance économique et sociale
et de changements. On entend par environnement de l’industrie et de l’entreprise
concurrentiel l’environnement d’affaires spécifique ource : kdapté de cherer, 1fe0, p. d.
d’une entreprise et de son industrie d’appartenance.
Il traduit l’ensemble des tendances générales PESTEL
dans une industrie particulière, celle d’une entreprise,
dans les années 1ssl provenait de l’afflux de clients
propre à son offre de produits et services.
nouveaux. Un secteur industriel o les clients ne font
L’évolution de la demande que des achats répétitifs se dirige inéluctablement vers
La croissance et la décroissance de la demande de une situation de maturité, voire la stagnation.
produits ou de services dépendent de divers facteurs. La demande à laquelle fait face l’entreprise résulte
Une industrie est en croissance lorsque la plupart des de l’agrégation des décisions d’achat des clients et de
acheteurs sont de nouveaux clients. Par exemple, la très leurs préférences. Elle est influencée par des facteurs
grande croissance des ventes de fours à micro-ondes endogènes, qui dépendent des dirigeants, et par des
dans les années 1srl et celle des téléphones portables facteurs exogènes, qui échappent entièrement à leurs

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 177

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actions. L’entreprise peut contrôler les facteurs endo-


gènes suivants :
• la qualité du produit : fonctionnalité, fiabilité, nou-
veauté, etc. ;
• le prix du produit ;
• le lieu d’implantation ;
• l’image et les politiques de commercialisation.

La demande : distinguer les facteurs


endogènes et exogènes de croissancen
décroissance.
Le centre de commerce mondial, Montréal

En revanche, l’entreprise ne peut gérer les facteurs et de commercialisation et redoubler de vigilance quant
exogènes liés au macroenvironnement (voir le tag aux produits ou aux services offerts. Elles doivent, par
bleau 7.1, page 172) et au microenvironnement (de l’in- exemple, veiller à maintenir une qualité et des prix
dustrie ou du groupe stratégique d’appartenance) ou concurrentiels, sinon elles risquent de se voir supplan-
encore à la rivalité entre entreprises (voir la page 183). tées sur leur propre terrain par des industries et des
Elle doit plutôt y adapter sa stratégie. entreprises étrangères, dont les nouveaux concurrents
provenant de la Chine, de l’Inde, de l’Asie du Sud-Est,
La mondialisation de l’Amérique latine, etc.
La libéralisation des marchés et l’ouverture des fron- Le monde s’apparente maintenant à une société pla-
tières vont en s’accélérant depuis quelques années. tes nétaire dont les dernières frontières sont en voie de dis-
ententes comme l’ALENA, l’Accord économique et parition. tes marchés se créent à l’échelle mondiale.
commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union Les banques canadiennes, par exemple, ont été appe-
européenne ou les Accords d’échange Asie-Pacifique lées à faire montre de dynamisme à l’étranger, afin de
permettent désormais les échanges de matières pre- se donner une stature de niveau mondial. tes liens se
mières, de produits finis et de services ou de capitaux créent entre des économies nationales. Les entreprises
comme la circulation de la main-d’œuvre. Il s’agit de travaillent de concert avec des partenaires et forment
phénomènes avec lesquels les industries et les entre- des alliances économiques et technologiques. Plusieurs
prises locales doivent apprendre à composer. Celles-ci d’entre elles, dans le but d’atteindre une meilleure effi-
doivent s’en remettre à de nouvelles règles de production cience, s’emploient à intégrer étroitement leurs activités

Frédérique sort d’une réunion oh était requis son avis sur le choix final
VÉCUES
HISTOIRES

des moteurs pour de futurs modèles d’avion. Elle y a appris que si la performance
du moteur s’avère importante, son prix d’achat et de maintenance l’est tout
autant. bes coûts de développement et de production d’un moteur sont très
élevés. Pour niveler ces coûts, les constructeurs mondialisent l’organisation de
leur chaîne de valeur. Certains motoristes ont commencé à produire des pièces
à moindre coût en délocalisant leurs propres usines, en établissant des partenariats
locaux ou encore en sous-traitant complètement la production en Pologne,
au Mexique ou en Chine. be coût de production s’en trouve réduit au moins
de moitié. Mais au détriment de qui l se demande Frédérique.

17s • chapitre

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dispersées dans plusieurs pays, voire sur plusieurs L’innovation commerciale aboutit à de nouvelles
continents. La mondialisation n’est pas en soi un phé- caractéristiques en matière de distribution (portail de
nomène nouveau, mais la concurrence se mondialise à commande vente en ligne, systèmes de paiements en
un rythme jamais égalé dans le passé. libre-service, livraison à domicile, future livraison par
drone) ou de marketing (publicité par jeux-concours
sur téléphone mobile, sur les réseaux sociaux, en pop-
x l’ère de la libéralisation des marchés et shop). La création de segments de marché inédits par
l’adaptation des produits à des usages nouveaux est
du développement des technologies de aussi une source de croissance des ventes et de dyna-
l’information et de la communication, misme pour l’industrie. Par exemple, les parachutes,
les avions légers, les jeeps ou plus récemment les sys-
la société devient planétaire. tèmes de géolocalisation par satellite (ou GPS) conçus
initialement à des fins militaires ont été modifiés pour
permettre des usages nouveaux par les particuliers, et
L’innovation leurs ventes se sont accrues rapidement.
L’innovation constitue l’un des facteurs les plus impor- Les innovations dans les processus organisation-
tants qui provoquent de fortes turbulences dans nels comme l’introduction de la gestion participative,
l’environnement d’une entreprise. L’innovation est l’ex- la personnalisation des produits à la commande, la
ploitation d’idées nouvelles dans de nouveaux pro- numérisation des données de l’entreprise provoquent
duits, de nouveaux services, de nouveaux procédés ou également des variations dans la structure des cokts,
processus de travail ou encore de nouveaux modèles l’efficience ou la créativité d’une entreprise et de son
d’affaires (Morand et Manceau, 2lls). Notons que le offre. La personnalisation des produits, une nouvelle
chapitre 1l fait une présentation plus approfondie de la tendance en marketing qui consiste en la fabrication à
gestion de l’innovation et de l’organisation créatrice. grande échelle de produits partiellement sur mesure
Il va sans dire que plus les progrès en matière d’inno- à la demande des clients, repose sur une innovation
vation technologique se multiplient, plus ils nourrissent dans les processus d’organisation : optimisation de
différents types d’innovations qui peuvent avoir une l’utilisation des outils Internet dans la coordination
influence déterminante sur le développement de l’indus- de la chajne d’approvisionnement, de la production, de
trie et de l’entreprise, à court et à moyen terme. Ainsi, la logistique, etc. C’est le cas du projet Nike it, o le
les innovations dans l’offre de produits ou de services consommateur est invité à choisir en ligne les caracté-
reposent elles-mêmes très souvent sur des innovations ristiques de ses chaussures ou de ses vêtements de
dans les procédés techniques, qui donnent naissance à sport, ou d’Alphakid, o le lecteur peut personnali-
des industries nouvelles et exercent une influence sur ser en ligne les histoires des livres pour enfants qu’il
la demande des produits ou des services déjà offerts veut commander.
dans le marché. Par exemple, la conception des tablettes
numériques ou des téléphones intelligents repose sur le
développement des capteurs tactiles, de la connectivité La nouvelle économie est fondée sur
(USe), des technologies d’échange de données sans fil
(yiFi, NFC, eluetooth), de réseau de fréquences numé- l’innovation et sur la connaissance.
riques, de processeurs multicœurs, etc. Les innovations
dans les procédés techniques peuvent conduire à des
réductions de cokts, à des améliorations en matière de Les innovations stratégiques dans les modèles
fiabilité, de qualité ou de rapidité de la mise en marché. d’affaires sont pour leur part une réinvention des
Ces innovations créent alors pour les entreprises qui les choix stratégiques de l’entreprise et en particulier
génèrent des barrières à l’entrée et éliminent les concur- de ses sources de revenus, par la redéfinition de sa
rents incapables de les adopter. Les ordinateurs fixes puis mission (dont ses compétences distinctives), de son
portables, les services de cwblodistribution, les marchés réseau de partenaires et de la structure de ses cokts.
d’alimentation de plus en plus grande surface, les sup- Par exemple, les compagnies aériennes à bas prix,
ports de contenus audiovisuels (vidéocassettes, puis le journal Métro, gratuit et entièrement financé par
tft) évoluant vers le téléchargement en ligne sont des la publicité, ou eixi, le système de location-partage
exemples d’innovations de ce type. de vélos à Montréal, ou Communauto, le système

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 17l

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de location-partage de voitures, sont des innovations h indistinctement les producteurs faisant affaire
dans les modèles d’affaires fondées sur de nouvelles uniquement à l’échelle nationale et ceux qui inter-
structures de tarification. viennent à l’échelle internationale.
Il s’agit donc pour l’entreprise de rester alerte, au Étant donné que l’on risque, dans le premier cas,
moyen de la veille stratégique, concernant l’existence, d’exclure de l’analyse un concurrent menaçant qui
les enjeux et les impacts de l’ensemble de ces types offre des produits substitutifs et, dans le second cas,
d’innovations sur son industrie d’appartenance et sur de mener une analyse superficielle sur des acteurs trop
sa propre activité. disparates, la définition d’une industrie s’avère un
exercice fort délicat, voire périlleux pour quiconque
désire procéder à une analyse fine de son environne-
ment concurrentiel. Afin d’éviter autant que possible
L’innovation peut être technologique, toute distorsion à cet égard, il importe, dès lors, de
commerciale, organisationnelle recourir à une notion qui donne une vision plus réa-
liste de l’industrie et de ses acteurs. Le concept de
ou stratégique. groupe stratégique d’entreprises, c’est-à-dire le sous-
ensemble d’entreprises ayant des champs stratégiques
et des stratégies similaires, permet d’atteindre cet
L’industrie ou le groupe objectif (Porter, 1sr2). Plus précisément, un groupe
stratégique d’appartenance stratégique est constitué de a firmes dont le champ stra-
tégique est très similaire, par leur envergure de pro-
Une industrie est une arène o les entreprises concur- duits, leur envergure de marchés, leurs compétences,
rentes rivalisent les unes avec les autres pour vendre leurs ressources et leurs technologies b (Allaire et
des produits ou des services à des acheteurs. Ces entre- Firsirotu, 2llx, p. 2sx).
prises sont assujetties à des réglementations gouver-
nementales propres à chaque industrie, tout en étant
bien skr soumises aux réglementations universelles
concernant les entreprises commerciales et indus- ce l’industrie au groupe stratégique,
trielles. La pertinence du raisonnement stratégique
repose sur une caractérisation adéquate du périmètre
il faut bien définir le périmètre
de la concurrence. Aussi, la délimitation d’une indus- de la concurrence directe.
trie d’appartenance et l’explication des outils pour en
analyser la dynamique concurrentielle sont les objets
des deux prochaines sections.
Ainsi, plusieurs groupes stratégiques peuvent
Délimiter les périmètres coexister au sein d’une même industrie. Ce qui les
de la concurrence distingue les uns des autres peut tenir au degré de
Les frontières d’une industrie varient selon la perspec- spécialisation ou d’intégration verticale (choix des
tive qui est adoptée. En voici quelques exemples. activités prises en charge par l’entreprise), au rapport
entre la qualité (fiabilité, image de marque) et le prix
• L’industrie peut être définie de façon étroite, si l’on
des produits ou des services offerts, aux choix des
ne considère que :
circuits de distribution, etc. (voir l’encadré 7.2). Il est
h les entreprises qui fabriquent ou offrent des possible de cartographier ces groupes stratégiques à
produits similaires, par exemple les fabricants partir de quelques-unes des dimensions les plus ca-
d’automobiles ; ractéristiques de la concurrence dans une industrie.
h les concurrents qui sont au sein d’un même seg- On peut alors rassembler les acteurs par leurs simili-
ment de marché, par exemple les fabricants de tudes quant à ces composantes principales grwce, par
voitures sport. exemple, à l’analyse multifactorielle. Ces groupes
• i l’inverse, l’industrie peut être définie de façon se chevauchent plus ou moins entre eux, puisqu’on y
large, si l’on considère : trouve parfois les mêmes entreprises qui peuvent
h tous les fabricants offrant des produits ou des ser- donc avoir plusieurs champs stratégiques différents et
vices substitutifs, par exemple la radio, les jour- appartenir à plusieurs groupes stratégiques.
naux, les revues, la télévision, Internet, etc. ;

1s0 • chapitre

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ENCADRÉ d.2 LA CARACTÉRISATION DES GROUPES STRATÉGIQUES DANS


L’INDUSTRIE DU COMMERCE DE DÉTAIL EN ALIMENTATION
Dans le cas du commerce de détail x. les très grandes surfaces écono- groupe satisfait en général un besoin
en alimentation, on distingue au miques de type clubs-entrepôts différent. Au sein d’un même groupe,
moins quatre groupes stratégiques comme Costco, proposant une la concurrence se traduit souvent dans
(voir la figure ci-dessous) avec : offre de forte envergure de pro- les oligopoles (des industries oh évo-
duits de grands formats, et ce, luent plusieurs compétiteurs, mais en
1. les supermarchés Metro, boblazs-
pas seulement dans le domaine nombre relativement limité) par des
Provigo, GA-Sobeys, proposant
alimentaire. stratégies de prix (par exemple, la
une offre alimentaire diversifiée
Bien que ces entreprises proposent prolifération de marques de distribu-
et étendue g
des produits apparentés, elles agissent teurs). Entre groupes différents, si les
2. les commerces de proximité comme parts de marché d’un groupe viennent
différemment et tentent de répondre
les dépanneurs, les pharmacies, les à s’éroder, on peut s’attendre à ce que
à des besoins divers au sein d’une
petites épiceries, proposant une ses entreprises tentent d’entrer dans
même industrie. Ces groupes straté-
offre alimentaire peu étendue un groupe concurrent. C’est le cas des
giques sont évidemment susceptibles
de dépannage, c’est-à-dire à supermarchés GA-Sobeys, Metro et
d’évoluer au fil du temps.
proximité et à toute heure g boblazs qui se sont dotés de grandes
3. les spécialistes de produits comme bes chevauchements entre les groupes surfaces économiques Super C et
les boucheries, les boulangeries, les indiquent les iones de rivalité poten- Maxi quand la vague des magasins
poissonneries, les fruiteries, les tielle et d’intensité de la concurrence. de rabais, mettant en œuvre une stra-
épiceries fines, offrant un contexte Celle-ci est souvent plus forte entre tégie de différenciation-épuration, a
d’achat qui se veut plus attrayant membres d’un même groupe qu’entre déferlé sur le Canada.
et personnalisé g groupes différents, puisque chaque

FIGURE Les groupes stratégiques dans l’industrie du commerce de détail en alimentation

Spécialisation de l’offre alimentaire Supermarchés


Spécialistes
OFFRe
alimentaire
spécialisée Produits
étendue Magasins de rabais
uiandes d’épicerie
(par exemple : Maxi y Cie)
bOoTevTe Poissons comestibles
d’achat Boulangerie OFFRe alimentaire
attrayant Spécialités diversifiée étendue Pharmacies
OFFRe Produits d’épicerie
alimentaire non comestibles
de dépannage
de proximité
(heures d’ouverture
longues)
cépanneurs

OFFRe alimentaire marginale Autres produits Costco OFFRe alimentaire


OFFRe non alimentaire plus et non alimentaire
ou moins spécialisée diversifiée étendue
krands magasins

Part du marché du commerce de l’alimentation


Économies d’échelle/prix
ource : kdapté de kllaire et girsirotu, 2003, p. 632.

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 1s1

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Caractériser une industrie ou sont caractérisées par des barrières à l’entrée nom-
un groupe stratégique breuses ou difficiles à franchir, liées au capital, à la
Une fois que l’industrie a été délimitée, plusieurs distribution ou à l’accès aux richesses naturelles.
concepts permettent de la caractériser. Les sections
qui suivent sont consacrées à leur définition. Nous
examinerons quatre principaux concepts structuraux : Un élément clé du diagnostic industriel :
la concentration économique et les parts de marché,
les barrières à l’entrée, les barrières à la sortie et la les barrières à l’entrée.
rivalité interentreprises.
La concentration économique et les parts de marché
La part de marché d’un produit, d’un service ou d’une Les barrières à l’entrée peuvent provenir de diffé-
entreprise est la proportion du chiffre d’affaires ou rentes sources. En voici quelques exemples.
du nombre d’unités vendues générée par le produit, • Les restrictions Auridiques (et autres licences ou
le service ou l’entreprise en question par rapport au permis réglementaires), lorsque le gouvernement
chiffre d’affaires ou au nombre d’unités vendues de accorde un privilège à une entreprise (par exemple, la
l’ensemble des entreprises présentes dans un mar- radio, la télévision, la cwblodistribution, le transport).
ché donné. En raison d’économies d’échelle dans la • Les brevets, lorsque des droits exclusifs d’exploi-
fabrication, les achats ou la distribution, une industrie tation commerciale sont accordés pour un certain
peut comporter une seule entreprise ou quelques-unes temps aux inventeurs de produits (par exemple, les
ayant des parts de marché élevées. On parle alors de brevets pharmaceutiques).
monopole ou d’oligopole. C’est le cas de l’industrie • L’accès à des ressources naturelles ou à des sites,
de la distribution d’électricité au uuébec. On dira lorsque les ressources sont rares ou qu’il est difficile
alors que la concentration est forte. Par contre, dans de se les approprier (par exemple, les diamants, la
l’industrie de la construction ou dans celle de la res- bauxite, l’électricité).
tauration alimentaire, le nombre d’entreprises est très • La supériorité technologique, lorsque la compé-
grand. Ces exemples illustrent une situation o la tence technologique d’une firme surpasse nette-
concentration est dite relativement faible. uuand il y a ment celle de ses concurrents.
une multitude de concurrents qui proposent des pro- • Les courbes d’apprentissage et d’expérience, qui
duits différenciés, on parle d’industrie fragmentée. renvoient principalement à la capacité d’une entre-
uuand le nombre des concurrents s’avère très élevé et prise de réduire ses cokts marginaux de fabrication
que leurs produits sont plutôt homogènes, on parle de en raison de l’expérience cumulée dans l’utilisa-
concurrence quasi parfaite. Ainsi, la concentration tion, par exemple, de technologies ou d’équipements
globale d’une industrie, d’un secteur ou d’un groupe complexes pour la fabrication. On estime empiri-
stratégique s’exprime en fonction de parts de marché quement qu’à chaque doublement de volume de
détenues par un nombre donné d’entreprises impor- production, les cokts de fabrication d’une entreprise
tantes pour cette industrie, ce secteur ou ce groupe peuvent diminuer de 15 à 3l avant d’atteindre
stratégique. Elle reflète le nombre de concurrents et, un seuil de stabilisation. Cela constitue une bar-
de fait, le degré de rivalité dans le marché considéré rière pour toute entreprise nouvelle qui entre dans
(voir la page 183). le même secteur. Les cokts de fabrication peuvent
aussi varier selon la complexité du nouveau produit
Les barrières à l’entrée
qu’une entreprise désire offrir aux acheteurs. En
Les barrières à l’entrée dans une industrie y freinent
effet, ces cokts peuvent être plus ou moins élevés,
la venue de nouveaux concurrents ou empêchent la
selon qu’il est possible ou non, par exemple, d’inté-
mobilité d’un concurrent d’un groupe stratégique à grer la fabrication d’un nouveau produit à la fabrica-
l’autre (barrières à la mobilité). L’entreprise qui veut tion courante, à partir de savoir-faire déjà acquis.
faire partie d’une industrie doit disposer des res-
• Les co ts irrécupérables, c’est-à-dire les cokts que
sources et des compétences nécessaires pour franchir
doit assumer l’entreprise afin d’asseoir sa position
ces barrières et s’y tailler une place. Les industries de dans l’industrie et qui ne peuvent être recouvrés, si
la construction métallique, de la construction générale ce n’est en prenant le risque d’influer sur la demande
ou du meuble présentent peu de barrières à l’entrée. en raison de la forte compétition (par exemple, les
Par contre, les industries pétrochimique, métallur- cokts de recherche et développement, de promotion,
gique, biopharmaceutique, spatiale et les papetières de publicité).

1s2 • chapitre

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• Les co ts d’exploitation à l’étranger, parmi les- Les barrières à la sortie


quels figurent les cokts de transport, les cokts rela- Les barrières à la sortie telles que le capital déjà investi,
tifs aux ajustements de la main-d’œuvre étrangère, la non-mobilité des cadres et des travailleurs, l’impact
les droits, les taxes, les cokts d’établissement, d’ins- émotif ou les cokts sociaux de fermeture freinent ou
tallations et d’infrastructures. empêchent le désinvestissement ou le retrait des entre-
• Les économies d’échelle, qui proviennent de la prises d’un secteur d’activité non rentable.
diminution des cokts unitaires de production en La rivalité entre entreprises
fonction du volume et dont une firme ne peut béné- La rivalité entre entreprises concerne les rapports qui
ficier à cause de sa faible part de marché ou de ses existent entre les producteurs qui se disputent une
capacités financières restreintes. clientèle. L’intensité de cette rivalité dépend souvent
• Les économies d’envergure et de gamme, qui du nombre, de la taille, des ressources et des capa-
proviennent de la réduction de cokts résultant de cités des concurrents, ainsi que de la dynamique de
la possibilité pour l’entreprise de combiner les res- l’offre et de la demande. Par exemple, un secteur o
sources et les activités associées à plusieurs produits la croissance des ventes est élevée attirera sans doute
ou services liés. de nombreuses entreprises. Mais dès que cette crois-
• La diversification, lorsque les entreprises veulent sance s’étiole, les entreprises sont poussées à s’arra-
entrer dans une industrie o les concurrents poten- cher mutuellement les parts de marché existantes.
tiels sont déjà présents dans différents segments Lorsque les concurrents sont nombreux et de petite
de marché. Les entreprises qui décident d’aller de taille ou de taille comparable, on assiste souvent à une
l’avant doivent prévoir des cokts importants d’ar- grande instabilité du secteur du fait d’une forte riva-
rimage si elles veulent également couvrir tous les lité. La concurrence a tendance à se stabiliser lorsque
segments, à plus forte raison si elles évoluaient quelques entreprises leaders dominent sans conteste
jusqu’alors dans un seul créneau. le marché. tans les industries en phase de satura-
tion ou de maturité, o la marge de manœuvre sur
• La différenciation des produits ou la marque
les cokts fixes est faible, ou bien o les produits sont
commerciale, lorsque les produits d’un fabricant
peu différenciés (par exemple, l’aluminium ou l’acier),
ou une marque sont à ce point différents, recon-
les entreprises ont tendance à mettre en œuvre des
nus ou réputés qu’ils lui procurent une part subs-
stratégies de prix pour attirer la clientèle peu fidèle.
tantielle des marchés et lui assurent la loyauté des
Les entreprises font la course aux économies d’échelle
clients. La différenciation est liée à l’effort que font
pour niveler tout avantage par les cokts d’un concur-
les producteurs pour offrir des produits ou des ser-
rent. L’intensité de la rivalité se traduit alors par des
vices qui correspondent à des attentes distinctes des
comportements d’imitation.
clients. La concurrence s’exerce à la fois sur les prix,
la conception des produits, la publicité et le service. Les cinq forces de la dynamique
Par contre, au sein des industries o les produits concurrentielle
sont homogènes (non différenciés), la concurrence Pour cerner la dynamique concurrentielle du microen-
s’exerce surtout sur les prix. vironnement d’une entreprise, Porter (1srl) propose
• Les co ts de substitution, qui empêchent un client de se questionner plus généralement sur cinq forces
d’abandonner un produit (par exemple, un logiciel, concurrentielles principales qui s’expriment dans
un ordinateur) ou un service (par exemple, des ser- l’industrie ou dans le groupe stratégique auquel elle
vices bancaires) pour celui d’un concurrent. Ainsi, appartient (voir le haut de la figure 7.5, page 185).
l’utilisateur d’une solution informatique qui a acquis 1. Ge pouvoir de négociation des fournisseurs.
un savoir particulier lui permettant de majtriser L’entreprise est-elle en position de force pour le
un logiciel ne changera pas facilement de logiciel, choix ou le remplacement de ses fournisseurs ? Ces
même si le produit concurrent est gratuit. derniers sont-ils suffisamment nombreux ? Leurs
• Les économies de réseau, dès lors que la valeur produits sont-ils normés ou certifiés ? Leur stratégie
d’un bien ou d’un service augmente avec le nombre est-elle menaçante ou non (intégration en aval) ?
de ses utilisateurs (par exemple, un réseau de sys- 2. Ge pouvoir de négociation des acheteurs. L’entre-
tèmes de paiement par carte de crédit, une suite de prise est-elle en position de force par rapport à ses
logiciels, un réseau d’enchères en ligne, les réseaux acheteurs ? Pourquoi ? Sa marque est-elle solide ?
d’échanges boursiers) (torsey, 2llr). Ses canaux de distribution sont-ils nombreux ? Les

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 1st

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cokts de substitution sont-ils prohibitifs ? Les ache- partielle des phénomènes qui l’entourent et ne peut
teurs peuvent-ils organiser un pouvoir de négocia- prétendre réussir à tout prévoir dans son paysage
tion au moyen de l’achat groupé ? d’affaires : l’incertitude, l’imprévisibilité, le risque et
3. Ga menace de nouveaux entrants. uuelles sont les l’ambigu té sont inévitables.
barrières à l’entrée ou à la mobilité du groupe stra- Au stade de l’innovation dans le processus straté-
tégique auquel l’entreprise appartient ? Sont-elles gique, le manager-stratège est néanmoins appelé à
suffisantes pour empêcher l’arrivée de nouveaux formuler la stratégie d’affaires et les choix critiques
concurrents ? retenus, ainsi qu’à réévaluer de façon continue, ou du
x. Ga menace de produits substitutifs. uuels pro- moins périodique, cette stratégie d’affaires. Les sec-
duits pourraient se substituer à l’avenir à celui de tions qui suivent en décrivent les contenus.
l’entreprise ? Comment s’en protéger ? L’entre-
prise peut-elle envisager de fournir elle-même ces La formulation de la stratégie d’affaires
substituts ? et des choix critiques
5. G’intensité de la concurrence entre entreprises. Un processus réflexif continu permet d’établir une
uuelle est l’intensité de la concurrence dans le stratégie formelle et de la réactualiser de façon per-
groupe stratégique auquel appartient l’entreprise ? manente à la suite de sa réévaluation critique. Pré-
uuelles innovations implique-t-elle pour permettre voir pour pourvoir et pourvoir pour prévoir suppose
aux acteurs en place de survivre ? uuelles barrières de se demander et de concilier constamment ce qu’il
à la sortie sont si dissuasives qu’elles renforcent la faudrait faire au regard des occasions repérées dans
concurrence ? l’environnement externe et ce que l’on peut faire au vu
de l’organisation interne : il s’agit de confronter l’en-
Certains auteurs ajoutent une sixième forcem :
semble des stratégies « souhaitables » aux stratégies
c. G’influence du gouvernement et des pouvoirs
« réalisables » par l’entreprise (Allaire et Firsirotu,
publics. En quoi le gouvernement crée-t-il des bar-
1ss3, 2ll3), ainsi que le représente la figure d.5.
rières (contraintes de réglementation, impositions,
barrières légales, concurrence des services publics) Pour chacun des champs stratégiques (ou unité
et des opportunités (possibilités de financement, de d’affaires) de l’entreprise, la stratégie formelle carac-
marchés publics, etc.) ? térise la nature précise de chaque entreprise et place
ses activités dans un contexte donné, au moyen d’un
ensemble de choix critiques relatifs :
• à la formulation ou à la reformulation de la mission
Analyser la dynamique de et de la vision visant à établir l’entreprise au sein de
l’environnement concurrentiel par son environnement concurrentiel et sociétal. La mis-
sion et la vision impliquent la mobilisation de per-
les cinq forces de la concurrence. sonnes et le déploiement de ressources financières,
techniques, informationnelles, cognitives ou autres
par l’intermédiaire des compétences distinctives
L’innovation stratégique ou des capacités stratégiques clés qui permettent
d’atteindre les fins ou les buts fixés au départ ;
Il est important que l’entreprise évalue les tendances
• au choix stratégique clair d’un positionnement de
et les modifications présentes et futures de l’environ-
marché que traduit la stratégie concurrentielle ;
nement sociopolitique, économique, technologique,
écologique, légal et concurrentiel afin de s’y adapter et • aux fins ou aux buts poursuivis par les dirigeants ainsi
de faire les choix critiques nécessaires. Notons néan- qu’à la définition des obAectifs financiers et commer-
moins qu’en vertu de sa rationalité limitée et de la ciaux de l’entreprise, qui ont un impact sur la nature
complexité des interactions à l’œuvre dans l’environ- des contributions réciproques entre l’entreprise et ses
nement, le stratège n’a jamais qu’une représentation partenaires, tels les actionnaires, les employés, les

d. On parle même récemment d’une septième force à l’ère de l’innovation ouverte ( ) : la force du réseau complémentaire de valeur,
c’est-à-dire de l’ensemble des partenaires qui contribuent à la prestation de l’entreprise en produisant des actifs complémentaires (par exemple,
les fournisseurs de logiciels dans l’industrie des micro-ordinateurs).

1s4 • chapitre

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consommateurs, les citoyens ou l’État. Nous détaillons types de stratégies génériques ou concurrentielles,
plus loin la définition de chacun des éléments d’une ainsi que les buts et les objectifs de l’entreprise.
stratégie formelle que sont la mission et la vision, les

FIGURE d.5 ces stratégies souhaitables et réalisables aux stratégies d’affaires formelles de l’entreprise

Environnement externe de l’entreprise

Tendances de l’environnement Perspective du développement


général (PeSTeL) et concurrentiel Pouvoir de négociation des fournisseurs durable et de l’entreprise
(industrie ou groupe stratégique) responsable

Autre industrie Industrie d’appartenance Autre industrie

L’entreprise et ses

Barrières à la sortie
Barrières à l’entrée

concurrents dans son


groupe stratégique
Menace de Barrières à la Menace de
nouveaux mobilité produits
entrants substitutifs
iv ité entre
Autre groupe
entreprises
stratégique
dans l’industrie

Pouvoir de négociation des acheteurs

bontraintes et occasions d’affaires

Stratégies souhaitables pour l’entreprise

Stratégie d’affaires (formelle) de l’entreprise

Choix stratégique
Vision stratégique Mission et objectifs
(stratégie concurrentielle)

Stratégies réalisables par l’entreprise

Environnement interne de l’entreprise

Valeurs et buts
Ressources et compétences Compétences distinctives
des entrepreneurs
de l’entreprise de l’entreprise
et des dirigeants

ource : kdapté de kllaire et girsirotu, 2003, p. 611.

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 1sk

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La mission et le trio produithservice, technologieh


compétence, marchéhclients
nappelons que les choix qu’effectuent les fondateurs, Les éléments clés d’une stratégie
les dirigeants ou les stratèges permettent à l’entre- formelle sont la mission, la vision,
prise de s’insérer dans un environnement concurren-
tiel, économique, technologique et réglementaire par les buts et les objectifs ainsi que
l’élaboration d’une mission ou encore la définition le choix de stratégie concurrentielle.
d’un champ stratégique. Ces choix produit service,
technologie compétence, marché clients, pour le pré-
sent (mission) ou l’avenir (vision), sont redéfinis par Les types de stratégies génériques ou concurrentielles
les dirigeants à la lumière des différentes occasions L’analyse des barrières à l’entrée, à la mobilité et à la
offertes par le marché et des ressources de l’entreprise. sortie, ainsi que des forces de la concurrence contri-
Ces décisions établissent le champ stratégique : buent globalement à comprendre comment maintenir,
1. des produits ou des services offerts ; voire démarquer sa position par rapport à celle des
2. des clients ou des segments de marché visés ainsi concurrents dans un champ stratégique donné. Les
que des espaces géographiques considérés (local, choix stratégiques génériques, ou stratégies concur-
national ou international) ; rentielles, traduisent précisément la façon dont l’en-
3. des ressources et des compétences clés à déployer. treprise dégage un avantage concurrentiel dans un
champ stratégique donné. Johnson et ses collabora-
i toute stratégie d’affaires correspond un trio
teurs (2llr) relèvent plusieurs stratégies génériques,
produit-compétence-marché distinctif.
lesquelles sont énumérées dans le tableau d.3.

TABLEAU d.3

Quelques choix stratégiques génériques possibles


Type de choix
Définition Exemples et précisions
stratégique
Stratégie de prix • Proposer une offre dont la valeur perçue est • tratégie de volume (économies d’échelle, pouvoir
comparable à celle des offres concurrentes, de négociation, effet d’expérience)
mais à un prix inférieur. • Recentrage : externalisation, sous-traitance

cifférenciation • bpuration : proposer pour un prix réduit une offre • Voie d’épuration : différence avec la stratégie de
(distinction) : création dont la valeur perçue est inférieure à celle des prix : réduction simultanée du prix et de la valeur
d’un différentiel concurrents. (par exemple, kLDm, Lidl, wic, EasaJet)
de valeur pereue • ophistication : proposer un produit ou un service • Voie de sophistication :
par les clients dont les caractéristiques sont jugées supérieures à – Par des améliorations techniques uniques du
celles des offres concurrentes et valorisées comme produit ou du service valorisées comme telles
telles par la clientèle. (par exemple, wMW, Mercedes)
– Par l’entretien, par le marieting d’une marque
puissante et reconnue comme telle (exemples :
Levi’s, loca-lola)

focalisation • Proposer une offre très fortement différenciée qui • Possibilité d’un prolongement de stratégies
(créneau, niche) ne peut attirer qu’une frange de clientèle et non de sophistication (par exemple, la haute couture,
concurrencer l’offre de référence dans l’ensemble les vols en première classe)
de sa clientèle. • Possibilité d’un prolongement de stratégies
d’épuration (par exemple, le vin en brique de
carton, les transports internationaux en autocar)

Hybride • Proposer simultanément un surcroît de valeur • ous la pression concurrentielle, tendance de


et une réduction de prix par rapport aux offres toute stratégie à évoluer vers la stratégie habride,
concurrentes. c’est-à-dire vers un accroissement de la valeur
• Devancer l’évolution inéluctable de l’offre de référence pour une réduction du prix (par exemple, les
en fixant de nouveaux standards de prix et de valeur. fournisseurs d’accès mnternet ou de téléphonie)

ource : Johnson et collab., 2008.

1sc • chapitre

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Pour leur part, Allaire et Firsirotu (1ss3, 2llx) ont intimement liés aux préférences et aux aspirations des
élaboré une gamme de stratégies de marché, considé- dirigeants et des propriétaires. Par ailleurs, ces buts
rant que l’entreprise gère en quelque sorte un porte- sont la plupart du temps l’aboutissement d’un proces-
feuille de stratégies de marché selon le nombre et la sus décisionnel itératif, voire par twtonnements, plutôt
nature de ses unités d’affaires et les stades d’évolution que d’une démarche rationnelle.
des marchés correspondants. En dehors de straté- Les buts et les objectifs, explicites ou implicites,
gies du niveau de l’entreprise ou du groupe (corporate adoptés par les dirigeants ou les propriétaires éta-
strategy) comme la diversification ou le holding finan- bliront des types d’entreprises tout à fait différents.
cier, cette gamme comprend 1l stratégies de marché Par exemple, on trouvera des entreprises orientées
distinctes entre : vers l’augmentation des ventes et soumises à des exi-
• les stratégies d’avantages dominants : création et gences de rentabilité, mais dont les buts ultimes sont
domination de marché, différenciation, avantages d’accrojtre la valeur du capital-actions des proprié-
de cokts ; taires ; des entreprises progressistes et innovatrices
• les stratégies d’envergure : segmentation, enver- orientées vers la création de nouveaux produits, grwce
gure géographique, mondialisation, envergure de à des recherches commerciales et scientifiques ; ou
produits ; encore des entreprises préoccupées par l’amélioration
• les stratégies de créneaux : concentration, spécialisa- constante et minutieuse des produits ou des services,
tion, interstices. des parts de marché et de l’efficacité des installations
de fabrication, etc. eref des entreprises dont les buts et
les objectifs traduisent des choix de gouvernance qui
articulent différemment performance économique et
Les quatre choix stratégiques génériques performance sociale (voir le chapitre 5).
sont la stratégie de prix, la différenciation,
L’évaluation continue de la stratégie
la focalisation et la stratégie hybride. La stratégie formelle doit être réévaluée en permanence
du fait de l’instabilité de l’environnement. Il s’agit de
s’assurer de la pertinence de la stratégie d’affaires au
Les buts et les objectifs regard des évolutions possibles de l’environnement,
La prudence exige que les dirigeants mettent en évi- de son acceptabilité sociale à l’égard des attentes des
dence les fins qu’ils veulent atteindre et qu’ils arti- parties prenantes de l’entreprise et de sa faisabilité à
culent d’une manière cohérente les moyens de les l’aulne des ressources et des compétences accessibles
atteindre. Les buts sont des idéaux ou des normes à l’entreprise. Allaire et Firsirotu (2ll3) proposent
stables qui ne changent que dans les moments de crise quatre critères d’évaluation d’une stratégie formelle
ou de réorientation, alors que les objectifs sont des présentés dans l’encadré d.3 (voir la page suivante).
cibles quantifiables dont la réalisation peut être
mesurée à la fin d’une période déterminée, par
exemple un trimestre ou une année.
gvaluer une stratégie consiste à en mesurer
Les buts établis par les dirigeants donnent
à l’entreprise un caractère distinct. Ils peuvent la pertinence au regard des évolutions de
être définis d’une manière rationnelle par l’environnement, de l’acceptabilité sociale
le conseil d’administration, raffinés par les
dirigeants et traduits en objectifs dans des et de la faisabilité.
programmes d’action et des politiques fonction-
nelles. Ils demeurent souvent imprécis et varient
selon les préférences des dirigeants ou des pro- La performance
priétaires. te plus, ils peuvent se préciser en réaction
aux attentes formelles des fournisseurs de capitaux. En règle générale, une entreprise enregistre des sur-
Au sein de la petite et de la moyenne entreprise, les plus économiques dans la mesure o ses stratégies
buts ne découlent pas toujours d’analyses factuelles portent des fruits et o elle réussit à établir des gains
d’un groupe de planification stratégique, mais sont en ce qui a trait aux performances économiques et

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 1s7

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sociales (voir le chapitre 5). Ces surplus se traduisent Au terme de ce chapitre, les gestionnaires ou les
soit par des profits nets que l’entreprise peut réutiliser stratèges devraient être à même de mieux situer l’en-
à des fins stratégiques, soit par un excédent organisa- treprise et d’évaluer sa stratégie et sa performance
tionnel comme un réservoir de ressources physiques, socioéconomique, dans l’environnement externe et
de capacités humaines ou technologiques, qui lui dans l’industrie à laquelle elle appartient. Il faut néan-
assure une longueur d’avance sur les autres entre- moins rester conscient des limites de ces outils d’ana-
prises et lui permet d’entretenir, entre autres, sa capa- lyse stratégique, limites qui font l’objet de la conclusion
cité d’innovation (voir le chapitre 10). de ce chapitre.

ENCADRÉ d.3 LES CRITÈRES D’ÉVALUATION D’UNE STRATÉGIE

e Une stratégie formelle bien condue compétences distinctives et d’en envisagées sont menées à terme.
doit répondre à quatre exigences faire un usage maximal. b’exemple Cette vision de l’organisation en
précises : de vonda est à ce titre édifiant. be devenir a le double mérite d’être à
succès de vonda repose sur son la fois stimulante et engageante
1. Elle doit réduire l’incertitude
expertise et son leadership dans pour les membres de l’organisa-
et la vulnérabilité de l’entre-
le développement et la fabrication tion. Elle fournit un encadrement
prise. Une bonne démarche stra-
de produits condus pour utiliser sa et une justification pour les
tégique doit identifier les sources
technologie : des moteurs à haute actions futures de l’organisation.
de vulnérabilité et les événements
performance. be cœur de l’entre- t
incertains qui peuvent influer sur
prise, ses compétences motrices, x. ba stratégie formelle doit favori-
la performance de l’entreprise et
se trouvent dans la technologie de ser le développement des res-
même menacer sa survie. ba stra-
fabrication de moteurs et l’abon- sources et des compétences de
tégie formelle doit comporter un
dance de savoir-faire et d’expertise l’organisation par un dosage
ensemble de démarches permet-
en matière de développement de eudicieux de continuité et de
tant de diminuer ou d’éliminer
produits motorisés. Tout produit changements. ba stratégie for-
dans la mesure du possible ces
qui dépend de fadon importante melle doit faire évoluer l’organisa-
risques qui pèsent sur le destin de
de la qualité et du coût du moteur tion, la préparer pour l’avenir, mais
l’entreprise. t
à essence est un candidat à l’in- aussi améliorer son fonctionne-
2. ba stratégie formelle doit tirer novation. bes produits de vonda, ment actuel, raffermir et resserrer
profit de toute compétence dis- qui vont des motocyclettes aux ses pratiques et ses modes de ges-
tinctive : expertise, savoir-faire, tondeuses en passant par les auto- tion. ba stratégie doit établir une
technologies (brevetées ou non). mobiles, se basent tous sur ses relation équilibrée entre, d’une
bes entreprises, étant donné leur compétences et ses technologies part, le volume, l’intensité et la
histoire spécifique, leur culture et de fabrication de moteurs à haute rapidité des changements com-
leurs choix stratégiques passés, performance. t mandés par les contextes actuels
possèdent des capacités uniques
3. ba stratégie formelle doit propo- ou anticipés et, d’autre part, la
et des avantages compétitifs
ser une vision de l’avenir, conte- capacité d’évolution de l’organisa-
qui n’appartiennent qu’à elles.
nir une stratégie de marché claire tion dans un temps donné. f
ba stratégie formelle se doit de
et une projection de ce que l’en-
mettre en valeur ces ressources et
treprise deviendra si les actions

ource : kllaire et girsirotu, 2003, p. 613-61d.

Les limites et les conditions du succès


La stratégie a implique, ontologiquement, à la fois de l’entreprise et justifient l’actualisation de sa straté-
l’acceptation et la création de l’incertitude, facteur gie (Allaire et Firsirotu, 1ss3, 2llx). te nombreux
d’indécision, tant sur les données que sur les résul- événements imprévus ou des discontinuités d’ordre
tats b (Marchesnay, 2lld, p. 5l). En effet, de nom- technologique, concurrentiel ou politico-juridique,
breux facteurs compromettent sans cesse la pérennité de mauvaises appréciations des facteurs externes

1ss • chapitre

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de l’organisation et une évaluation erronée des res- d’être plus ou moins intentionnel, planifié et formel.
sources internes ou des rythmes de changement de Ce processus peut en effet requérir l’intuition comme
l’entreprise obligent celle-ci à reformuler ses buts et ses le calcul, faire intervenir l’entendement d’un plus ou
objectifs et à renouveler les choix d’affectation de moins grand nombre de personnes et être façonné en
ses ressources. te la même façon, l’action stratégique partie par des conditions extérieures. Il s’agit d’appré-
de l’entreprise, dont les conséquences ne sont jamais hender l’incertitude (a priori, a posteriori ou chemin
totalement prévisibles, crée de l’incertitude pour elle- faisant) à partir de l’expérience pratique, de compo-
même et pour ses concurrents. ser avec la complexité de l’entreprise et a de tirer parti
des ago-antagonismes irréductibles de la stratégie b
(Martinet, 2lld, p. 1l5). Ces ago-antagonismes sont
La pensée stratégique : composer avec par exemple : prévision réaction, vision opportu-
nisme, plan apprentissage, préservation changement,
l’incertitude et la complexité. analyse expérience, téléologie écologie, autonomie
hétéronomie, compétition coopération, centralisa-
tion décentralisation, imposition négociation, etc. On
La stratégie, qui est un effort continu, incontour- pourrait y ajouter objectivité subjectivité, car l’exercice
nable et collectif d’intelligibilité d’un avenir possible, requiert autant un travail d’analyse objective qu’un
requiert un travail analytique, des processus sociaux de travail de création et de décodage d’un ensemble de
création et de partage d’idées nouvelles et de connais- perceptions et de représentations subjectives : a Une
sances ainsi que des jugements entrepreneuriaux in- stratégie n’est pas conçue à partir de l’analyse logique
fluencés par les valeurs et la vision des dirigeant et de de l’environnement et des ressources de l’entreprise.
leurs employés. Les différentes approches possibles Elle est conçue à partir des croyances existentielles
de la stratégie révèlent son caractère complexe. Ainsi, ou de l’engagement envers une vision du futur, de
l’élaboration de la stratégie apparajt très souvent sous l’habileté à interpréter subjectivement son environ-
un angle prescriptif, comme un processus formel maj- nement et ses ressources, et à partir des interactions
trisable et conscient, alors que sous l’angle descriptif, entre subjectivité et objectivité. b (Nonaka et Toyama,
c’est plutôt une activité non ordonnée et partiellement 2lld, p. 3s1)
majtrisée. En fait, la stratégie, activité de premier plan
pour le développement de l’entreprise, doit être traitée
dans une perspective multidimensionnelle. glaborer la stratégie est un exercice
Les tenants des approches prescriptives constatent
la difficulté de l’exercice : dialogique : à la fois planifié et émergent.
• la stratégie est moins accessible aux entreprises qui
ont peu de ressources et de moyens ;
L’exercice de la pensée stratégique repose donc sur
• la démarche stratégique perd de sa valeur en situa-
la canalisation des efforts de tous les membres de
tion d’urgence ;
l’entreprise pour établir des objectifs communs et éla-
• l’élaboration de la stratégie requiert l’accès à des
borer une vision partagée. Ce faisant, elle permet d’ac-
informations riches, abondantes, diversifiées, actua-
crojtre la qualité de l’information, incite à l’innovation,
lisées, etc.
facilite les activités de conception, de coordination
Si l’on intègre l’apport des approches descriptives de et d’implantation des plans d’action opérationnels
la stratégie, les limites du processus d’élaboration de la (Allaire et Firsirotu, 1ss3, 2llx). L’essentiel est de
stratégie relèvent surtout de la rationalité limitée des créer les conditions de la planification pour ap­
acteurs de même que du système de management prendre et les conditions de l’apprentissage pour
des connaissances en place. planifier (a planning to learn and learning to plan b
La pensée et la pratique stratégiques, qui sont avant (erevs et munt, 1sss, cités par Martinet, 2lld, p. 1lc),
tout un processus intellectuel et humain, individuel et et ce, pour une gestion dialogique permanente des
collectif, une démarche d’interprétation et de décision, incertitudes.
constituent enfin un processus dialogique susceptible

La pensée et La pratiDue stratéBiDues • 1sl

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CHAPITRE

s L’ORGANISATION
DE LA HIÉRARCHIE À L’AUTO-ORGANISATION t quoi ressemblera
l’entreprise de demain ? Qu’en restera-t-il après qu’elle aura sous-traité
une partie de ses opérations et délocalisé ses usines de production ?
L’ordre de l’organisation Pour certains travailleurs, l’organisation est déjà devenue virtuelle.
Eumaine a esoin Ils accomplissent leur travail à partir de leur table de cuisine ou du
café du coin. Désormais, ils doivent travailler avec des collègues dont
de désordre.
les fonctions et les rales sont ambigus. Des collègues qu’ils n’ont souvent
(Morin, 2011b, p. 24e) jamais vus, car leur projet est partagé entre plusieurs équipes réparties
aux quatre coins de la planète. Comment décrire et comprendre
l’organisation devant ces nouvelles réalités ?

8.1 L’organisation : entre structure et action


a Il est un certain seuil de complexité au-delà duquel tout Le mot a organisation b dérive du verbe a organiser b
ce qui est efficace dans une organisation simple, c’est- qui signifie, au gfIe siècle, a pourvoir un corps d’or-
à-dire fondée uniquement sur l’autorité et l’obéissance ganes b. Il a pour racine grecque organon, l’instrument
aux ordres, cesse de l’être. b (Morin, 2l11b, p. 2xr) Faut-il de travail (ou de musique). On décèle déjà dans cette
donc remettre en cause le seul ordre formel d’une orga- étymologie une oscillation entre deux significations,
nisation ? nappelons-nous les propos de earnard (1s3r) : l’une plus technique (axée sur l’instrument) et l’autre
il y a organisation dès lors que deux personnes ou plus plus organique (axée sur le vivant). Selon Fayol (1s1c),
décident de coopérer pour faire quelque chose. Or, nous organiser l’entreprise, c’est constituer son double corps
avons vu que, si les courants de la pensée formelle ont matériel et social. L’organisation, ou encore a l’action
d’organiser b, désigne en ce sens une des composantes
procédé à l’organisation essentiellement par la spéciali-
de la fonction d’administration. jlle renvoie à la façon
sation du travail et la coordination verticale entre travail
dont un ensemble de personnes et de moyens est
intellectuel et travail manuel pour gagner en producti-
constitué en vue de son fonctionnement.
vité, les mouvements axés sur l’humanisation du travail
se sont plutôt penchés sur la façon dont la coordination Il s’agit donc de ne pas confondre l’organisation
et la coopération peuvent humaniser l’interaction entre comme chose constituée et l’organisation en tant que
phénomène ou processus dynamique, bref en tant
l’être humain et le travail. Nous verrons dans ce cha-
qu’action d’organiser. Ce processus d’organisation
pitre en quoi l’organisation consiste à concevoir et à
aboutit à des formes ou configurations organisa-
faire vivre le dispositif de la coopération entre les êtres
tionnelles. Les organisations formelles comme choses
humains pour mener à bien la stratégie de l’entreprise.
établies sont toujours susceptibles de changer selon la
L’organisation est donc à la fois un processus actif stratégie1 et l’évolution de l’environnement de l’entre-
par lequel des êtres humains coordonnent leur travail, prise (voir l’encadré 8.1). Nous parcourrons donc dans
mais aussi une a chose b structurée, constituée par ces ce chapitre les éléments essentiels pour comprendre ce
humains, un a résultat b en équilibre dynamique, qui qu’est une organisation formelle et pourquoi et com-
peut prendre une forme particulière. ment elle peut prendre différentes formes selon l’ap-
proche managériale en place dans l’entreprise.

1. Et, réciproquement, lhandler (1f8f) considère que si la structure de l’organisation suit la stratégie, elle peut aussi influer sur la stratégie.

1l0 • Chapitre N

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ENCADRÉ 8.1 LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL


On parle de changement organisa- du management, on parle de design l’environnement interne ou externe)
tionnel pour désigner ce processus organisationnel pour faire référence la forme organisationnelle de l’en-
phénomène de réorganisation ou à un processus moins hiérarchique treprise et son e but f. Enfin, cer-
encore de transformation de l’orga- et moins dirigé. C’est-à-dire que taines approches humaines du
nisation. bes conceptions du change- cette activité de transformation est management estiment plutôt le
ment organisationnel diffèrent selon moins imposée par des agents atti- changement comme peu prévisible
les approches managériales. Dans les trés de la direction (approche tech- et considèrent qu’il s’agit d’un phé-
approches formelles du manage- nocrate et top-down) que le fruit de nomène politique complexe de
ment, on parle de changement l’initiative des membres de l’entre- négociation permanente du fait de
rationnel, un processus volontaire, prise faisant évoluer progressive- la confrontation d’intérêts conflic-
prévisible et planifié de résolution de ment leurs croyances partagées sur tuels et de jeux de pouvoir dans l’or-
problèmes. l consiste en un exercice leur organisation. be mot e design f, ganisation, voire d’un phénomène
de conception, de choix éclairé sur emprunté à l’anglais, signifie à la chaotique d’apprentissages et de
la base d’informations objectives et fois dessiner et concevoir selon mutations périodiques émergent
de mise en œuvre d’une structure un dessein . l s’agit donc de e des- plus qu’imposé.
adaptée à la stratégie. Dans cer- siner f (et de redessiner continuelle-
taines approches plutôt humaines ment au gré des changements dans

8.2 Les constituantes de l’organisation


L’organisation est constituée de nombreux éléments personnes exercent leur marge de manœuvre pour
par nature variables (voir la figure 8.1). Il s’agit des per- rendre possibles l’implantation de la stratégie formelle
sonnes distinctes qui la construisent et qui utilisent des et la coopération au travail des êtres humains dans
ressources de différents types (financières, informa- l’entreprise : la conception des structures, le choix des
tionnelles, techniques, etc.) et des trois instruments mécanismes de coordination et la communication.
ou leviers du processus d’organisation sur lesquels ces

FIGURE 8.1 L’articulation des constituantes de l’organisation


ENeIRONNEMENT

Stratégie formelle

Personnes Approche
managériale
• gormations, compétences
Leviers du processus d’organisation Ressources
• mntelligences, habiletés
• kttitudes, personnalités • tructure (division hori ontale et verticale du travail) • ginancières
• mntérêts, attentes, besoins • Mécanismes de coordination du travail • Matérielles
• lroaances, valeurs, cultures • lommunication • nechniques
• Rôles • mnformationnelles
• kffinités interpersonnelles
• Professionnalité, éthos professionnel

forme organisationnelle
(organisation formelle et informelle)

L’orBanisation • 1l1

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Les personnes 2l15) fait référence aux savoirs, aux savoir-faire, à


l’expérience, aux valeurs professionnelles reconnues
Une organisation est d’abord faite par et avec des per- qui guident la conception de ce qu’est le travail soigné
sonnes, qui ont chacune leur singularité du fait de lorsque l’on exerce correctement son métier, aux points
leurs caractéristiques individuelles telles que leur for- de vue sur ce qu’est le travail bien fait et à faire dans
mation, leurs savoirs, leurs habiletés, leurs attitudes, chaque situation de travail et aux capacités, sises sur les
leur personnalité ou leurs intérêts, leurs attentes, et règles collectives de son métier, que développe et pos-
qui, ensemble, produisent une organisation sociale ou sède un travailleur. L’éthos de travail désigne pour sa
encore, selon les termes de Fayol, un corps social. part a l’ensemble des valeurs, des attitudes et des
croyances relatives au travail qui
induisent une manière de vivre son
L’organisation est d’abord faite de personnes, dotées travail au quotidien b (Mercure et
fultur, 2l1l, p. c). Tout l’art de la
d’une professionnalité et d’un éthos de travail. coordination consiste, nous l’avons
vu dans les premiers chapitres de
cet ouvrage, à associer et à fédérer
Les membres de l’organisation, quels que soient leur les efforts de ces personnes dotées d’une a volonté de
niveau hiérarchique ou leur fonction, sont des personnes coopérer b (earnard, 1s3r) en cohérence avec la vision
dotées de capacités intellectuelles, volitives, affectives, stratégique de l’entreprise.
émotives et cognitives. Par ailleurs, ces personnes au L’organisation informelle découle des liens d’af-
travail sont aussi dotées d’une professionnalité et finité et des jeux d’influence entre personnes qui se
d’un éthos de travail. La professionnalité (Linhart, tissent au fil des activités liées au travail. Ces relations

Aujourd’hui, l’enseignant du fils de Frédérique lui a demandé d’aller parler de


VÉCUES
HISTOIRES

son métier de pilote dans sa classe. Au début, elle était très intimidée par tous ces petits
visages tendus vers elle, mais leur intérêt manifeste l’a vite mise à l’aise. Elle a vu des yeux
s’illuminer lorsqu’elle a parlé des avions qu’elle pilote.
q kous avei le temps pour une dernière question l lui demande l’enseignant.
Frédérique répond d’un hochement de tête. Un sentiment trouble la taraude. Elle est
sur le point de conclure et elle a l’impression qu’elle a omis d’aborder l’essentiel, mais elle
ne sait pas trop quoi. Une petite fille coiffée de deux nattes blondes lève la main.
q Pourquoi est-ce que vous vouliei devenir pilote l
koilà ! Elle n’avait toujours pas parlé de sa passion.
q a’ai été fortement inspirée par le courage des pionniers de l’aviation comme Mermoi.
Cet e esprit de la ligne f dans le jargon des pilotes, c’est la volonté de partir du point A
et d’arriver coûte que coûte au point B, de faire le trajet le plus rapidement possible
au moyen de décisions parfois risquées. Mermoi était un pionnier de la poste aérienne
frandaise et il était comme cela. Un modèle de bravoure, voire une tête brûlée, qui a réussi des
prouesses inouáes au milieu des années 1p30 pour ouvrir de nouvelles voies aériennes entre
les continents et livrer à temps le courrier qui lui était confié. Mais, aujourd’hui, avec quelquefois
plusieurs centaines de personnes à bord, un pilote de ligne ne peut plus agir comme cela.
Son défi reste de conduire tout le monde à bon port sans risquer inutilement la vie de
ses passagers ni abîmer sa machine.
q Tout le monde, on dit un grand merci à Frédérique l
q Merci Frédérique ! clament une vingtaine d’enfants de 11 et 12 ans. Seul son fils a crié
un e merci maman f retentissant de fierté.

1l2 • Chapitre N

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répondent à des besoins individuels et se nouent par-


fois pour protéger les membres contre la rigueur de
la structure2 formelle. L’organigramme ne tient au-
cun compte de ces rapports affectifs. Officiellement,
ils n’existent pas. Ils ont pourtant des effets notoires
sur les résultats obtenus, et parfois à la surprise
des administrateurs.

L’organisation formelle cohabite La cuisine d’étage pour les employés dans les nouveaux locaux
de Rio Tinto à Montréal
avec l’organisation informelle.
Les ressources
Ce que l’on appelle la structure sociale ou l’organi- Les constituantes organisationnelles incluent les
sation sociale de l’entreprise est composée des relations ressources de diverses natures dont dispose l’entre-
entre supérieurs et subordonnés, des relations entre prise (voir le chapitre 7). La disponibilité, la quantité
membres du personnel, des normes et des valeurs dis- et les caractéristiques des ressources, de même que
cutées et consensuelles ou majoritairement partagées, les compétences et les connaissances dont bénéficie
de ce que certains nomment la culture organisation- l’entreprise constituent des leviers cruciaux pour son
nelle (voir l’encadré 8.2), et des rôles sociaux attribués développement. Par exemple, l’entreprise qui ne peut
aux uns et aux autres. Elle provient à la fois des struc- compter que sur des ressources financières limitées
tures formelles prescrites et mises en place par la di- est sérieusement handicapée par rapport à des firmes
rection et de l’organisation informelle qui émerge des concurrentes qui disposent de surplus financiers et
interactions spontanées des membres. La vie réelle qui sont en position d’investir dans de nouvelles stra-
et les interactions produisent en effet des comporte- tégies, dans la recherche et la création de nouveaux
ments et des normes de groupes, des significations aux produits ou services ou encore dans l’amélioration
actions, une légitimité des rôles sociaux des uns ou des de leurs infrastructures. En bref, les ressources dis-
autres et une répartition du pouvoir au sein de l’entre- ponibles, en particulier la technologie, vont souvent
prise qui peut différer des pouvoirs officiels (voir les chag déterminer la forme organisationnelle choisie et le
pitres 3 et 4). rythme de son évolution.

ENCADRÉ 8.2 L’HOLOGRAMME DE LA CULTURE :


DES CULTURES ET DE LA CULTURE ORGANISATIONNELLE
ba culture en général consiste en ba culture, et à fortiori la culture e la capacité supposée d’un groupe
un e vécu réel, spontané, subjectif d’entreprise, est à la fois un proces- donné (les managers) de susciter, de
des individus, leur propre et naturel sus et le résultat d’apprentissages, renforcer ou de modifier les valeurs,
rapport, à travers le temps, à leurs d’interactions, d’actions humaines, attitudes et croyances qui se sont
conditions d’existence f (Aktouf, de construction d’une atmosphère avérées ou qui s’avèrent e effi-
1pp0, p. 55p). Elle ne peut être affective commune et d’un cadre caces f auprès de l’ensemble des
réduite à une variable interne de cognitif partagé (Aktouf, 1pp0). membres, et ce, au moyen de rites,
l’organisation. l y a de la culture Par contre, il convient de rester cérémonies, symboles et mythes
dans toute organisation, mais toute prudent en ce qui concerne l’idée appropriés f (Aktouf, 1pp0, p. 5r6).
organisation n’a pas nécessaire- qu’il est possible de changer, voire
ment une culture organisationnelle de manipuler la culture d’entreprise
propre (Dupuis, 1pp0). considérée parfois à tort comme

2. Une structure est un agencement d’éléments constitutifs en un tout cohérent ( ).

L’orBanisation • 1lt

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Madame ! MADAME !

VÉCUES
HISTOIRES
Josée-Anne comprend enfin qu’on s’adresse à elle. Elle se retourne et
aperdoit l’agent de sécurité de l’aéroport qui lui fait des signes. Elle se rend compte
qu’elle s’est engagée dans un endroit réservé au personnel. Qu’est-ce que je fais là l
se demande-t-elle. Elle se passe une main tremblante d’épuisement sur le visage.
Elle se repère et repart dans la bonne direction. Pour elle, il est près de
minuit. Elle n’a qu’une envie, aller dormir chei elle, mais de retour à Montréal,
il est tôt le matin, et elle a encore du travail. Elle assume pour le moment le rôle de
directrice du développement des affaires pour son entreprise qui croît très
fortement sur les marchés européens. Faire l’aller-retour entre l’Amérique du Nord
et l’Europe plusieurs fois par mois est fatigant. Mais l’entreprise n’a pas encore les
moyens d’embaucher une personne pour une direction e Europe f. aosée-Anne
a déjà évoqué la situation avec son patron qui prépare effectivement la
création d’un nouveau centre de profit sur le kieux Continent dès que possible.
Elle espère seulement que ce jour arrivera avant qu’elle tombe en burn-out !

Les instruments ou leviers et à ce sur quoi les gens s’entendent de travailler en


commun (mécanismes opératoires), c’est-à-dire les
du processus d’organisation opérations à mener (programmes, projets, etc.) et la
Le processus d’organisation repose enfin sur l’arri- façon de les mener (plans, règles, procédures, etc.).
mage de trois instruments ou leviers organisation-
nels : les structures (division verticale et horizontale Les moyens de communication
du travail), les mécanismes de coordination et les Les moyens de communication 3 (formelle ou infor-
moyens de communication. Ils seront brièvement pré- melle ; verticale, horizontale ou multidirectionnelle)
sentés ci-après, et nous les analyserons en détail dans sont entendus ici comme les moyens qui permettent
la prochaine section (voir la page suivante). l’échange d’information selon les contextes. Ils sont
bien skr complémentaires aux mécanismes de coor-
Les structures dination. Ainsi, selon le degré d’automatisation d’une
Les structures relèvent de l’agencement du contenu usine, une planification de production pour la jour-
du travail (ensemble de twches) et des activités en une née (mécanisme opératoire de coordination) peut être
distribution de rôles, de responsabilités et de pouvoirs communiquée par différents moyens aux employés.
d’autorité dans l’organisation. La structure d’une orga- Elle peut apparajtre chaque matin sur l’écran de
nisation contient une double division du travail par la contrôle des opérateurs d’une ligne de fabrication
différenciation spécialisation (de twches et d’activités), (communication virtuelle) ou être simplement trans-
d’une part, et la stratification de rôles au sein d’une hié- mise par voie orale (communication directe) et sur
rarchie, d’autre part. Une hiérarchie est un agencement support papier (affichette épinglée à un tableau pour
gradué de pouvoirs de commande et de contrôle, ainsi la journée) au cours de la réunion de coordination
que de rôles, établissant des rapports de subordination, (mécanisme de liaison) de l’équipe de production.
des responsabilités et des obligations réciproques. Selon la nature turbulente ou stable de l’environ-
nement et de la stratégie d’affaires formalisée par
Les mécanismes de coordination l’entre prise, l’organisation va donc prendre une forme
Les mécanismes de coordination sont les mécanismes différente dont on peut analyser la pertinence à partir
par lesquels les différentes activités sont intégrées des leviers organisationnels précédents. C’est l’objet de
entre elles. Ils touchent à la fois aux modes de mise en la partie suivante.
relations des gens entre eux (mécanismes de liaison)

3. La communication organisationnelle est un champ en soi des sciences de la gestion. ml recouvre plus largement le contenu de l’information véhiculée
(émotions, idées, histoires, etc.) et sa forme (langage verbal, non verbal, etc.), l’analase de la fonction sambolique, des effets des messages, de leur
influence, des protagonistes de la relation d’échange (émetteurs et auditoires), du contexte, etc. Nous n’en ferons qu’une présentation très succincte.

1l4 • Chapitre N

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8.3 L’analyse de l’organisation


à partir des leviers organisationnels
Comment doter concrètement l’entreprise des qualités l’espace de la professionnalité lorsqu’il est laissé au
et des capacités qui lui permettront de réaliser sa straté- libre-arbitre du travailleur considéré comme une per-
gie ? Comment adapter son organisation à de nouvelles sonne de métier, comme un professionnel doté d’une
exigences lorsque cette stratégie évolue ? Il s’agit de com- expérience, de connaissances construites dans la
prendre adéquatement les structures, les mécanismes durée et socles de son inventivité. Le travail peut être
de coordination et les moyens de communication. vécu au contraire comme un lieu de souffrance lorsque
le salarié est empêché dans son initiative, lorsqu’il ne
La conception des structures peut exercer sa propre conception du travail bien fait
et à faire et voit son métier perdre son contenu et son
La conception des structures suppose de se pencher sens, ou encore lorsqu’il vit la nécessité de dévier des
sur la nature du travail, la double division, horizontale règles de travail prescrites par les managers comme
et verticale, du travail et le degré de centralisation du une a tricherie b.
pouvoir au sein d’une hiérarchie.
L’exercice d’organisation du travail ne prend pas le
L’analyse du travail même tour selon les approches. tans les approches
nappelons-nous que le travail est complexe. Il n’est formelles, l’accent est mis sur la dépersonnalisation,
pas seulement un emploi, c’est-à-dire un ensemble de voire la déprofessionnalisation du travail et sur son
tIches prescrites par les managers et rémunérées par découpage en twches et en entités spécialisées, donc
l’entreprise, c’est aussi et surtout une activité réelle, dépersonnalisées. tans la perspective humaine du
l’acte de travailler dans un contexte donné, qui suppose travail, l’exercice consiste plutôt à comprendre la com-
a un certain mode d’engagement de la personnalité plexité du travail et à en préserver le sens. En effet, si
pour faire face à une twche encadrée par des contraintes une twche (voir l’encadré 8.3) est un travail déterminé
(matérielles et sociales) b (tejours, 2l13, p. 2l). qu’une personne a l’obligation de faire dans l’en-
treprise moyennant rétribution, il est bon de se rap-
Le travail réel
peler que le travail est d’abord une tension alors qu’il
Au quotidien, le travailleur rencontre toujours des
a oscillé dans l’histoire entre les deux interprétations
imprévus, des incidents, des pannes, voire des inco-
a du travail-tripalium et du travail-émancipation b
hérences dans l’organisation, que ce soit le fait des
(Méda, 2l15, p. x), ou entre les deux pôles de la peine
machines, des outils ou des collègues et des supérieurs
(penos) et de l’œuvre (ergon). Étymologiquement,
hiérarchiques, qui l’obligent à faire preuve d’inventi-
le mot a travail b vient du verbe a travailler b, issu du
vité pour réaliser un travail de qualité. Il y a donc tou-
latin populaire tripaliare. Ce verbe signifiait a torturer,
jours un écart entre le travail prescrit par la direction
martyriser b. Le travail est donc, au gIIe siècle, asso-
et le réel du travail effectif. Il peut être vécu comme
cié au a tourment b et à la a fatigue b (vvv.cnrtl.fr).

