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Les 

Bond Graphs pour : 
la modélisation,
la commande 
et la surveillance

Belkacem.ouldbouamama@polytech‐lille.fr

Dossier réalisé par les professeurs de 
l’équipe MOCIS du laboratoire LAGIS
Mocis‐Lagis.fr

G. Dauphin‐Tanguy (Modélisation)
B. Ould Bouamama (Diagnostic)
C. Sueur (Commande)
A. Rahmani (Observateur)
10/16/2011

Chapitre I - La méthodologie bond graph. Principes et langage

Bond Graph Methodology – Principles and language


Mots-clés : analogies, puissance, énergie, causalité


Key words : analogy, power, energy, causality

Accroche : La conception de systèmes énergétiques pilotés mettant en jeu plusieurs domaines physiques (mécanique,
hydraulique, électrique, …) nécessite l’utilisation d’un outil de modélisation commun, prenant en compte les aspects
dynamiques et énergétiques.

L’essentiel : La méthodologie bond graph permet de construire des modèles de systèmes physiques dynamiques avec une
approche énergétique et un langage de représentation graphique unique pour tous les domaines physiques.

Synopsis : Bond graph methodology aims at proposing a unified for all physical domains graphical representation tool for
the building of dynamic models of physical systems using an energy based approach.

Résumé : Ce chapitre présente succinctement les principes et les outils de l’approche bond graph. Les quatre variables
généralisées (variables de puissance : effort et flux et variables d’énergie : moment et déplacement) sont définies pour
différents domaines physiques. Les neuf éléments qui interviennent dans la représentation sont décrits : les éléments actifs
(sources d’effort et de flux Se et Sf) qui fournissent de la puissance, les éléments passifs qui transforment la puissance qui
leur est fournie en énergie dissipée sous forme de chaleur (élément R) ou stockée (élément C et I), les éléments de jonction
(0, 1, TF, GY) qui sont conservatifs de puissance. La causalité, visualisée sur le bond graph à l’aide d’un trait « causal »,
permet de construire les modèles mathématiques déduits du bond graph (équation d’état, fonction ou matrice de transfert). La
bicausalité permet de construire les modèles inverses.

Abstract : This part presents succinctly the basic principles and tools of the bond graph methodology. Four generalized
variables (power variables called effort and flow variables, and energy variables called generalized momentum and
displacement) are defined for different physical domains. The nine elements composing the graphical language are described:
active elements supplying power (effort and flow sources Se and Sf), passive elements transforming supplied power into
energy dissipated as heat (R element) or stored (C and I elements), power conservative junction elements (0, 1, TF, GY).
Causality, shown up on the bond graph by means of the « causal »stroke, allows the building of mathematical models from
the bond graph (state equations, transfer matrix). Bicausality assignment leads to inverse models building.

I. INTRODUCTION

La modélisation à l’aide de l’outil bond graph s’effectue en cinq étapes :

- analyse fonctionnelle : le système est décomposé en sous-systèmes qui échangent de la puissance, ce qui conduit au bond
graph à mots,
- analyse phénoménologique : en fonction des hypothèses de modélisation et du domaine de validité (dynamique, fréquentiel)
recherché pour le modèle, les composants et phénomènes physiques qui dissipent ou qui stockent de l’énergie sont identifiés,
et des bilans d’énergie, de masse , de quantités de mouvement sont effectués. Ceci conduit au bond graph détaillé,
- analyse causale : la mise en évidence des relations causales permet d’identifier d’éventuels problèmes à venir pour la
simulation du modèle (équations implicites, algébro-différentielles), ce qui peut amener le modélisateur à revenir sur ses
hypothèses de modélisation. Le modèle obtenu est un bond graph causal.
- analyse structurelle : l’application de procédures graphiques (manipulation de la causalité, parcours de chemins sur le bond
graph) permet de mettre en évidence des propriétés structurelles du modèle (donc valables quelles que soient les valeurs
numériques des paramètres)
- spécification des lois caractéristiques des éléments retenus dans la phase « analyse phénoménologique » et écriture des
modèles mathématiques globaux associés au modèle bond graph

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Une fois ces cinq étapes réalisées, le modèle peut être simulé soit directement sous forme graphique à l’aide de logiciels
possédant une interface bond graph (20Sim, Symbols,…) ou sous forme mathématique à l’aide de logiciels classiques
comme Matlab/Simulink.

II. VARIABLES GENERALISEES ET ELEMENTS BOND GRAPHS

La méthodologie bond graph repose sur deux grands principes : la représentation graphique des échanges de puissance au
sein d’un système et l’analogie entre variables de différents domaines physiques.
L’échange de puissance entre deux éléments A et B d’un système est représenté comme indiqué figure 1 par une demi flèche
(appelée « lien » ou « bond ») qui porte deux variables dites « variables de puissance », appelées d’un nom générique
« effort » et « flux », dont le produit e. f représente la puissance instantanée transportée par ce lien.

e
A B
f

Figure 1. Lien de transfert de puissance

Deux autres variables généralisées, les « variables d’énergie », sont définies comme l’intégrale par rapport au temps des
variables de puissance et sont appelées « moment généralisé » et « déplacement généralisé » et notées respectivement p et q.
Dans certains cas, il peut être plus simple, en termes d’équations à résoudre ou de tables de données à manipuler, de choisir
des variables d’effort et de flux dont le produit n’est pas une puissance, le modèle obtenu sera dit « pseudo-bond graph ».
La table 1 regroupe la correspondance de ces quatre variables dans quelques domaines physiques.

Pour représenter tous les phénomènes d’apport de puissance et de transformation de la puissance fournie en énergie stockée
ou dissipée, 9 éléments bond graphs (plus deux détecteurs qui représentent des capteurs d’effort et de flux supposés idéaux,
donc non consommateurs de puissance) sont définis et représentés figure 2.

Table 1 Variables généralisées


Vrai bond graph Pseudo bond graph
e. f  puissance e. f  puissance
Domaine Effort Flux Effort Flux Moment Déplacement
e f e f généralisé généralisé
p   e(t )dt q   f (t )dt
Mécanique
Translation Force Vitesse moment déplacement
Rotation Couple vitesse moment angle
angulaire angulaire
Electrique tension courant flux charge
magnétique
Hydraulique pression débit pression débit moment de Volume
volumique massique pression masse

Chimique potentiel flux molaire concentration flux molaire nombre de moles


chimique
Thermodynamique température flux Enthalpie Flux Entropie
d’entropie spécifique d’enthalpie Enthalpie,
Flux de quantité de
chaleur chaleur

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Sources
Se, Sf

Stockage Structure de Dissipation


d’énergie Jonction d’énergie
I, C (O, 1, TF, GY) R

Détecteurs
De, Df

Figure 2 – Eléments du langage bond graph

La table 2 regroupe les caractéristiques de ces éléments et donne quelques exemples de composants 1-port de type R, C, et I (la
puissance leur est fournie par un lien unique, la loi qui les caractérise est scalaire) dans des domaines physiques variés. Citons
également à titre d’exemples les éléments présentés figure 3 qui reçoivent de la puissance par plusieurs ports, de natures
pouvant être différentes ; ils sont modélisés par des éléments « multiports » comme indiqué figure 3, associés à des lois
matricielles.

u1 i1
u F u F
u2 I u3 C IC
i V V
i2 i3

3 bobinages condensateur à armature mobile solénoïde à noyau mobile

Figure 3. Exemples d’éléments multiports

Table 2 Eléments du langage bond graph


Elément Symbole Loi générique Exemples Comportement
énergétique
Gravité, générateur de
Se e indépendant de f tension Apport de puissance
Eléments actifs
Sf f indépendant de e Pompe, générateur de
courant
R  R (e, f )  0 Résistance électrique, Dissipatif d’énergie
frottement, vanne, … (chaleur)

Ressort, réservoir, Stockage d’énergie


C (e,  f dt )  0
Eléments passifs C condensateur, (électrique, potentielle,
compressibilité,…. thermique)

I  I (  edt , f )  0 Masse, inertie, bobine Stockage d’énergie


(cinétique, magnétique)
2 i e1  e2  ...ei  ...en Même force, même
n n tension, même pression,
 ai f i
1
0 0 …
i 1

f1  f 2  ... f i  ... f n Même vitesse, même


2 i
n courant, même débit
1 1
n
 a i ei 0 volumique, …
Eléments de i 1 Conservation de puissance
jonction

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e1  m.e2 transfo électrique, levier,


1 2 poulies, vérin
TF f 2  m. f1
changement repère
m
e1  r. f 2 gyroscope, capteur à
1 2
e 2  r. f1 effet Hall, moteur
GY
r
électrique

III. PROCEDURES DE CONSTRUCTION DE MODELES BOND GRAPH

Des procédures systématiques existent pour construire les modèles bond graphs suivant les domaines physiques [Karnopp-
Rosenberg 1975, Dauphin-Tanguy 2000, Vergé-Jaume 2004 ]. A titre d’exemple, considérons le système multiphysique de la
figure 4.

Figure 4 Exemple mettant en jeu plusieurs domaines physiques

Sa décomposition en bond graph à mots est donnée figure 5.

ua Pignon F Piston P Cylindre Penv


T1 T2
Moteur Arbre + +
CC 1 2 Crémail V Q Orifice Q0
ia

Électrique Mécanique Mécanique Mécanique translation Pneumatique


Mécanique rotation rotation rotation+translation Pneumatique
Figure 5 – Bond graph à mots du système physique de la figure 4

La figure 6 montre le schéma physique et le modèle bond graph d’un moteur à courant continu à excitation séparée, prenant
en compte les hypothèses retenues pour la modélisation :
- la jonction 1ia sert à associer les phénomènes ou composants physiques considérés pour l’induit (« a »= armature),
qui sont parcourus par le courant ia , soit l’alimentation en tension de l’induit (notée ici MSe « M=modulée » pour
indiquer que c’est l’entrée de commande modulée par un signal de commande), la résistance et l’inductance
d’induit
- c’est la même chose pour le circuit d’inducteur (« f »=field) et la jonction 1if
- la jonction 1 sert à associer les phénomènes ou composants physiques considérés pour la partie mécanique qui
dépendent de la vitesse de rotation de l’arbre , soit le frottement et le moment d’inertie du rotor et de l’arbre, la
charge représentée par le couple de charge Tch)
- l’élément MGY (« modulated » GY ).sert à représenter les relations u e  k c  et Tem  k em i a . Ce changement de
domaine physique se fait sans perte de puissance : u e i a  Tem  ; k c et k em doivent donc avoir la même valeur
numérique, ce qui est représenté par le rapport k (i f ) dont la valeur est modulée par la valeur du courant
d’inducteur (flèche de type signal car il y a seulement un échange d’information, mais pas de puissance) .

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I Lf R Rf
if uf (R f , L f )
ia
if 1 Se : uf
ua
 I La I J

( R a , La )
TCh ue Tem
( J ,b) MSe 1 MGY 1 Se : -Tch
ua ia k(if) 

R Ra R b

Figure 6 – Moteur CC : schéma physique et bond graph associé

Pour la construction du modèle bond graph du système complet de la figure 7, l’arbre est supposé élastique (élément C dont
le paramètre est défini comme étant l’inverse de la raideur de l’arbre), le cylindre est représenté par l’élément C :Ccyl et les
pertes de charge dans l’orifice par l’élément R :Rorif. Le modèle du moteur à CC est simplifié en supposant que le courant
d’inducteur est constant, d’où le GY de rapport constant k.
L’inertie du pignon et les frottements au niveau de la crémaillère sont supposés négligeables.

I:La I: J I: mcrem
C:Ccyl R:Rorif

MSe : ua GY
T2
1 1 0 1 TF 1 TF 0 1 Se : -Penv
ia k 1 2 rp V Ap P Q0

C:1/karb
R:Ra R: b

mcc arbre pignon + crémaillère piston cylindre+orifice


Figure 7 – Bond graph du système physique de la figure 4

IV. CAUSALITE

La causalité, représentée sur le bond graph à l’aide d’un « trait causal » placé perpendiculairement à la demi flèche, permet la
visualisation, au sens schéma - bloc, des relations de « cause à effet », ou « entrée – sortie » ou « donnée – inconnue ». C’est
un des avantages majeurs de la technique bond graph pour écrire systématiquement les équations, pour détecter des
incohérences dans les équations, pour parcourir le bond graph comme un graphe.
La convention est la suivante : le trait causal est placé près de l’élément pour lequel l’effort est une donnée, et loin de
l’élément pour lequel le flux est une donnée.
La causalité est une propriété locale. Elle permet d’écrire les équations pour chaque composant comme indiqué figure 8.
eAeB eAeB
eB := eA eA := eB
B A B fB := fA
fA := fB
A
fAfB fAfB

Figure 8 – Convention de causalité

La table 3 regroupe les règles d’affectation de la causalité sur les différents éléments.
La causalité sur les I et C sera si possible intégrale (causalité dite « préférentielle » qui correspond bien à leur propriété de
stockage d’énergie). Mais dans certains cas, une causalité dérivée (non préférentielle) devra être affectée, comme dans le cas
de 2 masses couplées à l’aide d’un arbre supposé parfaitement rigide, de deux bobines en série ou de deux condensateurs en
parallèle. Ces conditions particulières de causalité sont liées aux hypothèses de modélisation et peuvent amener le
modélisateur à revenir sur ses hypothèses de modélisation.

