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ARSÈNE LUPIN

La demeure
mystérieuse n°4
EN VENTE UNIQUEMENT
EN FRANCE MÉTROPOLITAINE

LE MONDE CAMPUS – SUPPLÉMENT  L’ORAL, INSTRUMENT DE SÉLECTION ET MARQUEUR SOCIAL
JEUDI 6 MAI 2021 · 77E ANNÉE · NO 23739 · 3,00 € · FRANCE MÉTROPOLITAINE · WWW.LEMONDE.FR FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY · DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO

Vaccins : le monopole des laboratoires en question
▶ L’Inde et l’Afrique du ▶ Cette exception permet­ ▶ Les Etats­Unis et l’UE ▶ Des scientifiques, ▶ Pfizer prévoit que les
Sud, soutenues par une trait d’accélérer la produc­ sont opposés à cette idée, des ONG et des politiques ventes de son vaccin attein­
centaine d’Etats, deman­ tion et de réduire l’écart tout comme les laboratoi­ soulignent que le déve­ dront 21,6 milliards d’euros
dent à l’OMC la levée des entre les pays riches et les res détenant ces brevets, loppement de ces vaccins en 2021, Moderna table
brevets sur les vaccins pays pauvres, qui peinent qui préfèrent nouer a bénéficié de milliards sur 15 milliards d’euros
contre le Covid­19 à obtenir des doses des accords de production d’euros d’aides publiques PAGE 14

Danemark
Des réfugiés 
ÉCARTELÉE, LA DROITE S’OFFRE UN RÉPIT COVID­19
▶ Mardi, LR a finalement soutenu Renaud Muselier pour les régionales en PACA         Les autorités 
syriens priés de  ▶ Le candidat sortant n’a pourtant pas abandonné l’alliance avec LRM P. 6- 7 E T ÉDITORIAL P. 31
ont décidé de
rentrer à Damas ne pas suivre 
Engagé dans une politique
d’immigration restrictive,
le pays scandinave estime
les données 
que la situation est désor­ de la science 
mais suffisamment sûre
dans la capitale syrienne Dominique Costagliola,
pour permettre le retour épidémiologiste et bio­
des réfugiés, au désespoir statisticienne, juge sévère­
des demandeurs d’asile ment la stratégie fran­
PAGES 2-3
çaise et alerte sur le risque
de reprise de l’épidémie
PAG E 13

Paris STRATÉGIE
Au pied de  Moins de morts, davan­
tage de libertés, plus
la tour Eiffel, des  de croissance : les pays
« zéro Covid » font mieux
jeunes migrants  que ceux qui tentent
de « vivre avec le virus »
à la dérive PAG E 12

Dormant dans la rue, toxi­


comanes, imprévisibles,
MEXIQUE
ces adolescents désespé­ Le nombre de morts
rés venus du Maghreb pourrait atteindre un de­
terrorisent les quartiers mi­million, deux fois plus
huppés de l’Ouest parisien que le chiffre officiel
PAGE 10 Renaud Muselier, au siège du parti Les Républicains (LR), à Paris, le 4 mai. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE » PAG E 11

Politique
Polémiques et
Football
En Ligue des
Récit
Aux « déjeuners
Espagne
tensions menacent champions, le PSG Charasse », secrets Aux régionales,
la dynamique s’incline face et coulisses des la droite inflige 
des écologistes à Manchester City années Mitterrand
PAGE 8 PAG E 1 9 PAGE 20 un revers au 
premier ministre
FIN DE RÈGNE POUR MERKEL PAR PLOP & KANKR  (FRANCE)   CARTOONING FOR PEACE La droite a triomphé aux
élections locales à Madrid,
un échec pour le premier
ministre socialiste et
son allié Podemos, dont
le chef, Pablo Iglesias,
se retire de la vie politique
PAGE 4

Ecosse
L’indépendance 
au cœur du 
scrutin du 6 mai
La première ministre
espère qu’une victoire
lui permettra d’obtenir
un nouveau référendum
PAGE 5

Algérie 220 DA, Allemagne 3,80 €, Andorre 3,80 €, Autriche 3,80 €, Belgique 3,30 €, Canada 5,80 $ Can, Chypre 3,20 €, Danemark 36 KRD, Espagne 3,60 €, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,20 £, Grèce 3,50 €, Guadeloupe-Martinique 3,30 €,
Hongrie 1 460 HUF, Italie 3,50 €, Luxembourg 3,30 €, Malte 3,20 €, Maroc 23 DH, Pays-Bas 4,00 €, Portugal cont. 3,50 €, La Réunion 3,30 €, Sénégal 2 400 F CFA, Suisse 4,50 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 4,50 DT, Afrique CFA autres 2 400 F CFA
INTERNATIONAL
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2| JEUDI 6 MAI 2021

Tulip et Joud
Bashour (en
haut, à gauche)
à Copenhague,
le 26 avril.
Leurs visas,
ainsi que
ceux de leurs
parents, ont
été révoqués.
Une photo de
Joud et Tulip
enfants, en
Syrie (en haut,
à droite).
Manifestation
devant le
Parlement,
à Copenhague,
le 21 avril,
pour protester
contre la
révocation des
titres de séjour
de Syriens (en
bas à gauche).
Rasha Kairout
et sa fille,
Losseen (en
bas, à droite),
lors de cette
manifestation.
CHARLOTTE
DE LA FUENTE
POUR « LE MONDE »

Danemark : les réfugiés syriens priés de partir
Le pays scandinave estime que la situation est désormais suffisamment sûre à Damas et dans sa région

REPORTAGE année. Les autorités danoises esti­ notre famille qui n’ont pas été tués « On me dit que les conclusions. Seule exception : fant pour former un attachement
ment que la situation à Damas et vivent tous à l’étranger. » le général Naji Numeir, chef du à un pays étranger. « Après, il est
copenhague ­ envoyée spéciale
dans sa région est suffisamment Début février, Dania Al­Kholi, je dois rentrer service de l’immigration et des plus dur de suspendre leur permis

S en Syrie pour
ur la route de l’exil, ses stabilisée pour qu’ils puissent ren­ 22 ans, et son frère Hussam, passeports à Damas. Spécialiste de séjour. » L’avocat rappelle le
compagnons d’infortune trer : « Les conditions générales 20 ans, ont appris qu’eux aussi du Moyen­Orient à l’Institut da­ « changement de paradigme »
lui ont parlé de ce petit dans les zones en question ne sont n’étaient plus les bienvenus au aider à nois d’études internationales, dans la politique danoise de l’asile,
pays, dans le nord de l’Eu­ plus si extrêmes pour justifier à el­ Danemark. « En Syrie, nous som­ reconstruire le Helle Malmvig évoque un travail voté par le Parlement en 2019 :
rope, qui « défendait les droits des les seules un permis de séjour », mes considérés comme des traî­ « bâclé » et constate de graves « L’objectif n’est plus d’intégrer les
femmes ». Mère célibataire, Rasha précisait le président de la com­ tres, pour avoir quitté le pays. Nous pays. Mais Assad omissions : « Même si la situation réfugiés, mais de les renvoyer le plus
Kairout a fui la Syrie en avril 2015. mission des recours, Henrik Bloch ne pouvons pas y retourner tant est toujours s’est améliorée depuis 2018 et rapidement possible. »
Un voisin avait su que des policiers Andersen, le 20 avril. qu’Assad est là », lâche Hussam. que vous n’appartenez pas à l’op­
la recherchaient. Elle est partie Joud et Tulip Bashour ont été « Nous n’y avons aucun avenir. Nos au pouvoir » position, vous risquez des persécu­ « Pas les bienvenus »
avec ses deux enfants de 7 et 9 ans. convoqués en février, avec leurs amis et notre vie sont ici », com­ TULIP BASHOUR tions en rentrant. Il y a un élément « Vous sentez vraiment que vous
Sur son téléphone portable, elle parents, au centre de demandeurs plète sa sœur, inscrite en faculté lycéenne d’arbitraire, lié au régime et aux mi­ n’êtes pas les bienvenus », confie
montre les photos de la barque d’asile de Sandholm, au nord de de biomédecine, en septembre. lices, qui n’est pas du tout pris en Hiba Al­Khalil, 28 ans. Venue seule
gonflable à bord de laquelle ils ont Copenhague, pour un entretien Le 1er avril, le directeur du lycée compte par les autorités danoises. » au Danemark, elle termine le ly­
traversé la Méditerranée. « Aucune individuel. Visage poupon, Joud, de Nyborg, sur l’île de Fionie, s’est droite avec le soutien de l’ex­ Dans certaines familles, les cée, pour pouvoir faire des études
mère ne prend un tel risque si ce 18 ans, a été interrogé pendant insurgé, sur Facebook, qu’une de trême droite. « Quand ils ont ob­ hommes de moins de 40 ans, con­ de journalisme à l’université.
n’est pour fuir un danger encore deux heures. « On m’a demandé ses élèves et ses parents aient tenu leur titre de séjour, les Sy­ sidérés comme déserteurs par l’ar­ Elle pensait échapper à l’entretien
plus grand », assène­t­elle, che­ pourquoi je refusais de faire mon perdu leur titre de séjour. Depuis, riens ont été prévenus que ce mée syrienne, ont obtenu l’asile, avec les services de l’immigration.
veux cachés sous une casquette, le service militaire en Syrie. J’ai ré­ un mouvement sans précédent a n’était que temporaire et qu’ils de­ tandis que leurs sœurs, leurs pa­ « Ç’a été horrible. J’ai eu l’impres­
regard bordé de khôl. pondu que je ne voulais pas tuer un vu le jour au Danemark. Ces der­ vraient rentrer chez eux, dès qu’ils rents âgés et les jeunes enfants sion que tout ce que je disais était
Un mois plus tard, la famille po­ autre être humain et encore moins nières semaines, des manifesta­ n’auraient plus besoin de la sont priés de rentrer. « Les services retourné contre moi. » Hiba attend
sait le pied au Danemark. Ensei­ pour un meurtrier comme Bachar tions ont été organisées dans tout protection du Danemark », réagit de l’immigration danois font une décision, mais, même si elle
gnante à Damas, Rasha a appris le Al­Assad. » Les autorités danoises le pays pour protester contre le Rasmus Stoklund, député social­ comme s’il n’y avait pas d’incidence obtient le droit de rester, elle ne
danois, s’est fait embaucher ont jugé que ce n’était pas suf­ renvoi des réfugiés syriens. Les di­ démocrate, chargé des questions sur leur sécurité, ce qui est aber­ se sent plus en sécurité : « A tout
comme femme de ménage dans fisant pour lui accorder l’asile, car rigeants d’une quinzaine d’orga­ d’immigration. Et, comme rant », constate Michala Bendixen, moment, mon permis de séjour
un grand hôtel de Copenhague. le jeune homme n’a pas de frère : nisations d’enseignants et de di­ preuve qu’ils n’ont rien à crain­ présidente de Refugees Welcome. peut être révoqué. »
Puis, quand la pandémie de Co­ en théorie, les fils uniques échap­ recteurs d’établissements scolai­ dre, M. Stoklund mentionne « les Sous ses bouclettes sombres, le Dans certains cas, la commis­
vid­19 est arrivée, elle est deve­ pent au service militaire en Syrie. res ont exprimé leur soutien. 237 Syriens, réfugiés au Dane­ regard de Mohamet Alata, 18 ans, sion des recours a accordé l’asile à
nue aide à domicile et s’est ins­ Sauf qu’il n’y a aucune garantie A l’étranger aussi, la position mark, et 130 000 dans les pays trahit l’angoisse. Lui et son frère des réfugiés déboutés. Pour les
crite à une formation d’aide­soi­ et que la mère de Joud a eu un du Danemark suscite des criti­ voisins de la Syrie, qui ont choisi aîné viennent d’obtenir l’asile. En autres, c’est une longue attente qui
gnante. Sa fille et son fils vont au autre garçon, qui vit au Liban. ques. Nils Muiznieks, directeur de rentrer, ces dernières années ». revanche, leur mère, soignée pour commence. Copenhague n’a pas
collège. « J’ai fait tout ce qu’on at­ pour l’Europe chez Amnesty In­ De leur côté, les ONG rappellent un syndrome de stress post­trau­ d’accord de rapatriement avec Da­
tendait de moi, souffle­t­elle. « Nous n’avons plus rien là-bas » ternational, juge « invraisembla­ que le Danemark est le seul pays matique, et leurs petites sœurs de mas et ne peut donc pas les ren­
J’avais même oublié que j’étais ré­ Sa sœur, Tulip, longs cheveux ble » que Copenhague puisse con­ en Europe à juger que la situation 11 et 12 ans ont vu leur permis de voyer de force. « S’ils refusent de se
fugiée. » Le 20 février, un courrier noirs et piercing dans le nez, est sidérer certaines régions en Syrie sur place est suffisamment stable séjour révoqué. Le père est mort conformer à la décision des autori­
des services de l’immigration, terrifiée à l’idée de retourner en comme « un endroit où l’on peut pour permettre le retour des ré­ en Syrie. « Si ma mère rentre, elle tés, alors ils seront placés dans un
l’informant que son permis de sé­ Syrie. Dans deux mois, la jeune renvoyer en toute sécurité des per­ fugiés. Et ce, sur la base de trois sera arrêtée, à cause de nous, as­ centre de rétention, jusqu’à ce qu’ils
jour ne serait pas renouvelé, lui a femme, qui vient de fêter ses sonnes ». De son côté, la commis­ rapports, publiés par les services sure Mohamet. On va la jeter en décident de repartir volontaire­
rappelé qu’elle n’était qu’une in­ 21 ans, obtiendra son diplôme de saire européenne Ylva Johansson de l’immigration, entre 2019 et prison, la torturer et peut­être la ment », précise le député Rasmus
vitée au Danemark. fin de lycée. En septembre, elle a fait part de son « inquiétude ». 2020, qui mettent en avant l’ab­ tuer. Je ne sais pas ce que devien­ Stoklund. Les conditions de vie y
Selon les services de l’immigra­ devait commencer des études de Mais à Copenhague, le gouver­ sence d’incidents graves depuis dront mes sœurs. » sont « dignes de celles d’une pri­
tion à Copenhague, 505 réfugiés finance à Copenhague. « On me nement, dirigé par la sociale­dé­ 2018 à Damas et dans sa région, et Son avocat, Daniel Norrung, s’in­ son », assure Michala Bendixen.
syriens, sur un peu plus de dit que je dois rentrer en Syrie mocrate Mette Frederiksen, reste le fait que les autorités syriennes terroge sur le timing de ces déci­ Beaucoup prévoient de deman­
8 000 arrivés en 2015, tous ori­ pour aider à reconstruire le pays. inflexible. Au pouvoir depuis en ont repris le contrôle. sions : « Cela va faire bientôt six ans der l’asile dans un autre pays
ginaires de la région de Damas et Mais il y a encore la guerre, Assad 2019, Mette Frederiksen s’est fait Or, sur les douze sources citées que ces familles sont arrivées au européen. Rasha, elle, regrette
bénéficiaires d’une protection est toujours au pouvoir. Les gens élire sur la promesse de poursui­ dans ces rapports, onze affirment Danemark. » Or, plusieurs instan­ aujourd’hui d’avoir choisi le Dane­
temporaire, pourraient voir leur meurent de faim. Nous n’avons vre la politique de l’immigration désormais que leurs propos ont ces internationales ont jugé que mark pour y trouver refuge. 
permis de résidence révoqué cette plus rien là­bas. Les membres de ultra­restrictive menée par la été mal interprétés et en réfutent c’était la durée nécessaire à un en­ anne­françoise hivert
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JEUDI 6 MAI 2021 international | 3

Bachar Al­Assad orchestre Israël : Nétanyahou


un simulacre d’élection en Syrie échoue à former
Dix ans après le déclenchement de la guerre civile, la France, le
un gouvernement
Royaume­Uni et les Etats­Unis contestent d’avance le scrutin du 26 mai Le président israélien devrait nommer Yaïr
Lapid pour tenter de constituer une coalition

S a réélection ne fait aucun


doute et Bachar Al­Assad
file sans surprise vers un
quatrième mandat consécutif à la
tête de la Syrie. Le processus a été
membre de l’opposition dite « to­
lérée » à l’intérieur du pays et
longtemps décrite par l’opposi­
tion en exil comme une exten­
sion du régime. Les candidats de­
« L’échec à
adopter une
nouvelle
que n’avait pas encore réussi à ap­
porter de changements tangibles.
Des « élections libres et équita­
bles », fondées sur les dispositions
de la résolution 2254 du Conseil
C ette fois­ci, Benyamin Né­
tanyahou a été mis en
échec par la droite. Les an­
ciens partenaires qu’il a déçus ne
LE CONTEXTE
formalisé par la Haute cour cons­ vaient obtenir le soutien d’au Constitution est de sécurité, « semblent encore sont pas revenus, et certains de ses
titutionnelle, qui a validé sa candi­ moins 35 députés, chacun la preuve que loin », ajoutait­il. alliés ont refusé de faire les con­ LA DROITE DIVISÉE
dature, lundi 3 mai, pour un scru­ n’étant autorisé qu’à soutenir un cessions nécessaires. Après vingt­ Le Likoud de Benyamin Nétanya-
tin prévu le 26 mai. Une présiden­ seul candidat. cette prétendue Constitution syrienne inchangée huit jours de tractations, mardi hou est arrivé en tête des élec-
tielle qui le verra l’emporter face à élection sera L’attitude de Damas s’observe 4 mai à minuit, le plus pérenne des tions législatives du 23 mars
deux concurrents, un ex­ministre Critiques nourries ainsi dans les débats du Comité premiers ministres israéliens a en remportant 30 des 120 sièges
et un membre de l’opposition to­ La présence de M. Mareï, qui avait une imposture » constitutionnel, à Genève. C’est donc dû rendre son mandat pour de la Knesset. Lâché par le trans-
lérée par le pouvoir. notamment participé à des négo­ LINDA THOMAS-GREENFIELD cet organe, formé à l’initiative de former un gouvernement au pré­ fuge du Likoud Gideon Saar et le
Le scrutin sera le second à être ciations organisées sous l’égide ambassadrice des Etats-Unis Moscou et d’Ankara, composé de sident israélien. Il n’avait pourtant dirigeant d’extrême droite Naf-
organisé depuis le début, en 2011, des Nations unies à Genève pour à l’ONU représentants du pouvoir et de pas ménagé ses efforts, promet­ tali Bennett, seulement soutenu
d’une guerre dévastatrice déclen­ tenter de trouver une issue à la l’opposition, qui est censé amen­ tant ici des postes, là des sièges en par les partis ultraorthodoxes et
chée par la répression de manifes­ guerre, est vue par un diplomate der la Constitution syrienne. Plus commission. A son ex­ministre de l’ultradroite, le premier ministre
tations réclamant des réformes occidental comme « la seule d’an et demi après leur réunion la défense, le dirigeant d’extrême n’a pu former une coalition.
démocratiques. Aidé militaire­ concession faite par le régime à ché une ligne semblable. « L’échec inaugurale, en septembre 2019, droite Naftali Bennett, fort de sept
ment par ses alliés iranien et l’extérieur. En l’occurrence à son à adopter une nouvelle Constitu­ les délégués n’ont pas réussi à députés à la Knesset, M. Nétanya­
russe, le régime du dirigeant sy­ allié russe qui, pour des questions tion est la preuve que la préten­ réécrire le moindre article, en rai­ hou a même proposé de prendre UNION NATIONALE
rien a réussi à reprendre aux re­ d’apparence, tient à un semblant due élection du 26 mai sera une son de l’obstruction des émissai­ immédiatement la tête d’un gou­ La tâche de former un gouverne-
belles et aux djihadistes près des de “diversité” ». L’opposition en imposture », a­t­elle dit. Des me­ res du régime. vernement de droite, pendant un ment devrait être confiée au
deux tiers du territoire au prix de exil, elle, est exclue de facto, la loi sures doivent être prises pour Comme en 2014, le chef de l’Etat an, dans le cadre d’une rotation. centriste Yaïr Lapid (17 sièges),
combats qui ont fait près de électorale stipulant que les candi­ une « participation des réfugiés, syrien a décrété, dimanche 2 mai, En vain. « Je n’ai pas demandé le qui a dit vouloir former
400 000 morts. dats doivent avoir séjourné dans des personnes déplacées et de la une amnistie préélectorale cou­ poste de premier ministre, mais un une « coalition du changement »
le pays en permanence au cours diaspora à toute élection sy­ vrant des « actes terroristes » gouvernement – ce qu’il n’a mal­ avec Naftali Bennett et les autres
Elu par référendum en 2000 des dix dernières années. rienne ». Tant que cela ne sera pas n’ayant pas entraîné de décès. heureusement toujours pas », a ré­ opposants à Nétanhyahou.
Agé de 55 ans, Bachar Al­Assad a Les membres occidentaux du fait, « nous ne serons pas dupes », Pourraient en bénéficier des dé­ pondu sèchement le chef du parti
accédé au pouvoir en 2000 après Conseil de sécurité de l’ONU, a­t­elle averti. serteurs de l’armée sommés de se Yamina, qui n’a plus confiance en
la mort de son père Hafez Al­As­ Etats­Unis, France et Royaume­ L’ONU ne masquait pas ses criti­ rendre à la justice, ou des détenus son ancien mentor. risme », avait prévenu le diri­
sad, lui­même à la tête de la Syrie Uni en tête, ont rejeté à l’avance ques. « Les élections [syriennes] condamnés pour des faits de L’imparable tacticien apparaît geant de la liste, Bezalel Smo­
trois décennies durant. Il avait le résultat de l’élection. « La ont été convoquées sous les auspi­ contrebande et de trafics contre le aujourd’hui largement affaibli. trich, début avril.
été élu par référendum en 2000 France ne reconnaîtra aucune va­ ces de la Constitution actuelle et el­ versement d’amendes. Après quatre élections en moins C’est la deuxième fois que
et 2007. En 2014, deux candidats lidité aux élections prévues par le les ne font pas partie du processus Confronté à un mécontente­ de deux ans, Israël n’arrive tou­ Benyamin Nétanyahou échoue à
ont été autorisés à concourir régime fin mai », a asséné l’am­ politique établi en vertu de la ré­ ment croissant, provoqué par la jours pas à se doter d’un gouver­ former un gouvernement après
contre lui pour projeter, déjà, bassadeur français à l’ONU, Ni­ solution 2254 », avait déclaré Sté­ flambée des prix et la chute de la nement stable. Or, Benyamin Né­ en avoir reçu le mandat. Fin octo­
l’image d’une situation en voie colas de Rivière, lors d’une ses­ phane Dujarric, porte­parole monnaie dans les zones loyalis­ tanyahou a besoin de rester au bre 2019, il avait déjà jeté
de normalisation. L’autocrate a sion mensuelle du Conseil de sé­ d’Antonio Guterres, le secrétaire tes, le régime a également pro­ pouvoir pour limiter les effets de l’éponge ; le pays était retourné
été réélu avec plus de 88 % des curité sur la Syrie, le 28 avril. Sans général. Mais cette fin de non­re­ cédé à une série de mesures, dont son procès pour corruption, aux urnes peu après. Dans les
voix dans ce qui fut qualifié par inclure la diaspora, elles « se tien­ cevoir marque aussi un constat des augmentations de salaire et fraude et abus de confiance qui prochains jours, Réouven Rivlin,
ses opposants de « farce » et de dront sous le seul contrôle du ré­ d’impuissance. des prêts à taux réduit. Un signal s’est ouvert en 2020. Depuis le président israélien, devrait
mise en scène organisée pour les gime, sans supervision interna­ Envoyé spécial de l’ONU pour la adressé à sa base. A commencer 2009, il s’appuyait sur un solide donner sa chance au centriste
médias occidentaux. tionale » comme le prévoyait la Syrie, le diplomate norvégien par les officiers et chefs de milices bloc à droite, centré autour de son Yaïr Lapid, qui ne compte que
Cette année, outre M. Assad, résolution 2254 (adoptée en Geir Pedersen a reconnu qu’en démobilisés et convertis en en­ parti, le Likoud, autour duquel 17 députés à la Knesset (sur 120).
concourront Abdallah Salloum 2015), a­t­il ajouté. raison du manque d’un « vérita­ trepreneurs s’activant dans l’or­ gravitaient ses alliés religieux et Ce dernier, s’il veut une coalition
Abdallah, ministre d’Etat de 2016 Son homologue américaine, ble engagement » de la part du ré­ bite du pouvoir.  d’extrême droite. Mais depuis le stable, va devoir se montrer ac­
à 2020, et Mahmoud Mareï, Linda Thomas­Greenfield, a affi­ gime syrien, le processus politi­ madjid zerrouky départ, avec fracas, du dirigeant commodant avec l’extrême droi­
ultranationaliste Avigdor Lieber­ te. Il a déjà proposé un gouverne­
man de la coalition en novem­ ment d’union nationale à Naftali
bre 2018 – qui a inauguré cette sé­ Bennett, qui deviendrait premier
quence d’élections dont le pays ne ministre, dans le cadre d’un sys­

« Je représente un danger et le régime semble plus pouvoir se sortir –, le


premier ministre perd ses sou­
tiens. Beaucoup de ses anciens al­
tème de rotation du pouvoir.
Cette « coalition du change­
ment » a besoin du soutien exté­

de Damas rêve de me faire taire »


liés, las de ses promesses non te­ rieur de la Liste unifiée, qui réunit
nues et de ses jeux politiques, communistes et députés arabes,
considèrent désormais que « son et de celui de RAAM, pour espérer
maintien au pouvoir nuit à l’Etat survivre. Là encore, pas sûr que
Figure de la révolution syrienne, Hasna Al­Hariri a été arrêtée en Jordanie et risque l’expulsion d’Israël. Ils prennent notamment les alliés les plus à droite ou les
l’exemple de la crise due au coro­ députés arabes acceptent un tel
navirus que le pays a dû gérer sans compromis, malgré leur détesta­
budget car Benyamin Nétanyahou tion de Benyamin Nétanyahou.
ENTRETIEN « J’ai gardé Qu’avez­vous fait de cet
ultimatum jordanien ?
tion syrienne ou demeurent une
source d’inspiration.
a manipulé le système pour servir
ses propres intérêts plutôt que
Ce dernier joue donc désormais
la division dans le camp adverse.