ENCADRÉ 8.3 LA DISTINCTION ENTRE h TfCHE i ET h ACTIVITÉ i


Tgche : e Travail déterminé que le titulaire d’un poste Activité : e Ensemble des tsches ou des travaux exécu-
doit exécuter et qui correspond à la division d’une acti- tés par un individu ou un groupe et qui conduisent à la
vité spécifique. t ba tsche est habituellement considé- réalisation de biens ou de services. f Ce vocable, dans les
rée comme la plus petite division du travail à effectuer. approches humaines du management, renvoie plus spé-
Toutefois, celle-ci est elle-même constituée d’un en- cifiquement au travail réellement fait par les individus,
semble de séquences manuelles ou intellectuelles qui en général différent du travail prescrit.
forment un tout spécifique. f Ce vocable est fréquent
dans les approches formelles pour désigner le travail
prescrit par la direction.
ource : Office québécois de la langue française (jjj.gdt.oqlf.gouv.qc.ca).

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Comprendre les propriétés des tâches et surtout la de performance et de résultats, ne constitue pas le
complexité du travail de la personne à l’œuvre, c’est travail réel dans son ensemble. Elle n’est que la partie
donc, en quelque sorte, déjouer les sources mêmes visible de l’iceberg, celle du travail effectif accompli,
de la pénibilité du travail au moment de l’organiser en quelque sorte. Mais le travail est aussi vécu par la
(et mieux gérer l’écart entre travail prescrit et travail personne qui le réalise. Il est également subAectif et
réel). Il s’agit d’éviter l’aliénation, l’ennui, l’absence contextuel. C’est une expérience de vie en soi avec
de croissance personnelle, bref la souffrance psycho- une forte dimension symbolique. Le travail ne peut se
logique, la démotivation et l’absence d’engagement concevoir sans la complexité du rapport subjectif que
et d’en restaurer le sens. la personne entretient avec lui en donnant un sens à
ce qu’elle fait, en s’émancipant par ce qu’elle invente à
l’œuvre et en rendant ainsi le travail unique, toujours
renouvelé, bref vivant. Enfin, le travail ne peut pas se
Penser les thches, c’est aussi prévenir
concevoir sans les autres personnes avec qui le tra
la souffrance physique ou psychologique vailleur interagit, collabore, s’identifie, et par qui le
travail bien fait est reconnu (jugement d’utilité et de
au travail. beauté), bref sans la part d’identité qu’il produit.
tans les faits, l’expérience du travail à la fois objec
La tiche tif, subjectif et collectif résiste à toutes formes d’ob
Comme nous l’avons vu dans le chapitre x, la twche jectivation et de substitution par la technique. Si des
ne désigne qu’une petite part du travail. Elle renvoie équipements sophistiqués comme des machines
essentiellement au contenu de l’activité individuelle informatisées, des robots intelligents ou des logiciels
objective, alors que tout travail possède une dimension peuvent évidemment contribuer à réduire la difficulté
collective et s’apprécie dans les solidarités à l’œuvre au ou la pénibilité du travail requis par un être humain
sein d’une communauté d’appartenance. Nous y re pour une activité donnée, ils ne peuvent se substituer
viendrons dans le prochain chapitre. La part obAectiB à l’humain dont la complexité du travail renvoie aussi
vée du travail que les managers tentent de formaliser à des tours de main (habiletés, adresses, doigtés indi
en des descriptions de poste ou des processus de tra viduels et collectifs) et à des connaissances tacites (voir
vail, par exemple, ou d’évaluer au moyen d’indicateurs le chapitre 10).

Geneviève entend des sanglots dans les toilettes. Elle s’approche pour
VÉCUES
HISTOIRES

cogner à la porte afin de vérifier si la personne a besoin d’aide quand celle-ci


s’ouvre sur Marianne, sa collègue du laboratoire qui s’éponge les yeux.
q Qu’est-ce qui se passe l ja ne va pas l demande Geneviève d’un ton doux.
q Maudit Lean ! répond sa collègue en se remettant à pleurer.
Geneviève l’attire dans un coin pour plus de discrétion.
q Qu’est-ce qui se passe l
q bes consultants en Lean viennent de nous annoncer qu’il est plus rentable
de rationaliser certaines analyses médicales en spécialisant les laboratoires des
hôpitaux par type d’analyse et de machine. Donc, à l’avenir, au lieu de faire une
variété de manipulations et d’analyses dans ma journée, je vais me retrouver
à faire des centaines de fois le même geste avec la même machine au même
endroit. ls n’ont pas l’air de comprendre que c’est la variété des analyses qu’on
fait dans une journée qui nous permet de garder notre concentration et d’éviter
les erreurs.
Marianne se rend compte qu’elle parle particulièrement fort en voyant les yeux
des patients se diriger vers elle. Elle baisse le ton.
q ae suis désolée, Geneviève. Mais je commence à me demander pourquoi
ils n’engagent pas des robots à la place si c’est da qu’ils veulent !

1lc • Chapitre N

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ba machine programmable est aujourd’hui capable de réaliser des opérations

VÉCUES
HISTOIRES
complexes de calcul. Robots et intelligence artificielle se substituent de plus en plus
à l’homme pour effectuer certaines tsches. ausqu’à quel point cette substitution
va-t-elle s’opérer l C’est le cœur des débats qui portent sur l’automatisation
aujourd’hui : quelles tsches effectuées par les humains ne peuvent pas encore
être remplacées par des machines l be diagnostic médical du médecin du service
de Geneviève l ba patience et l’humanité en plus du soin technique prodigué par
Geneviève elle-même l Et pourtant, les chercheurs travaillent à des portails
interactifs de consultation en ligne et à des robots humanoádest b’analyse des
incidents aériens en situation au cœur du métier de Frédérique l Et pourtant,
les avions drones sont d’actualitét b’analyse stratégique au cœur du métier de
Philippe-André l Et pourtant, certaines entreprises n’hésitent pas à faire siéger
à leur conseil d’administrationt un ordinateur (!), analyste des dernières
statistiques financières pour optimiser la prise de décision.

La fonction Il n’existe pas de solution universelle au problème


Selon les approches formelles de l’organisation, un du découpage en unités. Les dirigeants créent les uni-
ensemble de twches ou d’activités orientées vers les tés administratives en tenant compte des situations,
mêmes objectifs constitue une fonction. L’encadré r.x des personnes et des twches liées à la stratégie, et cette
(voir la page suivante) énumère les principales fonctions répartition des twches peut varier selon le contexte
dans l’entreprise, en dehors de celle de direction géné- interne (c’est-à-dire la nature du produit ou du service
rale. Les approches humaines du management s’in- offert, la taille de l’organisation, l’état des fonctions
téressent plutôt aux actions et aux r les fonctionnels internes) et le contexte externe (le marché visé : régio-
et sociaux de chacun dans l’organisation, c’est-à-dire nal, national, international).
aux normes et aux attentes techniques et relationnelles
qui régissent le comportement de chacun du fait de
son statut social ou de ses fonctions dans les différents
groupes qu’il fréquente au sein de l’organisation.
Une organisation a une structure
à la fois verticale et horidontale.
La répartition des responsabilités
i mesure que croissent la taille de l’entreprise, la com-
plexité de sa stratégie ou les incertitudes dans son envi-
Non seulement les entreprises sont découpées en uni-
ronnement, la direction se voit souvent forcée de diviser
tés, mais ces dernières doivent aussi être coordonnées
peu à peu l’organisation en unités responsables de
entre elles. En fait, le découpage des unités s’effectue
twches particulières. On parle souvent de différencia-
selon deux axes : vertical et horizontal. L’axe vertical
tion de plus en plus poussée du travail, par analogie, en
établit les niveaux hiérarchiques de l’entreprise. Il a
biologie, avec la différenciation spécialisation cellulaire
pour objet l’affectation des responsabilités de gestion et
qui s’opère dans les organismes vivants. tans la pers-
d’exécution selon les niveaux stratégique, administratif
pective formelle, une unité (Mintzberg, 1sr2) est un
et opérationnel. L’axe horiLontal a trait à la segmenta-
ensemble de postes de travail recouvrant un ensemble
tion de l’entreprise en unités différenciées et spéciali-
formalisé de twches et un groupe fonctionnel qui est
mandaté pour une fonction précise et qui est consti- sées, le plus couramment sur la base des fonctions.
tué de personnes formées, spécialisées et socialisées La division verticale
affectées à ces twches. Un poste de travail désigne un La division verticale des twches et des responsabilités
ensemble de twches requises qui définissent le contenu décisionnelles se traduit par une hiérarchie, c’est-à-dire
du travail et un lieu ergonomique o l’employé dispose une distribution du pouvoir de commande et de
des ressources matérielles pour réaliser cet ensemble contrôle entre les différents niveaux. En effet, dans les
déterminé de twches. approches formelles et techniques de l’organisation,

L’orBanisation • 1l7

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les unités administratives supérieures définissent sou- la sélection parmi des options de produits et de
vent les twches des unités subalternes. La figure r.2 marchés, le design organisationnel, l’affectation
présente les trois niveaux de direction : le niveau stra- des ressources et le contrôle des résultats. nappe-
tégique, le niveau administratif et le niveau opérationnel. lons que le niveau stratégique est souvent l’apanage
• Le niveau stratégique se préoccupe de problèmes du groupe de dirigeants qui se situent au sommet
stratégiques, comme les objectifs de performance, de la hiérarchie de l’entreprise (Mintzberg, 1sr2).

ENCADRÉ 8.4 QUELQUES FONCTIONS CLASSIQUES DANS L’ENTREPRISE


Une fonction est l’e ensemble des produits et les services sont deve- de la part de ses parties prenantes
activités d’une entreprise qui sont nus si fréquents qu’il importe de avec lesquelles elle doit savoir
orientées vers les mêmes objectifs savoir profiter des progrès scienti- communiquer.
et qui sont généralement regrou- fiques et des ressources de la tech- • ba gestion des systèmes d’in-
pées au sein d’un même service f nologie. b’invention, la recherche formation et de communica-
(zzz.gdt.oqlf.gouv.qc.ca). koici les et le développement (R-D) de t i o n co ns i s te, d e v a nt l a
fonctions classiques qui existent dans même que l’innovation technolo- mondialisation et le développe-
une entreprise : gique constituent les voies oh ment des outils d’information et
prend racine le changement de communication à distance
• ba gestion du marjeting a pour
technologique. (neb interactif), à comprendre le
objet de comprendre les relations
• ba gestion des ressources rôle des ressources information-
entre les offreurs et les clients
intermédiaires ou finals (consom- humaines, autrefois appelée nelles et des systèmes d’informa-
mateurs) dans le but de satisfaire la e gestion du personnel f, est une tion dans la stratégie de l’entreprise
clientèle grsce à des produits et à fonction distincte, mais voisine et l’organisation du travail.
des services adéquats. des relations industrielles. Elle est • ba gestion internationale doit
importante, car la majorité des savoir adapter les activités de
• ba gestion financière englobe la
employés n’est pas syndiquée. décision, de planification, d’orga-
comptabilité, la planification
Cette fonction s’occupe de l’inté- nisation, de direction et de
financière, la gestion budgétaire
gration du personnel dans l’entre- contrôle en fonction des particu-
et la trésorerie. Elle a pour mission
prise comme le recrutement, la larités locales au moment
de garantir la véracité et la qualité
formation, les mutations du per- d’étendre les activités de l’entreprise
des informations financières sur
sonnel, les politiques de rémuné- à l’étranger. bes gestionnaires de
l’entreprise et ses activités, d’assurer
ration, pour soutenir l’implication cette fonction doivent comprendre
la meilleure rentabilité des flux
au travail. les systèmes juridiques, les cultures
financiers de l’organisation, de
• ba gestion des relations de tra- et les différentes fadons d’aborder
participer à l’élaboration de la
stratégie financière et d’assurer la vail a pris de l’importance à mesure de nouveaux marchés.
gestion quotidienne de la trésore- que se sont accrus les pouvoirs • Parmi les fonctions les plus récem-
rie et des échanges financiers des syndicats. be système juri- ment structurées dans les entre-
avec l’extérieur. dique défini par le législateur régit prises, on trouve enfin les activités
le déroulement des conflits d’inté- regroupées autour des questions
• ba gestion des opérations et
rêts. ba gestion des relations de de gestion de l’éthique et de
de la production se préoccupe de
travail relève des stratégies et des gestion de l’environnement : il
la mise en œuvre des procédés et
tactiques de résolution de conflits s’agit de penser et de mettre en
des flux de matières ou de res-
ouverts tels que les grèves, mais place des conduites éthiques à
sources pour la réalisation des
également de la préparation et de l’intérieur des frontières de l’en-
produits ou des services de l’en-
l’administration des conventions treprise et hors de celles-ci, ainsi
treprise dans le respect d’un rap-
collectives. que de penser et d’agir dans le
port qualité délai prix.
• ba gestion des relations et respect d’un environnement
• ba gestion de la technologie est
des affaires publiques a connu écologique.
l’un des domaines les plus critiques
un essor depuis le début des
de l’entreprise. bes changements
années 1pu0. b’entreprise fait de
technologiques concernant les
plus en plus l’objet de pressions

1ls • Chapitre N

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FIGURE 8.2 Le découpage vertical des activités

kouvernance

Niveau
stratégique
• tratégie
• Design et changement
organisationnel
• kcquisition des compétences,
des ressources financières
et techniques
• Légitimation de l’entreprise
• lontrôle global des résultats

Niveau administratif

1 2 3 4 5 6 7 8 9 t

1. hestion du marieting e. hestion des relations


2. hestion financière et des affaires publiques
3. hestion des opérations 8. hestion des sastèmes
et de la production d’information et de
4. hestion de la technologie communication
d. hestion des compétences, f. hestion internationale
service du personnel 10. hestion de l’éthique
6. hestion des relations 11. hestion de l’environnement
de travail

Niveau opérationnel

1 2 3 4 t

1. kchat 2. Production 3. Distribution 4. Logistique

tans certaines entreprises, il comprend les


deux cellules de direction interconnectées que
sont, d’une part, les cadres fonctionnels diri- La structure verticale traduit la répartition
geant l’entreprise et, d’autre part, le conseil du pouvoir entre les trois niveaux :
d’administrateurs, qui exerce une étroite sur-
veillance sur les cadres fonctionnels. stratégique, administratif, opérationnel.
• Le niveau administratif formule les objectifs
opérationnels et les plans d’action en vue de
• Le niveau opérationnel exécute les twches assi-
réaliser les objectifs et de coordonner les activités
gnées, met en œuvre les décisions arrêtées aux ni-
technico-économiques des unités subalternes. C’est
veaux supérieurs et prend les décisions dont il a
ici que Mintzberg situe la technostructure et les
la responsabilité.
fonctions de soutien de l’entreprise.

L’orBanisation • 1ll

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La division horijontale et dans une structure horiLontale qui dissocie, en plus


La division horizontale a trait à la segmentation du tra des activités centrales précédentes, une technostructure
vail dans l’entreprise en fonctions ou en unités spé- et des fonctions de soutien logistique.
cialisées selon les régions, les produits, les procédés de • Le centre opérationnel est composé de tous les
fabrication, etc. Une façon simple de se représenter l’or opérateurs dont les twches sont directement liées
ganisation comme la formalise les managers est celle de à la production de biens et de services.
Mintzberg (1sr2, 2llx) qui distingue six éléments de
base au sein d’une double structure verticale et horizon
tale (voir la figure 8.3). Cette dernière présente un agen
cement de tIches regroupées en unités et réparties dans
La structure horidontale traduit les choix
une structure verticale qui comprend un centre opéra de spécialisation des unités d’activités.
tionnel, un sommet stratégique, une ligne hiérarchique,

FIGURE 8.3 Les six parties de base de l’organisation et quelques exemples de riles
et d’unités de thches

IDÉOLOGIE
Sommet stratégique

bonseil d’administration fonctions de


Technostructure
soutien logistique
Président
Planification bomité Personnel attaché bonseil juridique
stratégique directeur au président Relations
bomptabilité publiques
et contrôle
Relations sociales
Formation
Ligne hiérarchique Recherche et
Recherche développement
opérationnelle
Tarification
Ordonnancement
u.P. opérations u.P. marketing Paie
de la production
Réception
Méthodes
Webmestre
employés de la
technostructure Directeurs Responsables Restaurant
d’usines régionaux d’entreprise
des ventes

bhefs d’ateliers Responsables des


ventes (districts)
Centre opérationnel

Opérateurs sur Assembleurs Acheteurs uendeurs expéditeurs


machines

ources : kdapté de Mint berg, 1f82, p. 4f v 2004, p. 186.

200 • Chapitre N

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• Le sommet stratégique est composé le plus sou différentes échelles verticales de l’organisation. Pour
vent du directeur général et des cadres dirigeants, Fayol, il s’agit de trouver la juste mesure dans le degré
dont la twche est de s’assurer que l’entreprise remplit de centralisation des pouvoirs de décision. Pour les
sa mission efficacement tout en satisfaisant aux approches humaines de l’organisation, la décentrali
attentes de ses parties prenantes. sation des pouvoirs de décision est au cœur de l’huma
• La ligne hiérarchique est le chemin des échelons nisation du travail. Ce choix reflète souvent l’approche
intermédiaires d’autorité qui mène du centre opéra philosophie managériale des dirigeants.
tionnel à la direction.
• La technostructure a pour mis
sion de rendre le travail plus effi FIGURE 8.4 Le partage de l’autorité
cace, souvent en le standardisant,
à mesure que l’organisation gran bonseil d’administration,
dit ou se complexifie. Les diffé Partage de propriétaires Partage de
rentes activités qui la constituent l’autorité Direction générale l’autorité
regroupent ainsi toutes sortes
badres intermédiaires
d’analystes qui planifient et contrô
bontremadtres,
lent le travail, dont les suivants :
directeurs d’usine
au bureau des méthodes, les
employés
analystes du travail et les spé
Structure centralisée Structure décentralisée
cialistes des méthodes standar
disent les procédés de travail ;
les fonctions de planification stra
tégique, de gestion financière et de comptabilité En règle générale, la décentralisation ou la centra
regroupent les spécialistes de la planification et lisation de l’autorité décisionnelle au niveau struc
du contrôle stratégique, financier et budgétaire turel, unité administrative par unité administrative,
qui standardisent les résultats ; est aussi le reflet d’une stratégie. Par exemple, une
les fonctions de gestion des compétences, de firme qui s’inspire d’une stratégie orientée vers la
service du personnel ou encore de a gestion des supériorité technique peut choisir de centraliser au
ressources humaines b, avec les analystes du per sommet les décisions liées à la n t. Cette centralisa
sonnel et les spécialistes du recrutement, de la tion permet de déterminer les domaines techniques
formation, etc. standardisent la qualification. pertinents et de réaliser des innovations majeures.
• Les fonctions de soutien logistique regroupent les
Par contre, une stratégie orientée vers l’adaptation aux
fournisseurs de services internes, de soutien indi marchés locaux favorisera la décentralisation des acti
rect de la mission de l’entreprise et de ses activités vités de n t.
opérationnelles, par exemple les services juridiques,
les relations publiques, la n t.
Enfin, une organisation est porteuse d’une idéolo- Le degré de centralisation du pouvoir
gie plus ou moins distincte de celle des autres organi
sations, à savoir un système enraciné de croyances, de
dans la structure reflète la répartition
normes et de valeurs partagées (voir aussi l’encadré 8.2). de l’autorité.
La centralisation des structures
Souvenons nous des propos de Fayol : dans les
approches formelles et techniques de l’organisation, on Les mécanismes de coordination
parle de centralisation quand le pouvoir de décision
Une fois les twches et les activités comprises, regrou
est concentré en un seul point de l’organisation, en
pées et différenciées, il faut les intégrer, c’est à dire
général au sommet hiérarchique, entre les mains
coordonner le travail ou encore faciliter la coopération.
d’un ou de quelques dirigeants. Souvent, certaines
Cela se fait à l’aide de mécanismes de coordination.
décisions sont plutôt centralisées, alors que d’autres
Selon les approches formelles, ces moyens de coordina
sont plutôt décentralisées (voir la figure 8.4). La struc
tion globaux s’appuient sur deux types de mécanismes
ture centra lisée crée une organisation très bureaucra
prescrivant le travail : les mécanismes de liaison et les
tique, alors que la structure décentralisée repose sur
mécanismes opératoires (Mintzberg, 2llx).
la participation avec l’engagement des membres des

L’orBanisation • 201

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Les mécanismes de liaison • La standardisation de la qualification (et du


Les mécanismes de liaisons sont des mécanismes de savoir) : la coordination résulte de la formation par-
mise en relation interindividuelle, de socialisation qui ticulière de l’individu considéré comme un a profes-
ont trait aux différents moyens de mise en relation sionnel b, doté d’un a métier b et officialisé par une
interpersonnelle des employés par le contact direct instance, qui exécute et connajt son travail. Cette
ou les groupes de travail. Ces mécanismes de liaison formation répond à des standards comme des pro-
peuvent être les suivants. grammes de formation ou d’instruction, qui sont
• L’aAustement mutuel bilatéral ou en groupe : la
souvent établis de l’extérieur par des ordres profes-
coordination du travail se fait par le contact direct et sionnels ou des établissements d’enseignement.
la communication informelle entre les employés. Cet • La standardisation des normes : dans ce cas, la
ajustement peut se faire par le contact deux à deux coordination émerge de l’assimilation par tous les
(entre employés, entre employé et cadre de liaison, membres de l’organisation des normes sociales et
etc.), ou encore à plusieurs au sein de groupes de tra- des croyances culturelles qui guident les compor-
vail (de groupes spontanés de discussion à des groupes tements (au moyen, entre autres, de programmes
formels de projets, des comités permanents, etc.). et techniques d’endoctrinement ou de persuasion
dirait earnard o1s3rp).
• La supervision directe : une seule per-
sonne, par exemple le directeur général, est
chargée de l’autorité et a pour rôle de faire
la liaison entre la direction et ses subor- La coordination : distinguer mécanismes de
données en donnant les instructions et
liaison pour la mise en relation des travailleurs
les directives aux employés qui travaillent
ensemble sous sa supervision. et mécanismes opératoires pour préciser
Les mécanismes opératoires les a comment b et a quoi faire b ensemble.
Les mécanismes opératoires sont des méca-
nismes de planification et de contrôle, qui
consistent en des dispositifs formels pour les De la coordination à la coopération
employés (quoi faire ?) pour parvenir à des résultats, Pour les tenants des approches humaines du travail,
bref les accords, les règles, les instructions, les plans l’idée de coordination du travail renvoie seulement
ou les procédures utilisés par ces employés et prescri- au travail collectif prescrit alors que le travail collectif
vant, voire normalisant leurs opérations ou décrivant effectif, réel, prend plutôt la forme de la coopération.
leurs actions (comment faire ?) en des termes objectifs. Or, cette coopération n’est possible que s’il existe des
Les mécanismes opératoires de coordination sont espaces de délibération, c’est-à-dire des lieux pour
les suivants. une activité déontique de débat o les travailleurs et
les managers peuvent s’entendre sur leurs obligations
• La standardisation des procédés de travail : la
et discuter des normes du travail bien fait (voir le cha-
coordination résulte de la spécification des twches et
pitre 6). Ce sont alors surtout les mécanismes de liai-
de leur interdépendance dans des procédés de tra-
son comme l’ajustement mutuel dans des groupes de
vail formalisés par la technostructure (politiques,
travail adaptés qui sont les plus essentiels à la coopé-
règles, procédures, programmes, plans, projets, ration effective (Dejours, di1n).
etc.). On parle de degré de bureaucratisation selon
le degré de formalisation, la quantité et l’importance
accordée aux règles et procédures par l’organisation.
• La standardisation des résultats: la coordination
ce la coordination à la coopération :
émerge de la spécification des résultats attendus des l’importance des espaces de délibération.
différentes twches. Selon les approches formelles, ces
résultats sont une fois encore formalisés par la tech-
nostructure, par exemple par les objectifs financiers
et commerciaux établis pour les différentes divisions
La communication
d’une entreprise multinationale dans des plans stra- La communication englobe non seulement les échanges
tégiques et budgétaires, par la spécification des carac- d’idées, d’informations rationnelles et affectives, que ces
téristiques d’un produit à des fins de production. échanges soient formels ou informels, verbaux ou non

202 • Chapitre N

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verbaux, oraux ou écrits, fortuits ou délibérés,


internes ou externes à l’entreprise, mais éga-
lement les exercices d’influence entre gestion- La communication humaine : penser, au-delà du
naires de même qu’entre dirigeants et employés. transfert unilatéral d’informations, au dialogue
Les moyens et les réseaux de entre personnes.
communication dans l’entreprise
Fayol insistait, en 1s1c, sur l’importance d’une
communication latérale pour contourner les tans l’approche managériale formelle, la commu-
blocages ou les inefficiences dus à la ligne hiérarchique nication est surtout pensée comme le transfert para-
de l’entreprise. earnard évoquait, lui, la nécessité d’une métré et intégral de l’information d’une personne à
bonne communication, fondée sur des a ordres b de une autre, d’un émetteur à un récepteur. La commu-
qualité, intelligents et intelligibles, et sur un leadership nication réside dans l’art d’émettre et de recevoir l’in-
persuasif. Une organisation peut facilement être appré- formation sous diverses formes (voir le tableau 8.1, page
ciée en fonction de la qualité des informations qui y suivante), dans divers contextes humains (par exemple,
circulent et des rapports qui s’y établissent. en petits groupes, en assemblée) et à diverses fins (par
tans la perspective héritée des approches mana- exemple, informer, comprendre, convaincre) tout en
gériales formelles, les communications en entre- choisissant les canaux ou les médias de communica-
prise comportent tout un éventail de moyens et de tion appropriés pour s’adapter aux divers auditoires.
contenus explicites orientés vers l’action efficace, tans une perspective humaine, on sait que la com-
comme les notes d’information, les communiqués aux munication résulte du dialogue entre personnes et
employés, les guides présentant les règlements et les
qu’elle se construit dans celui-ci. Elle procède plutôt
méthodes, les discours, les enquêtes et les recherches,
de l’ajustement et de la construction conjointe d’in-
les publications scientifiques. te façon moins for-
terprétations ou de représentations. Toute informa-
melle, il y a aussi les relations interpersonnelles, les
tion, destinée à devenir connaissance pour l’un ou
réunions, les tableaux d’affichage, les images.
pour l’autre, est sujette à différents entendements ou
Les informations ainsi véhiculées sont soit relation-
à diverses compréhensions (voir les chapitres 6 et 10).
nelles, soit opérationnelles.
Tout discours verbal ou tout texte écrit, dont la signi-
Les informations relationnelles portent sur la na- fication se veut claire et figée, est en fait susceptible
ture et la qualité des liens, sur les comportements et les de contenir et de provoquer un halo d’interprétations
manières d’être entre personnes : les conventions, les multiples. Il produit à la fois un ordre et un désordre
habitus, les valeurs, les rituels, les rôles attribués par
(confusion) (fasquez, Schoeneborn et Sergi, 2l1c),
l’organisation sociale qu’il convient de connajtre pour
dont la coexistence est salutaire à la délibération et
mieux échanger. uuoique plus difficiles à partager, ce
à la coopération dans l’organisation. La communica-
sont celles-là mêmes qui permettent de créer un senti-
tion s’opère donc dans l’interaction, le contact direct
ment d’appartenance, un climat de confiance o em-
ployés et dirigeants peuvent exprimer leurs affinités, entre personnes selon leurs affinités, mais aussi selon
leurs attentes et leurs réticences. Pour leur part, les le risque ressenti à parler (molford, 2l1l ; tejours,
informations opérationnelles guident les méthodes 2l15) et plus généralement selon le contexte. Com-
et les façons de faire de l’entreprise. Elles sont à l’ori- muniquer est alors moins diffuser de l’information
gine des buts et des objectifs de chacun qu’instaurent que délibérer par le dialogue, aussi ambiguo soit la
les mécanismes de coordination opératoires. situation. Les managers doivent donc entretenir un
La communication la plus efficace est la communi- environnement favorable à la confiance et au respect
cation multidirectionnelle o l’information circule mutuel, dans lequel il est donné à chacun le temps et
librement parmi tous les membres de l’organisation. La la liberté de s’exprimer et o sont accueillis une variété
communication verticale de haut en bas ou de bas en de points de vue et d’expériences, même discordants.
haut, le long de la ligne hiérarchique, a montré ses li- Le dialogue coercitif entre personnes doit être évité.
mites dès les travaux de Fayol qui prônait déjà la trans- Sinon, le risque de conflits relationnels augmente et
versalité. La communication bilatérale et polarisée vers entrajne des risques plus tangibles encore (techniques,
le leader circulant exclusivement entre ce pivot central financiers, etc.) dans la mesure o dans de telles situa-
et ses subordonnés ne fournit qu’une satisfaction mo- tions, des connaissances clés ou importantes ne sont
dérée pour les membres qui demeurent isolés les uns pas adéquatement partagées ou échangées.
des autres.

L’orBanisation • 20t

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TABLEAU 8.1

Quelques exemples de moyens et de réseaux formels de communication


Moyens et réseaux formels
Exemple
de communication
cu haut vers le bas

Chazne de commandes Ordres écrits ou oraux du haut vers le bas de la hiérarchie

kuides de règlements Documents écrits indiquant le comportement approprié

Mémorandums mnstructions écrites des patrons aux subordonnés, et vice versa

Instructions relatives aux thches mnstructions orales et écrites sur la bonne façon d’effectuer les tuches

Affiches, tableaux d’affichage knnonces écrites sur différents sujets d’intérêt pour les emploaés

Encarts avec la paie knnonces écrites insérées dans les enveloppes de paie

Système avec haut-parleurs knnonces orales aux emploaés à propos de problèmes nécessitant une action immédiate

cu bas vers le haut

Chazne de commandes Requêtes écrites ou orales transmises aux supérieurs

Système de suggestions mdées écrites ou orales formellement transmises à la direction en vue d’améliorations

Politique de la porte ouverte mnvitation écrite ou orale aux emploaés à discuter de n’importe quel problème avec la direction

Procédure de règlement lommunications écrites ou orales permettant à l’emploaé d’en appeler des décisions de la direction
de griefs (plaintes)

Sondages d’attitudes lommentaires adressés à la direction sur les sentiments des emploaés concernant des sujets variés

Réunions spéciales lommunication orale publique entre la direction et les emploaés sur différents problèmes
qui surviennent de temps à autre

Médiation lommunication orale et écrite effectuée par une personne dcment assignée pour s’assurer
que justice est faite de la part des dirigeants

Entrevues lommunications verbales visant à connaître le point de vue des emploaés

Les technologies de l’information économies substantielles de cokts d’interaction entre


Les technologies de l’information, omniprésentes au personnes et organisations éloignées. tes employés
jourd’hui, sont à la fois des mécanismes de coordina dispersés dans divers territoires ou diverses unités de
tion et des moyens de communication qui jouent un l’entreprise peuvent en effet communiquer leur exper
rôle de premier plan dans la structuration des organi tise et échanger de multiples renseignements instan
sations. Leur infrastructure comprend des ressources tanément par une variété de moyens comme les
matérielles comme les ordinateurs et les périphéri courriels, la messagerie instantanée, les sites de ré
ques, des ressources logicielles comme les programmes seaux sociaux, des systèmes audiovisuels ou des bases
et les bases de données, ainsi que des réseaux de télé de données structurées.
communications internes et externes à l’entreprise. Les technologies de l’information sont des méca-
Les technologies de l’information permettent d’ac nismes opératoires puissants de standardisation.
crojtre le rendement des personnes et des entre En effet, les bases structurées de données, les pro
prises en accélérant la circulation de l’information. cédures informatisées, les résultats numérisés, les
Les micro ordinateurs, par exemple, ont contribué à savoirs catégorisés en ligne, par exemple, permettent
modifier complètement le travail. Internet, moyen de formaliser les informations disponibles dans l’or
de communication de portée mondiale, permet des ganisation et de normaliser les méthodes de travail.

204 • Chapitre N

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q Quoi l

VÉCUES
HISTOIRES Agathe est furieuse. Et bien que Jean-Yves comprenne très bien ses raisons,
il est coincé.
q ae sais ma chérie, mais je n’ai pas le choix.
q b’an dernier déjà à Aruba, tu as passé la moitié de nos vacances à travailler
et tu vas remettre encore da cette année l Tu m’avais promist
q ae suis désolé, dit-il en insérant son ordinateur portable et sa souris dans sa valise
entre sa serviette de plage et ses shorts.
Agathe lève les bras au ciel et s’enferme dans la salle de bain en claquant la porte
derrière elle.
q C’est quand même mieux que de ne pas aller en vacances du tout ! s’écrie-t-il
d’un ton positif.
Tout de même. l aurait bien aimé partir sans son ordinateur pour une fois. Mais le logiciel
qu’il est en train de tester sur la machine qu’il installe en ce moment dans une succursale
de commerce de détail contient des bogues. l en a informé ses collègues qui sont en contact
permanent avec Rajiv et son équipe de programmation, en nde, et qui sont responsables
de corriger les erreurs. vabituellement, il trouve da pratique, car avec le décalage horaire,
ils travaillent la nuit et cela fait gagner du temps à aean-cves, le lendemain matin. Mais
avec ces bogues à répétition, il devra encore travailler durant ses vacances. Pas moyen
de décrocher.
Agathe sort de la salle de bain. Elle semble s’être calmée. Elle s’approche et
le prend dans ses bras.
q a’ai lu récemment que les deux tiers des Canadiens et près de p0 des ndiens
vérifient leurs courriels et leur boîte vocale professionnels pendant leurs vacances,
affirme aean-cves.
q Peut-être, répond Agathe, mais ce n’est pas eux que j’ai épousés.

Elles sont aussi des mécanismes structurels de liai- se comprendre durant les échanges, et elle entrajne
son. Elles structurent en effet des relations immé- diverses conséquences néfastes comme une pression
diates permettant le travail collaboratif, le travail à sur les rythmes de travail, sur la séparation entre vie
distance, le travail continu, par exemple. La liaison des professionnelle et vie privée, une dépersonnalisation
personnes et des groupes fonctionnels peut se faire au et un délitement des collectifs de travail.
moyen d’outils de partage de connaissances et de col-
laboration à distance, bref d’outils de coordination par
la communication virtualisée (interactive, intempo-
relle, instantanée, a-localisée). Par contre, cette forme
Les technologies de l’information
de communication impose des précautions diverses en structurent l’information et accélèrent
matière de sécurisation de l’information et de protec-
tion de la vie privée, elle provoque une dégradation
sa circulation, mais elles transforment
des relations interindividuelles liées à la formulation aussi l’organisation du travail.
écrite ou à l’absence de proximité physique pour mieux

8.4 Les formes organisationnelles


L’organisation apparajt comme un processus d’adapta- de formes diverses. Nous étudierons dans la suite de
tion à l’environnement et à la stratégie de l’entreprise cette section l’influence de l’environnement sur les
par lequel les membres de l’organisation coordonnent formes d’organisation ainsi que les principales confi-
leur travail et qui peut aboutir à des entités constituées gurations qui existent dans les organisations.

L’orBanisation • 20k

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L’influence de l’environnement • Plus l’organisation a des marchés diversifiés qui exi-


gent des twches et des activités variées, plus elle a ten-
sur les formes d’organisation dance à se structurer en unités organisées sur la base
tans la perspective formelle de l’organisation, les pré- de ces marchés ou en divisions qui favorisent des éco-
curseurs comme eurns et Stalker, en 1sc1, de même que nomies d’échelle.
Lorsch et Lavrence, en 1scd, ont démontré qu’il n’existe • Plus l’organisation fait face à une hostilité extrême
pas de forme idéale d’organisation transposable à de son environnement o la concurrence pour l’ac-
toutes les entreprises. Ces auteurs avancent l’idée que cès aux marchés et aux ressources est forte et exige
la forme organisationnelle adoptée par une entreprise une rapidité de réponse, plus elle est conduite à cen-
dépend avant tout des caractéristiques de l’environne- traliser sa structure de manière temporaire.
ment. Selon eux, un système mécaniste, c’est-à-dire Nous abordons dans la prochaine section la diver-
centralisé et bureaucratique o le pouvoir est essentiel- sité de ces formes ou encore de ces configurations
lement pyramidal et hiérarchique, convient à des entre- organisationnelles.
prises évoluant dans des environnements économiques
et concurrentiels plutôt stables, alors qu’un système
organique, c’est-à-dire décentralisé et faisant appel à
Les configurations
un assouplissement des structures et à la participation organisationnelles
des personnes, est approprié à des entreprises qui évo- Selon Mintzberg (1sr2), il est possible de distinguer,
luent dans des environnements plus turbulents et qui selon le contexte de l’entreprise et, entre autres, selon sa
doivent s’y adapter rapidement (voir le tableau 8.2). La stratégie, plusieurs formes d’organisations génériques
base du pouvoir, dans ce second système, est avant tout ou de configurations organisationnelles distinctes. eien
la compétence des membres et l’accès à l’information. qu’il en existe un plus grand nombre dans la littéra-
ture, nous examinerons ici les
six formes organisationnelles
La forme de l’organisation varie selon les caractéristiques génériques suivantes (voir la
figure 8.5, page 210) : la forme
de l’environnement. Elle peut être plutit mécaniste entrepreneuriale (ou artisa-
nale), la forme fonctionnelle
ou plutit organique. (ou mécaniste), la forme divi-
sionnalisée, la forme profession-
nelle, la forme innovatrice (ou
Pour sa part, Mintzberg (2llx) retient quatre hypo- encore l’adhocratie, souvent matricielle) et la forme
thèses qui font le lien entre la forme d’organisation et missionnaire. Le lecteur trouvera un résumé des avan-
l’environnement de l’entreprise. tages et des inconvénients de ces différentes formes
• Plus l’environnement est dynamique et peu prévi- dans le tableau r.3, page 211. Nous présenterons aussi
sible, plus la structure est organique. l’organisation en réseau, une configuration qui permet
• Plus l’environnement est complexe et peu intelli- aux entreprises de faire face à un environnement
gible, plus la structure est décentralisée. aujourd’hui complexifié et mondialisé.

TABLEAU 8.2

Les formes d’organisation efficaces selon l’environnement


forme mécaniste forme organique
(structure centralisée) (structure décentralisée)
Environnement turbulent gorme inapte à répondre rapidement aux changements gorme la plus efficace

Environnement stable gorme la plus efficace gorme souvent inefficace et cocteuse

ources : wurns et talier, 1f61 v Lorsch et Lajrence, 1f6e.

20c • Chapitre N

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La forme entrepreneuriale style de gestion individualiste et autocratique avec les


La forme entrepreneuriale (ou artisanale) est la forme risques qu’on lui connajt (voir le chapitre 3).
organisationnelle simple caractéristique des petites
firmes qui fabriquent une gamme limitée de produits La forme fonctionnelle
visant un segment de marché ou une région géogra- Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1 avec les
phique ciblée, grwce à une distribution simple. courants formels d’administration, la forme fonc-
tionnelle (ou mécaniste) s’est développée depuis le
L’entrepreneur (ou les entrepreneurs lorsqu’ils sont
début du gge siècle avec la production de masse. tès
plusieurs associés) préfère adopter une structure
le début des années 1s2l, elle était devenue la forme
flexible et peu formalisée de façon à accrojtre l’adap-
la plus répandue dans les grandes entreprises. Cette
tabilité de son organisation aux innovations et aux
forme d’organisation est applicable aux entreprises qui
exigences du marché, au prix même de l’efficience. Le
offrent des gammes limitées de produits à des mar-
pouvoir est centralisé. Les décisions importantes sont
chés nationaux ou internationaux de grande taille.
généralement prises au sommet par l’entrepreneur
qui en est aussi souvent le dirigeant et le propriétaire. La forme fonctionnelle met l’accent sur la standar-
Nourrie par l’incertitude et axée sur l’exploitation des disation du travail et des procédés. Elle repose sur
opportunités, la stratégie est rarement formalisée. la spécification très précise des twches et sur la forma-
Elle reflète la vision du dirigeant, et le développement lisation des procédures nécessaires à la production et
devient une extrapolation de ses convictions. à la commercialisation des biens et services de l’en-
treprise, sous la responsabilité de cadres fonctionnels
La structure formelle est simple et faiblement élabo-
qui se rapportent à une autorité centrale. Les cadres
rée. La division spécialisation du travail est peu pous-
fonctionnels sont les spécialistes des différentes fonc-
sée, et la différenciation des unités demeure minimale.
tions comme la fabrication, le marketing, la recherche,
Les employés exécutent des twches variées. La coordi-
les finances, etc. Ils mettent au point des méthodes
nation est surtout réalisée par la supervision directe.
propres à leur fonction et contribuent à l’édification
Le regroupement en unités, s’il existe, se fait le plus
d’une structure rationnelle légale qui peut mener, en
souvent par fonctions et de manière approximative.
accentuant inadéquatement la centralisation du pou-
La communication circule entre la direction et les
voir, la spécialisation et la standardisation, aux travers
membres de façon informelle et personnelle.
connus de la bureaucratie (voir le chapitre 2, page 41).
La formulation de la stratégie se fait au niveau le
plus élevé par le dirigeant et quelques cadres supé-
La forme entrepreneuriale est simple rieurs, alors que la majorité du personnel occupe
et adaptable. des fonctions spécialisées d’exécution. La division et
la délégation des twches par fonctions conduisent à
une pyramide hiérarchique régie par de nombreuses
règles et méthodes formelles. Les systèmes de gestion
La forme entrepreneuriale se trouve dans les petites
et d’évaluation du personnel sont impersonnels, c’est-
entreprises, les entreprises de techniques de pointe,
à-dire qu’ils se fondent sur des examens méthodiques
voire dans les grandes entreprises qui, lorsqu’elles se
des cokts, des résultats et de l’efficience technique.
trouvent en situation de crise grave et contraintes à
évoluer, font appel à un leader fort et charismatique
pour trouver le chemin de la survie. La forme entre-
preneuriale comporte cependant des désavantages. La forme fonctionnelle est efficiente
Le dirigeant risque la surcharge de travail et un enli- pour de grandes entreprises offrant
sement dans les twches opérationnelles au détriment
de la réflexion stratégique. La prise de décision peut une gamme limitée de produits.
se trouver ralentie par la dépendance à la présence du
seul dirigeant. La forme entrepreneuriale simple est
également inapplicable aux industries en croissance La forme fonctionnelle est propice à l’efficience
o la technologie exige une formalisation et une spé- dans l’utilisation des ressources et à l’adaptation aux
cialisation plus grande des twches pour aboutir à des variations de la demande au sein d’une gamme limi-
économies d’échelle aux étapes de la fabrication et de tée de produits et de services, car elle se fonde sur
la distribution. Enfin, elle peut être marquée par un un processus décisionnel vertical simple. Cependant,

L’orBanisation • 207

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l’adaptabilité stratégique de cette forme d’organisation


tend à décliner à mesure que la taille de l’entreprise et
la gamme des produits s’accroissent. La haute direction
est vite surchargée si elle a trop centralisé le pouvoir
pour s’adapter aux demandes rapides et multipliées
dans le cas de l’accroissement de la gamme des pro-
duits et services. Les relations entre fonctions peuvent
aussi être tendues en raison d’une rivalité pour accéder
à des budgets centraux limités, des conflits de priori-
tés ou d’une asynchronie dans les temps de réponse,
faute d’une bonne coordination transverse. Malgré ces
failles, la forme fonctionnelle est viable et pertinente Le travail en espace ouvert
pour la majorité des firmes qui fabriquent une gamme
limitée de produits. qui forment des centres de profits jouissant d’une cer-
L’entreprise qui s’est engagée dans la diversification taine autonomie. Le siège social est constitué de cadres
peut difficilement gérer plusieurs produits visant de généralistes orientés vers la planification à long terme
nombreux marchés à l’aide d’une structure fonction- de l’ensemble. Sa fonction est surtout le partage des
nelle. La direction crée alors plusieurs centres de pro- ressources financières entre les divisions. La centrali-
fits spécialisés qui peuvent eux-mêmes prendre une sation du pouvoir au siège social pose problème quand
forme fonctionnelle et qui sont chapeautés par le siège seuls comptent les résultats financiers au détriment
social, ce qui correspond à la forme divisionnalisée. des réalités économiques et sociales locales des filiales.
Il est fréquent de rattacher au siège social des fonc-
La forme divisionnalisée
tions de soutien telles que les achats, les services
Le modèle divisionnalisé a été instauré par les grandes
juridiques, la gestion financière et la recherche fon-
firmes américaines, telles tuPont et General Motors
damentale. Mais, pour cela, ces fonctions doivent être
Corporation, au début du gge siècle. Sa diffusion a été
communes à plusieurs divisions et offrir des économies
lente jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. tepuis lors,
d’échelle. Selon certains, il faut rester vigilant pour ne
la diversification pratiquée par la plupart des grandes
pas entretenir indkment des divisions a mourantes b
firmes a eu pour effet de diffuser ce modèle d’organi-
dont l’inefficience est masquée ou compensée par la
sation. La forme divisionnalisée est surtout pertinente
performance d’autres divisions. Car le fait est que la
pour les firmes qui évoluent dans plusieurs industries
forme divisionnalisée reste la plus cokteuse en raison
et qui doivent coordonner leurs actions d’ensemble
de la redondance des ressources engagées par la dupli-
à partir de la direction générale. Elle est idéale pour
cation de la structure et de ses niveaux stratégique,
accompagner la croissance d’une entreprise qui sou-
administratif et opérationnel dans chacune des filiales.
haite se diversifier et, par exemple, pénétrer
un nouveau marché à l’aide d’une nouvelle
division unité.
Le principe de base de la forme division- La forme divisionnalisée est adaptée pour des
nalisée consiste à regrouper les activités des
entreprises diversifiées dans plusieurs industries
unités qui visent les mêmes industries ou
les mêmes secteurs en entités administra- ou dans de nombreux champs stratégiques.
tives distinctes. Chaque unité productrice
(ou encore unité d’affaires) comportant un
trio produit-compétence-marché distinct est La forme professionnelle
confiée à un cadre supérieur responsable des décisions tans une organisation professionnelle, la base opéra-
d’ordre stratégique, administratif et opérationnel, de tionnelle est prépondérante et agit comme si chacun de
sa rentabilité et de son développement. ses membres était son propre patron. Parmi les exemples
Pour s’assurer du développement pérenne de ses de ce type d’organisation de professionnels, pensons aux
filiales, le siège social effectue une comparaison de la hôpitaux, aux cabinets juridiques, aux universités ou
performance de chacune d’entre elles en établissant aux cabinets comptables. En effet, cette base opération-
une série d’objectifs et un contr le standardisé des nelle se compose de professionnels dont la compétence
résultats. L’entreprise se compose ainsi de divisions relève d’un savoir-faire particulier doublé d’une capacité

20s • Chapitre N

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de jugement propre. Ce savoir-faire repose sur des sa- forte et d’un engagement plus grand envers leur ordre
voirs formalisés acquis dans des universités ou des insti- professionnel qu’à l’égard de leur organisation. Elle peut
tutions spécialisées et internalisés durant des périodes également être handicapée par la faible coopération des
d’apprentissage plus ou moins longues comme l’internat experts entre eux, voire être gangrénée par des conflits
en médecine ou les stages professionnels. Cependant, interpersonnels entre ses professionnels autonomes.
l’essentiel du travail ne peut pas être standardisé.
Cela donne aux cadres opérationnels, une fois experts,
La forme innovatrice
une latitude considérable dans l’exercice de leur profes- La forme innovatrice, dite aussi a adhocratie b, a été
sion au contact direct de leur client. Chaque profession- conçue par les dirigeants des firmes diversifiées qui
nel étant relativement indépendant par rapport à son entendaient créer de l’intérieur de nouvelles activités
collègue, la coordination du travail au sein de l’organi- au lieu de procéder à l’acquisition d’entreprises exis-
sation passe par le contrôle et l’assurance de la qualité tantes. Elle s’étend aux organisations qui, dans des
des formations et des standards de qualification de environnements instables, à la fois complexes exigeant
ces employés par leur profession. Prenons pour exemple la décentralisation et dynamiques appelant une struc-
un hôpital : les médecins et les infirmières ont reçu une ture organique, doivent orchestrer l’innovation pour
formation spécialisée particulière, et les services qu’ils survivre. Les agences spatiales, les entreprises d’ingé-
offrent doivent répondre aux standards de qualification nierie, les agences de publicité, les sociétés de consul-
de leur ordre professionnel et de la communauté scien- tants, les sociétés de produits de grande consommation
tifique tout entière. En effet, la coordination résulte de très innovants comme les cosmétiques ou les produits
l’assurance chez chacun que l’autre accomplira sa twche pharmaceutiques font face à ce genre d’environnement
conformément au standard de la profession, et, de ce complexe et dynamique. La forme innovatrice vise
fait, le besoin de direction des opérations est minimal. alors à accrojtre la flexibilité de la structure. C’est une
Les professionnels s’identifient plus facilement à leur structure décentralisée d’équipes-projets en interaction
profession qu’à l’organisation o ils exercent leur métier. les unes avec les autres qui se développe de façon plus
émergente que planifiée (ad hoc) et selon le contexte.
Elle est constituée de nombreux experts hautement
formés et de professionnels qualifiés travaillant le plus
cans l’organisation de professionnels, souvent dans une structure matricielle. Celle-ci res-
chacun agit en patron indépendant selon semble à une toile ou à un quadrillage qui répartit des
experts fonctionnels responsables du soutien classique
les standards dictés par sa profession. (recrutement, formation, communication, etc.) dans
des équipes pluridisciplinaires constituées de profes-
sionnels et de spécialistes de l’innovation (chercheurs,
Par contre, les professionnels eux-mêmes assurent aussi développeurs, programmeurs, designers, etc.), ainsi que
les twches administratives et souhaitent garder la main- d’employés de soutien logistique, de techniciens et de
mise collectivement sur les décisions administratives qui managers (gestionnaires de projets). La coordination des
les concernent. Par exemple, un directeur d’hôpital est projets et du travail, qui doit être le moins standardisée
souvent lui-même médecin. Pour cela, les profession- possible pour préserver la créativité et l’innovation,
nels se coordonnent à l’aide de mécanismes de liaison passe par l’aAustement mutuel des personnes.
du type groupes de travail ou comités. C’est pourquoi la Parfois, pour gagner en flexibilité, l’entreprise adho-
ligne hiérarchique est en général assez courte. Le pou- cratique fonctionne plus souplement encore par pro-
voir ne résulte pas d’une position hiérarchique, mais de Aets en assemblant des équipes temporaires d’experts
la compétence. Enfin, les activités de soutien comme le internes et externes à l’organisation selon la nature et
service juridique, la bibliothèque ou le restaurant d’en- la localisation des projets à effectuer et les ressources
treprise sont par contre nombreuses, et le directeur disponibles. Les projets, ayant par nature un caractère
général d’une telle organisation de professionnels se éphémère, aléatoire et périssable, exigent des efforts
trouve souvent placé devant deux hiérarchies parallèles : cohérents de planification, d’exécution et de contrôle
celle des professionnels, o le pouvoir demeure entre les en vue d’atteindre les objectifs de qualité et de cokts
mains de la base opérationnelle, et celle des fonctions et de respecter les délais visés. Une fois un projet
de soutien logistique, souvent plus proche d’une struc- terminé, le suivant appelle une reconfiguration des
ture classique mécaniste fonctionnelle. équipes selon les expertises nécessaires.
La forme professionnelle a les défauts de ses avantages : La forme innovatrice peut se greffer au siège social
les professionnels sont susceptibles d’une loyauté plus d’une entreprise sous la forme d’une unité vouée, par

L’orBanisation • 20l

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exemple, au démarrage de nouvelles entreprises ou à la (voir l’encadré 8.2, page 193), les membres sont encouragés
création de nouveaux produits et services comme dans à la coopération par une mission inspirante, sise sur un
le cas d’un centre de n-t. i l’inverse de la bureaucratie, sens de l’histoire et de la tradition. La spécification du
o les professionnels qui, à chaque problème soulevé travail est alors faible, et les membres de l’organisation
par un client, déterminent et appliquent des solutions peuvent se substituer les uns aux autres. Peu de règles et
connues, l’organisation innovatrice cherche des solu- de règlements formels sont nécessaires pour qui adhère à
tions nouvelles. Elle n’est cependant pas exempte de la mission poursuivie et à l’idéologie ambiante. La ligne
défauts, en particulier du fait de la difficulté de fonc- hiérarchique est très courte, de sorte que les distinctions
tionner avec un double commandement (direction et les distances entre direction, cadres intermédiaires et
fonctionnelle et direction de projet) lié à la structure cadres opérationnels se trouvent réduites. Ce sont les
matricielle. Elle connajt aujourd’hui de nombreuses valeurs et les croyances partagées par tous les membres
variantes, dont celle de l’holacratie (nous y reviendrons). de l’organisation qui régulent, voire qui contrôlent puis-
samment le travail. Ces derniers sont sélectionnés, socia-
lisés et endoctrinés de façon à renforcer leur identification
avec l’idéologie en vigueur. Chacun jouit d’une grande
La forme innovatrice vise à accroztre autonomie dans cette forme décentralisée d’organisation.
la flexibilité pour stimuler l’innovation. L’idéologie ayant un fort pouvoir unificateur, elle génère
chez les employés un esprit collectif et un sens de la mis-
sion qui produisent des synergies efficientes. Certaines
grandes entreprises japonaises, comme Toyota, seraient
La forme missionnaire
emblématiques de ce genre d’organisation. Il importe
Mentionnons qu’on peut observer une sixième forme,
de ne pas confondre cette forme d’organisation avec les
l’organisation missionnaire, quand l’entreprise pos-
tentatives d’instrumentalisation de la culture au moyen
sède une culture organisationnelle singulière et propre.
d’une sorte de ferveur idéologique, plaquée et imposée
Selon Mintzberg (2llx), c’est le cas lorsqu’une idéologie,
maladroitement dans certaines configurations innova-
c’est-à-dire un ensemble de normes et de croyances,
trices, entrepreneuriales ou mécanistes fonctionnelles.
devient le mécanisme principal de coordination comme
Mintzberg (1sr2, 2llx) propose une représentation
dans certaines organisations non gouvernementales
graphique des six formes organisationnelles génériques
ou dans les kibboutz israéliens. tans ce genre d’orga-
décrites précédemment (voir la figure 8.5).
nisation dominée par une idéologie ou une culture forte

FIGURE 8.5 La représentation des six configurations organisationnelles et de leur mécanisme


de coordination principal

L’organisation entrepreneuriale L’organisation fonctionnelle L’organisation divisionnalisée


Supervision directe Standardisation du travail et des procédés Standardisation des résultats

L’organisation professionnelle L’organisation innovatrice L’organisation missionnaire


Standardisation des compétences Ajustement mutuel Standardisation des normes
et des qualifications
Légende : en maigre, les mécanismes de coordination dominants
ource : Mint berg, 2004.

210 • Chapitre N

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Chacune de ces formes comporte des avantages t’autres variables internes comme la taille des entreprises,
et des inconvénients. uuelques-uns sont listés dans le leur wge ou la technologie ont un impact sur le type de
tableau r.3. Ils illustrent le fait qu’aucune forme d’organi- formes qu’elles adoptent. te plus, aucun de ces six arché-
sation n’est idéale. La plupart du temps, ces formes évo- types n’existe à l’état pur dans la réalité, et les entreprises
luent selon le contexte externe et interne de l’entreprise. combinent souvent plusieurs formes entre elles.

TABLEAU 8.3

Les avantages et les inconvénients des différentes formes organisationnelles génériques


forme Avantages Inconvénients
Entrepreneuriale • Décisions éclairées par un dirigeant connaissant • urcharge possible de tuches opérationnelles pour
(ou artisanale) les opérations le dirigeant au détriment de la réflexion stratégique,
• lapacité d’adaptation, flexibilité et inversement
• kdhésion possible des emploaés à une mission • Prise de décisions dépendante de la présence du
enthousiasmante et à un leadership charismatique seul dirigeant
• Risque de paternalisme, d’autocratie
fonctionnelle • mdentité professionnelle favorisée, parcours de • Risque de mettre en avant les objectifs des sous-unités
(ou mécaniste) carrière clarifiés au détriment des objectifs organisationnels supérieurs
• pécialisation plus grande, contrôle facilité • gaible capacité de réaction s’il a a centralisation excessive
• upervision directe plus facile, responsabilisation des des pouvoirs au sommet, peu de flexibilité stratégique
dirigeants fonctionnels • Risque d’aliénation des emploaés dans une organisation
• Efficience dans l’utilisation des ressources trop mécaniste

civisionnalisée • kdaptation plus facile à la croissance par investissement • Redondance des ressources (faible efficience)
ou par désinvestissement sur les marchés, répartition • ilos de connaissances, réduction de la coopération
des risques sur plusieurs marchés, utilisation possible des entre groupes
surplus entre divisions • Risque de maintien prolongé de divisions « sous
• wonne capacité de réponse stratégique de chaque perfusion » en raison des surplus enregistrés par
division du fait de son autonomie d’autres divisions
• Diversification facile par la création de nouvelles unités • Risque d’une vision à court terme avec le contrôle
• gorte obligation de rendre compte des dirigeants (de filiales) des résultats axés sur la performance financière
Professionnelle • Motivation, responsabilité • Moindre loaauté des professionnels envers l’organisation
• Organisation démocratique, le pouvoir étant entre les qu’envers leur profession, faible engagement dans la
mains des opérateurs professionnels gestion et l’administration de l’organisation
• hrande autonomie des opérateurs professionnels • gaible coopération des professionnels entre eux, conflits
entre experts
Innovatrice • Efficacité des communications • loordination plus grande requise (coordination
(ou adhocratie • kdaptation à des charges de travail fluctuantes d’équipes d’emploaés aux profils professionnels très
souvent (projets), flexibilité différents, gestion de conflits)
matricielle) • mnnovation et résolution de problèmes complexes favorisées • tress et pression liés à la mauvaise gestion (rendre des
• Possibilité de cumuler les avantages du travail en équipe : comptes à deux chefs aaant des besoins et des attentes
parfois divergents)
– pouvoir délégué aux équipes, motivation
• Décision participative cocteuse et lente
– coopération plus grande
• lonfusion, ambiguÉté des rôles, concurrence pour l’accès
– prise de décisions plus éclairée
aux ressources et à la reconnaissance
Missionnaire • mdentification à une mission distinctive porteuse • lontrôle managérial puissant et pouvoir d’endoctrinement
d’inspiration et d’un sens au travail pouvant aller jusqu’à une domination rigide par des normes
• Riche sastème idéologique de valeurs et de croaances non remises en cause
générant un esprit de corps • Minimisation des débats, menace d’assimilation
• Possibilité d’organisation souple en petites par la subjectivation excessive des membres
unités autonomes • Risque de bureaucratisation avec l’augmentation de la
taille qui réduit les contacts personnels nécessaires entre
les membres pour perpétuer l’idéologie.

ources : Mint berg, 1f82, 2004 v Nohria, 1ffd v Mc hane et wenabou, 2008.

L’orBanisation • 211

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nouveaux et futurs modèles avec ses consommateurs à


travers le réseau Internet. On parle alors de cocréation
cans la réalité, il existe des configurations ou de co-innovation.
organisationnelles hybrides. L’organisation en réseau engage ainsi la collabo-
ration d’un ensemble de personnes et de partenaires
d’expertises complémentaires pour réussir ce que
Une organisation garde-t-elle la même forme toute
chacun ne peut faire seul. L’appel au a réseau b est
sa vie ? eien skr que non. La forme évolue sans cesse.
aujourd’hui généralisé comme le montre la figure r.c.
Sans qu’il s’agisse d’un déterminisme total, l’évolu-
Ce réseau peut être :
tion du contexte économique et concurrentiel dans
lequel fonctionnent les entreprises influe largement • économique le réseau de partenaires d’alliances et
sur la forme d’organisation. Ainsi, au moment de de collaborations ;
l’émergence d’une industrie, les firmes qui y participent • social le réseau de relations sociales ;
épousent en général la forme simple entrepreneuriale. • technologique le réseau Internet de l’organisation
Si l’industrie crojt et que l’avantage concurrentiel repose dite virtuelle ;
sur des économies d’échelle, on voit apparajtre la forme • cognitif le réseau de connaissances dans les orga-
mécaniste fonctionnelle. i mesure que la firme se diver-
nisations de type communautés de pratiques.
sifie de façon à se trouver dans des industries différentes
Les organisations et les formes organisationnelles
et à remédier au déclin des activités, on constate l’appari-
sont ainsi appelées à constituer des réseaux de confi-
tion des formes divisionnalisée et innovatrice. i l’heure
gurations hybrides et diverses.
de la mondialisation, on observe aussi
de nouveaux modes d’organisation en
réseau o une entreprise (ou une orga-
nisation) se retrouve à interagir plus Avec la mondialisation des savoirs, des marchés
étroitement avec d’autres, comme nous
le verrons dans la section suivante. et des ressources financières et matérielles,
L’organisation en réseau
les entreprises adoptent une organisation en réseau.
eombardier, société phare du secteur
aéronautique québécois, ne conçoit
ni ne fabrique seule ses avions. L’entreprise innova- Il va sans dire que ces formes d’organisation en
trice s’appuie sur un réseau de plusieurs centaines de réseau engendrent des questionnements majeurs pour
sous-traitants de différents niveaux ainsi que sur des le management. uuelles seront les conséquences sur les
partenariats de n-t avec plusieurs dizaines de labora- emplois locaux, entre autres, de l’externalisation de cer-
toires de recherche publics et privés au sein de la grappe taines activités ? te la dilution des responsabilités des
aérospatiale montréalaise et ailleurs dans le monde organisations au sein de leurs réseaux de partenaires et
(Niosi et hegu, 2ll5). L’aéronautique est une science de clients ? Souvenons-nous de l’effondrement meur-
qui se complexifie, les savoirs requis se multiplient, et trier des ateliers textiles au eangladesh en 2l13, dont les
les liens inter-organisationnels aussi. Le même rai- principales chajnes de distribution occidentales clientes
sonnement s’applique à bien des domaines hautement se dissociaient au départ. te l’évitement fiscal organisé
technologiques notamment dans les télécommunica- à l’échelle planétaire ? Certaines entreprises internatio-
tions et dans le secteur pharmaceutique. La logique est nales échappent en partie à l’impôt actuellement. Uber,
aussi valable pour les biens de consommation de masse. par exemple, s’appuie sur un réseau de filiales basées
Il est connu qu’aujourd’hui Nike ne fabrique pas de aux Pays-eas, elles-mêmes localisées dans le paradis
chaussures elle-même. La firme américaine orchestre fiscal des eermudes. te l’affaiblissement des liens entre
un réseau de sous-traitants de très nombreuses usines partenaires ? Nous pourrions évoquer en exemple le cas
ta vanaises, chinoises, coréennes, tha landaises et de la fraude à la viande de cheval dans des lasagnes qui
indonésiennes de production qui emploient plusieurs a entrajné dans la tourmente en 2l13 le groupe Nestlé
dizaines de milliers de personnes. Elle emploie par qui les commercialisait alors qu’il n’assurait pas la tra-
contre ses d lll salariés dans les activités de concep- çabilité de ses produits au-delà de son fournisseur de
tion et de marketing au siège social. La compétence premier niveau, un transformateur qui faisait lui-même
clé de l’entreprise réside dans le design de ses chaus- affaire avec toute une chajne impliquant des abattoirs,
sures. Pour renforcer cette compétence, Nike est prête à des intermédiaires commerciaux et des négociants, dont
adopter de nouvelles stratégies de coconception de ses certains étaient plus ou moins vertueux.

212 • Chapitre N

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FIGURE 8.6 ce la sous-traitance à l’entreprise en réseau

rusqu’aux années 1980 : entreprise intégrée,


sous-traitance de capacité
oombreux sous-traitants de capacité de taille réduite en relation directe
avec un donneur d’ordres très intégré. Cherr -picking: choix du sous-traitant
le moins cher pour une opération donnée.
bonfiance réduite.

Années 1990 : modèle de sous-traitance pyramidale


(inspiration japonaise)
Mouvement de rationalisation (réduction du nombre de sous-traitants
de premier rang). externalisations de fonctions majeures et création
de partenariats industriels. Recherche de relations de confiance.
en interne : premiers plateaux-projets, coexistant avec une organisation
fonctionnelle/bureaucratique.

Années 2000 : modèle en réseau généralisé


Banalisation des relations interne/externe et éclatement des formes
de relations inter-firmes : alliances, partenariats, ententes, filiales
communes, prestations de services.
Généralisation simultanée des réseaux internes. Mondialisation,
taille croissante des équipements. Flexibilité des relations malgré
des interdépendances toujours plus fortes.

ource : Mariotti, 200d, p. 86.

En recensant différentes configurations organisation- Selon nous, c’est surtout à l’épreuve du travail et selon
nelles selon l’environnement et la stratégie poursuivie, la nature de celui-ci que l’organisation se transforme,
Mintzberg (1sr2) introduit l’idée que l’organisation comme le montrent les nouveaux phénomènes organi-
prescrite puisse prendre des configurations différentes. sationnels répertoriés ci-après.