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Table 3 Règles d’affectation de la causalité


Causalité Symbole Loi générique
e imposé par Se
Se
Obligatoire Sf f imposé par Sf

De Capteur d’effort supposé idéal (lien signal)

Df Capteur de flux supposé idéal (lien signal)

C e   C (  fdt )
Intégrale
(préférentielle) f   I (  edt )
I

C f   C1 (de dt )
Dérivée
(non préférentielle) e   I1 (df dt )
I

Arbitraire e  R. f
R
(lois linéaires)
R f  1 R .e

Non arbitraire
R e  R ( f )

R f   R1 (e)
2 i e1  ei e2  ei en  ei 1 seul lien
n n avec un trait
ai f i    a j f j
1
0 causal près
j 1 du 0
j i

1 seul lien
Restrictions
2 i f1  f i f 2  fi f n  fi sans trait
1 n causal près
de 1 n
causalité a i ei    a j e j du 1
j 1
j i

1 2
TF e1  m.e2
Affectation
m f 2  m. f1 symétrique de
1 2 la causalité
pour TF
TF e2  1 m .e1
m
f1  1 m . f 2
1 2
GY e1  r. f 2
r
e 2  r. f1 Affectation
anti symétrique
1 2 de la causalité
GY f1  1 r .e2 pour GY
r
f 2  1 r .e1

A titre d’illustration, reprenons le modèle de la figure 6. La causalité appliquée en utilisant la méthode SCAP (« Sequential
Causality Assignment Procedure) [Karnopp, Rosenberg1975)] est visualisée figure 9. Tous les éléments I et C sont en
causalité intégrale préférentielle et il n’y a pas de non déterminisme dans l’affectation de la causalité. A ce stade de la
modélisation, il est possible de savoir que les équations qui sont déduites du bond graph causal seront sous forme explicite.

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I:La I: J I: mcrem
C:Ccyl R:Rorif
TJ Fcrem Pcyl Qcyl
uLa
Porif Qorif
ue Tem Tarb Tarb Tarb Fpig Fpist Pcyl Pcyl -Penv
MSe : ua 1 GY 1 0 1 TF 1 TF 0 1 Se : -Penv
ia k 1 2 rp Ap Qpist Qorif Qorif
V
TR Tarb  arb
uRa F pig  1 r p Tarb
C:1/karb
R:Ra R: b  2  1 rp V
Fcrem  F pig  F pist
u La  u a  u Ra  u e
Qcyl  Q pist  Qorif
T J  Tem  Tb  Tarb 
V   mcrem ( Fcrem dt )
Porif  Pcyl  Penv

i a   La ( u La dt ) u Ra   Ra (i a )
 arb  1   2
F pist  A p Pcyl 
Pcyl   Ccyl ( Qcyl dt )
1   J ( T J dt ) Tb   b (1 )
Q pist  A pV Qorif   Rorif (Porif )
u e  k1 Tem  ki a 
Tarb   arb (  arb dt )

Figure 9 – Bond graph du système physique de la figure 4 – causalité intégrale préférentielle

Les équations déduites du modèle bond graph causal s’écrivent pour les jonctions et les éléments, en respectant la causalité,
comme indiqué figure 9 dans le cas très général sans hypothèses sur la linéarité des lois élémentaires.

Si on décide de revoir les hypothèses de modélisation, et de prendre en compte l’inertie Jp du pignon (figure 10), il apparaît
alors une causalité dérivée sur I :Jp qui visualise la dépendance cinématique entre les vitesses V  r p . 2 . Les équations
déduites du bond graph causal seront sous forme d’équations implicites, ce qui nécessitera pour la simulation le choix d’un
solveur spécifique.

I:La I: J I : Jp I: mcrem
C:Ccyl R:Rorif
TJ TJp
uLa Fcrem Pcyl Qcyl
Porif Qorif
ue Tem Tarb Tarb Tpig Fpig Fpist Pcyl Pcyl -Penv
MSe : ua 1 GY 1 0 1 TF 1 TF 0 1 Se : -Penv
ia k 1 2 rp Ap Qpist Qorif Qorif
V
TR Tarb  arb
uRa T pig  Tarb  TJp
C:1/karb d 2
R:Ra R: b TJp  J p
dt
 2  1 rp V
Fpig  1 rp T pig
Fcrem  Fpig  Fpist


V   mcrem ( Fcrem dt )

Figure 10 – Bond graph du système physique de la figure 4 – ajout de l’inertie du pignon (causalité dérivée)

Extension de la causalité à la bicausalité


La causalité, telle que présentée précédemment, suppose que les variables d’effort et de flux ne peuvent pas être connues
indépendamment l’une de l’autre. La notion de bicausalité, introduite par Gawthrop (1995), lève cette impossibilité, en
supposant par exemple qu’une des variables est une donnée du problème et que l’autre est connue par mesure. Ceci se
représente graphiquement comme indiqué figure 11, en décomposant le trait causal en deux demi traits causaux. Les règles
d’affectation restent semblables à celles regroupées dans la table 3.

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eAeB eA eB
eB := eA eA := eB
A B A B fA := fB
fB := fA
fAfB fA fB

Figure 11 – Bicausalité

V. CHEMIN CAUSAL, BOUCLE CAUSALE

Le parcours d’un modèle bond graph peut se faire en suivant le transfert de la puissance (à l’aide des « lignes de puissance »)
ou en suivant la propagation de la causalité (comme pour les graphes orientés). C’est ce deuxième cas que nous envisageons
ici.
Chaque lien du bond graph étant porteur de deux variables, e et f, il est possible de parcourir le bond graph en suivant deux
chemins, soit en suivant la variable effort soit en suivant la variable flux.
Un chemin causal entre une source et un détecteur est une chaîne d’action (figure 12-a) ; un chemin causal fermé entre deux
éléments de type R, C, et I permet de définir une boucle causale, qui comprend les deux chemins élémentaires aller et retour
(figure 12-b) .
Dans le cas linéaire, les gains d’un chemin causal Ti et d’une boucle causale Bj sont obtenus à l’aide des équations (1)- a et
b:
Ti  (1) n0  n1  mi i  r j j B j  (1) n0  n1  (mi i ) 2  (r j j ) 2  g k
k l k l
(1)-a (1)-b
i j i j k

- mi (respectivement rj ) est le module du ième TF (respectivement jème GY), avec un exposant ki (respectivement lj) qui
vaut +1 ou -1 suivant la causalité du TFi (respectivement GYj) (cf table 3)
- n0  n1 est le nombre de changements d'orientation des demi flèches aux jonctions 0 (respectivement 1) quand on
suit la variable flux (respectivement effort)
- g k est le gain (ou transmittance) de l’élément R, C, ou I traversé par le chemin causal ou la boucle causale, qui
dépend de la causalité qui lui est affectée

Ainsi, considérons le modèle bond graph figure 12-(b). Il y a deux chemins causaux :
C :C1  R :R1 en suivant les variables e1- e2- e3- e4- f5- f6 de gain T1  (1) 00 (m) 1 (r ) 1
R :R1  C :C1 en suivant les variables e6- e5- f4- f3- f2- f1 de gain T2  (1)1 0 (m) 1 (r ) 1
1 1
Ils définissent une boucle causale entre les éléments C :C1 et R :R1 de gain B1  (1)1 0 (m)  2 (r )  2 ( )( )
R1 C1 s

e=u
Se : u 0 1 De : y Chaîne d’action (a)

e1 e2 e3 e4 e5 e6

1 R:R1 (b)
C:C1 0 TF 1 GY
m r
f1 f2 f3 f4 f5 f6

Figure 12 – Chemin causal et boucle causale dans un bond graph

Les gains de boucles causales fournissent une estimation des dynamiques du modèle, ce qui peut être utile pour faire de la
simplification de modèles sur critères dynamiques ou fixer le pas de calcul pour la simulation.

En cas de bicausalité, le parcours se fait de façon semblable.

Le modèle bond graph inverse est construit en remplaçant le détecteur de sortie supposé idéal (ex : De) en SeSf0 (flux nul
dans le capteur), et la source d’entrée (ex : Se) en un double détecteur SeSf. La figure 13 montre le modèle bond graph
inverse de la chaîne d’action de la figure 12(a).

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e=u e=y
DeDf 0 1 SeSf0

f f=0
Figure 13 – Chemins bicausaux dans un bond graph inverse

VI. MODELES MATHEMATIQUES DEDUITS D’UN BOND GRAPH

Les modèles mathématiques déduits directement d’un bond graph sont l’équation d’état dans le cas linéaire ou non linéaire,
et la fonction de transfert dans le cas linéaire.

1) Equation différentielle
La causalité permet d’écrire les équations associées à chacun des éléments (voir figure 9). Ces équations peuvent être
regroupées pour obtenir un modèle global sous forme d’équations différentielles.
Ainsi le moteur peut être modélisé par le système d’équations (2) obtenues en combinant les équations écrites figure 9 (dans
le cas linéaire),
Lia  Ra i a  k1  u a
(2)
J 1  b1  ki a  Tarb
2) Equation d’état
Les variables d’état sont les variables d’énergie associées aux éléments dynamiques de stockage d’énergie I et C, soit p pour
les I et q sur les C (cf table 1). La dimension du vecteur d’état x est donc égale au nombre d’éléments I et C.
Si tous les éléments I et C sont en causalité intégrale préférentielle, toutes les variables d’état sont indépendantes, l’ordre du
modèle est égal à la dimension de x et l’équation d’état s’exprime sous forme d’équations différentielles ordinaires (EDO)
(équation (3)-(a)) ici dans le cas le plus général où u et d sont respectivement les entrées de commande et de perturbation, et
y et z regroupent respectivement les grandeurs à commander et les mesures.
x I  f I ( x I , x D , u , d )
x  f ( x, u , d )
0  f D ( x I , x D , u, d )
y  g y ( x, u , d ) (3)-(a) (3)- (b)
y  g y ( x I , x D , u, d )
z  g z ( x, u , d )
z  g z ( x I , x D , u, d )
Si nD éléments I et C doivent être mis en causalité dérivée, alors les nD variables d’état correspondantes sont dépendantes des
autres, l’ordre du modèle est égal à (dimension de x- nD) et l’équation d’état s’exprime sous forme d’équations algébro-
différentielles (EAD) (équation (3)-(b)).

L’équation d’état se calcule en exprimant et en combinant les lois de structure (jonctions) et les lois des éléments, compte
tenu de leur causalité.

Ainsi, considérons le modèle bond graph du moteur cc, affecté de la causalité intégrale, de la figure 14.

I Lf R Rf

3
I La
1 MSe: uf
2
I J
4
1
MSe 1 MGY 1 Se : -Tch
ua k(if)

R Ra R b

Figure 14 Bond graph du Moteur cc en causalité intégrale

Le vecteur d’état est de dimension 3, et ses composantes sont les variables d’énergie associées aux éléments I, soit
x T  [ La  Lf hJ ] . La dérivée du vecteur d’état correspond aux efforts sur les liens associés.
x  [La  u La  e 2 Lf  u Lf  e3 h J  TJ  e 4 ] . De la même façon que ce qui est indiqué figure 9, on peut écrire
T

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toutes les équations aux jonctions et aux éléments, ce qui conduit à l’équation d’état exprimée dans le cas où les éléments
sont linéaires excepté le module du MGY :
 R  Lf h J 
 a  La  k ( ) 
La   La Lf J  1 0 0   u 
     a
x  Lf   
R
 a  Lf  
  0 1 0   u f  (4)
 h J   Lf  0 0  1 T 
   b  Lf  La     ch 
  hJ  k ( ) 
 J L f La 

Le résultat obtenu est homologue au modèle port-hamiltonien rappelé équation (4), où H (x) est l’énergie totale stockée dans
le système exprimée en termes des variables d’énergie regroupée dans x, J (x ) et R(x) correspondent aux lois des jonctions
et des éléments dissipatifs d’énergie R. Pour ce type de modèle, les variables d’entrée u et de sortie y sont dites « co-
localisées » car leur produit correspond à la puissance échangée avec l’environnement.
H
x  [ J ( x)  R ( x)] ( x)  g ( x)u
x
(4)
H
y  g ( x)
T
( x)
x
3) Fonction de transfert
Dans le cas linéaire, l’application de la règle de Mason fournit directement la fonction (ou la matrice de transfert) à partir du
calcul des gains de chemins causaux et de boucles causales.

Règle de Mason :
La fonction de transfert entre la variable de sortie y et la variable d’entrée e se calcule à l’aide de l’expression

Y (s)
 Ti (s) Di ( s)
 i (5)
E (s) D( s )
avec D( s )  1   Bi   Bi B j   Bi B j Bk  .... , où  Bi correspond à la somme des gains de boucles causales prises
i i, j i , j ,k i

une à une,  Bi B j et  Bi B j Bk correspondent aux produits 2 à 2 et 3 à 3 des gains de boucles causales disjointes (sans
i, j i , j ,k
jonction en commun ni lien parcouru en suivant la même variable).
Ti (s ) est le gain de la ième chaîne d’action entre e et y, Di (s ) se calcule comme D(s ) quand on a enlevé du bond graph tous
les liens et tous les éléments parcourus dans la ième chaîne d’action.

Ainsi, si on suppose que la tension u f est constante, et donc que k (i f )  k est constant, on peut simplifier le modèle en
enlevant l’inducteur. Le modèle devient linéaire ; la matrice de transfert du moteur à cc déduite de la figure 14 à l’aide de la
règle de Mason fait intervenir l’opérateur 1 s puisque les éléments I sont en causalité intégrale, soit :
1
Y ( s )  ( s )  [ N a ( s )U a ( s )  N m ( s )Tch ( s )]
D( s)
avec
Ra b 1 R b
D( s )  1  (   k2 2
)  ( a )( ) ,
La s Js La Js L a s Js
1 1 1 R
N a (s)  k et N m ( s )  [1  ( a )]
La s Js Js La s
ou, sous forme canonique :
1 k 1 R
Y ( s )  ( s )  2
[ U a ( s )  ( s  a )Tch ( s )] (6)
R b k R b La J J La
s  ( a  )s  (
2
 a )
La J L a J La J

4) Modèle inverse

Dans le cas où le modèle (matrice de transfert) est inversible, le modèle bond graph bicausal permet d’obtenir le modèle
mathématique inverse qui n’a en général pas de sens physique, mais qui peut être utilisé pour le calcul de lois de commande
ou du dimensionnement sur critères dynamique et énergétique d’actionneurs.