R éfugiée depuis 2014 en


Jordanie après deux longs
séjours dans les geôles sy­
riennes, Hasna Al­Hariri, 58 ans,
est une figure de la révolution sy­
des preuves,
je ne veux pas
les emporter
J’ai d’abord protesté : c’est con­
traire au droit des réfugiés ! Et
puis, où aller, sans argent, sans
passeport, sans visa ? Pour toute
réponse, je n’ai obtenu qu’un im­
Que redoutez­vous le plus ?
D’être transférée et éliminée en
Syrie. La mort a toujours été une
option quand j’ai décidé de lutter
ceux d’Israël », observe Gayil
Talshir, professeure de science
politique à l’Université hébraïque
de Jérusalem.
Mardi, les députés du Likoud ont
tenté de faire passer en accéléré
une série de lois très à droite qui
auraient autorisé, entre autres, la
légalisation de 70 colonies illéga­
rienne. Le long récit qu’elle a livré
dans ma tombe » placable : « On vous donne qua­ contre ce dictateur. Mais pas celle « Soutiens du terrorisme » les en Cisjordanie occupée et
au Monde, en 2017, sur les atroci­ torze jours. » Au bout de ce délai, de mes enfants. Et pas ainsi, gra­ Les dernières élections législati­ l’élection directe du premier mi­
tés commises dans les prisons du ils se sont pointés chez moi : « Si tuitement, alors que j’ai encore ves, le 23 mars, ont de nouveau nistre. Une manœuvre dont
régime de Damas, notamment les muler ses exigences. A ma sortie vous ne dégagez pas, on vous re­ tant de choses à raconter sur les renforcé ce paradoxe, le même le seul but était de créer le chaos
viols, sujet immensément tabou, d’une prison syrienne en 2014, conduit à la frontière et on vous li­ atrocités commises par Bachar depuis deux ans : malgré une dans le camp adverse et qui a
lui vaut d’être particulièrement grâce à un échange de prison­ vre au régime syrien. » J’ai pani­ Al­Assad. C’est ça qui me terrifie : forte majorité de droite, M. Néta­ échoué, faute de majorité
détestée dans les cercles pro­As­ niers, j’ai découvert la mort de qué, contacté le monde entier et disparaître sans avoir pu témoi­ nyahou n’arrive pas à former une – RAAM s’y étant opposé.
sad. Début avril, des informations treize personnes de ma famille, j’ai fini par avoir un entretien gner devant un tribunal interna­ coalition. Cette fois, un ancien du Pour la « coalition du change­
faisant état de sa prochaine ex­ dont mon mari, trois fils et mes fouillé avec le Haut­Commissa­ tional. Sans avoir eu le temps de Likoud, Gideon Saar, a fait obsta­ ment », sans vision politique fon­
pulsion vers la Syrie avaient sus­ gendres. Mes proches ont été dis­ riat aux réfugiés qui a évoqué raconter comment on a marty­ cle. C’est lui que Benyamin Néta­ datrice, la route est encore longue
cité une vive émotion parmi les persés, mais j’ai trouvé refuge en l’asile dans trois pays possibles : risé des enfants, électrocuté, nyahou espérait rallier en offrant jusqu’à la signature d’un accord
opposants et une forte mobilisa­ Jordanie. Fin 2018, j’ai été contac­ l’Allemagne, la Norvège ou la noyé, flagellé, amputé des rebel­ le poste de premier ministre par de gouvernement. Mais les tracta­
tion sur les réseaux sociaux. Le tée par les services secrets de ce Suède. Je préférais l’Allemagne les, comment on a violé et détruit alternance à Naftali Bennett tions ont déjà fait ressortir un
royaume hachémite avait dé­ pays m’avertissant que le régime mais le processus n’a pas eu le à jamais des femmes de tous – peine perdue. Le chef du gou­ vainqueur : Naftali Bennett, qui,
menti toute intention en ce sens, syrien demandait mon transfert temps d’aboutir : j’ai été arrêtée âges. J’ai vu ! Et j’ai mémorisé les vernement a donc un temps avec si peu de députés, est devenu
tout en demandant à la quinqua­ en Syrie. « C’est simplement pour et conduite avec mon fils, ma bel­ noms des officiers, des gardiens, pensé construire sa coalition « non pas un faiseur de rois mais le
génaire de suspendre ses « activi­ vous prévenir », m’a­t­on dit. Je le­fille et leurs jeunes enfants des violeurs, des bourreaux. Je avec le soutien extérieur des dé­ roi lui­même », remarque Gayil
tés illégales ». Mais mardi 4 mai, me sentais alors protégée en Jor­ dans ce camp immense en plein n’ai cessé de documenter les putés islamistes du parti RAAM, Talshir. Le chef de Yamina est in­
Hasna Al­Hariri a été arrêtée par danie par le droit international. désert. La fournaise est telle dans exactions, j’ai gardé des preuves, alliés inattendus pour le premier dispensable à une coalition. Il a
la police jordanienne et conduite Début avril 2021, j’ai été convo­ le baraquement d’accueil, plein je ne veux pas les emporter dans ministre qui n’a cessé ces derniè­ négocié un droit de veto ainsi
au camp de réfugiés d’Azraq, à quée par ces mêmes services : d’insectes, que nous allons pas­ ma tombe. Bien sûr que je repré­ res années d’attaquer les Arabes qu’une place de premier ministre,
80 km au nord d’Amman. Elle re­ « Les Syriens vous réclament à ser la nuit dehors. sente un danger et que le régime israéliens, descendants des Pa­ car il amène avec lui la majorité
doute que ce transfert soit le pré­ nouveau avec insistance. On vous de Damas rêve de me faire taire ! lestiniens restés sur leurs terres à de droite, qui l’a emporté dans les
lude à son expulsion en Syrie. donne quatorze jours pour quit­ Que vous annonce­t­on ? Il n’est même pas exclu que ses la création d’Israël. Mais les sou­ urnes le 23 mars. Mais « l’idée que
Nous avons pu la joindre par télé­ ter la Jordanie. » J’étais abasour­ Un transfert dès ce mercredi sbires sévissent à l’intérieur du tiens de M. Nétanyahou de l’ul­ quelqu’un qui n’a que sept man­
phone, dans la soirée du 4 mai. die. Mais le régime syrien a con­ dans le village 5 du camp, une camp. C’est pourquoi il est crucial tradroite, les suprémacistes juifs dats à la Knesset puisse diriger un
firmé avoir officiellement de­ prison à ciel ouvert, où l’on par­ que les Nations unies accélèrent de la liste Sionisme religieux, ont gouvernement montre que, mal­
Qu’est­ce qui explique votre mandé à la Jordanie que qua­ que derrière des barbelés ceux le processus pour un asile politi­ préféré le voir chuter plutôt que heureusement, Israël traverse une
soudaine arrestation ? rante réfugiés syriens lui soient dont qu’on veut mettre hors que. Je veux confondre un jour le de se joindre à des Arabes. « Nous crise démocratique bien plus pro­
Une pression ultraforte du ré­ livrés, dont moi et Hamza Al­ d’état de nuire. Et particulière­ tyran. C’est l’unique espoir qui ne prendrons part à aucun gou­ fonde que de simples soubresauts
gime syrien qui profite d’une Salkhadi, mon camarade révolu­ ment les révolutionnaires, les me tient debout.  vernement qui s’appuie directe­ liés aux derniers jours de Nétanya­
complicité retrouvée avec le gou­ tionnaire qui connaît d’ailleurs agitateurs politiques, ceux qui propos recueillis par ment ou indirectement sur RAAM hou », déplore la politologue. 
vernement jordanien pour for­ le même sort que moi. restent en contact avec l’opposi­ annick cojean ou d’autres soutiens du terro­ clothilde mraffko
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4 | international JEUDI 6 MAI 2021

Au Mali, près de Gao, A Madrid, Isabel Diaz Ayuso


trois civils amputés
par des djihadistes réveille la droite espagnole
Le châtiment aurait été administré en public La conservatrice gouvernera seule la région. Pablo Iglesias jette l’éponge
à trois présumés voleurs le 2 mai
madrid ­ correspondante mobilisation a consolidé la vic­ maire de Madrid Manuela Car­
Ce tremblement
A près des mois passés à soi­
gner des victimes de la
guerre qui ravage le nord
du Mali, Karim Touré (les nom et
prénom ont été changés) pensait
l’EIGS, accusé d’avoir commis les
trois amputations à Tin­Hama.
« Cet acte révèle une montée en
puissance du groupe. C’est un si­
gnal envoyé par les terroristes pour L
iberté ! Liberté ! Liberté ! »
Devant le siège du Parti
populaire (PP, droite), à
Madrid, des centaines de
de terre politique
dans la capitale
n’augure rien
toire de la droite trumpiste et la
présence institutionnelle de l’ul­
tradroite », a­t­il regretté dans la
soirée. « Quand quelqu’un cesse
d’être utile, il doit savoir se reti­
mena, devance de manière inat­
tendue le PSOE grâce à la person­
nalité de sa candidate, Monica
Garcia. Médecin anesthésiste,
elle a cumulé ces derniers mois
avoir tout vu de l’horreur. « Mais montrer qu’ils ne font plus seule­ personnes se sont réunies, mardi rer », a­t­il ajouté, considérant son travail dans un hôpital de
pas ça », confie­t­il, encore choqué ment la guerre : ils gouvernent la 4 mai au soir, pour célébrer l’écra­
de bon pour le être « devenu un bouc émissaire Madrid, en première ligne dans
de ce qu’il a découvert, dimanche zone et sont capables d’administrer sante victoire de la candidate aux premier ministre qui mobilise les passions les plus la lutte contre le Covid­19, avec
2 mai. Ce jour­là, deux hommes, une certaine justice, en comblant le élections régionales, Isabel Diaz obscures et les plus contradictoi­ ses fonctions de députée régio­
amputés de la main droite et du vide laissé par l’Etat depuis des an­ Ayuso, en scandant le mot totem
socialiste, Pablo res avec la démocratie », en réfé­ nale et de principale opposante à
pied gauche, sont arrivés au centre nées. Peut­être se considèrent­ils qu’elle avait choisi pour faire Sanchez rence à la haine qu’il suscite chez la gestion de Mme Ayuso.
de santé où le médecin exerce, dans une situation précalifale », campagne. « Liberté », en réfé­ une partie considérable de la Celle­ci devrait être réinvestie
dans la région de Gao. « Ils sont avance une chercheuse au Sahel. rence aux faibles restrictions population espagnole. présidente de la région sans en­
conscients, mais avec d’énormes imposées aux Madrilènes durant gouvernait en coalition avec le Même s’il est difficile d’extrapo­ combre. Le parti d’extrême droite
douleurs », selon le soignant. Un « Opération de communication » la pandémie de Covid­19, et no­ PP, passe de 19,5 % à 3,6 % des ler les résultats de Madrid, où la Vox, qui a vu son ascension frei­
troisième homme, ayant subi les A Gao, comme dans le reste du tamment le maintien des bars et voix, et de 26 sièges à aucun. Sa droite gouverne depuis vingt­six née par « le phénomène Ayuso », a
mêmes sévices, n’a pas pu être pris nord du Mali, 17 % des administra­ restaurants ouverts. « J’espère que survie même, à l’échelle natio­ ans, ce tremblement de terre poli­ d’ores et déjà annoncé qu’il vote­
en charge. teurs civils étaient à leur poste au les taverniers ont passé une belle nale, apparaît menacée. tique dans la capitale n’augure rait en faveur de l’investiture de la
Bien que la guerre au Mali dure 28 février, selon l’ONU. « L’Etat n’est journée », a­t­elle d’ailleurs lancé Malgré le contexte de pandé­ rien de bon pour le premier mi­ dirigeante conservatrice, sans
depuis 2012 et s’étende désormais pas là, l’armée a peur de sortir de ses du haut du balcon du siège du PP, mie – avec un taux d’incidence de nistre socialiste, Pablo Sanchez, exiger de contrepartie, tout en se
aux pays voisins du Sahel – en bases. Ici, c’est l’EIGS qui fait la loi. dédiant aux restaurateurs son 145 cas pour 100 000 habitants qui voit sa gestion et ses alliances revendiquant comme « décisif ».
particulier le Burkina Faso et le La population aime beaucoup ce triomphe électoral. sur sept jours et 44 % des unités condamnées par les électeurs. Avec 9,1 % des voix (+ 0,2 point) et
Niger –, un point de non­retour a genre de sentence, car ça endigue Avec 44,7 % des voix et 65 élus, de soins intensifs occupées par 13 députés régionaux (+ 1), il reste
été atteint pour le docteur Touré. les vols. Les appliquer est une ma­ la gestion de la crise sanitaire et des malades du Covid­19 dans la « Nouveau chapitre » loin des 15 % qu’il avait obtenus
C’est à Tin­Hama, une commune nière, pour eux, de se rendre encore économique par la présidente région –, les Madrilènes se sont Le Parti socialiste (PSOE) réalise aux élections législatives de no­
proche de la frontière du Niger, si­ plus populaires auprès des popula­ du gouvernement de la région rendus massivement aux urnes. son plus mauvais score à Madrid vembre 2019. Et Mme Ayuso ayant
tuée à quelques dizaines de kilo­ tions, fatiguées par le banditisme autonome de Madrid et ses pri­ Le taux de participation s’est depuis quarante ans. Avec 16,8 % obtenu plus de voix que les trois
mètres du centre de santé, que des qui prospère, et ce malgré la pré­ ses de position libertariennes et élevé à 76 %, 12 points de plus des voix et 24 députés régionaux, partis de gauche ensemble, son
membres de l’organisation Etat is­ sence de “Barkhane” et de la Mi­ néoconservatrices, contre « la qu’aux régionales de 2019, signe il perd 10 points et 13 sièges. Son abstention suffirait.
lamique au grand Sahara (EIGS) nusma [la mission des Nations dictature du féminisme radical » de l’intérêt suscité par un scrutin flegmatique candidat, l’ancien La dirigeante conservatrice de­
auraient, selon plusieurs sources, unies au Mali]. Tout le monde a ou les « impôts confiscatoires », dont les conséquences dépassent professeur de philosophie et ex­ vrait donc réaliser son objectif :
amputé les trois hommes, devant échoué », dénonce Fahad Ag Alma­ sont plébiscitées. le cadre local. recteur de l’université autonome gouverner « en solitaire ». Sa pre­
une foule nombreuse. Présentés hmoud, secrétaire général du Ga­ Non seulement cette femme La principale retombée étant la de Madrid Angel Gabilondo, mière mesure, a­t­elle avancé,
par les djihadistes comme des vo­ tia, un groupe armé proétatique. politique de 42 ans, incarnant décision du leader de Podemos, incarnation vivante de la consistera à baisser les impôts des
leurs, ils auraient été arrêtés le Entre janvier et mars, les forces une droite dure et décomplexée, Pablo Iglesias, de « quitter toutes modération, a pâti du climat de Madrilènes, déjà les plus bas du
27 mars par l’EIGS, alors qu’ils militaires nationales et internatio­ double le résultat qu’elle avait ses fonctions » et « d’abandonner crispation et de polarisation pays. « Un nouveau chapitre
auraient été en train de braquer les nales ont été la cible d’une dou­ obtenu en 2019 et passe de 30 à la politique ». Le parti de la extrême de la campagne. s’ouvre dans l’histoire de l’Espa­
passagers d’un camion. zaine d’attaques dans les régions 65 sièges, mais elle provoque gauche radicale n’a obtenu que Pire, avec 17 % des voix gne », a­t­elle prévenu, avant de
L’amputation croisée (main de Gao et de Ménaka, selon l’ONU. aussi la disparition du parti libé­ 7,2 % des voix et 10 sièges, alors (+ 2,3 points) et 24 sièges (+ 4), le s’adresser au gouvernement de
droite, pied gauche) est une sen­ La plus meurtrière s’est soldée par ral Ciudadanos du Parlement ré­ même que M. Iglesias avait aban­ parti de la gauche alternative gauche mené par le socialiste
tence délivrée aux présumés la mort d’une trentaine de soldats gional, avançant dans la « réunifi­ donné la vice­présidence du Mas Madrid, fondé par le cofon­ Pedro Sanchez, pour lui dire que
auteurs récidivistes de vol avec maliens, le 15 mars, à Tessit, une lo­ cation de la droite » désirée par le gouvernement espagnol pour dateur puis dissident de Pode­ « ses jours sont comptés ». 
violences par certains partisans calité située à 60 kilomètres au PP. La formation centriste, qui livrer bataille à Madrid. « La forte mos Inigo Errejon et l’ancienne sandrine morel
d’une application des houdoud, un sud de Tin­Hama. Une attaque re­
régime spécifique de châtiments, vendiquée par l’EIGS. Le groupe a
prévu par la charia, la loi islami­ établi une de ses bases principales
que. En Syrie et en Irak, l’organisa­ dans la forêt voisine d’Ansongo,
tion Etat islamique (EI) – à laquelle
l’EIGS est affilié depuis 2016 –, a ap­
pliqué ce châtiment à de nom­
qui sépare le Mali du Niger.
Comme le Burkina Faso, le Niger
est aussi régulièrement ciblé par
L’Union européenne « suspend » l’accord
breuses reprises après l’instaura­ ce groupe djihadiste.
tion de son « califat », autopro­
clamé en 2014.
Ce type de sentence a aussi été
Dans cette zone stratégique, les
hommes d’Al­Sahraoui sont en
concurrence directe avec le
sur les investissements avec Pékin
appliqué au Mali, au printemps Groupe de soutien à l’islam et aux
2012. Quand les principales villes musulmans (GSIM), affilié à Al­
L’environnement politique entre l’UE et la Chine n’est « pas propice », estime la Commission
du Nord tombent aux mains Qaida. Les victoires contre ces
d’une coalition de groupes djiha­ groupes, elles, ne sont qu’éphémè­
distes, ces derniers y installent des res. En novembre dernier, la mi­ bruxelles ­ bureau européen les groupes publics chinois trai­ Quant aux eurodéputés, ils président de la délégation pour
tribunaux, des juges musulmans nistre des armées française, Flo­ tent les entreprises européennes étaient loin d’être acquis à sa les relations avec la Chine du Par­
censés symboliser la genèse d’une
gouvernance islamique qui sera fi­
nalement défaite en 2013 par l’opé­
ration française « Serval » (deve­
nue « Barkhane » en 2014). Lapida­
rence Parly, avait annoncé la neu­
tralisation du chef militaire du
GSIM, Ba Ag Moussa, lors d’un raid
mené par « Barkhane ». Mais, se­
lon plusieurs analystes, l’EIGS
A sa manière, un brin la­
conique, le vice­prési­
dent de la Commission
européenne Valdis Dombrovskis
a annoncé, mardi 4 mai, la sus­
– auxquelles ils vendent leurs ser­
vices – de manière non discrimi­
natoire. Mais les spécialistes du
sujet jugent largement insuffi­
sants, d’un point de vue légal, les
cause. Hormis chez les eurodépu­
tés allemands et les conserva­
teurs du Groupe du parti popu­
laire européen (PPE), ce traité sus­
citait des réactions qui allaient de
lement européen, figuraient sur
la liste. Tout comme le comité po­
litique et de sécurité du Conseil de
l’UE et la sous­commission aux
droits de l’homme du Parlement
tions, flagellations, exécutions par aurait profité de ce coup porté à la pension de l’accord sur les inves­ mécanismes de mise en œuvre de la franche hostilité, chez les écolo­ européen.
balle et amputations… A travers sa concurrence pour gagner du ter­ tissements entre la Chine et ces engagements. Par ailleurs, gistes ou les représentants de la « Le Parlement devait se pronon­
commission d’enquête internatio­ rain, tandis que le GSIM poursuit l’Union européenne (UE). « Dans rien n’est prévu sur la protection gauche radicale, à un scepticisme cer sur un gel de l’accord dans
nale pour le Mali, l’ONU a do­ aussi ses attaques. la situation actuelle, avec les sanc­ des investissements et le règle­ assumé. Y compris parmi les libé­ quinze jours. On sentait bien qu’on
cumenté des dizaines de châti­ « Les amputations de Tin­Hama tions de l’UE contre la Chine et les ment des différends entre Etat et raux de Renew Europe, tradition­ allait gagner ce vote. La Commis­
ments administrés aux civils par sont­elles une manière pour l’EIGS contre­sanctions chinoises, y com­ investisseurs, un sujet qui fait nellement favorables à ce type sion prend donc les devants », s’est
les différents groupes terroristes de marquer son territoire face au pris contre des membres du Parle­ l’objet d’une autre négociation d’accord. Même les élus français félicité M. Glucksmann, dans un
contrôlant le Nord. GSIM ? », s’interroge un responsa­ ment européen, l’environnement entre Bruxelles et Pékin. issus de la majorité présidentielle tweet, mardi soir, qui évoque
Dans un rapport, publié en ble malien, qui craint que cette n’est pas propice à la ratification Il était d’ores et déjà évident, n’étaient pas convaincus. « une immense victoire ». « L’ac­
juin 2020, la commission onu­ « opération de communication » de l’accord », a­t­il expliqué à quand l’accord UE­Chine a été cord était déjà mal engagé avant
sienne souligne qu’au moins dix ne soit le début d’une série noire. l’Agence France­Presse. Avant de conclu il y a quatre mois, que sa ra­ Accord « probablement mort » les sanctions, il est probablement
personnes suspectées de vol par la Au Mali, les violences et la mort poursuivre : « Nous avons, pour le tification n’irait pas de soi. En ce Ces dernières semaines, les ten­ mort », juge Philippe Lamberts, le
police islamique ont été ampu­ rythment le quotidien des civils moment (…), suspendu certains ef­ qui concerne les Etats membres, sions avec la Chine se sont ac­ président du groupe Les Verts au
tées, à Gao et à Ansongo. Des exac­ depuis dix ans, au point d’en deve­ forts de sensibilisation politique certes consultés tout au long du crues. Le 22 mars, l’UE avait im­ Parlement, qui a, lui aussi, dès le
tions attribuées au Mouvement nir presque banales et sans que du côté de la Commission. » processus, encore fallait­il qu’ils posé des sanctions – interdictions début, combattu le traité.
pour l’unicité et le jihad en Afrique l’Etat ni ses partenaires y trouvent L’accord entre la Commission et soient en mesure d’en assumer le de visas et gels d’avoirs – contre A la Commission, on réfute
de l’Ouest (Mujao), qui contrôlait de solution. Selon l’ONG Acled, Pékin a été conclu dans la précipi­ résultat face à des opinions publi­ quatre responsables chinois cette interprétation, arguant qu’il
alors la zone. A Gao, un des cadres, plus de 2 700 civils ont été tués au tation, le 30 décembre 2020, après ques parfois rétives. D’autant que ayant violé les droits des Ouï­ s’agit d’un simple délai. « Il y a
redouté, de ce groupe n’était autre Mali, entre 2017 et 2020.  sept ans de négociations. Entre le certains d’entre eux, comme les gours. Pékin avait répliqué dans la toujours une asymétrie dans les re­
qu’Adnan Abou Walid Al­Sahraoui. morgane le cam travail forcé des Ouïgours, au Xin­ Pays­Bas, l’Autriche, l’Italie et la foulée, avec des sanctions contre lations » entre l’UE et la Chine, a
Aujourd’hui, le Mujao n’existe jiang, et la répression à Hong­ Hongrie, avaient exprimé des ré­ quatre entités et dix responsables souligné M. Dombrovskis, mardi.
plus, mais Al­Sahraoui n’a pas kong, le terrain géopolitique était serves sur sa portée réelle, quand européens, interdits de séjour en « Cet accord nous aiderait à résou­
quitté pour autant la mouvance déjà compliqué. Mais la chance­ d’autres craignaient que sa Chine continentale, à Hongkong dre cette asymétrie. »
terroriste : c’est lui qui a fondé Retrouvez en ligne l’ensemble de nos contenus lière allemande, Angela Merkel, conclusion envoie un mauvais si­ et à Macao, et de faire des affaires Les Vingt­Sept discutent actuel­
tenait à avancer sur ce dossier, gnal à l’administration Biden, avec le pays. Les eurodéputés lement d’une révision de la politi­
alors que Berlin occupait la prési­ avec laquelle Bruxelles espérait re­ français Raphaël Glucksmann et que commerciale de l’UE, afin,
dence tournante du Conseil de lancer la relation transatlantique. allemand Reinhard Bütikofer, notamment, qu’à l’heure du
l’UE jusqu’à la fin 2020, et qu’en Green Deal européen, elle prenne
É TATS - U NI S posée après la parution de ces temps de crise et de Brexit l’in­ mieux en compte la lutte contre
Meurtre de George Floyd : photos d’un des douze jurés dustrie allemande a plus besoin Attaque informatique en Belgique le réchauffement climatique.
Derek Chauvin veut faire dans une manifestation anti­ que jamais de débouchés. « Certains Etats membres, dont
annuler le verdict raciste, qui ont soulevé des in­ Le texte couvre différents sec­ De très nombreuses institutions belges ont été paralysées, mardi l’Allemagne, voudraient ajouter
Le policier, jugé coupable du terrogations sur son impartia­ teurs et prévoit que la Chine lève, 4 mai, à la suite d’une cyberattaque dirigée contre Belnet, un ser- dans les conclusions une phrase
meurtre de l’Afro­Américain lité. Son avocat, Me Eric plus ou moins selon les cas, les vice public qui assure l’accès à Internet du Parlement, des univer- qui dirait, en gros, que l’on ne peut
George Floyd, a demandé, Nelson, réclame aussi un nou­ contraintes qu’elle impose aux in­ sités, des organismes de recherche, de l’administration fiscale, pas tout demander à la politique
mardi 4 mai, l’annulation du veau procès au motif que le vestisseurs étrangers, comme des hôpitaux, etc. Sans l’affirmer publiquement, les experts mo- commerciale », explique un diplo­
verdict, accusant le jury d’avoir juge a refusé de dépayser le l’obligation de créer une joint­ bilisés ont rapidement tourné le regard vers la Chine. Une com- mate. Les débats ne sont pas
eu des « comportements inap­ procès et d’isoler les jurés venture ou de transférer des tech­ mission du Parlement devait notamment entendre un témoin de terminés. 
propriés ». Sa requête a été dé­ pendant les audiences. – (AFP.) nologies. Il précise également que la minorité ouïgoure, censé évoquer la répression au Xinjiang. virginie malingre
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JEUDI 6 MAI 2021 international | 5

L’indépendance au cœur des élections en Ecosse


Nicola Sturgeon, la dirigeante de la région, rêve d’une majorité absolue pour exiger un nouveau référendum

REPORTAGE « Il est faux de


londres ­ correspondante
dire que seule

I
l y a de la nervosité dans l’air
en ce dernier week­end
l’indépendance
d’avant­scrutin en Ecosse. Sa­ permettra
medi 1er mai, Angus Robert­
son vient de croiser un conseiller
d’améliorer
municipal Vert dans une cage d’es­ les choses »
calier de Gorgie, un quartier popu­
MADDY KIRKMAN
laire d’Edimbourg, à l’ouest de la
candidate travailliste
capitale politique de l’Ecosse. « Je
à Edimbourg
reste, au cas où il embarquerait nos
prospectus », glisse le candidat SNP
pour la circonscription d’Edim­
bourg Centre, l’une des plus dispu­ ministre a fui les journalistes, et
tées pour les élections du 6 mai vi­ les militants n’ont commencé le
sant à renouveler Holyrood, le Par­ porte­à­porte qu’à la mi­avril, à
lement « dévolu » écossais. cause des restrictions sanitaires.
L’enjeu est considérable, à Les sondages ont fléchi ces der­
l’échelle de l’Ecosse comme à nières semaines, ne donnant plus
celle du Royaume­Uni : s’il ob­ que le gain d’un siège supplémen­
tient la majorité des sièges, soit taire au SNP le 6 mai, selon une
65 députés, le parti indépendan­ synthèse des sondages réalisée
tiste – qui en détient pour l’heure par la BBC entre les 23 et 30 avril.
61 –, a promis davantage d’aides En ce 1er mai, les terrasses des
sociales et une augmentation de pubs et des restaurants viennent
salaire substantielle pour les soi­ enfin de rouvrir, cela sent la fête
gnants. Mais, surtout, il aura la lé­ et la bière dans Edimbourg. C’est
gitimité suffisante pour réclamer le moment de mettre le paquet :
un deuxième référendum d’in­ 60 000 prospectus pro­SNP ont
dépendance à Londres, sept ans été imprimés, à distribuer dans
après celui de 2014. A l’époque, Edimbourg Centre avant le D­
55,3 % des Ecossais avaient pré­ Day. Ici, « l’enjeu, c’est surtout le
féré demeurer au sein du Royau­ taux de participation, il faut que
me­Uni. Mais depuis, il y a eu le tous nos supporteurs aillent vo­
Brexit, rejeté à 62 % au nord de la ter », explique Angus Robertson.
Tweed, et la donne a radicale­ Les insistantes rumeurs de cor­ Kate Nevens, candidate Verte sur la liste régionale de la région du Lothian, à Edimbourg (Ecosse), le 4 mai. J. SUTTON-HIBBERT POUR « LE MONDE »
ment changé, veut croire le SNP. ruption au sein du gouverne­
ment Johnson jouent­elles en fa­
« Reprendre le contrôle » veur du parti ? « Bof, les gens de son destin », dit la jeune femme, tion affiliée au SNP. « Avec la plus et les conservateurs, après avoir un doublement de leurs sièges.
Toutes les voix comptent : en 2016, étaient déjà sans illusions sur Bo­ cheveux blonds, baskets blanches. forte proportion de bénéficiaires dominé sans partage l’Ecosse jus­ Moins sur la liste par circonscrip­
Ruth Davidson, l’ex­dirigeante des ris Johnson. Peut­être que cela va L’adhésion des jeunes est une d’Erasmus de tout le Royaume­Uni, qu’au début des années 2000. tions (qui désigne 73 candidats)
conservateurs écossais, avait ravi décourager quelques votants con­ des forces du SNP – au moins ce n’est pas dur de comprendre Maddy préfère parler des sujets mais sur une deuxième liste, ré­
la place au SNP avec 610 voix servateurs d’aller voter ? » deux tiers d’entre eux déclarent pourquoi les jeunes soutiennent locaux, là où, selon elle, le SNP se gionale, à scrutin proportionnel
d’avance. Elle ne se représente pas : Si la circonscription semble à invariablement leur soutien à ses l’indépendance », souligne Archip­ contente de « blâmer Westminster (désignant les 56 élus restants).
c’est un jeune conseiller munici­ portée de main pour M. Robert­ thèses. « Toute une génération est pus Sturrock, 29 ans, conseiller plutôt que d’agir ». Les logements Kate Nevens, 38 ans, est la 3e sur
pal tory, Scott Douglas, qui s’est son, la partie est moins évidente arrivée à l’indépendance lors de la parlementaire SNP à Westminster. sociaux, qui manquent cruelle­ la liste des Verts dans la région Lo­
mis sur les rangs et affronte l’expé­ pour Sarah Masson. A 29 ans, la campagne de 2014, et une autre a « En 2014, j’étais contre l’indé­ ment à Edimbourg par exemple, thian (Edimbourg et alentours).
rimenté Angus Robertson, ex­dé­ jeune candidate SNP tente de dé­ suivi à cause du Brexit, de la fin pendance, mais le Brexit m’a fait une ville colonisée par les loca­ « C’est ma première campagne à un
puté à Westminster et ancien chef crocher le siège d’Edimbourg d’Erasmus et de la libre circulation changer d’avis : comment Londres tions Airbnb, « c’est faux de dire poste gagnable », constate cette ex­
adjoint du parti indépendantiste. Ouest, une circonscription encore dans l’Union européenne », souli­ peut­il nous sortir de l’Union eu­ que seule l’indépendance permet­ employée d’Amnesty Internatio­
Au niveau national, face à des solidement libérale­démocrate. gne James Mitchell, politiste à ropéenne contre notre gré ? », tra d’améliorer les choses. » nal. « Nous défendons la nationali­
conservateurs dont le seul argu­ Elle reste confiante : « Durant cette l’université d’Edimbourg. Le SNP ajoute Lloyd Melville, 21 ans, étu­ Ses chances sont minces, mais sation du rail et l’arrêt immédiat
ment consiste à préserver l’Union pandémie, les gens ont pu appré­ est rodé à l’enrôlement des jeu­ diant à l’université de Stirling et le principal slogan du Labour des licences d’exploitation du gaz et
(« je veux tout faire pour convain­ cier le leadership de Nicola Stur­ nes sur les campus universitaires responsable de la communication – l’indépendance n’est pas la prio­ du pétrole en mer du Nord », ra­
cre les gens d’éviter un nouveau ré­ geon. Ils ont aussi vu les limites de et la personnalité de Nicola pour le SNP Students. rité en pleine crise pandémique – conte la militante. Les Verts pour­
férendum », a encore insisté Dou­ la dévolution : les frontières, par Sturgeon, féministe, pro­LGBT, pourrait avoir fait son chemin le raient gagner du terrain aux dé­
glas Ross, le chef des tories écos­ exemple, que nous ne pouvons pas correspond à leurs préoccupa­ « Blâmer Westminster » 6 mai. Le nouveau chef du parti, pens du SNP, ce qui n’est pas forcé­
sais, lors d’un point presse ven­ contrôler comme nous le vou­ tions. Edimbourg est pleine de Maddy Kirkman ne croit pas à la Anas Sarwar, en poste depuis fé­ ment une mauvaise nouvelle pour
dredi 30 avril), le SNP court en drions, à cause de Londres. » jeunes militants aux couleurs du permanence de cet engouement : vrier, a été une des révélations de ce dernier, car ils soutiennent
tête malgré quatorze ans au pou­ Comme bien d’autres de sa géné­ parti, jaune poussin, ce 1er mai. « La campagne de 2014 a motivé les la campagne. Arguments per­ aussi l’indépendance. « Elle colle à
voir et un bilan en demi­teinte. ration, Sarah est entrée au SNP lors « Nicola Sturgeon est authenti­ jeunes, mais sept ans plus tard, cutants, confiance en lui : il s’est notre vision de la démocratie, au
Sa chef, Nicola Sturgeon, la pre­ de la campagne référendaire de que, c’est une des raisons pour les­ beaucoup ont des problèmes pour révélé un adversaire à la mesure de plus près des communautés. Mais
mière ministre écossaise, jouit 2014, qui avait mobilisé les Ecos­ quelles je suis engagé au SNP. Et le trouver un emploi et un logement, Nicola Sturgeon. pour nous, elle n’est pas un but en
d’une popularité inédite en rai­ sais d’une manière inédite. « J’ai parti a un discours tellement plus ils ont d’autres priorités que l’indé­ Dans ce scrutin rendu encore soi. Notre priorité est la transition
son de sa gestion maîtrisée de compris à l’époque qu’il ne s’agis­ positif sur notre avenir que les pendance », souligne la candidate plus incertain par la pandémie, les énergétique : l’Ecosse est très avan­
la pandémie. Mais la campagne sait pas de rejeter les Anglais, mais autres », assure Steven Campbell, du Parti travailliste pour Edim­ Verts pourraient aussi créer la sur­ cée en Europe, mais peut largement
des législatives a jusqu’à présent d’une question de démocratie : 24 ans, membre des Young Scots bourg Centre. Il reste troisième prise : les derniers sondages leur mieux faire », prévient Kate. 
manqué de souffle : la première l’Ecosse doit reprendre le contrôle for Independence, une organisa­ dans les sondages, derrière le SNP prédisent entre 9 et 11 sièges, soit cécile ducourtieux