8.5 L’organisation devant les enjeux contemporains


te nouvelles formes d’organisation ont vu le jour La globalisation : l’efficience
depuis le tournant du ggIe siècle. Les grandes ten-
dances d’évolution sociétale évoquées en introduction
à l’échelle planétaire
de cet ouvrage (généralisation des technologies numé- La mondialisation économique n’est pas une réalité nou-
riques, automatisation, financiarisation, mondiali- velle, nous l’avons déjà évoquée dans un chapitre pré-
sation et injonction au développement durable) ont cédent. C’est une réalité structurelle qui a changé les
transformé le paysage organisationnel, et de nouveaux règles du jeu concurrentiel. Plusieurs facteurs peuvent
phénomènes voient le jour. Parmi eux, signalons la motiver une entreprise à s’implanter dans d’autres
globalisation de l’organisation, la flexibilisation de l’or- pays : ouvrir de nouveaux marchés, perfectionner
ganisation et la débureaucratisation de l’organisation. ses compétences et élargir des perspectives de n-t,

L’orBanisation • 21t

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accrojtre sa rentabilité, réduire les cokts de transport et marchés géographiques (modèle du globe-trotter),
de manutention, profiter d’un climat politique et social mais de firmes a nées globales b (Mc insey Co.,
favorable, bénéficier des subventions gouvernemen- 1ss3 ; Oviatt et Mctougall, 1ssx) qui tirent parti dès
tales accordées par les pays hôtes, des avantages fiscaux leur création d’un ensemble de ressources mondiali-
locaux (voire d’un évitement fiscal), contourner les bar- sées (talents, capitaux, marchés, partenariats, etc.).
rières tarifaires ou non tarifaires établies par certains tevant cet éclatement géographique de l’organi-
pays, tirer profit des ressources naturelles locales, être sation se mondialisant globalisant, devant la variété
à la fine pointe des nouvelles techniques en matière de des juridictions, des niveaux de développement et la
commercialisation, et ainsi de suite. difficulté de l’inscription des finalités des entreprises
Les entreprises qui veulent ainsi intégrer des mar- multinationales dans les sociétés locales qu’elles
chés, des compétences et des produits divers à l’échelle investissent, se pose, pour les tenants des approches
planétaire peuvent adopter une forme mondiale ou humaines de l’organisation, le défi de la cohérence
globale. L’expansion de l’entreprise à l’étranger, surtout aussi bien économique, sociale qu’environnementale à
si elle s’appuie sur une large gamme de produits, pose tous les niveaux : gestion de la diversité culturelle et,
en effet des difficultés de coordination. tans la forme plus globalement, des différences économiques et des
mondiale ou globale, l’entreprise établit des centres de iniquités sociales.
profits articulés soit autour des gammes de produits,
soit autour des régions du monde, voire autour d’activi- L’organisation flexibilisée
tés ou de fonctions clés (comme la n-t, le marketing ou
la production). Le siège social coordonne la répartition te nouvelles formes de travail découlent des évolu-
des ressources financières. Les fonds sont transférés tions géo-socio-économiques et techniques évoquées
aux régions et aux marchés dont le potentiel est élevé. précédemment. Nous abordons ci-après deux des plus
La recherche scientifique et la création de nouveaux évidentes : la flexibilisation du travail et le télétravail.
produits sont prises en charge au centre de l’organisa- Nous traiterons aussi rapidement du phénomène des
tion, mais elles sont exécutées dans divers pays par l’at- communautés de savoir et de pratiques.
tribution de mandats. Les carrières des cadres au sein
de ces entreprises supposent de nombreuses mutations
La flexibilisation du travail
La virtualisation de l’organisation, avec la prolifération
d’un pays à l’autre ou d’un secteur à l’autre. On parle de
des technologies de l’information et de la communica-
cadres mobiles ou a sans frontières b.
tion (TIC), s’accompagne aussi de sa flexibili-
sation et s’opère souvent dans un but d’opti-
misation des ressources, voire de minimisation
La mondialisation change les règles du jeu des cokts (voir l’encadré 8.5, page 216). On le
concurrentiel et les formes organisationnelles. constate dans le phénomène de l’organisation
dite a en trèfle b à trois feuilles (shamrock), o
le salariat pwtit d’un démantèlement et o les
emplois subissent une désagrégation en trois
Il faut distinguer mondialisation (expansion géo-
types (mandy, 1ssl). tans ces organisations (voir la
graphique des marchés) et globalisation (organisa-
figure 8.7), un groupe essentiel de salariés permanents
tion et répartition à l’échelle planétaire des activités
(premier type) composé de professionnels (techniciens
de l’entreprise sous une forme mondiale). La forme
et managers) hautement qualifiés constitue le corps prin-
mondiale n’est cependant pas propre aux grandes
cipal de l’organisation. Ils coktent cher et sont souvent
entreprises. tes PME peuvent aussi se globaliser en
la cible des opérations de restructuration et de réduc-
incorporant, par exemple, une main-d’œuvre multieth-
tion d’effectifs. Ils coordonnent un ensemble de salariés
nique, en explorant des collaborations internationales
flexibles (deuxième type), sous contrats temporaires (in-
de n-t ou de production, ou encore des partenariats
térimaires) ou à temps partiel, ainsi que des employés
commerciaux à l’échelle internationale. tans le cas des
en sous-traitance. Les travailleurs en sous-traitance
PME hautement technologiques du secteur biophar-
(troisième type) ont pu être autrefois des salariés à part
maceutique, cette recherche d’expertises à l’échelle
entière de l’entreprise qui les engagent maintenant en
planétaire est tout à fait naturelle dès la création de
tant que fournisseurs de services spéciaux ou non essen-
l’entreprise. On ne parle plus alors de firmes s’interna-
tiels. Par exemple, les consultants indépendants en tech-
tionalisant en explorant étape par étape de nouveaux
nologie de l’information, en design, les services de

214 • Chapitre N

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nettoyage, les chauffeurs sont payés en honoraires et direction et de contrôle à adopter pour fédérer des em-
non en salaires. Ils travaillent sur la base d’indications ployés dont les attentes, les statuts et l’engagement envers
assez larges énoncées par l’organisation et ont un fort l’entreprise peuvent alors grandement différer.
degré de flexibilité et un grand pouvoir discrétionnaire
dans la réalisation des projets qui leur sont confiés. Les FIGURE 8.d L’organisation en trèfle
travailleurs flexibles (deuxième type), quant à eux,
sont utilisés pour pallier les aléas de la demande. Ils
connaissent la croissance la plus rapide dans les organi-
sations aujourd’hui malgré le fait qu’ils n’aient pas accès
aux mêmes possibilités de formation ou de développe- Employés permanents
ment de carrière dans l’entreprise. Ils bénéficient d’inci- Professionnels essentiels
au cnur de métier
tatifs et de responsabilités différents de leurs homologues de l’entreprise
permanents, et leur statut peut être choisi, mais il est
frange
plus souvent subi. Cette nouvelle forme d’organisation
contractuelle
interpelle les managers et le management quant aux
Travailleurs en
mécanismes de coordination et aux pratiques de sous-traitance
Travailleurs
flexibles
kntérimaires
cans l’organisation en trèfle, les chances
de devenir travailleur flexible ou sous-
traitant augmentent.
ource : zanda, 1ff0.

Paul se réveille en sueur.


VÉCUES
HISTOIRES

koilà bientôt six ans qu’il a changé d’emploi, mais il fait encore des cauchemars qui
reviennent chaque année, à la période de production des budgets. l se lève pour aller
se chercher un verre d’eau à la cuisine. l espère sincèrement ne plus jamais avoir à prendre
une décision comme celle qu’il a dû rendre à ce moment-là. be contexte s’avérait très
difficile, la conjoncture économique était épouvantable, et l’entreprise oh il travaillait à
l’époque se trouvait menacée de faillite. l a fallu réfléchir à tous les moyens de réduire
les dépenses. Mais une fois implantées les solutions classiques comme la diminution de
la consommation électrique, des impressions de documents, le ralentissement du remplacement
des ordinateurs et du matériel informatique et la réduction de salaire pour les employés
le désirant avec diminution compensatoire des heures de travail, il lui a fallu envisager de
faire passer en sous-traitance une bonne partie du service informatique. Avec l’aide de ses
collègues directeurs du service des technologies de l’information, il a dû déterminer quelles
étaient les personnes et les expertises à garder et celles qu’ils devaient laisser partir. l a cherché
toutes les possibilités de replacement dans l’organisation des personnes qu’il devait licencier.
Puis, pour toutes celles qui n’avaient pas de place ailleurs dans l’organisation, il a engagé
une firme pour les réaffecter sur le marché du travail. Tout cela s’est fait dans la plus
grande discrétion. Avec le recul, il se dit que c’était sans doute une bonne décision
de ne pas impliquer les employés dans ce long processus, car il est convaincu que
l’impact psychologique aurait été encore plus dommageable pour eux.
Paul en profite pour vérifier si ses enfants dorment paisiblement. l ne peut s’empêcher
d’imaginer à quel point il a dû être difficile pour les employés qu’il a congédiés d’annoncer
la nouvelle à leurs enfants. Et pour ceux-ci d’en vivre les conséquences.

L’orBanisation • 21k

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Le télétravail sous toutes ses formes place des formes d’organisation exploitant le télétra-
Avec la multiplication des outils de travail favorisant le vail, c’est-à-dire la possibilité pour l’employé de faire
nomadisme, les entreprises ont aussi peu à peu mis en son travail en dehors des locaux de son employeur

ENCADRÉ 8.5 L’ORGANISATION VIRTUELLE SOUS TOUTES SES FORMES


be livre The Virtual Corporation, publié connaît de nouveaux défis et poten- l’une des formes organisationnelles
par Davidoz et Malone (1pp2), tiels avec ces technologies de l’in- d’avenir. Cette configuration organi-
marque le début d’une réflexion sur formation et de la communication sationnelle peut se déployer de plu-
la transformation des organisations numériques, et l’organisation vir- sieurs fadons. be tableau ci-dessous
par l’arrivée des T C. b’organisation tuelle est alors projetée comme en présente cinq.

TABLEAU

Les cinq formes d’organisation virtuelle


Formes de
l’organisation Définition Exemple
virtuelle
Techno-entreprise Une entreprise réelle qui utilise intensivement les nml pour augmenter Walmart
l’efficacité et l’efficience de ses activités. Par exemple, les bases de
données informatisées en gestion des ressources humaines (hRz),
la conception assistée par ordinateur (lkO) en R-D et production,
l’échange de données informatisées (EDm) en approvisionnement
et logistique, le Web en marieting.

Télé-entreprise Une entreprise qui utilise intensément le télétravail. Verifone, lompaq

Entreprise Le degré de virtualité de l’entreprise dépend du nombre de fonctions Niie, un Microsastems,


externalisée confiées à des sous-traitants. wenetton

Cyberentreprise Une interconnexion de personnes ou de groupes interdépendants e-waa, gacebooi


dans le caberespace.

Réseau temporaire Un groupe d’entreprises ou de consultants interreliés par une Mode de fonctionnement par
plateforme collaborative et les nml, formé autour d’un projet projet de nombreuses entre-
commun qui se dissout une fois le projet terminé. prises de conseil en sastème
d’information, design, publicité
(zost Universal), ou de grands
projets (projets européens
lombine, m- eei)

ource : wecheiih et u, 200d.

Dans l’organisation virtuelle, les ou d’équipes spécialisées mises en de la gestion multisites, multilingue,
échanges d’informations se font relations virtuelles pour réaliser un multiculturelle, multifonctions, mul-
majoritairement de fadon électro- projet commun. Sur le plan managé- timétiers g l’absence de planification
nique. D’ailleurs, il arrive mainte- rial, l’organisation virtuelle pose des de carrière pour les employés et la
nant que des personnes travaillent défis (Becheikh et Su, 2005) comme précarisation de leur statut g ainsi que
étroitement avec des collègues qu’ils la conciliation des intérêts individuels la nécessité d’une adaptation conti-
n’ont jamais vus. be sens le plus et du but collectif dans des organi- nuelle à l’environnement par l’appren-
courant aujourd’hui est souvent le sations temporaires oh un contribu- tissage permanent.
réseau temporaire. b’organisation teur à l’équipe aujourd’hui peut être
virtuelle est constituée d’individus un compétiteur demain g la difficulté

21c • Chapitre N

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ou de ceux des partenaires, par exemple les fournis- • éviter l’affaiblissement de l’organisation sociale, de
seurs ou les clients, de son entreprise. Il est devenu la vie sociale et des collectifs de travail ;
possible de travailler en différents lieux, à domicile • éviter le risque d’empiétement du travail sur la vie
ou hors domicile, c’est-à-dire dans un a tiers-lieu b x privée et familiale que peuvent provoquer, entre
professionnel (télécentre public équipé d’ordinateurs autres, des outils excessifs de surveillance du travail
et connecté à Internet, espace de co orking, etc.) ou (voir le chapitre 9).
non professionnel (café, hôtel, aire d’aérogare, etc.),
statique ou mobile (métro, autobus, train, avion, etc.). Les communautés de savoir
et de pratiques
t’autres formes de réseaux (réels ou virtuels) voient le
jour, telles les communautés de pratiques ou les com-
Le télétravail : travailler hors des murs de munautés épistémiques au sein desquelles des tra-
l’entreprise en tiers-lieu plutit choisi. vailleurs partagent volontairement des connaissances
comme yikipédia (voir le chapitre 10). tevant la ten-
dance à l’externalisation des emplois et la prolifération
du statut de travailleur indépendant (ou autoentrepre-
On trouve ainsi parmi les télétravailleurs :
neur en Europe), les travailleurs peuvent rechercher,
• des entrepreneurs indépendants ou des entre-
par ces formes d’organisations plus ou moins virtuelles,
prises qui exploitent certains espaces de co orking
des communautés d’appartenance et d’entraide.
comme des incubateurs ;
• des salariés d’entreprises autorisés à travailler à dis-
tance pour gagner en efficacité ; La débureaucratisation
• des travailleurs nomades salariés ou indépendants qui, et l’organisation agile
pendant leurs déplacements professionnels, ont ponc- Parmi les tendances en matière d’organisation, signa-
tuellement besoin d’espaces de travail connectés ; lons enfin la plus récente : la recherche de l’agilité.
• des travailleurs fonctionnant en réseau, depuis leurs appos, une entreprise de vente en ligne de chaus-
locaux choisis, au sein d’équipes virtuelles sous la sures, de vêtements et d’accessoires de mode une
houlette d’un manager à distance, comme c’est le filiale d’Amazon depuis 2lls annonçait parmi les
cas des équipes virtuelles de travail chez eell ; premiers, en 2l1x, vouloir révolutionner le monde
• des travailleurs salariés, au sein de coopératives managérial en tuant la hiérarchie (en fait la longueur
de travail. de la ligne hiérarchique) et en adoptant un mode de
Les entreprises peuvent utiliser le télétravail de gestion holacratique. L’holacratie (holacracy) est en
façon continue ou partielle dans des formes alternant fait une forme d’organisation mise au point en 2ll1
à des degrés divers le travail dans et hors les locaux de par un éditeur de logiciels américain, Ternary Soft-
l’entreprise. En 2l13, Yahoo s’est fait reprocher d’avoir vare, visant à supprimer les positions d’autorité
rappelé dans les locaux de l’entreprise tous ses télétra- personnelle ainsi qu’à contrer l’inertie et les effets
vailleurs, considérant que la coordination du travail à néfastes de la bureaucratie par le travail en équipes
distance était difficile. S’il présente des avantages pour auto-organisées. Elle est inspirée des leçons tirées des
l’employeur comme pour l’employé, le télétravail pose méthodes SCnUM (développement agile de logiciel)
des défis réels à l’organisation. Celle-ci doit : et Lean manufacturing (dont Lean Start-up). Elle se base
• éviter le sentiment d’isolement et maintenir une sur quelques principes simples (noberston, 2l1c) pour
proximité avec l’organisation pour que le travail se que l’entreprise gagne en agilité, en créativité et en
fasse adéquatement, en particulier pour les employés réactivité (vvv.holocracy.org) : un ensemble transpa-
mobiles travaillant ponctuellement ou non sur d’au- rent et explicite de règles et de procédures, la définition
tres continents ou dans d’autres fuseaux horaires ; de rôles, l’affectation des rôles, une itération rapide.

4. lette notion, introduite en 1f8f par le sociologue américain Raa Oldenburg (2002), désigne au départ des lieux comme les bars, cafés, librairies,
parcs, places publiques, tavernes, etc., ne relevant ni de la sphère du foaer (premier lieu, le domicile) ni du travail (deuxième lieu, le bureau), qui
permettent aux gens de se rencontrer, de se réunir, d’échanger de façon informelle dans un cadre convivial et accessible, et qui occasionnent ainsi
une régénération du lien social. Plus récemment, les « tiers-lieux de travail » désignent par extension, depuis le milieu des années 2000, un ensemble
de nouvelles propositions d’espaces de travail collaboratif (espaces de , fablab, , , etc.).

L’orBanisation • 217

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Des règles transparentes et explicites sont responsables de veiller au règlement des tensions
Le premier principe est l’adoption par l’entreprise potentielles dans leur équipe. Ils s’assurent aussi de
d’un ensemble transparent et explicite de règles et la visibilité des besoins de leur sous-cercle auprès du
de procédures consigné dans une a constitution b. Le cercle supérieur. Ils en déchargent ainsi leur a premier
pouvoir n’est plus entre les mains du dirigeant, mais lien b (voir la figure 8.8).
dans l’application de règles du jeu, au moment de
prendre toute décision, en cohérence avec la a raison L’affectation des rgles
d’être b (entendue ici comme but supérieur) de l’entre- Les rôles sont attribués par le premier lien selon les
prise. Par exemple, appos affiche pour but supérieur compétences de chacun et selon un processus de gou-
le développement de la communauté au moyen d’un vernance défini incluant une représentation (second
crédo a employés heureux, clients heureux b. lien) des employés des différents (sous)cercles impli-
qués auprès du super cercle. L’organisation est alors
La définition de rgles constituée d’un ensemble de cercles qui sont eux-
Plutôt qu’un organigramme ou des fiches indivi- mêmes des équipes de travail autonomes. L’autorité
duelles de poste centrées sur des personnes, l’entre- n’est donc pas déléguée depuis le sommet stratégique,
prise définit des rôles centrés sur le travail. Un même mais distribuée aux équipes et aux rôles à jouer. Les
salarié peut être appelé à prendre en charge plusieurs décisions sont prises localement, au plus près du tra-
rôles. Il existe deux types de rôles de coordination : vail de première ligne. Une holacratie ressemble donc à
les rôles de premier et de second liens. Ils sont tous une série de cercles gigognes et interreliés, o chaque
deux spéciaux et distincts, car ils prennent part à la cercle (équipe) est fait d’un ensemble de rôles, grou-
gouvernance et aux opérations des cercles reliés. Les pés autour d’une fonction précise comme un projet
rôles de premier lien sont des rôles de manager chargé particulier, un service ou une fonction de soutien. La
de l’affectation de différents rôles dans leur cercle figure r.s offre un exemple de représentation concrète
respectif. Ils doivent veiller au sein de leur équipe à de cette organisation. Chaque cercle est aussi un holon
l’alignement stratégique des priorités et à la circula- (de holos, le tout en grec), une entité capable de s’auto-
tion des connaissances sur le but supérieur du super organiser tout en étant membre d’un cercle plus large.
cercle (direction), tout en respectant l’autonomie Évidemment, cette forme d’organisation misant sur les
de chacun des membres de leur cercle. Les rôles de groupes auto-organisés n’est pas sans rappeler les tra-
second lien sont joués par des représentants élus de vaux de Levin et de Likert sur les formes de gestion
leur sous-cercle auprès du super cercle supérieur. Ils participative par groupe (voir le chapitre 3).

FIGURE 8.8 Une représentation simplifiée des composantes de l’holacratie

Sous-cercle
Second
Premier lien
lien

Super cercle Riles

Premier
lien
Second
lien
Sous-cercle

ource : Robertson, 2016, p. 68.

21s • Chapitre N

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FIGURE 8.9 Un exemple de cercles dans une forme holacratique

Cercle Conseil
d’administration
Direction générale
Cercle cirection

Direction Achats t Direction uentes t

Droit
Cercle
Acheteurs céveloppement
Qualité Direction Région 1 Direction Région 2 commercial

Méthode

Cercle Achats

bommerciaux bommerciaux
Premier lien (leader) Cercle gquipe Cercle gquipe
commerciale commerciale
Second lien (représentant) régionale 1 régionale 2

ource : jjj.integralvision.fr

Une itération rapide


L’itération rapide est un pro-
cessus de gouvernance entre L’holacratie : la débureaucratisation par l’intermédiaire d’une
pairs des tensions, problèmes,
défis et opportunités par des organisation en un ensemble de cercles gigognes autogérés.
rencontres intégratives. Au
cours de ces réunions de gou-
vernance, tous les collaborateurs du cercle peuvent la pression grandissante à la responsabilité environ-
prendre part au débat du moment et proposer des idées nementale et éthique. Pour y faire face, l’holacratie
pour régler rapidement les situations de tension et faire fait partie des nombreuses tentatives dans l’histoire
évoluer les rôles en conséquence. En plus des réunions récente de passer d’une organisation mécanique à une
de gouvernance, des réunions tactiques hebdomadaires organisation plus organique (comme l’adhocratie en
ont également lieu pour composer le plus rapidement son temps). L’encadré r.c (voir la page suivante) recense
possible avec les opérations courantes et synchroniser quelques-unes de ces tentatives. L’holacratie mise non
les travailleurs ; on y décide des actions à mener et des pas sur l’autocratie au sommet par une hiérarchie
décisions à prendre ; celles-ci doivent être faisables tout des personnes, mais sur l’auto-organisation à tous
en étant perfectibles à défaut d’être parfaites. les niveaux en une holarchie de rôles. Cependant,
Le contexte contemporain est marqué par la com- l’auto-organisation ne signifie pas automatiquement
plexité, l’instabilité économique, des horizons tempo- démocratie ni autodirection, et cette forme d’organisa-
rels de court terme, des attentes de transparence avec tion plus participative exige un état d’esprit particulier,

L’orBanisation • 21l

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un leadership fort ainsi qu’une formation, un accom- chapitre 6). En effet, les techniques de conduites de
pagnement à l’autonomisation, un apprentissage per- réunion en holacratie sont très cadrées sur ce qui doit
manent des personnes qui la composent et qui être fait et ne visent pas l’expression de la majorité.
adhèrent à son mode de fonctionnement (voir le Aussi, une figure d’autorité supérieure demeure.

ENCADRÉ 8.6 UN GLOSSAIRE DES TERMES D’AUTOGESTION


Cabale : ba cabale est utilisée par en en faisant un ensemble d’équipes sans craindre de perturber le reste de
exemple chei kalve, un producteur interreliées et autogérées se réfé- l’organisation (les autres unités). be
de jeux vidéo. l s’agit d’une équipe rant à une constitution commune. concept provient, comme l’holacra-
multidisciplinaire qui se constitue de tie, des théories des systèmes agiles.
Organisation Opale
fadon très organique autour d’un pro-
a : Cette forme d’organisation, Système agile : Une organisation
jet et d’un même but. bes employés
la plus évoluée selon baloux (2015), agile est une organisation qui mise
e votent avec leurs pieds f quand ils
permet à ses membres, devant un sur l’intelligence collective, l’usage
créent ou joignent une équipe dont
but déterminé, de pleinement s’ac- intensif des technologies de l’infor-
ils estiment le travail utile et important.
complir en s’auto-organisant et en mation et l’optimisation continue de
Cercle : be cercle est un des éléments s’autodirigeant dans une démarche ses processus. Cette théorie provient
d’une holacratie (voir la page 218). l incrémentale et responsable émer- de l’idée du développement adaptatif
s’agit d’un ensemble ad hoc de rôles geant du bas vers le haut de la pyra- prôné par des experts en développe-
regroupés autour d’un même but au mide et non l’inverse. ment logiciel au début des années
gré des besoins de l’organisation. 2000. l se caractérise par la gestion de
Podularité : ba podularité consiste à
projet en équipes transfonctionnelles
Holacratie : On doit la diffusion et permettre à de petites unités auto-
autonomes. Ces équipes s’appliquent
la formalisation de l’idée d’holacra- nomes (les pods) d’agir facilement au
de fadon itérative et incrémentale à la
tie à Brian Roberston au début des nom de l’entreprise et de réagir rapi-
création rapide et flexible d’applica-
années 2000. b’idée est de minimi- dement (par exemple, aux demandes
tions intégrées et testées en continu.
ser le plus possible l’inertie bureau- de clients) tels des hologrammes
cratique et d’alléger l’organisation autogérés de l’entreprise tout entière
ource : wernstein, wunch, lanner et Lee, 2016.

De la réorganisation à l’organisation humaine


L’organisation est le processus par lequel najt et se d’efficience dans la compétition mondialisée, voire les
transforme la coopération entre personnes dans exigences de la gouvernance financiarisée (de Gaulejac,
l’entreprise pour demeurer viable, compte tenu des 2ll5), mais souvent au détriment des personnes au
contraintes présentes dans l’environnement, tout en travail. Nous y trouvons par exemple, la réingénierie
mettant en pratique la stratégie. L’organisation est (reengineering), l’étalonnage concurrentiel (benchmar-
aussi une institution organisée qui se compose d’une king), la normalisation ISO, le c Sigma, le management
structure et d’un mode de fonctionnement variables de la qualité totale (TuM), les tableaux de bord stra-
que nous avons tenté de décortiquer au moyen des dif- tégiques, autant d’approches techniques de l’organisa-
férents éléments organisationnels : le travail complexe tion inspirées de l’ingénierie.
des personnes, les ressources, les structures, les méca- Ces instruments gestionnaires pour gouverner
nismes de coordination, ainsi que la communication. l’entreprise dans l’idéologie instrumentale dominante
L’engagement au travail et l’harmonie de la forme se sont sophistiqués autour de dispositifs d’évaluation
organisationnelle varient selon les approches managé- et de mesure de performance élaborés (voir les chapi-
riales adoptées. te nombreuses méthodes de réorga- tres 2, 4 et 9). Si ces dispositifs se sont avérés efficaces
nisation ont été utilisées par les tenants des approches pour produire de la rentabilité à court terme, ils ont
rationnelles pour transformer les organisations et faire bien souvent généré à la longue une perte de sens au
face aux discours appelant à surmonter les exigences travail entre autres due à l’individualisation et à une

220 • Chapitre N

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escalade des objectifs de performance, à l’instauration travail des employés dans un contexte de changement
de formes de reconnaissance narcissique individuelle devenu un mouvement perpétuel (voir le chapitre 4).
au détriment du collectif (Linhart, 2l15) et à l’hyper- On a constaté que, selon les approches, l’organisa-
bureaucratisation de l’organisation et de la société tout tion ne recouvre pas la même réalité. tans une pers-
entière. i cet effet, les écrits de tavid Graeber (2l13, pective humaine, l’organisation résulte et vit d’une
2l15), professeur à la London School of Economics, volonté sociale et collective. tans cette organisation,
dénoncent la bureaucratisation généralisée engendrée des rapports humains s’établissent entre experts du
par le capitalisme contemporain et la multiplication travail et des relations symboliques subjectives entre
des emplois inutiles (bullshit aobs). ces experts et leur travail. Or :
Cette propension à accrojtre sans cesse la perfor- Si l’homme est formé par les circonstances, il faut
mance s’est traduite dans l’entreprise par la recherche former les circonstances humainement. Si l’homme
constante de nouvelles méthodes de travail plus est par nature sociable, il ne développera sa vraie
productives et plus rentables au détriment de l’emploi nature que dans la société, et le pouvoir de sa nature
(externalisation, précarisation des travailleurs), du doit se mesurer non à la force de l’individu singuh
respect de la professionnalité et du rythme des lier, mais à la force de la société. (Marx et Engels,
employés (spécification spécialisation des twches, 1rx5, p. 135)
destruction des collectifs de travail avec la forme Pour comprendre l’organisation comme un phéno-
projet temporaire, etc.). Ainsi, de nombreuses reconfi- mène humain et comme le cadre qui permet l’action
gurations d’entreprises ont pu résulter de mesures : collective, il faut donc penser l’organisation comme
• de restructuration (do nsizing) : réduction de la phénomène collectif et l’auto-organisation comme la
taille des actifs, des effectifs ou des activités force des humains autonomes, mais reliés, qui la
de l’entreprise ; composent. Avec les approches humaines du mana-
• d’aplatissement des structures (delayering) h réduc- gement, on comprend plutôt que le changement orga-
tion des niveaux hiérarchiques, particulièrement les nisationnel ne s’impose pas forcément d’en haut ni
niveaux intermédiaires ; de l’extérieur. Organique, il se fait naturellement au
• d’autonomisation des employés (empo erment) ; moyen de la délibération constante que le dirigeant,
• d’impartition de certaines activités hors du cœur de
le manager, se doit d’instaurer, d’animer et d’encou-
métier de l’entreprise (outsourcing). rager dans son organisation. En témoigne cet aveu
d’mammer en 1ssc, le chantre de la réingénierie des
La résistance au changement des employés dans ce
processus à son époque, qui a pris conscience a poste-
contexte est alors moins à considérer comme une attitude
riori des limites de sa vision technique : a Je n’étais pas
traditionnelle de certains, réfractaires à l’idée de chan-
assez intelligent à ce sujet. o…p. Je me basais unique-
ger de façons de faire, que comme une inquiétude, voire
ment sur mon bagage d’ingénieur et je n’intégrais pas
une désespérance devant la perte du sens qu’engendre
suffisamment la dimension humaine. J’ai appris que
la multiplication des a dyschronies b (Alter, 2lls) dans le
c’était une dimension critique. b (yhite, 1ssc)

L’orBanisation • 221

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CHAPITRE

l LE CONTRgLE
out l’ordre ue nous DU CONTRgLE FORMEL À L’ÉVALUATION TOTALE ie contrale a toujours
fait partie des sociétés humaines sous la forme d’une rétroaction sur l’action.
gagnons dans les détailsI
ie contrale tel que con u dans les débuts du management dit moderne
nous le reperdons dans à partir de la fin du uIue siècle est essentiellement instrumental et technique,
l’ensem le de sorte et il vise l’efficacité des activités de production. Cette forme de contrale
ue nous disposons de a franchi peu à peu les frontières de l’univers de la production pour s’imposer
touNours plus d’ordres partout comme un état d’esprit et une norme d’évaluation des pratiques
du travail dans l’entreprise.
et de touNours
moins d’ordre.
(Musil, 1fe3, p. ff)

9.1 Un outil de gestion


i la différence des autres composantes du proces- de travail, fatigués de donner sans retour depuis trop
sus d’administration que sont la planification, la d’années, ou de ne plus trouver de sens à ce qu’ils font ?
décision-direction, l’organisation des activités Enfin, la presse rend régulièrement compte de déboires
de conception réflexion managériale , le contrôle d’entreprises liés à leur gouvernance et aux choix équi-
relève d’un autre niveau : c’est un outil de gestion voques, voire frauduleux de leurs dirigeants. Citons par
(voir le chapitre 2). Il vise à mesurer les écarts entre ce exemple Enron, Arthur Andersen et eernard Madoff,
qui est prévu par la planification, ou les objectifs fixés, pour ce qui est de comportements financiers condam-
et ce qui est réalisé par l’organisation et orchestré par nés depuis les années 2lll, et folksvagen au sujet de
une direction efficace. choix techniques douteux, tout récemment, en 2l1c.
Mais force est de constater que des contrôles ineffi- Les ratés auxquels peuvent donner lieu les contrôles
caces et inefficients peuvent entrajner des effets néga- sont susceptibles d’avoir un impact sur de nombreuses
tifs considérables aussi bien pour les entreprises que parties prenantes, et ils touchent à différents aspects
pour la communauté en général. Pour s’en convaincre, dans la vie des entreprises dont on parle beaucoup
il suffit de lire les manchettes des journaux de ces der- moins, mais qui risquent d’avoir tout autant de réper-
nières années, qui rapportaient, par exemple en 2llr, cussions néfastes sur leur développement. uue l’on
la découverte de mélamine dans le lait provenant de songe au phénomène de l’épuisement professionnel
Chine, ou la présence de Listeria dans la charcuterie ou aux problèmes de santé mentale dont sont atteints
mise en marché par l’entreprise Maple Leaf, ou encore, certains travailleurs, maux qui découlent souvent d’un
antérieurement, le retrait du marché de produits de manque de sensibilité, volontaire ou involontaire, de
grande consommation soupçonnés de toxicité (mershey la part des organisations. Ces exemples montrent une
en 2llc, fioxx en 2llx, Coca-Cola en 1sss, etc.). Com- lacune des opérations de contrôle, lesquelles devraient
bien d’entreprises n’ont-elles pas aussi entendu les normalement permettre de détecter les dysfonction-
plaintes d’employés insatisfaits de leurs conditions nements des entreprises. Ce chapitre s’efforcera de

222 • Chapitre O

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revenir sur les origines du concept du contrôle hérité la conception d’outils de contrôle adaptés. tepuis les
des approches formelles du management, pour décrire années 1srl, le credo du a mouvement b perpétuel valo-
ensuite la transformation de ce concept dans le temps en rise a ce qui change et ceux qui changent b (Alter, 2lls,
une forme d’emprise des plus totales sur les employés, p. r3). Il entrajne parfois une perte de sens pour tous ceux
qui néglige leur caractère singulier : celle de l’évaluation. qui souffrent du cercle vicieux du a travail invisible b, non
Le contrôle, comme pensé classiquement par Fayol, mesurable. En effet, chacun doit souvent en faire plus
avait pour but de veiller à ce que tout se passe comme pour réussir à accomplir le travail prescrit et remplir ses
prévu, au moyen des règles établies (voir le chapitre 1). objectifs qui sont souvent irréalistes ou changeants. Les
tans le contexte du capitalisme financier contempo- employés se trouvent alors pris en étau entre ce qu’ils
rain o il est impératif d’afficher toujours le meilleur sont réputés faire et qui change constamment avec les
bilan financier possible, les entreprises évoluent de plus a dyschronies b introduites par la succession de nouveaux
en plus, de leur propre chef ou non, dans une logique projets (par exemple, l’implantation d’un nouveau logi-
sans fin de changement. Leurs méthodes de gestion, ciel, d’une nouvelle structure, d’une nouvelle méthode
leurs technologies, leur structure, leurs objectifs finan- de gestion), ce qu’ils sont réellement en mesure de faire
ciers, leur localisation se modifient, ce qui rend complexe et ce sur quoi ils sont évalués dans les faits.

Paul doit subir son évaluation annuelle vendredi. l sait qu’il a été trop accaparé par
VÉCUES
HISTOIRES

l’implantation du nouveau système informatique dans son service et qu’il a offert un moins
bon rendement quant aux autres objectifs de son poste malgré ses heures supplémentaires.
ba nouvelle direction lui en tiendra-t-elle rigueur l Depuis l’offre publique d’achat de son
entreprise faite par un concurrent, il se sent menacé. C’est pourquoi il a invité sa collègue
aohanne à dîner pour en discuter, dans le but de faire tomber la pression.
q ae pense que tu paniques un peu pour rien Paul, tu fais de l’excellent boulot. bes chiffres
sont là. ba seule chose qu’ils pourraient te reprocher, c’est que tu ne surveilles pas
suffisamment les employés sur le plancher, dit aohanne après avoir goûté au verre de vin
blanc que la serveuse vient de déposer devant elle.
q ae le sais, mais je ne crois pas à da, le modèle Big Brother, répond Paul en tartinant
généreusement de beurre son petit pain rond.
q Peut-être, mais ce sont les directives de la nouvelle direction, poursuit aohanne.
ja fait partie de tes responsabilités.
q ae t’ai déjà parlé de aason l demande Paul en déposant son couteau.
q Non, c’est qui l
q a’ai rencontré aason quand je travaillais comme superviseur dans une entreprise de
production de bouteilles. aason était opérateur de machine. l ne regardait pas souvent
le tableau d’indicateurs et passait une partie de son temps à faire des mots croisés à
côté de sa machine. ae t’avoue que je ne trouvais pas cette pratique très professionnelle.
ae lui en ai parlé, mais aason m’a répondu : e Ne t’inquiète pas, je ne regarde pas la
machine, mais j’entends tout. f Comme j’étais plutôt sceptique, le lendemain j’ai modifié
légèrement quelques données du réglage de la machine avant son arrivée. Eh bien, aason a
immédiatement réagi et a réglé la machine comme il se devait. ae l’ai donc laissé continuer
à faire ses mots croisés. Moi, j’ai grimpé dans l’organisation, mais la direction a modifié
le système d’évaluation qui interdisait strictement ce genre de comportement, et ils m’ont
remplacé par un nouveau superviseur dont la tsche n’était plus le bon fonctionnement
de l’ensemble, mais le respect des règles. aason a donc cessé de faire ses mots croisés.
Mais la qualité n’était plus au rendei-vous comme avant. Et les bénéfices ont fondu.
q C’est très joli, ton histoire, Paul, mais comme le dit le proverbe : e l n’y a aucun avenir
à avoir raison quand le patron a tort. f

Le contrPLe • 22t

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Les exemples dont nous faisions état précédemment


les approches managériales, le contrôle est moins une
activité d’inspection qu’un mode d’interaction fondé
donnent finalement à penser que le contrôle a évolué
sur l’autoresponsabilisation entre l’individu et son tra-
et doit évoluer pour ne pas se limiter à un exercice de
vail. Il a pour but de susciter une discipline chep les
vérification et de surveillance, bref un contrôle suspi-
dirigeants et d’entretenir la volonté des membres de
cieux des choses et des autres, comme ont encore l’ha-
l’organisation de s’intéresser à leurs responsabilités.
bitude de l’envisager bon nombre de praticiens. Selon
Pourtant, nous sommes entrés
dans l’ère du a nouveau manage-
ment b, celle d’une vision de plus
cans une perspective humaine et participative, en plus sophistiquée du contrôle
le contrile est un mode d’interaction fondé sur qui prend aujourd’hui les habits de
l’évaluation, mais pas forcément
l’autoresponsabilisation entre l’individu et son travail. ceux de la saine mobilisation. Ce
chapitre s’efforcera de le montrer.

9.2 Le contrdle e technique f selon les approches


formelles traditionnelles
Le terme a contrôle b est parmi les plus usités en admi- Pour certains, le contrôle implique plutôt une ma -
nistration, mais il peut revêtir plusieurs sens. Le mot trise de soi et prend le sens d’autocontr le. Cepen-
(contrôle) désigne un registre (rôle) tenu en double, dant, cette dernière signification est plus rare. te
l’un servant à vérifier l’autre (d’o contre). Ce mot a pris nombreuses personnes, liant l’idée de contrôle à celle
aux gIfe et gfe siècles le sens moderne de a vérification b de pouvoir, attribuent à la fonction de contrôle une
et de a surveillance b (vvv.cnrtl.fr). Notons que, sous connotation péjorative, la considérant en quelque sorte
l’influence de l’anglais control, le mot connajt un second comme l’art d’imposer la discipline dans l’entreprise.
sens, apparu au gge siècle, soit celui de a majtrise de soi-
même b en plus de a majtrise de quelque chose b. Les origines et les conceptions
du contrgle
On trouve des racines théoriques de ce concept du
Le contrile dans une perspective
contrôle dans les approches formelles de l’adminis-
technique est un outil de gestion tration. En effet, Fayol considérait, dans son ouvrage
publié en 1s1c, que le contrôle est une fonction admi-
pour la vérification et la surveillance. nistrative qui a consiste à vérifier si tout se passe
conformément au programme adopté, aux ordres don-
nés et aux principes admis b (p. 5). Pour Fayol (1bcd),
tepuis les avancées de la cybernétique et de la pensée le contrôle a pour but de signaler les erreurs afin
systémique portant sur l’autorégulation des systèmes de les corriger et d’en éviter la répétition. En 1s2x,
complexes par des processus de rétroaction (voir le cha- tiemer définit le contrôle comme le principe voulant
pitre 4), le contrôle est aussi implicitement dynamique. que l’administrateur connaisse ce qui doit être fait
En effet, que l’on compare l’entreprise à un organisme et ce qui est effectivement fait dans tous les secteurs
vivant (analogie biologique), autorégulé (idée d’ho- de l’entreprise, de façon à détecter les divergences et
méostasie) ou à un robot (analogie cybernétique) bien à y remédier. Pour sa part, Nevman (1s51) affirme
informé par des rétroactions positives (renforcement) que le contrôle consiste à s’assurer que les résultats
ou négatives (restriction), on comprend que le contrôle concordent le plus possible avec les objectifs. Selon lui,
est un processus vital et continu. Le contrôle dans la la fonction de contrôle comprend l’établissement des
perspective technique revêt donc souvent ce double objectifs, la motivation des employés à les atteindre,
sens, celui de la maîtrise des choses (vérification) et la vérification des résultats et l’application de correc-
celui de la maîtrise des personnes (surveillance). tifs lorsque ces résultats s’écartent de ceux qui étaient

224 • Chapitre O

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visés. Ces définitions se ressemblent, mais celle de au niveau opérationnel (voir la figure 9.1). Il en va de
Nevman intègre la motivation ou la stimulation des même pour le contrôle, qui a pour fonction de vérifier
performances des personnes dans l’organisation. si ces objectifs, ces programmes et ces plans ont été
tès la fin des années 1s2l, les approches beha- réalisés, et dans quelles conditions.
vioristes montrent l’importance de la reconnaissance
chez l’humain de besoins psychosociologiques pour
accéder à la productivité. Toute activité de contrôle est Les quatre niveaux de contrile vont du
immanquablement imbriquée dans celle de la surveil-
lance des employés et elle doit désormais intégrer tous a contrile du contrile b (gouvernance)
les aspects du leadership et du pouvoir de façon à créer au contrile opérationnel.
un climat organisationnel propice au travail bien fait.
tans sa conception traditionnelle, le contrôle vise
donc à assurer la continuité et la cohérence des diffé- Le niveau de la gouvernance
rentes activités de l’entreprise en veillant à faire co n- tans la perspective formelle du management, la gou-
cider les prévisions et l’exécution des décisions et en vernance d’entreprise correspond au niveau supé-
s’efforçant de prévenir ou de supprimer les écarts rieur du a management du management b (Pérez,
par rapport aux normes préalablement établies (par 2ll3). Elle désigne a l’ensemble des mécanismes qui
exemple, les normes de cokts, de qualité ou de conduite, ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influen-
les limites de la tolérance à certains comportements ou à cer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui
certaines façons de faire). uuant à la rétroaction qu’en- gouvernentÉ leur conduite et définissent leur espace
gendre souvent le contrôle, elle remet en question la discrétionnaire b (Charreaux, 1ssd, p. 1). La gouver-
conception, la valeur, voire la validité des programmes nance concerne la responsabilité qui incombe, entre
en cours de réalisation ou sur le point d’être mis en autres, aux membres du conseil d’administration de
œuvre. Elle permet de résister aux aléas de l’incertitude protéger les intérêts des parties prenantes de l’entre-
par un état voulu, aigu et continu d’alerte. prise, à savoir les différents paliers gouvernementaux
(l’État), les investisseurs, les clients, les employés, les
Les niveaux de contrgle fournisseurs, les groupes d’intérêts et la collectivité
en général. On emploie d’ailleurs souvent le terme
Les objectifs, les programmes et les plans inter-
a contrôle b à ce niveau dans le sens de a pouvoir de
viennent aux différents échelons de l’organisation,
décision b de ceux qui a possèdent b le capital de l’en-
soit au niveau de la gouvernance, au niveau stra-
treprise. On dira d’une personne qui possède 51 des
tégique, au niveau organisationnel ou tactique et
actions d’une compagnie qu’elle en détient le contrôle.

FIGURE 9.1 Les niveaux de contrile

kouvernance

Niveau Contrile
stratégique stratégique

Niveau organisationnel Contrile


(tactique) organisationnel

Contrile
Niveau opérationnel
opérationnel

Le contrPLe • 22k

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Les actionnaires administrateurs soucieux d’hono- Le contrgle interne


rer leur obligation de a propriétaires b de l’entreprise Les contrôles de ce niveau-ci peuvent porter égale-
s’efforceront d’appliquer des principes qui favorisent ment sur les activités internes. Ils sont d’ordre quali-
une gestion tenant compte non seulement des inté- tatif ou quantitatif.
rêts supérieurs de l’organisation, mais également de • Sur le plan qualitatif, les managers s’efforceront de
ceux des divers acteurs qui agissent aussi bien à l’in- répondre à des questions comme celles-ci : l’entre-
térieur qu’à l’extérieur de l’organisation. Ils devraient prise réalise-t-elle la mission qu’elle s’est fixée ? Les
par conséquent s’assurer que le processus d’adminis- objectifs sont-ils atteints ? Les twches confiées aux
tration (planification, organisation, décision direction gestionnaires ou aux subalternes sont-elles effec-
et contrôle) et les différentes fonctions de l’entreprise tuées correctement ? Les créneaux de marché sur
(gestion du personnel, finances, gestion des opéra- lesquels se concentre l’entreprise sont-ils exploités
tions, marketing) sont gérés suivant des principes qui adéquatement ? Le climat de travail qui règne dans
se fondent sur l’éthique des affaires comme l’équité, l’entreprise est-il acceptable ?
l’efficience et la transparence. L’autodiagnostic comme • Sur le plan quantitatif, des administrateurs pour-
mode de contrôle peut se révéler un outil précieux raient vouloir examiner des résultats plus précis,
dans ce cas. Les gestionnaires concernés peuvent en comme le chiffre d’affaires de l’entreprise, le niveau
effet choisir de se questionner sur leur façon d’agir à de rentabilité, le taux de productivité ou les cokts d’ex-
l’endroit des parties prenantes. ploitation comparativement à ceux des concurrents.
Les mécanismes de contrôle sont également sus-
ceptibles d’émaner de l’extérieur de l’organisation. Le niveau organisationnel
Par exemple, le Conseil canadien sur la reddition Aux divers échelons de l’entreprise, les gestionnaires
de comptes est un organisme fédéral qui exerce un doivent établir des objectifs, des programmes et des
contrôle disciplinaire sur les sociétés inscrites en plans propres aux différentes unités dont ils ont la
bourse, en établissant des normes comptables uni- charge. Le contrôle qui en découle est organisationnel
formes et en s’assurant de leur application par les ou tactique. Il se situe ordinairement dans le prolon-
vérificateurs financiers qui sont appelés à rendre des gement du contrôle stratégique même si l’on sait, avec
comptes aux actionnaires et aux investisseurs. Ce fai- les travaux de Mintzberg notamment, que certaines
sant, la gouvernance remplit deux fonctions essen- décisions stratégiques sont plutôt émergentes que
tielles interreliées : planifiées et que l’organisation ne suit pas toujours
linéairement la stratégie (voir les chapitres 7 et 8).
• a une fonction disciplinaire contraignante b qui
consiste en un rôle d’encadrement et de vérification
des décisions stratégiques et organisationnelles, par
exemple par les comités de direction ;
• a une fonction éducative habilitanteÉ b qui consiste
en un rôle de recommandation des organes de gou-
vernance que sont, par exemple, le conseil d’admi-
nistration et le conseil scientifique (Charreaux et
yirtz, 2llc, p. 2sd).

Le niveau stratégique
Le contrôle stratégique permet aux gestionnaires
d’évaluer le fonctionnement de l’organisation à l’ex-
terne et à l’interne.
Le contrgle externe
Les managers tenteront de déceler les occasions et les
menaces en provenance de l’environnement. Ils seront
préoccupés entre autres par les variations d’ordre
économique, technologique, social ou politique qui
risquent d’avoir un impact sur leurs organisations (voir
le chapitre 7). jne pointeuse et le mur de cartes de temps d’employés
(années 19l -19q )

22c • Chapitre O

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Le niveau opérationnel mais qui peuvent être tout aussi révélateurs, voire tout
Le contrôle opérationnel permet d’améliorer l’effica- aussi importants, tels que la satisfaction des proprié-
cité des opérations aux divers niveaux de l’entreprise. taires et des actionnaires, les efforts déployés pour
La suppression d’échelons au sein de l’organisation et contenir les effets secondaires négatifs de la produc-
les équipes autogérées dans lesquelles les employés tion, la motivation des employés, l’adéquation du trio
peuvent établir leurs propres objectifs et contrôler les produit-compétence-marché, les réussites en matière
mesures pour y parvenir sont des exemples d’approches d’innovations en ce qui a trait aux produits ou aux ser-
qui mettent en lumière l’importance de déléguer le vices, aux procédés ou aux méthodes de gestion ou aux
pouvoir décisionnel le plus près possible des personnes connaissances clés accumulées dans l’entreprise.
et des ressources qui sont directement en cause.

Les objectifs du contrgle : Il ne faut pas se limiter à contriler


l’efficacité et l’efficience le tangible, le chiffrable et encore
tans la perspective technique, l’entreprise efficace est moins le court terme seulement.
celle qui atteint ses buts ou ses objectifs. Le critère de
mesure des résultats par rapport aux objectifs établis
est celui de l’efficacité (voir le chapitre 2). Cependant,
Il importe aussi de considérer que les variables de
si l’on prend deux entreprises qui poursuivent le même
performance (au sens de pérennité) à contrôler (voir le
objectif, l’une pourra réussir à l’atteindre en consom-
chapitre 5) concernent l’équité sociale, la responsabilité
mant moins d’énergie que l’autre. On dira qu’elle
écologique et la rentabilité économique à court, à moyen
a réalisé un effet synergique supérieur à celui de sa
et à long terme. Selon l’approche managériale, l’horizon
concurrente. En d’autres termes, elle a été plus effi-
temporel de la performance visée par l’entreprise varie.
ciente que l’autre (Simon, 1s5d).
Il est important de noter que le capitalisme financier est
L’efficacité consiste donc à atteindre les objectifs orga- aujourd’hui de plus en plus critiqué pour avoir imposé la
nisationnels, alors que l’efficience est de les atteindre prédominance du court terme sur le long terme.
au moindre cokt possible (Simon, 1s5d). L’efficience
impose à l’administration le choix des moyens les moins
cokteux pour atteindre ses objectifs (Anthony, 1sdr).
Le processus de contrgle
Druceer (1bcc) soutient que l’efficacité consiste à faire Le contrôle a pour but de faire en sorte que les résultats
les bonnes choses, à choisir les bons objectifs et à les soient conformes aux objectifs et que les énergies et les
atteindre, alors que l’efficience consiste à bien les faire. efforts convergent harmonieusement vers leur réalisa-
tans la perspective technique, il importe de com- tion. Pour y parvenir, les tenants des approches formelles
prendre que l’efficacité et l’efficience s’appliquent aussi préconisent un processus de contrôle en quatre étapes.
1. La définition des obAectifs : la définition des objec-
bien à des aspects tangibles (d’ordre quantitatif) qu’à
tifs s’accompagne de la fixation de normes mesu-
des aspects intangibles (d’ordre qualitatif). Ainsi, on
rables (ou standards) à partir d’écarts précédents, des
peut vouloir mesurer la performance de l’organisation
changements enregistrés, des erreurs ou des résul-
sur la base de résultats chiffrés comme le volume de
tats obtenus antérieurement, qui servent de critères
ventes, le chiffre d’affaires, les parts de marché déte-
pour évaluer les résultats et le progrès de l’entreprise
nues, le taux de productivité, le taux d’absentéisme, la
dans l’atteinte de ses objectifs. Elle comprend aussi la
quantité de produits fabriqués ou de services rendus
ou encore le nombre d’employés embauchés sur une fixation de degrés de tolérance ou de déviation accep-
base annuelle. La performance peut également être tables à ces normes, points de référence des niveaux
évaluée en fonction de paramètres non chiffrables,de déviations au-delà desquels des correctifs doivent
être mis en œuvre pour restaurer l’effi-
cacité. Le contrôle présuppose l’établis-
sement partagé d’objectifs clairs, précis
Il faut distinguer efficacité et efficience : atteindre et connus. Il présuppose aussi qu’un
plan stratégique, un plan d’action ou
des objectifs versus les atteindre à moindre co t. un programme soient préalablement
adoptés pour atteindre les objectifs.

Le contrPLe • 227

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2. La collecte de l’information : la mesure des


résultats suppose la mise sur pied d’un système
d’information adéquat, rapide et pertinent plutôt
Contriler en contexte d’incertitude
qu’exhaustif. signifie de corriger les erreurs après
3. L’évaluation de ces résultats : l’analyse rationnelle
des écarts permet d’en comprendre les causes et
coup ou sur-le-champ, et surtout
les effets. de les prévenir.
x. L’application des correctifs : il s’agit de la mise
en œuvre des moyens nécessaires pour rendre les
résultats conformes à ceux attendus ou de la révision
des objectifs eux-mêmes s’ils s’avèrent inappropriés.
Les trois types génériques
Le correctif doit non seulement supprimer l’erreur, de contrgle
mais aussi en prévenir la répétition. Le contrôle joueSelon l’approche technique et rationnelle du manage-
donc à la fois un rôle de correction et de prévention.ment, tout résultat est l’effet de certaines causes. La
capacité de contrôler dépend donc de la maîtrise des
causes et de la connaissance des effets systémiques
Le processus de contrile nécessite qu’elles produisent. Si l’entreprise pouvait atteindre
la meilleure connaissance et détenir la majtrise opti-
d’associer les employés à toutes male des causes, elle aurait alors l’assurance de pro-
les étapes de son déroulement. duire à volonté et infailliblement les résultats désirés.
Il lui serait possible de tout planifier et programmer
d’avance, et elle n’aurait plus besoin du contrôle par
rétroaction pour veiller à ce que les résultats corres-
Toutes ces étapes sont présentées dans la figure s.2,
pondent aux objectifs prescrits. Il est cependant uto-
sous la forme d’un processus ou d’un cycle d’actions. pique de penser acquérir une connaissance aussi
Les enseignements des approches behavioristes et complète des causes et de leurs effets. Même si l’on y
humaines du management (voir le chapitre 3) ont parvenait, ce ne serait que pour un moment, car nous
montré combien les employés devaient être associés vivons dans un environnement complexe et un monde
au mieux à toutes les étapes de ce processus et en par- en constante évolution. te plus, il est à peu près
ticulier à la fixation des objectifs comme des normes impossible d’obtenir une majtrise absolue des causes,
acceptables de contrôle. du fait que l’entreprise est composée d’êtres humains
dotés d’une rationalité limi-
tée et dont, heureusement, le
FIGURE 9.2 Le processus du contrile dans l’approche formelle comportement n’est jamais
complètement programmable.
La direction est donc appelée
à prendre ses décisions dans
1. Définition des objectifs
et fixation des normes
une situation d’incertitude o
de contrôle sa connaissance et sa majtrise
des causes sont plus ou moins
grandes. Elle cherche continuel-
Contrile : lement à réduire le plus possi-
2. bollecte de l’information ble ce degré d’incertitude. foilà
4. Application des correctifs prévenirn
et mesure des résultats
corriger pourquoi le gestionnaire a géné-
ralement recours au contrôle
préventif et au contrôle rétro-
actif. Il planifie le mieux pos-
3. Évaluation des résultats sible (contrôle préventif), mais
et analyse des écarts il doit constamment vérifier les
résultats et les activités afin de
voir si tout se passe comme il

22s • Chapitre O

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l’avait prévu et d’apporter, le cas échéant, les corrections puisse éliminer le contrôle par rétroaction. On ne
requises (contrôle rétroactif). Cette vérification doit peut jamais être assuré d’avance que le résultat final
même s’effectuer au fur et à mesure que les activités se sera exactement celui qu’on a prévu. Tout système de
déroulent (contrôle concurrent ou concomitant), en contrôle préventif doit donc être complété par un sys-
temps réel, et non une fois qu’elles sont terminées. On tème de contrôle rétroactif.
peut donc, en définitive, parler de trois types de contrôle,
soit le contrôle préventif (ou proactif), le contrôle rétroac- Le contrgle rétroactif
tif et le contrôle concurrent (ou concomitant) (voir la Le contrôle rétroactif consiste à vérifier les résultats
figure 9.3). en vue de déceler les erreurs ou les écarts
et d’appliquer les correctifs appropriés. Il n’intervient
Le contrgle préventif kou proactifl qu’après l’obtention des résultats ou une fois que les
Le contrôle préventif porte non pas sur les résultats, actions ont été réalisées. tes délais s’écoulent entre le
mais il précède l’action, d’o le nom qui lui est parfois moment o l’erreur survient, celui o elle est décelée et
donné de contrôle proactif. Il doit tenter de prévoir celui, enfin, o le correctif est appliqué. Ainsi, les états
les problèmes afin de les éviter ou du moins de les financiers h qui constituent des informations sur les
contourner. Son succès dépend de la qualité de l’infor- résultats h représentent une situation déjà passée lors-
mation sur laquelle repose la planification. Les oublis qu’ils sont soumis à la direction. Si l’on y constate un
ou les informations erronées peuvent compromettre écart par rapport aux objectifs, on se rendra peut-être
la qualité du programme d’action et les résultats qui compte, à l’analyse, que la cause agit déjà depuis un cer-
en découleront. Les techniques de planification par tain temps. Il peut, de surcrojt, s’écouler un autre délai
réseaux, comme la technique PEnT (program evalua- avant que le correctif ne soit appliqué. Enfin, ce correctif
tion and revie technique), ou plus récemment les tech- pouvant prendre un certain temps avant de produire son
niques de simulation, sont d’une grande utilité dans effet, un retard préjudiciable risque donc de survenir.
ce mode de contrôle, car elles permettent de prévoir
les problèmes que la direction aura éventuellement Le contrgle concurrent kou concomitantl
à résoudre si elle ne prend pas immédiatement les Le contrôle concurrent ou concomitant est celui qui
mesures qui s’imposent. Toutefois, considérant l’état s’effectue en cours d’activité. Pour atteindre sa pleine
actuel de nos connaissances, un système de contrôle efficacité, le contrôle devrait permettre de déce-
proactif ne saurait être assez perfectionné pour qu’on ler l’erreur à l’instant même o elle survient. Grwce à

FIGURE 9.3 Les trois types de contrile

Processus kntrant Transformation extrant

bontrôle Préventif ou proactif boncurrent Rétroactif


(ou concomitant)

Limites Qualité de boûts Temps de transmission


l’information Dépenses inutiles de l’information
Aléas organisationnels Réaction a posteriori

exemples bontrôle des bontrôle par bontrôle de production


investissements exceptions bontrôle des dépenses
bontrôle qualité des bontrôle de projets
fournisseurs (Gantt)
bontrôle de projets
(PeRT)

Le contrPLe • 22l

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lOMoARcPSD|7171283

l’informatique, on parvient aussi à réduire le laps de en temps réel s’avère dans certains cas un processus
temps entre le moment o la déviation surgit et celui o cokteux. Il faut s’assurer, dans chaque cas, que les résul-
elle est détectée et corrigée. C’est la rapidité de la trans- tats et les avantages espérés compensent adéquatement
mission de l’information qui permet à la direction de les frais engagés.
savoir sur-le-champ ce qui se passe dans l’entreprise.
G’information en temps réel ou en continu permet Les principaux outils de contrgle
ainsi d’exercer un contrôle immédiat ou concurrent sur
la déviation qui se produit. Étant donné qu’il s’effec- Selon les approches formelles du management, les
tue au cours de la mise en œuvre ou de la réalisation entreprises, en raison du contexte particulier dans
des processus, on le désigne également comme étant lequel elles évoluent, peuvent faire appel à différents
le contrôle des processus. Toutefois, malgré la rapidité outils de contrôle, dont certains sont indiqués dans
de la détection de l’erreur, l’application du correctif peut le tableau s.1. Les entreprises n’utilisent pas néces-
parfois causer des délais de mise en œuvre. sairement chacun de ces outils de contrôle. Plusieurs
petites et moyennes entreprises n’ont ni les ressources
Un des dangers du contrôle concurrent est d’entraj-
ni les possibilités leur permettant de se prévaloir, par
ner des dépenses inutiles. Les cokts qu’il occasionne
exemple, d’un contrôle stratégique.
peuvent parfois dépasser les bienfaits retirés. Le contrôle

TABLEAU 9.1

ces exemples d’objets du contrile et des outils correspondants


Objet du contrôle Outil de contrôle
Contrile de la qualité Opération permettant de déterminer, à l’aide des procédés de vérification appropriés, si un produitt
service contrôlé est conforme ou non à ses spécifications ou aux exigences préétablies de production
(par exemple, les normes m O f000).

Contrile de gestion Opération de collecte des données sur l’état de raréfaction des ressources naturelles liées à l’activité
environnemental d’une organisation et d’allocation de ressources pour la régénération des écosastèmes (par exemple,
(ou écocontrile) les normes m O 14000, le bilan écologique, l’empreinte écologique, l’analase du cacle de vie de produit).

Contrile financier lontrôle des ressources financières, par exemple :


(investissements, • établissement d’états financiers dans le respect des principes comptables généralement reconnus
dépenses, budget) (par exemple, les normes mgR ) v
• contrôle des investissements : calcul a priori de la rentabilité de projets v
• contrôle des dépenses de fonctionnement, effectué a posteriori, c’est-à-dire après que les dépenses
de fonctionnement ont été engagées v
• contrôle budgétaire : forme de contrôle des résultats financiers la plus utilisée dans l’entreprise.
ml comprend non seulement l’élaboration du budget (estimationtrévision), mais également la
collecte de l’information sur les résultats financiers et la vérification comptable (des états financiers).

Contrile des ressources Dans une perspective très formelle, le contrôle des ressources humaines consiste à évaluer si le
humaines personnel contribue de manière satisfaisante aux activités de l’entreprise au moaen de différents
outils ou d’indicateurs d’efficacité (taux d’absentéisme, d’accidents de travail, de vols, mesure de la
satisfaction quant aux conditions de travail, à la qualité de vie au travail, etc.)

Contrile de projets (recherche Mise en place de diverses méthodes de suivi (qualité, cocts, délais) au cours de l’exécution d’un projet
et développement, autres) (par exemple, la méthode de la qualité acquise xMQky, le diagramme de hantt, le réseau PERn).

Contrile des activités Le contrôle sur le plan de la commercialisation est lié aux quatre variables clés du marieting, à savoir
commerciales le produit, la distribution, le prix et la promotion (par exemple, le taux de satisfaction et de fidélisation
des consommateurs, des études sur les préférences des consommateurs, des mesures d’impact des
opérations de publicité, de promotion et de stimulation des ventes).

Contrile de la stratégie lontrôles pour vérifier la qualité de la formulation et de la mise en puvre de la stratégie (par exemple,
le modèle WOnn, l’analase PE nEL, l’analase de chaîne de valeur, les tableaux de bord stratégiques).

2t0 • Chapitre O

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Pour les tenants des approches formelles


du management, il est important, au moment
de l’établissement des moyens et des outils de
Le contrile formel propose une diversité
contrôle, de s’assurer qu’elles atteignent l’objec- d’outils pour une variété d’objets à contriler.
tif établi et qu’elles n’ont pas d’effets négatifs.
Le contrôle efficace est un contrôle qui empêche
ou réduit le plus possible les écarts entre les adéquat a donc plusieurs propriétés essentielles (voir
résultats atteints et les résultats recherchés, sans sus- le tableau 9.2), même s’il va de soi que l’importance
citer d’effets non désirés et sans soulever plus de pro- accordée à ces propriétés varie selon les approches
blèmes que ceux qu’il tente de résoudre. Un contrôle managériales.

TABLEAU 9.2

Les propriétés d’un contrile formel adéquat


Propriété Explication
Valide • ’assurer de la validité de l’information : la qualité de la décision en dépend.

Rapide • mntervenir au plus tôt : avant, ou à l’instant où l’erreur se produit.

Rentable • kdapter la forme de contrôle et son coct aux avantages retirés.

flexible • kdapter le contrôle aux circonstances : les méthodes doivent subir une évaluation périodique pour éliminer
les contrôles inutiles.

Ciblé • tre complet, mais non exhaustif pour capter toutes les variables importantes.
• bviter les duplications inutiles qui alourdissent l’organisation.
• Rechercher l’équilibre entre quantité de contrôles et efficacité.

Participatif • gaire converger tous les efforts individuels.


• gavoriser l’autocontrôle et la motivation (responsabilisation).

Axé sur l’avenir • Prévenir : réaliser des contrôles non portés seulement sur le passé.

9.3 Du concept de contrdle à celui d’évaluation


Le contrôle, dès lors qu’il s’applique aux personnes dont la justification comme les conséquences sont dis-
(par exemple, le contrôle de la satisfaction person- cutables. McEvoy (2ll2) rapporte par exemple qu’en
nelle, de la performance au travail) plutôt qu’au fruit 2lll, plus de la moitié des employeurs surveillaient
de la production, relève souvent d’un moyen d’exer- l’utilisation d’Internet faite par leurs employés. Le
cer un pouvoir de subordination des employés afin tableau s.3 (voir la page suivante) recense les autres pra-
d’obtenir leur obéissance aux ordres, leur observance tiques de surveillance utilisées à l’époque.
des règles décidées ou leur soumission à l’exécution Selon l’approche managériale adoptée par l’entreprise,
d’objectifs fixés. Il s’agit alors de bien comprendre l’ar- les technologies de l’information constituent un moyen
ticulation entre la notion de contrôle et celle de pou- puissant soit de partage généralisé de l’information entre
voir dans la pratique managériale et sa transformation employeurs et employés responsabilisés, soit de contrôle
avec le temps dans l’histoire du management. quasi panoptique ( uboff, 1srr) par l’employeur des
Il est frappant de constater que certains employeurs employés qui renforce le contrôle bureaucratique formel
utilisent des moyens de surveillance de leurs employés visible (voir l’encadré 9.1, page suivante). i l’ère concrétisée

Le contrPLe • 2t1

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lOMoARcPSD|7171283

de iig irother devenu le aiig dtherb ( uboff, 2l15) de


TABLEAU 9.3
l’ère des mégadonnées, les mécanismes de produc-
tion, d’extraction, d’analyse de données informatiques Les pratiques de surveillance des employeurs
sur tout un chacun se sont encore sophistiqués depuis
l’étude de McEvoy (2ll2) et participent désormais, selon Pratique Utilisation
uboff, d’un véritable capitalisme de la surveillance. Utilisation d’mnternet d4,e
Les méthodes de surveillance électronique (audio,
Utilisation du téléphone 44,0
vidéo, écrit) doivent être justifiées par de sérieux
motifs pour être légales. Pour autant, elles ne sont Messages courriels 38,1
pas toujours légitimes ou raisonnables. En fait, plus
gichiers informatiques 30,8
généralement, seul ou au sein de son équipe de tra-
vail, l’employé se trouve à faire face à de puissants Utilisation de l’ordinateur 1f,4
mécanismes de contrôle, et ce, dans les formes les plus Performance au travail (caméra de surveillance) 14,6
positives comme les plus pernicieuses. uui plus est,
ces formes de contrôle ne se limitent plus à la sphère lonversations téléphoniques 11,d
productive et au travail objectif, mais envahissent la Messages vocaux 6,8
sphère subjective du travail.
ource : kdapté de McEvoa, 2002, p. e0.

ENCADRÉ 9.1 LE PANOPTIQUE DE JEREMY BENTHAM


Samuel Bentham est un ingénieur anglais
FIGURE Le plan du pénitencier a panoptique b de Bentham
qui, à la fin du ok e siècle, se trouve
confronté à la difficulté de l’immense tsche
que lui a confiée le prince Potemkine en
Russie, à savoir la direction de l’ensemble
de ses usines et de ses ateliers. Comment
surveiller simultanément le plus grand
nombre d’employés dans les ateliers des
usines l Ce sont les réflexions de son frère
Samuel qui allaient inspirer, avec les plans
d’usines de son époque, le célèbre philo-
sophe utilitariste aeremy Bentham, pour
concevoir un plan d’architecture carcérale
pour un pénitencier qui emploie le moins
de personnel possible tout en assurant la
surveillance de tous les prisonniers.
ba structure panoptique permet à un
gardien, situé dans la tour centrale,
d’observer tous les détenus qui sont
enfermés dans des cellules individuelles
tout autour de la tour, sans que ceux-ci
sachent s’ils sont observés ou non. Ce
dispositif de contrôle devait donner aux
prisonniers l’impression d’être surveillés
en permanencet et permettre de sup-
primer, ce faisant, le plus de postes pos-
sible de surveillants.
Note : Dessiné par Willea Revelea en 1ef1

2t2 • Chapitre O

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lOMoARcPSD|7171283

Pour une fois, Geneviève a décidé de prendre sa pause. Ses yeux sont fatigués.