10
10/16/2011

VII. CONCLUSION
De nombreux ouvrages et articles peuvent apporter des compléments d’information sur la modélisation par bond graph.
Quelques références (dont certaines en français) sont citées dans la bibliographie.

Bibliographie

Dauphin-Tanguy G. 1999 Les bond graphs et leur application en mécatronique. Techniques de l ’Ingénieur, S 7 222-1 à 24
Dauphin-Tanguy G. 2000 Les bond graphs, ouvrage collectif, collection IC2, Hermès
Karnopp D., R. Rosenberg 1975, 1991 (2nde édition) Systems Dynamics : a Unified Approach, John Wiley & sons
Ould Bouamama B., G. Dauphin-Tanguy 2006 Modélisation par Bond Graph. Eléments de Base pour l'énergétique,
Techniques de l ’Ingénieur 12 pages BE8280,
Ould Bouamama B., G. Dauphin-Tanguy 2006 Modélisation par Bond Graph. Application aux systèmes énergétiques ,
Techniques de l ’Ingénieur 16 pages BE8281
Paynter H. 1961 Analysis and design of engineering systems , MIT Press
Thoma J. 1975 Introduction to bond graphs and their applications, Pergamon Press, 1975
Vergé M., D. Jaume, 2004 Modélisation structurée des systèmes avec les bond graphs , Méthodes et pratiques de l’ingénieur,
Editions Technip

Geneviève Dauphin –Tanguy est Professeur d’Université à l’Ecole Centrale de Lille, directeur de
recherches et responsable de l’équipe « Bond Graphs » au LAGIS UMR 8146. Ses travaux de recherche
portent sur la modélisation et la simplification de modèles, l’analyse, la commande et la surveillance des
systèmes à l’aide de l’outil bond graph. Les principaux domaines d’application sont la mécatronique dans
l’automobile et l’aéronautique, le génie électrique et le génie des procédés.
Elle est co-auteur de 9 livres, co-éditeur de 3 livres. Elle a encadré plus de 50 thèses et publié plus de 200 articles et
communications dans des journaux internationaux et des conférences internationales.

11
Chapitre II - Conception d’architecture de commande et de mesure par approche bond
graph
Bond graph approach for the design of control and measurement architecture

Mots clés:
Modèle bond graph, modèle d’état, modèle algébrique, commandabilité, observabilité, conception intégrée
Bond graph model, state model, algebraic model, controllability, observability, integrated design

Accroche:
De nos jours, la commande des systèmes physiques est l’aboutissement de nombreuses étapes, de la conception à
la mise en œuvre, en passant en particulier par la modélisation et l’analyse. Il est souvent nécessaire de connaître
à l’avance les performances du système étudié et dans ce cas un modèle mathématique est plus qu’appréciable.
Pour des raisons souvent économiques et de performance, il est nécessaire dans certaines situations d’avoir une
représentation précise des phénomènes physiques, ce qui conduit à des modèles complexes et les outils
mathématiques ne sont pas toujours adaptés aux modèles obtenus. Depuis plusieurs décennies, la représentation
la plus exploitée est sans doute la représentation d’état, ou une extension de cette forme pour les modèles non
linéaires. Depuis quelque temps, l’approche algébrique a permis de découvrir d’autres caractéristiques des
modèles, ou du moins une nouvelle interprétation de propriétés bien connues des automaticiens. Ces techniques
sont néanmoins difficilement exploitables pour les non initiés, et la représentation par modèle bond graph permet
de concilier l’ensemble des concepts théoriques, nécessaires dans les différentes phases de conception, et
l’approche physique nécessaire à la compréhension de la physique même du système. Quelques techniques
d’analyse en vue de la conception sont proposées à travers la modélisation par bond graph pour des modèles
linéaires, mais pouvant être assez facilement généralisés pour des modèles plus généraux.

L’essentiel :
L’analyse des propriétés de commandabilité et d’observabilité de systèmes physiques est une des étapes lors de
la conception d’une architecture de commande et de mesure. Les concepts théoriques sous-jacents sont les
approches mathématiques classiques utilisées en automatique, telles que l’approche état et l’approche algébrique,
mais peuvent être exploités d’une manière graphique à l’aide de la représentation bond graph.

Synopsis:
Analysis of controllability and observability properties of dynamical systems is one step in the development of
control and measurement architectures. Theoretical concepts can be proposed with a state space approach or with
an algebraic approach, but they can be also treated with a graphical approach in case of bond graph
representation.

Résumé:
Ce chapitre propose une approche graphique pour l’analyse des propriétés de commandabilité et d’observabilité
des systèmes physiques représentés par bond graph dans l’optique d’une conception de l’architecture de
commande et de mesure. Des références aux techniques mathématiques classiques sont proposées, permettant
ainsi de retrouver les fondements théoriques des concepts.

Abstract:
A graphical approach is proposed for analysis of controllabity and observability properties of physical systems
represented by bond graph models, for the design of control and measurement architectures. Classical
mathematical approaches are recalled and theoretical foundations are thus corroborated.

1 Introduction

L’automatique dite moderne est apparue dans les années 1960 grâce notamment aux travaux de Kalman
(Kalman, 1963), qui a proposé une nouvelle représentation, appelée représentation d’état et a introduit les
notions de commandabilité et d’observabilité. Ses travaux ont donné lieu par la suite à une multitude d’articles
de recherche. De nombreux auteurs ont fait le lien entre les propriétés des modèles d’état et modèles sous forme
de représentation entrée-sortie. Les notions de pôles et zéros qui caractérisent les modèles ont ainsi été largement
abordées et les caractéristiques intrinsèques aux modèles d’état ont été mises en évidence (Rosenbrock 1970,
Brunovsky 1970, Morse 1973, Kailath, 1980). Grâce à cette représentation, de nombreuses stratégies de
commande ont été élaborées, avec plus ou moins de succès, en exploitant en particulier la commande par retour
d’état, avec différents types de spécifications comme le placement de pôles, le découplage entrées-sorties ou le
rejet de perturbation.

-1-
La représentation d’état exploite très largement les concepts liés aux espaces vectoriels, ce qui semble tout
naturel, étant donné le caractère matriciel de cette représentation. C’est ainsi que vers la fin des années 1960 est
apparue l’approche géométrique, qui a permis une formulation très intuitive des problèmes de commande en
terme d’espace vectoriel (Basile et Marro, 1969, Wohnam et Morse 1970). De nombreux résultats de recherche
sont disponibles par cette approche (Wohnam 1985, Basile et Marro 1992) et aujourd’hui encore des travaux de
recherche s’effectuent par cette approche.

L’étude des systèmes dynamiques à l’aide de l’approche algébrique a été proposée par M. Fliess (Fliess 1990).
Cette nouvelle approche a permis de définir d’une manière plus générale la notion de modèle dynamique ainsi
que toutes les propriétés associées aux modèles, comme celles de commandabilité et d’observabilité. Une
caractéristique fondamentale de cette approche est que certaines propriétés sont indépendantes des variables
choisies, comme la propriété de commandabilité, pour laquelle une extension simple au cas non linéaire est
possible, en particulier à travers les systèmes différentiellement plats (Fliess et al 1992, 1995).

Ce chapitre a pour objet de faire le lien entre le modèle bond graph, qui est d’abord une représentation graphique
des échanges de puissance entre les composants du système physique et plusieurs représentations mathématiques
classiques, comme la représentation d’état et la représentation algébrique. Nous nous limiterons au cas de
l’analyse des propriétés de commandabilité et d’observabilité des modèles, en comparant les différentes
approches, dans l’optique d’une conception intégrée.

2 Problématique

Soit le schéma électrique de la figure (1.a). Le système contient deux éléments de stockage d’énergie.
R L R L

A
C
V C

1.a) Système autonome 1.b) Système avec commande et mesure


Figure (1). Schéma électrique

La problématique classique consiste à choisir une commande adaptée pour effectuer la charge du condensateur.
D’un point de vue de l’automaticien, cela se traduit par la possibilité de contrôler la tension (ou charge) dans cet
élément de stockage d’énergie. Pour limiter le courant dans le circuit, il faut aussi contrôler cette variable de
courant. Ceci s’exprime d’un point de vue théorique par la notion de commandabilité. D’un point de vue
pratique, il faut aussi qu’un capteur permette de connaître à chaque instant ces différentes grandeurs, cet aspect
concerne la notion d’observabilité. Il est bien connu que ces propriétés seront vérifiées si les choix d’une source
de tension notée V, considérée ici comme source de commande et un ampèremètre noté A, définissant ainsi une
grandeur de sortie sont tels que proposés sur la figure 1.b).

Nous montrerons que ces propriétés de commandabilité et d’observabilité peuvent être directement déduites
d’une manière graphique à partir du modèle bond graph, mais celles-ci doivent s’appuyer sur des considérations
théoriques adaptées. La représentation d’état permet de définir ces fondements. Il existe d’autres approches
mathématiques, comme les représentations entrées-sorties (fonctions de transfert) ou représentations algébriques.

Pour le système électrique, les équations d’état peuvent être écrites en choisissant par exemple les grandeurs
d’énergie comme variable d’état. Ainsi une première variable est l’impulsion généralisée associée à l’inductance,
variable notée p I et la charge du condensateur, variable notée q C . Le vecteur d’état est le vecteur contenant les
2 variables, il s’écrit x  x1 x 2 t   p I q C t . Ce modèle est d’ordre 2. La variable de commande est notée
u (t ) . En appliquant les propriétés classiques sur le modèle bond graph, ou les lois élémentaires sur le circuit
électrique, le modèle d’état s’écrit :

-2-
 x1    R 1  x1   1 
    L1 C 
    u
 2   L 0  x 2   0 

x
 (1)
 x1 

 
 y  L 0  x 
1

  2

Pour ce modèle, l’application de la loi de commande permet de contrôler de manière indépendante les
dynamiques des deux variables x1 (t ) et x 2 (t ) , car les deux équations différentielles sont indépendantes. Il est
possible de retrouver cette propriété sans écrire les équations d’état, mais en écrivant d’une manière particulière
un ensemble d’équations caractérisant le système physique. Pour l’exemple électrique, une nouvelle variable z
est définie telle que x 2  z et d’après l’équation d’état x 2  L1 x1 , soit x1  Lz et x1   RL x1  C1 x 2  u , soit
u  Lz  Rz  1
C
z . En résumé les variables associées au système physique sont définies par le système (2).
x2  z

 x1  Lz (2)
u  Lz  Rz  1 z
 C

Le modèle est commandable car comme précédemment il apparaît que les variables x1 (t ) et x 2 (t ) peuvent être
contrôlées de manière indépendante, mais cette fois il est possible de calculer directement l’expression de la loi
de commande, non par résolution d’une équation différentielle exigeant des intégrations, mais plutôt par
dérivation, c’est ce qui caractérise l’approche algébrique. Dans cette approche, il n’est pas nécessaire de
connaitre les conditions initiales. La variable z  x 2 est appelée sortie plate.

3 Commandabilité/observabilité des modèles linéaires

Quelques représentations classiques de modèles linéaires sont rappelées pour l’étude des propriétés de
commandabilité et d’observabilité. L’équation d’état est souvent exprimée à l’aide de l’équation (3).

 x  Ax  Bu
 (3)
 y  Cx

Le vecteur d’état x  R n regroupe les variable d’état, le vecteur u  R m regroupe les entrées de commande et le
vecteur y  R p les variables de sortie à commander. L’équation (3) est supposée sans transmission directe.
Lorsque m  p , le modèle est carré. Dans cette équation, les matrices d’état, de commande et de sortie sont
constantes, car les paramètres sont supposés constants. La représentation entrée-sortie s’obtient directement
(matrice de transfert) en appliquant la transformée de Laplace, en considérant les conditions initiales nulles, elle
 C ( sI  A) 1 B .
Y (s)
s’écrit U (s)

3.1 Approches état et transfert

La notion de commandabilité a été inventée par Kalman (Kalman 1963) pour les modèles d’état linéaires. L’état
x(t ) évolue dans un espace vectoriel de dimension n. On dit qu’un modèle est commandable si on peut joindre
deux points de l’espace d’état en un temps donné, par une commande appropriée u (t ) . Une caractérisation plus
formelle peut être proposée, mais n’est pas utile pour la suite du propos. Ce concept a donné lieu à de nombreux
travaux. L’approche est rappelée pour les modèles à paramètres constants.

Le modèle d’état représenté par l’équation (3) d’ordre n est dit commandable en état si et seulement si la matrice
 
de commandabilité B AB  A n 1 B est de rang n. Le modèle est dit observable si et seulement si la
matrice d’observabilité C t  At C t  A ( n 1)t C t 
t
est de rang n. Cette approche demande le calcul de
déterminants de matrice.

Dans le cas monovariable, la commandabilité et l’observabilité s’interprètent aussi comme l’impossibilité de


simplifier, dans la fonction de transfert, un pôle par un zéro. Si le modèle est sous forme de fonction de transfert
Y ( s ) ( s  a) N ( s)
avec  , si a  a  alors le mode correspondant disparaît et toute équation d’état déduite de la
U ( s ) ( s  a ) D( s )

-3-
fonction de transfert est de dimension(n  1) . Le mode est dans ce cas non commandable et/ou non observable
et la matrice de commandabilité et/ou d’observabilité est de rang ( n  1) . La complexité d’un calcul numérique,
pour n élevé, et la possibilité d’obtenir un rang dégénéré sont deux difficultés inhérentes à ces approches. Quelle
conclusion précise effectuer sur le modèle dans ce cas ?