Un premier test électoral post­Brexit pour Boris Johnson


Les électeurs des classes populaires pourraient rester fidèles aux conservateurs, qui bénéficient de la disparition du Brexit Party

londres ­ correspondante digne des années Thatcher. Sur la Par ailleurs, si la campagne vacci­ Le travailliste che britannique au profit d’une la campagne, alors qu’il a visité
promesse de « réaliser » enfin le nale nationale est un succès incon­ droite désormais intervention­ trois fois Hartlepool, c’est pour­
Sadiq Khan
C e 6 mai, c’est « Super
Thursday » au Royaume­
Uni : jeudi 6 mai, les Britan­
niques sont invités à voter pour
Brexit, il avait réussi à décrocher
pour son Parti conservateur une
majorité absolue des sièges de dé­
putés à la Chambre des commu­
testable, avec, au 4 mai, 34,6 mil­
lions de Britanniques ayant reçu
une première dose et 15,6 millions
leurs deux doses de vaccin, le gou­
devrait être réélu
à Londres,
niste. Et que les voix données au
très radical Brexit Party en 2019,
avant qu’il ne disparaisse, se sont
bien reportées au centre droit.
tant le renouvellement du Parle­
ment écossais qui représente, de
loin, le rendez­vous le plus crucial
de ce « super Thursday » pour la
une multitude de scrutins ré­ nes, bénéficiant à l’époque de la vernement Johnson a raté sa ges­ malgré un bilan En revanche, mais sans surprise, carrière de M. Johnson, voire l’ave­
gionaux et locaux. Il s’agit du re­ grande lassitude des Britanniques, tion de la première vague au prin­ le travailliste Sadiq Khan devrait nir du Royaume­Uni. La cause con­
nouvellement des Parlements après quatre années d’incessantes temps 2020. Il a négligé la pru­ sans éclat enchaîner avec un second mandat servatrice y est perdue depuis
écossais et gallois, de l’élection di­ divisions depuis le référendum dence à l’automne suivant, mal à Londres. Son bilan est sans éclat, longtemps : le parti tory y main­
recte de 13 maires (à Londres, dans sur la sortie de l’Union euro­ anticipé la brutale deuxième va­ mais la capitale britannique est tiendra au mieux sa deuxième
les Midlands de l’Ouest ou le péenne de 2016. gue de début 2021. Il doit désor­ sur l’élection intermédiaire à Hart­ foncièrement anti­Brexit. Dans le place, derrière le Parti national
Grand Manchester), de 5 000 pos­ mais assumer le bilan le plus dé­ lepool, ex­bassin industriel et bas­ Grand Manchester, un autre tra­ écossais. Douglas Ross, chef écos­
tes de conseillers municipaux par­ Le Brexit devenu réalité sastreux d’Europe : plus de tion du Labour depuis les années vailliste, Andy Burnham, devrait sais des tories, espère surtout évi­
tout ailleurs en Angleterre… sans Mais depuis, la réalité du Brexit, 127 500 décès directement liés au 1970. Selon un sondage de l’insti­ lui aussi conserver son poste de ter une majorité absolue pour le
compter une élection partielle pleinement effectif au 1er jan­ Covid­19. Enfin, ces derniers jours, tut Survation paru le 4 mai, les ru­ maire, les habitants de cette méga­ SNP. Car la première ministre et
dans la circonscription d’Hartle­ vier 2021, a commencé à s’impo­ les révélations se sont accu­ meurs de corruption à Downing pole du nord­ouest de l’Angleterre patronne du parti indépendan­
pool, dans le nord­est de l’Angle­ ser, avec l’apparition de contrô­ mulées, mettant en cause la pro­ Street n’auraient pas du tout af­ appréciant qu’il ait défendu leurs tiste, Nicola Sturgeon, l’a promis :
terre. Les médias et les milieux les douaniers contraignants et bité du premier ministre et de son fecté le camp conservateur : c’est intérêts contre Westminster du­ si ce score est atteint, le SNP récla­
politiques sont fébriles à l’appro­ coûteux avec l’Union euro­ gouvernement : contrats de four­ l’élu tory qui pourrait l’emporter rant la pandémie. Les travaillistes mera un deuxième référendum
che de ce premier grand test élec­ péenne et une déstabilisation nitures de masques passés à des haut la main (avec 17 points devraient enfin conserver leur d’indépendance, près celui, raté,
toral pour le premier ministre, inquiétante de la province d’Ir­ proches des ministres, finance­ d’avance) sur son adversaire tra­ avance au Parlement gallois, et le de 2014. Si le gouvernement John­
Boris Johnson, depuis le Brexit et lande du Nord, les unionistes (fi­ ment douteux du réaménage­ vailliste. Les commentateurs poli­ parti indépendantiste gallois, son y met son veto, Edimbourg
le début de la pandémie. dèles à Londres) refusant la nou­ ment des appartements privés de tiques y voient déjà la preuve, si ce Plaid Cymru, jusqu’alors marginal, saisira la Cour suprême… Et après ?
Lors des élections générales de velle frontière maritime en mer M. Johnson à Downing Street… résultat se confirme, que les clas­ pourrait même faire une percée. C’est une autre histoire, qui s’an­
décembre 2019, M. Johnson avait d’Irlande qui leur a été imposée Ces dernières semaines, les mé­ ses populaires semblent parties Si Boris Johnson n’a pas mis les nonce très chahutée. 
remporté une victoire historique, par Downing Street. dias nationaux se sont concentrés pour bouder durablement la gau­ pieds en Ecosse depuis le début de c. du.
FRANCE
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6| JEUDI 6 MAI 2021

ÉLECTIONS  RÉGIONALES

Ecartelé, LR sauve les apparences
Mardi, le parti de droite a soutenu Muselier, qui n’a pourtant pas totalement rejeté l’alliance avec LRM en PACA

U
n ciel bas pesait, mardi
4 mai, sur le parti Les
Républicains (LR).
Pour la droite, ce de­
vait être la journée de tous les dan­
gers, le dénouement d’une tragé­
die en quatre actes débutée avec
l’entrée en campagne de Renaud
Muselier pour sa réélection à la
tête de la région Provence­Alpes­
Côte d’Azur (PACA), le 28 avril.
L’acte II a eu lieu dimanche 2 mai
lorsque le premier ministre, Jean
Castex, annonça lui­même l’al­
liance entre LR et le parti présiden­
tiel dans les colonnes du JDD, pro­
voquant l’ire des élus de droite de­
meurés fidèles à la maison mère.
Conscient du danger d’explosion,
Christian Jacob, le président de LR, Le président
a immédiatement retiré son inves­ du parti Les
titure à Renaud Muselier. Républicains,
La journée de mardi devait voir Christian
se dérouler les actes III et IV avec, Jacob, à Paris,
d’abord, le comité stratégique de mardi 4 mai.
LR en tout début de matinée, et la JEAN-CLAUDE
tenue d’une commission d’inves­ COUTAUSSE
titure consacrée à la région PACA POUR « LE MONDE »
en toute fin d’après­midi. Entre les
deux, un certain suspense s’est
installé aux alentours de la rue de
Vaugirard, à Paris, dans le 15e ar­
rondissement, où siège le parti.
Qu’allaient décider les dirigeants
de la droite ? Exclure le président
de la région PACA, comme certains
l’ont demandé ? Monter en ur­
gence une liste LR contre M. Muse­
lier avec le maire de Cannes, David
Lisnard, ou le député des Alpes­
Maritimes Eric Ciotti pour la con­
duire, comme le suggèrent cer­
tains depuis dimanche ?
Fin des manœuvres ? Pas sûr. cet épisode ne fasse basculer le tigateurs de cette union. Réunies Coincé entre LR, qui ne souhai­
« Aucun accord avec LRM » Mardi soir, le porte­parole du gou­ parti dans l’abîme. « Le parti est fra­ d’abord en comité stratégique, « TU AS DES AMIS  tait aucune alliance, et LRM, qui re­
Après des discussions tendues, la vernement, Gabriel Attal, a au con­ gile, la droite peut mourir si elle ne mardi matin, pour discuter de la si­ MALFAISANTS », A LÂCHÉ  fusait le simple soutien sans parti­
commission nationale d’investi­ traire affirmé qu’il y aurait « bien garde pas une position extrême­ tuation de Renaud Muselier, les fi­ cipation à la liste, Renaud Muselier
ture (CNI) a voté un soutien à Re­ sûr » des candidats LRM sur la liste ment claire sur le sujet, confiait gures les plus importantes de la LE PRÉSIDENT DE LR,  avait publié en milieu d’après­
naud Muselier à cinq voix près. En
échange de quoi, le candidat s’en­
de Renaud Muselier, précisant
qu’il n’y avait « pas d’accord d’ap­
ainsi François­Xavier Bellamy
mardi après­midi. Si l’idée reste que
droite ont eu, d’après plusieurs té­
moins, « une discussion franche ».
CHRISTIAN JACOB,  midi un communiqué des plus
ambigus. Tout en ayant des mots
gage, comme il l’avait précisé pareils ». « Il a une majorité régio­ LR est une formation supplétive Ils ont été plusieurs à reprocher À RENAUD MUSELIER amicaux pour le premier ministre,
lundi, à ne prendre aucun ministre nale sortante, qui est la colonne ver­ d’En marche !, LR a disparu. » une alliance mortifère à moyen il y expliquait vouloir conduire
ni parlementaire de La République tébrale » et puis « d’autres forma­ Au­delà des tractations, « l’affaire terme pour la droite. « une équipe dont la colonne verté­
en marche (LRM) sur ses listes. « Il tions politiques et d’autres repré­ Muselier » a révélé une nouvelle Absent, M. Estrosi était, lui, dans liste. Dimanche, M. Castex avait brale sera naturellement Les Répu­
ne peut y avoir aucun accord, à sentants politiques qui viennent fois l’ampleur des fractures au sein toutes les têtes. « Tu as des amis lui­même annoncé que « Sophie blicains ». Qui sera, selon lui, « fi­
quelque niveau que ce soit, avec s’agréger », a­t­il affirmé sur LCI. de LR. La situation était telle malfaisants », a lâché Christian Ja­ Cluzel et des représentants de la dèle à la majorité régionale plu­
LRM. Ce qui induit aucun parle­ Le quitus finalement accordé à qu’une fois n’est pas coutume, cob à Renaud Muselier. Le prési­ majorité parlementaire vont inté­ rielle avec nos alliés naturels et des
mentaire En marche ! et aucun Renaud Muselier a été atteint dans c’est le ban et l’arrière­ban du mou­ dent de région a reproché à son grer le dispositif » avant d’évoquer personnalités de la société civile, et
membre du gouvernement sur no­ la douleur. Jusqu’au bout, Eric vement de droite qui s’est déplacé parti son incapacité à désigner un une « recomposition politique ». tous ceux qui voudront avec nous
tre liste », a écrit LR dans un com­ Ciotti, président de la CNI, Bruno à la commission nationale d’inves­ candidat à la présidentielle. Une Mardi matin, lors de la réunion de contribuer au succès de notre projet
muniqué publié à l’issue des dé­ Retailleau, patron des sénateurs titure, où est même venu le maire fois la réunion terminée, M. Jacob a groupe de la majorité à l’Assem­ régional ». Une façon de tenter de
bats. Mercredi, M. Muselier a pré­ LR, et François­Xavier Bellamy, de Nice, Christian Estrosi. Son om­ réuni dans son bureau MM. Baroin blée nationale, Stanislas Guérini, se réconcilier avec sa famille sans
cisé qu’il pourrait accueillir la se­ chef de file des députés au Parle­ bre, avec celle d’Hubert Falco, et Muselier pour tenter de trouver délégué général du parti présiden­ se fâcher avec les macronistes.
crétaire d’Etat aux personnes ment européen, s’y sont opposés. l’édile de Toulon, a plané toute la un accord. Ce dernier souhaitait tiel, avait pourtant prévenu : « Il n’y Reste à savoir comment ces der­
handicapées, Sophie Cluzel, sur sa Cet épilogue mi­figue mi­raisin journée sur les élus du parti. Beau­ déjà à ce moment­là trouver un a pas d’accord, il n’y a pas de ras­ nier réagiront à son engagement
liste aux régionales seulement si permet à LR de sauver les apparen­ coup de dirigeants en sont persua­ compromis en excluant les minis­ semblement s’il n’y a pas de Sophie de ne pas prendre Mme Cluzel… 
elle démissionnait de son poste. ces car beaucoup craignaient que dés : ce sont eux qui ont été les ins­ tres et parlementaires LRM de sa Cluzel ; c’est absolument essentiel. » sarah belouezzane

Dans le Sud, le laboratoire d’une droite « macroncompatible »


Estrosi, Falco et Muselier multiplient les signes d’ouverture. Stratégie pour conserver le pouvoir ou réelle volonté de dépasser les clivages ?

marseille ­ correspondant (LR), Renaud le Marseillais, Hubert çois Fillon à retirer sa candidature. Aux municipales, La République nement « cautionne totalement la des sondages, une fusion au se­
le Toulonnais et Christian le Niçois Depuis ce coup d’éclat surprise, re­ en marche (LRM) a osé défier le vision de la majorité régionale ». cond. Les opinions convergentes

J e suis fier d’être gaulliste et en


même temps de travailler
main dans la main avec ceux
qui veulent nous aider et sont
issus de la majorité présidentielle. »
incarnent en Provence­Alpes­Côte
d’Azur (PACA) cette volonté – qui
déchire la droite depuis diman­
che – de définir les nouveaux con­
tours d’une majorité politique en
devenu maire de Nice, Christian
Estrosi multiplie les signes de
« macroncompatibilité ».
En octobre 2017, il crée, avec le
Toulousain Jean­Luc Moudenc, La
« patron du Var », réélu au premier
tour avec 61 % des voix. Selon
L’Opinion, un repas en marge d’un
déplacement présidentiel dans le
département, le 4 août 2020, a
Depuis son arrivée à la tête de
PACA, Renaud Muselier pilote une
majorité où cohabitent huit for­
mations politiques dont certaines,
comme le MoDem ou Agir, font
du maire de Nice et du maire de
Toulon pour une alliance avant les
urnes l’ont fait changer d’avis.
La négociation pour les régiona­
les l’a prouvé, le dialogue entre les
En concluant la conférence de associant leurs forces avec celles France audacieuse, mouvement scellé le rapprochement du maire partie de la « maison commune » trois poids lourds du Sud­Est et le
presse officialisant la candidature d’Emmanuel Macron. qui pousse, déjà, au « dépassement de Toulon avec M. Macron. présidentielle. Aux municipales, il pouvoir macroniste passe au­des­
de Renaud Muselier à sa propre Christian Estrosi restera à jamais politique ». Aux municipales de a accepté que des élus de son sus de la tête des « “marcheurs” du
succession, mercredi 28 avril à le premier à avoir imaginé cette 2020, sa guerre avec son frère en­ Majorité avec huit formations « pack régional » figurent sur les territoire ». En 2020, le député LRM
Marseille, Christian Estrosi, maire possibilité. En avril 2017, président nemi Eric Ciotti freine un temps sa Le 5 janvier 2021, c’est sur la rade de listes de LRM contre les candidats des Alpes­Maritimes Cédric Rous­
de Nice, ne pouvait être plus clair. du conseil régional depuis seize soif d’alliance. Mais dès la paix Toulon que Jean Castex vient si­ LR. La crise du Covid­19 l’a trans­ sel déplorait l’attitude de Christian
Quelques minutes plus tôt, son mois, il reçoit dans son bureau conclue, le maire de Nice panache gner le premier acte du plan de re­ formé en interlocuteur quasi quo­ Estrosi, l’ignorant au niveau local.
homologue toulonnais Hubert marseillais le candidat Macron en sa liste de personnalités issues de lance territorialisé. L’occasion de tidien de l’exécutif en tant que pré­ « Cela n’a pas beaucoup changé. Il y
Falco, présent lui aussi au soutien campagne présidentielle. Un « ren­ la société civile labellisées En mar­ parler rugby avec « Renaud » et sident des Régions de France. a des paroles nationales et des ac­
de son « ami Renaud », expliquait à dez­vous républicain », selon la ter­ che !. En septembre 2020, enfin, il « Hubert », anciens joueurs, mais Une fonction qui lui a également tes de terrain qui sont très diffé­
quel point lui plaisait « cette idée de minologie employée à l’époque, émet clairement l’hypothèse de aussi d’apporter 5,1 milliards permis de négocier au plus près le rents. J’espère qu’avec cette union,
rassemblement d’hommes et de très mal digéré par ses partenaires voir Emmanuel Macron candidat d’euros à l’exécutif régional. Un plan de relance. Il y a quelques se­ nous arriverons à être plus dans la
femmes de qualité ». LR. Quelques jours plus tôt, sous de la droite à la présidentielle 2022. soutien financier, à travers le nou­ maines, pourtant, il repoussait en­ coconstruction », se projette le par­
Vieux compagnons de route au les sifflets des militants de son Hubert Falco, s’est converti au veau plan Etat­région, qui fait dire core l’idée d’une union dès le pre­ lementaire niçois. 
sein de l’UMP et des Républicains parti, M. Estrosi avait enjoint Fran­ macronisme plus tardivement. à Christian Estrosi que le gouver­ mier tour, lui préférant, sur la foi gilles rof
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JEUDI 6 MAI 2021 france | 7

Malgré la crise, les patrons


se disent prêts à recruter
Le flou de LRM Selon une enquête diffusée mardi par Pôle emploi, les souhaits d’embauches
concernent surtout des « emplois durables » et les petites sociétés

dans les Hauts­


E
n dépit des incertitudes Les indications apportées par rants se positionnent sur la
qui prévalent sur le re­ Pôle emploi reposent sur un
Près de 45 % troisième marche du podium,
des employeurs
de­France
démarrage à 100 % de questionnaire auquel ont ré­ mais ils sont à l’origine d’un
notre économie, les pa­ pondu quelque 450 000 « établis­ moins grand nombre de projets
trons semblent disposés à recru­ sements ». Les données ont été
interrogés d’embauche qu’en 2019. La
ter massivement en 2021. Leurs collectées entre octobre et dé­ s’attendent à tendance est également orientée
« projets d’embauche » pour l’an­ cembre 2020, soit avant les mesu­ à la baisse pour les profession­
Les macronistes sont divisés entre née en cours atteignent res de restriction prises au début
avoir de la peine nels du monde des arts et de
2,723 millions, selon la nouvelle du printemps 2021 pour contenir à enrôler l’animation socioculturelle. En
le fait de se maintenir ou de se retirer enquête sur les besoins en l’épidémie de Covid­19. Un
des travailleurs revanche, il y a un engouement
main­d’œuvre diffusée, mardi énième tour de vis qui ne devrait notable pour les aides­soignants
au second tour pour faciliter 4 mai, par Pôle emploi. toutefois pas remettre en cause la et les infirmiers.
Un nombre nettement infé­ dynamique qui se dessine,
la victoire de Xavier Bertrand rieur à celui qui avait été anticipé d’après M. Ducatez. Pôle emploi a ble » (CDI et CDD de plus de six « Profil inadéquat »
pour 2020, dans le cadre d’un son­ pris le parti de comparer les inten­ mois). Ce sont surtout les petites Près de 45 % des employeurs in­
dage réalisé quelques mois avant tions des employeurs pour 2021 sociétés de moins de 50 salariés terrogés s’attendent à avoir de la
le début de la crise, mais qui dé­ avec celles enregistrées pour qui manifestent le plus d’opti­ peine pour enrôler des tra­