VÉCUES
HISTOIRES Cela fait deux heures qu’elle s’efforce d’entrer dans le système informatique toutes
les données de son travail quotidien : les médicaments administrés, les doses, l’adhésion
au traitement, les comportements biiarres des malades, le compte-rendu du passage
du médecin, les informations transmises à la famille, les réactions de celle-ci lors des visites
du jour, etc. Tout cela pour assurer un meilleur suivi des patients, et aussi, il faut bien
le dire, pour se protéger contre d’éventuelles poursuites judiciaires. En outre, sa collègue
Gabrielle, qu’elle a rencontrée ce matin à son arrivée, avait l’air fébrile, et elle lui a offert
de la retrouver à la cafétéria pour prendre un café. Elle la distingue grsce à son chignon
roux et s’empresse d’aller la rejoindre après s’être servi un cappuccino. Après les questions
d’usage, elle en vient au cœur du sujet qui préoccupe sa collègue :
q On a changé le mode opératoire en chirurgie. On m’a nommée infirmière désignée,
et da me stresse, dit-elle en déchirant le sachet de sucre.
q Qu’est-ce que da implique l demande Geneviève, curieuse, en se réchauffant les mains
sur son gobelet de café.
q Désormais, il faut que je lise à haute voix tous les éléments de la liste de sécurité chirurgicale
pour vérifier que tout est prêt avant l’anesthésie, avant la première incision dans la peau du
patient et avant son installation en salle de réveil, explique Gabrielle.
q Pourquoi l
q Pour confirmer que c’est bien le bon patient qui est opéré, la raison de l’opération,
le membre ou le site qui doit être opéré. b’équipe chirurgicale est déclarée conforme quand
je confirme que tous les points de la liste ont été exécutés correctement. C’est bête, mais il
paraît qu’en 2011, dans x0 cas par semaine aux États-Unis et 200 par semaine pour le reste
de la planète, on s’est trompé de côté ou de personne à opérer !!!
Geneviève est si surprise qu’elle s’étouffe avec sa gorgée de café.
q ja va l s’inquiète sa collègue.
q Oui, merci, répond Geneviève en toussant. ja me semble être une bonne initiative,
non l C’est quand même mieux que d’installer des caméras au bloc et dans la chambre
des patients.
q ae suis d’accord, c’est juste qu’on change de procédures tellement souvent que
je commence à avoir peur de me tromper. Et dans notre profession, les erreurs peuvent
avoir des conséquences importantes.

Les formes du contrgle tableau 9.4, page suivante). Elles peuvent s’exprimer à
différentes échelles :
managérial
• au niveau intraorganisationnel : dans l’entreprise ;
Aujourd’hui, le contrôle exercé par les managers dans • au niveau interorganisationnel : entre organisations ;
l’organisation n’est pas seulement factuel et technique.
• au niveau métaorganisationnel : au-delà des fron-
Il ne porte pas sur les seules caractéristiques d’un
tières de l’entreprise, entre organisations et institu-
objet produit, d’une procédure ou d’une façon de faire.
tions de la société civile.
Il pénètre la sphère psychosociale de la conscience
Le contrôle managérial peut avoir des conséquences
inconscience et de l’individualité des personnes et
positives comme négatives.
recouvre des formes plus ou moins nouvelles qui vont
de la manipulation à la subjectivation. La coercition
En effet, on distingue quatre formes du contrôle La coercition consiste à obtenir l’obéissance des em-
managérial ou quatre visages d’exercice du pou- ployés ou le consentement des personnes par l’exer-
voir en management (Fleming et Spicer, 2l1x) (voir le cice direct du pouvoir (voir le chapitre 6). La position

Le contrPLe • 2tt

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lOMoARcPSD|7171283

formelle dans la hiérarchie, le pouvoir associé à la capa-


cité de convaincre, de rassurer devant l’incertitude, ou
lié aux ressources spécifiques de l’organisation ou de
l’individu par son réseau de contacts ou par les informa-
tions qu’il possède, par exemple, participent de la force
de ce pouvoir le plus évident et le plus facilement obser-
vable. Ainsi, il n’est pas rare qu’un employé réprime ses
commentaires ou ses idées novatrices par peur de se
faire blwmer par un supérieur hiérarchique. tu fait du
prestige de leur famille ou de l’étendue de leur réseau
social, il peut également arriver que certains employés
soient promus à des postes de haute responsabilité plus
que d’autres, pourtant aussi, voire plus compétents.

Coercition, manipulation, domination et


subjectivation représentent les quatre
formes du contrile managérial.

entrée interdite. Bâtiments industriels à Montréal.

TABLEAU 9.4

Les quatre formes de contrile managérial


Forme Description Moyen
Coercition Mobiliser directement le pouvoir pour contraindret • Position formelle
obliger l’action des autres. • Personnalité
• kptitude à réduire l’incertitude
• Possession de ressources clés

Manipulation Manpuvrer les autres à leur insu. • Manipulation des règles


’assurer de limiter le nombre des enjeux discutés ou • gaçonnement de la perception
de cadrer les problèmes à l’intérieur de limites perçues des résultats à anticiper
comme acceptables. • Mobilisation de biais
• Positionnement en réseau

comination nenter de faire paraître les relations de pouvoir • outien d’une idéologie
comme inévitables et naturelles. • gabrique du consentement
• lonformité aux institutions

Subjectivation nenter de façonner le sentiment de soi, les expériences • kutocontrôle


et les émotions, bref la subjectivité des individus. • gormes des discours
• Enrôlement identitaire
• houvernementalitéa

a. goucault (2004) parle, en 1fe8, de « gouvernementalité » pour désigner le fait de gouverner (modeler, guider ou influencer) la conduite des personnes
à l’aide de moaens positifs (a compris l’autorégulation) plutôt que par le pouvoir législatif souverain.
ource : kdapté de gleming et picer, 2014, p. 241.

2t4 • Chapitre O

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La manipulation pas lieu d’être envisagées autrement. On peut pen-


La manipulation consiste à obtenir le consentement ser au fait que ne soient pas remises en question la
des personnes à œuvrer dans un sens voulu ou dans prédominance des intérêts du dirigeant et principal
un périmètre désigné en les influençant à leur insu actionnaire (voir le chapitre 5) ou l’utilisation de cer-
sur leur perception de l’acceptabilité de ce périmètre, taines technologies d’automatisation dans l’entreprise.
par différents moyens comme la création et le façon- Pour ce faire, il s’agit d’instaurer le respect de valeurs
nement de règles, la manipulation des perceptions idéologiques, par la culture organisationnelle, le sys-
individuelles des résultats à anticiper d’une action, tème de valeurs ou d’institutions normatives comme
l’utilisation de biais (voir le chapitre 6), le lobbying, le les coutumes ou les systèmes de relations sociales
modelage des opinions par l’intermédiaire d’une posi- légitimés, qui deviennent alors hégémoniques.
tion d’influenceur au sein d’un réseau de personnes.
La subjectivation
La domination La subjectivation consiste à façonner la subjectivité et le
La domination consiste à fabriquer le consentement processus même de construction du moi autonome des
des personnes ou à museler leur tentation à la pen- salariés, y compris leurs émotions et leur identité ainsi
sée critique en les convainquant que les rapports de que leur manière subjective de donner un sens au réel
subordination, les contraintes hiérarchiques, les orien- par la symbolisation, pour définir leurs propres modes
tations stratégiques, bref, les relations de pouvoir qui de décision et d’expérience du monde. Selon Fleming
s’exercent dans l’organisation sont naturelles et n’ont et Spicer (2lld), cette forme de contrôle produit les

Josée-Anne place son ficus sur son bureau. Elle devra probablement le rapporter
VÉCUES
HISTOIRES

à la maison étant donné qu’elle n’a plus de fenêtre. En effet, elle vient de déménager.
Elle essaie de conserver le moral, mais perdre son bureau fermé avec fenêtre l’affecte
grandement. Elle a l’impression d’avoir été rétrogradée. Au nom de la qualité du travail
collaboratif dans l’entreprise, son patron demande désormais de travailler en open space
dans des bureaux partagés. Mais personne n’est dupe. l s’agit surtout de diminuer les
coûts des aires de bureaux.
q Pis, comment da va l demande Adèle qui s’installe sur le seuil de son cubicule.
q ja va. ae trouve da pas mal bruyant. l va falloir que je m’achète des bouchons.
veureusement que je ne suis pas là souvent. Et je vais m’ennuyer du soleil, répond-elle
en désignant sa plante.
q Moi, je suis chanceuse, j’ai un carré de soleil dans mon cubicule entre p et 11 h.
Par contre, je suis sur le chemin des toilettes.
q a’imagine qu’on peut pas tout avoir.
Des rires étouffés éclatent.
q En tout cas, il y en a à qui l’open space fait un bien fou, ajoute Adèle en lui faisant
signe de regarder discrètement par dessus les parois de son cubicule.
aosée-Anne se lève et observe Roger et Çatherine qui discutent de manière animée.
q noz, fait aosée-Anne. ja fait quoi, quatre ans, qu’ils étaient en froid l
q Eh oui. Comme quoi, se parler, da peut régler bien des problèmes.
q En effet, da va être difficile pour eux de s’ignorer en étant voisins de cubicule.
Adèle pouffe de rire, provoquant un froncement de sourcil réprobateur de la part
de son voisin de bureau. aosée-Anne lève les yeux au ciel.
q C’est lui qui aurait besoin de bouchons, murmure-t-elle. Et en plus, il est toujours
là quand j’arrive le matin et il part toujours après moi. l me donne des complexes.
aosée-Anne prend son ficus et le tend à Adèle.
q Tiens, cadeau, murmure-t-elle pour éviter la désapprobation de son nouveau voisin.
ci, il n’aura pas de soleil. Et chei moi, il n’aura pas d’eau parce que je vais oublier.
ae passerai le voir de temps en temps quand je m’ennuierait

Le contrPLe • 2tk

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individus que nous pensons être naturellement, par Les formes du contrôle managérial évoquées pré-
différents moyens : les techniques disciplinaires fondées cédemment se traduisent ou se manifestent de plu-
sur l’autocontrôle (nous y reviendrons dans la section sieurs façons dans l’entreprise. Le contrôle peut ainsi
suivante sur l’évaluation et l’autoévaluation), les dis- s’exercer au moyen d’instruments et d’objets maté-
cours managériaux (systèmes de textes, exposés, etc.) riels, par exemple par la disposition des espaces de
qui construisent une réalité sociale guidant les com- travail, l’aménagement des bureaux, des machines et
portements des employés, notamment leurs comporte- des lignes de production, ainsi que l’utilisation des
ments d’introspection et d’autogestion, ainsi qu’enrôlant technologies de l’information et de l’automatisation. Il
leur identité à chercher des fins politiques choisies. peut aussi s’exercer par l’intermédiaire d’interactions
Il est intéressant de décortiquer la façon dont le et d’un contrôle social quand, par exemple, il invite à
mécanisme de la subjectivation s’applique à la perfor- des comportements de conformation aux normes d’un
mance des employés en entreprise aujourd’hui. a Per- groupe, d’une équipe (Sevell, 1ssr). Il se loge aussi
former b, en ancien français, renvoie à parformer, qui dans les outils de gestion et de contrôle managérial
signifiait a accomplir, exécuter b. En anglais, le terme que sont les prescriptions d’objectifs et d’indicateurs
to perform renferme plutôt l’idée de de performances par les managers (voir le chapitre 4).
réussite remarquable et d’exploit.
tans un monde managérial o la
concurrence et la quête de compéti- La dérive subjectivante consiste à faeonner, allant
tivité sont naturalisées, les valeurs de
performance, d’excellence, de qualité, jusqu’aux mécanismes de sa construction, l’identité
de responsabilité, de croissance et des employés comme étant des êtres performants.
de dépassement de soi sont prônées
quasi universellement. Mais la dérive
subjectivante vient du fait que ce n’est
Le contrôle peut avoir des implications positives
pas seulement l’entreprise qui doit livrer une perfor-
comme convaincre et influencer les employés pour
mance (produits services de qualité), mais aussi l’in-
qu’ils servent des objectifs collectifs nobles, mais aussi
dividu qui se doit a d’être performant b (de Gaulejac et
négatives, ainsi qu’en témoignent les dérives asso-
manique, 2l15, p. 1rc). En leur donnant des moyens
ciées aux formes de contrôle précédentes. On peut s’en
d’être autonomes, de s’autoévaluer, de se dépasser au
inquiéter du fait que le contrôle s’applique désormais à
travail, l’organisation participe ainsi subrepticement
toutes les composantes du travail : du contrôle du tra-
de la construction identitaire des employés qui ne se
vail objectif à celui du travail collectif et subjectif, allant
considèrent bientôt plus à leurs propres yeux que par la
parfois jusqu’à formater la subjectivité des personnes
seule réalité préconisée par leur entreprise, sans même
au travail, à gérer leurs émotions et à flatter leur ego
s’en rendre compte. Par exemple, les journalistes ne se
narcissique au moyen de toutes sortes de mesure de
voient désormais plus comme des enquêteurs, mais
reconnaissance. Alors que tejours (2l15) prône plu-
comme des marchands d’information, les employés
tôt la délibération sur le travail comme outil d’éva-
de la poste, non comme des fournisseurs de service,
luation du travail bien fait ou à faire, le management
mais comme des marchands de colis, les infirmières en
technique entre actuellement dans une nouvelle
centre pour personnes wgées, non comme des profes-
ère en tentant de mesurer et d’orienter l’entièreté de
sionnelles soignantes, mais comme des marchandes de
l’humain au travail, du niveau de production aux
soins, et bientôt les enseignants, non comme des édu-
niveaux de motivation et de ses dérivés, c’est-à-dire
cateurs, mais comme des marchands de savoir-faire…
la satisfaction, le bonheur et l’implication.
tans tous les cas, ils sont forcés à intérioriser le dis-
cours sur la minimisation des cokts et la maximisation Or, il est probable qu’une partie du personnel d’une
des revenus, vague managériale qui n’a cessé de se entreprise ne soit pas motivée, car elle n’y est pas à sa
revitaliser de crise économique en crise économique. place en raison de son incompétence ou de son ina-
Les employés de ces secteurs conçoivent ainsi qu’il faut daptation aux conditions de travail, par exemple. Une
désormais être le plus performant et rentable possible à part peut aussi être démotivée, car elle ne trouve pas
la twche. t’ailleurs, la majorité d’entre eux sont d’accord de sens au travail en raison, par exemple, de déci-
pour subir une évaluation annuelle afin de mesurer et sions managériales déficientes quant à l’organisation
de mieux récompenser leur performance individuelle. du travail ou du rapport avec le métier. Il nous semble
donc important de nous demander non pas (ou pas

2tc • Chapitre O

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seulement) ce que l’outil du contrôle fait, mais pour- surveillance nécessaire, bref d’une philosophie de la
quoi cet outil du contrôle existe. méfiance (voir le chapitre 6). tans le contexte du a nou-
te la même manière dont l’organisation du travail est veau management b, le contrôle est alors devenu a éva-
allée au-delà des murs de l’entreprise avec la connectivité luationb, outil de gestion par excellence, et omniprésent.
et le travail à distance, les limites du travail ont peu à
peu dépassé les frontières du lieu de travail lui-même,
et il a fallu adapter le contrôle à ces nouvelles formes L’évaluation consiste à mesurer l’entièreté
d’organisation (voir le chapitre 8). tans bien des cas, le
fardeau de l’évaluation s’est encore plus recentré sur de l’humain au travail dans ses dimensions
l’employé lui-même, appelé à faire sa propre évalua-
objective, subjective et collective.
tion au nom de son autoresponsabilisation, et non
pas sur la responsabilité du management de concevoir
les meilleures pratiques de travail (voir la figure 9.4).
Il est indéniable que l’employé autonome doit être Le règne contemporain
responsable du travail qu’il accomplit. Pour ce faire, la de l’évaluation totale
compréhension des objectifs prescrits par l’entreprise
a L’évaluation n’a pas pour but premier de fournir du
ainsi que les qualités du travail réalisé devraient pouvoir
chiffre mais d’obtenir le consentement d’autrui, elle
être validées et discutées dans les espaces de délibé- est en ce sens une initiation et se transmet comme
ration appropriés qui sont la responsabilité du mana- telle : chacun sera ensuite appelé à devenir l’évaluateur
gement. Mais selon les philosophies managériales, d’autrui. b (Abelhauser et collab., 2l11, p. 31) « L’éva-
l’idéologie de l’évaluation se manifeste plutôt par le luation n’est pas un mot, c’est un mot d’ordre »,
retrait sournois de la confiance envers les employés et affirme Jean-Claude Milner (cité par Abelhauser et
l’instauration d’emblée d’une suspicion qui n’est jamais collab., 2l11, p. 3c). L’évolution des systèmes écono-
justifiée (Abelhauser, Gori et Sauret, 2l11). Avec l’intro- miques des trois dernières décennies a transformé la
duction dans le domaine du management technique des culture managériale dans les organisations en mettant
avancées du champ du management humain et social, largement l’accent sur le rendement organisationnel
des entreprises ont ainsi peu à peu intégré des pratiques et la performance individuelle. Ce phénomène s’est
d’autonomisation des employés, de responsabilisation matérialisé à travers l’intégration d’un ensemble d’ou-
et d’intrapreneuriat, sans démordre d’une culture de la tils de gestion permettant le contrôle et l’évaluation à

FIGURE 9.4 Sur qui pèse le fardeau de l’évaluation

Si responsabilisation du management

bomment motiver l’employé ? Pourquoi l’employé est-il démotivé ?

L’employé ne fait pas bien son


L’employé ne fait pas bien son travail,
travail puisqu’il ne répond pas aux
car l’organisation et la direction
outils de motivation (intrinsèque
du travail par le management
ou extrinsèque) mis en place
sont inadéquates.
par le management.

Fardeau de l’évaluation
Fardeau de l’évaluation sur l’employé
sur le management

Si manipulation par le management


bomment rendre l’employé
individuellement responsable
de son travail ?

Le contrPLe • 2t7

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tous les niveaux de l’organisation (Chiapello et Gil- suivent cette transformation et modifient à leur tour la
bert, 2l13 ; tesrosières, 2lll). La pratique de l’éva- gestion. tésormais,
luation des performances individuelles s’est d’ailleurs le critère sera celui des opérations mentales : comp-
massivement imposée dans les organisations avec un ter, quantifier, classer, évaluer, hiérarchiser (choix
discours idéologico-scientifique justifiant sa nécessité d’investissement, etc.), comparer (benchmark, contrôle
(Abelhauser et collab., 2l11 ; tejours, 2ll3 ; fatin, 2lls ; budgétaire, etc.), réduire (tableau de bord, etc.),
fidaillet, 2l13). Le nouveau capitalisme incarné dans modéliser (modèles stratégiques, méthodes de scéna-
les organisations d’aujourd’hui exige qu’on lui rende rios, etc.). Ces opérations supposent en amont des
des comptes de façon permanente afin de rassurer les formalisations, des standards, des règles de classe-
actionnaires sur le bon déroulement des affaires dans le ment, etc. (Chiapello et Gilbert, 2l13, p. 35).
but de maximiser la valeur de leurs actions. tans cette
tans cette approche a nouveau management b, l’outil
mouvance, l’évaluation, outil principal de gestion des
de gestion est considéré comme le garant de l’efficacité
ressources humaines, a profondément transformé l’uni-
et de l’objectivité. Il nous permet de poser un regard
vers du travail en valorisant la performance individuelle
a rationnel b sur la pratique organisationnelle en fonction
et la concurrence entre employés. Ainsi, il semble que
d’objectifs préétablis.
le recours à la quantification des résultats et à la géné-
ralisation des critères d’évaluation néglige la singularité
des individus en les forçant à un même modèle de per-
formance, qui plus est compétitif, et ces méthodes se L’outil de gestion est supposément
désintéressent de la dimension subjective du travail.
garant d’efficacité et d’objectivité.
L’évaluation des performances
et les outils de gestion
Avant d’aborder la notion d’évaluation dans les organisa- Or, ces outils de gestion ne sont pas neutres, ils
tions, il faut nous attarder sur le concept d’outil de gestion façonnent fondamentalement les rapports entre les
(voir le chapitre 2). L’origine de ce dernier co ncide avec la individus, entre ceux-ci et leur travail, mais aussi le
naissance même du management. On peut même aller rapport de l’individu à lui-même. Ces outils
plus loin en prétendant que le management scientifique sont susceptibles tout d’abord de légitimer les hié-
est né à partir du moment o Taylor a inventé des outils rarchies sociales et l’exploitation plus particulière
de gestion élaborés à son époque pour mesurer la pro- d’un groupe par un autre sous leur apparente tech-
ductivité du travail et l’efficacité. Toute la justification de nicité. Ils peuvent aussi être des instruments actifs
l’organisation scientifique du travail (OST) de Taylor est de cette exploitation et de cette domination o…p. La
basée sur l’utilisation des instruments de mesure appli- lutte ne se fait pas uniquement sur le terrain de l’éco-
qués à la chajne de production. i partir du début du nomique, et les différentiels ne sont pas uniquement
gge siècle et au cours des décennies suivantes, les outils financiers, mais aussi culturels, relationnels ou sym-
de gestion se sont perfectionnés essentiellement dans boliques (Chiapello et Gilbert, 2l13, p. c3).
l’établissement d’objectifs de production et d’instruments Ces outils de gestion génèrent des savoirs qui servent
de monitorage pour optimiser la production, réduire les ceux qui les possèdent. Par exemple, dans certaines
cokts, approvisionner efficacement l’entreprise, etc. entreprises bancaires, les bases de données, comme les
Avec les transformations importantes des systèmes informations sur les clients ou les données comptables
économiques qu’ont connues les pays industrialisés après et financières, ne sont interrogeables qu’en fonction du
les Trente Glorieuses, qui ont été marquées par la mon- rang des personnes dans l’organisation. Si une per-
tée en puissance des nouvelles idéologies économiques, sonne n’occupe pas la fonction administrative requise,
notamment néoclassiques, consolidée par la financiari- même si elle est qualifiée pour le faire si son besoin
sation de l’économie, le retour en force des actionnaires, d’information est légitime, elle ne peut pas y avoir
l’avènement de l’économie de la connaissance et de l’in- accès, sauf si son supérieur l’y autorise. Cela témoigne
novation, nous voyons émerger une nouvelle logique du renforcement des hiérarchies dans l’entreprise.
managériale qui ne cherche plus à surveiller les mouve- Comme le disait si souvent le philosophe Michel
ments et les opérations sur une chajne de montage, mais Foucault (1sd5), le pouvoir est le savoir, et le savoir
plutôt à évaluer la contribution de chacun par rapport engendre du pouvoir. Cette imbrication savoir pouvoir,
aux objectifs établis. On voit alors apparajtre un mana- valorisant l’objectivité et la rationalité, permet d’as-
gement par obAectif dans un contexte hyperconcurren- seoir la nouvelle idéologie managériale qui, selon ses
tiel réclamant la haute performance. Les outils de gestion

2ts • Chapitre O

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détracteurs, évacue la complexité humaine en impo- et subjectives (le travail valorisant du commis qui abou-
sant des indicateurs quantitatifs et réducteurs qui ne tit à la protection de ses clients). Mais l’évaluation ignore
tiennent pas compte de l’ensemble des aspects de la vie souvent la dimension collective. tans certaines entre-
organisationnelle. Selon Gaston eachelard (1s3x), a les prises, les vendeurs sont évalués individuellement pour
instruments ne sont que des théories matérialisées. Il leur travail et reçoivent des primes, alors qu’il existe
en sort des phénomènes qui portent de toutes parts la plusieurs personnes dans leur entourage qui contri-
marque théorique b (cité dans fatin, 2lls, p. 11c). buent à ce qu’ils puissent vendre davantage. Mais leur
Il s’agit donc de rester critique sur le phénomène de travail est négligé, car on attribue souvent le nombre de
l’évaluation. En effet, l’évaluation fait partie des outils ventes au vendeur et non pas à un travail collectif. eref,
de gestion les plus répandus. Un nombre très impor- l’évaluation révèle la philosophie managériale dans
tant d’organisations, publiques ou privées, a un système l’entreprise et le lien entre l’individu et le travail qui y
d’évaluation des performances individuelles. téjà, en est façonné (individualisant ou collectivisant).
2ll2, une étude portant sur plus de rll entreprises Les sciences de la gestion prétendent, à juste titre,
américaines indiquait que s5 d’entre elles procé- organiser le travail et établir des règles et des procé-
daient à l’évaluation des employés dans le cadre de leurs dures pour son exécution, mais cela ne fonctionne
pratiques de gestion des ressources humaines (contre qu’à partir d’une conception théorique et abstraite du
x5 en 1sd1). Une enquête similaire réalisée en 2l1l travail. Pourtant, aussi large et englobante soit-elle,
auprès de 1 lll salariés français indique que d3 des cette conception différera toujours de la réalité du tra-
personnes interrogées affirmaient être évaluées sur vail. Celui-ci n’est pas seulement cette organisation
leurs performances individuelles (fidaillet, 2l13). Ces objective d’un ensemble de twches coordonnées, mais
deux exemples indiquent bien l’ampleur du phénomène. aussi ce qu’il y a à faire lorsqu’il existe (et il existe tou-
te plus, l’importance à accorder à une réflexion cri- jours) un écart entre la description théorique et le réel
tique sur la notion d’évaluation se justifie par le lien du travail. tejours va jusqu’à affirmer que a travailler,
particulier qu’elle établit entre l’individu et le travail. c’est combler l’écart entre le prescrit et l’effectif b (2ll3,
jn effet, l’évaluation façonne la relation entre l’indi- p. 1x). Cela soulève alors une question importante au
vidu et son travail, forge son rapport avec les règles chapitre de la méthodologie de l’évaluation.
et les procédures, ainsi que ses réactions
à la reconnaissance et à la récompense
ou à la sanction. Le mode d’évaluation
en vigueur dans une organisation mo- L’évaluation des dimensions (objective, subjective,
dèle également les rapports sociaux et collective) du travail et ses impacts varie selon
les jeux de pouvoir. i travers la notion
d’évaluation, nous pouvons observer les approches managériales.
l’approche managériale quant aux di-
mensions subjectives, objectives et col-
lectives du travail à défaut du réel du travail dont on L’évaluation et la méthode
sait qu’il est difficile à atteindre (voir le chapitre 8). Si le travail consiste à combler l’écart entre le prescrit
Comment évaluer notre vendeur de cartes de crédit et le réel, cela signifie qu’en raison de sa nature, il ne
(voir le chapitre 6) sur ce qu’il fait bien de ne pas faire peut pas être prévisible (voir le chapitre 4). Autrement
(vendre des cartes en dépit de tout bon sens éthique) dit, le travail se dessine au hasard des imprévus et ne
ou sur ce qu’il fait en plus (rassurer le client) ? Com- s’exécute pas, selon les individus, de la même manière
ment évaluer l’opérateur qui contrevient à l’ordre de et par le même trajet :
son contremajtre, pour préserver sa machine de la sur- Le chemin à parcourir entre le prescrit et le réel
chauffe, au risque d’obtenir une mauvaise évaluation doit être à chaque fois inventé ou découvert par le
de son chef ? Si l’on reprend ces deux exemples, on voit sujet qui travaille. Ainsi, pour le clinicien, le travail
bien que toutes les dimensions du travail sont mesurées se définit-il comme ce que le sujet doit ajouter aux
différemment par l’évaluation selon l’approche mana- prescriptions pour pouvoir atteindre les objectifs
gériale du contrôle. On mesure souvent aujourd’hui les qui lui sont assignés. Ou encore ce qu’il doit ajouter
dimensions objectives (le nombre de cartes de crédit de lui-même pour faire face à ce qui ne fonctionne
vendues par le commis, le travail objectif de l’opérateur pas lorsqu’il s’en tient scrupuleusement à l’exécution
avec sa machine, qui évite d’interrompre la production) des prescriptions. (tejours, 2ll3, p. 1x)

Le contrPLe • 2tl

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Comment peut-on alors évaluer le travail, à partir de sont pas dans le réel du travail, révèle l’utilisation d’un
règles préétablies, s’il doit être chaque fois réinventé ? langage de gestionnaire, un langage d’expert et un lan-
tans cette approche selon laquelle a l’essentiel du tra- gage normé qui est souvent étranger à celui du travail-
vail ne se voit pas et ne s’observe pas b (tejours, 2ll3, leur, souvent subjectif et contextuel. L’employé n’est pas
p. 1r), sur quelle base peut-il alors être évalué ? S’il alors en mesure de faire valoir ce qu’il fait réellement, et
existe un écart entre le prescrit et le réel, pour com- l’évaluateur, ne connaissant pas son langage, ne peut
bler cet écart, le travail effectif, qui permet finalement apprécier le travail de l’employé à sa juste valeur.
que les choses avancent, se trouve parfois dans l’obli-
gation de contourner les règles. Il existe de nombreux
exemples dans la littérature qui montrent que le res-
pect strict des règles, comme une grève de zèle, conduit
Le paradoxe de l’évaluation : évaluer
l’organisation vers une paralysie. Alors comment le travail effectif par nature inédit,
évalue-t-on la performance individuelle à partir des
règles établies dans un contexte o le non-respect de imprévisible et à inventer.
celles-ci génère la performance ?
Un autre problème de méthode par rapport à l’éva-
luation est la question de langage. En effet, au cours de Les mots pour désigner, décrire, caractériser ces
l’évaluation, il s’agit de déterminer la performance de l’em- savoir-faire sont chroniquement déficitaires. tu fait
ployé à partir de la mobilisation du savoir-faire de ce der- de cette difficulté à sémiotiser une partie importante
nier. Un simple regard sur les outils d’évaluation, souvent des savoir-faire, l’évaluation du travail a toutes les
des questionnaires conçus par des personnes qui ne chances d’être lacunaire. o…p. Il est patent que cette

Jean-Yves appuie sur le klaxon et aperdoit Anton qui sort le rejoindre. l baisse le son
VÉCUES
HISTOIRES

de la radio pendant que son collègue ouvre la portière et monte sur le siège du passager.
q Tu es bien psle ce matin, s’étonne aean-cves.
q Ouais, répond Anton, j’ai mal dormi. C’est mon évaluation annuelle aujourd’hui.
q Tu ne devrais pas t’en faire avec da, l’encourage aean-cves, en s’insérant dans le flot
continu de la circulation.
q ae sais, mais je ne peux pas m’empêcher de trouver da ridicule. On évalue tout le monde
de la même manière, qu’importe notre fonction. l n’y a qu’un seul outil d’évaluation des
employés, quelle que soit son activité : un formulaire avec la description qualitative de la
tsche annuelle et les objectifs quantitatifs que chaque employé doit atteindre chaque année.
magine que moi, peu importe la tsche qu’on me donne, je la fasse de la même manière l
Si je faisais ma job aussi mal, on me congédierait.
aean-cves éclate de rire.
q ae suis d’accord avec toi. Quelquefois, j’ai l’impression que les ressources humaines
ne savent pas du tout ce qu’on fait réellement.
q Mon beau-frère travaille dans une banque. l m’a raconté qu’ils ont embauché des
consultants récemment qui se sont penchés sur l’évaluation des employés. ls ont proposé
d’adapter les formulaires d’évaluation localement en fonction de la région et par type de
clientèle desservie. bes gestionnaires ont compris que la banque servait plusieurs types
de clients qui présentaient des spécificités régionales très variées et que cela exigeait
des manières différentes d’aborder les clients et d’entretenir des relations. On ne peut
pas m’évaluer moi, un programmeur, de la même manière que le représentant. ja me
semble évident.
q Écoute, si les banques ont modifié leur outil d’évaluation, c’est parce que da doit
rapporter des bénéfices. Avec un peu de chance, d’ici quelques années, nos patrons
suivront leur exemple.
q Peut-être, mais en attendant, ce n’est pas da qui va m’aider à dormir.

240 • Chapitre O

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connaissance intime du travail, des objets techniques, d’accueil de la part des prestataires de services ou des
de la matière à travailler est très difficile à symboliser idées brevetées pour les chercheurs. Ces program-
et donc à mettre en mot. (tejours, 2ll3, p. 1s-22) meurs, ces développeurs de logiciels, de sites yeb
Ce qui est évalué n’est pas forcément ce que l’em- ou de jeux vidéo, ces consultants, ces prestataires de
ployé sait faire, et ce qu’il sait faire n’est pas nécessai- services et ces chercheurs composent souvent avec un
rement ce qu’il peut ou sait dire. encadrement moins contraignant et des organisations
plus a aplaties b. Ces nouvelles activités mobilisent
davantage la subjectivité humaine dans le cadre du
travail. Car ici, nous ne sommes plus dans le modèle
Les obstacles à l’évaluation : la difficulté de production traditionnelle sur une chajne de mon-
du langage et de l’explicitation, le risque tage o tout est pensé, réglé et organisé d’avance par
d’autres personnes que l’employé. tans les activités
d’absence d’intercompréhension (entre susmentionnées, c’est la créativité et la subjectivité des
individus autonomes qui sont mobilisées. Souvent, ces
employeur et employé).
personnes font appel à une logique de production très
personnelle, pour appréhender les choses qu’elles font
souvent pour la première fois. Il n’y a pas de cadre préé-
L’évaluation et la subjectivité humaine tabli. Or, le désir des organisations pour le contrôle et
Au-delà des questions de méthode, les critiques les plus la surveillance n’a pas diminué pour autant.
sévères à l’égard de la notion d’évaluation concernent
tans le passé, la logique hiérarchique et bureaucra-
l’évacuation de la subjectivité humaine. En effet, une
tique exigeait des employés leur soumission à la logique
littérature critique abondante traite cette dimension de
de la production. Les spécifications du cahier des
l’évaluation dans la mesure o cette dernière est placée
charges de production servaient d’étalon de contrôle
aujourd’hui au cœur même de la notion de travail. L’idéo-
pour valider l’efficacité de l’employé sur la chajne de
logie de l’évaluation ne se contente plus de s’occuper des
production. Avec les nouvelles idéologies du manage-
activités objectives et techniques comme dans le passé,
ment et le développement du travail intangible, c’est
mais elle s’immisce dans tous les aspects de la vie au
l’évaluation de résultats obtenus par les employés à tra-
travail, toutes les composantes d’un métier en les quan-
vers des chiffres et des statistiques de toutes sortes qui
tifiant à l’aide d’indicateurs chiffrés et standardisés. a La
joue ce rôle. Il y a au préalable l’établissement d’objectifs
conséquence anthropologique de ces méthodes dans
de production, de rentabilité et d’efficacité et, ensuite,
l’exécution du travail est d’écraser toujours plus la pensée
la mobilisation d’une panoplie d’instruments de mesure
et la subjectivité des travailleurs. b (Abelhauser et collab.,
qui fournit continuellement des informations sur la réa-
2l11, p. 3s) Il est classique, par exemple, qu’un employé
lisation de ces objectifs (voir le chapitre 2). L’évaluation
expérimenté qui fait très bien son travail soit pénalisé
des performances s’inscrit dans un tel contexte. Même
dans son évaluation individuelle, car en raison de son
s’il y a des tentatives, ici et là, de mieux adapter les ins-
expérience, il fait beaucoup de mentorat pour former les
truments d’évaluation à l’univers subjectif et relationnel
novices, pour aider, soutenir et encourager les jeunes
des individus dans l’organisation, par exemple, l’évalua-
employés, mais cette partie du travail ralentit sa propre
tion à 3cl (qui cherche à intégrer la multiévaluation,
productivité. Son évaluation annuelle, pseudo-objective,
notamment relationnelle), les évaluations de perfor-
par exemple le nombre de projets livrés ou les délais de
mance restent dans la quasi-totalité des cas quanti-
réalisation, donne des indicateurs faibles, car elle néglige
tatives et standardisées. L’idéologie de l’évaluation
cette partie subjective et collective de son travail.
justifie cela par l’objectivité et l’universalité des instru-
L’évaluation de l’intangible ments de mesure en évacuant la subjectivité humaine.
Les techniques d’évaluation se sont sophistiquées avec On prétend ainsi éviter l’approximation en s’appuyant
le temps et se sont adaptées à la réalité des organisa- sur une logique scientifique objective et généralisable.
tions d’aujourd’hui. Le travail traditionnel, dans le sec-
teur industriel, sur une chajne de production, a laissé
sa place dans les systèmes économiques actuels à un
travail plus mental produisant de l’intangible. Cette Peu importe le type d’évaluation, il est
production intangible peut être, par exemple, une impossible de mesurer la subjectivité
architecture logicielle et du code source dans l’univers
des développeurs informatiques, des renseignements du travail et la singularité humaine.
et du conseil de la part des consultants, une qualité

Le contrPLe • 241

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L’illusion de l’objectivité • dx considèrent que l’évaluation a crée des rivalités


Comme nous l’avons mentionné plus tôt, l’objectivité entre les salariés b.
des chiffres n’est qu’une illusion dans la mesure o ce tans cette étude, nous constatons que les salariés
qui est évalué ne correspond pas à la réalité complète du remarquent bien les effets pervers de l’évaluation et ils
travail. Ces instruments ne sont pas conçus pour abor- cernent très bien son impact négatif sur le travail et sur
der l’univers subjectif de l’individu et encore moins la le milieu du travail. Toutefois, ce qui est étrange, et cela
dimension effective du travail : a Il n’y a rien de mieux nous ramène à l’aveuglement idéologique d’Arendt, c’est
que les chiffres pour administrer et gouverner l’humain, que, dans la même étude, cs des personnes interrogées
administration morale et politique qui se masque autant souhaitent qu’au moins une partie de leur rémunération
que possible sous les traits neutres et pseudo-objectifs soit liée à l’évaluation des performances individuelles.
des statistiques ordinaires et des valeurs numériques. b Autrement dit, la conclusion de cette étude est que,
(Abelhauser et collab., 2l11, p. 51) Même s’il est facile malgré les critiques sévères et pertinentes à l’égard de
de montrer avec un peu de bon sens que cette logique l’évaluation des performances, les salariés en demandent
s’avère erronée, l’idéologie de l’évaluation ne s’arrête pas encore davantage. Ce phénomène ne se limite pas seule-
à ces objections. C’est dans le sens de Hannah Arendt ment aux salariés, car même les chercheurs, les consul-
que nous donnons à l’évaluation le statut d’une idéo- tants et de hauts gestionnaires sont en quelque sorte
logie : « Une idéologie est très littéralement ce que victimes de cette idéologie, et, malgré ses lacunes fonda-
son nom indique : elle est la logique d’une idée. » mentales, ils sont peu nombreux à la dénoncer.
(Arendt, 2ll2, p. r25) tans cette perspective, l’analyse Certaines pratiques managériales dans les organisa-
que Girardot fait de la relation entre l’idéologie et l’éva- tions illustrent l’absence de bon sens, de jugement et
luation du mérite est très pertinente. Selon lui, cette d’esprit critique dans les mesures imposées à la suite
logique imprègne l’ensemble de nos représenta- des évaluations des performances. Certaines sont anec-
tions, c’est-à-dire que notre rapport à la réalité est dotiques et amusantes, d’autres créent des dommages
biaisé par l’évidence que cette logique impose, et qui importants dans le milieu de vie au travail. Grwce à ses
est, en gros, que tout ce qui se produit dans la sphère recherches minutieuses, l’économiste Maya eeauvallet
humaine s’explique, et s’explique en tant que résultat nous montre des exemples de l’absurdité de ces mesures
proportionné à la qualité et la quantité de ce qui a sur le plan de l’évaluation de la performance :
été mis en œuvre : savoir-faire au sens large (qu’il ne Ainsi le joueur de football en O’erien, célébrité
nous choque pas désormais de décliner en savoir- des années 1srl, avait le défaut de rendre trop sou-
être) et effort pour l’engager (2l11, p. 25). vent la balle à l’adversaire. Son club, le Nev York Jets,
Comme c’est toujours le cas, l’emprise idéologique, ren- modifia alors son contrat de travail de manière à lier
forcée par les formations dans les écoles de gestion, les le montant de son salaire à un indicateur de passes
médias et la presse d’affaires, nous rend aveugles devant manquées et données à l’adversaire. Ses résultats
les signaux multiples de la réalité. Ce qui explique d’ail- s’améliorèrent rapidement : voilà qu’il ne passait plus
leurs la force de cette idéologie, dans la mesure o les la balle à personne pour ne pas risquer que l’ad-
versaire l’interceptwt. o…p ou celle de ces paléonto-
études montrent que les employés dénoncent les pra-
logues en Chine récompensés à chaque fois qu’ils
tiques d’évaluation, mais en même temps qu’ils sou-
dénichaient un os de dinosaure… qui en arrivaient à
haitent qu’il y ait un système d’évaluation dans leur
casser les os trouvés afin de multiplier les occasions
organisation. Une enquête menée par Methys Ifop
de récompense. (citée par fidaillet, 2l13, p. 3l)
(2l11) citée par fidaillet (2l13, p. 22-23) illustre bien la
situation paradoxale dans laquelle nous nous trouvons. L’élément le plus préoccupant dans l’évaluation, c’est
Sur 1 lll personnes interrogées : la négation de la subjectivité des individus. Cette néga-
tion entrajne aussi celle de la singularité humaine : ce que
• rs estiment que l’évaluation de la performance nous avons de singulier, ce qui fait de a moi b ce que a je b
individuelle a un impact négatif sur leur travail ; suis et la manière dont j’effectue mon travail. eien skr,
• r3 considèrent que l’évaluation de la performance la nature même du travail exige la collaboration, le lien
est a un moyen de contrôler l’action des salariés b ; avec les autres, mais on s’implique dans cette relation à
• r2 des salariés regrettent une évaluation trop partir de ce que nous sommes, nous n’abordons pas tous
quantitative au détriment du qualitatif ; le collectif de la même manière. C’est dans l’équilibre
• d5 des salariés affirment que l’évaluation de la entre la dimension subjective et la dimension collective
performance tient compte seulement des aspects du travail que la personne se réalise (s’épanouit, dit-on
financiers ; aujourd’hui). Toute démarche qui néglige cette évidence

242 • Chapitre O

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humaine va à contresens et génère des dégwts. L’éva meilleure rémunération pour les efforts fournis. Les
luation de la performance, à elle seule, néglige ces deux liens avec la notion d’évaluation des performances
dimensions. t’une part, à partir des outils standardisés, deviennent encore plus manifestes. Cette récompense
non contextuels et pseudo objectifs, l’évaluation n’arrive est proportionnelle à nos efforts, mesurés par des ins
pas à saisir la subjectivité singulière de l’humain au tra truments d’évaluation dans l’atteinte des objectifs de
vail. Elle l’ignore et réduit sa complexité aux indicateurs l’organisation. Considérer le mérite ainsi, c’est admettre
chiffrés qui ne dévoilent ni n’évaluent en rien ce qu’il est. que la valeur est toujours une affaire d’individu et éva
t’autre part, les instruments d’évaluation sont générale cuer, par la même occasion, la contribution collective.
ment conçus pour évaluer l’individu seul en dehors de On oublie dans cette logique que le travail créant de
son contexte collectif. Autrement dit, ces instruments la valeur ne peut aboutir que s’il est intégré dans une
encouragent un comportement individualiste dans la démarche collective. Le travail de chacun est considéré
mesure o la récompense est individuelle, o le collègue comme une fraction indépendante, niant l’interdépen
de travail devient un concurrent dans cette course à la dance des activités au sein d’une organisation.
reconnaissance. Comme si ce que nous obtenons, c’est ce La valeur de l’activité est ainsi dérobée à la plura
que nous méritons par nos efforts individuels. C’est lité, et les individus, via la sécheresse de la mesure, ne
ainsi que l’idéologie du mérite et l’idéologie de l’évalua sont plus renvoyés qu’à eux mêmes. Le mérite comme
tion se nourrissent et se justifient mutuellement. idéologie nous abstrait du monde en tant qu’habitat
humain commun : valeur d’une activité désincarnée
Le mérite et le collectif parce qu’abstraite de la pluralité, il est pensé comme
Tout comme le concept d’évaluation des performances, strictement individuel h fait privé de sens d’individus
le mérite a pris une place centrale dans les débats poli privés de monde. (Girardot, 2l11, p. 1l2)
tiques, économiques et sociaux. La promesse d’une
Cela pose un problème de sens et d’engagement. uuel
société juste ou d’une entreprise juste qui valorise l’éga
lité des chances se révèle fort séduisante. Le mérite sens accorder à mon action si elle ne s’intègre pas dans
est alors présenté comme le point ultime d’une justice une démarche collective ? uuel est mon rôle ? Concevoir
sociale et démocratique. Ce que nous pouvons obtenir l’organisation comme un lieu d’existence des individus
ne dépend que de nos efforts, et nous devenons ainsi le déconnectés les uns des autres ne laisse aucune place
seul responsable de notre succès ou de notre échec. La aux notions d’engagement, de projet commun, consi
méritocratie devient ainsi le système acclamé par tous. dérées pourtant aujourd’hui comme conditions indis
Contrairement à l’évaluation, la notion de mérite n’est pensables pour marier la prospérité et le bien être au
pas nouvelle, elle est associée depuis longtemps à des travail. L’idéologie de l’évaluation et du mérite renforce
valeurs morales, de vertus, d’efforts, de solidarité, etc. donc une conception très utilitariste de l’organisation et
Cependant, avec la nouvelle idéologie managériale, un du travail qui minimise la solidarité, la reconnaissance
glissement s’opère, et, peu à peu, le mérite est associé et la réalisation de soi au sein d’une collectivité.
à l’univers du travail, grâce
au succès et aux avantages
que ce dernier peut procu-
rer à l’individu méritant.
L’évaluation consacre une idéologie du mérite individuel.
Cette nouvelle conception du
mérite a pu réussir pour deux
raisons, à savoir Il faut pourtant insister sur le rôle positif ou négatif
la victoire des idéaux égalitaires, d’une part ; que la philosophie managériale peut jouer dans la moti
des changements dans l’organisation technique et vation des individus à partager leurs connaissances.
cognitive de la société, d’autre part. Il a fallu que le Comme nous l’avons vu plus tôt, selon tejours (1ss5),
savoir et la connaissance soient valorisés h et pas travailler, c’est combler l’écart entre le prescrit et le réel.
seulement pour des raisons contemplatives h et que C’est également interpréter, voire contourner, les règles
l’industrie et le travail deviennent des valeurs essen dans un contexte donné pour pouvoir avancer. Pour
tielles et payantes (Michaud, 2lls, p. 23). cela, l’employé fait appel à ses connaissances du métier,
Ce glissement est lourd de conséquences. à l’attachement qu’il a envers son travail, mais aussi
à la présence ou non d’une culture de collaboration
En effet, il y a un lien qui s’établit entre le mérite et
avec ses collègues. Pour faire face aux situations com
la valeur, dans le sens économique et financier. Ainsi,
plexes, il faut parfois la mobilisation collective. Or, si le
nous sommes récompensés individuellement par une
style du management en vigueur dans une entreprise

Le contrPLe • 24t

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exige le respect total des règles et sanctionne les com- bureaucratique, en évitant les écarts avec celles-ci
portements déviants, les employés sont moins portés au détriment, souvent involontaire, de la qualité du
à faire preuve d’initiatives individuelles et collectives. résultat de la production, ou en cachant les erreurs,
En revanche, quand la direction ne s’oppose pas à un pourtant inévitables dans la vie d’une organisation,
certain niveau de a tricherie b par rapport aux règles en voire en adoptant des comportements opportunistes
vigueur pour que les affaires marchent, les employés pour faire ce qui sera le plus favorable à son évalua-
sont encouragés à mobiliser tout leur savoir-faire pour tion individuelle. Cette pratique est courante dans les
régler les problèmes sans craindre les sanctions. entreprises ayant un style de management traditionnel
et autoritaire. Cependant, l’idéologie de l’évaluation
De l’évaluation totale à la totale absurdité est tellement puissante qu’elle a réussi à pénétrer aussi
La pratique de l’évaluation des performances indivi- dans les entreprises o les pratiques managériales sont
duelles s’impose aujourd’hui de façon très nette dans plus souples et qui, non seulement ne sanctionnent pas
les organisations comme la forme la plus répandue du les écarts avec les règles, mais les encouragent.
contrôle des personnes au travail. Ces pratiques sont
Un des anciens cadres de Microsoft, tavid Auerbach
justifiées à deux niveaux :
(2l13), porte un jugement sévère sur le système d’éva-
• à un premier niveau, pour évaluer la contribution de
luation de cette entreprise. Il affirme que :
chacun à la création de valeur au sein de l’organisation
Pendant mes cinq années là-bas, j’ai dk évaluer
et récompenser l’effort de chacun à sa juste valeur ;
mes subordonnés et être évalué par mes supérieurs
• à un second niveau, pour mesurer objectivement
selon un système nuisible à l’innovation, à l’intégrité
l’efficacité et le rendement individuel et collectif. et à la morale o…p. a Le stack rank b (le nom de leur
Tous les outils d’évaluation sont basés sur une système d’évaluation) était nocif. Il encourageait les
standardisation des pratiques afin de pouvoir établir salariés à ne pas rejoindre les groupes de qualité,
des objectifs quantifiables et des échelles de mesure car l’on devenait alors beaucoup plus susceptible
pour évaluer le rendement de l’employé. Ces outils se d’être mal classé lors de l’évaluation. Mieux valait
basent sur une description pseudo-objective du travail se retrouver dans un groupe faible o l’on pouvait
à partir des règles et des procédures. Autrement dit, faire la star sans trop d’efforts. Le plus souvent, cela
l’employé est évalué en fonction de sa conformité aux encourageait juste les gens à poignarder leurs collè-
règles de l’entreprise. Tout écart par rapport à ces der- gues dans le dos, puisque vous profitiez automati-
nières influencera l’évaluation de l’employé. quement du malheur des autres o…p. Lorsque j’étais
Pour éviter la mauvaise évaluation, l’employé chez Microsoft, la parano a était devenue la seule
cherche à se conformer aux règles, de façon façon de se comporter.

q Non ! affirme fermement Julie-Aude en insérant son tiroir contenant la monnaie


VÉCUES
HISTOIRES

dans la caisse enregistreuse.


Son patron semble déboussolé. l croyait faire plaisir à aulie-Aude en lui proposant de
former un nouvel employé, lui montrer qu’il respectait la qualité de son travail, mais elle
vient de refuser.
q Pourquoi l demande-t-il.
q l va me ralentir et faire tomber ma moyenne. Ma prochaine évaluation va s’en ressentir.
q ae vais bien sûr en tenir comptet
q kous m’avei dit la même chose quand j’ai gagné le concours, l’interrompt aulie-Aude butée.
Son patron l’avait laissée implanter sa proposition. l lui avait donné trois heures par semaine
pendant un mois. Mais il l’avait ensuite pénalisée lors de sa dernière évaluation, parce que le
temps passé sur son projet avait fortement diminué sa moyenne. ja lui était resté en travers
de la gorge. Elle s’est promis qu’elle ne se ferait plus prendre.
Elle retire la pancarte e Guichet suivant f et crie aux clients dans la file d’attente
du guichet voisin :
q keuillei passer icit

244 • Chapitre O

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La méfiance, la concurrence et
la rigidité que l’idéologie de l’éva-
luation instaure dans l’organisa- ces comportements dysfonctionnels comme le dèle
tion réduisent considérablement, bureaucratique, l’opportunisme ou la falsification
ou font disparajtre, la solidarité et
la convivialité nécessaire à la coB découlent d’une évaluation individualisée mal pensée.
opération évoquée par earnard
et tejours. On constate ainsi
une transformation profonde dans le rapport subjectif pratiques de gestion de connaissances et d’innovation
entre l’individu et son travail, entre l’individu et le col- qui font davantage appel aux savoirs tacites et aux sa-
lectif. Nous verrons dans le prochain chapitre que les voirs collectifs en souffrent beaucoup.

De l’inspection à la responsabilisation de tous


tans le triptyque du donner-recevoir-prendre, le nécessaires (dont la formation) pour se prendre en
management oublie donc le recevoir et, du même main. te plus, il faut garder à l’esprit que la rationalité
coup, se trouve moins contraint de rendre. Oublier limitée et le temps restreint des personnes en diverses
de manifester sa gratitude conduit en effet à considé- circonstances risquent d’atténuer sérieusement la por-
rer que l’on n’est pas redevable, puisque rien, presque tée d’un contrôle trop fonctionnel. Il est alors nécessaire
rien n’a été donné. Et celui qui a donné se sent alors de fixer des balises claires et surtout de faire en sorte
offensé, renié (Alter, 2lls, p. 1d5). que les employés comprennent bien ce qu’on attend
En définitive, on constate que le contrôle se présente d’eux pour favoriser leur autoresponsabilisation.
comme une fonction et surtout comme un ensemble Le contrôle devrait se fondre dans un état d’esprit
d’outils de gestion qui implique des interventions généralisé à toute l’organisation, o chacun veillerait
ciblées. Celles-ci visent à établir des normes de ren- à la qualité de ce qu’il fait et non à la seule qualité
dement en fonction des objectifs privilégiés aux dif- du produit que l’ouvrier fabrique. Le contrôle devient
férents niveaux de l’organisation, à concevoir des alors une ambiance organisationnelle, o les diri-
systèmes d’information permettant de mesurer l’ef- geants veilleraient aussi à la qualité des relations et
ficacité de celle-ci, à cerner les écarts et à en évaluer à l’éclosion de ce que beaucoup aujourd’hui dénom-
l’ampleur, de même qu’à adopter les mesures appro- ment le a sentiment de propriété b (amener, par des
priées afin d’utiliser les différentes ressources de la faits, chaque membre à se sentir partie prenante
manière la plus adéquate et la plus rentable possible. de l’entreprise et à agir de cette manière). C’est ce
La démarche rationnelle qui se dégage de cette défini- que les auteurs scandinaves de l’école suédoise o…p
tion ne devrait cependant pas nous laisser penser que appellent avoir des employés qui sont aussi des par-
le contrôle est strictement une affaire de surveillance ties intéressées (stakeholders) qui partagent, avec les
ou d’inspection. Elle devrait plutôt nous suggérer qu’il dirigeants, aussi bien les risques que les gains poten-
a pour fonction d’amener les employés comme les tiels. (Aktouf, 2llc, p. 152)
managers à intégrer volontairement, voire naturelle-
La direction devrait par conséquent se préoccuper
ment, les objectifs à différents niveaux de l’organisa-
de former et d’informer les personnes afin qu’elles
tion et à se responsabiliser pour que chacun, dans un
mènent dans les meilleures conditions possible les
climat de confiance et de compétence, devienne lui-
twches qui leur sont confiées. Là encore, il y a matière
même un agent de contrôle de son propre travail.
pour juger de la qualité du management en place.
C’est à la direction que revient la twche de trou- Gérer les savoirs individuels et collectifs, discerner
ver le juste équilibre entre l’autonomie accordée et la
ceux qui sont déterminants pour la pérennité de l’en-
contrainte, entre l’autocratie et la participation. Si le
treprise et prendre les mesures adéquates pour que les
contrôle est perçu comme une menace par rapport à
a meilleures pratiques b s’enracinent dans la mémoire
l’autonomie des personnes, les employés risquent fort
collective constituent à n’en pas douter d’autres défis
d’y opposer une résistance, et même de faire obstruc-
auxquels doit se consacrer la gouvernance. Cela passe
tion aux objectifs de l’organisation. i l’inverse, ces der-
par une philosophie du partage des connaissances,
niers se montreront disposés à accepter le contrôle s’ils
sur laquelle nous reviendrons dans le prochain cha-
sont informés correctement, mieux, s’ils participent à la
pitre de cet ouvrage.
conception des normes de contrôle et s’ils ont les outils

Le contrPLe • 24k

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PARTIE t

LES DÉBATS,
ENJEU ET
PERSPECTIVES

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« L’invention bouleverse à une vitesse croissante nos habitudes et nos conditions d’existence.
kinsi chacune appelle-t-elle une invention nouvelle. ml nous faut alors dépasser la conception
trop étroite de la prévision positiviste, qui se contentait de prolonger le passé dans l’avenir.
Demain ne sera pas comme hier. ml sera nouveau et dépendra de nous. ml est moins à découvrir
qu’à inventer. L’avenir de l’homme x y est à construire – par l’invention et par le travail. »
(werger, 1f64, p. 233)

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L
a vie d’une organisation a rarement n’est pas Eureva mais c’est drdle f. Au terme
le cours régulier d’une rivière tran- de notre examen des pratiques contemporaines
quille. e C’est vrai ? L’entreprise peut classiques de management, héritées du POCCC
mourir ? f Cette exclamation désar- de Fayol hvoir la partie 2i, il convient de s’éton-
mée d’un employé d’une grande ner et de s’interroger. En quoi ces pratiques
entreprise publique bien connue nous aident-elles à bztir un avenir ? Au-delà du
émise au cours d’un atelier stratégique de pros- contrdle formel, c’est une attitude prospective
pective peut sembler na ve. Pourtant, cette et responsable qui incombe au management
anecdote, que nous tenons d’un consultant spé- devant anticiper raisonnablement et humaine-
cialisé dans l’accompagnement du changement ment l’avenir d’une organisation.
en entreprise, marque une réalité économique
incontournable : toutes les organisations, quels Or, certaines prédictions de managers célèbres
que soient leur taille et leur statut buridique, nous font rétrospectivement sourire. Par exemple,
évoluent pour s’adapter à leur environnement, Darryl yanucv, le patron de la Twentieth Century
et parfois busqu’à réaliser des transformations Fox, prédisait en 1l4c un succès de six mois maxi-
radicales. mum à la télévision, pensant que le public allait
rapidement se lasser de regarder chaque soir,
Plus encore, dans notre monde hypermoderne passivement, un meuble en bois contreplaqué.
contemporain, confronté à l’hyperconsomma- La maison de disques Decca Corporation aurait
tion, l’hyperconcurrence, l’hypercompétitivité, bustifié son refus de signer un contrat avec les
l’hyperfinanciarisation et autres hyperréalités Beatles en 1lc2 par le fait qu’elle ne croyait pas
délétères, tout est changement et mouvement en l’avenir des groupes de guitaristes Heureuse-
hDéry, 2007i. L’entreprise peut facilement perdre ment, elle s’est rattrapée un an plus tard avec les
pied sous les séismes répétés des crises éco- Rolling Stones. Bref, nombreuses sont les prédic-
nomiques, financières, sociales, culturelles, tions des plus brillants gestionnaires, qui se sont
démographiques ou politiques qui secouent la avérées inexactes ou d’une myopie déconcer-
société. Comment repenser le management et tante. À l’inverse, IBM a su anticiper les évolutions
faire le travail de manager pour assurer un ave- de son secteur d’activité et muter, dans les années
nir humainement souhaitable ? 1ll0, d’une société fabricant des ordinateurs à
une compagnie de services de consultation en
Pour Hannah Arendt, l’étonnement est le système d’information. Elle a su innover à temps.
point de départ de la pensée. De mome, selon
la citation attribuée à Isaac Asimov, célèbre Que dire de l’invention de la presse à impri-
chimiste, enseignant et écrivain américain de mer à caractères mobiles que Gutenberg lègue à
science-fiction en son temps : e En science, la l’humanité au Ve siècle ? Elle n’est pas seulement
phrase la plus excitante que l’on peut entendre, une innovation technique qui a progressé avec
celle qui annonce de nouvelles découvertes, ce le temps de la presse mécanique à l’impression

24s

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numérique, elle a transformé le rapport au savoir Or, comme le dit le proverbe chinois : e Si nous
et la possibilité de le diffuser au sein d’une société. avons chacun un obbet et que nous les échan-
Elle a soutenu les grands mouvements intellec- geons, nous avons chacun un obbet. Si nous avons
tuels de la Renaissance et du siècle des Lumières chacun une idée et que nous les échangeons,
en Europe et sur le nouveau continent. De mome, nous avons chacun deux idées. f Dans cette der-
que serait-il advenu de millions d’enfants si Jonas nière partie, nous nous proposons d’échanger et
Salv avait breveté le vaccin contre la poliomyélite de mettre en débat quelques idées sur la fanon
qu’il a découvert en 1lk4 ? Renonnant à des pro- dont nous concevons qu’il est possible de renou-
fits de plusieurs milliards de dollars, Dr Salv a pré- veler les pratiques d’une organisation créatrice
féré rendre son innovation médicale disponible au hvoir le chapitre 1 i et de repenser un manage-
plus grand nombre à une époque oq la maladie ment réhumanisé hvoir le chapitre 11i pour faire
frappait partout dans le monde. Il a ainsi rendu face aux défis et aux inbonctions contemporaines
possible une campagne mondiale d’éradication à la croissance et à l’innovation. Au bout du
de cette maladie meurtrière. L’innovation est donc compte, elles exigent de nous pencher sur notre
porteuse de conséquences mabeures, positives conception de l’humain au travail, ainsi que sur
comme négatives. Elle exige réflexion éthique et notre rapport à la collectivité, à la richesse et à
responsabilité de la part de ses managers. la nature.

• 24l

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CHAPITRE

10 RENOUVELER
LE MANAGEMENT
[ue sera cette innovation UNE TENTATIVE DE DÉPASSEMENT DU MANAGEMENT CLASSIQUE
i’avènement d’Internet au tournant du uue siècle a changé bien des fa ons
une nouveauté éventuelleT
de faire dans les organisations, créé de nouvelles industries et en a
ment toute temporaire radicalement transformé d’autres. Qui aurait ainsi pu prédire la quasi-
et Muneste une clientèle disparition de Polaroid, de uerox et, plus récemment encore, de Novia
Minalement su NuguéeI ou de hlacvherry alors qu’ils étaient les pionniers dans leurs domaines ?
ou une nouveauté propice Il y a dans la marche du monde économique une réalité inéluctable :
des innovations de tout ordre en remplacent régulièrement d’autres
l’augmentation dura le
avec des conséquences socioéconomiques variables. En effet, que
du produit réel glo al serait notre société sans l’école obligatoire, son système de santé public,
mis la disposition de sa justice médiatrice, ses habitations à loyer modéré, ses banques
la collectivité coopératives et ses entreprises d’assurance mutualisées ? Ces innovations
qui transforment notre monde ne sont pas que d’ordre économique.
(Perroux, 1f64, p. 4d4)
Elles participent d’un équilibre sociétal. Il nous faut donc « refaire » le
management, c’est-à-dire le réhumaniser et renouveler ses pratiques
dans le contexte économique contemporain à la lumière de ce qu’est
l’innovation dans son sens à la fois économique et social aujourd’hui.

10.1 L’inéluctable travail d’innovation


Si l’innovation est la transformation économi­ d’en tirer le bénéfice attendu b (2l1l, p. 2xl-2x1). Ajou-
quement et socialement réussie d’une invention, tons que la valeur de ces idées nouvelles renvoie selon
elle repose d’abord et avant tout sur la créativité nous à la valeur durable au sens de valeur à la fois
humaine. Ainsi, selon Carrier et Gélinas, en amont économique, sociale et écologique. Il nous faut donc
de l’innovation et de l’invention, a la créativité est réfléchir aux conditions managériales qui font d’une
requise pour permettre à l’organisation de capter et entreprise une organisation créatrice (voir l’eng
d’articuler des idées nouvelles ayant de la valeur, alors cadré 10.1) responsable, alerte et anticipatrice.
que le champ de l’innovation est celui de
capturer les bénéfices de ces idées. Pour ce
faire, le processus d’innovation aura donc
besoin de créativité, non seulement pour Le travail d’innovation requiert une attitude
créer une idée initiale, mais aussi tout au long
prospective et une organisation créatrice.
de la démarche d’innovation pour être capable

2k0 • Chapitre 1Q

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C’est à ces réalités managériales et à leurs impacts examen des conditions managériales de l’organisa-
que ce chapitre est consacré en trois temps articulés tion créatrice et d’un regard humanisé sur le mana-
autour d’une définition de ce qu’est l’innovation, d’un gement des idées et des connaissances.

ENCADRÉ 1c.1 CRÉATRICE OU CRÉATIVE k


Nous préférons utiliser le terme ok e siècle, de la création humaine, Nous employons donc délibérément
d’organisation e créatrice f plutôt c’est-à-dire d’une ingéniosité à le terme e créatrice f pour qualifier
que e créative f. En effet, la créati- l’œuvre, du pouvoir d’un e créa- une organisation qui a à cœur de
vité renvoie souvent, en frandais, en teur f à d’une personne (ou d’une renouveler ses pratiques de mana-
contexte d’entreprise, au sens domi- communauté) qui invente à, de gement et de mettre en place des
nant et plutôt technique d’une sorte créer, d’imaginer et d’engendrer conditions propices à la création, et
de e productividée f, c’est-à-dire une quelque chose de nouveau qui ainsi marquer notre conception de
productivité des personnes à géné- témoigne d’une humanité et perpé- la créativité comme aptitude à la
rer des idées au service d’un progrès. tue le monde humain (voir le cha- création humaine. Si nous utili-
Cela, sans doute, par association à pitre 4). b’anglais propose ainsi au sons aussi dans la suite du chapitre
son sens attesté en linguistique moins deux termes pour la créati- le terme e créatif f, c’est pour ne
(créativité lexicale) et à la technique vité : creativeness (créativité linguis- pas dérouter le lecteur là oh l’adjec-
du remue-méninges (brainstorming) tique) et creativity (à la fois élan tif est d’usage courant. l faut
inventée par le célèbre publicitaire créatif et ingéniosité), et l’allemand, cependant le lire dans l’esprit de
Alex Osborn en 1px0. b’idée véhi- plusieurs : kreativität (bonnes idées), cette conception humaine, par ail-
culée par l’adjectif e créatrice f est schaffenskraft (pouvoir créatif, éner- leurs propre à l’idée du travail vivant
davantage celle, plus ancienne, que gie, orientation créative), vorstel- et créatif de Dejours (2015).
nous empruntons à koltaire au lungskraft (imagination, fantaisie), etc.

10.2 La dualité de l’innovation


t’hier à aujourd’hui, l’appel à l’innovation est devenu sociale (Alter, 2lll ; Cros, 2ll2), puisqu’elle touche à
un leitmotiv. L’innovation est l’une des premières la remise en cause de normes ou de règles établies par
valeurs prônées par les dirigeants pour garantir le l’entremise, entre autres, de nouvelles technologies ou
succès de l’entreprise dans la société contemporaine. de nouveaux produits. Par contre, elle n’est pas néces-
Aux dires des milieux d’affaires, l’attitude prospective sairement perçue comme une source de progrès. Les
et la démarche stratégique doivent orienter l’entreprise choix qu’impose l’innovation sont parfois difficiles et
pour innover dans un monde changeant à un rythme engagent des considérations aussi bien économiques
accéléré. En bref, l’innovation semble inéluctable. Mais que sociales, techniques ou éthiques. Par exemple,
en quoi consiste-t-elle ? dans un hôpital, faut-il prioriser l’achat de nouveaux
équipements de tomodensitométrie ou embaucher
plus d’infirmières pour améliorer les soins et les adap-
ter aux usagers vieillissants du système de santé ? Et
L’innovation est duale : progrès techno- en quoi les produits financiers dérivés échangés sur
économique versus progrès social. les marchés spéculatifs sont-ils une innovation sou-
haitable ou une source de progrès ? L’innovation pose
évidemment la question de sa finalité et de la nature
de la valeur créée par son introduction dans la société.
Le terme a innovation b est très ancien, et sa percep-
Il y a là de quoi diviser depuis toujours les tenants du
tion, à travers les époques, est empreinte de dualité.
progrès techno-économique et les gardiens d’un cer-
L’innovation reste en effet une notion éminemment
tain ordre social (voir l’encadré 10.2, page suivante).