3.2 Approche bond graph

L’approche structurelle proposée par exemple à l’aide d’une approche graphique (Lin 1974) consiste pour la
commandabilité à vérifier deux propriétés, celle de l’atteignabilité des variables d’état par les variables de
commande (il existe un « chemin » entre une des variables de commande et chacune des variables d’état) et
l’étude du rang structurel de la matrice A B  , concaténation des matrices A et B . Les techniques bond
graphs sont aussi basées sur ces techniques (Sueur et Dauphin-Tanguy 1991). La notion de rang bond graph
propose d’abord un cadre général pour lequel la notion de causalité apparaît comme élément central. Deux types
de causalité peuvent être appliquées à un modèle bond graph, la première consiste à choisir de préférence une
causalité intégrale pour les éléments dynamiques, la seconde une causalité dérivée. Pour le premier choix, le
modèle bond graph sera noté BGI, pour le second BGD.

Définition 1: Le rang bond graph de la matrice d'état A, noté rang-BG(A), associée à un modèle bond graph est
donné par la différence entre le nombre n d'éléments I et C en causalité intégrale du modèle bond graph BGI et le
nombre k d'éléments dynamiques I et C en causalité intégrale du modèle bond graph BGD.

Pour les modèles bond graphs, l’étude du rang de la matrice d'état A correspond à la détermination du nombre
de valeurs propres structurellement nulles de A .

Définition 2: Dualiser une source ou un détecteur consiste à inverser sa causalité. Ainsi une source de
commande en effort MSe (respectivement un détecteur d’effort De ) dualisée devient une source de flux
~
( MS e  MSf ) (respectivement un détecteur de flux Df ) et inversement.

Propriété 1: Un modèle bond graph est structurellement commandable en état si et seulement si les deux
conditions suivantes sont respectées :
i) Sur le modèle bond graph BGI, il existe un chemin causal entre tous les éléments dynamiques I et C en
causalité intégrale et une source de commande MSe ou MSf
ii) Tous les éléments dynamiques I et C admettent une causalité dérivée sur le modèle bond graph BGD. Si des
éléments dynamiques I ou C restent en causalité intégrale, la dualisation de sources de commande MSe ou MSf
doit permettre de les mettre en causalité dérivée.

La première condition est équivalente à la condition d’atteignabilité, alors que la deuxième consiste en l’étude du
rang bond graph de la matrice A B  . Lorsqu’un élément dynamique I ou C en causalité intégrale est
causalement atteint par une source d'entrée par plusieurs chemins causaux directs, il faut vérifier que ceux-ci ne
s’annulent pas (la somme des gains est nulle). Lorsqu’il est nécessaire de dualiser au moins une source d’entrée,
la matrice d’état contient des valeurs propres nulles. De plus, pour un modèle bond graph linéaire, les modes non
commandables ne peuvent être que nuls.

Propriété 2: Un modèle bond graph est structurellement observable en état si et seulement si les conditions
suivantes sont respectées :
i) Sur le modèle bond graph BGI, il existe un chemin causal entre tous les éléments dynamiques I et C en
causalité intégrale et un détecteur De ou Df ,
ii) Tous les éléments dynamiques I et C admettent une causalité dérivée sur le modèle bond graph BGD. Si des
éléments dynamiques I ou C restent en causalité intégrale, la dualisation de détecteurs De ou Df doit permettre
de les mettre en causalité dérivée.

Une conséquence pratique est que si tous les éléments I et C admettent une causalité dérivée, il suffit d’un
actionneur (resp. un capteur) pour que le modèle soit commandable (resp. observable), et cet actionneur (resp.
capteur) peut être placé n’importe où. Seules des considérations technologiques sont ici à prendre en compte
pour le positionnement de ces composants. Si k éléments dynamiques I ou C restent en causalité intégrale sur le
modèle bond graph BGD, il faut au moins k actionneurs et k capteurs bien placés. La causalité permet
d’identifier de manière très directe la position adéquate de ces composants et entre bien dans le cadre d’une

-4-
conception intégrée d’une architecture de commande et de mesure, par une seule analyse graphique. Le concept
de causalité est bien sûr au cœur de cette démarche.

3.3 Approche algébrique

Les approches précédentes sont intimement liées à la représentation mathématique ou graphique choisie pour le
système physique. La notion de commandabilité est intrinsèque aux hypothèses de modélisation retenues pour le
système, indépendamment de la représentation choisie. Une interprétation des propriétés de commandabilité et
d’observabilité est rappelée en termes de relations mathématiques entre variables du modèle. Cette démarche est
le fondement de l’approche algébrique, qui est proposée ici car contrairement aux approches état et bond graph,
elle s’exploite d’une manière identique pour le cas des systèmes non linéaires.

Propriété 3 Un modèle linéaire est commandable si et seulement s’il existe m variables ( z1 ,  , z m ) telles que :

- toute variable du système peut s’écrire comme combinaison linéaire finie des composantes de z et de
leurs dérivées
- toute composante de z peut s’écrire comme combinaison linéaire finie des variables du système et de
leurs dérivées
- les composantes de z sont indépendantes

Propriété 4: Un modèle  est observable en état si chaque variable du modèle (variables d’état par exemple)
peut s’écrire comme une équation linéaire des variables de sortie (mesures), des variables d’entrée et de leurs
dérivées.

3.4 Exemple

On considère désormais un moteur à courant continu représenté schématiquement dans une version simplifiée
par le schéma de la figure (3).

if uf (R f , L f )
ia

ua

( R a , La )
TCh
( J ,b)

Figure 3. Représentation schématique simplifiée d’un moteur à courant continu

Les modèles bond graphs en causalité intégrale et en causalité dérivée sont représentés sur les figures (4) (a) et
(b) D’après les règles précédentes, ce modèle est commandable et observable car tous les éléments dynamiques
peuvent avoir une causalité dérivée (figure 5).

I La
I J
I La I J

MSe 1 GY 1 Df MSe 1 GY 1 Df
ua k ua k

(a) (b)
R Ra R b R Ra R b

Figure 4 Moteur à CC (induit seul) - (a) BG en causalité intégrale – (b) BG en causalité dérivée

-5-
Une approche algébrique permet néanmoins de mieux cerner certaines propriétés des variables dynamiques, mais
aussi de la variable de commande .Ce système comporte une variable d’entrée u  u a , une variable de sortie
y   et 2 variables d’état choisies comme x1  i a et x 2   . En supposant un comportement linéaire, les
équations d’état s’écrivent comme :

 Ra k 1
 x1   L x1  L x 2  L u
 a a a
 x  k x  b x
 2 J 1 J 2

En choisissant comme variable de sortie y    x 2 , il vient :




x2  y
 J b
 x1  ( y  y )
 k J
 J Ra b R b k2
u  ( y  (  )  ( a 
y )y
 k La J La J La J

c'est-à-dire que le modèle est commandable et observable. La variable de sortie choisie ici est une sortie plate et
il apparaît clairement que pour une trajectoire totalement spécifiée de la grandeur de sortie, si la grandeur est
dérivable (ce qui est souvent justifiée pour des contraintes physiques), alors la grandeur de commande est
totalement spécifiée à l’aide de la variable y   et de ses dérivées. C’est une commande en boucle ouverte. Un
bouclage sur une grandeur d’erreur permet d’asservir le système. La procédure est tout à fait semblable pour un
système ayant un comportement non linéaire. Cette propriété est un cas particulier de la propriété d’inversibilité
qui exprime la possibilité d’exprimer le vecteur des variables de commande en fonction du vecteur des variables
de sortie, ou plus simplement l’inversibilité de la matrice de transfert pour les modèles linéaire. De nombreux
exemples sont traités par approche bond graph dans (Achir 2005).

Propriété 4 Un modèle bond graph linéaire est inversible si et seulement s’il existe m chemins causaux entrées-
sorties disjoints.

Des chemins causaux sont disjoints s’ils ne contiennent pas d’élément dynamique en causalité intégrale en
commun. Si plusieurs choix de chemins causaux entrées-sorties disjoints sont possibles, il faut vérifier que les
gains des chemins ne s’annulent pas.

4 Conception de l’architecture de commande et mesure

Considérons le circuit électrique choisi volontairement très simple, figure 6.a) et ses modèles bond graphs
associés BGI, figure 6.b) et BGD, figure 6.c). Les 3 éléments dynamiques du modèle BGI ont une causalité
intégrale, ce qui indique que le modèle est d’ordre 3, et le modèle BGD contient un élément dynamique
conservant une causalité intégrale, ce qui implique que le modèle ne sera commandable et observable que si
l’actionneur et le capteur sont positionnés à un endroit bien choisi, c’est à dire pour le modèle bond graph à une
position permettant d’éliminer la causalité intégrale sur le modèle BGD en appliquant les procédures des
propriétés 1 et 2.

I : L1 C : C1 I : L2 I : L1 C : C1 I : L2
L1 C1 L2

1 0 1 1 0 1

5.a) Schéma électrique 5.b) Modèle BGI 5.c) Modèle BGD


Figure 5. Schéma électrique et bond graphs associés

-6-
La figure 6 représente une instrumentation possible du circuit électrique avec une source de courant u  I et un
capteur de courant y  A . Il est clair qu’à partir du modèle bond graph BGD, figure 6.b), le modèle d’état
associé n’est pas commandable car il n’est pas possible d’obtenir une causalité dérivée pour l’élément
dynamique I : L1 (la dualisation de la source de commande MSf : u est impossible) alors que le modèle est
observable, car la dualisation du détecteur Df : y permet d’obtenir une causalité dérivée pour l’élément I : L1 .

I : L1 C : C1 I : L2

e1 e2
A
C1 1 0 1 Df : y
L1 I
L2
MSf : u

6.a) Schéma électrique 6.b) Modèle BGD


Figure 6. Schéma électrique instrumenté et bond graph BGD associé

5 Modèle non commandable

Lorsqu’un système représenté par un modèle d’état n’est pas commandable, certaines dynamiques sont fixes et
ne peuvent donc pas être modifiés par une commande appropriée. D’un point de vue mathématique, certains
pôles sont fixes. Il est nécessaire de connaître leur valeur pour conclure sur la propriété de stabilité du système
asservi. Différentes approches mathématiques existent, comme la décomposition dite de Kalman faisant
apparaître explicitement 4 types de sous espaces.

L’approche structurelle (ou bond graph) consiste à étudier le rang structurel de la matrice A B  . Lorsque celle-
ci n’est pas de rang maximal, alors elle contient des combinaisons linéaires entre les lignes, identiques à celles de
la matrice de commandabilité. Rappelons que les pôles non commandables pour un modèle bond graph sont des
pôles nuls, ce qui n’est pas le cas pour un modèle d’état quelconque. Un modèle bond graph n’est pas
commandable lorsqu’un élément dynamique conserve la causalité intégrale en appliquant la propriété (4). A
partir de cet élément dynamique et les relations causales entre cet élément et les autres éléments dynamiques, il
est possible de caractériser « la partie » non commandable suivant les différentes formulations précédentes.

Le modèle bond graph de la figure (6.b) n’est pas commandable. En notant e1 et e 2 les variables d’effort des
liens associées aux éléments dynamiques I : L1 et I : L2 et en appliquant les règles causales classiques, il vient
e1  e 2 , soit e1  e 2  0 , ou en utilisant les variables d’état associées x1  x 2  0 , soit s ( x1  x 2 )  0 (s :
opérateur de dérivation) qui représente la « partie non commandable ». Cette relation s’obtient aussi à partir de
l’équation d’état, mais l’approche graphique permet d’identifier directement les relations linéaires associées à la
partie non commandable.

Comme il a été vu sur cet exemple, la caractérisation de la « partie » non commandable est relativement simple à
définir. Pour la propriété d’observabilité, la caractérisation est moins intuitive. Un défaut de rang dans la matrice
d’observabilité implique une combinaison linéaire entre les colonnes de la matrice, qui n’implique pas comme
dans le cas de la propriété de commandabilité une relation entre les variables d’état. L’approche algébrique
consiste à montrer que toutes les variables d’état s’exprime en fonction des variables de sortie, d’entrée et de
leurs dérivées, ce qui n’est pas direct et montrer qu’il n’est pas possible de trouver de telles relations n’est pas
non plus aisé. La notion de dualité permet de contourner le problème en étudiant la propriété de commandabilité
car il y a dualité entre commandabilité et observabilité. Ce concept n’est pas rappelé ici, mais et largement
discuté dans (Rudolph 1996) et développé pour l’approche bond graph dans (Lichiardopol 2007).

6 Conclusion
L’étude d’une architecture de commande et de mesure fait partie intégrante de la conception intégrée des
systèmes. Différentes techniques peuvent être employées, suivant la nature des modèles choisis. Nous avons
proposé une approche bond graph, basée sur des concepts théoriques relatifs aux modèles d’état. Cette approche
bond graph est purement graphique. Elle permet d’effectuer un retour sur le modèle mais aussi de choisir
l’architecture de commande et de mesure la mieux appropriée pour un objectif fixé.