C’
est le sujet dont les passe de 30 000 les projections 2019, car il lui « paraissait plus per­ misme : elles portent à elles seu­ vailleurs. Une proportion en
macronistes ne veu­
« ATTENDONS DE VOIR  établies sur l’exercice 2019. « Les tinent » de se référer à une année les 68 % des projets de recrute­ baisse de cinq points, comparée à
lent pas entendre QUEL SERA LE RAPPORT  entreprises sont dans les starting­ où les entreprises ont pu tourner ment. Si l’on raisonne par secteur, celle de 2019. Les activités affi­
parler. Un choix cor­ blocks », a assuré Stéphane Duca­ normalement. les services aux particuliers arri­ chant « le taux de difficultés [à re­
nélien qui cause déjà des nœuds DE FORCE AU PREMIER  tez, directeur « études et perfor­ Dans près de deux cas sur trois, vent en tête (37,8 %), suivis par les cruter] » le plus élevé sont les
aux cerveaux des stratèges de la TOUR », TEMPORISE  mance » de l’opérateur public, les souhaits exprimés concernent services aux entreprises (23,7 %) charpentiers, puis les couvreurs
majorité à l’approche des élec­ lors d’une conférence de presse. des embauches « en emploi dura­ et l’industrie (8,3 %). La construc­ et les médecins. Pour expliquer de
tions régionales des 20 et 27 juin, LE DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL  tion se classe quatrième mais tels problèmes, les patrons invo­
et dans l’optique de la présiden­ c’est elle qui affiche la progression quent avant tout « le profil inadé­
tielle de 2022. Au­delà de l’accord DE LA RÉPUBLIQUE  la plus soutenue, avec des inten­ quat des candidats », qui se carac­
Les réclamations au Médiateur en hausse
avec le président Les Républicains EN MARCHE,  tions en hausse de près de 22 % térise, à leurs yeux, par diverses
(LR) sortant de la région, Renaud En 2020, près de 34 700 demandes ont été adressées au Média- par rapport à 2019. L’agriculture carences : manque d’expérience
Muselier, en Provence­Alpes­Côte STANISLAS GUERINI teur national de Pôle emploi, Jean-Louis Walter, qui est chargé et la santé sont également sur des professionnelle et de motivation,
d’Azur, La République en marche de faciliter les relations entre l’opérateur public et les usagers. Ce pentes ascendantes. insuffisance de la formation, etc.
(LRM) s’interroge sur son posi­ chiffre est en hausse de quasiment 12 % par rapport à 2019, se- Selon M. Ducatez, « les métiers Cependant, les entreprises ques­
tionnement lors du second tour alors que le RN menaçait de pren­ lon un rapport diffusé mardi 4 mai. Les saisines émanent presque les plus recherchés sont un peu les tionnées reconnaissent que
des régionales dans les Hauts­de­ dre la municipalité, les candidats exclusivement de demandeurs d’emploi (les entreprises ne re- mêmes » que les années précé­ d’autres facteurs peuvent jouer :
France. Au premier tour, pas de macronistes avaient pour consi­ présentant que 1 % des requêtes). Les démarches « jugées rece- dentes : les « viticulteurs, arbori­ « les conditions de travail », « le
débat : le secrétaire d’Etat chargé gne de se retirer. LRM avait même vables » concernent majoritairement des problèmes d’indemni- culteurs salariés, cueilleurs » re­ manque de moyens financiers »,
des retraites, Laurent Pietras­ bâti un plan contre le parti lepé­ sation. Dans un entretien aux Echos de mercredi, M. Walter présentent la catégorie reine. qui obère la capacité à offrir des
zewski, mènera la liste des « mar­ niste, en dressant la liste de 131 vil­ affirme que « l’assurance-chômage mérite une vraie réforme systé- Viennent ensuite les « agents rémunérations attractives, ainsi
cheurs ». les « à fort vote RN ». mique ». Mais « il ne faut pas que la recherche d’économies consti- d’entretien de locaux ». Les ser­ que « le déficit d’image ». 
Mais au second, s’il atteint la Cette fois, la position du parti tue la ligne de conduite de départ », ajoute-t-il. veurs dans les cafés et les restau­ bertrand bissuel
barre des 10 %, devra­t­il se retirer, présidentiel se veut moins tran­
au profit du président (ex­LR) sor­ chée. Laurent Pietraszewski souf­
tant Xavier Bertrand, quitte à pac­ fle lui­même le chaud et le froid.
tiser avec un des principaux ri­ S’il explique sa volonté de se
vaux d’Emmanuel Macron à la
présidentielle ? Ou au contraire se
maintenir, au risque de rendre
maintenir en critiquant les condi­
tions du retrait de la liste socia­
liste en 2015 – « On ne va pas faire
Les sénateurs débattent de l’avenir
possible un succès du candidat du des petits arrangements entre
Rassemblement national (RN),
Sébastien Chenu ? Une enquête
BVA, publiée lundi 4 mai, pose le
amis comme cela avait été le cas
en 2015 entre Martine Aubry et Xa­
vier Bertrand pour diriger la vie de
institutionnel de la Nouvelle­Calédonie
problème : si le candidat LRM ne 6 millions d’habitants ! » –, il se dit
franchissait pas la barre des 10 % également prêt à participer à un
Le président du groupe Les Républicains n’a pas écarté l’idée d’un « provincialisme renforcé »
au premier tour ou se retirait du « rassemblement républicain »,
second tour, M. Bertrand l’empor­ dont le président LR sortant de­
terait largement face au RN dans
une triangulaire avec la gauche
(44 % contre 36 % pour le RN).
Mais si M. Pietraszewski, crédité
de 12 % au premier tour, se main­
vrait prendre l’initiative, si le RN
était en position de l’emporter.
« Je n’aurai pas de comportement
politique qui permettra à l’extrême
droite de prendre la région », assu­
A l’initiative du groupe Les
Républicains (LR) se te­
nait au Sénat, mardi
4 mai, un débat sur l’avenir institu­
tionnel de la Nouvelle­Calédonie.
« Renforcer
les prérogatives
des provinces
confier certaines de leurs compé­
tences. L’Etat continuerait à assu­
mer les compétences régaliennes
mais pourrait en partager certai­
nes prérogatives avec les provin­
peut ne pas l’être », a répondu le mi­
nistre des outre­mer, Sébastien Le­
cornu. L’exécutif a invité les parte­
naires politiques calédoniens à Pa­
ris du 25 mai au 3 juin pour éclairer
tenait au second, M. Bertrand se­ re­t­il. Une date symbolique, à la veille du reviendrait ces qui le souhaiteraient. Enfin, se­ la suite du processus et l’avenir du
rait alors talonné de près par le RN Plusieurs élus de l’aile gauche de 5 mai, date anniversaire de l’assaut rait instauré un simple « collège territoire. Au même moment, le
(36 % des voix contre 34 %). la majorité plaident pour un front par les troupes d’élite, en 1988, de
à diviser médiateur », composé du repré­ Front de libération nationale ka­
Pour l’instant, « la question n’a républicain, sans ambiguïtés. la grotte de Gossanah, à Ouvéa, le territoire sentant de l’Etat et de représen­ nak socialiste faisait savoir qu’« il
pas encore été tranchée », expli­ « Par nature, il faut toujours se dé­ lors duquel dix­neuf militants in­ tants des assemblées de province, n’y a pas urgence à se rendre à Paris
quent en chœur l’entourage sister au second tour en cas de ris­ dépendantistes et deux militaires
en deux camps » dont le président serait chargé de à la fin du mois ». Le FLNKS de­
d’Emmanuel Macron et les diri­ que RN, juge le député de la trouvèrent la mort. Anniversaire, PATRICK KANNER « représenter la Nouvelle­Calédonie mande à l’Etat de « missionner un
geants de LRM. Mais le sujet sus­ Vienne, Sacha Houlié. On ne peut aussi, de la mort de Jean­Marie Tji­ président du groupe PS en toutes circonstances ». haut responsable habilité à prépa­
cite déjà d’intenses débats au sein pas ne pas le faire et ensuite le de­ baou et Yéiwené Yéiwené, abattus au Sénat rer la mission à Paris en amont ».
de LRM entre les partisans d’un mander aux autres. D’autant qu’il le 4 mai 1989 par l’un des leurs « L’Etat est neutre » Un préalable qui ressemble fort à
maintien coûte que coûte et les ne faudrait pas laisser croire à Xa­ après avoir signé un an plus tôt les S’il refuse un troisième référen­ une rebuffade. 
tenants d’un front républicain. vier Bertrand qu’il est en mesure de accords de Matignon qui met­ « l’accord de Nouméa est ancien, dum binaire, l’autre sénateur de la patrick roger
Dans la première catégorie, plu­ gagner seul contre le RN. » La mi­ taient fin à plusieurs années de son esprit est moribond et sa lettre Nouvelle­Calédonie, Gérard Poa­
sieurs dirigeants mettent en nistre de l’écologie et députée de quasi­guerre civile. Anniversaire, sans espoir ». dja, élu de la formation de centre
avant, sous couvert d’anonymat, la Somme, Barbara Pompili, ap­ enfin, de l’accord de Nouméa du « Après avoir négocié deux ac­ droit Calédonie ensemble et appa­
l’impossibilité de s’allier avec Xa­ pelle à son tour à « ne pas tergiver­ 5 mai 1998 qui arrive à son terme. cords, sachons maintenant négo­ renté au groupe Union centriste,
vier Bertrand, « qui tape matin, ser dans la lutte avec l’extrême Signataire de cet accord, le séna­ cier un désaccord », plaide M. Fro­ s’oppose à cette proposition, dans
midi et soir sur Emmanuel Ma­ droite ». teur (LR) de la Nouvelle­Calédonie gier. Selon lui, l’édifice institution­ laquelle il voit l’ébauche d’une - CESSATIONS DE GARANTIE
cron ». Autre raison invoquée : « Attendons de voir quel sera le Pierre Frogier s’inquiète de l’« im­ nel instauré par l’accord de Nou­ « partition » du territoire. « Cet
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
pourquoi se sacrifier seul, et se re­ rapport de forces au premier passe » à laquelle se heurtent méa, au sommet duquel l’exécutif apartheid géographique effacerait D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET
trouver sans aucun élu au conseil tour », temporise le délégué géné­ aujourd’hui les habitants du terri­ est confié à un gouvernement col­ cent cinquante ans d’histoire com­ 1972 - ARTICLES 44
régional pendant six ans, alors ral de LRM, Stanislas Guerini, qui toire, indépendantistes comme légial élu par le Congrès, exerçant mune, estime­t­il. Je refuse toute QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense – Tour
que la gauche a déjà dit sa volonté rejette sur Xavier Bertrand la res­ loyalistes. Par deux fois ils ont, par de larges compétences à l’excep­ amputation et toute ghettoïsa­ A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931
LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE 842
de se maintenir ? D’autres, plus ponsabilité d’un éventuel non­ac­ une courte majorité, répondu non tion des compétences régaliennes tion. » Le président du groupe PS, 689 556), succursale de QBE EUROPE SA/NV,
cyniques, y voient une occasion cord. « La première des responsa­ aux consultations sur l’accession à assumées par l’Etat, a vécu. Il en­ Patrick Kanner, a aussi rejeté cette dont le siège social est à 37, Boulevard du Régent,
de saboter les ambitions élyséen­ bilités, lorsqu’on est sortant et face l’indépendance en 2018 et tend lui substituer un système hypothèse : « Renforcer les préro­ 1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait savoir
nes de Xavier Bertrand… à un fort risque RN, c’est de ras­ en 2020. Mais celles­ci ont fait ap­ dans lequel les provinces seraient gatives des provinces reviendrait à que, la garantie financière dont bénéficiait la :
SARL GRUISSAN IMMOBILIER
sembler », souligne­t­il. Or, l’ex­ paraître deux blocs se faisant face l’entité prééminente. diviser le territoire en deux camps 8 Avenue Joseph Camp
« On ne va pas faire des petits ministre du travail a lui­même et une fracture géographique, poli­ « Je vous propose d’harmoniser au poids économique très inégal », 11130 GRUISSAN
arrangements entre amis » fermé la porte à toute alliance tique et identitaire de la société ca­ les contraires au lieu d’uniformiser considère le sénateur du Nord. RCS: 484 199 336
depuis le 01/10/2019 pour ses activités de :
Des prises de position, qui tradui­ avec LRM, que ce soit au premier lédonienne entre le Nord et les îles en écrasant les différences », dé­ Sans apporter pleinement son
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
sent une évolution de la doctrine ou au second tour, lundi, en se di­ Loyauté à majorité indépendan­ fend­il à la tribune du Sénat. Cha­ soutien à la proposition du séna­ FONDS DE COMMERCE AVEC PERCEPTION
originelle, au sein du parti prési­ sant convaincu de pouvoir gagner tiste et la riche province du Sud, que province, dont les assemblées teur Frogier, le président du DE FONDS cessera de porter effet trois jours
dentiel, sur le rapport au RN. Lors « seul ». « Pas d’arrangement, pas majoritairement loyaliste. seraient élues selon un régime groupe LR, Bruno Retailleau, a francs après publication du présent avis.Les
créances éventuelles se rapportant à ces opéra-
des élections municipales de de confusion », a­t­il promis. Des « Ces référendums mortifères ne électoral différencié, exercerait néanmoins encouragé à prendre
tions devront être produites dans les trois mois
mars 2020, LRM avait fait du com­ propos perçus par les macronistes pouvaient que raviver les tensions, l’ensemble des compétences en considération l’idée d’une de cette insertion à l’adresse de l’Établissement
bat contre l’extrême droite une comme « une posture », alors que les divisions et les affrontements, aujourd’hui dévolues au gouver­ « provincialisation renforcée ». garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade
priorité, en mettant en place un le retrait des socialistes en 2015 constate M. Frogier. Ces exercices nement collégial. Chacune serait « Pierre Frogier fait des proposi­ du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE
CEDEX Il est précisé qu’il s’agit de créances
front républicain de manière sys­ avait permis à M. Bertrand de bat­ sont inutiles car aucun des deux dotée d’un conseil coutumier re­ tions : il prend un risque. Que cha­ éventuelles et que le présent avis ne préjuge en
tématique. La doctrine était tre plus facilement Marine Le Pen. camps ne se soumettra jamais aux groupant les chefferies des aires cun en fasse autant », a­t­il lancé, rien du paiement ou du non-paiement des sommes
claire : lorsqu’un candidat de la alexandre lemarié convictions de l’autre. De partenai­ coutumières. Les communes se­ invitant le gouvernement à « quit­ dues et ne peut en aucune façon mettre en cause
majorité arrivait en troisième res, nous sommes redevenus des raient des collectivités rattachées ter sa posture de neutralité ». la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL
GRUISSAN IMMOBILIER.
place et ne pouvait pas gagner, adversaires. » Pour le sénateur, aux provinces, qui pourraient leur « L’Etat est neutre, le gouvernement
0123
8 | france JEUDI 6 MAI 2021

Les polémiques entravent la dynamique d’EELV


Les débats provoqués par les maires Verts et les désaccords internes compliquent la campagne des régionales

C’
est ce que l’on ap­ Satouri, ex­président du groupe
pelle une mauvaise écologiste à la région Ile­de­
passe. Depuis un France, et proche de Yannick Ja­
peu moins de deux dot. L’accident des visuels peut être
semaines, la campagne pour les vite réparé. Je continue à espérer
élections régionales en Ile­de­ que ça se passe bien. »
France menée par Julien Bayou, Côté direction, on ne lâche pas le
secrétaire national d’Europe Eco­ chef et on essaie de voir le côté po­
logie­Les Verts (EELV), s’enlise. La sitif des choses. « Il reste toujours
raison : la publication puis le re­ des traces de ce genre de polémi­
trait rapide, fin avril, de visuels que. Mais cela va radicaliser des
ironiques, destinés aux réseaux gens qui ne nous aimaient pas
sociaux, visant les « boomers » avant et cela ne concerne pas grand
(les personnes nées lors du baby­ monde. Nous avons une nouvelle
boom), les chasseurs, mais aussi dimension : chaque action des éco­ Yannick
des personnalités marquées à los fait l’agenda politique de la se­ Jadot
droite et à l’extrême droite maine. C’est la rançon de la gloire », accueille
comme Gérald Darmanin, minis­ avance Sandra Regol, la nu­ Julien Bayou
tre de l’intérieur, le philosophe méro deux du parti. Pour l’heure, à la réunion
Alain Finkielkraut ou le chroni­ les sondages lui donnent raison : de la gauche
queur Eric Zemmour. selon une étude d’Ipsos pour qu’il a
Cette polémique tombe au plus France Télévisions et Radio France, organisée,
mal : elle touche le « patron » la liste de Julien Bayou arrive en le 17 avril.
d’EELV dans une élection symbo­ tête de la gauche avec 13 % d’inten­ THOMAS
lique – où la gauche part séparée – tions de vote, devant celle du Parti SAMSON/AFP
et très observée. D’où la crainte socialiste (PS) conduite par Audrey
d’un ternissement global de Pulvar et celle de La France insou­
l’image des écologistes, à quel­ mise avec le Parti communiste
ques semaines du scrutin régio­ menée par Clémentine Autain en
nal supposé lancer la dynamique tête (toutes deux à 10 %).
pour la présidentielle de 2022.
Preuve que l’heure est grave : Ju­ Une initiative qui passe mal
lien Bayou a abandonné son style Il n’empêche. « L’affaire des “boo­
d’éternel étudiant ébouriffé pour mers” » place la direction du parti
une panoplie cheveux courts­cos­ dans une situation délicate. Car
tume­cravate des plus classiques. M. Bayou et son équipe doivent sion, c’est bien. La réussir, c’est EELV, les parlementaires, les mai­ querait de jeter le secrétaire natio­
C’est surtout l’image moquant également aplanir les tensions
Même si Yannick mieux. Je ne dis pas ça contre Yan­ res des grandes villes. Beaucoup nal dans les bras d’Eric Piolle ou de
les personnes âgées qui crée le dé­ avec le candidat putatif des Verts, Jadot sera en nick, car c’était impossible d’être ont critiqué Yannick Jadot et sa Sandrine Rousseau. Mais il ne
bat. Beaucoup y ont vu une stig­ Yannick Jadot. Même si l’eurodé­ bon compte tenu des questions et réunion des formations de gau­ s’agit pas non plus de se laisser
matisation des plus de 60 ans puté sera en dernière position sur
dernière position de la guérilla menée par Bruno Le che car cela « éclipserait l’écolo­ faire sans rien dire, surtout après
puisque l’affiche disait « Les boo­ la liste Bayou, un fossé semble sur la liste Bayou Maire qui débattait avec lui. » gie ». « Jadot s’est fait découper en la réunion de jeudi. « C’était assez
mers, eux, ont prévu d’aller vo­ s’être creusé entre eux, faisant De son côté, Eric Piolle, qui rondelles, tout le monde lui a re­ incompréhensible… Ce que fait Yan­
ter ». Moins de deux jours après craindre une crise alors même
en Ile-de-France, prône depuis longtemps une proché de jouer la présidentielle nick, c’est l’arc humaniste qu’Eric
sa publication, M. Bayou a estimé qu’Europe Ecologie­Les Verts est un fossé semble union avec la gauche autour de alors que l’on est sur les départe­ Piolle prône, c’est ce que Julien vou­
qu’il s’agissait d’« une erreur », non seulement dans une dynami­ l’écologie et qui peine à percer, mentales et les régionales, raconte lait faire pour les Journées d’été…
d’une campagne « qu’il n’avait pas que depuis les européennes de
s’être creusé sent bien le danger de voir M. Ja­ un bon connaisseur du parti qui On veut construire un projet com­
validée » mais dont il assumait 2019, mais semblait également entre eux dot venir sur sa ligne. Ses parti­ souhaite rester anonyme. Son pas mun autour de l’écologie », estime
« la responsabilité ». Trop tard. être devenue une formation plus sans ont donc fait circuler un de deux avec le PS est perçu comme Mounir Satouri, qui a participé au
Une nouvelle fois, EELV était au apaisée que par le passé. texte, le 30 avril, qui rappelle les une sorte de trahison. » conseil politique.
centre d’une polémique, une L’initiative de M. Jadot de réunir, et de désigner un candidat – fût­il étapes à suivre : d’abord rassem­ Selon lui, le problème est que
énième depuis le début de l’an­ mi­avril, l’ensemble des forces de d’union – sans respecter le calen­ bler les écologistes avec la pri­ Les « jadotistes » attendent M. Jadot vient perturber un plan
née. Menus végétariens dans les gauche et écologistes pour discu­ drier prévu. A savoir : une pri­ maire, puis rassembler les gau­ Alain Coulombel a des termes établi depuis plusieurs mois. Et
cantines à Lyon ; financement de ter de l’élection présidentielle et maire en septembre, ouverte à ches. Et pas l’inverse. Le texte pré­ plus choisis : « Ça fait quinze jours d’insister : « Yannick ne deale pas,
la mosquée de Strasbourg ; pro­ d’un pacte de législature a agacé au tous et rassemblant tous les partis cise : « Il est impératif de ne pas per­ que l’on a dit à Yannick qu’on aurait ce n’est pas un homme d’appareil.
pos de la maire de Poitiers, Léo­ plus haut point. Le député euro­ du « pôle écolo ». Pour l’heure, turber les campagnes en cours préféré qu’il parle en amont de son Ce qui dérange, c’est qu’il soit au
nore Moncond’huy, affirmant péen n’avait, en effet, prévenu per­ M. Jadot, Eric Piolle, maire de Gre­ ni d’accaparer la perspective d’un initiative. Mais le parti va repren­ centre du débat alors que le plan
que « l’aérien ne doit plus faire par­ sonne. Pour les adversaires de noble, et l’économiste et fémi­ rassemblement pour la séquen­ dre la main sur les discussions avec était de faire désigner Eric Piolle en
tie des rêves d’enfants » ; accusa­ M. Jadot, il se serait substitué au niste Sandrine Rousseau sont en ce 2022, en mettant en scène une nos partenaires. Il y a une réticence faisant croire que Yannick était de
tions d’« islamo­gauchisme »… il secrétaire national et se servirait lice. « Aucun des impétrants n’a la dynamique qui n’aurait pas été dé­ de Julien à entrer là­dedans car il a droite. Et ensuite, ils auraient dealé
ne se passe pas une semaine sans d’EELV pour conclure un accord surface médiatique pour s’impo­ cidée collectivement. » Mercredi peur des interférences avec les ré­ avec le PS pour les législatives. »
que le parti au tournesol soit dans avec le PS. Conscient du risque ser. Leur valeur ajoutée, c’est d’être 5 mai, l’édile isérois devait tenir gionales et les départementales. Une version niée en bloc par San­
la tourmente. d’être perçu comme trop solitaire, investi par le collectif. Il n’y a pas de une conférence de presse à Paris, Mais si EELV ne prend pas la main, dra Regol : « Notre seul plan est de
« On aurait pu s’en passer, vu les M. Jadot a envoyé une lettre, la se­ raccourci possible, ni de formule notamment pour ne pas laisser Yannick continuera de le faire. » Et faire gagner l’écologie. La personne
polémiques déjà existantes », sou­ maine du 26 avril, au conseil fédé­ d’évitement », rappelle David Cor­ M. Jadot incarner seul l’image du d’ajouter : « Yannick Jadot a déver­ qui la représentera sera désignée le
pire ainsi Alain Coulombel, porte­ ral (parlement du parti) pour dire mand, ancien numéro un. Qui ne présidentiable Vert. rouillé la situation. L’écologie est 15 septembre par la primaire. Moi,
parole d’EELV et figure de son aile que c’était au parti de mener les peut s’empêcher d’envoyer une Ces crispations sont, en tout cas, devenue centrale. » comme d’autres, sommes nom­
gauche. « Julien Bayou faisait une discussions avec les partenaires. pique à Yannick Jadot qui fut l’in­ apparues au grand jour jeudi soir, Les « jadotistes », eux, attendent breux à ne pas prendre parti. » La
bonne campagne écolo de premier Cette mise en retrait n’a pas suffi. vité vedette de « Vous avez la pa­ lors d’une réunion du conseil poli­ et fourbissent leurs armes. Pas campagne des primaires promet
tour, même s’il n’avait pas de pro­ Pas question, pour Julien Bayou role », l’émission politique de tique, structure ad hoc réunissant question d’ouvrir maintenant un d’être remuante. 
position forte, veut croire Mounir et ses proches, de brûler les étapes France 2 : « Etre invité à cette émis­ notamment le bureau exécutif de nouveau front en interne qui ris­ abel mestre

« Ce manque persistant de crédibilité est leur plus grand échec »


Selon la politiste Vanessa Jérome, alors que leurs idées se propagent, les militants écologistes et leurs élus se vivent comme des « marginaux »

ENTRETIEN gné des villes dans des conditions


inattendues de pandémie avec
guerre des autres forces politiques
pour l’écologie et contre les écolo­
politiques). En revanche, parce
qu’ils ont siégé comme simples
« Les militants Cela expliquerait­il l’absence
d’émergence de leader

V anessa Jérome est poli­


tiste, docteure associée
au Centre européen de
sociologie et de science politique
de l’université Paris­I. Elle vient
une abstention très élevée. Ils ont
acquis une surface politique cer­
taine mais sans pouvoir valider
aucune stratégie car leurs allian­
ces sont restées à géométrie varia­
gistes a commencé. Le discours de
certains leaders comme Yannick
Jadot, répétant comme un mantra
« on est prêt à gouverner », est une
manière de dire aux électeurs :
conseillers dans des assemblées
locales, ou au mieux comme ad­
joints au maire, ils n’ont pas
exercé les fonctions qui profes­
sionnalisent le plus. Alors, on
verts ne savent
pas vraiment
comment
national ?
Cette absence est plutôt le résul­
tat de leur crainte du gouverne­
ment à la majorité et de leur mode
de sélection des candidats. Leur
de publier Militer chez les Verts ble : ils ne savent donc pas quelles « Les vrais écolos sont là. » Comme doute de leur capacité à coller à
faire majorité, organisation des primaires et les
(Sciences Po les presses, 304 pa­ sont celles qui sont les plus por­ s’ils ne croyaient pas eux­mêmes l’image normée du pouvoir, qui car, chez eux, modes d’investiture qui changent
ges, 22 euros), une enquête sur le teuses pour eux. C’est une des rai­ en leur légitimité. tient beaucoup à l’élocution, aux à chaque élection font que ce ne
parti écologiste et le parcours de sons qui vient alimenter leurs tenues, à la geste politique. De ce
tout incline sont pas toujours les mêmes qui
ses militants. divisions récurrentes. Les dernières semaines ont fait, leur parole politique ne pa­ à se distinguer » sont choisis. Il existe une pluralité
vu se multiplier les polémique, raît pas assez légitime pour em­ de figures vertes, des notables po­
Après leurs succès électoraux On entend souvent dire à la suite des déclarations porter une majorité. Ce manque litiques régionaux, mais pas vrai­
aux européennes et aux muni­ que les Verts ne sont pas prêts de certains maires écologistes. persistant de crédibilité, alors que taire » – qui soutient leur empa­ ment de leader national ; sauf
cipales, les dirigeants d’Europe à accéder au pouvoir. Comment analyser ce que leurs idées s’imposent, est leur thie particulière pour les minori­ quand un courant ou une équipe
Ecologie­Les Verts (EELV) sont Partagez­vous cet avis ? leurs opposants décrivent plus grand échec. tés en lutte et la désobéissance ci­ s’organise pour soutenir l’ascen­
divisés à l’approche de leur Les écologistes savent qu’avec comme de l’amateurisme ? vile. Dans le parti, ils vont retrou­ sion nationale d’un ou d’une lea­
primaire. Quel regard portez­ l’urgence écologique leur tour est Ces élus sont des outsiders sur Dans votre livre, vous parlez ver ce principe de la prime à la der, comme ils l’ont fait pour Do­
vous sur cette séquence ? venu : tout ce sur quoi ils aler­ la scène politique – ils sont issus justement de leur « socialisa­ minorité avec l’organisation in­ minique Voynet ou Cécile Duflot.
Il faut d’abord relativiser leurs taient, au risque de passer pour d’un petit parti de gouvernement tion minoritaire »… terne à la proportionnelle des cou­ Mais la mue du parti vers la prési­
bons scores car les européennes des Cassandre, est devant nos avec peu de militants et peu de L’immense majorité des mili­ rants : à EELV, on n’est pas obligé dentialisation a été avortée. Si les
ont toujours été favorables aux yeux. Et pourtant, on sent bien moyens – mais ils ne sont pas tants Verts se vivent, dans leur tra­ d’être dans la majorité pour gou­ écologistes veulent gagner l’élec­
écologistes, même si, cette fois, ils que ce moment politique pourrait pour autant des amateurs : ils se jectoire personnelle, comme des verner. Du coup, les militants tion présidentielle, ils vont devoir
sont arrivés devant toutes les au­ leur échapper car l’évidence de sont souvent engagés très tôt et marginaux. Cette expérience verts ne savent pas vraiment com­ se contrarier sur bien des points. 
tres formations de gauche. Pour l’urgence climatique s’est imposée sont multicartes (activistes asso­ structure leur manière d’être au ment faire majorité, car chez eux propos recueillis par
les municipales, les Verts ont ga­ à l’agenda de tous. Du coup, la ciatifs, syndicalistes et militants monde – un « habitus minori­ tout incline à se distinguer. sylvia zappi
0123
JEUDI 6 MAI 2021 france | 9

Filmer la justice :
JUSTICE
lée puisque, selon le ministère, Marine Le Pen relaxée
seulement un peu plus d’un quart
42 demandes après la diffusion
des demandes de tournage obtien­ de tournage de photos de l’EI

une loi pour mettre fin


nent un feu vert. Marine Le Pen et le député
Les téléspectateurs de TF1 ont
incluant européen Gilbert Collard
ainsi pu voir, le 27 mars, dans des captations ont été relaxés, mardi 4 mai,
l’émission « Grands Reportages », après la publication sur les
les audiences correctionnelles en
d’audiences ont réseaux sociaux, en 2015, de

aux pratiques illégales matière de violences conjugales


du tribunal judiciaire de Blois, et
ceux de M6, les comparutions im­
médiates du tribunal d’Evry dans
été acceptées
en 2019
photos de massacres commis
par l’organisation Etat islami­
que. Le tribunal de Nanterre a
reconnu « une vocation infor­
Le premier article du projet de loi pour la confiance l’émission « 66 Minutes » du 14 fé­
vrier. Les habitués d’« Infrarouge », cour d’assises de la Savoie, aucune
mative » à la diffusion de ces
images, qui « s’inscrit dans
dans l’institution judiciaire devrait permettre sur France 2, ont même eu droit le
18 novembre à des audiences à
image n’aurait pu être diffusée
avant un éventuel procès en appel,
une démarche de protestation
politique ». – (AFP.)
de filmer les procès et les audiences de manière huis clos dans le cabinet d’un juge
des enfants de Bobigny.
voire un pourvoi en cassation, soit
une ou plusieurs années après le Génération identitaire :
légale et encadrée Le projet de loi se propose donc
de clarifier tout ça tout en gravant
verdict des jurés de Chambéry. La
diffusion en direct des procès,
le Conseil d’Etat
confirme la dissolution
dans le marbre quelques princi­ comme cela est possible aux Etats­ Le juge des référés du Conseil
pes de bon sens, comme l’exi­ Unis, est exclue. d’Etat a refusé de suspendre,
gence d’un « motif d’intérêt pu­ Autre garantie promise par le lundi 3 mai, la dissolution

U
ne loi pour que la jus­ l’audience des juridictions admi­ procès grand public, comme celui blic » pour autoriser l’enregistre­ texte, mais peut­être plus difficile de Génération identitaire.
tice ne soit pas hors nistratives ou judiciaires, l’emploi de Gaston Dominici. ment d’une audience, le néces­ à faire respecter à l’heure d’Inter­ Il a considéré que l’associa­
la loi. C’est un des pa­ de tout appareil permettant d’en­ Depuis une loi de 1985, la capta­ saire accord préalable des parties net, le droit à l’oubli. Aucun élé­ tion d’extrême droite prônait
radoxes du projet de registrer, de fixer ou de transmet­ tion de certains procès histori­ s’il s’agit d’une audience non pu­ ment d’identification des person­ bien « une idéologie incitant à
loi pour la confiance dans l’insti­ tre la parole ou l’image est interdit. ques est autorisée à des fins d’ar­ blique, le fait que les modalités de nes ne pourra être diffusé à l’expi­ la haine et à la violence envers
tution judiciaire dont la commis­ Le président fait procéder à la sai­ chives. Une petite quinzaine l’enregistrement ne doivent pas ration d’un délai de cinq ans à les étrangers et la religion
sion des lois de l’Assemblée natio­ sie de tout appareil et du support d’audiences ont ainsi été filmées porter atteinte au bon déroule­ compter de la première diffusion. musulmane » et que sa disso­
nale devait débuter l’examen de la parole ou de l’image utilisés en trente­cinq ans, dont celles des ment des débats et que le prési­ La principale modification appor­ lution, le 3 mars en conseil
mercredi 5 mai après­midi. Grâce en violation de cette interdiction. » procès de Klaus Barbie, de Mau­ dent peut y mettre fin à tout mo­ tée au texte, après son passage au des ministres, était « propor­
à l’article 1er de ce texte concocté Cet article 38 ter a été introduit rice Papon, d’AZF ou plus récem­ ment, ou le consentement écrit Conseil d’Etat, a été de préciser que tionnée à la gravité des ris­
par le ministre de la justice, Eric dans la loi de 1881 sur la liberté ment des attentats de Charlie des justiciables et des témoins l’autorisation de ces tournages re­ ques pour l’ordre et la sécurité
Dupond­Moretti, des procès et de la presse en décembre 1954 Hebdo et de l’Hyper Cacher. pour la diffusion d’éléments per­ viendra aux juridictions concer­ publics ». – (AFP.)
des audiences pourront être fil­ par le législateur à la suite d’in­ Rien n’autorisait d’aller plus loin. mettant de les identifier. nées, excluant que cela puisse être
més afin de permettre « à nos cidents provoqués par la pré­ Pour autant, « de manière sporadi­ décidé, comme envisagé, par le ÉDU C ATION
compatriotes de mieux connaître sence des caméras dans certains que, des autorisations exception­ Promesse de droit à l’oubli ministre de la justice ou son admi­ BTS : la CEDH rejette
l’institution judiciaire », justifiait nelles de captation d’audiences Surtout, pour limiter les risques nistration. le recours des étudiants
le garde des sceaux au sortir du sont accordées par les chefs de cour de dérive vers une justice specta­ Néanmoins, M. Dupond­Moretti La Cour européenne des
conseil des ministres, le 14 avril. lorsque le projet porté par les jour­ cle avec des acteurs du procès qui cherche à susciter l’intérêt de dif­ droits de l’homme a rejeté,
Or les chaînes de télévision dif­
Une quinzaine nalistes ou réalisateurs représente se prendraient pour des acteurs fuseurs pour créer un rendez­vous mardi, le recours des étu­
fusent déjà des documentaires et d’audiences ont un regard pédagogique manifeste tout court, et ceux de caméras in­ régulier destiné à faire de la péda­ diants en BTS qui réclamaient
des reportages pour lesquels sur les métiers et l’organisation ju­ fluençant le cours de la justice en gogie autour des différentes facet­ l’annulation de leurs examens
les caméras ont été autorisées,
été filmées en diciaire », reconnaît­on au minis­ prenant l’opinion à témoin, « la tes de la justice. Mais les impératifs au profit du contrôle continu.
en toute illégalité, à pénétrer les trente-cinq ans, tère de la justice. Sporadique ? Un diffusion, intégrale ou partielle, d’audience pourraient bien privi­ Ces étudiants estiment que
tribunaux et filmer dans le vif de euphémisme, alors que 42 deman­ n’est possible qu’après que l’affaire légier les grands procès criminels la situation sanitaire ne leur
l’action juges, avocats, mis en
dont celles des des de médias pour des tournages a été définitivement jugée », pré­ ou ceux mettant en cause des per­ permet pas de passer leurs
cause et victimes. procès de Klaus incluant des captations d’audien­ cise le projet de loi. sonnalités publiques ; des univers examens dans de bonnes
La législation actuelle ne souffre ces ont été acceptées en 2019 et 26 Dès lors, si des caméras avaient assez éloignés du quotidien des conditions. Les épreuves
pourtant d’aucune difficulté d’in­
Barbie et de en 2020. Mais cette violation de la été autorisées au procès en cours palais de justice.  en présentiel démarrent pour
terprétation : « Dès l’ouverture de Maurice Papon loi n’est pas totalement incontrô­ de Nordahl Lelandais devant la jean­baptiste jacquin la plupart le 10 mai. – (AFP.)