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ENCADRÉ 1c.2 DES DÉFINITIONS HISTORIQUES DE L’INNOVATION


ET DU PROGRÈS
l est intéressant de décoder, dans depuis l’Antiquité. ba représentation progrès moral, en particulier devant
les définitions de l’innovation parues du monde que se faisaient les Grecs les effets dévastateurs des techniques
dans le premier dictionnaire ency anciens était celle d’un monde stable, militaires mises au point durant la
clopédique à la fin du ok e siècle et l’évolution y était synonyme de guerre du Péloponnèse entre Athènes
(Furetière, 16p0, p. 1102), la conno décadence par rapport à un sge d’or et Sparte. Saint Augustin (1u1u),
tation négative du terme : décrit par vésiode au k e siècle av. évêque d’vippone de 3p0 à sa mort
a. C. En effet, selon l’œuvre d’vésiode en x30, considère pour sa part que
nnovation : e Changement d’une cou
intitulée Les travaux et les jours, au le progrès résulte de la capacité de
tume, d’une chose établie depuis
premier sge de l’humanité, hommes s’orienter vers le bien et de donner un
longtemps. En bonne politique, toutes
et dieux vivaient en parfaite harmonie sens à l’vistoire (et à ses désastres).
les innovations sont dangereuses. bes
dans une nature généreuse. ba curio l consiste en une croissance spiri
innovations en matière de religion
sité humaine, la quête des connais tuelle, par essence harmonieuse, de
aboutissent à des schismes, à des
sances, qu’incarne Prométhée, le l’humanité, donc de la personne et
guerres civiles. f
Titan qui vola le secret du feu pour le de la collectivité. Cette ambivalence
nnover : e Changer une chose déjà donner aux hommes, était controver à propos du progrès figure dans de
établie pour lui en substituer une sée. Thucydide, l’historien de la Grèce nombreux écrits philosophiques.
nouvelle. Pour vivre en paix, il ne faut classique, observe au contraire au Au ooe siècle, par exemple, le philo
rien innover, ni dans l’État, ni dans la ke siècle av. a. C. que le progrès tech sophe vans aonas, dans Le principe
Religion. Quand il y a des défenses nique est devenu une source d’évolu responsabilité (1ppp), utilise la méta
de passer outre en une affaire, il ne tion continue de la société, qui s’en phore du mythe de Prométhée pour
faut rien innover pendant le procès. f émerveille. Un renversement s’opère évoquer les risques inconsidérés qui
ainsi dans la perception du progrès peuvent être liés aux conséquences
Ces définitions reflètent le débat fon
technique, et ce sont les sges anciens de certains comportements humains,
damental, et ce, depuis l’Antiquité,
qui sont alors perdus comme étant et surtout de certains choix techni
qui a cours entre progrès technique et
noirs ou barbares. Mais Thucydide ques sur l’équilibre écologique, social
progrès moral (voir le chapitre 11). ba
est sceptique quant à l’existence d’un et économique de la planète.
perception du progrès aurait changé

10.3 La finalité de l’innovation


eien des auteurs, de toutes les disciplines des sciences Plihon, 2ll3), le capitalisme est un système qui se
humaines, se sont penchés sur le phénomène de l’in- transforme constamment par le truchement de longs
novation. Il existe deux grandes conceptions de la cycles. Le fondement et le ressort de sa dynamique sont
finalité de l’innovation : une conception plus écono- l’innovation et les mutations technologiques. Ainsi, des
mique et commerciale, celle de la dynamique du phases de croissance économique résultent de l’appa-
capitalisme de Schumpeter, et une conception plus rition périodique d’innovations technologiques fon-
axée sur l’humain, celle de l’innovation sociale. Nous damentales, comme l’illustre la figure 1l.1. Celles-ci
les expliquons ci-après. engendrent des gains de productivité importants pour
les entreprises et des produits inédits propices à l’éta-
blissement de nouveaux pouvoirs de marché dans un
La dynamique du capitalisme univers de concurrence imparfaite. Lorsque le potentiel
Selon certains, l’innovation n’a rien d’un phénomène de développement de ces innovations technologiques
nouveau. C’est même le moteur du système capitaliste s’émousse, une période de crise s’installe et dure
selon l’économiste hétérodoxe Joseph Schumpeter. jusqu’à ce que d’autres innovations prennent le relais
tans la perspective schumpétérienne (Foray, 2lll ; en vertu d’un phénomène de a destruction créatriceb.

2k2 • Chapitre 1Q

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FIGURE 1c.1 Les innovations technologiques et les longs cycles du capitalisme

1815 1875 1920 1965 2040

Machine bhemin Électricité Pétrole Tkb


à vapeur de fer bhimie Plastique Biotechnologies
Métier bharbon Moteur à Moteur oouveaux
à tisser Métaux explosion électrique matériaux

1760 1850 1890 1944 1990

1re révolution industrielle 2e révolution industrielle 3e révolution industrielle


ource : Plihon, 2003, p. e.

Cette dynamique de renouvellement serait liée, selon Invention versus innovation


Schumpeter (1s3s, 1sx2), à l’existence d’un groupe Les idées novatrices ne se transforment pas toutes non
social singulier : les entrepreneurs. Poussés, entre plus en un succès commercial. On doit à Schumpeter
autres, par la recherche du profit ou, plus encore, la définition de l’innovation comme première intro-
par une volonté de puissance dans une société très duction commercialement réussie d’une invention
inégalitaire entre propriétaires des capitaux et salariés, (nouveau produit, nouveau procédé ou nouveau sys-
ces entrepreneurs capitalistes introduiraient sans tème) ainsi que la distinction entre a innovation b et
cesse de nouvelles techniques (ou produits) plus a invention b. Au sens économique ici, l’innovation est
performantes sur le marché et dans la société. Par en quelque sorte la mise en application fructueuse, la
contre, Schumpeter diagnostique la fin du capitalisme sanction positive ou encore le jugement approbateur
dès lors que les bureaucrates prennent la place de l’utilisateur d’un nouveau concept, d’une décou-
des entrepreneurs. verte ou d’une invention.
Destruction ou évolution créatrice m uuant à l’invention, elle consiste en une idée, un
tepuis le gIge siècle, cette théorie de l’innovation projet, un plan, un prototype, un pilote plus ou moins
comme mouvement périodique de renouvellement de fiable techniquement et pensé comme une solution
la croissance économique s’est imposée chez les potentiellement utile ; bref, l’invention, a c’est tout ce
économistes, les sociologues et les gestionnaires de qui précède la première et incertaine rencontre avec le
l’innovation. Elle reste néanmoins controversée : par client et le jugement qu’il rendra b (Akrich, Callon et
exemple, la figure de l’entrepreneur fait l’objet d’un Latour, 1srr, p. x). Néanmoins, les inventions, bien
débat dans la mesure o , en pratique, a l’entrepreneur b que leur développement soit une source de cokts, ne sont
se lance rarement seul en affaires. te plus, de nom- pas forcément mises en marché, et l’histoire fourmille
breuses entreprises qui existaient à l’époque de d’exemples d’inventions dans le monde entier qui
Schumpeter et avant, ne serait-ce qu’en Autriche, son n’ont pas dépassé le stade du laboratoire ou du garage
pays d’origine , comme mead, TM ou Svarovski, de l’inventeur (eaumol, 2ll2). tans la perspective
ont résisté aux vagues technologiques et perdurent capitaliste schumpétérienne, o ce sont les change-
aujourd’hui. Certaines industries bénéficient même ments technologiques qui modifient principalement la
de l’incorporation de nouvelles vagues d’innovation. structure et la croissance de l’économie (Scherer, 1sss),
Ainsi, monda a ajouté aux motocyclettes, au fil de il n’y a de création de valeur dans l’activité de création
l’invention de moteurs variés, un portefeuille d’acti- technologique que s’il y a une innovation permanente,
vités allant de petits équipements motorisés (ton- c’est-à-dire une transformation économique soute-
deuses, tracteurs, groupes électrogènes, etc.) aux nue de l’invention (voir eaumol, 2ll2 ; Scherer, 1sss,
automobiles et maintenant aux avions. ainsi que les théoriciens évolutionnistes des capacités

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dynamiques, notamment tosi, 1sr2 ; Nelson et yinter, scientifique est souvent le résultat d’une recherche uni-
1sr2 ; Utterback et Suarez, 1ss3). Évidemment, cer- versitaire financée par les fonds publics (Niosi, 2lll), les
taines inventions, comme le vaccin contre la polio évo- connaissances produites étant disponibles pour alimen-
qué en introduction de la troisième partie de cet ter des innovations potentielles. Il existe ainsi un lien
ouvrage, entrent difficilement dans cette catégorisation important entre le progrès technologique et le soutien
à moins de considérer aussi la transformation sociale- public de la production de connaissances scientifiques.
ment réussie de l’invention (voir la page 256).

Le système d’innovation
tans la perspective économique, l’innovation Il existe deux conceptions de l’innovation :
représente souvent l’articulation de deux uni- une conception économiquencommerciale
vers technique et socioéconomique, à savoir
(voir la figure 10.2) : et une conception axée sur l’humainnsociale.
Celui de la découverte, qui se caractérise
par une certaine indépendance vis-à-vis des
contraintes externes, et celui de la logique de marché En effet, le processus d’innovation qui conduit de
et ou d’usage social, qui représente le moyen de tirer l’invention au succès commercial d’un produit ou
profit de ces inventions. L’inventeur ou le concepteur d’un procédé n’est pas linéaire, et loin de là. Il sup-
(d’un objet ou d’une organisation) peuvent être des pose le passage par une série d’étapes, parfois à plu-
génies dénués de sens pratique, mais pas l’innovateur, sieurs reprises et avec nombre d’allers-retours, entre
qui se charge de trouver un marché ou un usage à ces la recherche d’idées nouvelles, la transformation des
découvertes. Cette articulation est souvent lente, semée idées en concepts et en projets, le développement
d’embkches et parfois erratique. (Alter, 2lll, p. r-s) technique et l’expérimentation de prototypes, le test,
Selon tosi, Llerena et Labini (2llc), depuis la révolu- la démonstration et le lancement de prototype, puis la
tion industrielle, la contribution relative de la science à la diffusion commerciale et sociale. Ce processus mobilise
technologie a augmenté, son impact devenant de plus en non seulement l’entreprise, mais toute une série de par-
plus saisissant. La capacité d’innover, guidée par la pers- ties prenantes des univers techno-scientifiques (parte-
pective économique de créer de la valeur, a été renforcée naires de recherche et développement on-tp, centres
par la richesse de la base de connaissances scientifiques de recherche publics, etc.) et commerciaux (fournis-
à laquelle les innovations viennent puiser (Mokyr, 2ll2 ; seurs, clients, etc.) au sein de ce que l’on appelle des
Movery et Nelson, 1sss ; Nelson, 2llx). Or, cette base systèmes d’innovation (voir l’encadré 10.3).

FIGURE 1c.2 Les deux univers de l’innovation

Univers technique

cécouverte : production
Univers socioéconomique
de connaissances scientifiques
et de techniques nouvelles
Innovation Utilisationnconsommation :
R-c : activités orientées de (usages/marchés) : fapon dont
recherche et développement les usagers (consommateurs)
privées, semi-privées ou publiques bénéficient des inventions
Invention : production d’une
idée/solution potentiellement utile

2k4 • Chapitre 1Q

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ENCADRÉ 1c.3 LES NOTIONS DE MILIEU ET DE SYSTÈME D’INNOVATION


bes innovations en général peuvent de l’innovation et les crédits fiscaux Ces interactions, qui peuvent être
émerger d’un ensemble de res- pour l’embauche de chercheurs. de nature technique, commerciale,
sources, de liens et de flux territo- juridique, sociale ou financière,
Un système national d’innova-
rialisés oh s’opèrent la création et visent le développement, la protec-
tion (SN ) est un espace qui influe, à
le partage des connaissances, ainsi tion, le financement ou la régle-
l’échelle nationale, sur l’orientation
que des apprentissages que faci- mentation des processus de
et la rapidité de l’innovation. C’est
litent les interactions entre acteurs. production et d’utilisation des nou-
e un réseau d’institutions des sec-
Ces interactions se font à l’intérieur veautés scientifiques et technolo-
teurs public et privé, dont les activi-
de réseaux de personnes (cher- giques (Niosi, Saviotti, Bellon et
tés et actions consistent à découvrir,
cheurs, entrepreneurs, employés, Croz, 1pp3).
à importer, à modifier et à diffuser
etc.) ou d’établissements (éducation,
de nouvelles technologies f (Orga- Ce système se décline à plusieurs
recherche, etc.) ayant un intérêt
nisation de coopération et de déve- échelles géographiques (nationale,
commun. Elles sont favorisées par
loppement économiques OCDE , régionale, locale) ou sectorielles (par
l’existence de proximités entre les
1ppx, p. 3). be SN englobe les interac- exemple, l’aéronautique, la biophar-
membres de ces réseaux et par des
tions entre les divers intervenants maceutique, les télécommunica-
ressources tangibles et intangibles
(les entreprises privées et publiques, tions au Canada) et comprend un
particulières telles que la disponibilité
les universités et les laboratoires de ensemble d’éléments (Niosi, 2000 g
du financement, des bstiments, des
recherche gouvernementaux) situés Niosi et âhegu, 2005). Ces éléments
infrastructures, du personnel qua-
à l’intérieur des frontières d’un pays. sont illustrés dans la figure ci-dessous.
lifié, les politiques de subventions

FIGURE Les trois sphères du système régional d’innovation (SRI)

ENVIRONNEMENT kLOBAL
Base scientifique Environnement
de recherche législatif,
réglementaire
ENVIRONNEMENT IMMgcIAT et fiscal
Réseaux et collaborations d’entreprises

ENTREPRISE INNOVANTE
Recherche et développement
Sociétés de
Relations avec Acquisition de technologies
financement
les universités Personnel scientifique et de capital
et collèges et technique de risque
bommercialisation
et exportations

Relations avec les organismes


gouvernementaux ou Culture
Ressources à but non lucratif scientifique
humaines
et technique
et formation
ource : houvernement du Québec, 2003, p. 4.

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Steevy, fébrile, suit la réceptionniste qui le guide jusqu’au bureau de aolaine Rolant.
VÉCUES
HISTOIRES
Elle frappe à la porte, mais n’attend pas la réponse avant d’ouvrir. Elle s’efface pour le laisser
passer dans le bureau décoré avec goût de la société de capital de risque. aolaine a son visage
des réponses négatives.
q ae suis désolée, Steevy, mais on n’a pas réussi à te boucler le financement, lui annonce
sobrement aolaine.
Steevy est dédu, mais il est décidé à ne pas se laisser abattre.
q l y a toutefois une dernière carte à jouer, continue aolaine. Connais-tu le sociofinancement l
q Euh, j’en ai entendu parler, mais voilà toute l’étendue de mes connaissances à ce sujet.
q Eh bien, comme tu dois déjà le savoir, le concept consiste à utiliser le grand public pour
financer des projets. l y a plusieurs plateformes qui se basent en général sur quatre modèles.
be modèle de récompense, le modèle de don, le modèle de prêt et le modèle d’investissement.
Avec ton projet, je crois qu’il serait préférable de démarrer une campagne sur une plateforme
de modèle d’investissement oh les contributeurs potentiels recevraient une part des actions
ou des obligations de ton entreprise. Qu’est-ce que tu en penses l
q C’est intéressant.
q Un de mes collaborateurs donne justement une formation la semaine prochaine
sur le sujet, je vais demander à ma secrétaire de t’envoyer les renseignements.
Elle se lève et lui tend la main pour lui signifier que l’entretien est terminé. l se lève
à son tour et lui serre vigoureusement la main.
q Ne te décourage pas, Steevy. Continue à croire à ton projet. Ton idée est bonne,
quelquefois, il ne s’agit que d’attendre le bon moment.
q Merci, madame Rolant.

Le courant de l’innovation sociale monde, et à l’idée de mobiliser, pour ce faire, l’intel-


ligence collective dans l’entreprise et hors de celle-ci.
t’aucuns ont peut-être rencontré deux termes plus
Si cette innovation a managériale b se limite à l’utili-
récents dans le champ de l’innovation : ceux d’inno-
sation d’outils à la mode du moment (voir le chapitre 9)
vation managériale et d’innovation sociale. uue
à la solde d’un capitalisme spéculatif exacerbé (voir
signifient-ils ? Selon l’enquête IiM CEd Study menée
les chapitres 4 et 5), elle n’est qu’un instrument de plus
en 2l1l, près de r dirigeants dans le monde sur 1l
dans la bojte à outils gestionnaire pour assujettir l’hu-
(ds ) reconnaissent qu’ils feront face durant les cinq
main à des finalités économiques. i l’extrême inverse,
prochaines années à une complexité croissante liée en
si elle est pensée comme une intervention visant à
particulier à la mondialisation et aux développements
améliorer la performance durable de l’organisation
technologiques comme la numérisation et la connecti-
au service du développement à la fois économique,
vité (IeM, 2l1l). Plus de la moitié (51 ) ne se sentent
humain et social, elle peut participer de l’innovation
pas prêts à l’affronter. Selon cette même étude, les
sociale. Cette dernière est définie comme suit par le
entreprises qui parviennent à s’en sortir sont celles
Centre de recherche québécois sur les innovations
qui font appel à un a leadership créatif b, c’est-à-dire à
sociales (CnISES) dans son rapport annuel 2ll3-2llx :
des dirigeants créatifs, inventifs dans leur conception
même de l’entreprise, de son marché et de son modèle Une innovation sociale est une intervention initiée
par des acteurs sociaux pour répondre à une aspira-
d’affaires et qui renouvellent leur manière d’appré-
tion, subvenir à un besoin, apporter une solution ou
hender la coopération dans l’entreprise et à l’extérieur
profiter d’une opportunité d’action afin de modifier
d’elle. eref, des dirigeants qui remettent en cause les
des relations sociales, de transformer un cadre d’action
pratiques mêmes de management. t’o le terme d’in-
ou de proposer de nouvelles orientations culturelles.
novation a managériale b. Au fond, cette expression
renvoie à la volonté contemporaine de réinventer En se combinant, les innovations peuvent avoir à
long terme une efficacité sociale qui dépasse le cadre
le management pour faire face à la complexité du
du projet initial (entreprises, associations, etc.) et

2kc • Chapitre 1Q

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représenter un enjeu qui questionne les grands équi- services qui apportent des réponses innovantes à des
libres sociétaux. Elles deviennent alors une source besoins à caractère social comme les réseaux sociaux,
de transformations sociales et peuvent contribuer les plateformes de contribution et de partage en
à l’émergence de nouveaux modèles de développe- ligne, les communautés entrepreneuriales financées
ment. (CnISES, 2llx, p. 3) par les entreprises privées ou les espaces de travail
tès lors, les innovations actuelles comme les coopé- collaboratifs.
ratives de solidarité, les carrefours jeunesse-emploi, le Selon cette perspective axée sur les besoins socié-
mouvement pour une agriculture de proximité soute- taux, l’innovation recouvre un périmètre beaucoup
nue par la communauté, les banques alimentaires ou plus large que celui de la seule commercialisation d’un
les licences informatiques libres sont autant d’exemples produit ou d’un service sur un marché économique
de nouvelles organisations relevant de l’innovation par une entreprise. Aussi, dans ce chapitre, nous définis-
sociale. Le mouvement coopératif tesjardins à sa sons l’innovation comme étant, pour toute organi-
création et l’assurance maladie au uuébec ont été des sation, le processus de création, d’invention et
innovations sociales majeures dans la province. Cer- d’exploitation d’idées nouvelles par et pour les êtres
taines entreprises, sans être classées comme relevant humains dans toutes les sphères de leur existence.
de l’innovation sociale (au sens strict du CnISES), uuel lien peut-on maintenant établir entre innova-
mettent également en marché des produits ou des tion, performance et pérennité de l’organisation ?

10.4 Le lien entre innovation et performance


Selon certains théoriciens de la stratégie, la qualité Dans la société contemporaine, la capacité d’innova-
des produits ou des services et la majtrise des cokts tion et la capacité de création de connaissances feraient
ne seraient plus des atouts suffisants pour affronter la donc partie des déterminants clés de la compétitivité
concurrence (Loilier et Tellier, 1sss) dans nos sociétés et de la pérennité des entreprises. L’innovation, en
marquées par l’hypercompétition (t’Aveni, 1ssx). particulier, serait la seule compétence distinctive, au
Selon eux, nous vivons aujourd’hui dans des environ- sens o l’entendent Prahalad et mamel (1ssl), per-
nements techno-économiques turbulents et dyna- mettant de s’affranchir des barrières imposées par
miques o les marchés évoluent à un rythme accéléré. les concurrents et de conserver ou de créer des avan-
Pour y survivre, il s’agit moins de se battre sur des tages concurrentiels dans des marchés sans cesse
marchés existants que de repérer des espaces en- renouvelés (Porter et Stern, 2ll1).
core vierges de compétition (les espaces blancs de Évidemment, ce raisonnement stratégique est partiel
Johnson, 2l1l) ou d’inventer constamment de nouveaux si l’on exclut de la réflexion les impacts économiques,
marchés (l’océan bleu de im et Mauborgne, 2ll5). sociaux et écologiques de ces innova-
tions à l’échelle sociétale et planétaire. Par
exemple, nul ne peut se réjouir de la bonne
L’innovation est un moteur de pérennisation santé des industries de la construction et du
béton quand le sable, troisième ressource
de l’organisation et de développement sociétal. naturelle la plus utilisée après l’air et l’eau,
se raréfie à une vitesse infernale. Ni de
posséder un gadget technologique fabriqué
La a création de valeur b sans cesse renouvelée pour le aux dépens d’une main-d’œuvre dont les conditions de
client comme pour les parties prenantes semble une travail sont déplorables, exploitée à bas prix dans diffé-
nécessité. Selon im et Mauborgne (2ll5) : a Si vous rents pays de monde. Ni d’accéder à un produit dernier
offrez au client de la valeur considérablement amé- cri s’il a contraint à l’épuisement ceux qui l’ont fabriqué
liorée, si vous créez un ensemble de valeurs d’usage sous pression sans que ce rythme soit justifié. En effet,
complètement inédit pour donner naissance à de nou- toute innovation technologique récente n’est pas forcé-
veaux marchés, alors la concurrence devient obsolète. ment utile économiquement et socialement.
Au lieu de jouer sur le même terrain, vous en avez créé i l’échelle humaine, il faut donc penser le lien entre
un autre. b (cité par eardin, 2llc, p. 1d5) innovation et performance au niveau organisationnel

RenouveReR Re manaBement • 2k7

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et au niveau sociétal (voir la figure 10.3). Il est généra- processus de création et de partage des connaissances,
lement admis que l’organisation, en valorisant toute l’organisation innovante se doit d’entretenir une capa-
forme d’innovation (dans les technologies, les pro- cité créatrice et une cohésion interne pour pérenniser
duits, les modes de commercialisation, les processus son capital intellectuel. Au niveau organisationnel,
organisationnels, la stratégie, le management, etc.) est elle participe ainsi, par l’innovation managériale, d’un
à même de maintenir, voire d’améliorer la structure de progrès technique (production de connaissances et de
ses cokts relatifs ou la qualité relative de son offre. Elle capacités) et aussi d’une performance sociale (mieux-
peut ainsi augmenter son capital d’image (sa réputa- être des employés).
tion, la notoriété de ses marques de commerce) tout Au niveau sociétal, l’innovation globale (voir la
comme la valeur durable (c’est-à-dire à la fois écono- page 262) d’une organisation peut aussi être perfor-
mique, écologique et sociale) relative de ses produits mante en ce qu’elle produit de l’innovation sociale, car
ou services. te ce fait, elle pérennise et même accrojt elle peut être à la source :
ses parts de marché (pour une entreprise) ou les reve-
• de progrès techniques, du fait de l’accumulation de
nus de sa pertinence sociale (pour une organisation
savoirs et de compétences au sein de systèmes d’inno-
publique ou sans but lucratif).
vation, qui profitent à la société tout entière ;
i l’ère de l’économie fondée sur la connaissance, • de redistribution de la richesse économique par la
l’innovation passe aussi par la production de connais- distribution de revenus d’emplois, de contrats parte-
sances, l’apprentissage et la capacité d’anticipation nariaux, de taxations ou d’impôts divers ;
de l’organisation créatrice. Or, comme la personne
• de développement social par la transformation appro-
reste au cœur de l’innovation, qui est avant tout un
priée des usages pour le mieux-être collectif.

FIGURE 1c.3 Les liens entre innovation et performance socioéconomique

Niveau sociétal

INNOVATION Progrès Redistribution céveloppement


SOCIALE (accumulation de savoirs (des revenus, de la (transformation technique et sociale
et de compétences) richesse, des emplois) des usages pour le mieux-être collectif)

Niveau organisationnel

INNOVATION Entretien de la cohésion


Apprentissage cégagement
kLOBALE et de la créativité interne
et anticipation de surplus :
(d’une entreprise,
d’une organisation) : Meilleure valorisation • performance
Augmentation économique
(des produits et services,
• technologique de la qualité (revenus)
des savoirs)
• commerciale (des produits et • performance
• organisationnelle des services) organisationnelle
Meilleures réputation et image
• stratégique (capacités)
Rationalisation (des produits, des services,
• managériale (des coûts) des activités) • performance
sociale (mieux-être)

2ks • Chapitre 1Q

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10.5 Des types d’innovation à l’innovation globale


tans une perspective stratégique, plusieurs auteurs • les nouveaux systèmes complexes : par exemple, la
s’accordent aujourd’hui pour décrire l’innovation à communauté de programmation Linux, les jeux élec-
la fois comme un résultat et comme un processus. troniques multimédias, l’algorithme de compres-
Ce processus peut être rattaché à la création de nou- sion audio MP3 ;
veaux produits, de nouveaux procédés ou services, • les nouvelles combinaisons technologiques de pro-
de nouveaux modèles d’affaires, de nouveaux modes cédés connus : par exemple, le téléphone cellulaire,
d’organisation ou de nouvelles routines dans l’orga- le laser, le tft et l’identification par radiofréquence
nisation (tosi, 1sr2 ; Tarondeau, 1ssx ; Teece, 1srs). Il ou nFIt ;
s’agit donc d’un processus de changement (eernoux, • les nouveaux produits finis fondés sur des applica-
2llx) dans l’articulation des ressources de l’entre- tions innovantes de quelques principes simples : par
prise. Nous détaillerons dans les sections suivantes les exemple, à leurs époques respectives, le stylo à bille,
types et les degrés d’innovation afin de comprendre l’appareil photo jetable, le rasoir à lames interchan-
ce qu’on entend aujourd’hui par l’innovation globale. geables, la brosse à dents électrique, la motoneige ;
• les nouveaux modes de conditionnement : par
Les types d’innovation exemple, les produits alimentaires solubles, le condi-
tionnement longue durée à ultra-haute température,
On peut distinguer cinq grands types d’innovations
les aliments surgelés à l’azote liquide ;
(earreyre, 1sd5) : l’innovation technologique, l’inno-
vation commerciale, l’innovation organisationnelle, • les nouveaux procédés utilisant de nouveaux équi-
l’innovation stratégique dans les modèles d’affaires pements de fabrication : par exemple, le criblage à
ainsi que l’innovation managériale. haut débit dans l’industrie pharmaceutique, l’ultra-
filtration du lait, l’extrusion, la découpe au laser des
L’innovation technologique matières textiles et alimentaires.
L’innovation consiste souvent en la mise au point de
L’innovation commerciale
nouveaux produits, présentant au moins une carac-
L’innovation commerciale porte sur les fonctions de
téristique inédite par rapport à l’offre existante, cette
distribution et de marketing. Elle peut consister en :
caractéristique étant perçue comme telle par l’utilisateur.
Néanmoins, l’innovation dans les produits est souvent • de nouveaux modes de présentation d’un produit
inséparable de l’innovation dans les procédés, c’est- ou d’un service : par exemple, les livres en format de
à-dire de la mise au point de nouveaux procédés in- poche, les cyberjournaux et l’information à téléchar-
dustriels ou de technologies inédites pour réduire les ger, les emballages individualisés ;
cokts de production des biens et des services associés • de nouveaux modes de distribution : par exemple, la
aux procédés existants ou pour permettre la concep- distribution automatique, la livraison à domicile,
tion de nouveaux produits, services et procédés. Les la location de services ou d’équipements ;
innovations technologiques comprennent : • de nouvelles applications d’un produit connu : par
• les nouveaux matériaux : par exemple, les matériaux exemple, le nylon, une fibre plastique utilisée d’abord
nanotechnologiques, les céramiques de haute per- dans les brosses à dents (1s3r), puis les bas (1sxl)
formance pour les turboréacteurs ; et les tissus d’habillement, les toiles de parachute
• les nouveaux ingrédients : par exemple, le chitosane
(1sx1), puis les industries de l’automobile (roues),
extrait de la carapace de la crevette et doté de mul- l’aéronautique et l’habitat ;
tiples applications industrielles ; • de nouveaux moyens de promotion des ventes : par
• les nouvelles sources d’énergie : par exemple, la
exemple, les bannières commerciales, les portails de
bioénergie tirée des traitements de récupération de vente en ligne ;
la biomasse ; • de nouveaux systèmes commerciaux : par exemple,
• les nouveaux composants : par exemple, la puce à
les systèmes libre-service, les programmes de fidé-
AtN utilisée pour la recherche génomique ; lité des grandes surfaces, le paiement en ligne.

RenouveReR Re manaBement • 2kl

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L’innovation organisationnelle Les degrés d’innovation


L’innovation organisationnelle, comme son nom l’in-
dique, porte sur la transformation de l’organisation de Les différents changements dont il vient d’être question
l’entreprise (voir le chapitre 8). Par exemple, les méthodes peuvent avoir une intensité variable (turand, 1ss2 ;
de gestion qui se sont succédé depuis l’organisation Tidd, eessant et Pavitt, 2llc) allant de l’innovation
scientifique du travail conçue par Taylor au gIge siècle, incrémentale (faire ce que l’on sait faire, mais mieux)
la gestion participative par objectifs et l’instauration de à l’innovation radicale (faire quelque chose de complè-
la démocratie participative dans l’entreprise, l’informa- tement différent ou faire différemment). En effet, les
tique de gestion, la réingénierie avec l’implantation des innovations modifient plus ou moins le jeu concurren-
technologies de l’information et de la communication tiel, les caractéristiques des marchés de consommation,
(TIC) dans l’entreprise, le franchisage appliqué à l’hôtel- les compétences technologiques et organisationnelles
lerie, les organisations en réseau sont toutes des innova- des entreprises en place et plus globalement les institu-
tions organisationnelles. Précisons qu’une innovation tions sociétales (Abernathy et Clark, 1sr5).
organisationnelle pour une entreprise, par exemple le
passage d’une forme autocratique à une forme démo- L’innovation incrémentale
cratique de gestion, peut être une nouveauté pour l’en- Les innovations relatives ou mineures, ou encore les
treprise sans en être une pour d’autres organisations ni innovations incrémentales, consistent souvent en une
s’appuyer sur des idées radicalement nouvelles. amélioration graduelle des caractéristiques d’un pro-
duit, d’un procédé, d’un processus
ou de la prestation d’un service. Ces
améliorations successives se font par
L’innovation peut être technologique, commerciale, le truchement de l’intégration répétée
organisationnelle, stratégique ou managériale. des expériences et des apprentis-
sages des concepteurs ou des utili-
sateurs de cette innovation sans
recourir à des compétences ou à des
L’innovation stratégique
savoir-faire profondément nouveaux ni impliquer
dans les modèles d’affaires
des progrès techniques majeurs. Ces innovations per-
L’innovation stratégique dans les modèles d’affaires est,
mettent d’entretenir un effet de différenciation de
pour sa part, une réinvention des choix stratégiques de
l’offre auprès des consommateurs. On peut valoriser la
l’entreprise, et en particulier de ses sources de revenus,
nouveauté auprès de ces derniers tout en minimisant
au moyen de la redéfinition de sa mission, de ses acti-
les risques liés à l’introduction commerciale d’un pro-
vités, de son réseau de partenaires et de la structure de
duit nouveau. Citons par exemple la variété des formats
ses cokts. Ainsi, comme nous l’avons vu dans le cha-
(l’individualisation des portions), l’amélioration écolo-
pitre d, les compagnies aériennes à bas prix, ou encore
gique des matériaux d’emballage (les matériaux recy-
les systèmes de location-partage de vélos ou d’autos tels
clables), l’augmentation de la capacité de stockage de
que eixi et Communauto, ou encore les plates-formes
données des supports numériques (disquette, cédérom,
d’économie dite du partage comme Uber et Airbnb,
tft, clé USe, etc.) ou l’accroissement de la puissance
sont des innovations dans les modèles d’affaires fon-
des générations successives de microprocesseurs.
dées sur de nouvelles structures de tarification.
L’innovation radicale
L’innovation managériale
i l’autre extrême, on parle d’une innovation de rup-
Les innovations organisationnelles vues précédem-
ture, d’une innovation majeure ou radicale. Cette
ment peuvent consister en la mise en œuvre d’idées
forme d’innovation consiste à élaborer et à mettre en
existantes qui ont la capacité de révolutionner les
œuvre des connaissances techno-scientifiques et des
pratiques de l’entreprise ou d’y modifier les rapports
savoir-faire nouveaux pour révolutionner les perfor-
sociaux. tès lors qu’elles transforment jusqu’à la phi-
mances de l’offre de l’entreprise. Ce genre d’innovation
losophie même de l’entreprise, l’approche managériale
est nettement moins fréquent que l’innovation incré-
et le rapport à l’humain de l’organisation, ces inno-
mentale, car elle suppose des changements majeurs de
vations relèvent de l’innovation managériale. Enfin,
la structure organisationnelle et des rapports de pou-
l’innovation managériale dans une perspective de
voir, par exemple, ou des ressources financières par-
développement social et humain entre dans le champ
fois prohibitives. Par contre, elle est souvent qualifiée
de l’innovation sociale.

2c0 • Chapitre 1Q

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d’innovation de rupture, car elle peut entrajner des


mutations techniques, concurrentielles et sociales
considérables. Elle est en effet susceptible de :
L’innovation radicale peut révolutionner
• donner naissance à de nouvelles industries : par la concurrence et la société.
exemple, l’industrie des plates-formes d’échange de
services en ligne, des processeurs informatiques,
d’Internet, des téléphones cellulaires, de la photo- • modifier les pratiques sociales : par exemple, la
graphie numérique ; déstructuration des trois repas familiaux tradition-
nels avec la multiplication des produits alimentaires
• modifier les caractéristiques de la demande et des
industriels élaborés et des produits de grignotage, la
règles du jeu concurrentiel : par exemple, l’impact
croissance de la formation scolaire à distance avec
sur les standards de prix du remplacement d’un pro-
l’amélioration des technologies de la communica-
duit ou d’une technologie par un autre, comme les
tion multimédia ou l’expansion du télétravail avec le
vidéocassettes par les tft ; développement des TIC.

Frédérique revient de Prague pour trouver son mari et son fils en pleine discussion.
VÉCUES
HISTOIRES

ls n’iront pas très loin dans leur échange s’ils s’entêtent à répéter e oui f et e non f en
haussant le ton, comme ils le font depuis qu’elle a franchi le seuil de leur appartement.
q Qu’est-ce qui se passe l demande Frédérique en pénétrant dans la cuisine oh elle
découvre son fils attablé devant son manuel de sciences naturelles.
q Aujourd’hui, à l’école, Martin nous a raconté que si l’on plonge une grenouille dans
de l’eau chaude, elle s’en échappe d’un bond immédiatement g alors que si on la plonge
dans de l’eau froide que l’on porte très lentement à ébullition, elle s’engourdit et finit
ébouillantée. Papa dit qu’il raconte n’importe quoi, ajoute Michel en frondant les sourcils.
Son mari se tourne vers elle, déterminé.
q C’est que c’est faux. Et je ne leur laisserai pas implanter de fausses connaissances dans
la tête de mon fils, jet
q C’est vrai ! renchérit Michel de manière véhémente.
q no, zo, zo, on se calme ! s’interpose Frédérique, un sourire sur les lèvres. Ton papa
t’a laissé exposer ton point de vue, laisse-le maintenant exposer le sien.
Son fils se renfrogne et croise les bras, mais attend l’explication promise.
q a’ai lu récemment dans un livre que des scientifiques qui ont essayé de prouver
cette théorie ont plutôt réussi à démontrer le contraire. Quand l’eau devient chaude,
la grenouille s’agite de plus en plus et tente de s’échapper du contenant !
q Qu’est-ce que je vais faire moi si Martin pose une question là-dessus à l’examen l
demande Michel buté.
Son père s’approche et le prend tendrement par les épaules.
q ae vais te prêter mon livre et tu pourras le lui montrer demain. Peut-être qu’il n’est
simplement pas au courant de cette étude scientifique.
q OÇ.
Michel ramasse ses livres scolaires et disparaît dans sa chambre.
q C’est quoi ce livre que tu lis l lui demande Frédérique, intriguée.
q C’est un livre que mon patron m’a prêté. C’est drôle parce que lui-même m’a parlé
de cette histoire de grenouille ébouillantée hier. Même s’il ne s’agit que d’une légende, il
trouvait que c’était une bonne analogie pour les défis auxquels font face les entreprises. Et
qu’il était en train de se demander qu’est-ce qui nous, comme entreprise, nous engourdit l
Allons-nous finir ébouillantés l
ource : larrier, 1fff.

RenouveReR Re manaBement • 2c1

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L’innovation globale
tans les faits, l’innovation dans l’entre- L’innovation est globale, car elle touche toutes
prise porte souvent à la fois sur ses pro- les activités et les fonctions dans l’entreprise.
duits, ses procédés organisationnels et
commerciaux ou sur son modèle straté-
gique d’affaires. Elle mobilise souvent fois pour permettre à l’entreprise de devenir graduel-
toutes les fonctions de l’entreprise, et il convient plu- lement plus performante, mais aussi de plus en plus
tôt, selon Julien et Carrier (2ll5, cités dans Carrier et difficile à imiter par ses concurrents b. te fait, l’inno-
Gélinas, 2l1l, p. r5) de penser l’innovation comme vation globale requiert le recueil des idées de tous et
a innovation globale b, c’est-à-dire comme l’ensemble de partout dans l’entreprise, bref elle exige une orga-
des a améliorations menées sur de multiples fronts à la nisation créatrice.

10.6 La dimension temporelle de l’innovation


Il faut souvent près de 15 ans pour mettre au point un 2ll5). tans le secteur des télécommunications (Petit,
nouveau médicament. Combien d’années également erousseau et Phan, 1ssc ; noux, 2lll), nous sommes
pour chaque nouvelle génération de moteur d’avion ? témoins d’un rythme grandissant de substitution par
te voitures électrifiées ? te panneaux solaires ? Il faut rupture intégration de nouvelles technologies (télé-
à l’inverse quelques mois pour mettre en marché un phonie numérique, par fibre optique, satellitaire, par
nouveau produit alimentaire industriel. L’innovation, protocole Internet, etc.). On observe globalement que le
selon la complexité technologique des secteurs, n’en- rythme de l’innovation s’accélère depuis deux siècles.
gage pas les mêmes délais. Cependant, elle requiert i titre d’illustration, il a fallu plus de 1ll ans à l’auto-
souvent un temps long : celui de la production des mobile ou au téléphone inventés au gIge siècle pour s’im-
connaissances nouvelles nécessaires par les personnes poser dans plus de dl des foyers américains. tepuis,
qui développent les technologies, les produits, les pro- le temps qui sépare une invention d’une innovation est
cessus requis par la concrétisation d’une nouvelle idée. passé de rl ans en moyenne en 1rll à moins de 1l ans
uui plus est, la dernière version d’un objet technique en 2lll, alors que la durée de vie des produits, qui était
n’est pas forcément la solution à un progrès social ni ne de 2l ans en moyenne en 1s5l, était de 5 ans au début
possède une juste raison d’être pour la société. Il faut des années 2lll (tevalan, 2llc). Ainsi, non seulement
aussi du temps pour discerner et faire venir à matu- sommes-nous dans une société d’hypercompétition,
rité l’utilité potentielle d’une invention technique. d’hyperperformance, avec l’instauration du capitalisme
On constate cependant une accélération du rythme financier, mais aussi dans une société d’hyperconsom-
de la mise en marché d’innovations qui doit nous mation (téry, 2lld) dans laquelle les consommateurs
questionner sur la dimension temporelle de l’inno- eux-mêmes seraient aujourd’hui demandeurs de tou-
vation. Examinons ci-après en quoi le rythme de l’in- jours plus de nouveautés, créant ainsi une pression
novation change et quelles sont ses conséquences inédite sur le rythme de l’innovation.
su les choix stratégiques de l’innovateur.
Le dilemme de l’innovateur
Un rythme accéléré tans la perspective économique de l’innovation, la per-
tans le domaine du vivant, depuis les années 1ssl, avec formance et la pérennité d’une entreprise dépendent de
l’avènement de la troisième génération des sciences du sa capacité de détecter les vagues successives d’innova-
génome (génomique, protéomique, etc.), poussée par tions, leur force de a destruction créatrice b des inno-
les progrès de l’informatique et des nanosciences, on vations en place (selon les termes de Schumpeter) ainsi
constate que le mode d’évolution des connaissances que leur transilience (Abernathy et Clark, 1sr5), c’est-
scientifiques est de plus en plus complexe, accéléré et à-dire leur propension à modifier considérablement,
transdisciplinaire (voir le chapitre 4). Ainsi, l’industrie voire à redéfinir les ressources, les compétences et les
pharmaceutique ne cesse de se restructurer autour d’un relations des entreprises, pour s’y adapter et, mieux,
nouvel acteur qu’est la recherche biotechnologique pour les anticiper. Le dilemme stratégique du gestionnaire
améliorer le processus de découverte des médicaments innovateur (Christensen, 1ssd) réside dans la difficulté
de l’avenir (Saives, Ebrahimi, tesmarteau et Garnier, à cerner à quel moment et de quelle manière on peut

2c2 • Chapitre 1Q

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passer d’un cycle de développement d’une technologie innovantes faisant partie de la liste des a 5ll b du
à un autre, notamment pour éviter une obsolescence et magazine Fortune repose majoritairement sur la valeur
un déclin rapides d’une activité menacée par ses substi- de réalisation de leurs nouveaux investissements plutôt
tuts (voir la figure 10.4), d’o l’exercice nécessaire de que sur celle de leurs actifs existants. Ainsi, la valeur
veille (voir le chapitre 6) et de prospective stratégiques. estimée de tell Computer en 2ll2 reposait à dr
Pouvait-on prévoir que la photographie, qui demeu- sur ses nouveaux investissements, celle de Johnson
rait l’apanage de professionnels au gfIIIe siècle, car elle Johnson, à cc , celle de Procter Gamble, à c2 ,
requérait un équipement très cokteux, allait se démo- celle de General Electric, à cl , celle de Lockheed
cratiser avec l’invention par Eastman de l’appareil Martin, à 5s , celle d’Intel, à xs et celle de Pfizer, à
odak, très simple d’utilisation ? La simple point and xr (Christensen et naynor, 2ll3).
shoot iro nie camera mise en marché en 1sll consistait Les entreprises engagent constamment un pari sur
en une sorte de bojte noire facile à utiliser avec laquelle l’avenir et développent de nouvelles connaissances
les consommateurs pouvaient eux-mêmes prendre des pour prévenir leur éviction du marché par des inno-
photos. Elle fut conçue dans la foulée de l’invention vations concurrentes. Le rythme de l’innovation s’ac-
par Eastman du film photographique en rouleau en célère. L’innovation demeure pourtant une activité qui
1rr3. L’entreprise odak, fondée par Eastman en 1rrr, requiert beaucoup de temps, elle implique un processus
développait ensuite le film photographique argen- long, en particulier dans les entreprises de haute tech-
tique, rechargeait l’appareil avec un nouveau rouleau nologie. Au-delà du contexte d’hyperconsommation
et renvoyait le tout par courrier à ses usagers pour et d’hypercompétition, nous avons vu précédemment
leur éviter de devoir s’équiper d’un matériel de labo- (voir les chapitres 4 et 5) que ce temps est souvent bous-
ratoire et d’une chambre noire. Cela explique le slogan culé par les exigences d’hyperperformance des mar-
de odak à l’époque : a fous appuyez sur le bouton et chés financiers, qui ont tendance à exercer une pression
nous faisons le reste. b Aurions-nous pu prévoir que délétère sur les organisations et sur les porteurs de
le marché muterait ensuite massivement de la photo- connaissances en vue d’un rendement maximum des
graphie argentique à la photographie numérique avant investissements à court terme. Il n’est pas rare ainsi
la fin du gge siècle ? uue Google et les autres moteurs de voir des entreprises diffuser des communications
de recherche Internet allaient détrôner les annuaires de façon paradoxale à la fois sur leurs profits substan-
divers du type Pages jaunes ? uue le plastique, pourtant tiels en même temps que sur leur restructuration stra-
inférieur en qualité au bois ou au verre, allait supplan- tégique, la dissolution ou la revente d’unités d’affaires
ter ces deux matériaux dans bien des domaines, dont et la suppression massive d’emplois qualifiés. Le choix
celui de l’emballage ? i titre d’illustration, la valeur en de couper dans la masse salariale, et de mettre à pied
bourse de certaines compagnies publiques américaines une main-d’œuvre même très qualifiée, est souvent un

FIGURE 1c.4 Le cycle de vie d’une technologie et de l’innovation

Performance
technique
Limite naturelle de la technologie

Stagnation
cilemme Début du cycle
Maturité
stratégique de la nouvelle
technologie
knnovation radicale
broissance

Émergence
knnovation incrémentale
knvestissements
cumulés en R-D

ource : Loilier et nellier, 1fff, p. 20.

RenouveReR Re manaBement • 2ct

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choix de rationalisation des investissements privilégié (voir l’encadré 10.5, page 269), que le monopole d’une
par la gouvernance pour dégager des profits à court seule personne, aussi a inspirée et obstinée b soit-elle
terme au détriment de la pérennisation des savoirs (Akrich et collab., 1srr, p. 5). Aussi, nous décompose-
accumulés dans l’entreprise sur le long terme. rons dans la prochaine section les conditions managé-
tans la perspective schumpétérienne, l’innovation riales de l’organisation créatrice.
est le fruit de la créativité des entrepreneurs, porteurs
de projets particuliers sachant conjuguer les risques
avec les idées nouvelles ou a actualisées b pour trans-
former des découvertes, des inventions et des projets
L’innovation engage un pari sur l’avenir
en produits ou en services valables, à force de passion et un investissement dans le présent dont
et de motivation. Néanmoins, dans une perspective
plus moderne, la gestion de l’innovation et la mise en le rythme accéléré et la rationalisation
relation du marché ou de la société avec des nouveautés maximaliste sont délétères.
technologiques sont plus souvent le résultat d’une acti-
vité collective, entrepreneuriale ou intrapreneuriale

10.7 L’organisation créatrice : sept conditions


de la créativité organisationnelle
Peut-on gérer l’innovation ? Les recherches récentes d’aujourd’hui. Au niveau organisationnel, il s’agit de
montrent que l’innovation résulte d’une organisation comprendre et de garantir les conditions propices à
créatrice. Une étude IeM (2l12) révèle en effet que les l’expression de la créativité individuelle ou du groupe
aptitudes individuelles plébiscitées par les dirigeants dans l’entreprise ainsi qu’à la création et au partage de
sont la créativité (c1 ), la communication (cd ) et la connaissances afin d’alimenter en tout temps ce pro-
collaboration (d5 ) pour pérenniser les organisations cessus (voir le tableau 10.1).

TABLEAU 1c.1

Les sept conditions clés de l’organisation créatrice


Conditions clés de
Contenu
l’organisation créatrice
Adhésion aux défis visés • Proposer une vision collective prospective, une intention organisationnelle.
• nraduire localement et opérationnellement en défis clairs les cibles d’idéation.
Initiative • Entretenir un sastème de management des idées accessible et simple qui fait que chacun vit
l’expérience d’une activité nouvelle née de son initiative individuelle ou de celle de son équipe.
Expérimentation officieuse • Donner temps et valeur à l’expérimentation autonome.
Sérendipité • e préparer aux heureux hasards et en profiter avec sagacité au moment opportun
par la redondance des connaissances internes.
Stimulations créatrices • Prodiguer des sources d’inspiration et d’analogies ou d’associations créatrices :
– au moaen de la variété des connaissances disponibles v
– par un équilibre vie professionnelletvie privée v
– dans un cadre matériel approprié.
Communication interne • Encourager la circulation interne des connaissances et la communication informelle entre emploaés plus ou
moins distants pour relier en permanence les personnes et les savoirs dans l’entreprise.
• mmportance de la socialisation et des « ba ».
Ouverture collaborative • gavoriser l’hori ontalité des liens.
• lollaborer avec les porteurs de connaissances (usagers, experts), qu’ils soient internes et surtout
externes à l’organisation.
ource : kdapté de Robinson et tern, 2000.

2c4 • Chapitre 1Q

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L’adhésion aux défis visés plutôt traduit le but en a doubler le nombre de produits
exposés en magasin b. Au lieu de ne concerner que le ser-
Nous avons déjà évoqué l’importance de cerner la fina- vice des ventes et du marketing, cette cible d’innovation
lité d’une organisation (voir le chapitre 7) et de la doter touchait tout le monde. tès lors, les idées sont venues de
d’une attitude prospective. Le management doit savoir partout. Elles furent variées, allant des emballages plus
et pouvoir projeter l’organisation dans un avenir souhai- attrayants et des designs plus efficaces quant à la taille
table pour rendre possible ce futur stimulant au présent. ou aux configurations des contenants, jusqu’aux nou-
te plus, la construction d’une vision stratégique parta- veaux produits plus accrocheurs. Ces idées ont permis
gée est propice notamment à l’adhésion des membres de à l’entreprise d’atteindre les objectifs d’expansion fixés
l’organisation aux actions qu’elle prône. La connaissance avant le déclin du secteur de la construction de maison
globale que l’on peut avoir de la vision partagée dans individuelle, ce que le service des ventes ou du marke-
l’entreprise favorise un sentiment d’appartenance, ting n’aurait probablement pas réalisé seul.
mais elle doit se doubler
d’une traduction locale
(circonstancielle et située)
en cibles claires d’idéa-
L’adhésion aux défis visés : multiplier les idées sur des cibles
tion pour les employés clés avec un système de management adapté et stimulant.
à leur niveau respectif.
Il s’agit régulièrement
de cerner, de formuler et tejours (2l15) évoque lui aussi, parmi les fonc-
ainsi de cibler collectivement les défis clés de l’entre- tions du manager, celle de la traduction des direc-
prise et les thèmes sous-jacents pour ensuite procéder à tives de l’entreprise. Il s’agit ici d’étendre ce rôle à la
un remue-méninges d’idées potentiellement utiles. Un construction et à la détection collective des cibles
exemple de ce travail de traduction nous est raconté par thématiques, bref des objets des projets sur lesquels
nobinson et Schroeder (2l1x) qui ont pu constater le focaliser les énergies créatrices. On retrouve ici l’idée
succès du management d’un fabricant suédois de pro- bien connue en matière de décision, celle de bien cer-
duits de ventilation. Plutôt que de simplement assigner ner le(s) problème(s) h ou encore de cerner le besoin
au service des ventes et du marketing le but très vague des usagers comme dans la perspective de l’innova-
de la direction de doubler les ventes de détail, le mana- tion sociale ou dans celle de la pensée design (design
gement de l’entreprise a choisi une approche différente. thinking) h que l’entreprise cherche à résoudre plutôt
Comme le facteur le plus déterminant des ventes de que de précipiter la recherche de solutions. L’enca-
détail est l’espace linéaire disponible en magasin, ils ont dré 1l.x décrit l’approche de la pensée design.

ENCADRÉ 1c.4 LA PENSÉE DESIGN


ba pensée design (design thinking) d’étapes de travail qui visent à conci- e ba méthodologie propre à l’esprit
est une approche managériale d’in- lier ce qui est désirable pour l’humain, du design à sortir du studio et ex-
novation et une méthode d’explora- ce qui est techniquement réalisable plorer le monde pour s’inspirer des
tion et de résolution de problèmes et ce qui s’avère économiquement expériences vécues, réaliser des pro-
centrée sur l’humain et sur l’expé- viable (Brozn, 201x). Ce processus totypes pour apprendre avec les
rience des usagers. Elle est née dans comporte en général cinq phases : mains, créer des histoires pour parta-
les années 1pu0 à l’université ger des idées, collaborer avec des
• l’observation empathique des usa-
Stanford aux États-Unis. l s’agit spécialistes d’autres disciplines à
gers en situation g
d’une vision de l’innovation qui, déli- permet d’approfondir notre savoir et
• la définition de problème g
bérément, n’est pas techno-centrée. d’élargir l’impact de nos actions. f
nspirée notamment des pratiques • l’idéation g (Brozn, 201x, p. 231)
des designers et des architectes, elle • le prototypage g
repose sur une séquence non linéaire • le test de solutions.

RenouveReR Re manaBement • 2ck

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Cet exercice de traduction de la vision doit se dou- type de connaissances dont elle a besoin et mettre en
bler d’un engagement fort de la direction envers le place des systèmes et des stratégies pour développer
soutien des actions créatives/créatrices et la res- ces connaissances au sein de l’organisation.
ponsabilisation de leurs auteurs avec un système Nonaka et Takeuchi (1ssd, p. 1l2) évoquent aussi
de management des idées approprié. ll peut s’agir de la nécessité d’une a fluctuation b et d’un a chaos créa-
mettre en place, par exemple, un service voué au suivi tif b qui renvoient à a l’interaction entre l’organisation
des idées, un programme de gestion des connais- et l’environnement externe b. Selon eux, c’est en étant
sances, une plate-forme ou une communauté en ligne ouverte et en réagissant aux changements de l’envi-
de gestion des suggestions, une réaction positive et ronnement telles les crises financières qu’une entre-
une rémunération financière ou symbolique adéquate prise peut demeurer agile et flexible. Cette fluctuation
aux idées fournies, qu’elles soient bonnes ou mau-
environnementale, l’ambigu té et le chaos organisa-
vaises, un budget de réalisation approprié des idées
tionnel qui en découlent demandent aux membres de
retenues. Ainsi, le transporteur American Airlines est
l’entreprise de s’adapter et de modifier leurs routines,
connu pour ses programmes internes de gestion des
leurs façons de penser et leurs habitudes de travail, ce
idées : le plus récent, a fuel smart b, a fait appel à l’en-
qui les fait sortir de leur a zone de confort b. Une telle
semble des suggestions des employés pour réduire la
rupture engendre une remise en question de la part
consommation de kérosène. Plus de trois milliards de
des membres, une situation propice à la créativité et
litres de kérosène et près de huit millions de tonnes
à la création de nouvelles connaissances. Parfois, les
métriques d’émission de dioxyde de carbone ont ainsi
entreprises peuvent intentionnellement provoquer un
été économisés en huit ans. te la même façon, l’inno-
a sens de la crise b à l’intérieur de l’organisation pour
vation technologique chez eombardier est guidée par
déstabiliser les membres et les mener à penser et à se
une vision précise : celle de a l’avion vert b.
questionner. Certaines entreprises provoquent ainsi
Cet exercice visionnaire et prospectif de ciblage
des occasions de réfléchir à l’état de l’environnement
des thématiques d’idéation faisant appel à l’intelli-
(pour éviter l’engourdissement de la grenouille ) au
gence collective a aussi pour but d’éviter une sorte de
moyen d’initiatives ponctuelles comme des hackatons,
créativité qui resterait ancrée a dans le rétroviseur b
des tournois annuels d’innovation, des forums d’idées
(nobinson et Stern, 2lll, p. 1xr) en ne ciblant que
périodiques ou des ateliers internes de prospective.
des objectifs d’amélioration de ce qui est mesurable et
existe déjà plutôt que de ce qui pourrait être.
C’est pourquoi Nonaka et Takeuchi (1ssd,
p. sc), experts pionniers de la gestion des
connaissances dans l’entreprise créatrice,
prônent une a intention b organisationnelle,
c’est-à-dire une aspiration vers des buts,
une vision collective qui constitue un guide
général quant à la pertinence des connais-
sances générées et à créer et qui donne une
identité et un sens au travail objectif, sub-
jectif et collectif des employés. Ainsi, monda
Motor Co., qui a réussi le pari de devenir un
fabricant reconnu de voitures, mais aussi de
petits avions et de jets d’affaires, avait pour Hack a s, tournoi d’innovation de deux jours organisé par Shopify
tous les trois mois (Shopify, 2 13)
leitmotivs auprès de ses ingénieurs a N’imi-
tez pas les autres b et a necherchez la mobilité
de toutes les manières : sur l’eau, sur la route et dans Toute la difficulté du management réside dans le juste
les airs b. Pour créer des connaissances organisation- équilibre à trouver pour ne pas provoquer un sen-
nelles, l’intention stratégique d’une entreprise devrait timent d’irrésolution, d’aliénation, voire d’anomie
lui permettre a d’acquérir, de créer, d’accumuler et quand tout changement se transforme en un mou-
d’exploiter les connaissances b qui la rapprochent de vement permanent et quand la créativité devient une
ses buts. L’entreprise doit alors savoir reconnajtre le injonction incessante vidée de sens.

2cc • Chapitre 1Q

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Pour résumer, une première condition de l’organi- cette curiosité consubstantielle de l’existence. tès lors,
sation créatrice est l’adhésion volontaire et collective une perspective humaine de l’organisation créatrice
autant individuelle qu’organisationnelle à des défis conduit à penser et à entretenir un système de mana-
prospectifs bien ciblés. gement des idées et des connaissances dans l’entre-
prise qui fait que chacun peut vivre l’expérience
d’une activité nouvelle, même très petite, née de
L’initiative son initiative, qu’elle soit individuelle ou en équipe
Nous avons montré qu’une perspective humaine du (nobinson et Stern, 2lll).
management est fondée sur une conception foncière- La genèse d’idées nouvelles dans l’initiative au tra-
ment créative créatrice du travail humain (voir le cha- vail relève d’une forte créativité. Celle-ci a un sens plu-
pitre 4). Le travailleur œuvre en permanence à inventer riel : c’est à la fois une impulsion créatrice, une capacité
des solutions pour faire le travail qui lui a été pres- de génération d’idées et une ingénieuse débrouillar-
crit lorsque le réel lui résiste. te plus, il est doté d’une dise (voir l’encadré 10.1, page 251). Elle se comprend
curiosité épistémique (eerlyne, 1sc2), d’un penchant généralement comme la capacité d’imaginer quelque
naturel pour l’exploration, d’un appétit de connajtre et chose de nouveau, la production d’idées nouvelles et
de comprendre (Maslov, 2llr) ainsi que d’une capa- utiles dans différents domaines. Il est difficile, voire
cité d’initiative et d’action qu’il exprime par son travail. impossible de programmer la créativité, de la planifier
Au quotidien, il multiplie donc les micro-initiatives ou de la contrôler (Foray, 2ll2). Par contre, on peut la
pour réussir à effectuer le travail demandé. Comme soutenir. La créativité dépend en effet de nombreux
le dit Paul faléry (1sx1, p. 2d3) : a Il y a une partie de facteurs individuels, personnels ou environnemen-
l’homme qui ne se sent vivre qu’en créant : j’invente taux. Trois composantes en particulier sont nécessaires
donc je suis. b Nous avons aussi montré que l’idée à la créativité selon Amabile (1srr, 1ssc, 1ssd) : elle
de motivation intrinsèque en ce sens est une sorte résulterait de la rencontre de l’expertise, de compé-
de pléonasme, car l’énergie créatrice est intrinsèque- tences créatrices et d’une forte motivation à la twche
ment humaine et liée à cette ingéniosité à l’œuvre et à (voir la figure 10.5, page suivante).

Paul a finalement subi son évaluation. Depuis, il se sent très motivé. l a eu le temps de
VÉCUES
HISTOIRES

discuter avec son nouveau patron et a découvert qu’ils partagent plusieurs affinités. l s’est
même permis de lui lancer une idée qui lui trotte dans la tête depuis quelques années :
implanter des e pauses créatrices f, c’est-à-dire planifier des moments précis durant
lesquels les employés pourront travailler sur leurs idées. Son nouveau patron s’est montré
intéressé. l lui a demandé de lui présenter un plan détaillé. Paul s’est bien préparé. l a fait
des recherches et découvert que chei Scania, une usine suédoise de fabrication de camions
de la banlieue de Stockholm, la chaîne de montage est arrêtée pendant 26 minutes une fois
par semaine pour que chaque aire de fabrication puisse tenir sa e réunion d’idées f. Pour cela,
il leur a fallu ajouter deux surnuméraires à chaque équipe qui contiennent généralement
de p à 1x personnes pour donner le temps aux employés de bonifier leurs idées, mais cette
initiative a permis à l’entreprise d’améliorer sa productivité de 12 à 15 chaque année depuis.
En ce vendredi matin, Paul ouvre la porte qui mène au bureau de son patron et s’installe
devant sa secrétaire, l’enveloppe comprenant son rapport à la main. l lève les yeux sur l’horloge
murale, pendant qu’elle termine son appel. l est p h 5p. Elle raccroche et pose les yeux sur lui.
q Salut Paul ! Qu’est-ce que je peux faire pour toi l
l attend les quelques secondes qui le séparent de 10 h et lui tend son enveloppe.
q Peux-tu remettre da à M. Cournoyer s’il te plaît l
q Bien sûr.
Paul tourne les talons, un sourire pensif sur le visage. C’est peut-être enfantin, mais
il voulait absolument remettre son rapport à l’heure prévue des e pauses créatrices f
qu’il entend implanter.
ource : Robinson et hroeder, 2014.

RenouveReR Re manaBement • 2c7

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firme. La stimulation de la créativité suppose une


FIGURE 1c.5 Un modèle de la créativité
entreprise a organique b (eurns et Stalker, 1scc) et
à trois composantes
a apprenante b marquée par l’interaction et l’interdé-
pendance systématique des expertises (savoirs et
Environnement (organisationnel etnou externe)
savoir-faire) des acteurs de l’innovation.
Les compétences créatrices (ou creativity skills selon
Amabile, 1srr) sont liées à l’initiative dont il est ques-
Expertise dans tion ici. Elles font référence à un style cognitif indi-
Compétences
le domaine de viduel particulier, obstinément porté à envisager les
créatrices
la thche problèmes sous un jour nouveau, à appliquer des tech-
Créativité niques connues pour l’exploration de voies inédites. Ce
style cognitif s’articule autour de traits de personnalité
comme l’indépendance, l’imperméabilité au jugement
social, la tolérance au risque, la tolérance à l’ambigu té,
Motivation à aux tensions dialogiques ou la persévérance devant la
réaliser la thche frustration. En effet, ainsi que le rappelle Alter (2lll,
p. 22), l’innovation contient toujours une part de rup-
ture avec le passé et les traditions, et elle ne s’inscrit pas
ources : kmabile, 1ffe, p. 43 v kmabile et Pratt, 2016, p. 161. de manière linéaire dans le temps : a o…p elle représente
la destruction des formes antérieures de la vie sociale et
la création de nouvelles. b te ce fait, elle se trouve sou-
Mary Parker Follett apparajt comme une pionnière vent en conflit avec l’ordre établi à un moment donné,
sur le sujet de la créativité en 1s2x (voir le chapitre 3). et les acteurs de l’innovation doivent savoir composer
Amabile (1srr) a montré depuis qu’un environne- avec les institutions en place. Aussi, l’innovation est
ment organisationnel propice à la créativité a des souvent le fait de a déviants b, de francs-tireurs qui, bien
propriétés particulières. On y observe ainsi : que connaissant parfaitement les conventions de leur
• une forme de liberté laissant une grande autonomie monde, transgressent les règles, en pensant autrement,
opérationnelle aux employés ; de façon à élaborer de nouvelles conventions qui seront
• un bon système de gestion de projet facile d’accès et peut-être un jour intégrées à la norme. Par exemple, les
d’utilisation, piloté par un leader enthousiaste ; créateurs du jazz, qui n’étaient pas du tout étrangers au
monde de la musique, puisqu’ils possédaient souvent
• des ressources suffisantes ;
une culture musicale classique solide, se sont éver-
• une atmosphère stimulante dépourvue de systèmes
tués, en transgressant les conventions musicales clas-
d’évaluation menaçants ;
siques, à mener un projet non traditionnel de création
• un climat organisationnel marqué par la coopéra- qui est devenu un nouveau style musical (Alter, 2lll).
tion et la collaboration entre divisions, o l’innova- De façon plus ordinaire, une entreprise innovante
tion se trouve valorisée et o l’échec est réparable ; est une organisation qui entretient une capacité d’in-
• la perception d’une reconnaissance du travail créatif tégrer, voire d’encourager cette « déviance » en pro-
créateur ; posant à tous ses employés un environnement fertile
• un sens personnel du défi lié au fait d’innover ; à l’effort créatif/créateur, bref en proposant à chacun
• un temps suffisant alloué aux activités créatives un rôle d’intrapreneur (voir l’encadré 10.5).
créatrices.
Stimuler la créativité revient à faire
des choix organisationnels favorisant
l’établissement des conditions pro- La créativité est un mélange d’expertise, d’initiative
pices au soutien de la motivation à la
tIche des personnes créatives. Cela
(motivation) et de compétences créatrices que chacun
nécessite de repenser la philosophie doit pouvoir exprimer dans une organisation o
de gestion de manière à privilégier
un management humain des savoirs le contexte y est propice.
et des porteurs de savoirs dans la

2cs • Chapitre 1Q

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ENCADRÉ 1c.5 LES INTRAPRENEURS


bes intrapreneurs sont des personnes rôle d’intrapreneur se trouve facilité d’entreprise (intrapreneurship) en
qui, à l’intérieur des organisations, dans une organisation décentralisée permettant ainsi à ses membres de
réussissent non seulement à générer oh chaque unité d’affaires ou unité proposer de nouvelles idées, mais
de nouvelles idées, mais à faire en d’activités est appelée à innover, tout aussi d’y donner suite par eux-
sorte de les concrétiser pour qu’elles en ayant accès aux ressources néces- mêmes (Carrier et Gélinas, 2010).
livrent des résultats bénéfiques. be saires. b’organisation favorise l’esprit

Pour résumer, une organisation créatrice favorise dehors d’une officialisation directe et du formalisme
l’initiative de chacun. Elle requiert un environnement des projets, des budgets et des rapports, sans l’établis-
organisationnel propice avec un système de manage- sement d’objectifs mesurables ni trop pressés. Il faut en
ment des idées et des connaissances accessible, facile à quelque sorte créer un havre de paix o les employés
utiliser, doté d’une mémoire et pérenne dans les suivis, peuvent tester le potentiel d’un grand nombre d’idées
ainsi qu’une rémunération financière et symbolique équi- nouvelles sans craindre les sanctions ou les attentes
table des idées. Notons que la question de la rémunéra- d’exploitation trop précoces d’une direction gour-
tion des idées est un sujet épineux. Comment rémunérer mande de résultats. En évitant d’exploiter trop vite
les idées des employés : par un salaire plus élevé, une des idées et des activités en cours au détriment de leur
prime, une rémunération symbolique ? Certains psy- exploration, en évitant d’exposer trop tôt les idées nou-
chologues (teci et nyan, 1sr5, 2lll ; Gagné et teci, velles à la résistance (qui augmente souvent avec l’of-
2ll5) ont montré qu’une rémunération financière trop ficialisation d’un projet dans l’entreprise), en évitant le
élevée tend à tuer la créativité. L’entreprise doit donc piège de cadrer trop tôt l’information et les connais-
trouver la juste mesure entre rémunération et recon- sances requises, l’expérimentation officieuse constitue
naissance pour soutenir la créativité et non l’inhiber. un moyen d’équilibrer l’exploitation d’idées existantes
et l’exploration d’idées nouvelles.
L’expérimentation officieuse Cette expérimentation doit donc rester officieuse
sans cependant devenir clandestine. Elle acquiert
eeaucoup d’idées nouvelles, associées notamment une légitimité à être encouragée par la direction.
aux technologies, que l’on pense à l’imprimante à jet Elle gagne en échanges créatifs créateurs en étant
d’encre d’mP ou de Canon, ou à la 3t chez odak, sont connue de tous, et cette légitimité facilite le partage
nées de périodes d’expérimentation souterraine plus ou et la recherche de connaissances sur les sujets plus ou
moins longues puisqu’on ne saurait prévoir le jaillisse- moins confidentiels explorés par les employés.
ment d’une bonne idée. En 1sx1, Follett estimait déjà
que l’expérimentation est plus un processus de créa-
tion qu’un processus de vérification, car la création
imaginative se trouve toujours au cœur d’une activité L’expérimentation officieuse requiert
concrète, mais plus rarement d’une activité intellec- autonomie et auto-organisation.
tuelle. Il s’agit donc, dans l’organisation créatrice, de
donner temps et valeur à l’expérimentation, car
la technologie peut souvent précéder la science. Les
Certaines entreprises, pour favoriser l’expérimenta-
architectes et les designers pratiquent depuis long-
tion officieuse, ont adopté des mesures encourageant les
temps cette idée de l’expérimentation de leurs idées à
travailleurs à consacrer une partie de leur temps à des
travers les phases de prototypage que comporte la pen-
projets officieux : 1l chez mP ou dans les laboratoires
sée design (erovn, 2l1x). L’expérimentation dont il est
de n-t chez Shell, 15 chez Toshiba et 3M, 2l chez
question ici est une expérimentation officieuse en ce
Google. Ou encore, elles autorisent l’utilisation de leurs
qu’elle sort des obligations bureaucratiques de forma-
infrastructures comme les laboratoires, le matériel ou
lisation ou de spécialisations qui pourraient la ralentir,
les machines, pour ces expérimentations officieuses en
la délégitimer, voire la décourager. Il s’agit d’organiser
dehors des heures de bureau, et elles ferment les yeux
dans l’entreprise un soutien à l’exploration des idées en
sur leur utilisation à des fins officieuses pendant les

RenouveReR Re manaBement • 2cl

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heures de travail (nobinson et Stern, 2lll ; fan Andel nouvelles connaissances. Ils peuvent définir par eux-
et eourcier, 2ll5). Comme la créativité n’a pas d’heures, mêmes leurs twches tout en agissant en fonction du but
d’autres entreprises accordent plutôt des banques ou encore de l’intention stratégique de l’organisation.
d’heures à dépenser comme l’entendent les employés. Ainsi, les personnes autonomes ont la latitude de pen-
Nonaka et Takeuchi (1ssd) prônent de leur côté ser et d’agir par elles-mêmes, et les idées originales
une grande autonomisation des employés dans l’or- émanent de ces dernières et se propagent dans l’en-
ganisation créatrice. Lorsqu’une entreprise permet treprise. Le tableau 1l.2 recense quelques initiatives
l’auto-organisation (autonomie) de ses membres, observées dans différentes entreprises manufactu-
personnes ou équipes, ceux-ci sont plus aptes à per- rières pour encourager cette autonomie, notamment au
cevoir des a occasions inattendues b de création de moyen d’une décentralisation de moyens financiers.