-7-
Références

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1963.
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1973.
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H.H. Rosenbrock: “State space and multivariable theory”, Nelson, Londres, 1970.
G. Basile and G. Marro, “Controlled and conditioned invariant subspaces in linear system theory”, Journal of
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de doctorat, Ecole Centrale de Lille, Université des Sciences et Technologies de Lille. 2005
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Ecole Centrale de Lille. 2007

Christophe Sueur est Professeur d’Université à l’Ecole Centrale de Lille, membre de l’équip
« Bond Graphs » au LAGIS UMR 8146. Ses travaux de recherche portent principalement sur
l’analyse et la commande des systèmes physiques modélisés par bond graph, par divers
approches (structurelle, algébrique et géométrique). Les principaux domaines d’application
sont la mécatronique et le génie électrique. Il est co-auteur de 2 livres. Il a encadré plus de 10
thèses et publié plus de 80 articles et communications dans des journaux internationaux et des
conférences internationales.

-8-
Chapitre III - Synthèse d’observateurs

Observer design

Résumé : Ce chapitre est consacré à la synthèse d’un observateur de Luenberger à l’aide de manipulations
causales sur le modèle bond graph. La procédure est mise en oeuvre sur l’exemple du moteur à courant continu.

Mots clefs : Analyse structurelle, calcul formel, observabilité structurelle, redondance, observateur, Bond
graph.

Abstract: This chapter is devoted to Luenberger observer design using causal manipulations on the bond graph
model. The methodology is implemented on a DC motor example.

Keywords: Structural analysis, formal calculus, structural observability, redundancy, observer design, Bond
graph.

1 Introduction
La connaissance de l'état d’un système est fondamentale pour la commande et la surveillance. Or le manque
d'instrumentation en ligne (l'état n'est pas entièrement accessible à la mesure) impose la synthèse d’observateurs
dont le rôle est d’estimer tout ou une partie de l'état. Il existe une multitude d’observateurs dont l’utilisation
dépend du système qu’on souhaite observer (linéaire ou non linéaire, continu ou échantillonné,….). Ils peuvent
être d’ordre plein ou réduit, ils peuvent être : de Luenberger, proportionnel intégral, de Kalman, à grand gain, à
entrées inconnues, étendu, adaptatif, à mode glissants, flous, à base de réseaux de neurones,…… Pour les
concevoir, les approches algébriques, géométriques, graphiques,…., ont été utilisées. Pour les systèmes linéaires
déterministes, un des observateurs les plus utilisés est celui de Luenberger [1]. Ce type d'observateur linéaire est
conçu tel que la différence entre les états du système et ceux de l'observateur convergent vers zéro quelles que
soient les conditions initiales.
L’outil bond graph a été utilisé pour la synthèse de l’observateur de Luenberger dans le cas des systèmes
linéaires ([2],[3],[4], [5]). Les méthodes proposées se basent sur la construction du modèle bond graph de
l’observateur, mais le calcul de son gain se fait par les méthodes classiques basées sur les équations d’état (figure
4). Dans ([6],[7],[8],[9],[10],[11]), les observateurs de Luenberger d’ordres complet et réduit, proportionnel
intégral, à entrées inconnues et de grand gain ont été proposées. L’originalité de ces travaux réside dans le fait
que le bond graph a été utilisé aussi bien pour la construction du modèle de l’observateur que pour le calcul des
gains. Nous avons choisi de présenter le cas le plus simple et le plus répandu, à savoir l’observateur de
Luenberger d’ordre complet.

2 Position du problème

Considérons un système linéaire à temps invariant modélisé par l'équation (1):


x  Ax  Bu
(1)
y  Cx

avec , et ; le vecteur x regroupe les variables d’état du modèle, u ses entrées et y


ses sorties mesurées.

L'observateur de Luenberger est défini par l’équation (2) :


xˆ  Axˆ  Bu  K ( y  yˆ )
(2)
yˆ  Cxˆ

et regroupent respectivement les vecteurs d’état et de sortie estimés. Le terme représente une
injection linéaire de la sortie, avec K le gain de l’observateur.
Le modèle dynamique de l’erreur d’estimation, , obtenu pour cet observateur est alors :

(3)

Un calcul matriciel classique permet de déterminer la matrice de gain K pour un choix judicieux des pôles de
l’observateur .

3 Procédure bond graph pour la construction de l’observateur

Cette procédure se compose de 4 étapes:

Etape 1. Vérification de l’existence d’éventuelles sorties redondantes


Etape 2. Vérification de l’observabilité structurelle du modèle
Etape 3. Construction du modèle bond graph de l’observateur
Etape 4. Calcul du gain de l’observateur

Considérons l’exemple d’un moteur à courant continu, dont la mise en équation a été détaillée dans le chapitre 1
(la dynamique de l’inducteur est négligée).

I La
I J
I La I J

MSe 1 GY 1 Df MSe 1 GY 1 Df
ua k ua k

(a) (b
R Ra R b R Ra R b

Figure1 Moteur à CC - (a) BG en causalité intégrale – (b) BG en causalité dérivée

Etape 1. Vérification de l’existence de sorties redondantes


L’existence de sorties redondantes est la première condition à vérifier pour la construction de l’observateur.
L'intérêt d'éliminer les sorties redondantes est d’éviter des calculs inutiles. En effet la sélection des sorties non
redondantes permet de calculer le gain K avec des dimensions minimales. L’existence de sorties redondantes
peut être vérifiée en calculant le rang de la matrice de sortie C (différence entre le nombre de détecteurs De et
Df, et celui des détecteurs qui ne peuvent pas être dualisés dans le BGI)..

Cette étape n’est pas très utile dans le cas du moteur CC, puisque le modèle ne dispose que d’un seul détecteur.

Etape 2. Vérification de l’observabilité structurelle du modèle


L'observabilité structurelle du modèle est une condition nécessaire pour la construction d’un observateur de
Luenberger. Elle peut être vérifiée en utilisant le modèle bond graph (voir chapitre 2).

Sur le BGD figure 1(b), tous les éléments I admettent une causalité dérivée, donc le modèle est structurellement
observable par le détecteur Df.

Etape 3. Construction du modèle bond graph de l’observateur


L’objectif de cette étape est de construire le modèle bond graph équivalent à l’équation de l’observateur
(équation 2). Ce modèle, noté BGO, est composé du modèle BGI auquel s'ajoute le terme . Les figures
2 et 3 représentent l’injection linéaire de la sortie dans les éléments dynamiques I et C, en utilisant des sources
modulées de flux pour un élément I et des sources modulées d'effort pour un élément C.
Figure 2. Cas de l'élément I Figure 3. Cas de l'élément C

Le modèle bond graph de l’observateur BGO du moteur est donné figure 4.

R Ra R b

MSe 1 GY 1 Se : -Tch
ua k

1 I La 1 I J

MSe MSe K
K2
K y  yˆ
K1

Figure 4 Modèle BGO de l’observateur pour le moteur CC

Etape 4 : Calcul du gain de l’observateur


Le calcul du gain de l’observateur peut se faire de deux manières. La première consiste à calculer l’équation
d’état à partir du modèle bond graph (chapitre 1) et déterminer le gain K par les méthodes classiques. La
seconde est basée sur le calcul formel du polynôme caractéristique directement à partir du modèle bond
graph de l’observateur (figure 4) en utilisant les chemins causaux et boucles causales comme indiqué en chapitre
1. Cette dernière utilise exclusivement des manipulations causales sur le modèle bond graph sans aucun calcul.

Le gain de l’observateur de Luenberger est obtenu en identifiant le polynôme caractéristique de l’observateur


au polynôme désiré pour placer les pôles de l’observateur.

Figure 5. Méthode basée sur le calcul de l’équation Figure 6. Méthode basée sur l’utilisation directe du
d’état BGO

Les variables d’état pour le moteur sont associées aux deux éléments I en causalité intégrale. Le modèle est donc
d’ordre 2 (cf chapitre 1) : x  x1 x 2    La p Jm 
T T

Le polynôme caractéristique de la matrice d’état correspond au dénominateur de la fonction de transfert


(équation (6) chapitre 1) soit :
Ra b k2 R b
PA ( s)  s 2  (  )s  (  a ) (4)
La J La J La J
Avec les valeurs numériques Ra  0.25 , La  8.9e 3 H , J  5kg.m 2 , b  0.2 Nms / rad ,
k  1.5 Nm / A , le polynôme devient PA ( s )  s  28.13s  51.69 dont les racines valent -1.976 et -26.15.
2

Les pôles de l’observateur, racines du polynôme caractéristique désiré, sont choisis pour qu’ils soient légèrement
plus rapides que ceux du modèle. Nous retenons les valeurs -3 et -30, d’où Pd ( s )  s 2  33s  90 .

Le polynôme caractéristique en boucle fermée P( A KC ) ( s ) est déterminé à partir du BGO avec la même
méthode que celle utilisée pour calculer PA (s ) sur le BGI (cf chapitre 1), d’où
Ra b  K 2 k ( k  K 1 ) Ra (b  K 2 )
PA KC ( s )  s 2  (  )s  
La J La J La J
L’identification terme à terme de Pd (s ) et P( A KC ) ( s ) conduit aux valeurs des gains de l’observateur
K 1  2.91 et K 2  24.35 .

4 Simulations

Les simulations sont réalisées avec le logiciel 20-sim [14]. Le paramètre de frottement pour le modèle de
l’observateur a été fixé à une valeur inférieure de –10% par rapport à celle du modèle du système.

La figure 7 donne le schéma du système et de l’observateur.

Système
I La I J

MSe
Tch
MSe 1 GY 1
ua k

R Ra R b Tcharge

erreur_w
u_alim

erreur_ia

R Ra_obs R b_obs

MSe 1 GY 1 MSe
ua_obs k_obs Tch_obs

1 I La_obs 1 I J_obs

MSe MSe K
K2
K
K1 observateur
Figure 7 Moteur à CC et son observateur

La figure 8 représente la tension d’alimentation de l’induit et le couple de charge.


15
ua
10

Tcharge
0

-5

-10

-15
0 1 2 3 4 5 6 7
time {s}

Figure 8 Variables d’entrée du moteur et de son observateur

Les figures 9 et 10 montrent que les variables estimées suivent très bien les variables du modèle du système,
puisque les courbes sont indiscernables l’une de l‘autre.

mcc_observ

40 ia
i_est

30

20

10

0 1 2 3 4 5 6 7
time {s}

Figure 9 Courant d’induit et sa valeur estimée

mcc_observ
10
w
9 w_est
8

0
0 1 2 3 4 5 6 7
time {s}

Figure 10 Vitesse angulaire de l’arbre et sa valeur estimée

La figure 11 montre que les erreurs d’estimation de l’observateur de Luenberger sont très faibles.

mcc_observ
0
erreur_w
-0.002

-0.004

-0.006

-0.008

erreur_i
0

-0.02

-0.04

-0.06

-0.08
0 1 2 3 4 5 6 7
time {s}

Figure 11 Erreurs d’estimation


5. Conclusion
La procédure présentée permet la construction d’un observateur de Luenberger d’ordre complet dans le cas des
modèles linéaires. Cette méthode est basée exclusivement sur le des manipulations causales opérées sur le
modèle bond graph. Comme indiqué en introduction, de nombreux autres observateurs peuvent être synthétisés
par bond graph en utilisant des procédures équivalentes. L’intérêt majeur de cette approche réside dans le fait
que les modèles bond graphs ont un vrai sens physique et donnent accès à de nombreuses variables « d’effort »
et « de flux ».

Références
[1] Luenberger, D., “Observers for multivariable systems”. IEEE Transactions on Automatic Control, Vol. 11,
pp. 190-197. (1966).
[2] Karnopp, D., “Bond Graphs in Control: Physical State Variables and Observers”. Journal of The Franklin
Institute, Vol. 308, No. 3, pp. 221-234. (1979).
[3] Costello D. J. et P. Gawthrop. “Physical model – based control: Experiments with a stirred-tank heater”.
Technical Report CSC-95003, Glasgow University Centre for Systems and Control (1995).
[4] Gawthrop, P. J. et Smith, L. P. S., “Metamodelling: Bond Graphs and dynamic Systems”. Prentice Hall.
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[5] Roberts, D. W., D. J. Ballance et P. J. Gawthrop, “Design and Implementation of a Bond Graph Observer for
Robot Control”. Technical Report CSC-95004, Glasgow University Centre for Systems and Control (1995).
[6] César Pichardo Almarza, “Approche bond graph pour la synthèse d’observateurs” , thèse de doctorat, Ecole
Centrale de Lille-Université de Lille (2004)
[7] Pichardo-Almarza, C., A. Rahmani, G. Dauphin-Tanguy, et M. Delgado, “Bond Graph Approach to Build
Reduced Order Observers in Linear Time Invariant Systems”. Proceedings of 4th MATHMOD, Fourth
International Symposium on Mathematical Modelling. (2003a).
[8] C. Pichardo-Almarza, A. Rahmani, G. Dauphin-Tanguy and M. Delgado, Proportional – Integral Observer
for Systems Modelled by Bond Graphs, journal SImulation, Modelling, Practice & Theory (SIMPRA), ,
Elsevier Pub, L. Dekker Ed, vol 13, pp 179-211, april 2005
[9] C. Pichardo-Almarza, A. Rahmani, G. Dauphin-Tanguy and M. Delgado, High Gain Observers for Non-
Linear Systems Modelled by Bond Graphs, Journal of Systems & Control Engineering, Vol 219 Part I , , pp.
477-497, 2005
[10] C. Pichardo-Almarza, A. Rahmani, G. Dauphin-Tanguy and M. Delgado, “Luenberger Observers for
Linear Time Invariant Systems Modelled by Bond Graph”, journal Mathematical and Computer Modelling of
Dynamical Systems, volume 12, n°2-3, April-june 2006, Ed Taylor and Francis
[11] C. Pichardo-Almarza, A. Rahmani, G. Dauphin-Tanguy and M. Delgado, “Using the Bicausality Concept
to Build Reduced Order Observers in Linear Time Invariant Systems Modelled by Bond Graphs”. ECC’2003,
European Control Conference. (2003).
[12] Sueur C. et G. Dauphin-Tanguy, "Bond Graph Approach for Structural Analysis of MIMO Linear
Systems". Journal of the Franklin Institute. Vol. 328, Nº 1, pp. 55-70.(1991).
[13] Rahmani, A., C. Sueur et G. Dauphin-Tanguy, “Pole Assignment for Systems Modelled by Bond Graph”
Journal of the Franklin Institute. Vol. 331, Nº 3, pp. 299-312. (1994).
[14] Controllab Products, 20-sim version 4.0, http://www.20sim.com

Ahmed Rahmani est maître de Conférence HDR (Habilité à Diriger des Recherches) à l’Ecole Centrale de Lille.
Membre du LAGIS (Laboratoire de Génie Informatique et Signal), ses activités de recherche portent sur les
méthodologies de modélisation, d’analyse et commande des systèmes. Les champs d’application concernent la
robotique et le transport intelligent.
Chapitre IV--Diagnostic en ligne à base de modèle
Bond graph.
On-line Diagnosis based on Bond Graph Model.
_______________________________________________________

Résumé : Dans le présent chapitre, est montré comment l’outil bond graph, qui a prouvé son efficacité pour
construire des modèles de connaissances de systèmes physiques pluridisciplinaires, peut être aussi un excellent
support pour la conception des systèmes de surveillance. Du point de vue industriel, un gain en coût est évident car
les propriétés graphiques et causales du bond graph permettent d’analyser les conditions de surveillabilité (aptitude
à détecter et localiser les défauts pouvant affecter les équipements pertinents) avant conception et ensuite dans une
deuxième phase à générer les algorithmes de diagnostic en ligne d’une façon générique. De plus ces procédures sont
automatisées par des outils logiciels dédiés. La méthodologie est illustrée sur un moteur à courant continu.