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centuant l’accompagnement per­
sonnel pour l’épreuve de philoso­
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une le nombre de problématiques
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ÉPOQUES

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l’Union nationale lycéenne et du encore « aménageable » à six se­ proposés aux candidats, rapporte ✶ Porcelaines et Bronzes Sérieux et discrétion
✶ Cristal de Roche assurés, déplacements
Mouvement national lycéen, des maines du coup d’envoi de cette le SNES. Ces épreuves ont déjà Paris et Province.
blocus ou tentatives de blocus. Ils session. « On écoute, on consulte à connu des aménagements au ✶ Corail et Ivoires Anc.
étaient entre 100 et 200 dans cette tout­va », dit­on au ministère. Mer­ printemps : celle de philosophie ✶ Jade blanc et couleurs PATRICK MORCOS
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ET À QUEUE ✶ Cornes et Laques EXPERT
situation, mardi. credi midi, les fédérations d’ensei­ comporte, à ce stade, non plus TOUTES ÉPOQUES

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération


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Objet de cette mobilisation : ob­ gnants étaient attendues pour deux mais trois sujets ; le nombre ✶ Manuscrits et Estampes
tenir l’annulation de l’écrit de phi­ une « multilatérale à distance ». de textes susceptibles d’être éva­ Déplacements réguliers et gratuits dans votre département. Nationale des Experts
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losophie et du grand oral, deux Mardi matin, les lycéens élus au lués à l’oral de français a été réduit Tél. 06 19 89 55 28 PARIS – PROVINCE 06.07.55.42.30
épreuves programmées mi­juin, Conseil supérieur de l’éducation y à quatorze dans la voie générale, à email : charlesheitzmann@free.fr / www.antiquaire-heitzmann.fr morcospatrick@orange.fr morcospatrick@orange.fr
au profit de leur évaluation au ont été auditionnés. La veille, ils sept dans la voie technologique.
contrôle continu – comme cela a étaient entendus par les deux « pi­ « A ce stade, on aura beau cher­

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été décidé pour les épreuves de lotes » du comité de suivi de la cher la martingale, on ne peut plus JAMES le couturier de l’homme
spécialités prévues en mars. La réforme du lycée, l’universitaire vraiment être inventif », admet Phi­ Le prêt-à-porter à votre mesure
demande gagne du terrain parmi Pierre Mathiot et l’inspecteur lippe Vincent, porte­parole des
Fermeture définitive le 13 juillet 2021 Reproduction interdite
des lycéens : une pétition récla­ Jean­Charles Ringard. « On n’est proviseurs du SNPDEN­UNSA.
mant la validation des épreuves pas dans l’hypothèse d’un boule­ Sauf à donner aux lycéens, au LIQUIDATION TOTALE DU STOCK DE - 50 % À - 70 %
au contrôle continu a recueilli, en versement des règles du jeu, dit une moins pour les écrits, la possibilité
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une semaine, plus de 230 000 si­ source bien informée. L’objet de la de retenir la « meilleure de leurs Tailles du 44 au 70 Vestes
gnatures. Chez les enseignants, réflexion est de rendre les condi­ deux notes », entre celle décrochée RUBRIQUE
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dont ceux du SNES­FSU, syndicat tions de passation des épreuves res­ en juin et celle calculée sur la base ZINS - BERAC, etc.
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tre de l’éducation nationale, Jean­ limitée, alors que plus de 80 % de nalisent pas les candidats. Tél. : 06 20 43 29 95
Michel Blanquer, a affirmé « rester la note finale de cette session 2021 « Quoique l’on décide, il faut faire
ouvert sur les aménagements pos­ dépend déjà du contrôle continu. vite, prévient Sophie Venetitay du
sibles », tout en précisant « tenir Le double de ce que prévoyait la SNES­FSU. Entre les demi­jauges,
quand même à ce qu’on ne passe « réforme Blanquer ». Sans atten­ les jours fériés de mai, les classes qui
pas au contrôle continu intégral ».
Un « glissement langagier », relè­
dre les annonces ministérielles,
enseignants et chefs d’établisse­
pourraient fermer, on ne va plus
beaucoup voir nos élèves ». Une RUBRIQUE BONNES ADRESSES
vent les observateurs du débat ment ont commencé à recenser communication officielle sur ces marie-cecile.bernard@mpublicite.fr
scolaire, amorcé la veille dans un les « options ». « aménagements » est attendue
entretien au Journal du dimanche : Il pourrait être question, pour le jeudi ou vendredi. 
« Nous devons faire preuve de bien­ grand oral, de réduire de deux à mattea battaglia
0123
10 | france JEUDI 6 MAI 2021

Au Trocadéro, la vie d’errance de mineurs isolés


Ces jeunes, qui volent d’habitude les touristes, s’en prennent désormais aux riverains et terrorisent le quartier

REPORTAGE « On en a

L
a misère se dissimule tellement
parfois dans un décor de
carte postale. En arrière­
marre qu’on
plan, la tour Eiffel prend a commencé
les premiers rayons du soleil.
Dans les jardins du Trocadéro,
à évoquer
une poignée de joggeurs démar­ l’idée de faire
rent leur journée en petites fou­
lées. Sur l’esplanade, une femme
nous-mêmes des
en robe longue blanche à sequins rondes la nuit »
prend la pose devant son télé­
DAVID BONON
phone portable installé sur tré­
boulanger
pied, cheveux blonds permanen­ Installés sur
tés, lèvres soulignées au rouge une bouche
carmin. Et là, à l’abri des regards, d’aération,
en contrebas, au pied de la Cité dans les commissaire Galland. Ivres et
de l’architecture et du patri­ jardins du sous l’emprise de stupéfiants, ils
moine, recroquevillés au sol, ré­ Trocadéro, sont facilement repérables mais,
chauffés par le souffle qui tra­ à Paris, étrangement, ils ne volent jamais
verse les grilles de la bouche d’aé­ des jeunes de médicaments, uniquement
ration de l’Aquarium, cinq ado­ isolés du liquide. Souvent, ils se blessent
lescents endormis. dorment à eux­mêmes et sont très violents
Il est 7 heures. Il fait 5 degrés. même le sol, entre eux, il arrive souvent que la
Ils sont allongés au milieu d’un le 27 avril. situation dégénère, en cellule. »
amas de bouteilles de vodka vi­ AXELLE DE RUSSÉ Une fois par semaine, jamais le
des, de cartons de bière, de sacs POUR « LE MONDE » même jour, jamais à la même
plastique, de chaussettes sales, heure, une équipe des parcs et
d’emballages de nourriture et jardins de la Mairie de Paris vient
d’excréments. nettoyer le périmètre. Ils sont
Les restes d’une vie d’errance, trois, accompagnés d’une dizaine
d’une vie sans toit, sans famille, de policiers en uniformes. Ef­
sans but. Loin de leur pays d’ori­ frayés par le comportement par­
gine, loin de ce qu’ils avaient ima­ fois erratique de ces mineurs des
giné de l’Europe. Ils ont quitté le rues, certains agents ont menacé
Maroc ou l’Algérie, plus rarement yeux, se lèvent sans bruit, ramas­ dissimulé sous le rebord d’un reviennent quand même », souf­ d’exercer leur droit de retrait.
la Tunisie, pour fuir le quotidien sent leurs maigres effets et dispa­
Comme tous petit muret. Survêtement noir, fle le restaurateur. « Parfois, ils pouvaient être jus­
d’une existence sans espoir à la­ raissent sans un mot. Pour quel­ les matins, blouson noir, casquette noire, Même chose quelques mètres qu’à une trentaine, témoigne Ni­
quelle ils voulaient échapper, à ques heures seulement. Ils re­ baskets noires, sac à dos noir. plus loin. Dans une librairie – un colas Dutard, agent des espaces
tout prix, ignorant que le pire viendront plus tard, à l’arrivée
la police vient Ses vêtements sont usés par fond de caisse de quelques dizai­ verts de la capitale. Il leur arrive
les attendait. La drogue, l’alcool, des badauds et des touristes. les réveiller le temps, salis par la rue. Il est nes d’euros volé et deux Kinder de se bagarrer, de dégrader les voi­
le dénuement, la délinquance. Leurs journées, ils les passent à grand. Il a le corps d’un adulte, Country –, dans une pharmacie – tures garées juste au­dessus pour
avaler des cachets de Rivotril
pour les déloger. mais les traits d’un enfant. Et il cambriolée à quatre reprises en y pénétrer, et d’essayer de nous vo­
Des gardes à vue en hausse (benzodiazépine bon marché Ils reviendront est épuisé. La nuit, lui et ses co­ dix mois, la dernière fois, c’était ler. Une fois, l’un d’eux s’est préci­
Polytoxicomanes et imprévisi­ dont l’usage a été détourné pains dorment à peine, trop oc­ en février, l’un d’eux s’est blessé, pité sur moi pour me prendre dans
bles, ces enfants, que l’on appelle pour devenir une drogue de rue),
à l’arrivée cupés à fracturer à coups de pieds « il y avait du sang partout, par­ ses bras et me faire un câlin, en
« mineurs isolés marocains » boire et voler : colliers, porte­ des badauds de biche et de barres de fer les de­ tout, partout sur le sol, dans mon réalité, il était en train de me faire
(même s’ils ne sont pas tous mi­ feuilles et téléphones portables. vantures et rideaux métalliques bureau, sur mes papiers… sans les poches. » Depuis, les employés
neurs, contrairement à ce qu’ils Leurs nuits, ils les passent à ava­ des commerces situés à proxi­ rien voler, de toutes les façons, je municipaux n’y vont pas sans
prétendent, et pas tous maro­ ler des cachets de Rivotril, boire eux ont déjà été placés en garde à mité de l’esplanade, où ils « tra­ ne laisse plus rien dans la caisse », protection policière.
cains), ont fait leur apparition il y et cambrioler : bistrots, commer­ vue. Et la violence est montée vaillent » le jour. raconte la pharmacienne, à bout Ce matin­là, pour la deuxième
a un peu plus de quatre ans dans ces et pharmacies. Le tout, ponc­ d’un cran. Claques, bousculades, de nerfs, qui n’a plus les moyens fois de la journée, Hamza est prié
le quartier de la Goutte­d’Or, à tué de séances de selfies au pied coups… « Avec les mesures de res­ Des commerçants excédés de faire remplacer ses vitrines de quitter les lieux. Les yeux
Barbès, dans le 18e arrondisse­ de la tour Eiffel, large sourire aux triction liées à la pandémie, les Serge Boyer, 58 ans, pense déte­ cassées, actuellement condam­ bouffis de sommeil, les membres
ment de la capitale. lèvres, liasses de billets à la main, touristes étrangers se sont faits nir le record du quartier : sa bras­ nées par des planches de bois. encore tout engourdis, il glisse
Plus récemment, ils ont investi pour faire croire aux copains res­ plus rares : plus de Chinois, plus serie, Le Galliera, a été cambrio­ « On en a tellement marre qu’on ses pieds dans ses baskets et
le Trocadéro et le quartier huppé tés au pays qu’ils ont la belle vie. de Japonais… Résultat, ne vien­ lée huit fois en un peu plus d’un a commencé à évoquer l’idée de tourne les talons. Il marche au ra­
de l’Ouest parisien qui l’entoure, Et entretenir ainsi le fantasme nent que des Parisiens et des Fran­ an. Ni le système de vidéosur­ faire nous­mêmes des rondes la lenti, tête baissée.
semant le désordre, la violence et d’un avenir meilleur, sur le sol ciliens. Moins nombreux et nette­ veillance, ni l’alarme, ni les ron­ nuit », prévient David Bonon, « Dans 90 % des cas, leur évic­
la peur. Vols à l’arraché, cambrio­ européen. ment plus méfiants, ils gardent des fréquentes des forces de po­ dont la boulangerie a été la cible tion se passe bien, dans 10 % des
lages… Au dernier trimestre 2019, Ce matin­là, au Trocadéro, ils à l’œil leur sac et leur téléphone, lice n’arrêtent les auteurs. C’est de trois tentatives de cambrio­ cas, ils grognent, mais il n’y a ja­
le commissariat de police du étaient cinq, le lendemain, ils se­ les mineurs ont donc du mal à les à chaque fois le même scénario lage. L’homme, qui habite au­ mais eu de heurts », commente
16e arrondissement comptait une ront quatre, trois jours avant, voler à leur insu et ont recours à qui se répète : un, deux ou trois dessus, a acheté un Flash­Ball. le major Jean­Luc Poirier, qui su­
vingtaine de gardes à vue liées ils n’y étaient pas, certains jours, davantage de violence pour par­ jeunes cassent les vitres avec une Les auteurs ne sont jamais très pervise les opérations. Hamza dit
aux activités délictueuses de ils peuvent être une vingtaine. Ce venir à les voler », raconte Jean­ barre de fer ramassée sur le chan­ discrets. Le plus souvent, ils ré­ avoir 16 ans, être originaire d’Al­
cette population. En 2020, mal­ sont rarement les mêmes et uni­ François Galland, commissaire tier voisin ou en lançant une pla­ veillent les voisins, qui appellent gérie, de la ville portuaire d’Oran,
gré le confinement, 400. quement des garçons (les forces du 16e arrondissement. que d’égout, pénètrent à l’inté­ la police, ou déambulent dans et être arrivé il y a quatre mois
Comme tous les matins, un de l’ordre n’ont repéré qu’une Ce jour­là, l’un d’eux, levé très rieur, foncent vers la caisse enre­ les rues du quartier après avoir avec un copain. Il ne dira rien de
équipage de trois policiers vient seule fille en un an et demi) qui tôt, bien avant ses petits camara­ gistreuse et repartent. « Mainte­ commis leur forfait. La police les plus, il ne maîtrise pas le français,
les réveiller pour les déloger n’ont pas plus de 25 ans. Les plus des, est revenu se coucher, seul, nant, il n’y a plus jamais rien dans prend en flagrant délit. « Leurs juste quelques mots. Une fois en­
« dans le calme ». Comme tous les jeunes ont 10 ans. Cette année, sur la bouche d’aération, les jam­ la caisse, je la laisse ouverte pour modes opératoires sont assez core, il disparaît. 
matins, ils peinent à ouvrir les plus d’une soixantaine d’entre bes au soleil, le visage à l’ombre, éviter qu’ils la fracassent, mais ils grossiers et bruyants, note le louise couvelaire

Deux réseaux démantelés en Seine­Saint­Denis


Vendredi 30 avril, six personnes ont été mises en examen, notamment pour « traite d’êtres humains aggravée » et « recel en bande organisée »

C’ est un sujet d’interro­


gation et de préoccu­
pation depuis l’appari­
tion du phénomène dans les rues
de la capitale, il y a plus de quatre
Vendredi 30 avril, cinq indivi­
dus ont été placés en détention
provisoire et mis en examen
pour « traite d’êtres humains ag­
gravée », « recel en bande organi­
cratives (aux heures de pointes,
les lignes de métro 1 et 4, ainsi
que le RER A, l’après­midi, les si­
tes touristiques tels que Notre­
Dame ou l’Opéra), en leur fixant
explication à cet afflux de jeunes
du Maghreb et à tous ces actes de
délinquance, raconte une source
policière. Paris se prend une
grosse partie de ce phénomène
Face à la difficulté
d’identifier
ces jeunes qui
phare ». Sur Facebook notam­
ment, circulent des informations
listant les « avantages » à opérer
à Paris, comme la présence de
nombreux sites touristiques et
ans. Avec l’arrivée de plusieurs sée » et plusieurs infractions en des objectifs chiffrés (nombre de européen dans la figure. » se prétendent l’existence d’un droit protecteur
dizaines de mineurs isolés origi­ lien avec des faits d’association de téléphones portables ou de col­ En janvier, lors de son audience tous mineurs, des mineurs.
naires du Maroc et d’Algérie, po­ malfaiteurs et de blanchiment, liers à voler par jour), pour ne de rentrée, le procureur de la Face à la difficulté d’identifier
lytoxicomanes et violents, s’est a indiqué le parquet de Paris. Une leur reverser qu’une petite part République de Paris, Rémy Heitz, les autorités ces jeunes qui se prétendent tous
rapidement posée la question de sixième personne, mise en exa­ sur les bénéfices de la revente s’inquiétait de « la part en aug­ coopèrent avec mineurs, les autorités françaises
l’existence d’éventuels réseaux men pour « association de malfai­ des objets et bijoux volés. mentation constante des mineurs coopèrent avec celles des pays
organisés qui exploiteraient teurs » et « blanchiment », a été non accompagnés (MNA) ». « Il celles des pays d’origine. Sur plus de 1 000 de­
leur détresse et leurs addictions placée sous contrôle judiciaire. Paris, « destination-phare » s’agit clairement aujourd’hui de d’origine mandes d’identification, la DS­
pour les pousser à commettre Les prévenus, marocains et L’enquête a également établi l’enjeu le plus significatif en PAP a reçu 330 retours. « Il s’agit
vols à l’arraché, cambriolages et algériens dans la vingtaine et la l’existence d’un « argentier », au matière d’infractions de voie pu­ de faux mineurs – algériens pour
autres forfaits. Après six mois trentaine, en situation irrégu­ sein du réseau de Drancy, qui blique dans la capitale », a­t­il étrangers dans les cambriolages la plupart, et marocains dans une
d’enquête, la Direction de la sécu­ lière (sauf un), connus des servi­ envoyait régulièrement des déclaré, avant de rappeler qu’à est passée de 12,3 % en 2019 à moindre mesure – dans 95 % des
rité de proximité de l’aggloméra­ ces de police pour des faits de sommes – jusqu’à 5 000 euros – Paris, en 2019, ils représentaient 27,4 % en 2020, soit plus du dou­ cas », confie la source policière.
tion parisienne (DSPAP) vient de délinquance de voie publique, dans son pays d’origine, l’Algérie. les deux tiers des plus de 4 000 ble, a­t­il précisé. Pour les vols A ce stade, l’enquête n’a pas éta­
mettre au jour deux structures appartiennent à deux « petits » Tandis que d’autres auraient mineurs déférés au parquet. Et, avec violence, cette proportion bli si les hommes mis en examen
criminelles, selon une informa­ groupes distincts qui ont pris en commencé à se lancer dans le en 2020, les trois quarts. s’est élevée à 31,6 % en 2020 », con­ – ou d’autres réseaux – étaient à
tion du Figaro. L’une est basée main ces jeunes en les héber­ trafic de médicaments achetés Une évolution qui trans­ tre 21,6 % en 2019. la manœuvre pour les faire venir
à Drancy, l’autre à Bobigny, en geant, en les formant au vol, en en Belgique. « Nous étions con­ paraît dans les chiffres de la dé­ Et pour cause. La capitale fran­ depuis leur pays d’origine. 
Seine­Saint­Denis. désignant les zones les plus lu­ vaincus qu’il devait y avoir une linquance. « La part des mineurs çaise est une « destination­ l. ce
PLANÈTE
0123
JEUDI 6 MAI 2021 | 11
C R I S E   S A N I TA I R E
▶▶▶

Au Mexique, les chiffres minorés du Covid
Selon plusieurs experts, le nombre de morts pourrait atteindre un demi­million

mexico ­ correspondance dans les transports publics », souli­


gne M. Hernandez. Selon lui, la Site

L
a vaccination avance, les surmortalité est elle­même sous­ commémoratif,
contagions baissent et les évaluée : « Les causes de la totalité à l’extérieur
décès aussi », martèle le­ des 458 026 décès supplémentaires de la basilique
président mexicain, An­ [toutes raisons confondues jus­ de Guadalupe,
dres Manuel Lopez Obrador qu’au 23 avril] ne sont pas toujours pour les
(« AMLO »), glorifiant sa gestion de identifiées par les médecins qui victimes
la crise sanitaire alors que le Mexi­ signent les certificats de décès. du Covid­19,
que recensait, lundi 3 mai, seule­ Sans compter les morts non décla­ à Mexico,
ment 112 morts dus au Covid­19 en rés par les familles. » le 10 avril.
vingt­quatre heures. Un optimis­ Même avis pour le mathémati­ LUIS CORTES/REUTERS
me sévèrement contesté par un cien renommé Raul Rojas, qui éva­
rapport encore confidentiel sur la lue à un demi­million le nombre
surmortalité, que Le Monde s’est de décès dus à la pandémie. « La
procuré. Ce dernier, élaboré par gestion de la crise est un échec phé­
dix institutions sanitaires et sta­ noménal », critique le chercheur
tistiques, dont le registre national mexicain à l’Université libre de
de population (Renapo) et la di­ Berlin, qui parle d’« évaluation
rection générale d’épidémiologie, schizophrène des décès » à partir
révèle que le bilan épidémiologi­ de chiffres officiels bien inférieurs
que s’élève en réalité à plus de à la surmortalité, pourtant quan­
330 000 morts, bien davantage tifiée, elle aussi, par les autorités.
que les 217 345 décès officielle­ M. Rojas déplore le très faible re­
ment comptabilisés lundi. Des cours aux tests par le gouverne­
experts vont plus loin, avançant ment. Le Mexique réalise 0,1 test
un demi­million de victimes. pour 1 000 habitants, contre 4,4
C’est le constat sans appel dressé en France et 15,9 au Royaume­Uni,
par Hector Hernandez, sociolo­ selon Our World in Data.
gue à l’Université autonome du
Mexique (UNAM) : « Le gouverne­ Mauvais exemple d’« AMLO »
ment minimise l’hécatombe à des Pour M. Rojas, « le gouvernement a
fins politiques, dénonce le cher­ d’abord perdu du temps en minimi­
cheur, qui étudie les actes de dé­ sant la crise ». Mexico a mis dix­
cès depuis le 18 mars 2020, date neuf jours à instaurer des actions
du premier mort attribué au sanitaires, après l’identification, le
Covid­19. Les chiffres officiels doi­ 18 février 2020, de la première
vent être multipliés par 2,5 pour contagion. Le gouvernement a
obtenir le bilan réel des décès. » proposé, le 30 mars 2020, un
L’analyse réalisée par les dix ins­ confinement non obligatoire, pro­ « Le gouvernement a parié sur les çant, dès le 24 décembre 2020, sa étude des services de la sécurité
titutions se fonde sur un compara­ longé durant deux mois. « Difficile projections les plus optimistes », « L’IMMUNITÉ COLLECTIVE  campagne de vaccination. Plus de sociale, basée sur plus de 220 000
tif annuel des certificats de décès.
Ce dernier révèle que 329 965 Me­
d’empêcher plus de la moitié de la
population active, qui vit au jour le
souligne M. Rojas. Un an plus tôt,
Hugo Lopez Gatell, vice­ministre
SEMBLE AVOIR ÉTÉ  18 millions de doses ont été admi­
nistrées au personnel de santé pu­
tests sanguins, a montré qu’en
décembre 33 % des Mexicains
xicains sont morts du Covid­19 jour dans l’économie informelle, de à la santé, prévoyait la fin de la L’OBJECTIF IMPLICITE  blique et aux personnes âgées, avaient développé ces anticorps,
jusqu’au 23 avril, soit 53,8 % de plus sortir travailler et de prendre les pandémie en juin 2020. A l’épo­ populations prioritaires. Sans soit vingt fois plus de cas que ceux
que le bilan officiel (214 504 décès) transports en commun », recon­ que, le porte­parole de la stratégie DU GOUVERNEMENT » compter plus de 865 000 profes­ confirmés par le gouvernement.
à cette date. Depuis, 2 841 morts naît M. Rojas, qui déplore le mau­ sanitaire gouvernementale avait HECTOR HERNANDEZ seurs dans les Etats où les écoles L’extrapolation réalisée par
supplémentaires ont été compta­ vais exemple donné par « AMLO ». annoncé « un scénario catastro­ sociologue rouvrent au compte­gouttes. Au M. Rojas atteint désormais 50 %
bilisés officiellement par le gou­ Misant sur la distanciation phy­ phe de 60 000 morts », largement total, 7 millions de Mexicains ont de la population. « En y ajoutant
vernement, portant le chiffre à sique, le président refuse toujours dépassé depuis. Selon les recher­ reçu une seconde dose. Mais les les vaccinés, on arrive à près de
332 806 morts au lundi 3 mai. de porter un masque, sauf en ches de M. Hernandez, 70 % des retards s’accumulent avec 211 000 60 % des gens, proche du seuil né­
Ce gigantesque réajustement fe­ avion, alors que les autorités inci­ décès dus au virus concernent les hospitalière plafonnait à 15 % en doses administrées, dimanche cessaire pour atteindre l’immunité
rait bondir le pays de 128 millions tent désormais la population à en plus démunis qui n’ont pas pu se soins intensifs, confirmant la 2 mai, contre 300 000 à 600 000 collective », explique le mathéma­
d’habitants de la quatrième à la porter sans pour autant ver­ confiner par nécessité. « Le gou­ baisse des contagions avec seule­ prévues chaque jour. Pour l’heure, ticien. Et Hector Hernandez d’ac­
troisième place mondiale en baliser les récalcitrants. En outre, vernement ne leur a accordé ment 1 027 cas confirmés. la troisième vague, annoncée cuser : « L’immunité collective sem­
nombre absolu de morts devant aucune restriction d’entrée n’a été aucune aide financière pour ne pas Depuis fin mars, les trente­deux après Pâques, se fait attendre. Une ble avoir été l’objectif implicite du
l’Inde (222 408 décès), derrière le imposée aux touristes. Le gou­ affecter les budgets alloués aux Etats mexicains sont tous sortis du preuve supplémentaire de l’effi­ gouvernement pour ne pas affecter
Brésil (408 622 morts) et les Etats­ vernement s’est contenté de grands travaux d’“AMLO” », consi­ rouge, six sont en code orange, cacité de la stratégie gouverne­ l’économie et le vote des citoyens
Unis (577 523). Avec 2,3 millions de contraintes sanitaires progressi­ dère le sociologue de l’UNAM. vingt en code jaune et six dans le mentale, selon M. Lopez Gatell. lors des élections législatives et lo­
cas confirmés de contagion, le ves appliquées à partir d’un code En face, M. Lopez Gatell défend vert. « Quant à la baisse des décès, Le mathématicien Raul Rojas ne cales du 6 juin. » Associé à une vac­
taux mexicain de létalité passe­ de quatre couleurs – rouge, oran­ son bilan, contestant les chiffres elle prouve l’efficacité de notre plan partage pas son avis : « L’accalmie cination massive, ce seuil pourrait
rait ainsi de 9,5 % à plus de 14 %, ge, jaune et vert – par région selon de la surmortalité – qui doivent en­ de vaccination », affirme aussi pourrait s’expliquer plutôt par les éviter une troisième vague géné­
un record parmi les pays de plus l’intensité locale des contagions. core être confirmés. « Nous som­ M. Lopez Gatell lors de ses confé­ premiers effets d’une immunité ralisée. Pour M. Hernandez, « cette
de 100 millions d’habitants. Seules les écoles sont fermées de­ mes parvenus à aplanir la courbe rences de presse quotidiennes sur collective, atteinte quand la grande stratégie est criminelle. Elle est
« Cette différence colossale s’ex­ puis le début de la pandémie, épidémiologique, évitant la satura­ l’évolution de la pandémie. majorité de la population dispose aussi risquée face à la possible arri­
plique par la prise en compte des commençant à peine à rouvrir tion de notre système de santé », re­ Le Mexique a joué les pionniers d’anticorps contre le virus. Cela vée d’un variant du virus ». 
morts à domicile, dans la rue ou dans les Etats en code vert. vendique­t­il. Lundi, l’occupation dans le sous­continent en lan­ neutralise les contagions. » Une frédéric saliba

La pandémie rebondit en Asie du Sud­Est


Jusqu’ici plutôt épargnés, la Thaïlande, le Cambodge et le Laos connaissent une forte progression des contaminations

bangkok ­ correspondant ble avec la situation en Europe casion du Nouvel An thaïlandais hôpitaux de campagne ont été échange. Les jeunes femmes, culé durant la fête du Pi Mai – le
en Asie du Sud­Est – sans parler de l’Inde –, les autori­ – le 13 avril –, n’ont rien arrangé. ouverts autour des grandes villes dont deux ont ensuite été testées Nouvel An laotien – quand une
tés ont pris des mesures strictes « La Thaïlande n’a pas perdu le pour accueillir des personnes po­ positives au Covid­19, sont allées jeune femme a contracté le virus

T rois pays d’Asie du Sud­Est,


Thaïlande, Cambodge et
Laos, qui avaient su jus­
que­là faire preuve d’une maîtrise
singulièrement efficace de la pan­
dans un pays où la crainte du virus
est particulièrement aiguë : dans
les zones les plus touchées,
comme Bangkok, bars, gymnases
et salons de massage sont fermés,
contrôle de l’épidémie », avance
néanmoins François Nosten, pro­
fesseur en médecine tropicale, qui
lutte pour l’éradication du palu­
disme, au sein de la Shoklo Mala­
sitives sans symptômes graves.