TABLEAU 1c.2

ces exemples de politiques qui encouragent l’autonomie


Entreprise Politique associée à des systèmes de management des idées (SMI)
Millimen • kccusé de réception des idées dans les 24 heures
(entreprise de textile) • kction dans les e2 heures
• mdées d’amélioration prioritaires à l’ordre du jour de chaque réunion managériale
cana • gonds d’amorçage de d00 à par équipe ront-line pour implanter une idée sans l’approbation
(fournisseur de l’industrie automobile) d’un supérieur

fresh • wudget « idées » voté par l’équipe et non par son seul manager
(entreprise de produits de ventilation)

ource : kdapté de Robinson et chroeder, 2014, p. 83.

Jean-Yves est convié à souper chei l’un de ses amis qui dirige une petite entreprise
VÉCUES
HISTOIRES

dans le domaine des logiciels. l a même invité un chef à la maison pour préparer le souper.
l leur sert des hors-d’œuvre qu’il présente dans des cuillères asiatiques.
q Cette semaine, j’ai démarré l’opération Renigami ! lance-t-il en lui resservant du vin blanc.
q C’est quoi, da l demande aean-cves, intrigué.
q Tous les employés sont invités à présenter des projets sympas et qu’ils pensent porteurs,
et sur lesquels ils auraient envie de travailler en dehors de leurs tsches habituelles.
q Et tu les motives comment, s’ils ont déjà plein de trucs à faire l
q be pire, c’est que je n’ai même pas besoin de les motiver. ls adorent les défis ! explique-
t-il visiblement fier de ses employés. ae leur demande de m’impressionner ! On organise un jury
de sélection des meilleurs projets, un peu comme celui des Dragons à la télé.
q ls y gagnent quoi, ceux qui gagnent justement l demande aean-cves, peu convaincu.
q De travailler sur les trucs qui les passionnent le plus ! On les libère de leurs tsches pour
qu’ils se consacrent, un certain temps par semaine, à leur super idée. On les laisse tranquillement
explorer. Après quelques mois, on fait un suivi pour voir si cela a abouti et si on peut commer-
cialiser quelque chose. T’as pas idée comment un employé est fier quand il a contribué très
directement au lancement d’un nouveau produit !
ba sonnette retentit. De nouveaux invités arrivent, et son hôte se lève pour aller les accueillir.
aean-cves prend une gorgée de vin. koilà peut-être une idée qu’il pourrait adapter à
son servicet

270 • Chapitre 1Q

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La sérendipité ou à la rencontre inopinée d’un fer à souder abandonné


près d’un stylo-plume qui a mené à l’invention de la pièce
Le champagne, les croustilles, le chlorure de vinyle majtresse de l’imprimante à jet d’encre chez Canon,
(polymérisé en PfC), la montgolfière, le LSt, le dans tous ces cas, il s’agissait de résoudre un problème
NutellaMt, le nylon, le polyéthylène (utilisé pour fabri- qu’on avait l’intention de régler sans savoir comment et
quer des sacs plastiques), les rayons g et biens d’autres que l’on a effectivement résolu avec l’aide d’un moyen
inventions ont en commun d’être le fruit d’un acci- inattendu. i l’inverse, de très nombreuses découvertes
dent, d’une erreur, d’un hasard, d’une maladresse, inattendues proviennent d’une vraie sérendipité, c’est-
voire d’une négligence (Calvez, 2l13). La sérendipité à-dire de la conjonction fortuite de plusieurs facteurs :
(voir l’encadré 10.6), c’est précisément ce a don de faire un heureux accident, une observation opportune, une
des trouvaillesÉb, c’est-à-dire a la faculté de découvrir, sagacité, un contexte. L’Amérique, l’aspirine, le eotoxMC,
d’inventer, de créer ou d’imaginer quelque chose de nou- le Coca-Cola, le four à micro-ondes h le magnétron était
veau sans l’avoir cherché à l’occasion d’une observation au départ un radar h, la pénicilline, le Post-it MC, le téflon,
surprenante qui a été expliquée correctement b (eourcier la foie lactée découverte à l’aide d’une lunette astro-
et fan Andel, 2l11, p. d-r). En fait, une immense quan- nomique de Galilée, le fiagraMC et le felcroMC sont tous
tité de découvertes dans l’histoire en résulte. le fruit d’une trouvaille non intentionnelle conjuguant
Selon noberts (1srs), on pourrait nuancer en dis- heureuse co ncidence (fortuité), capacité d’observation
tinguant la vraie sérendipité (trouver de manière (faculté de remarquer un phénomène étrange) et pers-
imprévue ce que l’on ne cherchait pas) de la pseudoB picacité (pour donner sens ou interprétation à la chose
sérendipité (trouver ce que l’on cherchait, mais par advenue et inattendue).
un chemin imprévu). Ainsi, que l’on pense
à Gutenberg qui a inventé la presse d’im-
primerie par analogie avec le pressoir à vin,
à Goodyear qui a créé la vulcanisation en
Sérendipité heureux accident observation
échappant un mélange de latex et de soufre opportune sagacité à un moment inattendu
sur un poêle, à Archimède qui a compris la
poussée des corps flottants dans sa baignoire,

ENCADRÉ 1c.6 L’HISTOIRE DE LA SÉRENDIPITÉ


be mot sérendipité (serendipity, leur voyage hors du royaume, se sans doute estropié puisque les
parfois traduit par e fortuité f en retrouvent emprisonnés, car ils sont empreintes des pas ne laissaient
frandais) nous viendrait de l’écrivain pris au piège de leur propre super- que trois traces, affirmèrent-ils. be
épistolier vorace nalpole qui l’uti- cherie. Au début de l’histoire, les chamelier, convaincu, finit par les
lise pour la première fois le 2u jan- princes rencontrent sur leur route accuser du vol du chameau et les
vier 1r5x dans une longue lettre à un chamelier ayant perdu sa bête. faire arrêter. Pour défendre leur
son ami vorace Mann, ambassa- Par jeu, ils décident de s’amuser à le cause auprès de l’empereur, les
deur à Florence g lettre dans laquelle, leurrer en tentant de le convaincre princes avouèrent l’ensemble de
pour décrire la nature de sa récente qu’ils ont réellement vu le cha- leurs simples déductions. Celles-ci
découverte d’un détail intéressant meau alors qu’ils ne s’appuient en ne firent cependant que renforcer la
des armoiries des Medicis, il s’appuie fait que sur des indices qui leur ont suspicion de l’empereur envers leur
sur un très ancien conte perse écrit permis de déduire le passage de culpabilité dans cette affaire. ls ne
en 1302 par le grand poète Amir l’animal sur leur chemin. be cha- durent finalement leur salut qu’au
Çhusrau, traduit à kenise en 155r meau était probablement borgne chamelier quand celui-ci retrouva
en talie (sous le titre Pérégrinations puisque l’herbe n’était broutée que la bête disparue. ba sérendipité
des trois fils du roi de Serendip). d’un côté de la route que les princes évoquée par nalpole à partir de
avaient empruntée. l lui manquait ce conte renvoie à des découvertes
Ce conte fait état des aventures des
une dent puisque des touffes rési- faites par accident et par sagacité
trois fils du roi de l’île de Serendip
duelles d’herbe sur une faible lar- (l’acuité du discernement).
(aujourd’hui le Sri banka) qui, durant
geur parsemaient le chemin. l était
ources : Robinson et tern, 2000 v Van kndel et wourcier, 200d, 200f.

RenouveReR Re manaBement • 271

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Une organisation créatrice est donc une organisa- lorsqu’une personne fait preuve de sagacité, aidée
tion qui provoque ces a heureuses co ncidences b par un bagage hétéroclite de connaissances et une
(nobinson et Stern, 2lll, p. 21s) et qui sait tirer parti capacité d’étonnement (« Tiens », « C’est biparre »).
de ces heureux hasards ou accidents. L’entreprise peut Ainsi, le fait qu’elle impute au hasard un événement
provoquer la sérendipité de plusieurs manières : reflète l’état des connaissances d’une personne pla-
• en encourageant l’action, le bricolage de prototypes cée devant une situation inattendue et son incapacité
et la recherche empirique (voir la sous-section précé- à prévoir cet événement particulier. Comme l’a dit
dente sur l’expérimentation officieuse) ; le célèbre inventeur du vaccin contre la rage, Louis
• en multipliant les angles d’attaque d’un même Pasteur (1s3s, p. 131) : a o…p dans les champs de l’ob-
problème ; servation le hasard ne favorise que les esprits pré-
• en encourageant la redondance des savoirs dans parés. b Il faut donc savoir se préparer aux accidents.
l’entreprise qui favorisera la détection et l’interpré- S’exposer à des connaissances d’origine disciplinaire
tation d’un phénomène inattendu ; variée et multiplier les connaissances dans un champ
• en faisant état du caractère accidentel de nombre des en sont des moyens. Savoir développer une a vision
idées et des bons coups de l’entreprise pour favoriser périphériqueb (Calvez, 2l13, p. sr), c’est-à-dire une
la prise de conscience par tous de phénomènes excep- attention aux activités apparemment anodines, mar-
tionnels, inattendus, mais potentiellement fructueux. ginales ou différentes de concurrents ou d’entreprises
i l’inverse, il faut éviter la sérendipité a impuis- d’autres secteurs peut aussi être une piste.
sante, avortée ou contrariée b (Calvez, 2l13, p. s2) qui Selon Nonaka et Takeuchi (1ssd), il faut aussi encou-
survient lorsque des travailleurs inventifs peinent à rager la redondance des connaissances à l’échelle de
convaincre leurs supérieurs du bien-fondé des proto- l’organisation. La redondance est ainsi le chevauche-
idées, des prémisses de leurs découvertes, quand ces ment intentionnel d’informations et de connaissances
inventeurs se heurtent à la myopie ou à la surdité au sein de l’entreprise, à propos de celle-ci et de ses
de managers qui ne leur donnent ni la liberté ni les activités. Ces informations supplémentaires sont
moyens de les développer, ou même qui les forcent partagées dans l’entreprise et aident les individus a à
à chercher ailleurs (dans une autre organisation) un comprendre o ils se trouvent dans l’organisation, ce
contexte plus propice. qui permet de contrôler la direction de la réflexion et
On doit au poète et philosophe Paul faléry deux de l’action individuelle b (Nonaka et Takeuchi, 1ssd,
citations qui nous aident à comprendre comment p. 1l5). Avec la redondance, les membres d’une orga-
stimuler les heureuses co ncidences : a Il fallait être nisation peuvent apprendre à voir un problème, un
Nevton pour apercevoir que la Lune tombe, quand concept ou un projet à travers plusieurs perspectives,
tout le monde voit bien qu’elle ne tombe pas. b (1sdx, à les interpréter différemment, à en débattre avec les
p. rdr) Et aussi : a L’intuition sans l’intelligence est un autres, ce qui engendre la créativité et la création de
accident. b (1sx1, p. c2) La sérendipité n’advient que nouvelles connaissances organisationnelles.

Geneviève se sent comme investie d’une mission ces temps-ci. Des essais
VÉCUES
HISTOIRES

cliniques ont lieu dans son service pour tester un nouveau remède contre la maladie
d’Aliheimer. Elle se sent partie prenante de cette recherche, car elle sait que bien
des médicaments ont été découverts par hasard.
Comme tout le monde, elle a entendu l’histoire du kiagraMC qui, au départ, a
été testé pour des problèmes d’hypertension artérielle pulmonaire et qui a dû son
énorme succès à l’observation de son effet érectile inattendu par deux chercheurs
perspicaces pendant les essais de phase . Geneviève a convoqué toute son équipe
pour une réunion éclair. Elle regarde sa montre. ls devraient tous arriver d’ici
quelques minutes. Elle attrape les photocopies du document qu’elle a préparé
pour leur présenter les effets espérés de la nouvelle molécule. Elle compte leur
demander de rester à l’affût de tout effet secondaire imprévu. Qui sait, peut-être
pourront-ils jouer un rôle dans la découverte d’un nouveau médicament l

272 • Chapitre 1Q

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Pour résumer, l’organisation créatrice favorise la interne et la flexibilité de l’entreprise, chacun de ses
sérendipité, c’est-à-dire les découvertes fortuites et les membres doit avoir un accès rapide et égal à une diver-
heureuses co ncidences, car on ne sait jamais quand sité d’informations pertinentes. Plus particulièrement,
émergeront de bonnes idées utiles pour l’entreprise. des pratiques ouvertes facilitant le vagabondage intel-
Lorsqu’un phénomène peu ordinaire, mais source lectuel et le ressourcement, comme les congés d’études
d’une bonne idée se produit, il s’agit de le détecter, de ou les congés sabbatiques, dont les thèmes sont choisis
l’analyser comme tel et d’en discerner le potentiel, arc- par les salariés, sont de bonnes sources d’inspiration
bouté sur la conviction de la motivation intrinsèque pour faire najtre de nouvelles idées.
(ou automotivation) de l’humain pour l’invention. La démarche de stimulation des associations ana-
logies créatrices doit idéalement pouvoir s’appliquer à
Les stimulations créatrices tous les employés dans l’entreprise. En effet, en géné-
ral, le congé sabbatique ne s’adresse qu’à quelques pri-
Certaines idées proviennent de sources d’inspiration
vilégiés. Certaines initiatives peuvent être aidantes, par
diverses à partir desquelles l’individu créatif créateur
exemple la rotation des membres du personnel à tous
procède souvent par analogie ou association pour
les postes qu’ils sont capables d’occuper (nobinson et
résoudre les problèmes qu’il éprouve dans son propre
travail. Comme le raconte Steve Jobs, dans une inter- Stern, 2lll), l’alternance périodique d’une responsabi-
viev à Wired en 1ssc : lité entre les employés comme l’animation du système
de suggestion interne, ou l’exposition des employés au
La créativité, c’est juste relier les choses entre elles.
plus de réalités possible de l’entreprise. Multiplier les
uuand vous demandez à des personnes créatives
occasions d’échange avec l’ensemble des parties pre-
comment elles ont fait quelque chose, elles se sentent
un peu coupables, car elles ne l’ont pas vraiment faite, nantes de l’organisation permet de remettre en cause
elles ont juste vu quelque chose. Cela leur a semblé régulièrement le cadre mental et le filtre avec lequel est
évident après un certain temps. C’est parce qu’elles vécu le travail de chacun.
ont été capables de relier leurs expé-
riences et de les combiner en quelque
chose de nouveau. Et la raison pour
laquelle elles ont été en mesure de
La stimulation créatrice : fournir des stimulations
réaliser cela, c’est qu’elles possé- génératrices d’inspiration et d’associations fécondes.
daient plus d’expériences ou qu’elles
avaient plus réfléchi à leurs expé-
riences que d’autres. Malheureuse-
Le cadre matériel de travail joue également un rôle
ment, c’est une denrée rare. eeaucoup de gens dans
notre industrie ne détiennent pas d’expériences très en tant que source de stimulations créatrices. L’envi-
diverses. Ils n’ont donc pas assez de points à connec- ronnement physique, c’est-à-dire les caractéristiques
ter, et ils finissent par présenter des solutions très psychosociologiques et matérielles du lieu de travail,
linéaires qui ne traduisent pas une perspective large comme le cadre du bureau et plus largement le quar-
du problème. (yolf, 1ssc) tier o il se situe, peut être propice à l’énergie créatrice
te fait, l’organisation créatrice est celle qui sait (Saives, Charles-Pauvers, Schieb-eienfait et Michel,
fournir à ses employés des stimulations génératrices 2l1c). Selon Elsbach et Pratt (2lld), le lieu de travail
d’associations inattendues, des déclencheurs d’illu- remplit plusieurs fonctions :
minations, d’étincelles cognitives. eien skr, la mul- • une fonction instrumentale : qui fournit les moyens
tiplication des moyens de faire circuler informations d’offrir une bonne performance au travail ;
et connaissances comme les conférences, les forma- • une fonction esthétique : qui joue sur l’humeur ;
tions, les forums de discussion, les bibliothèques et • une fonction symbolique : qui influe sur le senti-
les archives de documentation, les bulletins de nou- ment d’appartenance.
velles ou de veille, auprès des employés et entre eux,
Un lieu de travail peut, par exemple, produire fonc-
sont très utiles à cet effet. t’après Nonaka et Takeuchi
tionnellement des ruptures de rythme comme les
(1ssd), une entreprise qui veut promouvoir la création
pauses, qui sont propices à l’incubation des idées. Son
des connaissances doit se doter d’une diversité interne
cadre esthétique peut contribuer à une identification
(dite a variété requise b) pour pouvoir faire face aux
professionnelle singulière et provoquer ou renforcer la
ambigu tés et à la complexité de l’environnement dans
reconnaissance de l’originalité du travail de chacun.
lequel elle évolue. Ainsi, pour maximiser la variété

RenouveReR Re manaBement • 27t

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La présence d’éléments naturels dans l’environne- par le choix approprié de l’aménagement des espaces
ment de travail comme la lumière, les couleurs et les de travail et de stimulations matérielles et cogni-
matériaux, la végétation et même des œuvres d’art tives au travail. En effet, on sait maintenant que cer-
représentant la nature, et autour comme la présence taines aires ouvertes (dit open spaces) ont leurs limites
d’arbres, d’étendues d’eau ou de montagnes, sont pré- (tes Isnards et uber, 2llr). Le renouveau contem-
férés par les travailleurs qui y puisent des effets revi- porain du design architectural et intérieur des
gorants et libérateurs (Nevell, 1ssd). Calvez (2l13) lieux de travail, des bureaux et des locaux profession-
évoque l’exemple célèbre du siège social de la Johnson nels, renforcé par la mode des espaces de travail colla-
yax dessiné en 1s35 par l’architecte de renom Franck boratif comme les aires de cotravail (co- orking), les
Lloyd yright. mibbard Johnson, le président de l’en- espaces de fabrication et de prototypage ( fablabs,
treprise, souhaitait améliorer le sentiment de dignité makerpaces) dans et hors des murs de l’entreprise, en
et l’efficacité des employés placés sur un pied d’égalité est le témoin.
dans de grands espaces décloisonnés et majestueux tans la même veine, certaines pratiques managé-
qu’ils pouvaient s’enorgueillir de fréquenter. L’archi- riales visant une amélioration des rythmes du travail
tecture des lieux a donc permis de véhiculer la phi- ainsi qu’une équilibration entre temps professionnel
losophie humaniste de la famille propriétaire ainsi et temps privé évoluent. En plus d’accords de télé-
que l’image de modernité accompagnant les projets de travail et de flexibilisation des horaires de travail,
l’entreprise. L’histoire rapporte qu’il a connu un grand certaines entreprises proposent moult services
succès dans cette initiative. et infrastructures sur place pour faire gagner du temps
aux employés ou pour exécuter un certain nombre
de twches personnelles à leur place. Alimentation
à emporter, service bancaire, service de nettoyeur,
ménage au domicile, voire service d’aide psycholo-
gique et de soins médicaux permettent ainsi de dimi-
nuer une part de leur stress. Le travers de ces solutions
est bien skr de voir le salarié, obsédé par la reconnais-
sance subjective de son travail, redoubler d’ardeur
exagérée en emploi une fois dégagé des impératifs
quotidiens domestiques et privés. t’autres entreprises
se dotent de règles d’hygiène (Ollier-Malaterre, 2lls),
par exemple des plages horaires de travail communes
et obligatoires ciblées et respectées, la minimisation
des déplacements inutiles, la planification plus réaliste
des durées des projets, afin de permettre une meil-
leure conciliation vie professionnelle vie privée. Plus
encore, les managers soucieux de l’harmonie profes-
L’intérieur du siège social de la fohnson Wax, dessiné en 193a sionnelle et de l’humanisation de l’organisation s’ef-
par Franck Lloyd Wright forcent de reconsidérer leur conception du salarié
idéal disponible 2x heures sur 2x et d jours sur d en
Comme le rappelle Littner (2ll2, p. s2) : a Le proces- lui faisant véritablement confiance pour s’organiser
et travailler selon des objectifs professionnels adé-
sus du stress varie en fonction du niveau de stimula-
quatement discutés et explicités ensemble et non en
tion de l’individu. Un trop faible niveau de stimulation
évaluant sa performance selon le temps passé au
(solitude, sous-activité) ou, inversement, une trop forte
bureau (Ollier-Malaterre, tumas et Alis, 2l11).
stimulation (hyperactivité, bruit) génèrent du stress.
Pour être créatif, il faut trouver le juste équilibre en Pour résumer, l’organisation créatrice est celle qui sait
termes de stimulation et de stress. k Il importe donc fournir à ses employés des stimulations génératrices
de trouver un juste équilibre entre sous-stimulation d’associations fécondes grwce à un cadre matériel inspi-
et surstimulation de la personne créative/créatrice rant, une philosophie managériale basée sur la confiance
au travail. Les organisations créatrices sont aujour- envers le travailleur et un rythme de travail adéquate-
d’hui de plus en plus soucieuses de cette équilibration ment équilibré avec le temps de la vie personnelle.

274 • Chapitre 1Q

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La communication interne • de la communication informelle entre employés


distants h c’est-à-dire ne travaillant a priori pas
eien de bonnes idées sont nées parce que des gens ensemble h, des réseaux sociaux et du capital so-
qui normalement ne se parlent pas se sont croisés cial interne ;
par hasard et ont pu discuter inopinément d’un pro- • de la prise de conscience par tous de l’importance de
blème. L’exemple de 3M et du Post-it MC en témoigne. l’entraide par l’échange d’information et le partage
Mais, plus banalement, combien de fois un employé de connaissances ;
ou un manager ont-ils résolu un problème ou fait • du développement d’une bonne connaissance par les
najtre un nouveau projet dans l’entrebwillement d’une salariés de l’organisation interne, connaissance qui
porte de bureau ou dans un couloir lors de la rencontre peut s’acquérir par la formation, des mutations internes,
impromptue avec un collègue plus ou moins éloigné des stages dans des services variés, par exemple ;
géographiquement ou fonctionnellement de leur • d’entretenir les lieux et les occasions pour sociali-
service ? Mintzberg (1sd3, 2llx) en témoignait déjà ser et échanger les idées, y compris pour les gens
dans son ouvrage portant sur le travail de direction. La n’ayant pas de pouvoir décisionnel ;
plupart du temps, le dirigeant cause, mais de choses • d’éviter le travail en silo. Même si les individus se
qu’il n’avait pas forcément planifié d’évoquer et sou- connaissent et travaillent à proximité les uns des au-
vent au fil imprévu de discussions informelles avec les tres, il peut être difficile de réunir leurs idées et leurs
employés rencontrés dans sa journée. Ainsi, l’organi- compétences au bon moment et de la bonne façon.
sation informelle (dont parlait déjà aarnard) est une eref, ils insistent sur la nécessité de relier en perma-
alliée indispensable à la communication d’informa- nence les personnes, les savoirs et les connaissances de
tions et à la circulation entre employés de connais- toutes les disciplines dans l’entreprise. En effet, parmi
sances utiles à des actes créatifs/créateurs imprévus. les connaissances des personnes, la plupart sont tacites
i l’inverse, combien de dossiers, de projets, ont pu (voir l’encadré 10.7), c’est-à-dire difficiles à détecter, à
trajner ou avorter parce que les bonnes personnes formuler, à expliciter. t’o l’intérêt de prévoir des lieux
n’ont pas été mises en contact au moment oppor- de rencontre et des moyens de mise en relation des uns
tun ? nobinson et Stern (2lll) constatent ainsi toute avec les autres pour que les employés puissent partager
l’importance : leurs connaissances de différentes manières.

ENCADRÉ 1c.d DEUl TYPES DE CONNAISSANCES : TACITES ET ElPLICITES


Polanyi (1p66, p. x), père de l’idée de la connaissance e modèles mentaux f, à savoir des e schémas, para-
tacite, disait notamment : e Nous pouvons savoir plus digmes, perspectives, croyances ou points de vue f
que ce que nous pouvons exprimer. f Pour comprendre la (Nonaka et Takeuchi, 1ppr, p. u0) q c’est-à-dire des
différence entre les connaissances tacites et les connais- visions qu’on pourrait avoir de la réalité.
sances explicites, il faut d’abord se rendre compte que
ce ne sont pas toutes les connaissances qui peuvent être LES CONNAISSANCES ElPLICITES
exprimées sous forme de mots (écrits ou parlés) ou de bes connaissances explicites, quant à elles, sont e codi-
chiffres. Par exemple, avei-vous déjà essayé d’expliquer fiables f et peuvent être facilement articulées sous
à quelqu’un comment monter à vélo l l s’agit d’une forme de mots ou de chiffres dans un e langage formel
forme de connaissance dite tacite, qui est expérientielle, et systématique f (Nonaka et Takeuchi, 1ppr, p. rp).
personnelle, propre à un contexte, et donc difficile à tra- Ce type de connaissances est transmissible en tant que
duire, à formaliser et à communiquer aux autres. documents réutilisables, par exemple une encyclopédie
ou un manuel de procédures.
LES CONNAISSANCES TACITES
Selon Nonaka et Takeuchi (1ppr, p. u1), e la connaissance
bes connaissances tacites peuvent inclure des éléments
tacite et la connaissance explicite ne sont pas totalement
techniques (un savoir-faire ou une habileté particulière),
séparées, mais sont des entités mutuellement complé-
comme dans l’exemple du vélo ci-dessus, et contenir
mentaires. Elles interagissent et se transforment dans les
des éléments cognitifs qui sont eux aussi difficiles à
activités créatrices des êtres humains f. C’est l’interaction
expliquer. Des exemples de connaissances tacites cogni-
entre connaissance tacite et connaissance explicite qui crée
tives seraient ce que aohnson-baird (1pu3) appelle des
la connaissance q et donc l’innovation q organisationnelle.

RenouveReR Re manaBement • 27k

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Selon une approche humaine de la gestion des dans la mesure o ceux-ci doivent montrer de l’empa-
connaissances d’origine japonaise, la dynamique SECI thie et de l’attention afin de construire une relation de
(voir l’encadré 10.8) se manifeste ainsi dans des lieux de confiance et de respect mutuel avec les employés, et
socialisation, de partage et d’interactions ou encore des encourager ainsi le dialogue ouvert, l’expression et la
a ba b (Nonaka, Umemoto et Sasaki, 1ssr) ; il s’agit de communication des idées et le partage des expériences
lieux existentiels, physiques (lieux de réunion formels entre chacun en ces lieux.
ou informels) et virtuels (NetMeeting,
Groupvare, Communauté en ligne,
etc.), de partage d’expériences et de
création de sens (partage d’émotions,
La communication interne : favoriser la circulation
de valeurs, d’actions, de la réflexion, et le partage des connaissances tacites et explicites.
de la reconnaissance, etc.). Ici, le
rôle des managers est très important

ENCADRÉ 1c.8 LE MODÈLE JAPONAIS SECI

b’approche japonaise SEC sur la création des connais- d’apprentissages permanents et d’interactions sociales
sances organisationnelles a pour but d’atteindre e continues et dynamiques f entre les connaissances
l’équilibre entre la création d’idées et de connais- tacites et les connaissances explicites. ba création de
sances nouvelles (la créativité) et l’efficacité. Nonaka connaissances se produit au niveau des personnes, des
et Takeuchi (1ppr) considèrent l’entreprise comme un groupes et des organisations et résulte de la coexistence
lieu d’apprentissage et de création des connaissances, de quatre modes de conversion des savoirs : la socialisa-
sur lesquelles elle peut fonder son avantage concur- tion (S), l’extériorisation (E), la combinaison (C) et l’inté-
rentiel et assurer sa croissance. Selon eux, la création riorisation ( ) (voir la figure ci-dessous).
de connaissances provient d’un processus en spirale

FIGURE Les quatre modes de conversion des connaissances

Liaison entre
connaissances implicites
Tacite vers tacite Tacite vers explicite
SOCIALISATION
(savoir relationnel) (savoir conceptuel)
espace de
partage
INTgRIORISATION

EXTgRIORISATION
Appropriation

Apprentissage
Artéfacts

Acteur cialogue
en faisant

Redondances
explicite vers tacite explicite vers explicite
(savoir opératoire) COMBINAISON (savoir articulé)

Liaison entre
connaissances explicites
ource : kdapté de Nonaia et naieuchi, 1ffe.

27c • Chapitre 1Q

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LA SOCIALISATION : DE LA CONNAISSANCE informations explicites nouvelles ou existantes provenant


TACITE VERS LA CONNAISSANCE TACITE de différentes sources. On établit donc des liaisons entre
ba socialisation produit des savoirs tacites. C’est un des connaissances explicites. Un exemple de combinaison
processus par lequel une personne peut acquérir des serait une base de données informatique dans laquelle la
connaissances tacites d’une autre personne sans avoir création de nouvelles connaissances vient du fait de pou
recours au langage verbal ou écrit. Elle y parvient grsce voir trier, additionner, combiner et catégoriser des données
à d’autres moyens comme l’observation, l’imitation ou nouvelles et des données existantes. ba combinaison cor
l’expérience. ba socialisation est avant tout un proces respond donc à un exercice d’organisation, de structu
sus de partage d’expériences comme l’apprentissage ration des connaissances explicites dans des pratiques et
professionnel, l’apprentissage e sur le tas f, le mentorat des référentiels communs. bes personnes échangent et
ou les fréquentations sociales. Elle permet toutes sortes combinent les connaissances par le tri, l’addition, la com
d’e expériences partagées f entre deux ou plusieurs per binaison ou la catégorisation de connaissances explicites.
sonnes et produit des connaissances tacites. ba socialisa l s’agit d’une mise en réseau des savoirs récemment créés
tion nécessite la construction d’un champ d’interactions, qui sont intégrés aux connaissances déjà détenues dans
d’un lieu d’échange (e ba f), par exemple un cercle de une communauté. Pour optimiser ce processus, il s’effectue
qualité, une réunion de discussion, une séance de créa un recouvrement intentionnel d’informations sur l’objet de
tivité, des rencontres fortuites, formelles et informelles, connaissance (redondance), qui donne lieu à la création de
afin que s’y transmettent les expériences, les modèles nouvelles connaissances. ba redondance fait référence au
mentaux, les aptitudes techniques, etc. fait que même dans un contexte de spécialisation poussée,
il est important de posséder des savoirs communs. Cette
L’ElTÉRIORISATION : DE LA CONNAISSANCE plate forme commune de savoirs est la base de la synergie,
TACITE VERS LA CONNAISSANCE ElPLICITE résultante de la circulation des connaissances.
b’extériorisation passe par le langage simple et le langage
L’INTÉRIORISATION : DE LA CONNAISSANCE
figuré. Au moyen de l’extériorisation, les connaissances
tacites sont articulées et conceptualisées en connais
ElPLICITE VERS LA CONNAISSANCE TACITE
sances explicites. b’écriture peut être considérée comme b’intériorisation, c’est l’assimilation opérationnelle du savoir.
un acte d’extériorisation de connaissances tacites, mais be processus d’intériorisation représente l’e incorporation f
il est possible que le langage simple ne suffise pas pour (Nonaka et Takeuchi, 1ppr, p. p1) de concepts explicites
expliquer une image ou un concept. On peut alors utiliser par une personne. l peut se produire au moyen de l’ap
le langage figuré comme les métaphores ou les analo prentissage par la lecture, de l’apprentissage par l’écoute,
gies, ou avoir recours à des hypothèses ou à des modèles de l’apprentissage en faisant quelque chose (learning by
pour articuler explicitement des connaissances tacites. doing) ou de l’apprentissage par la réflexion. borsque des
connaissances sont intériorisées, elles font partie des bases
b’extériorisation engendre donc, à partir de connais de connaissances tacites, soit techniques (formant de nou
sances tacites, de nouveaux concepts explicites. Par le velles habiletés ou un nouveau savoir faire) ou cognitives
dialogue ou l’écriture, ce mode de conversion extériorise (sous forme de modèles mentaux partagés).
à l’ensemble d’une communauté ou d’une organisation
le savoir implicite d’un groupe ou d’une personne. b’uti LA SPIRALE DE CRÉATION
lisation d’une métaphore attirante ou d’une analogie DES CONNAISSANCES
permet aux différents intervenants de se comprendre et ba création de connaissances est une spirale continue et
de renforcer leur adhésion directe au processus créatif. cumulative. Au centre du schéma de Nonaka et Takeuchi
be dialogue et la réflexion collective vont par la suite (voir la figure de la page précédente) se trouve la e spi
mener à l’émergence de nouveaux concepts. Ce pro rale f de création des connaissances. Cette spirale repré
cessus produit donc une connaissance conceptuelle sente la propulsion et l’amplification des connaissances
constituée d’artéfacts, d’objets transactionnels (boun- tacites et explicites des personnes vers une dimension
dary objects) comme des documents écrits, des guides ontologique plus élevée (c’est à dire le groupe, l’organisa
de pratique, des protocoles ou des rapports. tion ou l’interorganisation) par des alternances entre les
quatre modes de conversion décrits précédemment.
LA COMBINAISON : DE LA CONNAISSANCE
ElPLICITE VERS LA CONNAISSANCE ElPLICITE Ainsi, pour que la création des connaissances et l’inno
ba combinaison, c’est lier des connaissances explicites exis vation organisationnelle aient lieu, l’entreprise doit être
tantes et nouvelles. ba combinaison implique la e systé capable de mobiliser les connaissances tacites et explicites
matisation de concepts en un système de connaissances f des personnes pour qu’elles soient partagées avec les
(Nonaka et Takeuchi, 1ppr, p. up). Dans cette conversion autres membres de l’organisation, de fadon dynamique
des connaissances, on organise et on reconfigure des et continue.

RenouveReR Re manaBement • 277

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Josée-Anne est très contente de la mise en place du répertoire électronique


VÉCUES
HISTOIRES
des expertises disponibles dans son entreprise. C’est tout simple, mais une sorte de bottin
numérique interne qui spécifie le détail des compétences de ses collègues, au-delà de
la spécialité de leur fonction, se révèle très utile pour se faire aider lorsque surviennent
des problèmes inédits. Elle l’a mis en place après avoir discuté avec son amie Solange
qui lui racontait les péripéties de son intégration dans sa nouvelle entreprise, une grande
multinationale dans laquelle elle ne connaissait personne. Son amie l’avait fait beaucoup
rire avec ses histoires de recherche de cartouche d’encre qui avait failli la faire congédier
parce qu’elle n’avait pu rendre son rapport à la date prévue. Solange, une fille très
débrouillarde, s’était dit qu’elle ne se ferait plus prendre ainsi. Elle avait observé que les
numéros des badges des employés dont les chiffres étaient les plus élevés correspondaient
aux e nouveaux arrivés f comme elle. Elle avait alors utilisé le bottin téléphonique qui
comprenait ces numéros de badge pour se créer un réseau de e nouveaux f avec qui
échanger sur les problèmes parfois tout simples, comme se connecter à nternet, obtenir
des codes d’accès, trouver les codes ou les clés des salles de réunion ou tout simplement
obtenir une cartouche d’encre pour l’imprimante. Et elle a en plus découvert des savoirs
insoupdonnés chei ces personnes, bien au-delà de leur fonction officielle.
aosée-Anne s’était alors rendu compte que le ziki avec la foire aux questions
qu’elle avait mis en place dans son entreprise pour faciliter l’intégration des nouveaux
employés avait besoin d’être mis à jour et surtout d’être amélioré : il n’y a rien de tel
qu’une communication directe et informelle.

Cela dit, maintenir la confiance entre


employés, et entre managers et employés,
s’avère difficile à l’heure o la machine pro- L’ouverture collaborative implique le travail
grammable est aujourd’hui capable de réaliser en commun avec les spécialistes externes.
des opérations complexes de calcul. nobots et
intelligence artificielle se substituent de plus
en plus à l’être humain pour accomplir cer-
taines twches. Jusqu’à quel point cette substitution de L’ouverture collaborative
l’être humain par la machine va-t-elle s’opérer ? C’est tès 1ssr, deux employés du groupe pharmaceutique Eli
le cœur des débats sur l’automatisation aujourd’hui : Lilly and Company ont eu l’idée avant-gardiste d’explo-
quelles twches exigent encore des connaissances expé- rer le potentiel d’Internet en affaires en créant Inno-
rientielles et ne peuvent pas encore être remplacées par centive, une plateforme collaborative de résolution de
des machines : le diagnostic du médecin, la patience problèmes scientifiques ou techniques soumis à la com-
et l’humanité en plus du soin technique prodigué par munauté internationale, au-delà des frontières de l’entre-
l’infirmière elle-même ? Et pourtant, les chercheurs prise. Plus de 3d5 lll contributeurs de plus de 2ll pays y
travaillent à des portails interactifs de consultation en collaborent aujourd’hui (vvv.innocentive.com). Procter
ligne et à des robots humano des… Est-ce l’analyse Gamble (P G) est aussi connu pour avoir misé
des incidents aériens au cœur du métier de pilote ? Et dès 2lll sur l’innovation ouverte (Chesbrough, 2ll3)
pourtant, les avions-drones sont d’actualité… Est-ce et collaborative avec son portail d’appel à projets
l’analyse stratégique au cœur du métier de manager ? Connect tevelop.
Et pourtant, certaines entreprises n’hésitent pas à faire
tans la perspective économique du paradigme
siéger un ordinateur à leur conseil d’administration,
récent de l’innovation ouverte (open innovation),
chargé de l’analyse des dernières statistiques finan-
a o…p L’innovation ouverte signifie que des idées
cières pour optimiser la prise de décision.
valables peuvent germer aussi bien dans l’entreprise

27s • Chapitre 1Q

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elle-même qu’en dehors de l’entreprise et que ces l’entreprise (Leonard-earton, 1ssr ; Miller et Morris,
idées peuvent atteindre le marché par l’intermédiaire 1sss ; fon mippel, 1srr ; fon mippel, Thomke et
de l’entreprise elle-même ou d’autres entreprises b Sonnack, 2lll). fon mippel et ses collaborateurs
(Chesbrough, 2ll3, p. x3). (1srr, 2lll) insistent, par exemple, sur l’importance
tevant la complexité des défis scientifiques, tech- des premiers utilisateurs dans le processus de déve-
niques ou socioéconomiques que pose l’innovation, le loppement de nouveaux produits et sur la nécessité
directeur de P G de l’époque proposait que la moitié de traquer ces utilisateurs innovateurs (lead users
des nouveaux produits de l’entreprise proviennent de ou uti-leaders) (Loilier et Tellier, 1sss) pour éprouver
l’interne et des laboratoires propres du groupe tandis les idées et diffuser les innovations. Pour Alter (2llx,
que l’autre moitié résulte de collaborations avec l’ex- p. d1) : a o…p une nouveauté ne se diffuse qu’à la condi-
terne. Apple a créé pour sa part un modèle original de tion d’être portée par des innovateurs qui, initiale-
commercialisation des inventions pour les applications ment, transgressent les normes régissant les rapports
iPhone et iPod. En effet, celles-ci étaient conçues et sociaux à un moment donné. b Ces comportements,
programmées en 2l1l par un réseau de 2r lll déve- initialement conçus comme étant a déviants b par la
loppeurs externes auxquels reviennent d des revenus majorité, deviennent progressivement, si la nouveauté
générés par la vente de ces applications téléchargeables se diffuse, normaux et même normatifs (Alter, 2llx,
en ligne (Staff, 2l1l). Cela n’est pas sans poser des p. d2). Ces utilisateurs aventureux, technophiles, ces
défis au chapitre de la coordination et de la gestion de consommateurs innovateurs, très peu nombreux, sont
la propriété intellectuelle. Il nous faut donc faire face au aussi les porte-parole initiaux, voire les coconcep-
caractère inéluctable de la collaboration au-delà des teurs de l’innovation dans le processus de sa diffusion
frontières de l’organisation à l’heure de la complexité. auprès de la majorité innovante, puis de la majorité
Avec la flexibilisation du travail, d’une part, retardataire de consommateurs.
et la complexification des technologies, d’autre Actuellement, une organisation peut donc bénéficier
part, la participation à l’innovation de l’organisa- des idées, des connaissances et des savoir-faire d’un
tion d’autres partenaires que les classiques acteurs réseau de relations de réciprocité qu’elle entretient
internes devient cruciale. On parle aujourd’hui de avec les acteurs de son environnement (Chesbrough,
l’ouverture collaborative comme le mouvement de par- 2ll3 ; Pavitt, 1srx ; fenkatraman et Subramaniam,
ticipation à l’élaboration d’une œuvre commune (de 2ll2), bref, d’une ouverture collaborative au travail en
collabore : travailler en commun pour gagner des béné- commun avec des spécialistes externes. te la néces-
fices) au-delà de la coopération interne (de cooperatio : sité de ces pratiques d’innovation en réseau découlent,
la part prise à une œuvre faite en commun). Cocréa- selon Leonard-earton (1ssr, p. 155), quelques règles
tion, co-innovation avec les usagers, travail collabora- nouvelles de management, à savoir :
tif avec les membres d’espaces coopératifs extérieurs
au site géographique de l’organisation, innovation • créer des frontières poreuses pour rendre l’or-
ouverte avec des partenaires externes, cofinancement, ganisation perméable aux idées circulant à l’externe
voire sociofinancement (cro d-funding) par une com- notamment dans les communautés scientifiques ou
munauté de consommateurs ou de citoyens engagés, les communautés d’usagers, pour défier les routines
voilà toutes des formes de collaboration qui permet- en place et encourager la sérendipité ;
tent aujourd’hui à l’organisation de concevoir et de • scruter l’environnement à l’aide d’experts veil-
concrétiser des idées nouvelles. gvidemment se pose leurs et assurer une interaction constante avec cet
la question de la rémunération à sa juste valeur de environnement pour permettre une actualisation
ces contributions externes. continuelle des connaissances, et non pas ponc-
Le client (consommateur, usager) et plus générale- tuelle et orientée seulement selon un calendrier de
ment l’ensemble des partenaires de l’entreprise et de projets préétablis ;
son système d’innovation (universités, écoles, labo- • lutter contre le syndrome du non inventé ici
ratoires publics) deviennent ainsi des sources impor- et la tendance à repousser les idées des autres ou
tantes d’idées de produits ou de technologies pour celles qui sont nées à l’extérieur de l’organisation.

RenouveReR Re manaBement • 27l

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10.8 Réhumaniser le management des idées


et des connaissances
Pour un observateur intéressé par les changements L’approche humaine de
importants dans nos sociétés, nos économies et nos
organisations, le concept auquel on est le plus souvent
la gestion des connaissances
exposé de nos jours, que ce soit chez les chefs d’entre- Nous vivons à une période de l’histoire humaine o il
prises, les universitaires et même les politiciens, c’est la existe indéniablement une omniprésence des techno-
priorité accordée à l’innovation pour assurer un avan- logies. Nous voyons, sous nos yeux, comment elles se
tage compétitif aux entreprises, mais aussi aux nations développent, changent de nature et prennent de plus
entières. L’innovation devient la clé du succès. tans en plus de place dans notre vie. Ce phénomène vient
la continuité de cet argumentaire, les mêmes acteurs renforcer la position de ceux qui considèrent que la
placent la connaissance, sa gestion, son acquisition et logique technique est légitime pour organiser et for-
sa mobilisation comme une condition préalable pour mater l’organisation sociale en général et les organi-
atteindre la capacité d’innovation souhaitée. Sans être sations en particulier. Le progrès technologique est
faux, ce n’est pas aussi simple et linéaire que cela peut assimilé, à tort, à un progrès social ou organisationnel.
parajtre à première vue. Ce lien évident de cause à Or, depuis l’apparition des ateliers d’artisans jusqu’à
effet ne l’est peut-être pas toujours. Personne ne remet la conception des usines et des entreprises modernes,
en cause l’impact de l’innovation sur la performance l’organisation a toujours été un système d’information,
d’une entreprise ou d’un pays ni la nécessité d’une plus c’est-à-dire, un lieu o un ensemble d’individus connais-
grande base de connaissances. La gestion des idées et seurs possédant des outils et des techniques propres à
des connaissances n’est pas une chose qui existe en chaque période rassemblent et échangent des savoirs.
soi, de façon neutre et uniforme, qu’il s’agit tout sim- Ces savoirs, mobilisés dans l’action comme un système
plement d’importer dans l’organisation. Le lien que de connaissances, permettent à l’organisation d’assurer
nous établissons entre la connaissance, l’humain, l’or- sa pérennité en faisant le mieux possible ce pour quoi
ganisation et la performance dépend grandement de elle existe. Plus ce savoir grandit, plus il est partagé par
la conception que nous avons de la nature de chacun les membres d’une organisation, plus celle-ci devient
de ces éléments. D’une organisation à l’autre, d’un dynamique pour faire face à son environnement.
pays à l’autre, d’une approche managériale à l’autre,
nous nous trouvons devant des pratiques très diffé-
rentes parce que nous avons des finalités différentes.
L’organisation est depuis toujours
Certains pensent que la connaissance et l’innova-
tion sont propres à notre époque. uue l’accélération un système humain d’information.
du développement technologique nécessite également
une accélération aujourd’hui du processus de la créa-
tion des connaissances dans l’organisation. Encore une tès lors, le processus de création de savoirs et de
fois, ce n’est pas faux, mais ce n’est pas toute la réalité connaissances est primordial. Le management, en tant
non plus. tepuis longtemps, le développement écono- que champ scientifique, s’est penché sur ce processus
mique d’un pays, et par la même occasion sa puissance, et a vu émerger, dans les années 1ssl, une nouvelle
est associé aux savoir-faire et aux techniques qu’il maj- discipline : la gestion des connaissances (kno ledge
trise. foici une citation de Napoléon eonaparte datant management).
de la fin du gfIIIe siècle qui illustre ce fait : La gestion des connaissances fait partie de ces
Les seules vraies conquêtes, les seules qui ne concepts complexes o l’exercice de définition n’est ni
donnent aucun regret, sont celles qui sont faites facile ni évident. Nous nous trouvons dans le champ
sur l’ignorance. La vraie puissance de la népu- épistémologique de la gestion, un champ marqué par
blique doit désormais consister à ne pas permettre l’idéologie o les définitions varient d’une approche
qu’il existe une seule idée nouvelle qui lui échappe. idéologique à l’autre en ce qui a trait à la finalité,
(tupont-Sommer, 1sd2, p. 55c)

2s0 • Chapitre 1Q

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aux moyens, à la perspective, à la culture, etc. Nous • Le processus de création de savoir est contextua-
sommes également dans le champ épistémologique de lisé. Il ne peut pas s’effectuer en dehors d’un milieu
la connaissance, cette dernière étant un concept cen- social doté de ses caractéristiques propres intégrant
tral dans plusieurs domaines disciplinaires, comme la les représentations, les croyances, la culture des per-
philosophie, l’économie, les sciences exactes ou la psy- sonnes, etc. tans la mesure o l’être humain est par-
chologie. Il est alors ardu d’établir un contour précis tie intégrante du processus, tout ce qui l’influence
pour caractériser la notion de connaissance. joue un rôle déterminant dans cette démarche.
• Ce processus de création est à la fois individuel et
collectif. Il intervient dans toutes les sphères du
kérer les connaissances, c’est gérer fonctionnement de l’entreprise. C’est la philosophie
managériale en vigueur dans celle-ci qui engendrera
des savoirs explicites et surtout des des résultats particuliers. Un style de management
savoirs tacites. très hiérarchisé, excessivement rationnel et ne valori-
sant que les cadres supérieurs de l’entreprise ne peut
que ralentir, voire détruire le processus de création
et de circulation de la connaissance. Ce n’est pas un
Conscients de ces difficultés, nous nous enga-
hasard si les organisations dont la structure est plus
geons prudemment sur la voie d’une définition de
aplatie affichent des résultats plus intéressants en ce
la gestion des connaissances. Ainsi, la gestion des
qui a trait à l’innovation, à la position concurrentielle
connaissances est un processus d’apprentissage,
et, bien skr, à la rentabilité.
de création, de transformation et de circulation des
• Ce processus est non rival. Cela signifie que, pour
connaissances explicites et tacites dans un contexte
reproduire une action, une personne peut utiliser
donné, effectué par les personnes, intégré dans les
indéfiniment la même connaissance sans qu’il lui en
différents processus de l’organisation, soumis à la
cokte (Foray, 2lll). te plus, un très grand nombre
logique managériale en vigueur. jlle est cumulative
de personnes peuvent utiliser la même connais-
et non rivale (Ebrahimi et Saives, 2llc).
sance sans que quiconque n’en soit privé, ce qu’a
Cette définition met l’accent sur quelques éléments expliqué Jefferson (troisième président des États-
fondamentaux. Unis, de 1rl1 à 1rls) dans un langage beaucoup
• Tout processus de création des connaissances intègre plus poétique que celui des économistes : a Celui qui
la notion d’apprentissage. En effet, chaque fois qu’on reçoit une idée de moi reçoit un savoir sans dimi-
s’engage dans une action (production d’un bien ou nuer le mien, tout comme celui qui allume sa bougie
d’un service), on se place devant une suite d’évé- à la mienne reçoit la lumière sans me plonger dans
nements et d’expériences non planifiés, ce qui nous la pénombre. b Certains auteurs parlent même de
conduit vers des interrogations nouvelles auxquelles l’a expansion infinie b des connaissances perpétuel-
on n’avait pas pensé au moment de la conception de lement multipliées par ses détenteurs.
cette action. L’effort qu’on déploie pour résoudre ces • La connaissance est également cumulative. Selon
problèmes met en marche un processus d’appren- Foray (2lll, p. c2), a une connaissance est le fac-
tissage (apprendre en faisant ou apprendre en uti- teur principal de la production de nouvelles con-
lisant). Ces apprentissages, si le contexte le permet, naissances et de nouvelles idées b. Une nouvelle
vont faire partie de notre bagage expérientiel, ce qui connaissance interviendra comme un tremplin
permettra d’améliorer le processus de production. pour aller vers d’autres horizons. Cela s’ajoutera à
• Le processus de création, de transformation et de ce que nous savions déjà, et ne prendra pas sa place.
circulation des savoirs est valable aussi bien pour les
connaissances tacites que pour les connaissances
explicites. Il est important d’insister sur ce point
dans la mesure o les théories dominantes en gestion Le savoir est le seul capital qui augmente
des connaissances, même si elles acceptent l’impor-
tance des connaissances tacites, accordent souvent
quand on le partage.
une plus grande place aux connaissances explicites.

RenouveReR Re manaBement • 2s1

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L’approche technologique l’accès à la connaissance est ainsi sélectif et contrôlé


par les seuls systèmes d’information. Il ne favorise pas
de la gestion des connaissances le développement du patrimoine collectif et partagé
Les progrès technologiques et l’importance grandissante d’expertises dans l’organisation. uuant à l’amélioration
des technologies de l’information (TI) dans l’organisa- de la performance du système de gestion des connais-
tion des sociétés nous conduisent, à tort, à confondre le sances, il s’agira d’accrojtre la capacité des logiciels et
concept de l’organisation comme un système d’infor- la performance technique du système. t’ailleurs, nous
mation et l’organisation comme système informatique. constatons une croissance fulgurante des dépenses
Très souvent, dans la littérature en gestion, et parfois des entreprises dans l’acquisition des systèmes infor-
de façon non intentionnelle, nous utilisons ces deux matiques au cours des deux dernières décennies. Cette
concepts de façon équivalente. Or, concevoir l’organisa- approche peut être pratique si, dans l’entreprise, on a
tion comme un système informatique nous place dans besoin de la même information de façon routinière.
une conception très technique et instrumentale de l’or- tès qu’on sort de ce fonctionnement, cette approche ne
ganisation et de la gestion des connaissances. suffit plus, étant donné que l’environnement de l’entre-
L’approche technologique est une vision de la gestion prise change constamment.
des connaissances, qualifiée de a représentationniste b Si cette approche technique comporte quelques avan-
(Ferrary et Pesqueux, 2llc), qui mobilise largement tages (cokt, uniformité, accessibilité), toutefois, par sa
l’infrastructure technologique de l’entreprise afin de nature statique, elle ne contribue pas à l’augmentation
codifier et de stocMer les connaissances nécessaires des savoirs collectifs de l’organisation. La logique de la
aux opérations de l’organisation. Ainsi, on procède création de la connaissance trouve sa dynamique dans
à des investissements majeurs dans les TI qui, à ce la richesse des interactions humaines qui explorent les
titre, deviennent le cœur du système de gestion des situations nouvelles. Ainsi, une conception humaine du
connaissances dans l’organisation. La stratégie qui management des connaissances subordonne plutôt la
découle de cette approche consiste à déterminer les logique technique à une approche humaine de l’appren-
connaissances indispensables, à les traduire en docu- tissage, de la création et du partage des connaissances.
ments et à les emmagasiner dans des bases de don- tans cette approche, les entreprises préfèrent miser
nées afin que les membres de l’organisation puissent y sur les interactions entre les personnes et non sur le
avoir accès. La codification et son efficacité deviennent stockage des connaissances. Il ne s’agit pas ici de nier
alors les objectifs principaux du système. Cette straté- l’importance des TI et les possibilités qu’elles offrent.
gie se justifie par une possible réduction importante Ici, a le principal objectif de l’informatique est d’aider
des cokts à la suite de la réutilisation des informations. les personnes à communiquer la connaissance et non
L’idée sous-jacente de cette approche, pas à la stocker b (Ferrary et Pesqueux, 2llc, p. 1x).
que l’on qualifie de a personne-vers-
document b, est que la connaissance peut
être extraite de la personne, classée dans Il existe deux conceptions de la gestion des
des bases de données qui appartiennent à
l’entreprise et susceptible d’être réutilisée. connaissances : technologique versus humaine.
Cela donne l’occasion à tous les membres de
l’organisation de chercher les informations
emmagasinées, sans avoir à entrer en contact avec En ce qui concerne les orientations des entreprises en
les personnes qui les ont générées ni à comprendre le matière de gestion des connaissances, deux possibilités
contexte de leur création. Ainsi, la connaissance reste s’offrent aux gestionnaires : réduire toute la complexité
la propriété de l’entreprise, et les politiques de l’organi- de celle-ci à sa seule dimension de codification et de
sation en matière de gestion des ressources humaines stockage de l’information, et mettre ainsi la technologie
viennent appuyer cette vision. C’est le cas, par exemple, au centre des choix stratégiques, ou utiliser la technolo-
de la formation professionnelle continue dès lors que, gie parallèlement à d’autres approches pour favori-
plutôt que de favoriser la formation et l’apprentissage ser les interactions et la communication (Foray, 2lll).
dans un contexte élargi et en face à face entre employés L’approche humaine de la gestion des connaissances
et entre experts, l’entreprise choisit plutôt d’investir considère que la connaissance est une affaire humaine.
dans un répertoire limité de contenus techniques mis à Une organisation ne peut posséder des connaissances.
la disposition de publics ciblés. tans certains milieux, Tout au plus peut-elle avoir des informations stockées

2s2 • Chapitre 1Q

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dans sa base de données, qui peuvent d’ailleurs devenir dans nos organisations a augmenté considérablement
rapidement obsolètes. Ce sont les personnes qui for au cours des trois dernières décennies, la question de
ment une organisation et ce sont leurs savoirs qui de l’évaluation marchande de cet actif pose un réel pro
viennent le savoir organisationnel. Autrement dit, la blème à l’univers de la finance. Comment s’approprier
qualité des connaissances organisationnelles dépend cet actif intangible ? Comment évaluer le bien cognitif,
de la qualité du réseau humain dans l’organisation. c’est à dire le savoir des membres de l’organisation ?
L’approche humaine de la gestion des connaissances Comment calculer le retour sur investissement ? La
oriente plutôt ses énergies vers la formation et l’aug finance tente d’apporter des réponses à ces questions,
mentation des capacités en misant sur l’apprentissage car les entreprises ont besoin des capitaux pour finan
des personnes pour être en mesure de créer de nou cer leurs projets de n t. tans la mesure o l’univers
velles connaissances au service de l’organisation. Les financier considère la totalité de l’entreprise comme un
efforts de management ne sont pas consacrés à la mise actif financier, les tentatives de solutions aux questions
à jour et à la maintenance du système informatique, posées placent l’entreprise dans une situation para
mais à l’établissement d’un climat propice pour que les doxale qui entrajne un affaiblissement de la capacité
personnes partagent leurs connaissances afin d’aug de l’organisation à créer des connaissances.
menter la capacité innovatrice de l’organisation. Il est uuand on considère la connaissance comme un
évident que, contrairement à l’approche technique de la actif financier, il est alors important d’imposer une
gestion des connaissances, l’approche humaine accrojt configuration à l’entreprise qui assure une rentabi
la dépendance de l’organisation envers ses membres. lité maximale et rapide aux détenteurs de l’actif. C’est
pour cette raison que l’approche technologique de la
Les enjeux contemporains gestion des connaissances est largement imposée aux
organisations par la finance, car cela réduit la dépen
de la gestion des connaissances
dance de celles ci envers les humains qui y travaillent.
Après avoir présenté les deux approches en gestion Seules les connaissances emmagasinées dans les
des connaissances humaine et technologique , bases de données ou dans les brevets ont une valeur
il nous parajt important d’élargir cette réflexion en marchande. Cette approche, dans sa logique même,
intégrant les enjeux contemporains qui influencent néglige considérablement les humains porteurs et
grandement ce débat. Comme nous l’avons mentionné créateurs de connaissances. C’est ainsi que la capacité
dans les chapitres précédents, le capitalisme contem de création de connaissances de l’entreprise, et par la
porain est devenu fondamentalement un capitalisme même occasion sa capacité d’innovation, diminue : on
financier. tans la mesure o la part de l’actif intangible finit par tuer la poule aux œufs d’or.

De la créativité au management humain des connaissances


Nous pouvons affirmer que, dans l’approche hu- parole, qu’il accorde une autonomie à ses membres,
maine, le management des idées et des connais- établit de la confiance et partage le pouvoir et la
sances n’est rien d’autre que le management tout richesse, la roue de la création et du partage des
court. Les entreprises japonaises n’ont pas mis en connaissances se met automatiquement en marche.
place des politiques de gestion des connaissances, ont Ce sont les individus motivés, respectés et formés
fait peu d’investissements dans les systèmes informa qui font l’innovation, et non les systèmes informa
tiques de gestion de connaissances ; pourtant, ce sont tiques cherchant à encadrer, voire à emprisonner la
elles qui créent énormément de connaissances, affi créativité et l’audace des employés.
chant une capacité d’innovation exemplaire.
Chaque fois que le management transforme l’orga
nisation en un lieu de socialisation, en un espace de

RenouveReR Re manaBement • 2st

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CHAPITRE

11 REPENSER
LE MANAGEMENT
Il est certain ue dans hSEi QUESTIONNER Pour vous, qu’est-ce que le management ? Posez
la question à des praticiens de votre entourage. Ils vous répondront
le monde tel u’il est
souvent : « C’est savoir à qui l’on a affaire pour bien faire. » Qui est donc
auNourd’EuiI la tQcEe ui cet être humain en face de moi, à caté de moi, avec qui je travaille ?
est devant nous doit Sans doute le même que moi, avec les mêmes aspirations à créer
coup s]r Maire appel cEe du sens par le travail et à travailler pour avoir le sentiment d’un sens.
tout l’EommeI cEe tous Qui est aussi cet être humain, cet être-ensemble, auquel j’appartiens
le temps de ma journée de travail ? Ce « nous », ce groupe, cette équipe,
les EommesI la passion
ce collectif de travail engagé dans une même aventure, plus ou moins
de construire. choisie ? Cet ensemble d’énergies appelées à coopérer ? Comment
(gollett, 1f33, citée dans Mousli, s’y prendre pour être ce « nous » et faire ensemble, et pour faire
2002a, p. 168) ce « nous » en étant ensemble ?

11.1 Le travail bien fait


nappelons pour commencer ce témoignage publié lingot de minerai et préserver les fours, leur principal
en 2llx de Jacques turaffourg, militant ouvrier et outil de travail. Curieusement, la direction s’entête
ergonome, qui racontait que des métallurgistes d’une cependant à vouloir adapter le comportement de ces
entreprise multinationale se plaignaient de leur travail opérateurs au travail, en tentant de les faire renoncer
risqué, sous la très forte chaleur, au plus près des fours. à cette pratique, plutôt que de réfléchir au travail
La direction a pourtant installé des machines qui leur lui-même.
permettent de s’en tenir loin. Elles sont effectivement Il est clair ici que le travail est un lieu de conflit
utilisées, sauf à la fin de chaque coulée, moment o les entre ce que la direction impose, la prescription que le
travailleurs choisissent d’extraire manuellement le car- management intermédiaire transmet versus ce que
bure de calcium liquéfié en se rapprochant donc de la les opérateurs pensent être les critères d’un travail
gueule des fours, au risque d’y laisser leur santé. Pour- bien fait. Faire a des mauvais lingots b est inacceptable
quoi ? L’analyse ergonomique révèle que la qualité des pour ces ouvriers (turaffourg et fuillon, 2llx, p. rc).
matières premières, achetées moins cher depuis peu, est Mais la qualité des lingots ne semble pas entrer dans
médiocre. Le coke de pétrole utilisé désormais a coule l’écran radar des critères du management intermé-
moins bien b que le précédent (turaffourg et fuillon, diaire, pas plus que ne lui revient la décision d’avoir
2llx, p. rc). Il perturbe le fonctionnement des fours, changé la qualité des matières premières. La haute
augmente le temps de coulée et le nombre de décras- direction devrait être mise en cause. Mais qui le fera ?
sages des fours ainsi que le risque d’explosion. Malgré i quel niveau faut-il agir ? Comment s’emparer de
ces risques et l’exposition toxique à la chaleur des fours, ce conflit entre les évaluations des uns et des autres
les travailleurs espèrent, en les vidant ainsi à l’ancienne
quant au travail bien fait et à faire ? Cet exemple recèle
avec leur barre de fer, maintenir une bonne qualité de

2s4 • Chapitre 11

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des éléments que nous aborderons pour conclure cet conception de l’humain au travail, sur notre rapport à
ouvrage, c’est-à-dire la nécessité, pour penser un la collectivité, ainsi que sur notre rapport à la richesse
management réhumanisé, de se pencher sur notre et à la nature (voir la figure 11.1).

FIGURE 11.1 Penser un management réhumanisé

Management réhumanisé
boncept h Discipline h Pratique h kdéologie

Conception de l’humain Rapport à la collectivité Rapport à la richesse et à la nature


au travail
• Visée et récit communs • Viser la rentabilité comme moaen et non comme fin
• agesse • Responsabilisation, éthique • ervir des intérêts collectifs et généraux par la création
• L’humain comme fin en soi • Démocratisation de de richesses
• lonscience professionnelle la délibération • gavoriser réciprocité et redistribution
• lritique de la rationalité • Pérennisation du monde • bquilibrer création de richesse économique et création
managériale par la créativité à l’puvre de biens communs par la responsabilité et le travail
responsabilisant

11.2 Reconsidérer la conception de l’humain au travail


Citons Gaston eerger, le père de la prospective : uue veut-on et que faut-il vouloir pour le mana-
L’avenir n’est pas seulement ce qui peut a arriver b ou gement ? uuel parti prendre quant au management
ce qui a le plus de chances de se produire. Il est aussi, et quelle idée de l’être humain établir avec lui ? Le
dans une proportion qui ne cesse de crojtre, ce que tableau 11.1 résume les quatre points avancés dans
nous aurons voulu qu’il fkt. o…p Paul faléry déplorait cette première section en réponse à ces questions.
qu’on ne se poswt point la question essentielle : a uue Nous traiterons donc successivement dans cette sec-
veut-on et que faut-il vouloir ? C’est, ajoutait-il, qu’elle tion du primat de la raison instrumentale en manage-
implique une décision, un parti à prendre. Il s’agit de ment, de la réification de l’humain dans la discipline
se représenter l’homme de notre temps, et cette idée du management, de la conscience au cœur de la pra-
de l’homme dans le milieu probable o il vivra doit tique du management, ainsi que de la conception de
d’abord être établie b. (1scx, p. 2d5)
l’humain et de l’idéologie du management.