Abstract
In the present chapter it will be shown how bond graph tool efficient as multidisciplinary dynamic modeling
language can be used for design of diagnosis systems. From an industrial point of view, design of such systems is
complex and costly. This is why use of generic and unified approach for this task before industrial start up is needed.
Indeed structural and causal properties of bond graph are exploited for diagnosability (ability to detect and isolate
faults which may affect pertinent equipments) before design and diagnosis algorithms generation for on line
monitoring. Moreover, those procedures can be automated using dedicated software. The methodology is illustrated
using a DC motor.
Mots clefs : Diagnostic, Bond graph, Détection et localisation de défauts, Placement de capteurs, Surveillabilité
structurelle.
Keywords: Diagnosis, Bond graph, Fault Detection and Isolation, Sensor Placement, Structural Diagnosability.

1. INTRODUCTION

Si le contrôle et la régulation industrielle sont largement maîtrisés par le monde industriel, la


surveillance en ligne est peu développée. Une ambigüité dans sa définition la réduit souvent à des tâches de
suivi de paramètres (dit monitoring) ou de gestion d’alarmes par un seuillage des variables. L’amélioration
de la sûreté de fonctionnement des systèmes repose essentiellement sur les algorithmes de détection et
d’isolation des défauts en ligne, connus sous l’expression anglaise Fault Detection & Isolation (FDI).
L’outil bond graph, qui a prouvé son efficacité pour construire des modèles de connaissances de
systèmes physiques pluridisciplinaires, peut aussi être un excellent support pour l’étude de la surveillance
des systèmes industriels. C’est dans cet objectif que nous développons depuis une quinzaine d’années des
outils et méthodes pour la conception intégrée des systèmes de supervision allant de la modélisation, la
génération d’algorithmes de diagnostic robuste en ligne et les moyens de reconfiguration dans des modes
dégradés [1] [2].
Le présent travail présente la démarche méthodologique pour le diagnostic en ligne des systèmes
décrits par des modèles bond graphs. Cette démarche systématique de conception de système de
surveillance est basée sur les propriétés causales, structurelles et comportementales du bond graph. C’est
pourquoi ces procédures sont automatisées à l’aide d’un outil logiciel décrit dans la revue REE [3].
Après une présentation du principe et des méthodes de diagnostic, la troisième section concerne la
méthodologie bond graph pour la conception du diagnostic en ligne des systèmes industriels. La démarche
sera illustrée par une application pédagogique sur un moteur à CC.
2. PRINCIPE DU DIAGNOSTIC
La figure 1 présente les étapes d’un système de diagnostic en ligne. Le cahier des charges dans un
système de surveillance consiste (sur la base de l’architecture d’instrumentation) à spécifier les
équipements pertinents à surveiller, tout en minimisant les fausses alarmes, les non détections ainsi que les
retards dans la détection.

Défauts Processus réel


Modéle
Capteurs
- Comportement
+
Comportement de référence
réel
Erreur
1. Détection
DETECTION
Est-ce réellement
Alarme une faute ?

Cahier des 2. Localisation


charges DECISION
Quel est le composant
Composants défectueux ?
défectueux
3. Diagnostic
Type de DIAGNOSTIC Quel type de
défaut
défaut?

Figure 1 : Etapes d’un système de diagnostic.

La première étape dite de détection consiste à décider entre deux hypothèses H0 (le système est en
mode de fonctionnement normal) et H1 (le système est en mode de fonctionnement défaillant). Elle est
donc obtenue en testant la cohérence entre le fonctionnement réel (fourni par des capteurs) avec ce qu’il
devrait être sous l’hypothèse de fonctionnement normal : cela implique que l’on dispose d’un modèle du
fonctionnement normal obtenu par apprentissage ou d’une manière analytique, et que l’on produit une
alarme lorsque l’on détecte des différences.
La procédure de décision conduit à définir des seuils qui permettent d'accepter avec un risque raisonnable
une non-détection ou une fausse alarme. La problématique consiste à distinguer les perturbations et les
incertitudes de mesure et de paramètres des défaillances.
La localisation consiste en un filtrage des alarmes pour retrouver leur origine et isoler le composant
défectueux. On fait appel alors à des signatures de pannes répertoriées.
Si le défaut est ''tolérable'', le système peut continuer à fonctionner. S’il est par contre conditionnellement
tolérable, alors le système continuera à fonctionner, mais dans un mode dégradé en attendant qu'une
maintenance soit effectuée. Cette partie est traitée par les méthodes de la commande tolérante aux fautes
(ou Fault Tolerant Control FTC en anglais). Un ouvrage consacré à cette démarche peut être consulté dans
[4]. Les étapes décrites sont réalisées en ligne.
Une fois la faute localisée, il faut identifier les causes précises de cette anomalie. On fait alors appel à des
signatures définies par des experts et validées après réparation des dysfonctionnements. Cette étape dite de
diagnostic est réalisée hors ligne.
Dans l’industrie, les premières méthodes de diagnostic furent basées sur la redondance des matériels
jugés critiques pour le fonctionnement du système. Cette approche entraîne un coût important en
instrumentation, s'avère simple et facile à implanter, mais se limite à la surveillance des capteurs : les
défaillances physiques ne peuvent pas être détectées. Les progrès réalisés dans le domaine des calculateurs
permettent aujourd’hui la mise en œuvre des méthodes modernes de l’automatique et de l’intelligence
artificielle. Ces nouvelles approches permettent d’éliminer en partie, voire même en totalité, la redondance
matérielle pour le diagnostic.
En fonction du type de modèle utilisé, on distingue les méthodes dites à base de modèle analytique et
les méthodes sans modèles (dites à base de signal ou sans modèle a priori). Les méthodes sans modèles ne
disposant pas de modèles opératoires, font alors appel à des procédures d’apprentissage d’intelligence
artificielle ou de reconnaissance de formes qui consistent à classer automatiquement des formes dans des
2
modes (classes) connus a priori. Par conséquent, ces techniques doivent connaître a priori tous les états de
fonctionnement (normal et défaillant), ce qui est souvent inacceptable dans les systèmes réels.
Les performances des méthodes à base de modèles dépendent fortement du modèle utilisé. Une fois ce
dernier généré, les indicateurs de défaillances peuvent être déduits à partir du modèle mathématique en
mode défaillant et normal. Ces indicateurs de fautes sont représentés par les Relations de Redondance
Analytique (RRA).

3. METHODOLOGIE BOND GRAPH POUR LA SURVEILLANCE EN LIGNE


L'outil bond graph a été initialement utilisé pour la modélisation des systèmes physiques. L'idée
d'utiliser une seule représentation (le bond graph) pour la modélisation, l'analyse et la synthèse des lois de
commande en exploitant la causalité est récente. Plusieurs travaux ont été développés dans ce domaine [cf.
d’autres chapitres dans cette revue). La surveillance, avec ses aspects détection et localisation des
défaillances, mais aussi le choix et le placement des capteurs trouve aussi un intérêt à l’existence d’un tel
modèle.
Au regard des travaux existant sur ce thème, la contribution de la présente démarche se situe à plusieurs
niveaux :
 La démarche est une approche complète pour la conception d'un système de supervision : elle consiste
à générer des modèles dynamiques (en mode normal et défaillant), des algorithmes formels de
surveillance à partir non pas des équations mathématiques mais du procédé physique à surveiller. La
démarche est générique et flexible et n'utilise qu'une seule représentation: le bond graph.
 L'algorithme de génération des RRAs à partir du modèle bond graph n'est pas seulement limité à des
formes particulières du modèle (polynomiale pour la théorie de l'élimination ou linéaire pour la
méthode par projection dans le cas de l'espace de parité) mais aussi à des modèles donnés sous forme
empiriques.

3.1 Etapes du diagnostic par Bond graph

 Cahier des charges et modélisation

Afin d’illustrer la méthodologie, on considère le diagnostic d’un moteur électrique. Le schéma de


principe et le modèle bond graph en causalité intégrale sont donnés (fig.2). La construction du modèle bond
graph a été détaillée dans le premier chapitre. Le courant d’inducteur if supposé constant. Soit
  RA LA RM J M k  le vecteur paramètres.
Les performances du système à surveiller dépendent principalement de l’architecture d’instrumentation.
Elle est constituée dans le cas étudié des capteurs de courant dans le stator (mesuré par le capteur de flux
noté Df:im) et celui de vitesse angulaire représenté par Df:ωm. On se propose en qualité de cahier des
charges de déterminer les conditions de surveillabilité des composants suivants : les capteurs de courant et
vitesse, la partie électrique et la partie mécanique du moteur, la charge et les défauts pouvant affecter les
phénomènes de transformation de l’énergie électrique en l’énergie mécanique.

3
im
RA LA
m
 , 
i
Se : U A Se :  L

J M , RM 
Partie électrique Partie mécanique

R:RA R:RM
Df : im Df : m
U R iA R 
UA Ue MGY e L Se :  L
MSe : U A 1 1
iA :K(i f )

UI iA
I 
if
I:LA I:JM
Figure 2 : Moteur électrique et son bond graph

 Surveillabilité structurelle

Une Relation de redondance analytique (RRA) est une contrainte calculée à partir d’un sous système
surdéterminé et observable et exprimée en termes de variables connues du processus. Elle a la forme
symbolique suivante:
F(K)=0
L’évaluation numérique d’une RRA conduit à un résidu r: r -f(K)  0 dont la valeur numérique en
l’absence de défaillances doit être nulle. Dans une représentation par bond graph, la relation d’une RRA
devient:

F ( De, Df , Se, Sf , MSe, MSf ,  )  r  0 .

Ce résidu ou indicateur de faute exprime l'incohérence entre les informations disponibles et les
informations théoriques fournies par un modèle (supposées décrire correctement le processus).
Les conditions initiales dans les processus industriels ne sont pas connues en général, c’est pourquoi le
modèle bond graph initial utilisé pour le diagnostic est mis en causalité dérivée. Le modèle bond graph du
moteur à CC en causalité dérivée est donné figure3.
En plus de ses propriétés causales, le modèle bond graph possède des propriétés structurelles permettant de
représenter un système par un graphe bipartite : G( C , A, Z ) avec deux partitions : l’ensemble des
contraintes C (modèles) et l’ensemble des variables Z. A est l’ensemble des arcs défini comme suit : (ci ,
zj)A ssi la variable zj apparaît dans la contrainte ci.

R:RA SSf : im R:RM SSf : m


U R iR  R R

MSe : U A UA Ue e L Se :  L
1 MGY 1
ie
:K(i f )
e
U L iL  I I
if
I:LA I:JM
Figure 3 : Modèle bond graph de diagnostic

4
L’ensemble des contraintes C est représenté par l’union des contraintes structurelles (équation de
conservation d’énergie issues des jonctions), de comportement (comment l’énergie est transformée, issues
des équations constitutives des éléments bond graph), des équations de mesure (issues des équations des
détecteurs).
Les variables sont constituées des variables connues K et inconnues X. Les variables connues K sont celles
des détecteurs et des sources et les variables inconnues X sont celles des liens de puissances dans les éléments
C, I et R
L’ensemble des contraintes pour le moteur est déduit directement du modèle bond graph (fig.3):
C J 1 A : U A  U R  U L  U e  0, iR  iI  ie  i
C : U  R i  0
 RA R A R

 d
CLA : U I  LA dt iL  0

CGY 2 :  e  K ( i f )ie  0
C
 J 1M :  L   R   I   e  0,R  L  e  
 (1)
 CGY 1 : U e  K ( i f ) e  0
C : F (  , )  0
 RM RM R R
C :   J d   0
 JM I M
dt
I


Cm1 : i  im
Cm 2 :   m
auxquelles sont ajoutées les contraintes de dérivation :
di
Cd 1 : z1 
dt
(2)
d
Cd 2 : z 2 
dt

Les variables inconnues et connues déduites du modèle bond graph du moteur sont :

 X  U R ,iR  U L ,iL  U e ,ie   e ,e  I ,I   R ,R 


 .
 K  im , m  U ,
A L 

Aux variables inconnues sont ajoutées les variables z1 et z2.