Gardes soudoyés
Au Cambodge, la courbe des cas a
soudainement augmenté fin fé­
faire la fête dans Phnom Penh.
Le premier ministre, Hun Sen, di­
rigeant populiste et autoritaire qui
au début de la pandémie, minimi­
sait la dangerosité du virus, a
après avoir festoyé avec des
Thaïlandais ayant clandestine­
ment franchi le Mékong, au ni­
veau de la capitale, Vientiane.
Le nombre de cas a atteint 966,
démie, connaissent à leur tour un et les restaurants le sont aussi de­ ria Research Unit, dans la ville de vrier avant de faire un bond, mi­ choisi l’hyperbole pour décrire la un chiffre perçu comme une réelle
rebond inquiétant des infections. puis le 1er mai. Mae Sot, à la frontière birmane. Il avril, passant d’une cinquantaine situation : « Ô mon peuple ! Unissez menace par le régime. Un confine­
En Thaïlande, le nombre de Ce rebond épidémique, qui a estime que « jusqu’à 3 000 cas par d’infections journalières à des vos efforts en cette période dange­ ment sévère a été imposé dans les
morts quotidiens est de l’ordre de placé sur la sellette le premier mi­ jour, les autorités peuvent gérer la pics de plus de 600. A ce jour, reuse, car nous sommes déjà au principales villes, telles Vientiane
la vingtaine depuis début mai, nistre, Prayuth Chan­o­cha, et son propagation du virus. Au­delà, cela 106 morts ont été recensés pour seuil de la mort ! », a exhorté le chef ou Luang Prabang. Quant au
après des mois quasiment sans dé­ très controversé ministre de la deviendrait problématique ». La 15 361 cas, pour 17 millions d’habi­ du gouvernement, le 14 avril. « cas 59 », comme avait été identi­
cès, et 303 personnes sont mortes santé, Anuthin Charnvirakul, est la Thaïlande dispose selon lui de tants. Cette brutale augmenta­ Au Laos, petit pays de 7 millions fiée la jeune coupable du rebond,
de la maladie depuis le début de la conséquence de l’apparition, au « l’un des meilleurs systèmes de tion s’expliquerait par la fuite, de d’habitants dirigé de main de fer elle a bien essayé de s’excuser.
pandémie. Chaque jour, environ début du mois d’avril, de foyers santé de la région », avantage l’hôtel où elles effectuaient une par le Parti communiste, aucun Mais sans succès : « Tina » – son
2 000 cas positifs supplémentaires épidémiques dans des boîtes de auquel s’ajoute un réseau étendu quarantaine de rigueur, de quatre mort n’est encore à déplorer selon nom sur son compte Facebook –
sont signalés, pour près de 70 mil­ nuit du quartier de Thonglor, dans de volontaires bénévoles, ainsi Chinoises fraîchement arrivées les chiffres officiels, et le niveau s’est fait traiter de tous les noms
lions d’habitants. Même si l’am­ la capitale. Les mouvements de qu’une politique résolue de tra­ dans le pays : le 20 février, elles d’infection est resté quasi négli­ d’oiseaux possibles sur la Toile. 
pleur de la maladie est incompara­ population dans tout le pays à l’oc­ çage des cas contacts. D’immenses ont soudoyé leurs gardes en geable durant des mois. Tout a bas­ bruno philip
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12 | planète JEUDI 6 MAI 2021

C R I S E   S A N I TA I R E

Stratégie d’élimination
contre stratégie d’atténuation
Pays de l’OCDE ayant opté pour l’élimination*
(contrôler le SARS-CoV-2 et arrêter

L’équation la transmission aussi rapidement que possible)

Pays de l’OCDE ayant opté pour l’atténuation


(agir de manière progressive et ciblée,
pour éviter de submerger les systèmes de santé)

gagnante Décès dus au Covid-19, par million d’habitants et par jour


(moyenne glissante sur sept jours)
8

du « zéro Covid »
7
6
5
4
3
2
Selon une étude publiée dans la revue 1
« The Lancet », les pays ayant opté pour 0
1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 3 64 9
l’élimination du virus plutôt que pour 2020 2021

le « vivre avec » enregistrent moins Evolution hebdomadaire du PIB (comparé à 2019)


de décès, moins de restrictions de libertés 5
et une meilleure reprise économique 0

–5

E
limination ou atténuation ? Miquel Oliu­Barton, coauteur de ces tra­ – 10
Tout faire pour se débarrasser vaux. Nous avons simplement cherché à ob­
au plus tôt du virus ou s’accom­ jectiver ce discours, à travers l’analyse des – 15
moder de sa présence et tenter données disponibles sur la première année de
de « vivre avec » − comme l’ont pandémie. » Les chercheurs ont utilisé les – 20
décidé la France et la plus données des 37 pays de l’Organisation de 1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 3 64 9
grande part des pays européens ? Partout coopération et de développement économi­ 2020 2021
dans le monde, les deux grandes options ques (OCDE), dont cinq ont opté pour une
stratégiques de gestion de la pandémie de stratégie d’élimination (Australie, Islande,
Covid­19 sont au centre d’un intense débat Nouvelle­Zélande, Japon, Corée du Sud) − les Rigueur des restrictions (0 = faible, 100 = fort)
politique. Une dizaine d’économistes in­ trente­deux autres ayant cherché à « vivre au cours des douze premiers mois de la pandémie
ternationaux vient d’y apporter de nou­ avec » le virus, tout en adaptant les mesures
100
veaux éléments, qui plaident fortement prises pour éviter la saturation de leur sys­
pour l’élimination. tème de santé. 90
Dans une brève étude publiée le 28 avril 80
dans la revue The Lancet, Miquel Oliu­Bar­ RÉSULTAT INATTENDU nation sur l’activité économique. En compa­
70
ton (université Paris­Dauphine, Esade Cen­ En agrégeant les données de mortalité dans rant, semaine après semaine, la croissance
tre for Economic Policy de Barcelone), Bary ces deux groupes de pays, les chercheurs 60 du produit intérieur brut (PIB) à son niveau
Pradelski (CNRS, Oxford­Man Institute of indiquent que les premiers ont connu une 50 de l’année précédente, les chercheurs mon­
Quantitative Finance) et leurs collègues ont mortalité due au nouveau coronavirus en­ trent que les cinq pays ayant opté pour des
40
comparé les situations socio­économique viron 25 fois inférieure à celle éprouvée par mesures précoces et énergiques d’endigue­
et sanitaire des pays ayant adopté l’une ou les autres. Le différentiel est massif. La mor­ 30 ment n’ont pas connu de baisse d’activité
l’autre de ces approches. Par rapport aux talité, écrivent les chercheurs, est un bon in­ 20 économique plus forte que les autres. Au
pays ayant opté pour le « vivre avec », ceux dicateur de l’impact de la maladie sur contraire, notent les auteurs, « début 2021,
10
qui ont misé sur des mesures précoces en fa­ un pays (l’incidence, dépendant fortement la croissance du PIB a retrouvé son niveau
veur de l’élimination ont connu une morta­ du niveau de surveillance sanitaire), même 0 d’avant la pandémie dans les cinq pays qui
lité très réduite, un retour plus rapide de si « les décideurs devraient aussi tenir 1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 3 64 9 ont opté pour l’élimination, alors que son évo­
l’activité économique et ont déployé des compte des preuves, qui s’accumulent, de 2020 2021
lution est encore négative pour les 32 autres
mesures globalement moins liberticides. morbidité à long terme après l’infection par pays de l’OCDE ».
« Nous avons beaucoup entendu un dis­ le SARS­CoV­2 ». *Australie, Nouvelle-Zélande, Islande, Japon, Corée du Sud Le dernier aspect examiné par les cher­
cours opposant les mesures de préservation La plus grande surprise de ces travaux est cheurs est le lien entre l’élimination du virus
Infographie : Le Monde Source : Oliu-Barton et al., The Lancet, 2021.
de la santé à l’activité économique, explique l’effet contre­intuitif des stratégies d’élimi­ et les limitations des libertés imposées aux

Le conseil scientifique avalise sous conditions le passe sanitaire


Les chercheurs notent l’intérêt du dispositif lors de rassemblements, mais insistent sur ses limites et le maintien des gestes barrières

P our le conseil scientifique,


la mise en place d’un
passe sanitaire pourrait
participer à réduire le risque de
« IL NE FAUT PAS SE DIRE : 
“ON A UN PASSE VALIDE, 
drastiques : nécessité du port du
masque, maintien des gestes bar­
rières et ventilation importante
dans les lieux clos, même si la dis­
culier les tests antigéniques,
compte tenu de leur moindre sen­
sibilité, ne permettent pas d’ex­
clure une infection » puis la trans­
la protection conférée par la vac­
cination dans le passe sanitaire,
ont poussé l’Académie nationale
de médecine à considérer, dans
L’Académie de médecine éten­
dait ses réserves aux attestations
de rétablissement du Covid­19,
troisième modalité du passe sa­
contamination au Covid­19 lors ON ARRÊTE LES GESTES  tanciation physique peut­être un mission du virus. Une personne un communiqué rendu public le nitaire dans le projet de loi du
de grands rassemblements, mais peu moins stricte à l’extérieur testée négative pourrait, de plus, 29 avril, qu’ils ne présentaient pas gouvernement. Le certificat eu­
certainement pas le faire dispa­ BARRIÈRES PARCE QU’ON  – « où il est désormais admis que le être contaminée après un prélè­ « les garanties souhaitables » pour ropéen prévoit déjà que les per­
raître. Dans un avis au gouverne­ risque de contamination est très vement et avant le contrôle du attester d’un faible risque de sonnes guéries mais toujours tes­
ment, rendu public mardi 4 mai,
EST GARANTI À 100 % DE  faible », précisent les chercheurs. passe sanitaire. contagiosité. « Seul un certificat de tées positives puissent traverser
les experts notent l’intérêt du dis­ NE PAS TRANSMETTRE” » « Le test donne l’information du vaccination peut être envisagé », les frontières grâce à leur immu­
positif dans une stratégie de « ré­ Sentiment de « fausse sécurité » moment où il a été fait », rappelle poursuit l’institution, comme nité naturelle, mais la France
duction des risques », tout en sou­ FRÉDÉRIC ALTARE « Ce n’est pas un sésame absolu de M. Altare, pour qui la durée de va­ « meilleure preuve de l’acquisition pourrait en décider autrement.
lignant que celui­ci devra rester immunologue sécurité, insiste Frédéric Altare, lidité des certificats est essen­ d’un état d’immunité ». « C’est un élément en cours de
« temporaire et exceptionnel » au immunologue et directeur de re­ tielle : le conseil scientifique re­ construction », commente le cabi­
vu des connaissances scientifi­ cherche à l’Institut national de la commande que les tests virologi­ Menace des variants net d’Olivier Véran.
ques imparfaites sur les risques ment du Covid­19. Le texte pro­ santé et de la recherche médicale ques soient réalisés au maximum La perspective d’un seul « certifi­ La direction générale de la
de transmission. pose de l’imposer également lors (Inserm). Il ne faut pas que les gens quarante­huit heures avant le cat vaccinal » a été écartée par le santé préconise, elle, des tests po­
La mesure doit être examinée à du passage aux frontières depuis fassent l’erreur de se dire : “On a un contrôle du passe sanitaire. Le gouvernement pour ne pas don­ sitifs anciens d’au moins quinze
l’Assemblée nationale à partir du et vers le territoire national, à par­ passe valide, on arrête les gestes Parlement européen a, dans le ca­ ner l’impression de mettre en jours et jusqu’à deux mois pour
10 mai, lors des débats sur le pro­ tir du début du mois de juin. barrières parce qu’on est garanti à dre des discussions sur le futur place, indirectement, d’obligation attester du rétablissement. Cette
jet de loi relatif à la gestion de la En donnant une indication du 100 % de ne pas transmettre”. Tant passeport sanitaire commun aux à la vaccination pour accéder à preuve d’immunité, comme celle
sortie de crise sanitaire. Un amen­ faible risque de contagiosité de que tout le monde n’est pas vac­ Vingt­Sept, fixé ces délais à moins certains lieux. L’arrivée prévue acquise grâce à la vaccination,
dement déposé par le gouverne­ personnes à l’entrée d’un festival ciné, on n’en est pas encore là. » de soixante­douze heures pour du passe sanitaire en France, le reste sous la menace de l’arrivée
ment donne au premier ministre ou d’un parc de loisirs, le passe sa­ Dès le mois de décembre, le les tests PCR et moins de vingt­ 9 juin, intervient six jours avant des variants sud­africain, brési­
la possibilité de conditionner l’ac­ nitaire « peut permettre à la popu­ conseil scientifique avait mis quatre heures pour les tests anti­ l’élargissement de la vaccination lien et indien : s’ils deviennent
cès à des rassemblements de plus lation une forme de retour à la nor­ en garde à propos d’un possible géniques, le risque de faux négatif à l’ensemble des Français de plus majoritaires en France, « la stra­
de 1 000 personnes à la présenta­ male en minimisant les risques de sentiment de « fausse sécurité » à étant considéré comme plus im­ de 18 ans. Cet été, les tests de dé­ tégie du passe sanitaire serait à
tion d’un test PCR ou antigénique contamination », écrit le conseil l’occasion des fêtes de fin d’an­ portant pour ces derniers. pistages devraient donc être lar­ réévaluer », estime le conseil
négatif récent, d’une attestation scientifique. Les conditions en­ née, en rappelant que « les tests Les limites des tests virologi­ gement utilisés par les popula­ scientifique. 
de vaccination ou de rétablisse­ tourant cette possibilité sont virologiques négatifs, en parti­ ques, qui seront mis à égalité avec tions les plus jeunes. simon auffret
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JEUDI 6 MAI 2021 planète | 13

« La probabilité d’éviter une nouvelle


saturation de l’hôpital est faible »
L’épidémiologiste et biostatisticienne Dominique Costagliola
juge le déconfinement « prématuré » et regrette le manque
de lisibilité de la stratégie du gouvernement

ENTRETIEN « JE NE VOIS PAS  déconfiner, et depuis on ne nous


en a plus jamais reparlé.

E pidémiologiste et biostatis­
ticienne, Dominique Cos­
tagliola est directrice ad­
jointe de l’Institut Pierre­Louis
d’épidémiologie et de santé publi­
COMMENT QUICONQUE 
POURRAIT AFFIRMER 
QUE LE CONFINEMENT 
En janvier, Emmanuel Macron
aurait pris la décision de ne pas
reconfiner, parce que le conseil
scientifique ne pouvait pas lui
que (Sorbonne Université, In­ DONT NOUS SORTONS  assurer que ce confinement
serm). Membre de l’Académie des serait le dernier. Comprenez­
sciences, elle porte depuis le dé­ SERA LE DERNIER » vous ce choix ?
but de l’épidémie de Covid­19 Je ne vois pas comment quicon­
un regard critique sur les choix que pourrait affirmer que le
du gouvernement. Que pensez­vous de la straté­ confinement dont nous sortons
gie adoptée par Emmanuel sera le dernier. On a le sentiment
Le déconfinement annoncé par Macron qui consiste qu’on fait un pari, et tant pis si on
le président de la République à « vivre avec le virus » ? ne le gagne pas.
a­t­il lieu au bon moment ? Je ne vois pas sur quel plan elle
Cela me paraît prématuré. La peut être gagnante. Aucune don­ Cette année de couvre­feux
probabilité que ça passe, c’est­à­ née ne la soutient. et de demi­confinements
dire d’éviter une nouvelle satura­ Beaucoup de décès, beaucoup permet­elle d’aborder l’été
tion totale de l’hôpital, est faible. d’hospitalisations, beaucoup de dans de bonnes conditions ?
Actuellement, le nombre de cas Covid longs, qui pèseront sur les On a pris des mesures médianes
baisse, mais on a à peine passé le coûts de santé futurs, une démo­ qui ont eu un certain effet, mais
pic. On relâche sans avoir dimi­ ralisation générale du personnel qui n’ont pas réussi à diminuer la
nué vraiment la pression à l’hôpi­ hospitalier, une restriction d’ac­ circulation du virus autant
tal. A la mi­décembre 2020, lors cès aux autres soins… La situation qu’après le premier confinement.
Des personnes du précédent déconfinement, le pour les soignants est extrême­ J’imagine que, dans le pari, on
prient au temple nombre d’hospitalisations et de ment difficile. Vous êtes prêt à table sur le climat pour faire la dif­
bouddhiste personnes en réanimation avait vous battre à fond deux mois, férence, mais, l’an passé, ce qui
Jogyesa, à Séoul, plus baissé quand on a rouvert. trois mois, mais au bout d’un an nous a acheté un bel été, c’est
le 12 avril. Là, on relâche beaucoup plus tôt. cela ne tient plus. Il y a des limites qu’on avait une circulation faible
AHN YOUNG-JOON/AP Dans la conclusion de son der­ à la résistance humaine. du virus à la sortie très progres­
nier rapport hebdomadaire, sive du confinement, entre le
Santé publique France, qui n’a Mais les Français, nous 11 mai et le 22 juin. Je ne suis pas
pourtant pas une liberté totale dit­on, ne supportent plus sûre qu’on aura un été aussi calme
d’expression, estime que, sans un le confinement… en l’abordant avec un niveau de
populations. Là encore, le résultat est inat­ haut niveau d’adhésion aux me­ Cela fait des mois qu’on nous se­ circulation aussi élevé.
tendu. Les chercheurs ont utilisé un indice « LE DÉBAT DOIT  sures de prévention individuelles rine qu’il serait horrible d’être
construit par des chercheurs de l’université CONTINUER CAR  et une progression rapide de la confiné à nouveau. Comment Le gouvernement présente
d’Oxford (Royaume­Uni), combinant un vaccination, « un débordement voulez­vous qu’on l’accepte et souvent la France comme
grand nombre de paramètres − fermetures LA PLUPART DES  des capacités hospitalières » est à qu’on le comprenne ? On a fait un « bon élève ». Est­ce le cas ?
des commerces, des lieux culturels, restric­ craindre en cas d’assouplisse­ une prophétie autoréalisatrice. Il est trop tôt pour savoir qui sont
tion de la liberté de circulation, interdiction ÉPIDÉMIOLOGISTES  ment des mesures collectives. On aurait pu définir une stratégie ceux qui ont mieux géré, car il y a
des rassemblements, instauration de cou­ cohérente et lisible pour les per­ tellement de facteurs à prendre en
vre­feu, etc. − quantifiant sur une échelle de
NOUS DISENT QU’IL EST  Craignez­vous une quatrième sonnes, fixer des objectifs, que les compte, et cela peut changer selon
0 à 100 la rigueur des mesures mises en RISQUÉ DE NE COMPTER  vague ? gens comprennent pourquoi les le moment. En ce printemps 2021,
œuvre par les gouvernements. Oui, d’autant plus que l’an­ mesures étaient prises, en dis­ aucun de nos voisins n’est dans
Résultat : ce n’est que pendant les dix pre­ QUE SUR LES VACCINS  nonce de ce calendrier risque de cuter avec la société civile, utiliser une situation plus défavorable.
mières semaines de la pandémie que les res­ favoriser dès à présent une les « machins » que l’on a créés, Quand on regarde l’indicateur éta­
trictions de liberté ont été légèrement plus POUR CONTRÔLER  moindre observance des mesu­ mais dont on a oublié même bli par l’ECDC [Centre européen de
fortes dans les pays ayant opté pour l’élimi­ LA PANDÉMIE » res, dont le télétravail. qu’ils existent, comme la Confé­ prévention et de contrôle des mala­
nation du virus. Passé ce cap, les pays ayant Vous ne trouverez pas un seul rence nationale de santé. dies], qui combine taux de positi­
agi moins vite et moins vigoureusement MIQUEL OLIU-BARTON pays au monde qui retienne vité et taux d’incidence sur qua­
dans la perspective du « vivre avec » ont glo­ coauteur de l’étude comme seuil de déconfinement Que pensez­vous du rôle torze jours, seuls les Pays­Bas et la
balement dû imposer, sur la longueur, des une incidence de 400 cas pour des écoles dans la dynamique Suède apparaissent en rouge
mesures bien plus attentatoires aux liber­ 100 000 habitants. Tous les autres épidémique ? foncé, comme nous.
tés. En fin d’année 2020, les chercheurs no­ pays retiennent des seuils beau­ Le déploiement des tests salivai­
tent une différence considérable, l’indice considérablement la circulation du virus. » coup plus bas, 40 au Japon, 100 res montre que, quand on teste Est­ce sûr que le pire est malgré
de privation des libertés étant plus de deux Pour les auteurs, un fait est cependant clair : dans de nombreux pays. En les enfants, on trouve des positifs. tout derrière nous ?
fois plus élevé dans les pays ayant choisi le « Les pays qui choisissent de vivre avec le vi­ France aussi, nous avions même Le gouvernement – en s’appuyant L’Inde, il y a quelques semaines,
« vivre avec ». rus constitueront probablement [à l’avenir] un seuil à 50 qu’on a oublié sans sur la position de la Société fran­ assurait que le problème était ré­
une menace pour les autres. » aucune explication à ce sujet. çaise de pédiatrie – nous avait glé. On n’a pas l’impression que
« UNE MENACE POUR LES AUTRES » « Nous ne disons pas ce qu’il faut faire à par­ Ce seuil de 400 a été choisi, car il entretenus dans l’idée que ce cela ait été le cas. Il est trop tôt
De là à suggérer que la France, en optant dès tir de maintenant, nous nous contentons de était plausible que toutes les ré­ n’était pas le cas. Par ailleurs, les pour dire que l’histoire est finie.
le début de la pandémie pour des mesures dresser un état des lieux de ce qui s’est produit gions l’atteignent au 19 mai. Mais données ne vont pas dans le sens
plus précoces et plus vigoureuses d’éradica­ jusqu’à présent, poursuit M. Oliu­Barton. la probabilité pour que ça passe d’une moindre contagiosité des Vous n’avez pas l’impression
tion du virus, pourrait aujourd’hui avoir à Mais le débat doit continuer car la plupart des est toute petite. enfants par rapport aux adultes. de crier dans le désert ?
déplorer 25 fois moins de morts du Covid­19, épidémiologistes nous disent qu’il est risqué Dans l’étude Comcor [réalisée par Si, bien sûr. Mais les autorités ont
tout en garantissant le retour plus rapide des de compter uniquement sur les vaccins pour La vaccination n’est­elle l’Institut Pasteur], le risque d’être décidé de ne pas suivre les don­
libertés individuelles, et en recouvrant une contrôler la pandémie, en raison de leur dé­ pas supposée faire barrage infecté est associé à la présence au nées de la science. Les racines sont
pleine activité économique dans le pays, il ploiement très lent dans certaines régions à une nouvelle vague ? foyer d’un enfant, avec un sur­ profondes. Quand Emmanuel Ma­
semble n’y avoir qu’un pas, mais les cher­ du monde, de la durée limitée de l’immunité A l’heure actuelle, on peut esti­ risque de 30 %. cron est allé rendre visite à Didier
cheurs ne le franchissent pas. En effet, préci­ qu’ils confèrent et de l’apparition de nou­ mer que 10 % de la population en­ Raoult, l’année dernière, c’était
sent­ils, leur analyse demeure corrélative : veaux variants qui échappent à la protection viron est totalement vaccinée, Quelle lecture faites­vous clair. La prétention que l’hydroxy­
en se fondant sur une analyse rétrospective, vaccinale. » 24 % ayant reçu au moins une de la stratégie française ? chloroquine était un traitement
il n’est pas possible de démontrer formelle­ En France, Emmanuel Macron assume son dose. Et environ 23 % des plus de Je ne sais pas, car je ne trouve pas miracle n’était basée sur rien. Lui
ment que la stratégie d’élimination adoptée choix du « vivre avec » et mise sur la campa­ 20 ans ont été infectés selon les les décisions lisibles. Je ne com­ rendre visite alors qu’il avait
par les cinq pays les plus précautionneux de gne vaccinale pour le retour à la vie normale estimations de l’Institut Pasteur. prends pas ce qui est le réel mo­ énoncé ce mensonge, et, je pense,
l’OCDE explique, à elle seule, la totalité des à court terme. Mais à plus longue échéance, Cela reste sans doute trop faible teur des décisions, ce qui les justi­ avec la conscience que c’était faux,
différences observées. le débat pourrait se poursuivre dans son en­ pour garantir une diminution de fie. Quelle est la logique ? Quel est c’était montrer qu’on se moquait
En particulier, quatre des cinq pays en tourage. Parmi les auteurs de l’étude du Lan­ la circulation du virus. l’objectif ? Dans la mesure où on des données de la science.
question sont insulaires : une stratégie d’éli­ cet figurent par exemple les économistes, ré­ Avec le variant britannique, plus prend des mesures sans expli­ Cela fait un an qu’on n’a pas
mination aurait­elle porté autant de fruits putés proches de l’Elysée, Patrick Artus (Na­ transmissible, il faudrait que 75 % quer quel est l’objectif, comment de débat démocratique sur les
dans des pays comme l’Allemagne ou la tixis) et Philippe Aghion (Collège de France), à 80 % de la population soit im­ s’attend­on à ce que les gens les mesures à prendre. L’enjeu est un
France ? « Il est incontestable qu’il est plus fa­ qui a notamment contribué à l’édification munisée pour éviter une reprise adoptent ? Dans les programmes nombre considérable de gens
cile de contrôler ses frontières lorsqu’on est du programme économique de M. Macron. épidémique dans un contexte où d’éducation à la santé, on essaie hospitalisés, un nombre considé­
entouré par la mer, répond M. Oliu­Barton. Les deux avaient déjà, dans une tribune au toutes les mesures barrières de se mettre d’accord sur un ob­ rable de gens qui vont avoir
Mais ce n’est pas, selon moi, le critère détermi­ Monde publiée en novembre, appelé à ce que seraient abandonnées. jectif à atteindre, et après on dis­ des séquelles et un nombre consi­
nant qui est plutôt la volonté politique de la France sorte du stop­and­go » sanitaire. En France, la cible actuelle, les cute des moyens pour y arriver. dérable de familles endeuillées,
contrôler ses frontières. Si l’on regarde hors Les voici donc avec de nouveaux arguments. adultes, ne fait pas 80 % de la Je soupçonne qu’il y a une stra­ sans parler des conséquences so­
OCDE, des pays comme la Chine ou le Viet­ « On voit que le consensus très fort du monde population, et l’on sait que tout le tégie, mais je n’arrive pas à la dé­ ciales et économiques du « vivre
nam semblent y être parvenus. Et nous obser­ médical en faveur de la stratégie d’élimina­ monde ne se fera pas vacciner. coder. Par exemple, le 28 octobre, avec le virus ». 
vons avec intérêt ce qui se passe au Portugal, tion est en train d’être rejoint par le monde Donc, il faudrait déjà débattre de on nous a parlé d’un seuil à 5 000 propos recueillis par
qui malgré sa longue frontière avec l’Espa­ économique », estime M. Oliu­Barton.  façon collective de la vaccination nouveaux diagnostics de Covid chloé hecketsweiler
gne, est en train de réussir à faire baisser stéphane foucart des plus jeunes. quotidiens à atteindre avant de et nathaniel herzberg
ÉCONOMIE & ENTREPRISE
0123
14 | JEUDI 6 MAI 2021

Covid­19 : « Big Pharma » défend son monopole
Face à la menace de voir leurs brevets levés, les laboratoires pourraient signer des accords avec des pays tiers

F
aut­il lever les brevets sur
les vaccins contre le Co­
vid­19 ? Mercredi 5 mai, la
demande de l’Inde et de
l’Afrique du Sud d’introduire une
dérogation temporaire aux ac­
cords sur les droits de propriété
intellectuelle (ADPIC) devait à
nouveau être discutée lors d’une
réunion du conseil général de
l’Organisation mondiale du com­
merce (OMC). Si elle venait à être
adoptée, cette disposition per­
mettrait à n’importe quelle entre­
prise pharmaceutique de pro­
duire les précieux vaccins en utili­ Le président
sant la technologie développée des Etats­Unis,
par ses concurrents. Joe Biden,
Concrètement, les Etats octroie­ avec Albert
raient à des acteurs locaux des li­ Bourla, le PDG
cences, sans que les détenteurs des de Pfizer,
brevets aient leur mot à dire. Cela à Kalamazoo
permettrait de multiplier les sites (Michigan),
de production, et ainsi de réduire le 19 février.
l’écart qui se creuse entre les pays ADAM SCHULTZ/WHITE
riches et vaccinés – où est fabriqué HOUSE/ZUMA/REA
l’essentiel des sérums aujourd’hui
– et les nations les plus pauvres,
qui peinent cruellement à mettre
la main sur des doses.
Les défenseurs de l’idée consi­
dèrent cette demande d’autant
plus fondée que « les fabricants
ont bénéficié de milliards d’euros
d’aides publiques pour développer
leurs vaccins », explique Maurice
Cassier, chercheur au CNRS.
« Aucun n’est purement le fruit des
recherches industrielles, tous ont
profité de décennies de recherches
académiques. »