TABLEAU 11.1

Reconsidérer la conception de l’humain en management


Management Concept Discipline Pratique (métier) Idéologie
Conception de l’humain agesse de l’homo kpproche métaphasique : Réintégration de la Prise de conscience
comple us et non l’être humain comme dimension subjective de la prédominance
passivité de l’être fin en soi et non et collective du travail d’une rationalité
humain réifié comme moaen par la prise en compte managériale (esprit
de la conscience de raison, principe
professionnelle d’efficacité, institution
de l’entreprise,
rationalisation)

RepenseR Re manaBement • 2sk

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Le primat de la raison véritable révolution symbolique. L’homo managerialis


n’est plus, depuis lors, un enfant dont il faut prendre
instrumentale en management soin, mais un instrument de travail qu’il convient
Un procès vibrant est aujourd’hui fait au management, d’arranger, de contrôler et d’optimiser rationnelle-
décrié comme étant dominé par une raison purement ment. Sa dépendance n’est plus une donnée de fait
instrumentale, un agir surtout téléologique (voir le dont le manager doit atténuer les effets néfastes :
chapitre 6). nappelons qu’on entend par raison instru- c’est un résultat planifié qu’il a désormais la twche
mentale a cette rationalité que nous utilisons lorsque de produire. En d’autres termes, le management
nous évaluons les moyens les plus simples de parve- devient un assujettissement. (Le Texier, 2l1c, p. 1x)
nir à une fin donnée. L’efficacité maximale, la
plus grande productivité mesurent sa réus-
site b (Taylor, 1ss2, p. 15).
Le management, comme raison instrumentale,
Cette raison instrumentale, on la doit à
l’introduction dans le champ du manage- science de la rationalisation et technique de
ment de la pensée néoclassique par certains contrile, dénie à l’homo comp e us son statut
économistes (voir le chapitre 2) ainsi que de la
pensée formelle par les spécialistes du génie de sujet pensant.
industriel : les ingénieurs, adeptes de la doc-
trine taylorienne d’hier et d’aujourd’hui (voir
le chapitre 1). Il est pourtant intéressant de En s’invitant dans le champ de l’usine, le manage-
constater les origines que prête Le Texier (2l1c) au ment est devenu technique de contr le et science de
concept de management. Selon ce dernier, jusqu’à la la rationalisation. Il dénie à l’être humain son statut
fin du gIge siècle en Angleterre, on s’appliquait autre- de sujet pensant et actif, pour en faire l’objet passif
fois à manager, c’est-à-dire à préserver de la dégra- d’un dispositif global, d’une société-marché efficace.
dation morale ou physique des êtres dépendants L’humain se trouve réifié par les technologues en un
(enfants et malades) à l’aide de techniques de soin.
rouage de la machine à produire.
Appliquées aux ouvriers, ces méthodes sont devenues
des techniques de contrôle en Amérique du Nord, sous Selon Gomez (2l1c), le début du gge siècle a vu
le règne de Taylor et des ingénieurs du courant formel : émerger un management destiné à organiser le tra-
vail de façon rationnelle, pour l’articuler au mieux
En s’attelant à manager des adultes relativement
avec les machines ; il définit ainsi ce qui est utile ou
autonomes h en l’occurrence, des travailleurs libres h,
non. Comme on tient un cheval par la main dans un
les managers scientifiques américains opèrent une
manège, le management a a pris en main b les travail-
leurs, dont les managers eux-mêmes, en
concevant des outils de gestion : chro-
nomètres, contrôle de la qualité, relevés
d’heures travaillées, évaluations. a Le tra-
vailleur a été considéré comme incapable
de bien réaliser son travail sans le recours
à des experts-ès-travail. b (p. c2)

La pointeuse kBM cher Price Brothers w bo. Ltd, 192

2sc • Chapitre 11

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Or, faut-il le rappeler, l’être humain est cet homo et dans une éthique de la areliance b (Morin, 2llx,
sapiens, doué d’une intelligence, c’est-à-dire d’une p. 12c), c’est-à-dire portée à voir en autrui à la fois sa
capacité d’adaptation à son environnement qui, depuis différence comme son identité avec soi-même.
des millénaires, concoure à son évolution. Les paléon- Le management, enchwssé dans l’agir instrumental,
tologues font l’hypothèse qu’à la source de cette adap- et ce, avec une conception réductrice de l’être humain
tation figurent la faculté de mémorisation, ainsi que la réifié, n’est donc pas un management humain dès
faculté de faire des associations libres et de les analy- lors qu’il ignore la sagesse et la complexité des tra-
ser (Pringle, 2l13) : bref, une ingéniosité ou une créa- vailleurs (des opérateurs aux managers) et du travail
tivité à l’œuvre. lui-même.
Pour Edgar Morin (2llx), le père de la complexité,
l’être humain est homo complexus, il est pluriel, à la fois :
La réification de l’humain dans
• homo sapiens : un être doté de raison, calculateur
la discipline du management
et sage ;
• homo demens : un être animé de passions, d’une i l’origine, avant la fin du gIge siècle, le management
affectivité, qui peut porter jusqu’à la folie ou commandait à chacun d’être industrieux et non pas
au délire ; efficace. L’a industrie b était alors érigée en a une vertu
• homo ludens : un être jouissant du jeu et du
personnelle, un instrument autodisciplinaire et une fin
divertissement ; en soi b (Le Texier, 2l1c, p. 1s). i l’inverse de l’oisiveté,
se montrer industrieux participait à a une qualité de vie
• homo mythologicus : un être nourrissant son imagi-
générale, l’autosuffisance et une harmonie paisible b
naire de mythes et construisant des mythes ;
(p. 1s). Alors que seule une personne peut se montrer
• homo poeticus : un être aspirant à la poésie de la vie,
industrieuse, c’est-à-dire dotée d’une habileté, d’une
à vivre l’intensité de la vie dans la participation
dextérité, d’une ingéniosité à l’œuvre, d’une propension
au mystère du monde, la communion, l’amour et
à l’effort, d’une intelligence, a des choses, des gestes et
l’émerveillement devant la beauté.
des méthodes peuvent être efficaces b (p. 21). Ainsi, le
L’être humain dans sa complexité compose donc en management technicisé par le courant formel a muté
permanence avec ces dimensions parfois contradic- vers un principe téléologique d’efficacité. Selon cette
toires (rationalité affectivité, calcul désintéressement, logique, il ne s’agit pas de mettre des personnes au tra-
prosa sme poésie). La sagesse de l’esprit humain vail, mais de maximiser le travail lui-même dont ont
consiste alors en la production d’une compréhension été expulsés le travailleur et sa subjectivité, à savoir son
de soi et d’autrui, compréhension qui produit elle- ambition d’un développement personnel par le travail
même, en retour, de la sagesse. Cette dernière repose et son aspiration à une dignité morale par la réalisa-
sur l’auto-examen, l’autocritique et l’éthique de l’hon- tion soignée de twches. Le travail lui-même a perdu son
neur, c’est-à-dire du sentiment de sa propre dignité sens complexe (objectif, subjectif et collectif) pour être
morale à l’égard d’une norme sociale. Elle suppose dégradé au rang de simple activité productive livrant,
aussi un travail acharné à bien penser, entre autres, de préférence, le maximum de résultats. Ce qui compte
à composer avec les contradictions, pour concevoir la est moins l’intentionnalité de l’action humaine,
complexité humaine. Il nous faut prendre conscience comme celle de préserver la dignité humaine, que les
de deux de nos carences cognitives, à savoir : effets de l’acte technique (la production) et la richesse
o…p les cécités d’un mode de connaissance que cet acte crée. Certains considèrent que même le
qui, compartimentant les savoirs, désintègre les mouvement des relations humaines (Mnm), au tout
problèmes fondamentaux et globaux, lesquels début de notre histoire managériale (voir le chapitre 3),
nécessitent une connaissance transdisciplinaire ; est encore inscrit dans cette logique (tingley, 1ssd).
l’occidentalo-centrisme qui nous
juche sur le trône de la rationa-
lité et nous donne l’illusion de
posséder l’universel. (Morin, La discipline du management a subordonné l’humain
2l11b, p. 1d)
à un principe d’efficacité plutit que de considérer
Corrélativement, la sagesse entre-
tient une compréhension d’autrui aussi l’être humain comme une fin en soi.
de façon à vivre dans l’harmonie

RepenseR Re manaBement • 2s7

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Il s’agit donc de réhumaniser le management en des résistances du réel, dans l’activité commune, dans
puisant au-delà des disciplines du génie ou des a un rapport social réel b (p. 153). Elle se construit dans
sciences économiques néoclassiques et en évitant la pratique d’une profession, plutôt que d’une simple
de limiter les emprunts en sciences humaines aux occupation, avec ses règles, ses représentations identi-
seules sciences de l’optimisation. En considérant, taires symboliques et son art de bien faire. Il faut donc
par exemple, une vision plus transdisciplinaire, nous redonner au travail sa dimension collective et au tra-
pourrions affirmer que l’être humain est un être sage, vailleur sa subjectivité en reconnaissant au travail sa
actif, zélé même. Et pour reprendre le credo du philo- dimension intrinsèque de conscience au travail.
sophe Emmanuel ant, dans Fondements de la
métaphysique des mœurs datant de 1dr5 :
o…p l’homme, et en général tout être raison-
Le management réhumanisé anime la
nable, existe comme fin en soi, et non pas sim-
plement comme moyen dont telle ou telle volonté coordination sur la base des consciences
puisse user à son gré ; dans toutes ses actions,
aussi bien dans celles qui le concernent lui-
professionnelles individuelles et collectives.
même que dans celles qui concernent d’autres
êtres raisonnables, il doit toujours être consi-
déré en même temps comme fin (1sd1, p. 1xr). tès lors, on ne s’étonnera pas de voir certains pen-
tès lors, réhumaniser le management, c’est redon- seurs critiques dénoncer le a travail vide b (Paulsen,
ner pleinement sa place et sa fin à l’être humain 2l15) et les a jobs à la con b (Graeber, 2l13) qui se mul-
au travail. tiplient dans l’entreprise bureaucratique et entrajnent
avec eux leur lot de souffrance psychique et de démo-
tivation des travailleurs (eourion, 2l15). te 15 à 3l
La conscience au ccur des travailleurs européens seraient ainsi atteints du
de la pratique du management syndrome du bore-out, l’épuisement professionnel lié à
l’ennui et à l’absence de travail, en particulier dans les
Comment entrer dans une pratique réhumanisée du
grandes entreprises privées et les imposantes admi-
management ? Les métallos dans l’exemple rapporté
nistrations publiques, quand 1l environ souffrent
à la section 11.1 (voir la page 284) font preuve d’une
de burn-out, un épuisement professionnel lié à la pres-
conscience professionnelle singulière en risquant
sion de l’excès de travail (eourion et Trebucq, 2l11 ;
leur santé au nom de ce qu’ils pensent être leur travail
nothlin et yerder, 2llr). nappelons que les ouvriers
bien fait. Le travail de management réhumanisé expérimentés souffraient déjà d’ennui majeur à l’usine
consiste à intégrer au quotidien cette conscience pro- dans les années 1s3l. Selon une étude menée sur des
fessionnelle, individuelle et collective dans la com- ouvrières confrontées à du travail répétitif à l’usine en
préhension du travail. Il s’agit de sortir du déni de la 1s3d, un tiers des travailleuses s’ennuyaient un peu,
professionnalité des travailleurs évoqué au début de plus d’un tiers, modérément, et plus d’un quart, de façon
cet ouvrage (voir le chapitre 4). eref, il faut réintégrer la très importante (yyatt et Langdon, 1s3d). Les mana-
dimension subjective et collective du travail. gers d’alors avaient amélioré la productivité de c à 11
Clot et Gollac rappellent que la conscience ne doit en installant un gramophone à l’usine…, mais ils ne
pas être confondue avec une sorte de a solo du soi b mesuraient pas les effets psychologiques de l’ennui Le
(2l1x, p. rl). neprenant les termes du célèbre psycho- management n’aurait-il donc pas appris de son histoire ?
logue russe fygotski, ils insistent sur le fait que « la
conscience professionnelle est un contact social avec La conception de l’humain et
soi-mDme » (p. 152). En tant que contact social, toute
conscience professionnelle de tel ou tel travailleur est
l’idéologie du management
donc d’abord une conscience collective. Elle confère néhumaniser le management, c’est donc faire preuve
au travailleur (comme au manager) le sentiment de de réflexivité et constater les croyances qui gouvernent
sa dignité et le supporte en ce que le travailleur sait le travail de manager. Car, comme le remarque
avoir sa conscience pour lui dans ce qu’il fait, sait qu’il tujarier, devant les cas d’entreprises qu’elle a étudiés,
fait les choses a dans les règles de l’art, à tort ou à rai- le nouveau management est porteur d’une idéologie :
son b mais au nom de ce qu’il croit a juste b (p. 152). a Accuser le management d’être porteur d’une idéolo-
Elle se construit dans le travail ordinaire, à l’épreuve gie relève de la tautologie : sa raison d’être et son projet

2ss • Chapitre 11

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Jean-Yves est un peu embarrassé. b’un de ses techniciens vient d’être reconnu

VÉCUES
HISTOIRES par le service informatique comme étant un consommateur de pornographie sur nternet
sur le lieu de travail. C’est vraiment gênant. aean-cves a lu que les employés passent en
moyenne de 1,5 à 3 heures par jour à faire des choses non liées au travail au bureau et
que r0 de la consommation de pornographie sur nternet se fait pendant les heures
de travail, mais en général, ces employés le font par ennui, parce qu’ils n’ont rien à faire
ou rien à faire d’intéressant. Or, l’entreprise a amputé son équipe de quatre techniciens
cette année. Ses employés n’ont pas vraiment le temps de souffler ! ls se plaignent même
de ne pas avoir l’impression de faire leur travail aussi bien qu’ils le voudraient. Serait-ce
alors une conséquence de la démotivation qu’il sent monter dans l’entreprise l Pour
l’instant, il va devoir rencontrer le fautif. Comment aborder ce sujet épineux avec lui l
veureusement, la responsable des ressources humaines est là pour l’aider.
ource : Paulsen, 201d.

explicite sont de produire des effets


économiques précis en orientant
l’activité des salariés et des consom-
Le management réhumanisé est un management
mateurs. Il défend effectivement une réflexif, conscient de ses orientations idéologiques.
certaine idée de la vie, du travail et des
hommes, contre d’autres. b (tujarier, Il lui faut faire face à une rationalité managériale
2l15, p. s3) aujourd’hui hégémonique.
Il y a aujourd’hui, sous les habits
communs du management, ce que
nous appelons une idéologie, c’est- La réflexivité, c’est une sorte de retour sur soi et
à-dire un ensemble de croyances, d’idées et de repré- sur sa manière de faire et de penser. Si le manage-
sentations qui gouvernent l’action ; ce que Le Texier ment, réhumanisé, devenait réflexif, il constaterait
(2l1c) nomme une a rationalité managériale b (p. 1l). cette curieuse détermination idéologique des compor-
Elle est faite : tements managériaux. L’idéologie, ou la rationalité
• d’une conception de l’humain : celle de l’esprit managériale, aujourd’hui généralisée, s’est imposée
de raison ; sur le socle d’une conviction jamais détrônée depuis
• d’un principe dominant : celui de l’efficacité ;
l’avènement du taylorisme : la force civilisatrice de
l’action finalisée orientée vers l’efficacité productive.
• d’une a institution référentielle b (p. 11l) : celle de
Pour Taylor (1sd2), a la meilleure mesure possible de
l’entreprise capitaliste privée ;
la hauteur atteinte par tout peuple sur l’échelle de la
• d’un supra-moyen : les techniques de rationalisation. civilisation est sa productivité b (p. 2ls). Pour bien
Cette idéologie managériale se fonde sur plusieurs faire, il faut faire le plus efficacement possible. Mana-
éléments que détaille Le Texier (2l1c) : ger, dans une perspective moderne, consiste donc
Le culte de l’action efficace, la compréhension en à façonner des travailleurs efficaces. Organisation,
termes de fins et de moyens, la quantification géné- planification, contrôle et évaluation, gestion des
ralisée, la réduction de l’humain et de la nature au connaissances en sont les moyens managériaux.
rang de matériaux malléables, la conception de l’ac- a eref, manager, c’est produire non pas des biens ou
tion civilisatrice comme production d’un environ- des services, mais des individus et des groupes
nement artificiel, la valorisation sociale du travail humains performants, malléables, contrôlables et
au détriment du loisir, le découpage uniforme du connaissables b (Le Texier, 2l1c, p. 25d).
temps : le management, ancien comme moderne, Or, s’il y a de l’organisation dans tout manage-
n’aurait pu s’épanouir hors de ces matrices symbo-
ment, toute organisation, c’est-à-dire tout collectif
liques. (p. 11x)
humain ordonné autour d’un but ou d’une cause, n’a

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pas besoin du management scientifique moderne une organisation, proie possible du management
hérité du courant formel. Un hôpital, une bibliothèque moderne, et la société tout entière est alors menacée
publique, une coopérative de travailleurs, une famille, par l’invasion et la domination du nouveau manage-
un mouvement social, une association sans but lucra- ment, héritier du management moderne, comme si
tif, par exemple, sont aussi des sortes d’organisations. c’était le seul moyen d’établir et de garantir un ordre
Elles requièrent un autre management que le nouveau social. Il faut donc s’interroger sur l’hégémonie de
management hérité du courant formel, technique, tay- cette rationalité managériale et du pouvoir de l’entre-
lorien. Mais la société contemporaine devient de plus prise capitaliste organisée ainsi que sur l’articulation
en plus une société d’organisations, d’une part, et une de ces deux phénomènes avec le capitalisme financier
société managériale, d’autre part. Tout collectif devient (voir les chapitres 2 et 4).

11.3 Reconsidérer le rapport à la collectivité en management


Le collectif humain impliqué dans l’organisation, c’est Le travail collectif au ccur
l’ensemble des travailleurs (des opérateurs ou des
managers et des directeurs) qui se trouvent dans une
du concept du management
même entreprise. Le travail en organisation implique Nous avons vu que le travail a une dimension collec-
une dimension collective, une collectivité, puisqu’il tive (voir le chapitre 4). Tout travail, domestique ou
suppose une activité à plusieurs. Cette collectivité, associatif et civique, et pas seulement le travail écono-
qui émane des traits et des comportements communs mique et rémunéré, constitue une a activité de l’être
dans l’organisation, peut prendre différentes tour- humain qui, confronté à des contraintes, produit selon
nures selon que les travailleurs partagent les mêmes un projet déterminé, quelque chose pouvant servir
outils (en groupe), échangent des connaissances, voire à d’autres b (Gomez, 2l1c, p. 1c). Travailler est donc
mutualisent (possèdent en commun) des biens et des une activité humaine par essence liée et liante aux
moyens (en communauté). Le tableau 11.2 présente les choses et aux autres. Et le travail humain a pour fina-
enjeux du a faire à plusieurs b dans l’entreprise. lité plus large la pérennisation de la collectivité
Nous twcherons donc de comprendre dans les sous- humaine tout entière.
sections suivantes en quoi consiste une réhumanisation L’organisation est un collectif, c’est-à-dire une entité
du management devant les enjeux du a faire à plusieurs b constituée, construite et régulée par un groupe d’hu-
dans l’entreprise. Nous traiterons du travail collectif au mains. Aujourd’hui, dans les sociétés occidentales en
cœur du concept du management, de la collectivité dans particulier, à l’heure o toute référence à une transcen-
l’auto-organisation et de la responsabilisation comme dance externe (tieu, le sacré) pour guider les actions a
peut les concevoir la discipline du management, de la disparu, l’organisation est une sorte de collectivité, de
collectivité dans la pratique du management et de la col- corps social, de microsociété de personnes qui tentent,
lectivité dans l’idéologie managériale. à leur manière et par elles-mêmes, de a faire société b.

TABLEAU 11.2

Reconsidérer le rapport à la collectivité en management


Management Concept Discipline Pratique (métier) Idéologie
Rapport à la collectivité • De la vie active du • Le management • Démocratisation • Du progrès de
collectif d’individus comme science du de la délibération, la vie terrestre à
au travail à une gouvernement des du débat, de la la pérennisation
visée commune personnes et non conversation, de du monde par la
du monde qui a pas uniquement la controverse créativité à l’puvre
un sens l’administration • lollectif comme lieu
• L’zistoire comme des choses : de la saine dispute
direction commune, responsabilisation professionnelle
récit commun et éthique • kppui sur le ressort
de la tradition

2l0 • Chapitre 11

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Charles et Tavoillot (2lld) réfléchissent à l’indivi- L’individualisme est donc une manière de vivre la
dualisme et définissent la société d’aujourd’hui comme société et une disposition de vie en société. Le processus
une a société d’individus b, c’est-à-dire une a société qui d’individualisation est la production de la singularité
produit des individus qui produisent de la société b humaine dans l’interdépendance bien comprise avec
(p. 1l). Ces auteurs décortiquent un scénario possible autrui. tans ce processus d’individualisation, la per-
d’évolution des sociétés modernes, o a ce que l’indi- sonne doit effectuer un travail d’introspection o elle
vidu ancien situait à l’extérieur de lui-même (dans une dépasse les apparences et les appartenances (de genre,
transcendance du passé et du sacré), il lui faut à présent d’wge, de milieu social, par exemple), bref, son a iden-
l’interpréter comme étant intérieur b (p. s). Il ne s’agit tité statutaire b, afin de trouver son a je b singulier, c’est-
pas de percevoir, comme souvent, l’individualisme à-dire son identité personnelle en même temps que
sous le jour malsain de l’égo sme pur et d’une négation sa a commune humanité b (de Singly, 2l11, p. xl). Et la
de la collectivité. a Il n’est pas seulement une force commune humanité renvoie aux caractéristiques com-
destructive (de la tradition, de l’autorité et de toute munes plus impersonnelles et générales des êtres rai-
espèce d’altérité), mais également une force de recons- sonnables et à un principe d’équivalence fondamentale
truction produisant, en son sein, du lien, des valeurs, entre tous les êtres a qui appartiennent tous au même
des normes, de la transmission et du sens. b (p. s) titre à l’humanité b (eoltanski et Thévenot, 1ss1, p. sc).

q ae suis désolée, ma chérie ! dit Geneviève en entrant dans la cuisine. l n’y avait
VÉCUES
HISTOIRES

personne pour me remplacer, alors il a fallu que je reste.


q Tu as encore raté mon spectacle, bougonne Chantal, pendant que sa mère fait le tour
de l’îlot pour aller embrasser Paul qui fait chauffer la sauce à spaghetti.
q ae sais, excuse-moi.
q kous travaillei tout le temps ! s’exclame Antoine.
q C’est vrai qu’on travaille fort, mais on est tous des partenaires là-dedans, affirme Paul.
Sinon, comment on pourrait payer les cours de violon d’Antoine l Et le camp de science
de Chantal l Et le travail de maman est très important. Elle soigne des gens malades.
q be travail, c’est important tout court, mes amours, poursuit Geneviève. C’est comme
da qu’on fait une différence. Qu’on laisse une trace dans l’histoire qui sert d’exemple à d’autres.
q Papa travaille dans une quincaillerie, quand même, répond Chantal peu impressionnée
par l’argument.
Paul, piqué au vif par la réplique de sa fille, se retourne vers elle et la pointe avec sa louche.
q Eh bien, mademoiselle, vous apprendrei que même les entreprises comme les quincailleries
peuvent avoir un rôle important à jouer dans l’histoire. a’en veux pour exemple le cas de
monsieur Oskar Schindler, un industriel allemand, qui a permis, en offrant entre autres du
travail, de sauver 1 200 juifs polonais.
q Papa ! interpelle Antoine.
Mais Paul ne se laisse pas démonter et poursuit.
q Ou Ernst beiti, le patron de l’entreprise beica qui, au nom de ses convictions démocrates,
a aidé une cinquantaine de personnes à quitter l’Allemagne avant la Seconde Guerre
mondiale. l les embauchait, les formait, les équipait d’un appareil photo et les envoyait,
sous un prétexte professionnel quelconque, en mission aux États-Unist
q Papa ! interpelle Chantal à son tour.
q l y a beaucoup de choses qu’on apprend au travail qui ne s’apprennent pas à l’école,
continue Paul, imperturbable. ba valeur du travail bien fait, l’ouverture au monde, l’entraidet
q Paul ! l’interrompt Geneviève.
q Quoi l
q ja déborde ! font Geneviève et les enfants en chœur.
ource : Langelier, 200e.

RepenseR Re manaBement • 2l1

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La collectivité dans
Réhumaniser le management, c’est l’auto-organisation
soumettre au débat par les individus, et la responsabilisation
Les premières écoles formelles et classiques d’adminis-
sur la base de leur commune humanité, tration ancrées dans la perspective rationaliste sont
une vision du monde que peut à l’origine de contradictions. Elles ont engendré, entre
autres, deux des dilemmes fondamentaux de l’organisa-
nourrir l’Histoire. tion qui perdurent dans certaines entreprises aujourd’hui.
1. Le fait d’organiser l’efficacité avec rationalité pour
l’atteinte des objectifs de rentabilité dans les meil-
Comment trouver ces caractéristiques communes
leures conditions possible exige, selon ces écoles,
qui régissent un collectif qui fonctionne bien ? L’orga-
la hiérarchisation des personnes, le contrôle des
nisation et l’entreprise (se confondant souvent) sont
activités et la stimulation du rendement, alors que
devenues les lieux par excellence de production et
l’idéal communautaire démocratique prôné par le
de reconstruction de liens, de valeurs, de normes
mouvement participatif notamment, visant à assu-
et de sens autour du travail en collectivité et par
rer une meilleure intégration des personnes, sug-
celui-ci. Nous avons vu que, dans certaines perspec-
gère plutôt l’égalité et l’autoréalisation de celles-ci.
tives plus humaines du management, le rôle de celui-
2. L’action rationnelle réalisée par l’établissement de
ci est de créer un milieu propice à l’épanouissement
normes, de règles et de méthodes a souvent pour
de l’humain, à son individuation, c’est-à-dire à la
conséquence de réduire la capacité à innover et à
possibilité pour les personnes de se construire et
s’adapter d’une organisation.
de se différencier comme individus en tant que tels
au sein du corps social de l’entreprise. Or, tiscipline de l’action, le management a le pouvoir
de transformer son objet (l’organisation) et la société
o…p le soi que nous sommes ne se possède pas,
tout entière. Il est de fait non seulement une tech-
observe le philosophe mans Georg Gadamer ; on
nique, mais aussi une pratique sociale et il doit inscrire
pourrait dire que ole soip a arrive b, au gré des accidents
du temps et des fragments de l’histoire o…p. Tel est le sa cohérence et sa finalité dans celles de la collecti-
problème du caractère dans le capitalisme moderne. Il vité. Il s’agit de s’extraire de ce qui apparajt rationnel
y a l’histoire, mais pas de récit partagé de la difficulté en soi, aux yeux de l’ingénieur, pour considérer le a rai-
et donc aucun destin partagé (Sennett, 2lll, p. 2ls). sonnable k, c’est-à-dire ce qui a serait respectueux des
autres et des mœurs b (Monteil, 2l1c, p. x3).
Le management instrumental néglige cette
propension de l’être humain se construisant en
permanence dans l’expérience du travail et l’ap-
prentissage, en quête de sens et de quelque chose Le management réhumanisé est la science
de plus grand que soi et propre à soi à la fois. Car
a l’individualité est la prise de conscience, dou-
du gouvernement des personnes au-delà
loureuse, de la tension qui règne entre nos aspi- de l’administration des choses : il engage
rations illimitées et notre compréhension limitée ;
entre l’unité et la séparation b (Lasch, 2llr, p. 1c). responsabilisation et éthique.
Ce quelque chose qui nous relie à nous-mêmes,
aux autres et au cadre de notre existence peut être
le destin partagé ou un récit commun, une certaine Or, un des problèmes auxquels le management formel
histoire, rapportée par la tradition, ou encore un che- et classique fait face, c’est qu’il dispose d’outils conçus à
minement selon une certaine vision du monde, une l’heure d’un autre système organisationnel. tévelopper
visée débattue en société. L’histoire comme mémoire un management cohérent aujourd’hui, c’est entrer dans
critique du passé de l’humanité, comme ensemble la logique participative et interroger systématiquement
des connaissances relatives à l’évolution de l’huma- non pas la performance des actes des employés et de
nité peut offrir un sens à un être humain réflexif, une ceux qui les pensent, mais l’engagement et l’apprenB
direction commune. tissage de tous ainsi que la vivacité de la coopération.

2l2 • Chapitre 11

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Il s’agit du a vouloir travailler ensemble b dans un ordre La collectivité dans la pratique


consenti (Monteil, 2l1c, p. 5c). Gorz (2ll3) affirme en
ce sens que a des personnes qui coopèrent, se coordon
du management
nent et s’ajustent librement les unes aux autres dans un La direction est un exercice difficile de conduite de soi
projet qu’elles auront défini ensemble auront tendance à et des autres. Elle requiert des habiletés et des savoir
se surpasser chacune b (p. r3). Pour reprendre les termes être particuliers : savoir communiquer, se comporter,
des saint simoniens, il s’agit de passer de l’adminis raisonner et assumer sa responsabilité éthique (voir
tration des choses et des personnes au gouvernement l’encadré 11.2, page suivante). En serviteur des autres, le
des personnes et de leurs connaissances individuelles dirigeant doit aussi être capable de remise en question
et collectives : et d’apprentissage dans le souci de ses employés, de
Les contributions individuelles au résultat collec l’entreprise comme de lui même.
tif en deviennent évidemment non mesurables. Les oOpn peut déjà considérer qu’ils sont sur le che
notions de durée et de quantité de travail perdent min du bon départ ceux qui, responsables d’entre
leur pertinence. La source de la productivité est dans prises, n’essaient pas d’avoir raison tout seuls et
une organisation qui promeut l’auto organisation acceptent d’affronter le monde, et d’abord leurs
et engendre des externalités positives, c’est à dire clients, leurs fournisseurs et leurs salariés en adop
un résultat collectif qui transcende la somme des tant la démarche systématique du zéro mépris.
contributions individuelles. (Gorz, 2ll3, p. r3) C’est à dire celle qui consiste à affirmer, a priori :
a Je suis leur chef, donc ils peuvent m’aider b.
Toute la différence entre un management rationnel
(Sérieyx, 1sss, p. 12d)
et un management raisonnable réhu
manisé repose dans cette définition col
lective du but poursuivi dans l’action
commune. Il s’agit moins de se conformer Le management réhumanisé renouvelle et
à une vision stratégique définie par la renforce la tradition par la délibération collective.
direction comme un savoir infaillible que
de se donner collectivement la possibilité
de débattre d’une visée, c’est à dire une
Il s’agit de travailler dans une forme d’horizontalité
conviction, un espoir ou une perspective commune
o tous, dirigeants, managers et subordonnés, sont
qui n’a pas valeur de savoir absolu, mais d’intention
appelés à se croiser et à débattre ensemble. Préci
partagée (Monteil, 2l1c). N’est ce pas le rôle et le
sons que le collectif dans l’entreprise n’est pas forcé
devoir du management que d’endosser dès lors son ment homogène, car il présente une diversité de styles
habit de science de la responsabilisation, individuelle cognitifs (mode de saisie et de traitement de l’informa
et collective, et donc de l’éthique (voir l’encadré 11.1) ? tion), de genres, de générations, de cultures possibles.

ENCADRÉ 11.1 LA RESPONSABILISATION CHEn ROmNTREE


DÈS LES ANNÉES 192c
Dans l’usine de chocolats Rozntree, par le principe d’équipartition d’em- le samedi q, l’obtention des congés
à cork, Follett a découvert des pra- ployés élus et de cadres désignés de vacances payés ou la participa-
tiques participatives de responsabi- par le management pour diminuer tion à l’embauche de leur supérieur
lisation lors de sa visite en 1p26, à la distance entre administrateurs immédiat. Fait intéressant à noter :
savoir : une réunion de questions- et travailleurs. kernon (1p5u) rap- aoseph Rozntree s’est longtemps
réponses avec tous les employés porte ainsi que les employés, par battu, au nom de la gratification de
après chaque conseil d’administra- ces Works Councils, ont, dès 1p1p, la confiance établie entre employeur
tion annuel, afin de leur restituer été responsabilisés pour des déci- et employés, pour imposer finale-
de fadon transparente et dans un sions importantes et avant-gardistes ment en 1p23 dans son entreprise
langage accessible tous les résultats comme le réarrangement des l’idée du partage des profits annuels
et défis de l’entreprise, et l’idée des heures de travail q ce qui a conduit entre employeur et employés.
Works Councils, des comités guidés à la fermeture de l’usine pour tous

RepenseR Re manaBement • 2lt

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ENCADRÉ 11.2 LA RESPONSABILITÉ, L’ÉTHIQUE INDIVIDUELLE


ET L’ÉTHIQUE SOCIÉTALE
L’éthique des individus pour la responsabilité L’éthique de la société pour la responsabilité :
fait appel :
• est opposée à la liberté confisquée, à la moralisation
• à la reconnaissance de la valeur de la prise de risque sans accès aux compétences, aux capacités g
et de la solidarité g • ne peut s’exercer que dans un État de droit dans
• au rejet des cadres imposés et jugés inacceptables g lequel l’interdépendance humaine est reconnue
• à la prise de conscience du besoin de respecter comme faisant partie de l’équilibre social g
certaines contraintes (tout n’est pas permis) et de • rejette le bénéfice à court terme de certains qui
l’évidence de ses propres limites face aux choix g entraîne une déresponsabilisation vis-à-vis de l’avenir
• au devoir d’honorer la parole donnée g de tous g
• au maintien du lien fondamental entre morale et • pose le respect de la dignité de l’homme comme
éthique privée et vie commune g priorité dans l’exercice des choix g
• à l’humilité puisqu’un sens de la responsabilité ne • fait appel à l’intégrité personnelle dans l’exercice
préserve pas de l’erreur g des fonctions publiques ou des pouvoirs dont les
• à l’obligation de rentrer chei soi afin de rencontrer décisions ont des impacts collectifs. f
sa propre conscience critique. ource : garrell, 200f, p. 324.

Plus encore, réhumaniser le management consiste un passé figé, qui traduit une crispation vis-à-vis
à placer toutes les paroles sur un pied d’égalité et à du présent et une crainte du futur. La mémoire, au
coordonner la délibération dans l’entreprise (Clot et contraire, c’est la réaction saine d’un corps social : en
Gollac, 2l1x ; tejours, 2l15). tepuis longtemps, cer- se souvenant de ce qui fut jadis heureux, on trouve
tains théoriciens du mouvement participatif évoquent un point d’appui pour se dégager de la gangue du
aussi la pertinence de multiplier dans l’organisation présent et d’un futur écrit d’avance. (p. d5)
les occasions pour chacun de faire partie de différents Il nous semble en ce sens nécessaire de redonner
groupes dont on est parfois l’animateur, parfois l’un aussi au travail de management sa dimension histo-
des participants afin de faire l’expérience tantôt de la rique par la réhabilitation de la tradition, c’est-à-dire
ligne hiérarchique, tantôt de la responsabilisation. de la transmission de connaissances probantes pour
Le collectif de travail est ainsi un instrument indis- alimenter l’expérience vivante et adaptable des travail-
pensable de la création individuelle et collective. Il a se leurs. Il ne s’agit pas ici de penser la tradition de façon
trouve défini dans ce cadre comme le moyen de vivre péjorative comme le carcan dominant imposé par les
plusieurs destins imaginables aux conflits de l’activité b anciens. Comme le dit le poète iranien Esmail hoei,
(Clot et Gollac, 2l1x, p. 25). En d’autres mots, il permet les innovations font progresser la culture, mais ce
de vivre un autre destin que celui de la souffrance seu- sont les traditions qui les perpétuent dans le temps.
lement devant les difficultés du travail réel. Il faut donc Transmettre, c’est remettre à l’épreuve les connais-
démocratiser et organiser la a dispute professionnelle sur sances héritées du passé et les transformer peu à peu
les critères de qualité du travail b (p. 133), la discussion, pour les intégrer aux légendes vivantes de l’histoire
la conversation, la controverse, bref le conflit ordinaire, qui nous unit, entre générations. Car, pour reprendre
sur ce qu’est le travail bien fait et à faire (voir le chapitre 6). la citation du célèbre compositeur Gustav Malher,
Selon Clot et Gollac (2l1x), a le débat d’écolesÉ est la paraphrasant lui-même Thomas More : a La tradition,
condition de l’existence d’un collectif de travail car il per- c’est la transmission du feu, et non l’adoration des
met de civiliser le réel qui multiplie les inattendus inévi- cendres. b Il y a dans les gestes et les savoirs tacites
tables et divise facilement ceux qui travaillent b (p. 133). perpétrés dans le temps une réflexivité, une sagesse
neprenons les récents propos de Gomez (2l1c) : délibérée qui donnent corps au métier, à un a profes-
sionnalisme délibéré b (Clot et Gollac, 2l1x, p. 21s) et,
La nostalgie, c’est le rêve conservateur d’un retour
de fait, à une performance collective.
en arrière. netour par définition impossible vers

2l4 • Chapitre 11

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La collectivité n’a d’autre but que lui-même. i quoi bon progresser


pour crojtre économiquement si c’est au détriment
dans l’idéologie managériale de la société ? t’autres paradigmes encore en friche
Jusqu’ici, le mythe du progrès (voir le chapitre 2) h dont comme le développement durable (erundtland, 1srd),
la version contemporaine est le mythe de l’innovation la décroissance volontaire (Mongeau, 1sr5) ou encore,
h constituait la vision du monde moderne issue de la récemment, la convivialité (Caillé, mumbert, Latouche
pensée des Lumières et épousée par le management et fiveret, 2l11) émergent. Ces paradigmes alternatifs
scientifique. Cette vision contient : au progrès appellent donc à chercher un sens, non seu-
• une foi en la science ; lement au travail, au travail de management, mais à
• une croyance en la croissance économique, en l’évo- l’mistoire humaine inscrite dans un écosystème limité.
lution technique, en l’amélioration des mœurs et de tans le même esprit, nous proposons pour sens com-
l’esprit humain ; mun du management, en reprenant les mots d’mannah
• une propension à la remise en cause de la tradition ; Arendt, la pérennisation de notre monde humain.
• une confiance en un perfectionnement progressif et tans le champ de l’organisation, les personnes ne
continu de l’humanité. trouvant plus de sens dans ce qu’elles font se démo-
Les accidents de l’mistoire, comme les guerres, les ca- tivent. Toutefois, la réaction du nouveau management
tastrophes naturelles ou les épidémies, ont ébranlé ces devant la démotivation introduite par ses outils est
convictions et notamment la croyance en un couplage souvent de tenter de pallier la situation avec d’autres
absolu entre progrès technique et progrès social. Le outils de même nature. Or, il s’agit de renouveler pro-
fordisme, par exemple, a peut-être produit un progrès fondément notre conception de l’être humain au tra-
technique avec l’augmentation de la productivité des vail à l’heure de la société du savoir. Ce management
usines, mais il s’est fait souvent aux dépens du pro- doit abandonner le vocable de la productivité pour
grès social, car la condition des travailleurs ne s’est pas entrer dans le registre de la créativité comme aptitude
améliorée. Aujourd’hui, le progrès techno-économique à créer, à œuvrer.

q Assieds-toi aean-buc, dit Paul en désignant la chaise devant son bureau.


VÉCUES
HISTOIRES

aean-buc s’assied timidement sur la chaise. l fait peine à voir, il est si rouge qu’on dirait
qu’il va exploser.
q ja fait combien de temps que tu es avec nous l demande Paul.
q Près de trois mois, Monsieur, répond-il en se triturant les mains.
q Peux-tu me raconter ce qui s’est passé hier soir l
q Charles, le responsable de la maintenance, m’a demandé de souder l’étagère
pour la renforcer. Après avoir terminé, j’ai passé l’aspirateur pour enlever la poussière.
Cet aspirateur est connecté sur le système de dépoussiéreur central et j’ai oublié de
le déconnecter. En peaufinant ma soudure, des étincelles se sont retrouvées dans le
dépoussiéreur, et le feu a pris. ae suis vraiment désolé, Monsieur. Est-ce qu’il y a
beaucoup de dommages l
q On en a pour au moins 50 000 ä.
aean-buc semble se liquéfier. Et de rouge, son visage passe au gris.
q Parfait, je te remercie. Tu peux y aller.
aean-buc le regarde, hébété. l ne fait pas un geste pour se lever.
q kous n’allei pas me congédier l
q Est-ce que tu penses que tu vas refaire la même erreur l
q aamais, Monsieur.
q Eh bien, je viens de dépenser 50 000 ä pour te former, je ne vais certainement
pas te virer, répond Paul avec un sourire espiègle.
aean-buc se lève, visiblement soulagé.
q kous ne le regretterei pas, Monsieur.

RepenseR Re manaBement • 2lk

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Car la créativité, définie comme aptitude ordinaire réalise en un sujet permanent qui dure après que
de chacun à la création, nous permet de nous interroger son labeur est passé b. (Arendt, 1sr3, p. 1rc)
sur le pourquoi de l’œuvre, à savoir la construction Il y a donc bien un enjeu collectif à réinscrire dans
d’un monde qui nous survit. Elle nous permet de ne un destin partagé, un monde commun, la pérennisa-
pas rester cantonnés dans les questionnements instru- tion de l’entreprise et les pratiques du management.
mentaux du comment faire qui nous confinent au seul Ce monde commun devant être régulé par un agir
registre du travail productif, c’est-à-dire du travail effi- moral-pratique (tejours, 1ss5) plus que seulement
cace à préserver la vie humaine. t’autant que la seule téléologique.
vie humaine est devenue a souverain bien b
plus que la construction d’un monde hu-
main (Arendt, 1sr3, p. 3sc).
Il y a un enjeu collectif à réinscrire dans un monde
Le danger est qu’une telle société oune
société de consommateurs ou de tra- commun, par le recours réflexif à la créativité
vailleursp, éblouie par l’abondance de sa
fécondité, prise dans le fonctionnement plutit qu’à la productivité, la pérennisation de
béat d’un processus sans fin, ne soit plus l’entreprise et les pratiques du management.
capable de reconnajtre sa futilité h la
futilité d’une vie qui a ne se fixe ni ne se

11.4 Reconsidérer le rapport à la richesse en management


La richesse n’est-elle que matérielle ? Le profit est la luxe, d’opportunités de loisir, de culture et d’éducation
finalité de l’actionnaire de l’entreprise quand la pro- que possède maintenant le chef d’entreprise moyen,
ductivité demeure la priorité du manager moderne, et ces conditions pourront seulement survenir par une
celui qui s’inspire du courant technique. En effet, l’idée augmentation importante de la productivité moyenne
de profit comme fin en soi n’a pas toujours été la fina- des individus de ce pays. (Taylor, 1sd2, p. 2ls)
lité première du management dit scientifique, propre C’est l’entreprise capitaliste qui commande au
aux ingénieurs. Primait plutôt dans cette perspective management d’ériger la rentabilité comme une fin, et
celle d’efficacité technique au service de la rentabilité l’entreprise financiarisée qui exige le rendement maxi-
économique. nappelons-nous l’utopie taylorienne de mum comme finalité première. On en connajt mainte-
restaurer l’harmonie entre employeurs et employés par nant toutes les contradictions (voir les chapitres 4 et 5).
une meilleure redistribution de la richesse produite. Comment repenser dès lors le rapport à la richesse
J’ai hwte au jour o les travailleurs de notre pays d’un management réhumanisé ? Nos propositions
pourront vivre aussi bien et avoir le même niveau de figurent dans le tableau 11.3.

TABLEAU 11.3

Reconsidérer le rapport à la richesse en management


Management Concept Discipline Pratique (métier) Idéologie
Rapport à • L’efficacité écono- • ortir de la finalité • De l’homo pconomicus • bquilibrer la création
la richesse mique versus l’équité de la croissance à l’homo comple us de richesse économique
• La rentabilité économique et servir • Réciprocité (don- et la création de biens
comme moaen le monde des intérêts contre-don, partage) communs par la
• La responsabilité collectifs et généraux, et redistribution responsabilité et le
comme fin civiques, communs, travail responsabilisant
par l’économie et la
création de richesses

2lc • Chapitre 11

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La richesse au ccur du concept premières bulles spéculatives liées à l’Internet. Plus


largement, il faut se demander ce qu’est la richesse en
de management elle-même. L’action finalisée issue de la vision éco-
Si l’on examine la création de richesses dans les pays nomique et instrumentale du management la définit
industrialisés et dans les pays en émergence, on comme l’accumulation de biens matériels. Mais elle
constate que le pari de l’efficacité économique, à des peut être entendue dans un sens beaucoup plus large
degrés divers, est gagné. La recherche obsessive de comme puissance permettant de combler les besoins
l’efficacité économique nous a peut-être fait perdre matériels et symboliques des êtres humains. Cette
de vue le fait que cette création de richesses, essen- puissance n’est pas seulement faite de biens matériels.
tiellement matérielle, ne s’effectue pas toujours dans Il est vrai que les progrès techniques et scientifiques
l’harmonie ou l’équité. Les crises économiques et ont considérablement accentué l’efficacité des entre-
financières prévisibles qui se succèdent et les malaises prises et des économies, mais cette augmentation ne
généralisés qui s’ensuivent dans nos sociétés nous s’est pas traduite par la création d’un lien et d’un sens
amènent à soulever légitimement la question de la pour beaucoup de travailleurs et de citoyens. Notre
responsabilité du management dans les déséquilibres pratique managériale h et la conception rationaliste
de nos entreprises, de nos institutions et, à certains dominante du management h a grandement favo-
égards, de nos États. risé la maximisation de cette efficacité. En se laissant
L’accumulation de la richesse devrait logiquement prendre par le mirage de la croissance financière, elle
se traduire, en vertu du mécanisme de sa redistribu- a contribué à accrojtre le malaise.
tion, par une amélioration de la qualité et du niveau Pourquoi s’être fait prendre au mirage de la crois-
de vie des citoyens. Or, on constate que cette améliora- sance financière ? Nous avons vu que c’était en partie
tion n’est réservée qu’à certains. Les inégalités socioé- le fait de la transformation des modes de gouvernance
conomiques se creusent. L’accumulation excessive des entreprises, en particulier des sociétés par actions,
de la richesse par quelques-uns et une paupérisation cotées sur les marchés financiers (voir le chapitre 5).
extrême de nombre d’autres à l’échelle plané-
taire se profilent aujourd’hui. tans l’histoire
de l’humanité, nous n’avons jamais produit
autant de richesse, et autant de non-sens. Pour Le management réhumanisé doit comprendre
s’en convaincre, il suffit d’observer la cohabi- l’équilibre entre la valeur de l’entreprise pour
tation de ces deux extrêmes : l’hyperrichesse
et l’hyperpauvreté. Même dans les sociétés la société et réciproquement.
riches, le malaise est profond, et il se traduit
par la recrudescence d’actes violents (Cohen,
2lls), de suicides, de burn-out (le syndrome tans un capitalisme financier, les mandataires (ac-
d’épuisement professionnel). Cela pose la question de tionnaires) de l’entreprise capitaliste délèguent aux
la finalité de cette création de richesses: l’accumula- gestionnaires la twche d’assurer la croissance maxi-
tion est-elle devenue une finalité en soi ? Normalement, mum de la valeur actionnariale de leur patrimoine,
n’est-elle pas plutôt le moyen de développer les sociétés parfois au détriment des autres parties prenantes de
humaines dans l’intérêt général1 ? l’organisation, et ce, en intéressant les gestionnaires
a Il faut se demander quelle valeur représente l’en- (donc le management) eux-mêmes à cette finalité au
treprise pour la collectivité, en quoi elle sert les inté- moyen d’option d’achats d’action. Mais d’autres phi-
rêts civiques plutôt que son seul registre de pertes losophies de la création de richesses axées sur la
et de profits b, disait Sennett (2lll, p. 1sx) au début pérennisation, la valorisation à long terme et la sou-
de notre siècle, alors que s’apprêtaient à éclater les tenabilité sont possibles.

1. Les notions d’intérêt collectif, commun, public ou général sont parfois confondues. Pour nous, l’intérêt commun désigne les intérêts
des membres d’une communauté précise. L’intérêt général dépasse l’intérêt commun et englobe l’intérêt supérieur de toute la population.
Le gouvernement s’empare de sa mise en puvre par la notion d’intérêt public. De fait, l’intérêt collectif peut renvoaer tantôt à
l’intérêt commun d’un collectif (par exemple, celui des travailleurs d’une organisation), tantôt aux intérêts défendus collectivement
par un ensemble de parties prenantes cherchant à servir le bien commun (une coopérative), tantôt à l’intérêt général.

RepenseR Re manaBement • 2l7

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uui plus est, comme le cite Morin (2l11b, p. 25), de nos machines, mais si les machines servent
a le développement est un voyage qui comprend plus encore le monde et ses objets ou si au contraire avec
de naufragés que de passagers… b ; il s’agit alors de le mouvement automatique de leurs processus elles
sortir de l’idée fixe de la croissance pour la remplacer n’ont pas commencé à dominer, voire à détruire le
a par un complexe comportant croissances diverses, monde et les objets. (Arendt, 1sr3, p. 2lx)
décroissances diverses, stabilisations diverses b (p. 2x). Sur le plan conceptuel se pose alors le problème de
Le développement n’est pas une trajectoire linéaire l’articulation entre le management, d’une part (comme
d’accumulation de richesses économiques, mais un en­ métier, ensemble de techniques, comme porteur d’une
semble de voies et de chemins associant dynamiques idéologie), et l’entreprise, d’autre part. Car a l’entre
économiques, sociales, culturelles, domestiques, aux prise b, en fait, n’existe pas sous l’angle juridique. Ou
échelles planétaire, continentale, nationale et locale. plutôt elle revêt différentes formes juridiques (entre
prise individuelle, société, association, coopérative,
La richesse et la discipline groupement de personnes, fiducie, etc.). Elle existe,
de façon induite en droit, le plus souvent en tant que
du management personne morale, soit une entité autonome composée
Si les sciences économiques modernes, surtout les d’un ensemble de personnes et de moyens (humains
doctrines néoclassiques, se sont réfugiées derrière ou matériels) destinés tantôt à la réalisation d’un
des concepts abstraits et des modèles mathématiques but économique, par exemple dans le cas des socié
en réduisant la société humaine et ses membres à un tés par actions ou des fiducies, tantôt à la satisfaction
marché et à des agents économiques rationnels, le de besoins économiques, sociaux ou culturels ou à la
management ne peut pas se permettre cette approche défense d’un intérêt commun, pour les coopératives,
réductionniste et impersonnelle de la réalité dans la les associations, voire d’un intérêt général pour les
mesure o il fait face à la complexité d’une société organisations sans but lucratif, par exemple.
humaine et à ses dilemmes :
• épanouissement individuel versus
intérêt collectif, voire général ; Un management réhumanisé doit s’émanciper de ses
• subjectivité (émotion) versus ob
jectivité (raison et rationalité racines disciplinaires économiques instrumentales et
des outils) ; néoclassiques et considérer que la rentabilité n’est
• créativité individuelle versus bu
reaucratie organisationnelle ;
pas une fin, mais un moyen pour bhtir et pérenniser
• routine versus innovation ; un collectif humain ancré dans un lieu géographique.
• autonomie versus contrôle ;
• ancrage local (ici) versus mondia
lisation (l’ailleurs dans l’ici et l’ici Les choix juridiques de constitution des entreprises
dans l’ailleurs). indiquent les modalités de répartition de la richesse
Le management peut ignorer ces contradictions selon les modes de propriété à l’œuvre ainsi que les
fondamentales s’il se retranche dans une pseudo formes de pouvoir en place. tans une entreprise coopé
rationalité instrumentale. tans cette approche, le rative, par exemple, le pouvoir de décision est distribué à
gestionnaire qui se préoccupe seulement des a com tous les membres (un individu, un vote), tandis que dans
ment faire b ne remet pas ou ne remet plus en question une société par actions, les actionnaires majoritaires ont
l’idéologie dont les outils qu’il utilise dans sa pratique plus de poids décisionnel. Le management dans l’entre
sont porteurs. prise est l’instrument auquel il incombe d’opérationna
Comme l’observait déjà Arendt au milieu du liser le rapport entre l’entreprise, ses propriétaires et la
gge siècle :
société humaine. C’est lui le passeur, le lieu d’expression
du rapport à l’économie par les modalités de la création
o…p l’homo faber, le fabricant d’outils, inventa les
de richesses et du rapport à l’action de la création de
outils pour édifier un monde et non pas h non pas
richesses. S’exerce ici le libre arbitre des dirigeants et
principalement du moins h pour aider le processus
vital. Il ne s’agit donc pas tellement de savoir si nous
des managers de choisir une approche managériale en
sommes les esclaves ohomo laboransp ou les majtres cohérence avec des choix économiques et sociopoliti­
ques résolument tournés vers l’humain­dans­le­monde.

2ls • Chapitre 11

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Sortir de la finalité de la croissance économique pour besoin social. Ce n’est en rien l’économique (oiko-
servir le monde d’intérêts collectifs ou généraux, civiques nomia) qui, pour Aristote, consiste plutôt en la saine
et communs, par l’économie et la création de richesses gestion du foyer et plus largement de la commu-
demeure un choix managérial. C’est ainsi que des entre- nauté. nappelons-nous aussi la célèbre remarque de
prises, dont certaines sont centenaires, résistent contre yeil (2ll2, p. 1d) à propos du taylorisme dans les
vents et marées en faisant le choix délibéré de ne grandir années 1s3l : a o…p la division en classe ne passe plus
que modérément, de ne pas licencier leur personnel et aujourd’hui entre ceux qui achètent la force de travail et
d’absorber collectivement les chocs conjoncturels, de ceux qui la vendent, mais entre ceux qui disposent de
pérenniser leur implantation géographique pour le bien la machine et ceux dont la machine disposeÉ. b Ajou-
de la communauté locale et de faire des choix écolo- tons aujourd’hui à la a machine b le a capital financier b,
giques d’avant-garde, considérant que la création de et la critique se révèle d’une criante actualité.
richesses dépasse la frontière des intérêts financiers des La chrématistique est transposée à l’usine par le nou-
membres du conseil de direction. tans cette perspec- veau management dans un univers d’hypercompétition
tive, la rentabilité n’est pas une fin, mais un moyen pour et d’hyperperformance o l’étalon du soi se mesure à la
bwtir et pérenniser un collectif humain ancré dans un richesse matérielle dégagée par le travail objectif. tans
lieu géographique. le monde néolibéral,
olep travail n’est qu’une marchandise parmi d’autres.
La richesse et la pratique tevenu auto-exploitant de son a capital humain b, la
du management dimension existentielle du travailleur s’estompe. Il
n’est pas vu comme un chercheur de sens, interdé-
tans cet ouvrage, nous ne minimisons pas l’utilité des pendant avec d’autres travailleurs et producteur de
outils managériaux, mais nous insistons sur la néces- choses utiles, mais comme un individu autonome,
sité d’être conscient des fins qu’ils véhiculent. Nous dégagé de toute communauté et choisissant d’agir,
voulons intégrer à la pratique managériale un regard sur son lieu de travail, pour maximiser son intérêt.
critique sur elle-même et associer les a pourquoi b aux t’o l’importance de lui verser des primes, des bonus
a comment b gérer. et des incitations si on veut qu’il atteigne les objectifs
fixés (Gomez, 2l1c, p. sl-s1).
La chrématistique versus l’économique
Il est bien évident que cette vision des rapports
tepuis longtemps, différents penseurs, tels Aristote,
entre les individus comme étant purement techniques
nousseau, Marx, yeil et Arendt, ont formulé des cri-
et marchands, c’est-à-dire des échanges de type
tiques à l’égard de la pratique managériale. En son
contrat objectif de performance en quelque sorte, est
temps, Aristote craignait déjà que la chrématistique ne
très réductrice. Pour l’homo complexus, les choses qui
devienne la finalité première des activités humaines et
s’échangent dans l’organisation et rendent possible la
n’entrajne une déshumanisation de la collectivité. La
coopération s’inscrivent dans des registres complexes à
chrématistique, c’est l’accumulation de la monnaie
la fois de marchandage et de troc, mais aussi dans des
pour la monnaie elle-même et non pour satisfaire un
relations symboliques et affectives (voir le tableau 11.4).

TABLEAU 11.4

Les choses échangées dans l’organisation


Registre culturel
Registre technique Registre affectif Registre associatif
(culture professionnelle)
mnformations outien klliances stratégiques lroaances et représentations

avoirs Dévoilement de soi Rumeurs et repères Normes (relations, rendement, qualité)

avoir-faire ourires, regards, gestes Réciprocité généralisée Réputations

nemps kmitié lonfiance lérémonies et rites

Outils Petits cadeaux

ource : klter, 200f, p. 134.

RepenseR Re manaBement • 2ll

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Le don repose sur une lo-


gique de réciprocité générali-
Un management réhumanisé considère que la création sée avec les moments successifs
de richesses ne loge pas dans l’accumulation, du demander-donner-recevoir-
rendre. Ce qui est important,
mais dans la réciprocité généralisée. ce n’est pas la chose donnée
comme telle, mais l’esprit de
la chose donnée qui oblige à
Le don : demander-donner-recevoir-rendre donner à son tour : a o…p les
Nombre d’anthropologues ont ainsi, depuis long- échanges sociaux ont pour objet la circulation des
temps, montré que l’être humain s’engage envers choses dans la société et ne peuvent se réduire à un
autrui dans des rapports sociaux basés à long terme ensemble de transactions individuelles. On ne donne
sur l’altruisme (Grant, 2lld) et sur le don-contre-don, pas à l’autre directement : on donne pour ne pas inter-
c’est-à-dire sur le triptyque donner-recevoir-rendre rompre le flux des échanges. b (Alter, 2lls, p. 11d) Ce
(Mauss, 1sss). La logique du don laisse la place à une faisant, l’être humain forge par le don-contre-don un
axiomatique qui n’est pas seulement celle de l’inté- être collectif qui donne corps au sentiment d’exister.
rêt pour soi, instrumental, mais aussi celle de l’intérêt Le don a été exploré il y a plus d’un siècle par
pour autrui. Dans tout acte humain, il entre ainsi une les anthropologues (Mauss, 1sss) dans les socié-
part de calcul, mais aussi une part d’empathie, tés traditionnelles du Pacifique occidental et de la
une part d’obligation physique ou sociale (de donner, Nouvelle-Guinée, ainsi que dans les sociétés contem-
recevoir, rendre) et une part de liberté et de créativité poraines. Le don est un système d’échange qui prend
dans les objets et les formes du don. Selon Caillé et différentes formes, dont les plus connues sont celles
Grésy (2l1x), et comme l’illustre la figure 11.2, c’est du potlach et de la kula, o les êtres humains rivalisent
dans le juste équilibre des mobiles entre calcul et em- non pas de force, mais de générosité.
pathie et entre obligation et liberté-créativité que se Le don génère des formes de crédits, c’est-à-dire des
trouve a la clé tant de la sagesse individuelle que de écarts temporaires (entre le temps de la chose reçue
l’harmonie politique ou de l’efficacité organisation- et le moment de la chose rendue), des dettes qui ne
nelle. Et c’est dans cet équilibre que les sujets humains doivent jamais s’éteindre pour conserver vivantes les
peuvent accéder à la reconnaissance à laquelle ils as- relations entre personnes et groupes sociaux. En effet,
pirent et qui constitue leur véritable moteur b (p. cl). la relation de don demeure multilatérale, et il est pro-
bable que celui auquel on rendra ne soit
pas toujours celui qui nous a donné. Et
FIGURE 11.2 Les différents mobiles et moments du don de cet autre viendra peut-être un retour
envers soi.
OBLIkATION Caillé et Grésy (2l1x) considèrent
aujourd’hui qu’il est possible de com-
prendre la logique du don-contre-don
dans les organisations dans un cycle
Demander Rendre à quatre temps : demander-donner-
recevoir-rendre (ttnn). Ils ont ajouté
INTgR T INTgR T au triptyque original (donner-recevoir-
POUR SOI POUR AUTRUI rendre) théorisé par Marcel Mauss, l’un
Recevoir Donner des célèbres pères de l’anthropologie,
une quatrième étape importante : savoir
demander.
Selon eux, les relations humaines dans
une organisation se détériorent si un
LIBERTg
cercle vicieux de type a ignorer-prendre-
ource : laillé et hrésa, 2014, p. 1f3.
refuser-garder b (IPnG) s’installe.

t00 • Chapitre 11

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Un management autoritaire, voire despotique, sabotent l’organisation en perdant systématiquement


pourrait même créer des rapports pathologiques sous documents, informations et connaissances qui pour-
la forme d’un cycle a exiger, écraser, rejeter, solder b. raient être utiles.
La direction autoritariste exige de ses employés plu- Pour Caillé et Grésy (2l1x), tout l’enjeu d’un mana-
tôt que de leur demander quoi que ce soit. Ce faisant, gement humain est de comprendre les motivations
elle les écrase sous le joug de contrôles excessifs. Elle du don pour maintenir l’équilibre dans l’entreprise et
rejette toute proposition venue d’en bas et considère de ne pas tomber du cycle vertueux du don-contre-
qu’elle a soldé ses obligations dès lors qu’elle a rem- don dans le cycle vicieux de la désharmonie (voir la
pli ses stricts engagements contractuels envers ses figure 11.3).
employés, c’est-à-dire, en général, payé un salaire
tans une logique de responsabilisation des em-
convenu d’avance. L’entreprise autoritaire ne recon-
ployés, cela revient à encourager l’autonomie et à
najt pas le don que chacun pourrait faire à l’entreprise
reconnajtre la pratique du don dans l’entreprise plutôt
en faisant, par exemple, des heures supplémentaires
que de procéder à l’imposition d’une décision par un
pour assurer les délais d’une livraison importante
pouvoir managérial vertical et hégémonique.
ou en aidant bénévolement un collègue en difficulté.
tans ces conditions inhumaines, les employés entrent Selon Alter (2lls), les trois éléments à la source de
eux-mêmes dans un cercle vicieux a attendre-retenir- la reconnaissance chez chaque employé sont :
profiter-perdre b. Les employés, peu investis, attendent • la valeur des actes de travail dont il est l’auteur ;
plutôt qu’ils ne provoquent les occasions de travailler, • la responsabilité qui lui est confiée de ces
s’arrangent pour en faire le moins possible, profitent mêmes actes ;
des avantages de leur poste et du travail des autres et • l’accès pour chacun à l’estime de soi.

FIGURE 11.3 La dynamique de a l’adonnement b et ses dérives pathologiques

Moments équilibrés du don


cérive autoritaire du management Conséquences pour les employés
1. Demander avec les formes
Attendre : Les collaborateurs
Exiger : Le management
bomment motiver et expliciter attentistes ne prennent pas
donne des ordres que leurs
sa demande ? d’initiatives pour ne pas
équipes doivent exécuter.
se faire mal voir.

2. Donner à bon escient


Retenir : Les collaborateurs
gcraser : Les managers ont
bomment donner sans s’efforcent de tenir les
le monopole des signes de
condition ni gratuité ? objectifs fixés, rien de plus,
reconnaissance matériels.
rien de moins.

3. Recevoir avec gratitude


Rejeter : Le management Profiter : Les collaborateurs
ignore le surcrodt bomment circulent les dons transforment aussi vite que
g d’adonnement i au-delà et à quel titre les recevoir ? possible ce qu’ils repoivent
de ce qui est demandé. en avantages acquis.

4. Rendre de bon cnur


Solder : Le management Perdre : Les collaborateurs
prône le donnant-donnant, bomment rééquilibrer la relation en font le moins possible
car s’acquitter des dettes en diminuant le poids de la dette ? pour ne pas voir leurs
préserve sa liberté. objectifs revus à la hausse.

ource : kdapté de laillé et hrésa, 2014, p. 124 et 1fd.

RepenseR Re manaBement • t01

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tès lors, la richesse au travail n’est pas seulement et à des lieux, espaces et temps de socialisation. Le
la richesse économique objective dégagée d’une rému- travail n’est pas seulement un objet économique selon
nération, certes nécessaire, mais aussi la richesse tirée l’idéologie dominante depuis Smith. Ces conceptions
de la valeur sociale de la reconnaissance et de la réci- renvoient elles-mêmes à des approches très différentes
procité générée par le travail en commun. En cela, elle de l’économie entre l’économie comme instrument de
déborde les frontières de la seule organisation et se dif- domination par l’efficacité de l’action finalisée et l’oiko-
fuse pour faire société par la force de la responsabilité. nomia grecque antique, évoquée précédemment, c’est-
à-dire la gestion de l’équilibre du foyer. Pour reprendre
La richesse les termes d’Aktouf h
On en arrive alors, inévitablement, à la significa-
dans l’idéologie managériale
tion et au rôle du travail (acte humain par excellence)
La richesse, c’est pour beaucoup, nous l’avons vu, en tant que base fondamentale de tout acte écono-
l’abondance de biens. Pour l’appréhender dans notre mique, même avant qu’il ne soit de la pure spécu-
champ du management, il nous faut revenir sur le lieu lation. Travailler pour augmenter indéfiniment le
de son expression, le marché, et la source première de stock de monnaie per se ou travailler pour améliorer
sa création destruction, la nature. le bien-être de la communauté en harmonie avec son
milieu ? (2ll2, p. 153)
Reconsidérer le marché Or, c’est le management qui assume ce rôle de sou-
La création de richesses en management est souvent mettre le travail et le travailleur à la logique de création
inspirée de l’économie néoclassique et associée à la de richesses dans l’économie occidentale. Pour se pré-
production d’une valeur économique monnayable tendre humain, le management doit donc considérer
échangeable sur un marché. uui n’a pas entendu un la logique d’une idée (selon la définition de l’idéolo-
entrepreneur ou un manager annoncer : a Je veux faire gie pour Hannah Arendt) comme celle d’équilibrer
le plus d’argent possible b Pour saisir la dimension la création de richesse économique et la création de
idéologique de ce postulat, il convient de se pencher biens communs à travers la responsabilité et le tra-
sur la notion de marché. Il est intéressant de noter la vail responsabilisant. Parmi des exemples de biens
différence entre les conceptions occidentale et orientale communs, citons la paix sociale, la santé publique, les
du marché. uu’il s’agisse d’un marché boursier ou de ressources naturelles essentielles partagées (qualité de
consommation, le marché occidental est un lieu ration- l’eau, de l’air), les connaissances vivantes, etc.
nel, anonyme, neutre, de transactions. tans la concep-
Le travail rémunéré dans ou pour l’entreprise n’est
tion orientale, le bazar, le souk sont des marchés au
qu’une des formes de travail. Il existe de nombreuses
sens de lieux de socialisation. tans le premier cas, c’est
autres formes de travail non rémunéré comme le tra-
un lieu de confrontation des intérêts divergents d’homo
vail civique ou le travail domestique qui participent
œconomicus. Toute action devient action finalisée pour
de l’équilibre sociétal et de la garantie de la préser-
maximiser des intérêts égo stes, alors que le bazar ou le
vation de biens communs, de l’intérêt général et du
souk sont le lieu d’expression d’une a logique d’adéqua-
sens commun. L’agir stratégique, téléologique, n’est
tion entre pouvoir d’achat attribué au futur acheteur et
pas le seul. Et, vraisemblablement, manager implique
prix consenti pour le produit convoiték (Aktouf, 2ll2,
une réflexion d’ordre éthique, ou moral-pratique, pour
p. 1xd). tans ce second cas, la logique est plutôt celle
équilibrer les moyens et les fins. Or, les valeurs occi-
d’une redistribution à la nobin des eois o le riche paie
dentales contemporaines comme la sacralisation de
plus cher et le pauvre moins cher, selon ses moyens.
la rareté et de la propriété privée forgent un système
Elle s’opère au moyen d’un échange social fondé sur
sociopolitique qui met l’économique au premier plan.
une relation personnalisée (rencontre, discussion,
négociation, ajustement) et personnalisante. L’individu lui-même est invité, de plus en plus fré-
quemment, à se concevoir comme une société à but
tans la société occidentale, la conception écono-
lucratif devant gérer ses capitaux, capter une clien-
mique et productiviste du marché se double d’une tèle et promouvoir sa marque. Animés, il y a un siècle
conception précise du rapport au travail. Celui-ci encore, par les principes de piété, de justice, d’égalité,
devient continu, permanent, telle une condamnation de courage, de loyauté, de tradition et de soin, nous
perpétuelle, car il est associé à la notion de gain et d’ac- révérons aujourd’hui le profit, la concurrence, l’orga-
cumulation. t’autres sociétés en ont une conception nisation et l’efficacité. (Le Texier, 2l1c, p. r)
différente. Le travail est associé à des fêtes, des rituels,

t02 • Chapitre 11

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Frédérique aimerait s’investir dans la commission scolaire de son fils, mais son emploi

VÉCUES
HISTOIRES ne lui permet pas d’assister à toutes les réunions importantes. Geneviève aussi a dû
refuser un poste au conseil d’administration de l’école de musique de son fils à cause de ses
horaires variables. En raison de ses études et du temps que lui demande sa start-up,
Steevy a décidé d’abandonner ses fonctions d’entraîneur du club de soccer de son quartier.
C’est dommage, car il croit à l’utilité du club pour intégrer des jeunes plus démunis à des
activités sociales et sportives. l en est la preuve vivante, car il ne se serait jamais rendu jusqu’à
l’université s’il n’avait pas été soutenu par les bénévoles de ce club. Paul a de la difficulté
à tenir son rôle de conseiller municipal. l a trop de travail et de projets en retard cette année
pour y mettre tout l’entrain et le temps nécessaires. Josée-Anne, elle, a raté la date du
forum citoyen organisé dans son arrondissement sur l’avenir du commerce de proximité à
l’heure de la numérisation, car, comme d’habitude, elle était en voyage à l’extérieur et elle
n’a pas eu le temps d’écrire un mémo sur le sujet à envoyer aux élus de sa mairie. Jean-Yves,
lui, a finalement accepté de faire du bénévolat dans le Fab bab près de chei lui pour montrer
aux jeunes et aux moins jeunes les rudiments de l’électronique g il y a rencontré Julie-Aude
qui a décidé de rédiger un article sur cet organisme pour le journal de l’université dans lequel
elle s’implique. Philippe-André, de son côté, vient de s’inscrire à un programme de
mentorat. l espère que ses conseils aideront un jeune à propulser sa carrière.