 Génération des indicateurs de fautes

L’algorithme de génération des RRAs à partir du modèle BG est réalisé selon les étapes suivantes :
1. Mettre le modèle bond graph en causalité dérivée en inversant les causalités des capteurs. Ainsi les
capteurs deviennent des sources d’information notées SSf ou SSe (source de signal).
2. Ecrire l’équation de structure de jonction 0 et 1 (représentant la conservation de puissance) contenant au
n n
moins un détecteur: e
i 1
i  0, ou f
i 1
i  0,

 éliminer les variables inconnues (ei ou fi) en parcourant les chemins causaux sur le bond graph de la
variable inconnue vers une variable connue (capteur ou source),
 pour tout détecteur dont la causalité est inversée, une RRA est déduite,

5
 pour tout détecteur dont la causalité ne peut pas être inversée une RRA est déduite en mettant à
égalité sa sortie avec la sortie d’un autre détecteur de même nature (redondance matérielle) situé
dans la même jonction.
La signature du résidu est ensuite aisément déduite : en effet la RRA est sensible aux défauts associés aux
paramètres et capteurs contenus dans son expression et au défaut physique lié à l’équation de conservation.
Une RRA déduite par exemple de l’équation de conservation de masse ou d’énergie sera sensible à une
fuite de la matière ou d’énergie. De plus les paramètres ont un sens physique plus explicite que les
équations déduites par le premier principe ou d’état.
L’équation de structure issue de la jonction 1 de la partie électrique (fig.3 ) est :

CJ 1 A : U A  U R  U L  U e  0

Les variables U A ,U R ,U L et U e sont inconnues. Elles seront éliminées sur le graphe par un parcours du
chemin causal de la variable inconnue à une variable connue (capteur ou source d’énergie) comme suit :

U A  MSe
U  C  i  C  SSf : i
 R RA R m1 m
 (3)
U
 L  C LA  z1  C d1  iL  C m1  SSf : im
U e  CGY 1  e  Cm 2  SSf : m

3. On génère alors la première RRA en remplaçant dans l’équation de jonction les variables inconnues par
leurs expressions :
di
RRA1  MSe  RAim  LA m  Km (4)
dt
4. On passe à la jonction suivante.
C J 1M :  R   I   e   L  0 (5)
La même procédure conduit à la RRA suivante :
dm
RRA2   Se  FRM ( m , RM )1  J M  Kim (6)
dt
5. Si la seconde RRA est indépendante (signature différente) de la première, alors elle est gardée sinon elle
est rejetée. Le lecteur pourra par exemple vérifier que les RRAs déduites des équations de conservation du
Gyrateur sont dépendantes de celles obtenues à partir des jonctions 1.
Finalement répéter les points 4 jusqu’à obtention de l’ensemble des RRAS indépendantes. Ce processus
d’élimination des variables inconnues se ramène à un graphe orienté montrant l’ordre de calcul de la RRA
(fig.4).

3.2 Décision
 Matrice de Signature de Fautes
La structure des RRAs forme une Matrice de Signature de Fautes (MSF) binaire Sji qui nous renseigne sur
la sensibilité des résidus (Ri) aux défaillances des composants du processus physique (capteurs, actionneurs,
régulateurs, éléments physiques). Les éléments de la matrice sont définis comme suit:
1 si le R i est sensible au j ème défaut
Sij  
0 sinon

6
Cm1 C RA
iR
SSf : im CJ 1 A
MSe : U A

CLA UR
Cd 1
z1 UI
iL

CGY 2 Ue
ie

Cm 2 CGY 1
e Ue C J 1M
SSf : m
Se :  L
Cd 2 C JM e
I z2 I
R
C RA
R

Figure 4 : Graphe orienté issu du bond graph

La MSF fournit la logique pour la localisation des défaillances détectées durant le fonctionnement du
système. La figure 5 (a) représente la MSF du moteur. Chaque composant a une signature représentée par
un vecteur ligne de la matrice. Une défaillance l’affectant est localisable si et seulement si sa signature est
unique, i.e. différente des signatures des autres composants.
L’objectif de la procédure de localisation est de fournir à l’opérateur la liste des composants défaillants
(choisie en fonction du cahier des charges). Mb (Monitorability) et Ib (Isolability) représentent respectivement
les indices booléens de détectabilité et d’isolabilité. On voit que tous les défauts pouvant affecter les
composants sont détectables mais aucun n’est isolable.

Ri/fautes Mb Ib R1 R2 Ri/fautes Mb Ib R1 R2 R3
Mse 1 0 1 0 Mse 1 0 1 0 0
im 1 0 1 1 im 1 0 1 1 0
ωm 1 0 1 1 ωm 1 1 1 1 1
GY 1 0 1 1 GY 1 0 1 1 0
Elec. 1 0 1 0 Elec. 1 0 1 0 0
Méca. 1 0 0 1 Méca. 1 0 0 1 0
Charge 1 0 0 1 Charge 1 0 0 1 0

(a) ωm1 1 1 0 0 1

(b)

Figure 5 : MSF du Moteur (a) et avec capteur redondant (b)

 Placement de capteurs

La surveillabilité d’un système industriel dépend du nombre et de placement de capteurs. Grâce à son
architecture graphique le modèle bond graph permet un placement explicite de capteurs. On peut soit
proposer un placement combinatoire de capteur comme développé dans [4] ou d’une façon graphique
« manuelle» directement sur le bond graph (cf. Fig.6). A titre d’exemple, un ajout de capteur m 2
redondant à celui placé dans la partie mécanique m1 permet d’améliorer la surveillabilité du système

7
global comme l’indique la MSF de la figure 5(b). Le capteur redondant ne peut pas être dualisé sans
introduire un conflit de causalité sur la jonction 1. Une RRA matérielle R3 est alors déduite.

!!! Ce capteur redondant ne peut pas


être dualisé

SSf : im R:RA R:RM SSf : m1


U R iR SSf : m 2  R R

MSe : U A UA Ue e L Se :  L
1 MGY 1
ie
:K(i f )
e
Conflit de causalité
U L iL  I I ???
if
I:LA I:JM
Figure 6 : Bond graph après ajout d’un capteur

3.3 Implémentation et Automatisation des Procédures

 Niveaux de conception

La conception d’un système de diagnostic peut être réalisée en deux niveaux comme indiqué sur la
figure 7. Le premier niveau est réalisé hors ligne avant conception et permet de déterminer la meilleure
architecture d’instrumentation pour satisfaire le cahier des charges à partir du Plan des Instruments
Détaillés (PI&D) du système. Une fois le meilleur placement de capteurs (assurant la surveillabilité
structurelle en fonction du cahier des charges) fixé, on implémente en temps réel le système de
surveillance. L’opérateur pourra alors vérifier si la MSF déterminé avant conception correspond au réel.

Figure 7 : Conception du système de diagnostic

 Automatisation des Procédures

Les procédures du premier niveau peuvent être automatisées à l’aide d’une boite à outil FDIpad
développé dans le logiciel Symbols2000 et décrit dans [3]. Les résultats d’application sur le moteur obtenus
manuellement ci-dessus sont automatisés selon les étapes suivantes :
Des modèles sous formes génériques encapsulés dans une icône métier (reconnaissable par l’industriel)
sont créés puis connectés pour former le modèle architectural global du moteur (cf.Fig.8a).
La génération du modèle dynamique, des indicateurs de fautes, du cahier des charges et de la MSF sont
générés par une interface conviviale et un menu approprié.
Enfin, un placement de capteur est proposé graphiquement par l’opérateur sur le logiciel pour générer
la nouvelle MSF (fig.9a et b) et satisfaire le cahier des charges.

8
(a)

(b)

Figure 8 : Utilisation de logiciel dédié FDIpad

Figure 9 : Automatisation du placement de capteur

4. CONCLUSION

La réalisation d’un système de surveillance à base de modèle est une opération coûteuse nécessitant
plusieurs étapes complexes. L’outil bond graph par ses propriétés causales et structurelles grâce à son
aspect graphique, et comportemental par son architecture fonctionnel est bien adapté pour la conception de
tels systèmes. Enfin cet outil par ses aspects génériques a permis la mise en place d’un outil logiciel pour
l’automatisation des procédures diminuant le coût de la conception des systèmes de surveillance.
9
Bibliographie

[1] A.K. Samantaray and B. Ould Bouamama « Model-based Process Supervision. A Bond Graph
Approach » . Springer Verlag, Series: Advances in Industrial Control, 490 p. 377 illustrations,
Hardcover, ISBN: 978-1-84800-158-9, 2008.
[2] B. Ould Bouamama, A.K. Samantary, K. Medjaher,, M. Staroswiecki et G. Dauphin-Tanguy. « Model
builder using Functional and bond graph tools for FDI design ». Control Engineering Practice, CEP,
Vol. 13/7, pp. 875-89, 2004
[3] B. Ould-Bouamama « Conception intégrée des systèmes de supervision industrielle. Approche bond
graph ». Revue REE N° 4, Avril 2009, pp.55-59.
[4] M. Blanke, M. Kinnaert, J. Lunze, M. Staroswiecki « Diagnosis and Fault-Tolerant Control ».
Springer-Verlag Berlin Heidelberg New York. ISBN 3-540-01056-4, 2003.
[5] M. Khemliche, B. Ould Bouamama et H. Haffaf. "Sensor Placement for component diagnosability
using Bond graph", Sensor and Actuators Journal, Vol. 132/2, pp.547-556, 2006.

Belkacem OULD BOUAMAMA, est Professeur à l’Ecole Polytechnique de Lille et Directeur


Adjoint chargé de la Recherche. Il est responsable de l’opération transversale « Bond graph et
surveillance » au Laboratoire d'Automatique Génie Informatique et Signal (LAGIS UMR-
CNRS 8146) depuis 1998. Les activités de recherche concernent la Conception intégrée de
systèmes de supervision à l’aide de l’outil Bond graph. Coauteur de plusieurs ouvrages
nationaux et internationaux dans le domaine. Expertise et participation à de nombreux contrats
européens et nationaux. Les applications portent principalement sur les procédés énergétiques et chimiques : centrale
thermique, industrie pétrochimique et pile à combustible.

10
16/10/2011

Chapitre V- Approche bond graph pour la modélisation et la


commande d’un convertisseur de puissance connecté au réseau
électrique

Bond Graph based modelling and control of a power converter


connected to electrical grid

Mots-clé : Bond Graph, électronique de puissance, contrôle de tension.

Key-words : bond graph, power electronics, voltage control

Accroche: Les convertisseurs d’électronique de puissance sont amenés à jouer un rôle de plus en plus important dans
les réseaux électriques. Ils sont devenus des éléments incontournables pour la connexion des énergies renouvelables. Le
mode de connexion des systèmes actuels est toujours basé sur le même principe : synchronisation par rapport à la
tension du réseau au point de connexion, injection d’un courant référencé par rapport à cette tension. On en déduit que
ces dispositifs sont incapables de fonctionner en autonomie puisqu’il leur est indispensable de disposer d’une référence
de tension. Nous proposons d’analyser le modèle et la commande d’un convertisseur qui pourrait fonctionner, en
association avec un élément de stockage, comme une véritable source de tension et suppléer, dans une certaine limite, à
l’absence d’une source de production classique.

L’essentiel: Les convertisseurs d’électronique de puissance sont amenés à jouer un rôle de plus en plus important dans
les réseaux électriques. Ils sont devenus des éléments incontournables pour la connexion des énergies renouvelables.
Actuellement ces dispositifs ont un comportement de type « injecteur de puissance » sur le réseau. Un filtre LC placé
entre le convertisseur et le réseau permet de donner au dispositif un caractère « source de tension » proche de celui
d’une machine synchrone. Ce changement de fonction suppose de modifier la nature de la connexion au réseau mais
aussi la commande de ce convertisseur. Le bond graph est utilisé ici pour faire la modélisation et déterminer la
commande.

Synopsis :

Résumé: Les convertisseurs d’électronique de puissance sont amenés à jouer un rôle de plus en plus important dans les
réseaux électriques. Ils sont devenus des éléments incontournables pour la connexion des énergies renouvelables.
Actuellement ces dispositifs ont un comportement de type « injecteur de puissance » sur le réseau. Un filtre LC placé
entre le convertisseur triphasé pour la connexion de source d’énergie renouvelable au réseau et le réseau lui-même
permet de donner un caractère source de tension à l’ensemble ainsi constitué. La méthodologie bond graph fournit un
modèle de l’ensemble qui est utilisé d’une part comme Modèle In the Loop (MIL) sur une plate-forme temps réel et
d’autre part pour calculer des lois de commande par modèle inverse à l’aide de la bicausalité.
Abstract: Electronic power converters play an important role in electrical grids, particularly for renewable energy
source connection. Presently they behave as power injector on the grid. A LC filter placed between the triphased
converter used for connecting renewable energy source to a grid and the grid itself induces a voltage source behavior to
the set. Bond graph methodology leads to a global model used as Model in the Loop in a real time set-up; it also
provides a general method based on bicausal bond graph and inverse model for control law designing.