Dossier très politique


Depuis sept mois, ce dossier très d’Etat et de gouvernement exhor­ aujourd’hui. « Les vaccins sont des intellectuelle. Et de détailler : prise bangladaise Incepta Phar­
politique divise les 164 Etats tait ainsi le président américain, produits biologiques complexes à « Tout dépend de la coopération
« Les fabricants maceuticals dans un entretien sur
membres de l’institution gene­ Joe Biden, à soutenir la proposi­ mettre au point », martèlent­ils, et des détenteurs de brevets. Soit ils ont bénéficié de le site Health Policy Watch, le
voise. La requête de l’Inde et de tion de suspension des brevets à nécessitent, outre le savoir­faire acceptent de réaliser des transferts 1er avril. Dans une tentative de syn­
l’Afrique du Sud, soutenue par l’OMC. Sans renier leur position, de techniciens hautement quali­ de technologie, c’est­à­dire de
milliards d’euros thèse, la patronne de l’OMC, Ngozi
une centaine d’Etats, continue de les Etats­Unis ont récemment in­ fiés pour en assurer la qualité, des fournir la recette de cuisine des d’aides publiques Okonjo­Iweala, a poussé ces der­
se heurter à l’opposition de cer­ fléchi leur discours, laissant en­ outils de production et des équi­ vaccins, soit les entreprises de­ niers mois l’idée d’une « troisième
tains pays du Nord. Parmi les ré­ tendre que toutes les options pour pements de pointe (bioréacteurs, vront reconstituer le processus de
pour développer voie », en appelant les Etats et les
fractaires se trouvent, entre augmenter la production mon­ centrifugeuses, chambres froi­ fabrication. Dans le premier cas, leurs vaccins » industriels à identifier de nouvel­
autres, les Etats­Unis, l’Union diale de vaccins, y compris la levée des…). « S’affranchir des brevets ne cela peut mettre trois mois, dans les capacités de production et en
MAURICE CASSIER
européenne (UE), dont la France, des brevets, étaient sur la table. permettra pas à des pays ou des l’autre de neuf à douze mois. » encourageant la conclusion d’ac­
chercheur au CNRS
le Royaume­Uni et la Suisse, qui Une subtilité de langage qui hé­ acteurs qui ne sont pas des spécia­ cords de licence volontaires, à
abritent les principaux groupes risse les industriels, farouche­ listes d’être capables de fabriquer « Troisième voie » l’instar du partenariat entre Astra­
pharmaceutiques aujourd’hui en ment opposés à toute levée de dans des conditions de con­ Outre les délais, les fabricants de Zeneca et le Serum Institute of In­
première ligne contre le coronavi­ leurs monopoles. « Nous enten­ fiance », prévient M. Collet. vaccins pointent aussi les difficul­ brevets sur le coronavirus pour fa­ dia. « Cela revient globalement à la
rus. « Ces derniers sont tiraillés en­ dons les interrogations, légitimes, Ces adaptations indispensables tés supplémentaires d’approvi­ briquer des vaccins durant la pan­ voie habituelle : on ne se fâche pas
tre la nécessité de répondre à l’ur­ des pays, mais l’idée que les bre­ des chaînes de fabrication pren­ sionnement que l’arrivée de ces démie. Des sociétés pharmaceuti­ avec les détenteurs de brevets et on
gence sanitaire et la défense de vets brident la production est nent par ailleurs du temps. Les nouveaux concurrents créerait. ques de pays comme l’Inde, le Ban­ compte sur leur bonne volonté »,
leurs industries pharmaceuti­ fausse. Tout est mis en œuvre pour entreprises pharmaceutiques qui « Nous sommes déjà sous tension gladesh ou l’Afrique du Sud affir­ regrette Gaëlle Krikorian.
ques », observe l’économiste Sa­ que les acteurs compétents se mo­ souhaiteraient se lancer dans la pour nous approvisionner. Donc, ment pourtant avoir la capacité de Les industriels n’ont pas hésité à
mira Guennif, chercheuse au Cen­ bilisent pour fabriquer ces vaccins. production de ces vaccins ne se­ s’il y a plus d’acteurs qui deman­ produire en quelques mois si les saisir la perche qui leur était ten­
tre d’économie de Paris­Nord et Près de 300 accords de production, raient pas en mesure de livrer dent des matières premières, ça fabricants occidentaux acceptent due. Ainsi, le patron de BioNTech,
maîtresse de conférences à l’uni­ qui impliquent parfois des concur­ leurs premiers lots avant la fin de n’améliorera pas la situation », esti­ de partager leur technologie. Ugur Sahin, déclarait récemment
versité Sorbonne­Paris­Nord. rents, ont été mis en place à cet ef­ l’année, voire en 2022. « Cela pren­ mait le patron de Moderna, Sté­ « Nous disposons de tous les réac­ étudier des partenariats avec des
Ces dernières semaines, les ap­ fet depuis un an », observe Frédé­ drait du temps, mais du point de phane Bancel, lors d’une table teurs et outils de purification néces­ entreprises du continent africain.
pels d’ONG, de scientifiques et ric Collet, président du LEEM, le vue des Etats qui savent qu’ils ronde organisée par la Fédération saires à la production de vaccins à Ils pourraient éviter la levée des
d’hommes politiques se sont mul­ lobby français des entreprises n’auront pas accès à des vaccins à internationale des fabricants et as­ ARNm. Si nous obtenons l’anti­ brevets, « qui est le pire scénario
tipliés pour convaincre les Etats pharmaceutiques. court ou moyen terme, cela en sociations pharmaceutiques gène, la production peut commen­ pour les entreprises pharmaceuti­
récalcitrants de reconsidérer leur D’autant que, selon les indus­ vaut la peine », rétorque la socio­ (IFPMA), le 23 avril. La biotech cer immédiatement (…), nous pou­ ques, car cela réduirait leurs
position. Le 15 avril, une tribune si­ triels, ce dispositif ne permettrait logue Gaëlle Krikorian, qui tra­ américaine a néanmoins indiqué, vons délivrer environ 500 millions marges financières », souligne
gnée par une centaine de lauréats pas de régler le défi de la produc­ vaille sur les questions d’accès dès octobre, qu’elle ne poursui­ de doses par an », plaidait Abdul Mme Guennif. 
du prix Nobel et d’anciens chefs tion de masse qui se pose aux médicaments et de propriété vrait pas ceux qui utiliseraient ses Muktadir, président de l’entre­ zeliha chaffin

Les très bonnes affaires des ventes de vaccins


Pfizer prévoit d’engranger 26 milliards de dollars en 2021 grâce à son seul produit contre le Covid­19, Moderna vise 18 milliards

A près la folle course aux


vaccins, l’heure est aux
premiers bilans pour les
laboratoires pharmaceutiques. La
pandémie a créé un nouveau
ratoire pharmaceutique en un an
grâce à la vente de certains de ses
produits stars. Une très bonne af­
faire donc. D’autant que l’indus­
triel, qui a déjà expédié plus de
Pfizer, compte gagner 18 milliards
de dollars avec son vaccin en 2021.
Un changement radical pour cette
jeune entreprise, qui, jusqu’à pré­
sent, n’avait jamais réalisé de bé­
jouir les actionnaires. A côté de ces
résultats flamboyants, les ventes
de vaccins d’AstraZeneca (275 mil­
lions de dollars) et Johnson & Jo­
hnson (100 millions de dollars)
auprès de l’Union européenne
(UE), n’ont pas arrangé les affaires
du groupe anglo­suédois.
Une occasion en or pour Pfizer,
BioNTech et Moderna de s’impo­
industriels. D’autant plus que les
concurrents sont encore plutôt ra­
res – même si de nouveaux vac­
cins pourraient prochainement
être autorisés –, ce qui laisse le
marché colossal pour les fabri­ 430 millions de doses dans le néfices. Son patron, le Français font pâle figure. ser comme les fabricants de réfé­ champ libre aux premiers arrivés.
cants de vaccins. Si tous ne profi­ monde, continue d’amasser les Stéphane Bancel, est aujourd’hui rence auprès des Etats, alors que Notamment sur les prix.
tent pas de la crise sanitaire, cer­ contrats auprès des Etats pour en milliardaire, avec une fortune es­ Perspectives prometteuses les perspectives du marché s’an­ Les fabricants des vaccins pour­
tains industriels voient leurs ven­ fournir de nouvelles. Fort de ces timée à 3,5 milliards d’euros. Tout A l’inverse de leurs rivaux, ces noncent prometteuses. « Sur la raient ainsi se montrer plus gour­
tes – et leurs profits – s’envoler performances, Pfizer a revu les comme Ugur Sahin, le fondateur deux laboratoires – qui ont déve­ base de ce que nous avons vu, nous mands lors des négociations de
grâce à la pandémie. prévisions de ses ventes de vaccins et dirigeant de BioNTech. Ces deux loppé des vaccins à adénovirus – pensons qu’il est probable que la nouveaux contrats. Selon des in­
Sur les trois premiers mois de anti­Covid à la hausse. Au lieu des biotech, inconnues du grand pu­ ont fait le choix de vendre leurs demande pour notre vaccin contre discrétions du premier ministre
2021, le vaccin à ARN messager de 15 milliards de dollars anticipés blic il y a encore un an, ont vu les doses à prix coûtant le temps de la le Covid­19 sera durable, comme bulgare, Boïko Borissov, rappor­
Pfizer – développé en partenariat pour l’ensemble de l’année, le cours de leurs actions exploser pandémie. Mais la survenue de c’est le cas pour les vaccins contre la tées par le site Euractiv, le 11 avril, le
avec l’allemand BioNTech avec groupe estime qu’elles atteindront grâce à la pandémie. La capitalisa­ plusieurs cas rares de troubles grippe », constatait, mardi 4 mai, le coût du vaccin Pfizer serait passé
lequel il partage pour moitié les plutôt 26 milliards de dollars. tion boursière de Moderna a été thromboemboliques a jeté le PDG de Pfizer, Albert Bourla. La de 15,50 à 19,50 euros dans les nou­
profits – a ainsi rapporté 3,5 mil­ Son compatriote, Moderna, n’est multipliée par 3,5 en un an, pour doute sur cette technologie. Et les vaccination pourrait aussi pro­ velles négociations entre l’UE et le
liards de dollars (2,9 milliards pas mal loti non plus. La biotech, atteindre 69,5 milliards de dollars. difficultés de production d’Astra­ chainement s’étendre aux adoles­ fabricant. De quoi assurer de bel­
d’euros) au géant américain. Soit qui a débuté ses livraisons aux Celle de BioNTech s’élève à près de Zeneca, qui accumule les retards cents et aux enfants, et donc gros­ les rentes à l’industrie. 
bien plus que ce que gagne le labo­ Etats­Unis au même moment que 43 milliards de dollars. De quoi ré­ de livraison dans les commandes sir encore le potentiel de vente des ze. ch.
0123
JEUDI 6 MAI 2021 économie & entreprise | 15

Agriculture : Matignon souhaite DS veut encore croire


à un marché pour la
refonder l’assurance des récoltes grande berline française
Le système actuel ne permet pas de faire face à la multiplication Avec un an de retard, le groupe Stellantis
(ex­PSA) lance la DS9, fabriquée en Chine
des catastrophes causées par le réchauffement climatique

A
Castries, dans l’Hé­
rault, Sébastien (le pré­
nom a été changé),
propriétaire de 20 hec­
« Nous
dépensons plus
institutionnelles chez Groupama.
Ce fonds, alimenté par les agricul­
teurs à travers une taxe sur leurs
assurances obligatoires, et par une
gnies elles aussi rencontrent des
difficultés. « Depuis cinq ans, avec
le dérèglement climatique, le sys­
tème se déséquilibre, prévient
E lle ne manque pas de pres­
tance, la nouvelle DS9, avec
ses lignes fluides. Grâce à
l’hybridation des motorisations,
elle développe des puissances
de gamme, univers où la légiti­
mité de marque compte au moins
autant que le modèle lui­même, la
signature « premium » du groupe
Stellantis ne peut puiser dans une
tares de vignes, a perdu, en avril, la
que ce que nous subvention de l’Etat, couvre ainsi M. Viné. Nous dépensons beau­ inédites (jusqu’à 360 chevaux), tradition ancrée dans la culture
quasi­totalité de sa récolte dans collectons, les agriculteurs qui ne peuvent coup plus que ce que nous collec­ offre un confort de suspension automobile.
l’épisode de gel sans précédent s’assurer en raison de tarifs prohi­ tons, ce n’est pas tenable. Le risque, bien au­dessus de la moyenne et La DS9 souffre aussi d’un défi­
qui a frappé plusieurs centaines
ce n’est pas bitifs, comme les arboriculteurs. à terme, étant la sélection des son habitacle tendu de cuir pleine cit technologique dans certains
de milliers d’hectares de cultures. tenable » Les cultures plus fréquemment clients, au détriment de ceux qui cu­ fleur n’a pas grand­chose à envier domaines et il n’est pas envisagé
Bien qu’il soit couvert par une as­ assurées, à hauteur de 30 % des mulent les sinistres plusieurs an­ aux références de la catégorie. de lancer une version entière­
PASCAL VINÉ
surance multirisque climatique, surfaces, comme les céréales et la nées d’affilée. » Groupama a déjà Pourtant, il est probable que ment électrique alors que cette
directeur des relations
l’indemnisation de ses pertes viticulture, ne peuvent en revan­ arrêté de distribuer son offre d’as­ cette voiture longue et basse va catégorie de véhicules tend rapi­
institutionnelles
s’annonce extrêmement modi­ che pas prétendre au régime des surances prairies. Axa a, lui, vendu ajouter son nom à la liste des mo­ dement vers cet horizon. Le tarif
chez Groupama
que. Trop de mauvaises années se calamités, sauf sinistres excep­ son portefeuille d’assurances ré­ dèles français, qui ont vainement de la DS9 (de 47 700 à
sont succédé. « Entre 1991 et 2012, tionnels. Leurs producteurs doi­ colte en France. « En bien des tenté de trouver leur place sur le 69 400 euros), fixé au­dessous de
nous n’avons jamais eu recours à cette chute des rendements agri­ vent se tourner vers les assureurs points, le risque climatique agricole segment de la grande berline pre­ celui de ses rivales, risque de ne
l’assurance que nous avions sous­ coles, comme le souligne le dé­ privés, Groupama ou Pacifica (la se trouve dans une situation proche mium. Echaudés par l’échec de la pas être suffisant pour contrecar­
crite. Depuis 2012, nous avons fait puté (LRM) du Val­de­Marne Fré­ filiale du Crédit agricole) en tête, du risque systémique, qui devient, Vel Satis, de la 607 ou de la C6, Re­ rer ces vents contraires.
appel à eux six ou sept fois, dit­il. déric Descrozaille dans un rapport mais bénéficient d’une subven­ par sa magnitude, difficilement as­ nault, Peugeot comme Citroën Pour son nouveau modèle, DS
En 2016, à cause de la grêle, en 2017, sur la gestion des risques agrico­ tion européenne, par le biais de la surable », dit­on chez Generali. ont renoncé à leurs ambitions sur ne fournit pas d’objectifs. Trans­
pour un gel de printemps et une sé­ les, remis le 21 avril au ministre de politique agricole commune « Le sujet est primordial, car, ce segment. Créée en 2014, la mar­ fuge de Renault, Béatrice Foucher,
cheresse, en 2019, la canicule a fait l’agriculture, Julien Denormandie. (PAC), pour payer leur cotisation. dans les cinq à sept prochaines an­ que DS veut tenter sa chance. la nouvelle directrice générale de
fondre le raisin. » Sans compter un Provoquée par le réchauffement nées, la moitié des agriculteurs va la marque, évoque « un exercice de
coup fatal de mildiou en 2018. climatique, « cette dégradation en 70 % des surfaces non assurées partir à la retraite. Pour que des Déficit technologique style, l’incarnation de notre savoir­
Pour indemniser leurs clients, tendance des potentiels de produc­ Dès lors, plusieurs problèmes se jeunes s’installent, nous devons La carrière de la DS9, qui se veut le faire sur un segment certes classi­
les assureurs se fondent, par con­ tion peut être considérée comme posent. Dans les deux systèmes, leur apporter de la sécurité, c’est un porte­emblème du « luxe à la que, mais qui pourrait bien retrou­
vention internationale, sur la non assurable, car structurelle, et l’agriculteur doit avoir perdu au enjeu de souveraineté alimentaire, française », n’a pas commencé ver de la vigueur à l’avenir ». Pour
« moyenne olympique » des cinq s’apparenter à une calamité voire à moins 30 % d’une récolte (calculé déclare le ministre de l’agricul­ sous les meilleurs auspices. La assurer une diffusion minimale,
dernières années, en retirant la une catastrophe naturelle », souli­ sur la fameuse moyenne olympi­ ture, Julien Denormandie. La so­ décision de localiser sa produc­ la firme compte sur les particu­
meilleure année et la pire, puis en gne le parlementaire. que des cinq dernières années) lution, c’est d’admettre que le tion en Chine lui a, jusqu’à pré­ liers amateurs de berlines classi­
calculant la moyenne des trois an­ En déplacement dans un vigno­ pour déclencher une prise en monde agricole seul ne peut pas sent, guère réussi. Son lancement ques, sur les flottes automobiles
nées restantes. « Pour nous, il s’agit ble de l’Hérault victime du gel, charge. « Bon nombre d’entre eux faire face aux aléas climatiques, a été perturbé par le divorce in­ et l’habituelle clientèle « captive »
de trois toutes petites récoltes, et, Jean Castex a affirmé, le 17 avril, se disent : à quoi bon s’assurer, puis­ l’Etat doit aider au financement. » tervenu entre PSA et le groupe – mais restreinte – de grandes voi­
sur cette moyenne, il faut encore qu’il fallait « refonder le logiciel de que ce seuil n’est jamais atteint », A quel prix ? M. Descrozaille es­ Chang’an, son partenaire au sein tures françaises que sont les mi­
enlever la franchise », dit Sébastien. l’assurance récolte ». « Une réforme affirme Joël Limouzin, vice­prési­ time qu’« il faudrait, à terme, y con­ d’un joint­venture. Aujourd’hui, nistères, les préfectures et les
D’après ses premiers calculs, le ne suffira pas », estime­t­on au mi­ dent de la Fédération nationale sacrer 800 millions d’euros par DS n’a que vingt concessionnai­ grandes entreprises nationales.
chiffre d’affaires de son exploita­ nistère de l’agriculture, chargé par des syndicats d’exploitants agrico­ an ». Son rapport avance plusieurs res sur le territoire chinois. Les incertitudes qui entourent
tion va chuter de 80 000 euros le premier ministre de faire « des les (FNSEA). Par ailleurs, les deux pistes de réforme, notamment Lancé avec plus d’un an de re­ le lancement de la DS9 souli­
en 2021, par rapport à la moyenne propositions rapidement ». régimes peuvent se marcher sur une clarification des rôles entre les tard, ce véhicule, prioritairement gnent les difficultés de position­
de ses revenus sur vingt ans, Comment fonctionne ce régime les pieds. « Certains exploitants assureurs privés, qui intervien­ destiné au marché chinois, s’ins­ nement dont souffre depuis plu­
pour tomber à 40 000 euros, et il d’assurance, aujourd’hui à bout de n’ont pas forcément intérêt à s’as­ draient lorsque l’agriculteur a crit en décalage au regard des ten­ sieurs années cette marque créée
n’attend pas plus de 5 000 à souffle ? En fait, deux systèmes co­ surer, car ceux qui souscrivent sont perdu entre 20 % et 50 % de sa ré­ dances à l’œuvre au sein du pre­ d’une scission d’une partie de la
7 000 euros de remboursement habitent. Le régime des calamités parfois moins bien remboursés que colte, et le régime des calamités, mier marché mondial, où les auto­ gamme Citroën. Après avoir
de son assureur. « L’assurance ré­ agricoles, géré par le ministère de leur voisin éligible au fonds des ca­ qui indemniserait au­delà de 50 % mobilistes sont toujours plus por­ connu un démarrage promet­
colte est devenue obsolète, con­ l’agriculture, indemnise les lour­ lamités », explique Pascal Viné. de pertes. La FNSEA s’y montre fa­ tés sur les SUV. Il en va de même en teur, elle a produit au total 52 600
clut­il. Je me pose la question de des pertes de récolte causées par Le nombre d’agriculteurs assu­ vorable. Le ministre de l’agricul­ Europe, où les grandes berlines, et 43 500 unités en 2019 et 2020,
continuer à m’assurer. » un sinistre climatique, « ce qui rés plafonne – 70 % des surfaces ne ture rendra ses propositions à Ma­ essentiellement allemandes ont soit la moitié de ce qu’elle diffu­
C’est en fait l’ensemble du terri­ n’est pas assurable », résume Pas­ sont pas assurées, hormis contre tignon avant l’été.  vu leurs ventes baisser d’un tiers sait en 2013 et 2014. 
toire qui se trouve rattrapé par cal Viné, le directeur des relations la grêle –, tandis que les compa­ véronique chocron en 2020. Sur le segment du haut jean­michel normand

PERTES & PROFITS | GE­AT&T
Le secteur de l’hôtellerie­restauration par je an­mic he l bezat

réclame une vaccination prioritaire Le Covid-19 réussit


Les professionnels incitent leurs salariés à se faire vacciner contre le Covid­19 aux patrons américains
M algré la réouverture
imminente, les réser­
vations qui affluent à
son hôtel Les Mouettes et la vue
chaque matin sur le golfe d’Ajac­
qu’à fin juin, un nouveau pic se­
rait atteint entre le 15 juillet et le
1er août. A moins que le climat
plus favorable ne joue sur la
transmissibilité du variant bri­
aussi. Mais je suis chef d’entre­
prise et je comprends que l’écono­
mie reprenne le dessus. » La plus
grande crainte d’Eric Huet réside
dans la contamination du per­
sans masque, rappelle Laurent
Duc, responsable hôtellerie à
l’Union des métiers et des indus­
tries de l’hôtellerie (UMIH). Si on
veut relancer le tourisme en
Les actionnaires se rebiffent en
ces temps de Covid­19, et plus que
les années précédentes. Avant les
assemblées générales annuelles,
les dirigeants de plusieurs multi­
« board ». Et 57,7 % des votants s’y
sont opposés (contre 73 %
en 2020), selon un décompte pro­
visoire publié mardi 4 mai.
Le conseil de GE attribue à
cio, Jean­Baptiste Pieri est in­ tannique – une hypothèse quali­ sonnel ou de son entourage : « En France, il faut aussi donner des nationales américaines ont vu le M. Culp toutes les qualités pour
quiet. Inquiet, parce que le recru­ fiée d’optimiste –, le niveau des pleine saison, si vous avez des cas garanties au touriste : il veut que taux d’approbation de leurs ré­ sauver le géant de Boston.
tement et le retour au travail de nouvelles hospitalisations quoti­ contacts, ça peut devenir chaud les gens qui s’occupent de lui munérations chuter brutalement. En 2020, il a dégagé un bénéfice
ses employés s’annoncent plus diennes ne reviendrait jamais à bouillant. Et plus vous embauchez soient vaccinés. » Il ne s’agit que de votes consulta­ de 5,2 milliards de dollars, le mon­
complexes qu’à l’ordinaire. celui de l’été dernier. des jeunes, plus vous prenez des tifs, mais les patrons de Star­ tant de sa perte de 2019. Il ne faut
Inquiet, parce qu’en l’absence A l’époque, le relâchement des risques qu’ils attrapent le Covid. » Débrouille bucks, de la chaîne de pharmacies donc pas lésiner sur les moyens.
de vaccination de ses salariés gestes barrières n’avait pas pro­ Avec un isolement de sept à dix­ La Turquie a commencé au mois Walgreens Boots Alliance ou du Un argument de la compétence
l’été pourrait virer au casse­tête. voqué de deuxième vague, en sept jours, les plannings peuvent d’avril à vacciner prioritairement géant des télécoms et des médias repris chez AT&T, où la moitié des
Inquiet, enfin, parce que ce raison du très faible niveau de vite virer au casse­tête. Raison les salariés du tourisme et la AT&T sont dans le collimateur. actions exprimées a pourtant re­
déconfinement à marche forcée circulation au début de l’été. pour laquelle les employeurs Grèce compte faire de même dès Dernier visé, le PDG de General jeté le plan de rémunération des
fait peser une menace sur la Dans l’ensemble, les profes­ aimeraient que le plus grand que les populations à risque le se­ Electric (GE), Larry Culp, la dirigeants : qui mieux que Jason
haute saison. sionnels se projettent avec un nombre possible de leurs salariés ront. Mais en France, l’heure est meilleure illustration de ce qui Kilar, patron de la division média
« Quelles seront les conséquen­ mélange d’enthousiasme et de soient vaccinés… sans pouvoir plutôt à la débrouille et à la s’est passé ces derniers mois. depuis le rachat de Time Warner
ces de la réouverture avec une crainte. Cette fois, le virus est les y contraindre. course aux doses restantes. En août 2020, alors que le con­ en 2018, peut développer cette ac­
circulation du virus élevée ?, s’in­ dans l’esprit de tous. Ils connais­ Les organisations patronales Un patron d’hôtel en Corse, où glomérat poursuit une restructu­ tivité au sein de l’opérateur histo­
terroge ce propriétaire de deux sent l’indiscipline liée aux re­ réclament depuis plusieurs se­ la vaccination est plus avancée ration marquée par des dizaines rique des télécoms américains ?
hôtels haut de gamme en Corse. trouvailles estivales côté clients, maines que les employés de l’hô­ qu’ailleurs, dit ainsi avoir obtenu de milliers de licenciements, son Ce qui justifie, aux yeux du con­
Le risque est d’avoir des cas de et à l’impératif de « réussir la sai­ tellerie­restauration fassent par­ des rendez­vous pour la quasi­­ conseil d’administration décide seil, ses 52 millions de dollars –
Covid­19 à gérer dans les établisse­ son » côté patrons. tie des professions prioritaires et totalité de ses employés. de prolonger le contrat de bien supérieurs aux 22 millions
ments. Tous les professionnels du L’été dernier, les organisations puissent bénéficier d’un accès Tout en se sachant dans l’illéga­ M. Culp jusqu’en 2024 et de rele­ octroyés à son PDG, John Stankey.
tourisme auraient préféré un con­ réclamaient déjà davantage de privilégié au vaccin, avant la po­ lité, il dit les avoir fortement inci­ ver son plan de rémunération… Seule une poignée de grandes
finement sévère en février, plutôt contrôles du protocole sanitaire, pulation générale, qui pourra se tés à s’y rendre : « Ça m’a de­ tout en baissant les objectifs fi­ sociétés affichent un soutien in­
que le supplice chinois auquel on notamment dans les stations bal­ faire vacciner à partir du 15 juin. mandé énormément de psycholo­ nanciers fixés lors de sa nomina­ férieur à 50 %. Leurs conseils
est soumis depuis. » néaires. Le protocole de cette Aujourd’hui, des profession­ gie. Pour les récalcitrants, j’ai re­ tion. Il pourrait toucher jusqu’à d’administration vivent très mal
réouverture n’a pas encore été nels de plus de 55 ans bénéficient quis deux tests PCR par semaine. 232 millions de dollars (193 mil­ de telles rebuffades. Qu’on se ras­
Enthousiasme et crainte négocié avec le gouvernement. déjà de créneaux de vaccination Ça a bien accéléré les choses et lions d’euros) en fin de mandat, sure, ce n’est pas encore le grand
Selon les dernières prévisions de « On est malheureusement de­ réservés, comme les ensei­ vingt­six [salariés] sur vingt­huit et cette perspective lui vaut une soir, à en croire le Wall Street Jour­
l’Institut Pasteur, avec un venus de vrais gendarmes vis­à­ gnants, les policiers et gendar­ sont aujourd’hui vaccinés. Je sais pluie de critiques. nal. Selon le quotidien des affai­
rythme de vaccination plus sou­ vis des clients, regrette Eric Huet, mes, les agents d’entretien que c’est illégal, mais une res, la rémunération médiane des
tenu qu’aujourd’hui (500 000 in­ propriétaire de l’hôtel­spa du ou certains commerçants. condamnation aux prud’hom­ L’argument de la compétence dirigeants des 300 premières en­
jections quotidiennes), un con­ Lion d’or, à Pont­l’Evêque (Calva­ « Les femmes de chambre font mes me coûterait moins cher La société de conseil aux action­ treprises américaines cotées en
trôle de l’épidémie similaire à dos). On est inquiets parce qu’on a des lits dont les occupants ont po­ qu’une fermeture administrative naires Glass Lewis, qui n’abrite Bourse a atteint 13,7 millions de
l’été dernier et un déconfine­ l’impression que la vie va repartir tentiellement le Covid­19, les ser­ en juillet. »  pas de dangereux bolcheviques, dollars en 2020, près de 1 million
ment relativement maîtrisé jus­ de plus belle et donc l’épidémie veurs travaillent face à des gens clément guillou reproche cette politique au de plus que l’année précédente. 
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16 | économie & entreprise JEUDI 6 MAI 2021