Parce que la valeur économique de produits ou de sapiens a fait des progrès, ce n’est pas dans l’intelligence
services échangés est foncièrement sociale (Lahire, de ses projets alors qu’il détruit à petit feu, voire à grand
2l15 ; Orléan, 2l11), il est pourtant probable que l’ère de rythme si l’on se place à l’échelle de l’histoire de l’hu-
l’innovation tirée par l’hyperconsommation et produite manité, l’environnement qui le nourrit (marari, 2l12).
par l’individu hyperproductif hypercréatif ne touche à névolution agricole puis révolutions industrielles sont
ses limites et que celle de l’innovation sociale (voir le bien skr à l’origine de ce renversement du rapport de
chapitre 10) tirée par les enjeux sociétaux ne devienne l’homme à la nature. L’homme en est venu à vouloir
incontournable pour pallier les inégalités creusées par majtriser la nature ; la science et la technique en furent
ce système et éviter la disparition même d’un a monde des moyens. te fait, la nature n’existe pas dans le champ
commun à tous les hommes b (Arendt, 1sr3, p. 11l). du management technique. Seules figurent des res-
sources naturelles à exploiter. La nature est souvent
Reconsidérer le rapport à la nature
sous-jacente à des concepts abstraits comme l’environ-
Au rang des biens communs dont profite l’humanité,
nement général ou l’environnement écologique, le
il y a :
contexte ou encore l’écosystème de l’entreprise. Avec
• les richesses et les ressources naturelles qui ont pré- le culte de la productivité du capitalisme industriel ou de
cédé l’apparition de l’humain : l’air, l’eau, les pay- la maximisation des profits sous-jacente au capitalisme
sages, les ressources génétiques, les sols, etc. ; financier vient l’idée que la nature est une des ressources
• les richesses et les ressources matérielles et imma- que l’individu ou l’entreprise peut s’approprier pour son
térielles aux dimensions patrimoniale et spirituelle projet de création de richesses. Elle est traitée comme
construites par les humains : les connaissances, l’art, une partie prenante au même titre que toutes les autres.
les cultures locales, etc.
On sait aujourd’hui que le rythme
du développement matériel actuel de Un management réhumanisé est gouverné par l’idée
l’homo sapiens se fait au détriment
des biens communs naturels. La pla- d’équilibrer la création de richesses économiques et
nète serait aujourd’hui incapable de
la création de biens communs par la responsabilité
supporter un mode de vie de type
occidental pour l’ensemble de ses et le travail responsabilisant.
habitants (nenouard, 2l15). Si l’homo

RepenseR Re manaBement • t0t

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La responsabilité de l’entreprise doit sans


doute être redéfinie comme une responsa-
Un management réhumanisé doit considérer bilité globale à la fois économique et finan-
que la nature n’est pas une partie prenante cière, sociale envers les salariés, sociétale et
environnementale, et même politique (voir le
comme les autres. Elle est la condition tableau 11.5). Ce faisant, l’entreprise apporte
même de l’existence humaine. quatre contributions distinctes à la société
(nenouard, 2l15) :
• une contribution fiscale en payant une part
Mais la nature est-elle une partie prenante comme équitable d’impôts aux pays et aux territoires
les autres ? Comment peut-elle défendre ses intérêts ? o elle est en exploitation ;
Le gain permanent de productivité et la création • une contribution salariale en pratiquant une rému-
de richesses économiques se font largement au dé- nération raisonnée et plus égalitaire, et en par-
triment de la nature, c’est-à-dire de notre environ- ticipant à l’établissement d’un seuil légitime et
nement écologique. Étant donné qu’il est le bras armé non disproportionné des écarts de salaires au sein
de l’économie et du système sociopolitique, comment d’une société ;
repenser un management humain dans son rapport à • une contribution environnementale en minimi-
la nature ? Il est en ce sens intéressant de se pencher sant les empreintes carbone (émissions de gaz à effet
sur la controverse qui existe aujourd’hui entre parti- de serre), l’utilisation de l’eau (consommation d’eau
sans et non-partisans de la responsabilité sociale et douce) et en préservant la biodiversité (flux des res-
environnementale (nSE). L’encadré 11.3 présente les sources naturelles renouvelables) de son activité ;
trois conceptions contemporaines de la nSE entre par- • une contribution sociale et sociétale en respectant,
tisans, opposants néo-libéraux et opposants radicaux. voire en faisant progresser les conditions d’un travail

ENCADRÉ 11.3 LES CONTROVERSES SUR LA RESPONSABILITÉ SOCIALE


DES ENTREPRISES
e ba notion de responsabilité les entreprises pourront à la fois et inefficace (car hors du champ des
sociale des entreprises ne fait t assurer l’environnement de qualité compétences des dirigeants).
pas l’unanimité. Trois camps s’af- dont leur prospérité à long terme
L’opposition radicale. m l’autre
frontent. beurs arguments trouvent dépend et respecter les obligations
extrême du spectre idéologique, les
leur source aussi bien dans des éthiques qui leur incombent en tant
radicaux , héritiers des traditions
considérations de nature idéolo- que centres de pouvoir.
socialistes du o oe siècle, font égale-
gique que dans des motifs pratiques
L’opposition néo-libérale. b’op- ment une critique fondamentale de
de gestion.
position néo-libérale est avant tout la notion de responsabilité sociale
Les partisans. bes partisans de la idéologique. Dans l’ensemble, elle de l’entreprise. Pour eux, il ne s’agit
responsabilité sociale sont surtout puise ses arguments dans l’écono- que d’un mythe légitimateur par
pragmatiques. beur préoccupa- mie politique classique, héritière des lequel les capitalistes cherchent à se
tion est d’adapter le capitalisme théoriciens libéraux du ok e siècle donner bonne conscience. ba notion
aux exigences sociales modernes (M. Friedman, 1pr0). Pour les est totalement contradictoire avec
tout en préservant ses fondements néo-libéraux , la seule responsa- la logique implacable de maximi-
libéraux (M. Anshen, 1prx). Selon bilité sociale de l’entreprise est la sation du profit imposée par le sys-
eux, assumer des responsabilités création de richesses toujours plus tème capitaliste. Seule l’intervention
sociales est à la fois légitime (parce abondantes au moindre coût. Assu- d’un État puissant peut contraindre
que demandé par les populations) mer des responsabilités sociales non l’entreprise privée à poursuivre des
et utile (parce que conforme aux imposées par l’État est illégitime (car objectifs qui dépassent ses intérêts
intérêts de l’entreprise). C’est en non demandé par les actionnaires) économiques étroits. f
faisant preuve de responsabilité que ource : Pasquero, 2003, p. 182-183.

t04 • Chapitre 11

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décent à l’échelle internationale selon l’Organisation


internationale du travail (OIT) et en préservant la
qualité du lien social.
Comment passer d’un rapport de majtrise, de posses-
sion de la nature à un rapport de symbiose, de récipro-
cité, d’écoute, de respect et de contemplation ? Les propos
de Michel Serres, dans son petit ouvrage Le contrat natu-
rel, paru en 1ssl, résument bien notre pensée :
o…p le symbiote admet le droit de l’h te, alors que
le parasite h notre statut actuel h condamne à mort
celui qu’il pille et qu’il habite sans prendre conscience
qu’à terme il se condamne lui-même à disparajtre.
Le parasite prend tout et ne donne rien ; l’hôte donne
tout et ne prend rien. Le droit de majtrise et de pro-
priété se réduit au parasitisme. Au contraire, le droit
de symbiose se définit par la réciprocité : autant la
nature donne à l’homme, autant celui-ci doit rendre
à celle-là, devenue sujet de droit. (p. cd)
La nature ne peut pas avoir un simple statut de par- jn mur végétal dans un espace de travail
tie prenante. La nature est consubstantielle de notre
monde humain et condition même de survie de éthico-politique, une a écosophie b (Guattari, 1srs,
notre espèce. Nous habitons la nature. Elle est notre p. 12), c’est-à-dire une a sagesse collective et indivi-
biosphère, dont la dégradation progressive appelle une duelle qui nous demande de sauvegarder notre rela-
philosophie renouvelée en Occident : une articulation tion avec la nature vivante b (Morin, 2llx, p. 1dd).

TABLEAU 11.5

Les responsabilités de l’entreprise et de son management


Type de responsabilité Contenu Objectif
Responsabilité économique • mmpôts et taxes Partager équitablement
et financière • lhoix d’investissements
• Partage de la valeur
Responsabilité sociale envers • londitions de travailtvie des salariés Prendre soin
les salariés • Diversité, dialogue interculturel
• gormation professionnelle
• kccompagnement des licenciements
Responsabilité sociétale • Utilité sociale du bien ou du service concerné Ne pas nuire
et environnementale • Réduction et réparation des dommages directs et
indirects sur l’environnement naturel et humain
• Maximisation de la qualité des relations avec les
sous-traitants, les fournisseurs, les clients et les
communautés locales
Responsabilité politique • houvernance de l’entreprise loopérer
• Respect des droits de l’homme et préservation des
biens communs mondiaux
Responsabilité extraordinaire • kide d’urgence ecourir
Philanthropie • Dons en argent ou autre Donner

ource : kdapté de Renouard, 201d, p. 161.

RepenseR Re manaBement • t0k

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Cette relation est bien connue des cultures amérin- de l’éternité et de celle de l’immortalité, l’être humain
diennes, indiennes et zoroastriennes, o les symboles ne doit pas laisser toute la place au seul cycle vital.
de célébration du statut singulier de la nature sont Il ne doit pas se contenter à court terme du plaisir de
nombreux, comme le fait de manger dans de grandes consommer pour satisfaire des besoins biologiques et
feuilles plutôt que dans des assiettes (Inde) ou de vitaux. te la même manière, le management ne doit
marcher pieds nus pour marquer l’absence de rupture pas se contenter de la stérilité d’un discours produc-
entre la nature et l’humain. tiviste. Comme Arendt, sans une responsabilisation
Avec les révolutions technologiques qui ont parcouru individuelle et générale, nous craignons que l’être
notre histoire, et malgré la disparition de l’espérance humain et le travailleur ne trouvent plus de raisons
d’agir dans le monde.

De la permission au privilège
On peut parfaitement concevoir que l’époque mo- planétaire. b Actuellement, pour paraphraser Morin,
derne h qui commença par une explosion d’activité la pensée politique en management est a au degré
humaine si neuve, si riche de promesses h s’achève zéro b (p. xc).
dans la passivité la plus inerte, la plus stérile que
Il est peut-être rassurant d’entendre certains ma-
l’mistoire ait jamais connue. (Arendt, 1sr3, p. xl1)
nagers et dirigeants de grandes entreprises évoquer
Afin de renforcer l’esprit de solidarité et de respon- la nécessité de passer du « permis d’exercer » au
sabilité de notre humanité, c’est une pensée politique « privilège d’exercer » une activité lucrative. Peut-
qu’il faut instaurer en management. Pour Morin (2l11b, être cela indique-t-il la voie de sortie de l’utilitarisme
p. xc) : a Une politique qui vise à l’amélioration des ambiant (ou encore de l’ustensilarisation du monde,
relations entre humains (peuples, groupes, individus) pour reprendre l’idée d’ustensilité d’meidegger) pour
doit plus qu’une autre se fonder non seulement sur entrer dans une poétique et une esthétisation du
une conception du monde, de l’homme, de la société, monde auxquelles le management réhumanisé
de l’histoire, mais aussi sur une conception de l’ère peut contribuer.

t0c • Chapitre 11

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CONCLUSION
Le management réhumanisé : chemin et non chimère
Cet ouvrage sur le management propose un regard ni Certains pourraient nous prêter une vision chimé-
optimiste ni fataliste sur le monde qui nous entoure rique du management et nous cantonner à un idéa-
et, particulièrement, sur celui des organisations. Le lisme na f. Ce n’est évidemment pas notre conviction.
management est à la fois un concept à penser, un Le management tel que pensé dans cet ouvrage n’est
métier difficile, une vaste discipline de connaissances, pas un pays imaginaire, mais un chemin imaginé pour
et il est porteur d’idéologies. eien évidemment, ce travailler, en tant que managers, à la transformation
regard n’est pas neutre. Nous défendons nous aussi, pérenne de notre monde humain. Nous espérons avoir
par l’intermédiaire des contenus et des idées propo- fourni les bases d’un savoir commun et réflexif pour
sées dans ce manuel, une posture idéologique sur le amorcer une pratique raisonnée du management et
management : celle d’un management réhumanisé. pour permettre un débat constructif sur la place de
celui-ci dans notre société.

ET NOS PERSONNAGES : QUE DEVIENDRAIENT-ILS k


Au vu de ce chemin de réflexions sur le management un doctorat l Ou devenir professeure pour transmettre
réhumanisé, que pourrait-il advenir de Frédérique, de sa passion du métier à d’autres l Ou être partie, une fois
Philippe-André, de Geneviève, de Paul, de aean-cves, de ses enfants devenus autonomes, avec l’équipe médicale
aosée-Anne, de aulie-Aude et de Steevy, qui nous ont d’une organisation caritative pour venir en aide à des
accompagnés jusqu’ici l Frédérique pourrait s’être populations de régions ou de pays sinistrés l Paul
lassée des conditions de plus en plus précaires de son pourrait avoir accepté de devenir directeur général
emploi, surtout après avoir pris goût à former de jeunes du réseau régional ou national des succursales de son
pilotes. Elle pourrait s’être trouvé un poste d’instructrice entreprise. l se pourrait que Jean-Yves ait décidé
pour une compagnie de concepteurs de simulateurs de de se lancer à son compte. En devenant consultant, il
vol. l se peut qu’elle ait décidé de devenir cadre dans gagnerait peut-être un peu moins d’argent, mais il
sa compagnie aérienne pour y changer les pratiques gérerait son temps et ses activités paraprofessionnelles
managériales de l’intérieur. Elle pourrait aussi avoir et, ainsi, il aurait la possibilité de mettre sur pied la petite
été forcée de quitter l’entreprise à la suite d’un plan école d’électronique pour tous dont il rêve pour son
de restructuration et avoir trouvé un emploi dans une quartier. Josée-Anne pourrait avoir déménagé
compagnie à bas coût. Philippe-André pourrait à vong-Çong oh elle prendrait la tête de la nouvelle
avoir décidé de prendre sa retraite pour s’occuper à division Asie. Julie-Aude finira-t-elle par obtenir
temps plein de sa fille malade g ou peut-être aurait-il son passeport et faire son stage, pour décider de
quitté l’entreprise aérienne pour assumer la direction terminer sa scolarité au Royaume-Uni oh elle pourrait
d’une compagnie d’un autre secteur aussi confronté à devenir couToubeuse l Enfin, Steevy a peut-être
des turbulences économiques de la même ampleur que abandonné son projet de start-up qui mettait ses études
celles subies par le domaine aérien. Geneviève en péril. l pourrait s’être trouvé un emploi dans une
pourrait-elle avoir poursuivi sa carrière d’infirmière ou petite entreprise technologique oh son nouveau patron
décidé, par exemple, de retourner à l’université pour faire l’encouragerait à faire de l’intrapreneurship.

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Si nous reprenons à notre compte les propos du phi- intentions dans le cours des choses par des initia-
losophe Paul nicœur : a L’avenir se prépare dans le pré- tives qui entrelacent l’ordre des intentions à celui
sent, mais en même temps il y aura plus dans l’avenir des événements du monde. (nicœur, 1sss, p. 2l5).
que dans le présent. b (1ssd, p. 3cr). te plus : Il faut alors penser que l’avenir de nos personnages se
Il n’y aurait pas de sujet responsable si celui-ci jouera dans la multitude des choix, pour certains inat-
ne pouvait s’estimer soi-même en tant que capable tendus, inédits ou créatifs, qu’ils effectueront, en sujets
d’agir intentionnellement, c’est-à-dire selon des rai- responsables, dans un rapport de force jamais éteint
sons réfléchies, et en outre capable d’inscrire ses entre économie chrématistique et économie sociale.

t0s • CONCLUSION

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TABLE DES MATIÈRES Shopify, Montréal. Photo : Cindy Boyce.
p. k : Denis Roger Shutterstock.com g p. k : Charles Plant
Shutterstock.com g p. o : Armin Rose Shutterstock.com CHAPITRE d
p. 161 : Charles Plant Shutterstock.com g p. 166 : é Anne
PARTIE 1 Bruneau g p. 1ru : kaleStock Shutterstock.com
p. 2-3 : Denis Roger Shutterstock.com
CHAPITRE 8
CHAPITRE 1 p. 1p0 : Charles Plant Shutterstock.com g p. 1p3 :
p. 6 : Denis Roger Shutterstock.com g p. 1r : Biblio- é Adrien nilliams g p. 20u : Monkey Business mages
thèque et Archives nationales du Québec, BANQ Shutterstock.com
kieux-Montréal, Collection E.-â. Massicotte q Pr50,
MAS 5-35-a g p. 20 : Topley Studio Bibliothèque CHAPITRE 9
et Archives Canada PA-0x2pxp g p. 26 : beremy p. 222 : Charles Plant Shutterstock.com g p. 226 :
Shutterstock.com ShutterPNPhotography Shutterstock.com g p. 232 : The
works of Jeremy Bentham, vol. k, 1r2-3, 1ux3 (ori-
CHAPITRE 2 ginal 1rp1). nikipédia. Domaine public g p. 23x :
p. 2r : Denis Roger Shutterstock.com g p. 32 : iapomicron é Anne Bruneau.
Shutterstock.com g p. x0 : Chad McDermott Shutter-
stock.com PARTIE 3
p. 2x6-2xr : Armin Rose Shutterstock.com g p. 2xp :
CHAPITRE 3 alice-photo Shutterstock.com
p. x5 : Denis Roger Shutterstock.com g p. xr : Terry
Spirek g p. 55 : veritage mage Partnership btd Alamy CHAPITRE 1c
Stock Photo g p. 63 : bocaux de travail, siège social p. 250 : Armin Rose Shutterstock.com g p. 266 : Photo
Shopify, Montréal. Photo : Cindy Boyce. tirée de Hack Days w February 201d. Avec la permission
de Shopify.com g p. 2rx : Photographs in the Carol M.
CHAPITRE 4 vighsmith Archive, bibrary of Congress, Prints and Pho-
p. r1 : Denis Roger Shutterstock.com g p. u1 : Real tographs Division g p. 2r6 : Supia Shutterstock.com
Time Schiphol Clock, MAARTEN BAAS, 2016 g p. p3 :
é Anne Bruneau. CHAPITRE 11
p. 2ux : Armin Rose Shutterstock.com g p. 2u6 : Anne-
PARTIE 2 baure Saives g p. 305 : aulçg Shutterstock.com
p. 100-101 : Charles Plant Shutterstock.com g p. 103 :
é Anne Bruneau.

CHAPITRE 5
p. 10x : Charles Plant Shutterstock.com g p. 122 :
é Adrien nilliams.

SourceS iconoBraphiDueS • t2l

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INDE
moral-pratique, 1x2-1x3, 2p6 Autonomie, r3, 1x2, 26u-2r0

A raison d’, 1x2-1xx


stratégique, 1x2-1x3
de compétences, ux
décisionnelle, ux
téléologique, 1x2-1x3, 2p6 Auto-organisation, 1x2, 21p,
Absentéisme, 22r
AbENA, 1ru 26p, 2p0
Acceptabilité sociale, 1ur
Aliénation, 3p, 65, r3, up Autoréalisation, 2p2
Accord
Ancrage psychologique, 13u Autorégulation, 22x
d’échange Asie-Pacifique, 1ru
économique de commerce global Anthropologie économique, 11r Autoresponsabilisation, 22x, 2x5
(AECG), 1ru Appartenance sociale, xr Autorité, 2x, 53, 5u
Acheteur Apprentissage, 1x2, 2u1, 2p2 bienveillante, 51
final, 16u courbe d’, 1u2 de position, 5u
industriel, 16u démocratique, 60
Approche(s)
fonction d’, 150
Action(s), 1pr béhavioristes, 225
formelle, 53, 151
en situation, 1x2 culturaliste des systèmes
influence sociale et, 61
faisabilité de l’, 162 économiques, 11r-11u
partage de l’, 201
finalisée, 36-3r de la responsabilité sociale, 1r1
rationnelle, 1x3 du leadership 151-15r Avantages
du positionnement stratégique, 1r1 concurrentiels, 1r1
Actionnaire, u5-u6
institutionnelles des systèmes sociaux, r3
responsabilité et, 115
spéculateur, ur économiques, 11u-121
participative, 60, 65-6u
Activité(s), 1p5
personne-vers-document, 2u2
d’implantation, 1r3-1rx
rationnelle, 31-32
d’information, 1r3 Babbage, Charles, 13-1x, p1
systémique, 50, u0
d’innovation, 1r3
technocrate (top-down), 1p1 Barnard, Chester, 56-5p, pu
de décision voir Décision
universaliste, 3x
stratégiques, 1r3 Barrières
Approche managériale, x3, 10x-106, à l’entrée, 1u2-1u3
Adaptabilité, 20r
1x5, 1p1 à la sortie, 1u3
Adhésion de type qualité, 1xr-1xu non tarifaires, 21x
aux décisions, 6r de type sécurité, 1xr tarifaires, 21x
aux défis visés, 26x-265 décision et, 160
Bases de données, 1r0, 2u2
des employés, 1xp
Arendt, vannah, rx
individuelle, 5p Behaviorisme, p5
volontaire, 60, 150 Argyris, Chris, 63
Besoin(s)
Adhocratie, 206, 20p-210 Authenticité, 1x2, 1xp cognitifs fondamentaux, 62-63
Autoactualisation, 61-63 d’accomplissement, 62-63
Administration classique, 1u-23, 2r,
Autocontrôle, 22x d’appartenance, 62-63
3x, x0
d’estime, xp, 62-63
Adonnement, dynamique de l’, 301 Autocratie, 21p
de reconnaissance, xp
Agent économique rationnel, 2pu Autodétermination, 5r, 60, p6 de sécurité, 62
voir aussi Homo œconomicus Autodiagnostic, 226 esthétiques, 62-63
Agir Autogestion, 220 fondamentaux, 62-63
dramaturgique, 1x2-1xx individuels, 63
Automatisation, 213, 2ru
expressif, 1x2-1xx inférieurs, 62
hiérarchie des, 62

tt0 • INDU

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humains, xp, r0 Changement organisationnel, 1p1 internes, 1r3


physiologiques, 5r, 62-63 Cocréation, 2rp interpersonnelles, 1r3
sociaux, x0, p3-px, 126 Comportement(s)
Coercition, 233-23x
supérieurs, 62 de leadership, 152, 15x
Cofinancement, 2rp
Biais rationnel, 36
cognitif, 135-13u Cognition, fiabilité de la, 135
Compromis, 1x5
sensori-moteur de perception, 136 Co-innovation, 2rp
Concentration économique, 1u2
Bien commun, 302 Collaboration, 2rp
Conception de l’être humain, 66, 2p5
Brevet, 1r0, 1u2 Collaborative, ouverture, 26x, 2ru
Concertation, 53, 55, r0, 1xx
Bureaucratie, 23, x1, 20r Collectif
Conciliation travail-famille, 1r2, 2rx
cercle vicieux de la, x1 de travail, 2px
humain, 2p0 Concurrence, 11, 51, 16u
Buts de l’entreprise, 166
résultat, 2p3 périmètres de la, 1u0
pure et parfaite, 11
Collectivité
C auto-organisation et, 2p2-2p3
quasi parfaite, 1u2
Condition(s)
contrôle et, 225
management et, 2p0-2p6 de travail, p5-p6
Cabale, 220
rapport à la, 2p0 ouvrière, x6, rx
Cadence, fixation autoritaire d’une,
responsabilisation et, 2p2-2p3 Conflits
3p-x0
valeur de l’entreprise pour la, 2pr capital travail, r3, u5
Capacité(s)
Comités(s), 65 constructifs, 52, 5x, 56, r0
d’analogie, 1x1
ad hoc, 6u d’intérêts, 51, 6p
d’analyse, 5p
éphémères, 6u Conformité, 1xr
d’autodétermination, 60
d’induction-déduction, 1x1 Commandement Connaissance(s), 31, 135, 1x1
d’influence, 65 associatif, x5 acquisition des, 2u0
gestion des, 1xu Communautés circulation des, 21u, 2r3, 2r6
physique, xp de pratique, 21r combinaison des, 2rr
sociale, xp de savoir, 21r comme actif financier, 2u3
création de, 25r, 2r6
Capital humain, 2pp Communication, 5u, 202-205
cumulative, 2u1
Capitalisme voir aussi Système capitaliste autoritaire, 5p
désintéressée, 113
cognitif, uu, 111-113 bilatérale, 203
économie de la, uu, p0, 113-11x,
commercial, 11u directe, 1px
23u, 25u
d’après-guerre, 10p du bas vers le haut, 20x
explicites, 2r5-2rr
dynamique du, 252-255 du haut vers le bas, 153, 20x
extériorisation et, 2rr
financier, ur, 111-113, 2pr formelle, 1px
gestion des voir Gestion des
industriel, ur, 10r-10p, 111, 11u horiiontale, 1px
connaissances
libéral, 10 humaine, 203
intéressée, 113
origine du, 10 informelle, 1px
intériorisation et, 2rr
spéculatif, 256 interne, 26x, 2r5-2ru
marchandisation de la, 11x
moyens de, 1px, 203-20x
Causalité circulaire, ru-rp mobilisation des, 2u0
réseaux de, 203-20x
Centralisation, 20, x1-x2, xx, 51, 66, partage des, 1xp, 2r5
verticale, 1px
1up, 1p5, 201, 20r-20u production de(s), 25u, 262
virtuelle, 1px, 205
du pouvoir, 1p5-201 redondance des, 2rr
Compétences, 1x1, 1r0 scientifiques, 25x
Centre de recherche québécois sur
cognitives, 1r3 spirale de création des, 2rr
les innovations sociales (CR SES),
créatrices, 26u socialisation et, 2rr
256-25r
distinctives, 1ux tacites, 2r5-2rr
Champ stratégique, 166 informationnelles, 1r3

INDU • tt1

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transmission des, 2px technologies de l’information et, 231 Cycle


Connectivité, 256 types de, 22u-22p de l’innovation, 263
Coopération, 56, 1x2, 150, 1p0, 202, de vie d’une technologie, 263
Conscience
210, 2x5, 2p2 du capitalisme, 252-253
collective, 2uu
vertueux, p1
individuelle, 2uu Coopérative, entreprise, 2pu
professionnelle, 2uu Coordination, 53-5x, 150, 1p0, 202
Conseil canadien sur la reddition de
comptes, 226
comme concertation continue, 55-56
mécanismes de, 1px, 201
D
Conseil d’administration, 122 par contact direct, 5x
Débat, 1x5-1xr
précoce, 5x-55
Consensus, 1x5 contradictoire, 1x5
Corps social, 21-22, 1p2
Considération sociale, 61 Débureaucratisation, 21r
Courant(s)
Contribution (de l’entreprise) Décision(s), 130-131, 1xp
béhavioriste, x5
environnementale, 30x à plusieurs, 1x6 voir aussi Pensée
formels d’administration, 20r, 2ur
fiscale, 30x de groupe
humain, x5
salariale, 30x administratives, 132
technique, 2p6
sociale, 30x approche complexe, 13p-1x0
Court-termisme, ur-uu approche formelle de la, 131-13p
Contrôle, 222-2x5, 2up
approches du, 223-22x Coûts approche humaine, 1x0
comme outil de gestion, 222 d’exploitation, 1u3 approche managériale et, 160
conceptions du, 22x-225 de substitution, 1u3 circonstance et, 1x0
concomitant, 22p-230 irrécupérables, 1u2 complexe, 1x2-1xu
concurrent, 22p-230 Créativité, 2p5 connaissance et, 1x0
de gestion environnemental, 230 de l’organisation, 250-251, 26x-2rp courantes, 132-133
de la qualité, 230 humaine, 250 expérience et, 1x0
de la stratégie, 230 modèle de la, 26u méthode scientifique et, 131
de projets, 230 non programmées, 1x2
Chrématistique, 2pp
des activités commerciales, 230 opératoires, 132-133
Crise préprogrammées, 1x2
des ressources humaines, 230
économique, ux, 2pr processus de, 1x5
des situations, 6r
financière, 2pr rationnelle, 130
direction et, 22u
externe, 226 Critique situation de, 1x0
formel, 231 de l’administration classique, x0 stratégiques, 132, 13r
gouvernance et, 225-226 de l’organisation bureaucratique, x1 style de, 1xp
interne, 226 du modèle de l’OST, 3p tactiques, 132
managérial, 233-23r du mouvement de la direction Décroissance volontaire, 2p5
niveaux de, 225-22r humaine, 60
Délégation, 21, 23, 5p, 66, 11u,
objectifs du, 22r du mouvement des relations
15x, 20r
opérationnel, 225, 22r humaines, 50-51
du mouvement participatif, 6r-6u Délibération, 1xx-1x5, 1xr, 2px
organisationnel, 225-226
espaces de, 202
origines du, 22x-225 Croissance
économique, 252-253 Demande, évolution de la, 1rr-1ru
outils de, 230-231
perspective technique, 22x, 22r financière, 2pr Démocratique
préventif, 22u-22p maximum, 2pr fonctionnement, 52-53
proactif, 22u-22p Culture, 120, 1p3 idéal, x5, 60, 6p
processus de, 22r-22u organisationnelle, 1p3 style de dirigeant, 153
rétroactif, 22p Déploiement stratégique, 1r3
Cyberentreprise, 216
stratégique, 225-226 Déréglementation, 112
tactique, 226

tt2 • INDU

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Design architectural, 2rx non liée, 16u de la connaissance, uu, p0,


Désir Division du travail, 12-13, 1p, 26, 113-11x, 23u, 25u
de comprendre, 62-63 p1, 10r, 11u, 1px-1p5 voir aussi de réseau, 1u3
de savoir, 62-63 Structure du savoir, uu, 111
horiiontale, 16, 1p5, 1pr, 200-201 financiarisée, u6, up, 111
Destruction créatrice, 252, 262
verticale, 16, 1p5, 1pr-1pp industrielle, u6, 111
Déterminisme, u0 néoclassique, 302
Doctrine
Déterministe, pensée, 163 nouvelle, 110-111
néoclassique, 2pu
Détresse psychologique, ux politique, 11r
taylorienne, 2u6 voir aussi
Développement(s), 2pu Taylorisme Écosophie, 305
durable, 125-126, 1r6, 213, 2p5 Domination, 5x, 23x-235 Effet
technologiques, 256 voir aussi charismatique, 2x de groupe, 61
nnovation technologique rationnelle-légale, 2x de la cohésion, 50
Dialectique, rp-u0 traditionnelle, 2x vazthorne, xr
Dialogue, 203 Don, 300-302 voir aussi Adonnement, Efficacité, 35-36, 51, 2u6, 2up, 2p6
dynamique de l’ contrôle et, 22r
Différenciation, 1u3, 1u6
contre-, 300 économique, 2pr
du travail, 1pr
logique du, 300 organisationnelle, 152
Dignité morale, 2ur
motivation du, 301 Efficience, 20r, 226-22r
Dilemme, rp-u0
Donnée, 135 Égalité, 2p2
de lëinnovateur, 262
Dualité, rp-u0 Emploi, p1-p2
Direction
de l’innovation, 251 Employés voir aussi Travailleurs
contrôle et, 22r
de bas en haut, 15x Durkheim, Emile, x6 aliénation des, 3p, 65
décision et, 130-13p, 1xp-150 Dynamique autonomisation des, 221, 2r0
humaine, 1x2-1xu, 150 concurentielle, 1u3-1ux confiance et, 2ru
savoir-être et, 2p3 de groupe, xu, 60, 6r contrôle et, 225
travail réel de, 1xp du capitalisme, 252-255 évaluation de l’, 231-2x5
insatisfaction des, r1
Dirigeant, 53
motivation des, 22x, 22r
autocratique, 153
autoritaire, 301 E permanents, 215
subordination des, 231
caractéristiques du, 156
communication et, 1xp École Engagement, 60, 152, 2p2
démocratique, 153 béhavioriste, 155 Entraide, u3, 2r5
manager-leader, 1xp classique d’administration, 2p2
Entrepreneurs, 161, 253
tsches et, 1xp de Chicago, u6
indépendants, 21r
Diriger, 150 évolutionniste, p0
Entreprise, 36
formelle d’administration, r0, 10p,
Discipline, 2p agile, 266
150, 2p2
évolution de la, u-26 apprenante, 26u
institutionnaliste, p0
scientifique, 3r, x3 bureaucratique, 2uu
keynésienne, p0
Discours sociodémocrate, r3 capitaliste, 2pr
Économie, 35
comme lieu de production
Disjonction, u0 capitaliste, 113-11x
de savoirs, 12x
Dissonance cognitive, 136 d’échelle, 1u3
coopération dans l’, 150
Diversification, 1u3, 20u d’envergure, 1u3
coopérative, 2pu
de l’entreprise, 16u de gamme, 1u3
coordination dans l’, 150
formes de, 16u de l’innovation, 23u
de production, u
liée, 16u défis clés de l’, 265

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en tant qu’acteur État Fatigue industrielle, x5


socioéconomique, 12x fort, 11u Fayol, venri, 1u-1p, 3x-35
environnement externe de l’, intervention de l’, 10u
Filière, 16u
12x, 166 providence, u5
environnement interne de l’, rôle de l’, 11p Finalité, 2p2
12x, 166 Éthique, 2ur, 302 Financiarisation de l’économie, ux-p1,
externalisée, 216 de la reliance, 2ur 213
finalité de l’, 123-125 des affaires, 226 Fins poursuivies, 162
financiarisée, 2p6 individuelle, 2px Flexibilisation du travail, 21x
flexible, 266, 2r3 sociétale, 2px
grandes, 20r Focalisation, 1u6
Éthos de travail, 1p2
organique, 26u Follett, Mary-Parker, 52, 26u-26p, 2p3
pérennisation de l’, 2p6 Évaluation, 223-22x, 231-2x5, 2up
Fonction(s)
petites, 20r de l’intangible, 2x1
classiques, 1pr-1pu
responsabilité sociale et environne- des performances, 23u-23p
d’administration, 21-22, 1p0, 22x
mentale (RSE) de l’, 125 fardeau de l’, 23r
d’encadrement, 56, 5p
indicateurs et, 2x1
Environnement de management, 2u
méthode et, 23p-2x0
capacité d’adaptation à son, 2ur du manager, 5p, 15u
objectivité et, 2x2-2x3
concurrentiel, 1r1 Ford, venry, 16
obstacles à l’, 2x1
externe, 1r1, 1r3, 1r6-1u0
outils de gestion et, 23u Fordisme, 16, 3p
général, 1r0-1r1
subjectivité humaine et, 2x1 Formation des employés, 120, 2r3
interne, 1r1, 1r3
totale, 23r-23u
manager-leader, 1xp Forme(s)
perspective dualiste de l’, 1r5 Expérience divisionnalisée, 206, 20u, 210-211
perspective volontariste de l’, 1r5 cumulée, 1x2 entrepreneuriale, 206-20r,
vision déterministe de l’, 1rx de vazthorne, xr-xp, 60 210-211
des personnes, 1p2 fonctionnelle, 206-20u, 210-211
fpistémè, 2p
Expérimentation officieuse, 26x, 26p hybrides, 212
Épuisement professionnel, 222
innovatrice, 206, 20p-211
lié à l’ennui, 2uu
mécaniste, 206
lié à l’excès de travail, 2uu
Équilibre, 1r1
F missionnaire, 206, 210-211
organique, 206
économique keynésien, 10u Fablabs, 2rx organisationnelles, 205-213
social, 50, 302 professionnelle, 206, 20u-211
Facteur(s)
Équipe de projet, 6u rationnelle-légale, 23
clés de succès, 16p
Équité, 226-22r d’hygiène, 6x Forum de discussion, 2r3
re de confiance, 51 Fournisseur, 5r
industrielle, up économiques, 51 contrôle et, 225
managériale, u6 endogènes, 1ru
spéculative, up exogènes, 1ru
Erreur, rapport à l’, 1xr-1xu
humain, xr G
mise en relation des, 53-5x
Espaces
physiques, xr, 51 Gantt, venry, 16
de cotravail (coworking), 21r, 2rx
sociaux, 50
de fabrication, 2rx Genre, 1x5 voir aussi Stéréotypes
Facteurs de motivation, 6x de genre
de prototypage, 2rx
extrinsèques, p6
de travail collaboratif, 2rx Gestion, 2r-2u voir aussi Management
intangibles, p5
informels, 1x5 centrée sur la tsche, 155
intrinsèque, p6
de l’environnement, 1pu, 230
tangibles, p5
de l’éthique, 1pu

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de la coopération, 155 prise de décision, 65 ncertitude(s), 1ux, 1up, 22u, 23x


de la coordination, 155 stratégique d’appartenance, 1u0-1ux ncitations, 2pp
de la qualité totale, 110 système de gestion participatif, 65
ncubation des idées, 2r3
de la technologie, 1pu
de type anémique, 155 ndicateurs de performance, u6-ur, 2x1
de type club social, 155 H ndividu
de type intermédiaire, 155 autonome, 2pp
des affaires publiques, 1pu vabitudes de travail, 266 hyperproductif, 303
des communications, 1pu rationnel, 131-132
vaute direction, 122
des idées, 2u0 ndividualisation, 220
veriberg, Frederick, 63
des opérations, 1pu
ndividualisme, 51
des relations de travail, 1pu viérarchie, 1p5
des relations publiques, 1pu des besoins, 62 nduction-déduction, capacité d’, 1x1
des ressources humaines, 1pu principe de, x1, 1px ndustrialisation, 10p
des systèmes, 1pu sociale, 23u ndustrie voir aussi Groupe stratégique
du marketing, 1pu viérarchisation, x1 d’appartenance
financière, 1pu vistoire, 2p5 fragmentée, 1u2
internationale, 1pu
vobbes, Thomas, 11u nfluence
par le travail en équipe, 155
de la fonction, 151
participative, 1rp volacratie, 21r-220
leadership et, 150
Gestion des connaissances, 1xu, vomme hyperrationnel, 133 personnelle, 151
2r6, 2u0-2u3, 2up voir aussi Homo œconomicus, 131-133 voir aussi nformation(s), 135
Connaissances Agent économique rationnel centralisation de l’, 6x
approche humaine de la, 2u0-2u1 vonneur, 2ur circulation de l’, 2r3
approche technologique de la,
vumain(s) dirigeants et, 1xp
2u2-2u3
au travail, 2u5 échange d’, 65, 2pp
définition de la, 2u1
philosophie et, 31-32 en temps réel, 230
dynamiques SEC (modèle
problèmes, r1 factuelle, 1x2
japonais), 2r6-2rr
réification de l’, 2ur-2uu manager-leader et, 1xp
enjeux contemporains de la, 2u3
opérationnelles, 203
vumanisation, r0, r2, ux, pp, 201
Globalisation, 213-21x pouvoir d’, 151
vumanité commune, 2p1-2p2
Gouvernance, 1pu relationnelles, 203
contrôle et, 225-226 vypercompétition, 25r stockée, 2u2
de l’entreprise, 10x-105 vyperconsommation, 262, 303 système, 15p
financière, ux-u5, 112-11x vyperpauvreté, 2pr transfert de l’, 203
organisation du travail et, 121-122 nformatique, système, 15p
vyperperformance, 263
travail de, 122
vyperrichesse, 2pr ngéniosité, 1x2, 251
Gouvernement
nitiative, 1x2, 26x, 26r-26p
contrôle et, 225

I
nnovateur, dilemme de l’, 262-26x
de l’entreprise, 1ux voir aussi
Gouvernance et pouvoir publics nnovation(s), uu, 111, 1rp-1u0, 22r
approche managériale d’, 265
Groupe(s), xu dentité capacité d’, 2u0
autosurestimation du, 1x6 personnelle, 2p1 commerciales, 1rp, 25p
de travail, 6u statutaire, 2p1 conception économique de l’,
décisions et, 61
déologie, 2p, x3, 210, 220 252, 25x
dynamique de, xu
du management, 2uu-2p0, 2p5-2p6 conception humaine de l’, 25x
formels, 202
mmatérialité, ur-up concurrentes, 263
informels, xp
cycle de vie de l’, 263
leadership et, 60-61 mpartition, 221

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dans les processus organisation- bezin, Çurt, 60-61


nels, 1rp
de rupture, 260 n bibéralisation des marchés, 1rp
bibéralisme, u5
définition historique de l’, 252
degré d’, 260 augement biberté d’entreprendre, 11
dimension temporelle de l’, 262-26x avisé, 5p bibre
dualité de l’, 251-252 d’utilité, u3, 1p6 arbitre, 1x5
finalité de l’, 252-25r de beauté, u3, 1p6 volonté, 5r
globale, 25u-262 information et, 1x2
bicenciement, ux
incrémentale, 260, 263
biens inter-organisationnels, 212
o
managériale, 256, 260
milieu d’, 255 bieu
organisationnelle, 260 de travail, 2r3
ouverte, 2ru Çahneman, Daniel, 135 tiers-, 21r
performance et, 25r-25u Çeynes, aohn Maynard, 10u bikert, Rensis, 65, 153
radicale, 260-261, 263 bimites
Çeynésienne, vision, 10u
rythme accéléré de l’, 262 de l’administration classique, x0
sociale, 256-25u, 303 de l’organisation bureaucratique, x1
stratégiques, 1rp-1u0, 1ux-
1ur, 260
L du modèle OST, x0
bogique
système d’, 25x-255
beader court-termiste, uu
technologique, 1rp, 253, 25p
caractéristiques du, 152 d’usage social, 25x
types d’, 25p-260
orienté vers la tsche, 61 de marché, 25x
nsécurité socioémotif, 61 économique, 36
contractuelle, ux managériale, uu, 131
beadership, 5p-61, 150-15r
d’emploi, ux participative, 2p2
approche contingente du, 156
nstrument autoritaire, 6r, 153 boi de la situation, 53, 1x0
du processus d’organisation, comportement de, 152, 15x
1p1, 1px
M
consultatif, 153
ntégration contingent, 156
horiiontale, 16u contrôle et, 225
sociale, p1 créatif, 256 Macroenvironnement, 1ru
verticale, 16u décision et, 131 Main invisible, 11
ntelligence, 135 démocratique, 6r, 153
Maîtrise de soi, 22x
artificielle, 2ru groupes et, 60-61
paternaliste, 153 Makerspaces, 2rx
collective, 1x2, 1x5, 266
d’affaire, 135 quotidien et, 151 Management voir aussi Gestion
stratégique, 135, 1r3 situationnel, 156 à l’ère industrielle, up
style de, 1xp à l’ère spéculative, up
ntention
théories classiques, 151-15r approche situationnelle et, 155
partagée, 2p3
traits de, 152-153 autoritaire, 301
stratégique, 266, 2r0
Lean classique, 2p2
nternet, avènement d’, 250 collectivité et, 2p0-2p6
management, 1r-1u
ntrapreneur, 26u-26p manufacturing, 21r comme discipline, 35-3u
ntuition, 130, 1xp start-up, 21r comme science de la
rationalisation, 2u6
nvention, 253-25x bégislateur, 16x
comme technique de contrôle, 2u6
nvestisseur, 5r bevier du processus d’organisation, concept du, 30-35
contrôle et, 225 1p1, 1px conception de l’humain en, 2u5

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définition du, 2r-30 Mesure, 1p, 3x, r3 Non-punition, 1xr


des connaissances, 251 Méthode Normes
des idées, 251, 2u0-2u3 scientifique, 35 construites, 1x3
formel, 2p2 SCRUM, 21r de rendement, 16
grille du, 15x du travail, u5
Métier, u, 10, 2r-30
humain des savoirs, 26u
management comme, 3p Nouveau
humain et l’idéologie du, 2uu-2p0
Microenvironnement, 1ru capitalisme, 23u
instrumental, 32, 3x, 36
capitalisme financier, u5
nouveau, r1, u1, 22x, 23u, 2p0 Mission de l’entreprise, 161, 166-16r,
management, r1, u1, 22x, 23u, 2p0
participatif, 55 1ux
raison instrumentale en, 2u6-2ur Nouvelle économie, 110-111 voir aussi
Modèle
réhumanisé, 2u5-306 Économie du savoir, Économie
d’affaire, 16p-1r0, 260
repenser le, 2ux-306 financiarisée
d’analyse stratégique de
responsabilité du, 1xr l’environnement, 1r6-1uu
richesse et, 2p6-2pu
scientifique, x3, 23u, 2p5
d’entreprise, 16p
de l’organisation industrielle, 1r6
O
société et, 125 économique voir Modèle d’affaire
stratégique, 12x Obéissance des subordonnés, 150
mathématique, 2pu
style de, 155 néolibéral, ux Objectif(s)
vision instrumentale du, 30 de l’organisation, 5p, 22x
Modernité, 31
Manager direction et, 150
Mondialisation, 1ru-1rp, 212,
de style dominant, 155 stratégique, 166
213-21x, 256
fonctions du, 15u Objectivité, 31, 2x2-2x3
économique, 11r
leader, 150, 15r-15u Observation
rationnel, 132 Monopole, 1u2
sens de l’, 1x1
rôle du, 1x5, 15r Morin, Edgar, rr
Occidentalo-centrisme, 2ur
Manipulation, 23x-235 Motivation(s), 63, p2-pp
uvre, rx-r5
Marché, 2pu au travail, 51, 22x-225, 22r, 26u
extrinsèque, p6 Oligopole, 1u2
de l’emploi, 120
parts de, 1u2 facteurs de, p5-p6 Optimisation des ressources, u5
intrinsèque, p6, 26r Option d’achat d’action
Marchés financiers
sources de, 60, 62 (stock options), u6
déréglementation, 112
théories de la, p3-p5
libéralisation, 112 Ordre
spéculation et, 113 Mouvement degré d’acceptation d’un, 5p
de la direction humaine, 52-60, r0 social, rx
Marque de commerce, 1r0
des relations humaines, x5-51, r0
Marx, Çarl, r3 Organisation, 1x5, 1p0-220
participatif, 60, r0
administrative, u0-u1
Masloz, Abraham, 62-63 Moyens, 161 agile, 21r
Maximalisme, ur-uu Mutation technologique, 252 alerte, 250
Maximisation de la valeur, u5 Mythe anticipatrice, 250
Mayo, Elton, x5 de l’innovation, 2p5 aspects dynamiques d’une, 5r
du progrès, 2p5 aspects structurels, 56-5r
McGregor, Douglas, 66
bureaucratique, 23-26, x1
Mécanisation, 3p, rx comme collectif, 2p0
Mécanismes
de contrôle, 226, 232
N constituantes de l’, 1p1-1px
créatrice, 250-251, 262, 26x-2rp
de liaison, 201-202 Nature, rapport à la, 303-306 de coopération et de
opératoires, 201-202 développement économique
Niveau de vie, 2pr
Mérite, 2x3-2xx (OCDE), 255

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définition de l’, 1p0 de Pareto, x6 PME, 21x


en réseau, 212-213 des bumières, 2p5 POD(D)C, 22-23, 2r
en trèfle, 21x-215 design (design thinking), 265
Podularité, 220
flexibilisée, 21x économique, 35
formelle, xp-51, 56 économique néoclassique, p0, 2u6 Pouvoir(s)
humaine, 220-221 formelle, 26, r0, 2u6 centralisé, 6x, 1p5
informelle, xu-51, 56, 1p2 humaine, 6p-r0 co-actif, 53
internationale du travail (O T), 305 libérale, 10u coercitif, 151
Opale, 220 managériale, r, 35, 6p contrôle et, 22x, 231
par projet, 20p politique, 306 d’achat, 302
responsable, 250 rationnelle, u, 26 d’information, 151
scientifique du travail (OST), 1x-1r, stratégique, 161-1r3 d’inspiration, 5p
2r, 3x, x0, 10p, 23u systémique, 22x de négociation, 1u3
sociale, xu-xp, 1p2-1p3 de récompense, 151
Perception(s), 13x-13r
système mécaniste de l’, 206 de référence, 151
Pérennité, 110, 123, 1r3, 25r de relation, 150
système organique de l’, 206
virtuelle, 216 Performance(s), u2-ux, uu, 1ur-1uu démocratique, 60
collective, 2px en management, 233
Organisation du travail, 1xu, 2up
contrôle et, 22r leadership et, 150
gouvernance et, 121-122
évaluation des, 23u-23p légitime, 151
stimulante, p5-p6
innovation et, 25r-25u lié à l’expertise, 151
Organisationnel(le)(s) mesure quantitative de la, 65, partage des, 6p
changement, 1p1 220-221 relations de, 51, 6p
culture, 1p3 stimulation des, 225 Pragmatisme, 15p
forme, 1p1
Personnalisation des produits, 1rp Pratique
leviers, 1p5
objectifs, 22r Personne managériale, 36, 2pp
comme acteur de l’organisation, managériale réflexive, xx
Outil(s), 2pp
1p1-1p3 voir aussi Organisation stratégique, 161
d’aide à la décision, 13x
sociale et Corps social Précarité, ux
de collaboration à distance, 205
morale, 12x, 2pu
de contrôle, 230-231 Prestige social, 51
de gestion, 222, 22x, 23u-23p Perspective
Preuve sociale, 1x5
de partage des connaissances, 205 humaine, r0
libérale classique, 10-13 Prévision, 1r5-1r6
rationaliste, 2p2 Prévoyance, 162
P schumpétérienne, 252-253, 26x
sociale, r0
Primes, 22, 2pp
non matérielles, 5r voir aussi
technique, r0 Rémunération
Partenaires, réseau de, 12u
Persuasion, 5u Principe(s)
Participation, 60
effets positifs de la, 6r PESTEb, 1r1-1r2, 1rr d’émergence, ru
Petites entreprises, 20r de disjonction, rr
Partie prenante, 5r, 106, 30x-305
de distinction conjonction, rp
contrôle et, 225 Philanthropie, 305
de réduction, rr
Paternalisme, 1p Phronesis, 2p, 3p de relation, ru
Pensée Planification, 2up dialogique, rp
administrative, 50-51 contrôle et, 222 du déterminisme universel, rr
béhavioriste, 6p-r0 formelle, 161 généraux d’organisation, 1p-21
classique, u0 niveau de, 163 hologrammatique, ru-rp
complexe, rr, rp-u0 stratégique, 1r3-1r6 rationalistes, r0
de groupe, 1x5-1xr Plus-value (Marx), r3 téléologique d’efficacité, 2ur

tts • INDU

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Prise de décision voir Décision Relation(s)


Problèmes, 13r, 22p
humains, rr, rp
q affective, xp
de pouvoir, 51, 6p
résolution de, 13x informelle, xp
Qualité interpersonnelles, 150
Processus contrôle de la, 230 personnelles harmonieuses, 51
d’administration, rp
d’individualisation, 2p1 Remue-méninges, 251
d’organisation, 1p0-220 voir aussi
Organisation
R Rémunération
des idées, 26p
de création, 2u1 financière, p1, p5-p6
Raison, 31
de résolution de problème, 13x non économique, xp
d’agir, 1x2-1xx
dialogique, 16x, 1pu symbolique, p1, 26p
rationnel de décision, 13x-135 Rationalisation, u, 35
Rendement, 35, uu
stratégique, 1rx du travail, 3p
collectif, 2xx
Production Rationalité(s), u, 26, 31-32, 35, individuel, 2xx
des connaissances, 262 1x2-1xx maximum, 2p6
intangible, 2x1 axiologique, 1x2
Renseignement, 135
niveau de, xr cognitive-instrumentale, 1x2
créative, 1x1 Rentabilité, 21x, 2p6
Productivité, 10, 1x, xr-51, 10p, 22r, économique, 22r
économique, 36
2u6, 2p5-2p6
instrumentale, 131, 1x3-1xx Réorganisation, 220-221
Produit intérieur brut, r3 limitée (concept), 133-13x, 22r du travail, pr
Professionnalisme, 2px managériale, 2up-2p0 Réputation, 1r0
Professionnalité, 1p2 multiples, 1x2
Réseau
substantive, 133
Professionnels, 20p de relations de réciprocité, 2rp
totale, 133
Profit, 1uu, 2p6 personnel, 1r0
Réalisation personnelle, ux professionnel, 1r0
maximal, 35
Recherche temporaire, 216
Progrès
action, 60 Responsabilisation, 126, 266
notion de, 10u
opérationnelle, 13x collective, 2p3
techno-économique, 2p5
technologique, 10r, 25x Récompenses, 153 écologique, 22r
matérielles, p5-p6 individuelle, 2p3
Projet(s), 20p
pouvoir de, 151 Responsabilité(s), 2p6
contrôle des, 230
symboliques, p5-p6 économique, 305
organisation par, 20p
Reconnaissance, xp, 225 ethique, 2px
Propriétaires-capitaines d’industrie, u6
au travail, ux extraordinaire, 305
Propriété par les pairs, u2-ux financière, 305
intellectuelle, 11x, 1r0, 2rp globale, 30x
Redistribution de la richesse, p1,
privée, 11x-11r politique, 305
2pr, 302
Prospective, 263 répartition des, 1pr
Réductionnisme, u0
Psychologie sens de la, 5p
Réflexivité, x3-xx, 2up sociale envers les salariés, 305
humaniste, 62
industrielle, 60 Réforme protestante, p sociale et environnementale (RSE),
Règlementation, u5 125-12r, 30x-305
Punition, 153
marchés financiers et, 10u sociétale et environnementale, 305
mondiale, absence de, 126 Ressource(s), 1r0, 1p1, 1p3
Régulation économique, 11u humaines, contrôle des, 230
intangible, 1r0
Réingénierie des processus, u5

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internes, 1r3 Salaire, r3, p1 problématique, 1x1


naturelles, 1u2, 303-306 minimum, u5 Smith, Adam, u, 10-1x, p1, 10r,
Restrictions juridiques, 1u2 Salariés permanents, 21x 10u, 11u
Restructuration, u5, 221 Sanction, 1xr, 153 Socialisme, 11r
Résultats, quantification des, 23u Santé mentale des travailleurs, 222 Société(s)
Rétribution(s), 5r Satisfaction d’individus, 2p1
financière, 5r au travail, 65 d’organisation, 2p0
générales, pu des employés, xr de consommateurs, 2p6
individuelles, pu intrinsèque, 65 de travailleurs, 2p6
matérielle, 5u-5p sociale, xr, 51 du savoir, 16x, 1r6, 2p5
symbolique, 5u-5p féodale, u-p
Savoir(s), 2p, 31, 23u, 2pp
managériale, 2p0
Rétroaction, 135, 22x-225 collectifs, 2u2
par action, 2pu
Réunion communs, 2rr
planétaire, 1ru
d’équipe, 1x5 création de, 2u1
précapitalistes, r2
de direction, 1x5 des personnes, 1p2
échanges des, 2u0 Sociofinancement (crowd-funding), 2rp
Revenu, r3
être, 2p3 Solidarité, u2-ux
Révolution explicites, 2u1 Solutions créatives, 1x5
agricole, 303 faire, 1p2, 1r0, 2pp
industrielle, 23, r3-rx, 106-10r, Sommet stratégique, 200-201
formalisés, 20p
253-25x, 303 management humain des, 26u Sous-traitants, 212-213, 21x
manégériale, r1 tacites, 2rr, 2u1 Soutien public aux connaissances
technologique, 10 scientifiques, 25x
Schèmes psychologique, 13u
Richesse Spécialisation du travail, 12-13, x1, rx
Schumpeter, aoseph, 252-253
collective, r3
Sciences Spéculation, 113
individuelle, r3
management et, 2p6-2pp de gestion, 3r-3u Stabilité du personnel, 21
outils managériaux et, 2pp de la rationalisation, 2u6 Standard de qualité, 20p
économiques, 35, 2pu
Risque iéro, 1xr Standardisation
Séances de la qualification, 202
Robot, 2ru
d’information, 1x5 des normes, 202
Rôle(s) de rétroaction, 1x5 des procédés de travail, 202
affectation des, 21u de synthèse, 1x5 des résultats, 202
centrés sur le travail, 21u
Secret de fabrication, 1r0 du travail, 20r
d’intrapreneur, 26u-26p
de coordination, 21u Secteur financier, 112 voir aussi Stéréotypes de genre, 1x5
de l’État, u5 Marchés financiers Stimulations créatrices, 26x, 2r3-2rx
définition des, 21u Sens Stratège, 16x-165
des élites, x6 de l’observation, 1x1
Stratégie(s)
fonctionnels, 1pr esthétique, 5p
analytique, 161
sociaux, 1pr moral, 5p
concurrentielle, 16p, 1u6
stratification des, 1px Sérendipité, 26x, 2r1-2r3 contrôle de la, 230
Simon, verbert, 133 d’affaire, 16p, 1ux-1u5

S Situation(s)
d’incertitude, 22u
de l’entreprise, 166-16p
de prix, 1u6
interprétation de la, 1x1 du groupe (corporate strategy),
Sabbatique, congé, 2r3 165, 16r, 16p, 1ur
loi de la, 53, 1x0
Sagesse, 2p, 3p, 125, 2ur e-, 16p
managériales, 1xx

t40 • INDU

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émergente, 161 de coopération, 56-5r psychométriques, 3x


finalité de la, 1r1 de gestion de bikert, 66 Théorie(s)
génériques, 1u6 de gestion participatif par groupe, béhavioristes, 6p
hybride, 1u6 65-66 de l’innovation, 253
internationales, 16p de redistribution des richesses, de l’organisation, 56
rationnelle, 161 r3-rx de la motivation 63
Stress, 2rx de valeurs, 120 de la régulation en économie, 11p
économique, 105-10r des actionnaires, 115
Structure(s), 1p3-1p5
éducatif, 11p des parties prenantes, 115-116
aplatissement des, 221
humain de l’entreprise, x6 du continuum des styles de
centralisation des, 201, 206
informatique, 15p leadership, 15x
décentralisée, 206
managérial, 10x-12p du cycle de vie, 156
flexible, 20r
national d’innovation (SN ), 255 du leadership autoritaire, 153
formelles prescrites, 1p3
participatif, 66 du leadership axées sur le
informelle, 1p3
paternaliste, 65-66 comportement, 153
matricielle, 20p
précapitaliste, u-10 économique du marché du
notion de, 61
régional d’innovation (SR ), 255 contrôle des entreprises, u6
sociale, 1p3
social, 50 formelles, 1x-23
Style sociopolitique, 105-10r libérales, u6
de direction, 50, 156 voir aussi
bMo, 15r
Direction
de gestion, 21, x1, xx, 20r voir
aussi Gestion
T néolibérales, u6
o, 6r, 153
c, 6r, 153
de leadership, 1x5, 152-153,
Tsche(s), 1p5-1p6
156-15r voir aussi beadership Tiers-lieu, 21r
découpage des, 1p5
Subjectivation, 23x-23r Toyotisme, 1u
hyperspécialisée, ru
Subjectivité, 1x2, 235 prescrites, 1p5 Tradition, 2px

Subordination, 231 répartition des, 1pr Transdisciplinarité, rp

Subordonné, caractéristiques du, 156 Taylor, Frederick, 1x, 3x, 10r Transparence, 21u, 226

Supervision directe, 20r Taylorisme, 1x, 16-1r, 3p, xu, 10u Travail
Techne, 2p, 3p à distance, 205
Surplus économiques, 1ur
aliénation du, 3p
Surveillance, 22x-225 Technique
civique, 302
électronique, 231-232 de réorganisation du travail, pr
collaboratif, 205
pratiques de, 232 de contrôle, 2u6
collectif, 2p0
Symbolisation, 235 Technologies, complexification des, 2rp
comme activité productive, r3
Syndicalisme, 50, 6p Technologies de l’information, 1rp, comme force créatrice, r3
20x-205, 2u2 comme mécanisme de socialisa-
Syndicat, 6x, 11p, 12x
contrôle et, 231 tion, r3
Synthèse dialectique, 5x et de la communication (T C), comme unité de mesure de la
Système(s) 110-112, 21x valeur, r3
agile, 220 Technologies numériques, 213 conception du, r2, rx
autoritaire, 65-66 d’innovation, 250-251
Technostructure, 201
capitaliste, 106, 11r de gouvernance, 122
capitaliste industriel, 10p-110 Télé-entreprise, 216
dépersonnalisation du, 1p5
complexes, ru-rp, 22x Télétravail, 216 déprofessionnalisation du, 1p5
consultatif, 66 Temps, 2pp différenciation du, 1px, 1pr
d’information, 15p dimension collective du, u3-ux, 2uu
Tests
de communication, 5p dimension objective du, u2
de produits, 13x

INDU • t41

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dimension subjective du, u3, 2uu Usines, 10, rx


division du, 12-13, 1p, 10r, Utilisateurs innovateurs, 2rp
1px-1p5 voir aussi Structure
Utopie
domestique, 302
du travail, rx-rr
effectif, u0-u1, 1p6
marxiste, r3
en silo, 2r5
éthos de, 1p2
flexibilisation du, 2rp
humain au, 2u5
V
immatériel, 110
kaleur, 1x3
insatisfaction au, r1
création de, u6, 11x, 2xx, 251
invisible, 223
des personnes, 1p2
mécanisation du, 3p, rx
durable, 250, 25u
monotonie du, 3p
économique du travail, 13
multidimensionnalité du, u2-ux
société et, 105
nature du, 1p5
organisation du, 1xu keille stratégique, 135, 1r3, 1u0, 263
parcellisation du, 50 kérification, 22x
prescrit, u0-u1, 23p kision, 165, 1ux
qualité du, 1xu déterministe, 163, 1rx
réel, u1, 1p5-1p6, 23p technoscientifique, p1
responsabilisant, 302 transdisciplinaire, 2ur
spécialisation du, rx, 1px volontariste, 163
subjectif, 1p6
kisionnaire, 1xp
temps de, r3
vide, 2uu kolontariste, pensée, 163

Travail de direction kolonté de coopérer, 5r, 60


divisé horiiontalement, 122
divisé verticalement 121
Travailleur(s)
p
autonome, r6
dimension existentielle du, 2pp Waigaya, 5x
efficace, 2up neber, Max, 23-2x
en sous-traitance, 21x-215 neil, Simone, 3p, rx-r5
épuisement professionnel et, 222
flexibles, 215
initiative et, 26r r
libre arbitre du, 1p5
nomades, 21r âéro défaultqiéro contrôle, 110
santé mentale et, 222
âone d’indifférence, 5p
Trio produit-compétence-marché, 22r

U
Unanimité, pression pour l’, 1x6
Union du personnel, 21
Universalité, idée d’, 33

t42 • INDU

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Un livre de management ne doit pas otre un recueil de recettes.


Le managemen n eE paE Ie echni IeE de geE ion : c eE In mé ie , Ine
diEcipline e Ine p a i Ie po eIEe d Ine idéologie
Le a ail de manage néceEEi e de compoEe a ec In en i onnemen com-
pleLe e imp é iEible, Ii eLige éac i i é, eEponEabili é e é eLi i é
PoI oI ille aI mieIL le fI I geE ionnai e à dé eloppe Ea penEée c i i Ie,
Le ma ageme éh ma i é eE conEac é à l anal Ee e à la comp éhen-
Eion dI a ail dI manage
SI la baEe deE fondemen E hiE o i IeE, héo i IeE e c i i IeE, l oI age
abo de leE compoEan eE claEEi IeE dI mé ie de manage (la déciEion e la
di ec ion, la penEée e la p a i Ie E a égi IeE, l o ganiEa ion e le con ôle ,
le E E ème de goI e nance e l app oche managé iale d Ine o ganiEa ion
EnEIi e, il dé ni , aI cœI deE enjeIL e deE déba E ac IelE, deE p a i IeE
de managemen inEpi an eE poI an Ee i d aEEiEe à In managemen
éhImaniEé Ii amène à epenEe no e appo aI a ail, à la icheEEe,
aI collec if e à la na I e, e Ii condIi à In meilleI é Iilib e danE
noE Eocié éE
Le ma ageme éh ma i é oIE p opoEe :
In managemen poI aIjoI d hIi : leE baEeE d Ine cIl I e géné ale en
managemen , leE oI ilE poI Ine lec I e c i i Ie e deE p opoEi ionE de
p a i IeE c éa iceE
Ine miEe en page d nami Ie e colo ée, ainEi Ie deE miEeE en Ei Ia-
ion poI ag émen e la lec I e
In oI age o iginal danE Ea fo me e Ini Ie danE Eon con enI
L enEeignan oI e a leE gI eE e leE ableaIL, de même I In gaba i
Po e Poin , EI In e ac if

ISBN 9d8-2-d65c-5384-2

qqq.cheneliere.capmanagement-rehumanise

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