1 PRESENTATION DU SYSTEME GLOBAL


La Figure 1 montre le schéma général de connexion d’une source d’énergie renouvelable à une charge au travers d’un
convertisseur d’électronique de puissance.
La source d’énergie peut être de différentes natures : panneaux photovoltaïques, turbine éolienne, micro turbine. Dans
tous les cas de figure, il est nécessaire de passer par un étage continu pour assurer la conversion de l’énergie. Une
régulation de tension du bus continu doit être envisagée.

1
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Le convertisseur d’électronique de puissance joue le rôle d’amplificateur de puissance. Il est formé de 3 cellules de
commutation de 2 interrupteurs chacune.
Le filtrage des harmoniques liés à la modulation de largeur d’impulsion est généralement réalisé par un filtre de type
LR. Le filtrage capacitif ajouté ici permet de donner un caractère « source de tension » à ce dispositif. Les courants dans
les bobines et les tensions aux bornes des condensateurs sont contrôlés.

Figure 1 Système électrique global.

2. MODELE DU CONVERTISSEUR ET DE SON FILTRE ASSOCIE


A cause de la configuration trois fils (sans neutre), seules 2 tensions indépendantes (um1, um2) sont prises en compte dans
la commande [Guillaud & Francois, 2003]. Un des trois courants, choisi ici comme is3 est linéairement dépendant des 2
autres (is1 et is2). Les signaux de commande des interrupteurs (m1, m2) sont définis par:

u m1 u
m1  et m2  m 2 (1)
uS us
où u s est une source de tension constante représentant la source primaire supposée sans fluctuations. Le filtre LC
triphasé est constitué de 3 bobines avec leur résistance interne et 3 condensateurs couplés en triangle. La figure 2
montre le modèle bond graph du convertisseur associé au filtre LC triphasé.

Figure 2 Modèle Bond Graph avec connexion de la charge.

2
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Dans le modèle, les éléments I: Ls3 et C: C12 ont une causalité dérivée. En effet, l’affectation d’une causalité intégrale
introduirait une boucle de causalité de gain unitaire (qui rend tout calcul impossible) entre les liens 12, 15, 17, 19, 20 et
14. Le problème de la boucle de causalité unitaire est observé uniquement pour la configuration des condensateurs en
triangle. Dans une connexion en étoile il n’y aurait pas de boucles de causalité.
Ces causalités dérivées s’interprètent physiquement : elles visualisent graphiquement le fait que le courant is3 dans Ls3
dépend linéairement des courants is1 et is2, et que la tension appliquée aux bornes de C12 dépend des 2 autres tensions
phase-phase.
Finalement, la connexion en étoile de la charge de type RL est faite grâce aux liens 21, 22 et 23.
Quatre détecteurs (Df: is1, Df: is2, De: uc1, De: uc2,) sont placés dans le schéma. Ils représentent les capteurs qui seront
utilisés pour la commande.

3. COMMANDE DU CONVERTISSEUR ET LE FILTRE ASSOCIE


Les commandes du convertisseur (pour le contrôle du courant dans les inductances Ls1, Ls2, Ls3 puis de la tension aux
bornes des condensateurs) sont obtenues à l’aide d’une démarche systématique à partir du modèle inverse déduit du
bond graph affecté de la bicausalité. La procédure consiste à :
- changer les détecteurs de flux (courant) Df (supposées idéaux) associés aux variables de sorties à commander
du bond graph original par des sources de flux associées à une source d’effort nul Se0Sf1 et Se0Sf2 (cf. Figure
3).
- propager la bicausalité (dans une seule ligne de transfert de la puissance) des sorties vers les variables
correspondant aux commandes à déterminer (m1, m2).

Figure 3 Bond graph inverse pour le calcul de la boucle de courant.

Les éléments I situés sur le chemin parcouru avec la bicausalité passent en causalité dérivée (dans l’inversion du
modèle, les intégrations deviennent des dérivations). L’équation (2), donnant la commande en boucle ouverte est issue
du bond graph inverse de la figure 3. Les valeurs numériques des éléments Rsi et Lsi sont supposées identiques pour les
3 phases.

 m1  1   d  2 1  is1   u c1  
     Rs  Ls       (2)

 m2  u s   dt  1 2  is 2   u c 2  

où u c1  v1  v 2  v3 et u c 2  v 2  v1  v3 .

3
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La commande en boucle fermée est calculée en fixant les dynamiques des erreurs (  i  isref  is ) de la manière i i

suivante : i  k p1i i  0 , où kp1i est un gain constant qui est déterminé pour obtenir une réponse en un temps choisi . Il
sera le même pour les deux phases. L’expression (2) devient (3).

 m1  1   d  2 1  is1ref   1   u c1  
    Rs  Ls     (3)

 m2  u s   dt  1 2  is 2 ref   2   u c 2  
et finalement,

 m1  1   2 1   is1  d  is1ref   i  i   u 


     Rs    Ls    Ls k p1i  s1ref s1    c1    (4)
   i  
 m2  u s   1 2   is 2  dt  is 2 ref   s 2 ref  is 2   u c 2   

L’architecture de la commande de la boucle de tension est déduite de la même façon : le bond graph inverse (cf. figure
4) fournit les références de courant utilisées dans l’expression (4). Deux chemins bicausaux disjoints existent entre les
sources Se1Sf0 et Se2Sf0 associées aux tensions à commander (tensions aux bornes de C1 et C2 , la tension pour l’élément
dépendant C12 étant liée directement aux 2 autres) vers les détecteurs De0Df1 et De0Df2 associés aux commandes à
déterminer. Ceci permet de conclure que le modèle est inversible.

Figure 4 Bond graph inverse pour le calcul de la boucle de la tension.

Le bond graph de la figure 4 permet de déduire l’équation (5).


d
is1ref  C 2uc1  uc 2   ir1
dt
(5)
d
is 2ref  C 2uc 2  uc1   ir 2
dt
où i r1 et i r 2 sont les courants dans la charge.
Imposer comme précédemment la dynamique de l’erreur à l’aide d’un gain constant kp2 à fixer conduit à l’expression
(6)
i  
 s1ref   2 1 d  uc1ref  u   
 c1ref uc1   ir1 
   C 
   Ckp2    
uc2ref uc2  ir2 
(6)
is2ref  1 2  dtuc2ref 
      

Pour assurer un gain infini à la fréquence ωn [Lopez de Heredia et al., 2006] et ainsi une erreur nulle en régime
permanent sinusoïdal entre les références de tension uc1ref et uc2ref de pulsation n et les mesures uc1, uc2. le gain kp2 a été

4
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remplacé par un correcteur de type résonant exprimé sous forme de fonction de transfert dans l’équation (7) [Sato et al.,
1998; Guillaud et al., 1999]:

 n s2  n s  n 
C s    2 2 1 2 0  (7)
 s  
 n 

Le réglage des paramètres dans le correcteur résonant est fait en utilisant la méthode de placement des pôles [Leclercq,
2004].
Le schéma complet de la commande est présenté figure 5. La structure de la commande comporte des actions dérivées
sur les références, celles-ci devront être filtrées lors de l’implantation pour éviter d’introduire du bruit dans la
commande.
Sur la figure 5, les éléments L̂ s , R̂s et Ĉ sont des valeurs estimées des paramètres du système actuel.

Figure 5 Schéma complet de la structure de commande.

4. RESULTATS EXPERIMENTAUX

Le modèle du convertisseur et du filtre LC est implanté sur un simulateur de temps réel comme indiqué figure 6, avec
les valeurs numériques suivantes : Ls  0.11mH Rs  0.11 C  22 F Rr  645

Figure 6 Schéma de la mise en œuvre expérimentale.

5
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Les tensions simples (v1, v2, v3) sont transmises à l’amplificateur de puissance qui les applique à des charges externes.
Les courants qui circulent dans la charge sont mesurés et introduits dans le simulateur temps réel via un convertisseur
analogique-numérique qui permet de prendre en compte l’effet de la charge, sous forme d’une source de courant
triphasé. La commande a été implantée avec une carte d’acquisition externe dSpace, avec les valeurs des paramètres des
lois de commande suivants : Lˆ  1mH Rˆ  0.1 Cˆ  20F n  0.072 n  43.2 n  11009 k  2000
s s 2 1 0 p1

La charge LR en série est une charge triphasée résistive de 4 KW, avec des inductances déséquilibrées (0.1H, 0.107 H
et 0.08H). Un échelon de charge a été appliqué au temps t=0.56s. Les trois tensions simples sont présentées figure 7. Le
changement à la charge n’a pas d’impact sur les tensions.

Figure 7 Tensions de sortie simples triphasés

La figure 8 montre l’évolution des courants dans la charge au moment de l’échelon de charge. Le déséquilibrage
observé sur les courbes des courants provient d’un léger déséquilibrage sur la valeur dans les inductances.

Figure 8 Courants de charge pour une charge RL– échelon sur la valeur de la résistance à 0.56s

La figure 9 montre les courants dans le filtre. Les perturbations dans les signaux sont dues au bruit de mesure.

Figure 9 Courants dans le filtre.

5. CONCLUSION

Le modèle bond graph de ce système a permis :


- de faire l’analyse des propriétés causales du modèle, et de faire apparaître explicitement les caractéristiques
physiques du modèle en terme de dépendances des courants dans les trois phases.

6
16/10/2011

- de calculer des lois de commande originales par modèle inverse qui ont montré leur robustesse aux variations
de paramètres (charge équilibrée ou non)
Les hypothèses simplificatrices faites sur le modèle peuvent être levées en remplaçant le modèle source de tension
constante par le modèle bond graph d’une source d’énergie renouvelable (éolienne, panneaux photovoltaïques) ou la
charge passive LR par un modèle bond graph de machine à induction.

REFERENCES
Belhadj J. 2006. Modeling, Control and Analysis of Multi-Machine Drive Systems using Bond Graph Technique. Journal of Electrical
Systems 2-1, pp 29-51.
Gawthrop P. 1995. Physical Model-based Control: A Bond Graph Approach. Journal of the Franklin Institute, volume 332B, No. 3,
pp. 285-305.
Gawthrop P. 1995. Bicausal Bond Graph, (1995) In Proceeding of the International Conference on Bond Graph Modeling and
Simulation ICBGM’95, vol. 27, pp. 83-88.
González-Contreras B.M., Rullán-Lara J.L., Vela-Valdés L.G., Claudio S.A. 2007. Modelling, Simulation and Fault Diagnosis of the
Three-Phase Inverter Using Bond Graph. IEEE International Symposium on Industrial Electronics.
Guillaud X., Vandecasteele F., Wulverick M., Hautier J.P. 1999. New concept of corrector for the control of alternatives quantities.
Proc. 8th European Conference on Power Electronics, EPE Lausanne.
Guillaud X., Francois B. 2003. A causal method for the modeling of static converter and the control design. Application to a Voltage
Source Converter. 10th European Conference on Power Electronics and Applications, EPE 2003, 2-4.
Leclercq L. 2004. Apport du stockage inertiel associé à des éoliennes dans un réseau électrique en vue d’assurer les services
systèmes. These USTL Lille.
Lopez de Heredia A., Gaztañaga H., Etxeberria-Otadui I., Bacha S., Guillaud X. 2006. Analysis of Multi-Resonant Current Control
Structure and Tuning Methods. IEEE Industrial Electronics, IECOM 2006, pp. 2156-2161.
Mezghanni D., Andoulsi R., Mami A. and Dauphin-Tanguy G. 2007. Bond graph modeling of a photovoltaic system feeding an
induction motor-pump. Simulation Modelling Practice and Theory, pp 1224-1238.
Sato Y., Ishizuka T., Nezu K., Kataoka T. 1998. A new control strategy for voltage-type PWM rectifiers to realize zero steady-state
control error in input current. IEEE Transaction on Industry Applications, vol. 32, issue 3, pp 480-486.

Roberto Sánchez est doctorant à l’Ecole Centrale de Lille depuis 2007. Il a fait ses études de master à
l’université Michoacána, Mexique. Ses travaux de recherche portent sur la modélisation est commande des
systèmes électriques à l’aide de l’outil bond graph.

Frédéric Colas est Ingénieur de Recherche au centre Arts et Métiers ParisTech de Lille et au L2EP EA
2697 depuis 2008. Ses travaux de recherche portent sur l’insertion et la coordination de productions
décentralisées dans les réseaux électriques. Il anime avec Xavier Guillaud la mise en place de la
plateforme technologique Energies Réparties du L2EP qui sert de support expérimental à sa thématique de
recherche (cf. http://l2ep.univ-lille1.fr/plateforme/).

Geneviève Dauphin –Tanguy est Professeur d’Université à l’Ecole Centrale de Lille, directeur de
recherches et responsable de l’équipe « Bond Graphs » au LAGIS UMR 8146. Ses travaux de
recherche portent sur la modélisation et la simplification de modèles, l’analyse, la commande et la
surveillance des systèmes à l’aide de l’outil bond graph. Les principaux domaines d’application sont
la mécatronique dans l’automobile et l’aéronautique, le génie électrique et le génie des procédés.
Elle est co-auteur de 9 livres, co-éditeur de 3 livres. Elle a encadré plus de 50 thèses et publié plus de 200 articles et
communications dans des journaux internationaux et des conférences internationales.

Xavier Guillaud est Professeur d’Université à l’Ecole Centrale de Lille. Au sein du L2EP, ses travaux de
recherche ont d’abord porté sur la commande des convertisseurs statiques d’électronique de puissance.
Depuis 2001, il s’est intéressé à l’intégration des nouvelles sources de production d’énergie renouvelable
dans les réseaux électriques. Il anime le développement de la plateforme “Energies Réparties” du L2EP
qui vise à étudier de manière expérimentale l’insertion de la production décentralisée dans les réseaux
électriques. Il est auteur ou co-auteur de plus de 50 articles ou communications dans les revues ou conférences
internationales.

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