Substack, emblème de l’économie de la création


La plate­forme américaine d’autoédition, qui attire de nombreux journalistes, compte 500 000 abonnés

san francisco ­ correspondante


« Si vous pouvez

E
n juillet 2018, quand le persuader
journaliste Judd Legum a
expliqué à ses collègues
2 000 personnes
du site ThinkProgress de vous payer
qu’il démissionnait pour lancer sa
propre newsletter sur la nouvelle
5 dollars par mois,
plate­forme Substack, la plupart vous gagnerez
ont cru qu’il n’osait pas avouer
qu’il avait été licencié. Trois ans
100 000 dollars
plus tard, sa newsletter Popular In­ par an »
formation, compte 147 000 abon­
HAMISH MCKENZIE
nés. A raison de 6 dollars men­
cofondateur de Substack
suels par lecteur, Judd Legum réa­
lise un chiffre d’affaires sans com­
mune mesure avec son salaire
précédent. Ses collègues sont en­ valorisation de la start­up à
vieux, à moins qu’ils n’aient eux 650 millions de dollars. Son ambi­
aussi « migré » sur Substack. tion est d’éliminer les fonctions
Fondée en 2017, Substack permet intermédiaires – éditeur, adminis­
aux auteurs de publier leurs textes trateur –, résume le chroniqueur
– et surtout de les monnayer. A la Will Oremus, pour se concentrer
faveur de la pandémie, qui a ren­ sur l’essentiel : « des auteurs, une
forcé l’intérêt pour la lecture, la plate­forme technologique, et pas
plate­forme compte maintenant mal d’argent à partager ». Substack
500 000 abonnés, soit deux fois est emblématique d’une nouvelle
plus qu’en décembre 2020. Sub­ tendance dans la Silicon Valley.
stack – le nom est dérivé de stack, Après « l’économie de l’atten­
« empilement » – se finance en tion », rendue responsable de tou­
prenant une commission de 10 % tes les dérives et addictions, la tech
sur les revenus des auteurs (3 % s’enthousiasme pour « l’économie
vont par ailleurs à la société de des créateurs » : la monétisation
paiement numérique Stripe). des contenus par les créateurs eux­
Depuis quelques mois, les mêmes, facilitée par les innova­
grands noms des médias se bous­ tions dans les fonctions de paie­
culent sur Substack, attirés par ment électronique. « Un change­
une avance de plusieurs centaines du New York Times, a quitté sa po­ complément de revenus, les gran­ Coyotes de l’Arizona… Aussi sur la été cassé », proclame Hamish Mc­ ment de paradigme », assure Clara
de milliers de dollars, autant que sition privilégiée de contributeur des signatures se font l’effet de plate­forme : des intellectuels, Kenzie. « Il faut des règles du jeu Lindh Bergendorff, du fonds d’in­
par la liberté que procure le self­ des pages « Idées », pour rejoindre toucher le jackpot. Stephen F. comme l’économiste spécialiste différentes », estime­t­il, qui pla­ vestissement Firstminute Capital.
publishing, l’autoédition. Parmi à son tour Substack, où il a lancé la Hayes, l’ancien rédacteur en chef de l’antitrust Matt Stoller, ou des cent les auteurs « en contrôle de La concurrence ne s’y trompe
ceux qui ont sauté le pas, le journa­ newsletter Galaxy Brain. M. Warzel du Weekly Standard, le magazine artistes comme Patti Smith, qui a leur propre destin ». pas. Twitter a annoncé l’acquisi­
liste d’investigation Glenn Green­ a expliqué qu’il en avait assez des néoconservateurs des années lancé The Melting, son « journal tion de la start­up de newsletters
wald (venu du Guardian), qui a d’avoir à composer avec la notion Bush, a édifié un mini­groupe privé de la pandémie », le 21 mars. Compétition Revue, et une fonction « super fol­
quitté avec fracas son propre site, conventionnelle de « newsworthi­ multimédia à lui tout seul – news­ La plus suivie est une « ano­ Substack vient d’annoncer un in­ low » qui permettra aux rédac­
Intercept, en octobre 2020, pour ness » (« ce qui a de l’intérêt »). As­ letters, podcast (The Dispatch). Re­ nyme » : Heather Cox Richardson, vestissement de 1 million de dol­ teurs qui ont des millions d’abon­
protester contre « la censure et sez des diktats des éditeurs, qui venu : plus de 2 millions de dollars 58 ans, une spécialiste de l’histoire lars pour attirer des journalistes nés de rentabiliser leur fil. Le
l’homogénéité politique ». Il n’a pas corrigent et orientent les articles. en un an. « Si vous pouvez persua­ américaine du XIXe siècle au Bos­ de médias locaux sur le site. Cela 27 avril, Mark Zuckerberg a décliné
perdu au change. Son chiffre d’af­ Assez « d’amplifier les voix de der 2 000 personnes de vous payer ton College. Letters from an Ameri­ alors qu’un quart des quotidiens une série de mesures pour aider
faires est estimé à plus de gens » dont il réprouve les opi­ 5 dollars par mois, vous gagnerez can (« lettres d’une Américaine ») ou hebdomadaires locaux ont dis­ les créateurs à générer du profit
100 000 dollars mensuels. « Plus nions pour faire de l’audience. As­ 100 000 dollars par an », fait miroi­ qui décrit le contraste entre image paru en quinze ans, selon le Poyn­ sur Instagram. Le New York Times,
que je n’ai jamais touché en faisant sez des lecteurs qui ne « lisent que ter le cofondateur de Substack, Ha­ et réalité dans la politique améri­ ter Institute (et 70 depuis le début qui a ramené dans son giron la
du journalisme », a­t­il confié le les titres » et se servent des articles mish McKenzie, lui­même ancien caine compte 350 000 abonnés. de la pandémie). La plate­forme a newsletter gratuite que son Nobel
31 mars au Financial Times. pour « alimenter leurs affronte­ journaliste, dans une présentation Les fondateurs de Substack se de l’argent : depuis les débuts, elle de l’économie Paul Krugman pu­
Autres contributeurs tout aussi ments politiques »… publiée en mai 2020 sur le site. présentent volontiers comme des est soutenue par le fonds An­ bliait sur Substack, prépare une
anti­establishment : le journaliste Les journalistes vedettes ont sauveurs de la presse en péril. dreessen Horowitz, dont le fonda­ contre­offensive, selon un article
politique Matthew Yglesias, un an­ « Business model » donné de la visibilité à Substack « Certains, dans la profession, espè­ teur Marc Andreessen, l’un des du 11 avril (titré « Pourquoi pani­
cien du site Vox ; Matt Taibbi, jour­ Charlie Warzel n’a pas accepté mais ils ne sont pas les plus lus. Les rent que Facebook et Google vien­ premiers investisseurs de Face­ quons­nous à propos de Subs­
naliste d’investigation pendant d’avance sur recettes. Substack ne auteurs populaires sont des non­ dront à la rescousse avec de l’ar­ book, n’a jamais caché le plaisir tack »). Hamish McKenzie répond
dix­sept ans à Rolling Stone ; An­ paie que son assurance santé et ses professionnels de l’information gent, sous pression des régulateurs. qu’il éprouve à porter le fer de la qu’il ne cherche pas à déstabiliser
drew Sullivan, qui a construit sa frais de correction. Mais le chroni­ mais experts dans leur domaine, Mais quels que soient les montants « disruption » jusqu’au cœur des la presse en essayant de débau­
notoriété sur un profil non confor­ queur peut avoir confiance dans le souvent pointu : histoire des abo­ qui peuvent être soustraits aux médias traditionnels. cher ses plumes. « Notre but, assu­
miste : conservateur et gay. Le business model de la plate­forme. rigènes d’Australie, recettes de géants de la tech, ça ne sera jamais En mars, le cabinet Andreessen a re­t­il, est de subvertir l’économie
11 avril, la planète médias a eu un Si, pour la moyenne des auteurs, pain complet, heurs et malheurs assez pour réparer ce qui soutenait procédé à une nouvelle levée de de l’attention. » 
petit choc quand Charlie Warzel, Substack apporte au mieux un de l’équipe de hockey sur glace des le modèle de la presse libre et qui a fonds de 65 millions, portant la corine lesnes

CNews passe devant BFM­TV, la Macronie s’y presse CONJO NCTU RE


La Banque de France
maintient sa prévision
de croissance en 2021
Pour la première fois, la chaîne d’information en continu de Canal+ a devancé sa concurrente, lundi 3 mai L’institution table toujours
sur une croissance supé­
rieure à 5 % dans l’Hexagone
en 2021, même si la crise due

L e moment est symbolique


pour CNews. La chaîne
d’information de Vivendi
a, pour la première fois, dépassé
BFM­TV lundi 3 mai, avec une
Dans « Face
à l’info », Eric
Zemmour attire
« voleurs », le comité d’éthique de
Canal+ avait demandé à la chaîne,
en octobre 2020, de changer de
formule. Ses membres regret­
taient qu’Eric Zemmour n‘ait de
« CNews sera la chaîne de la prési­
dentielle », prédit un ministre, qui
assure comprendre « d’un point de
vue mercantile » le virage à droite
imposé par Vincent Bolloré, pre­
Pas de boycott, assure pour autant
son entourage. Son collègue mi­
nistre de la santé, l’ex­socialiste
Olivier Véran, a seulement ré­
pondu présent en janvier à l’émis­
au coronavirus n’est pas ter­
minée, a déclaré mercredi
5 mai, son gouverneur, Fran­
çois Villeroy de Galhau, sur
BFM Business. – (Reuters.)
part d’audience sur la journée de chaque soir contradicteur qu’une fois par se­ mier actionnaire de Vivendi. « Je sion politique « Le Grand Rendez­
2,7 % contre 2,5 % pour sa concur­ maine. Depuis, l’émission n’a pas ferais pareil à sa place. Je ne pense vous », coorganisée avec Europe 1 TRANS PORT MARITIME
rente, selon les chiffres de Média­
environ 900 000 bougé d’un iota. pas qu’il veuille faire élire Marine Le et Les Echos. En novembre 2020, il Maersk : bénéfice
métrie. C’est un couronnement téléspectateurs Pen, mais ce que veulent les gens, disait en privé avoir la « nausée » net record
pour l’ex i­Télé, qui a adopté une « La chaîne de la présidentielle » c’est un traitement populiste de l’in­ comme « citoyen » face au contenu Le géant danois du transport
ligne conservatrice, même si la Le porte­parole du gouvernement, formation et du spectacle », estime de la chaîne. Des exceptions au maritime A. P. Möller­Maersk
chaîne affirme défendre tous les succédé pour débattre avec Eric Gabriel Attal, ne rechigne pas, de ce macroniste. Au détail près que sein de la Macronie. a annoncé, mercredi 5 mai,
points de vue. Zemmour : Agnès Pannier­Runa­ son côté, à se rendre sur le plateau les émissions aux propos tapa­ BFM­TV tente de faire bonne fi­ une multiplication par treize
Ce succès a surtout été porté par cher (industrie), Alain Griset de « L’Heure des pros », autre ren­ geurs font fuir les annonceurs. gure. « CNews propose une alterna­ de son bénéfice net au pre­
« Face à l’info », émission diffusée (PME), Emmanuelle Wargon (lo­ dez­vous phare de CNews. Comme Interrogée afin de savoir si elle tive totalement différente : une mier trimestre (2,3 milliards
à 19 heures. La star de l’émission, gement), Jean­Baptiste Djebbari le questeur de l’Assemblée natio­ classait la chaîne dans la même ca­ chaîne de débats et d’opinion. Un d’euros), en raison de l’envolée
Eric Zemmour, attire chaque soir (transports) et Clément Beaune nale, Florian Bachelier (la Républi­ tégorie que l’ultraconservatrice modèle qui s’adresse à une autre ci­ de la demande et des prix du
environ 900 000 téléspectateurs (secrétaire d’Etat chargé des affai­ que en marche, LRM), autre habi­ Fox News aux Etats­Unis, la minis­ ble. Il peut arriver, comme hier, les fret. – (AFP.)
et permet à la chaîne de griller la res européennes). Des personna­ tué de la chaîne conservatrice. tre de la culture, Roselyne Bache­ jours d’actualité moins forte de ne
politesse à BFM de 17 heures à lités qui revendiquent, pour la La première dame, Brigitte Ma­ lot, a jugé que la « comparaison pas être devant sur toutes les cibles, S ERVIC E AUX
23 heures. « Au­delà du chiffre plupart, appartenir à l’aile gau­ cron, échange, elle, à l’occasion n’est pas recevable ». « Il ne peut pas mais nous ne proposons pas la COLLECTIVITÉS
d’hier, nous sommes très contents che de la Macronie. « Ce n’est plus avec son animateur, Pascal Praud. y avoir de chaîne de télévision du même chose », a écrit Marc­Olivier Veolia retrouve ses
pour l’équipe de 170 personnes, très original d’y passer », constate Entouré de nombreux chroni­ type de Fox News [en raison des rè­ Fogiel, le patron de BFM­TV à ses résultats d’avant-Covid
dont 120 journalistes. Notre objec­ un conseiller. queurs classés à droite, voire à l’ex­ gles de pluralité du Conseil supé­ équipes mardi 4 mai, estimant que Le groupe Veolia, « en phase
tif est de consolider notre place », se Peu importe que le polémiste trême droite, comme Jean­Claude rieur de l’audiovisuel] (…). Il n’y a ses « vrais concurrents » étaient les de finalisation » de son rachat
félicite Gérald­Brice Viret, le direc­ réactionnaire ait été plusieurs fois Dassier (qui siège au comité édito­ pas de sortie des clous de la part de grands journaux télévisés. d’une partie de son concur­
teur des antennes de Canal+. condamné pour provocation à la rial de Valeurs actuelles), Jean Mes­ CNews », estimait Mme Bachelot, en BFM­TV reste devant CNews sur la rent Suez, a retrouvé au pre­
Conscients de ce succès, la plu­ haine raciale et soit accusé par plu­ siha (ancien membre du bureau mars, sur France Culture. tranche des 25­49 ans. « Ce qui fait mier trimestre un rythme de
part des membres du gouverne­ sieurs femmes d’agressions national du Rassemblement na­ Ce qui n’empêche pas l’ancienne basculer ce sont les 70 ans et plus », croissance d’avant la crise sa­
ment ne se font pas prier pour dé­ sexuelles, selon Mediapart. Après tional) ou l’avocat Gilles­William chroniqueuse de LCI de n’y avoir estime­t­on en interne.  nitaire, avec un chiffre d’af­
filer sur le plateau. Ces dernières ses propos sur les mineurs maro­ Goldnadel, cette autre star de l’an­ jamais mis un pied depuis qu’elle sandrine cassini faires de 6,8 milliards
semaines, cinq ministres se sont cains qualifiés de « violeurs » et de tenne fait un carton matin et soir. est membre du gouvernement. et olivier faye d’euros. – (AFP.)
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JEUDI 6 MAI 2021 économie & entreprise | 17

ENQUÊTE
hongkong ­ correspondance

A
rborant le look
cool et universel
des gens de la
tech, épais swea­
ter noir uni sur
un pantalon slim,
le jeune directeur général du
South China Morning Post (SCMP),
Gary Liu, incarne l’opposé de tout
ce qui caractérisait le journal, plu­
tôt rigide et poussiéreux, dont il
prit les rênes, en 2016, à 33 ans,
dans la foulée de son rachat par le
champion chinois du commerce
en ligne Alibaba, pour 266 mil­
lions de dollars.
C’est lui qui a mené tambour Le bureau ovale de la salle de rédaction du « South China Morning Post », à Hongkong, le 30 avril. CHARLENE FLORES/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
battant la transformation numé­
rique de ce journal qui fut, jusqu’à
la rétrocession de Hongkong à
la Chine, en 1997, le porte­voix
du gouvernement colonial, « le
SCMP » pour les Hongkongais et
PLEIN CADRE
« le Post » pour ses employés. Di­
plômé de Harvard, cet Américain
d’origine chinoise, qui a grandi en
Nouvelle­Zélande et à Taïwan,
avait déjà fait ses armes pendant
une dizaine d’années à l’avant­
A Hongkong, le journal tre époque. A cause de sa machine
de propagande qui n’a aucune cré­
dibilité en dehors du pays, la Chine
est incapable de bien communi­
garde de la révolution technologi­
que émanant des Etats­Unis, en
travaillant chez Google, AOL, puis
Spotify Labs et finalement Digg,
à New York.
d’Alibaba sur la sellette quer sur son essor. L’ambition du
SCMP est de documenter cette
transformation », renchérit l’an­
cien directeur de la rédaction,
Wang Xiangwei, devenu éditoria­
Il a été recruté par le Canadien
d’origine taïwanaise Joe Tsai, co­
Depuis son rachat par le numéro un chinois du commerce en ligne, liste, basé à Pékin.

fondateur d’Alibaba avec Jack Ma,


et président du conseil d’admi­
en 2016, le quotidien anglophone « South China Morning Post » INFLUENCE CROISSANTE
Alibaba a donné au journal les
nistration du SCMP. Sa mission ?
Moderniser le journal de fond
a considérablement élargi son audience sur Internet moyens de cette ambition chi­
noise. Le journal dispose actuelle­
en comble et démultiplier son ment de quatre bureaux en Chine
rayonnement international. Le (Pékin, Shanghaï, Guangzhou
plus vite possible. et Shenzhen), qui emploient une
« Toute organisation de presse de l’autre côté de la frontière… », af­ premiers scoops du journal sur le joncture économique à Hong­ cinquantaine de journalistes,
nos jours se doit de réagir avec ra­ firme le jeune patron. Le secret de SARS­CoV­2 en Chine qui n’avait kong est réellement morose.
La bataille mais aussi de deux bureaux aux
pidité », assène Gary Liu dans le la réussite serait ainsi d’avoir pas encore de nom, le site a battu Les salaires de tout le personnel du moment est Etats­Unis (Washington et New
bureau qu’il occupe avec la rédac­ identifié « les bonnes plates­for­ un record avec 51 millions de lec­ ont été gelés en 2020, et des cou­ York) et d’un bureau européen
tion, au dix­huitième étage de Ti­ mes qui ont amené les bonnes teurs. pes dans la masse salariale sont
de transformer (Bruxelles). « La dynamique entre
mes Square, à Causeway Bay sur audiences ». Après cinq ans sous Mais, pour le journal, c’est en cours. des millions ces trois acteurs est fascinante, et
l’île de Hongkong. Il y a seule­ gouvernance « Ali », comme di­ aujourd’hui l’heure de vérité. nous sommes très bien placés pour
ment deux ans, avant les émeutes sent les gens de la maison, les Pour soutenir cette expansion sur LIBERTÉ DE TON
de lecteurs, articuler un récit unique de
de 2019 et avant l’épidémie, c’était chiffres sont impressionnants. Internet, Jack Ma avait annoncé à Tout cela ferait presque oublier appâtés pendant la Chine qui prenne en compte
le quartier le plus cher du monde. Avant la reprise par Alibaba, le son arrivée que tout le contenu en que le « produit » avec lequel on ces trois points de vue », estime
Le journal a emménagé dans ses journal vendait environ 100 000 ligne du South China Morning cherche à « capter l’attention » est
quatre ans M. Chow.
nouveaux bureaux, sur quatre exemplaires papier par jour et Post serait gratuit. Pourtant, en un journal d’information. Et, par du contenu A tel point que le SCMP est par­
étages, en 2017. avait autour de 4 millions d’abon­ août 2020, l’accès payant a été même s’il dispose d’une nouvelle fois lu sous le manteau (avec un
nés en ligne, dont la moitié à réinstauré. « Dès le début, nous sa­ force de frappe technologique qui
gratuit, en accès VPN) par certains dirigeants
CULTURE DU CLIC Hongkong. Si les ventes papier vions que nous aurions besoin a décuplé sa portée, le véritable abonnés payants chinois. Si bien que Chungyan
Un peu partout, sur les murs des ont à peine bougé, Hongkong ne d’être financés par nos abonnés en enjeu pour le South China Mor­ Chow doute que le SCMP puisse
open spaces, reliés entre chaque représente plus que 7 % du lecto­ ligne, tôt ou tard. Ces revenus sont ning Post est lié à la nature de son être confisqué au groupe Alibaba.
étage par un atrium ouvert, de rat total, à présent réparti entre essentiels à double titre : non seu­ contenu, à sa qualité et à sa crédi­ « Le fait que l’on soit critiqué par Mi­mars, The Wall Street Journal a
grands écrans annoncent, en les Etats­Unis (32 %), le reste de lement ils sont réguliers, mais sur­ bilité. Parfois décrit comme miè­ les deux camps est bon signe », ob­ affirmé que Pékin, irrité, voire in­
temps réel, les performances du l’Asie (28 %) et l’Europe (11 %). Le tout ils lient véritablement la ré­ vre ou complaisant à l’égard du serve, amusé, Chungyan Chow, quiet du pouvoir d’influence
site : les articles les plus lus, leur solde étant dispersé entre l’Aus­ daction à ses lecteurs. Si ce sont vos pouvoir chinois par les médias le patron de la rédaction, qui a re­ croissant des médias du groupe
thème, leur auteur, les zones du tralie, le Canada et le reste du lecteurs qui font vivre votre jour­ occidentaux, le SCMP, fondé joint le journal comme stagiaire sur l’opinion publique chinoise,
monde où le site est le plus visité… monde. « On a toujours à peu près nal, la priorité de la rédaction est en 1903, reste une institution lo­ en 1998 et a ouvert le premier bu­ avait demandé à Alibaba de ven­
L’information en temps réel sur le le même nombre de lecteurs men­ forcément de les servir le mieux cale qu’une partie de la commu­ reau en Chine, à Shenzhen, dre ses médias. A l’instar de Gary
« produit » et sur les réactions du suels à Hongkong, où notre péné­ possible. » La bataille du moment nauté anglophone de Hongkong en 2004, aux débuts du recen­ Liu, Chungyan Chow reste opti­
marché est à la disposition tant de tration du marché est de 100 %, est donc de transformer ces mil­ et des China watchers (« observa­ trage stratégique de la ligne édito­ miste et pense que « c’est en étant
la rédaction que des équipes com­ mais on a désormais entre 25 et lions de lecteurs, appâtés pendant teurs de la Chine ») à travers le riale du journal sur la Chine. le plus sérieux et le plus crédible
merciales et publicitaires. « Elle 28 millions de lecteurs par mois, quatre ans par le contenu gratuit, monde adore détester. « Depuis l’acquisition par Ali­ possible [qu’ils] garantiss[ent]
est loin l’époque où il fallait atten­ qui lisent le journal partout dans le en abonnés payants. Selon un sondage mené par baba, notre mission s’est vraiment [leur] survie ».
dre l’assemblée générale annuelle monde », constate M. Liu. En L’objectif de la direction, à l’université de Hongkong en 2019, cristallisée. Il s’agit d’être la voix de Pour ce qui est de couvrir Hong­
pour ajuster sa politique. Aujour­ mars 2020, trois mois après les terme, est de répartir les recettes le SCMP était considéré comme le référence au sujet de la Chine. Mais kong, il reconnaît que la situation
d’hui, c’est au moins deux fois par du journal entre les abonne­ journal le plus crédible de Hong­ notre but n’est pas tant de prendre est de plus en plus compliquée.
jour, voire en temps réel, que cha­ ments (40 %), les revenus publici­ kong. Son site Internet est parti ou de juger que d’offrir à nos Selon un sondage, publié lundi
cun sait ce qui se passe sur le mar­ taires (40 %), le reste étant assuré d’ailleurs bloqué en Chine à cause lecteurs de l’information de pre­ 3 mai par l’Association des jour­
ché », ajoute M. Liu. Le « SCMP » par les ventes du journal papier, de sa liberté de ton et du traite­ mière main, récoltée sur le ter­ nalistes de Hongkong, les journa­
Cette immersion constante les événements, la syndication ment de nombreux sujets tabous rain », explique M. Chow, calé sur listes locaux n’ont jamais été
dans les résultats crée une culture
est parfois lu du contenu, etc. En huit mois, le dans le pays. En mars 2020, il a en une banquette du « pub » du jour­ aussi pessimistes quant à la li­
du clic qui a eu raison des récalci­ sous le manteau niveau des abonnements a certes outre rejoint The Trust Project nal, où, tous les vendredis soir berté de la presse. Et, selon le pré­
trants. L’enjeu est désormais de dépassé celui d’avant 2016, mais, (« le projet confiance »), une asso­ (hors Covid­19), c’est la tournée du sident de l’association, Chris
« capter l’attention du lecteur ».
(avec un accès sans donner de chiffres précis, ciation internationale de grands patron pour tous les employés, Yeung, le pire est à venir. Dans ce
« On regarde ce que font BuzzFeed VPN) par certains Gary Liu admet que, comme pour médias (parmi lesquels la BBC, le pendant deux heures. contexte, l’optimisme relatif de
News, les agrégateurs d’actualité beaucoup d’autres sites d’infor­ Washington Post, The Econo­ « La montée en puissance phéno­ l’équipe dirigeante du SCMP est
Google ou Jinri Toutiao [l’équiva­
dirigeants mation, la situation du journal est mist…) unis par certaines règles ménale de la Chine est l’un des évé­ d’autant plus surprenant. 
lent chinois de Yahoo News] de chinois « difficile », d’autant que la con­ de déontologie journalistique. nements les plus marquants de no­ florence de changy
18 | management 0123
JEUDI 6 MAI 2021

En entreprise, l’entrisme islamique CARNET DE BUREAU 


CHRONIQUE PAR ANNE RODIER

se développe sur les failles du management Sensibilisation des salariés:


Les cas de comportements religieux nécessitant une intervention ont doublé depuis 2014
la minute cyber

A
ttention, sujet sensi­ vail. Certains salariés font de ces jets techniques ou de gestion pour
Certains salariés

L’
ble ! « La hantise d’être demandes des revendications, et s’ouvrir aux grandes évolutions de augmentation du télétravail et l’accélération des
taxées de racisme isla­ les attitudes rigoristes semblent font de ces la société, car on ne peut changer transformations numériques des entreprises à
mophobe tétanise les être en augmentation. que ce que l’on connaît. » marche forcée ont rendu les failles de sécurité
entreprises », note Adel Paul Bou­ « Cet entrisme est matérialisé au
demandes des plus nombreuses : elles seraient à l’origine de
lad, coach de dirigeants et auteur départ par des revendications reli­ revendications, Règles adaptables 20 % des cyberattaques, relève l’étude annuelle PwC Global
du livre Le Tabou de l’entrisme gieuses et des comportements Genaris Group, PME de 120 per­ CEO Survey 2021. Les dirigeants français sont de plus en
islamique en entreprise. Guide du anodins, mais cela aboutit à l’im­
et les attitudes sonnes spécialisée dans le con­ plus inquiets : 47 % d’entre eux redoutent une menace cy­
manager (VA Editions, 228 pages, pensable », explique Adel Paul rigoristes seil en innovation industrielle et ber contre 33 % en 2020. Si les investissements dans le do­
25 euros), paru le 4 mars. Pour­ Boulad, qui fait état du « contrôle technique, a été confrontée aux maine sont encore à la traîne, la sensibilisation des salariés
tant, « plus des deux tiers des en­ de sites industriels du secteur de
semblent en demandes de certains salariés a commencé. Des modules de formation se proposent
treprises françaises sont concer­ l’énergie par des cellules syndicales augmentation musulmans de faire leur prière ainsi d’apprendre aux salariés à déceler les attaques et à
nées, à des degrés très divers, par manipulées par l’islam politique, sur le temps de travail, ou à des adopter des pratiques de prudence pour réduire les risques
les faits et comportements reli­ les comités sociaux et économi­ femmes souhaitant se voiler. d’attaque via de fausses pages de connexion, sans pour
gieux au travail, essentiellement à ques (CSE) de sociétés de transport alors que nous sommes plusieurs « Les manageurs se sont retrou­ autant les transformer en informaticiens.
propos de l’islam. Et la montée en ou de télécoms qui deviennent pro­ femmes expérimentées. De plus, vés dépourvus quant à la réponse « Il s’agit de s’adapter à la journée de travail sans être intru­
intensité est indiscutable », cons­ gressivement des lieux dominés les entretiens d’évaluation des sa­ à apporter », reconnaît Christo­ sif, explique Caroline Boxberger, directrice de développe­
tate Lionel Honoré, professeur par des radicalisés et l’éviction des lariées sont toujours catastrophi­ phe Rampon, le directeur géné­ ment de la plate­forme 2SPark, qui a mis au point un pro­
des universités à l’Institut d’ad­ femmes, les plannings de travail ques. Elles n’atteignent jamais ral de la société. gramme de sensibilisation d’une minute par jour pendant
ministration des entreprises (IAE) déréglés… Assez fréquemment, il leurs objectifs ! » Le comité de direction a alors deux mois. L’objectif est de créer le bon envi­
de Brest et directeur de l’Observa­ s’agit aussi d’un bras de fer hiérar­ Face à cette situation « injuste », opté pour de la formation et suivi ronnement cognitif et de répéter les messa­
toire du fait religieux en entre­ chique sous couvert de religion ». Janine a fait un burn­out. « Je me un séminaire sur l’islam. Ce der­ LA SIMULATION  ges pour favoriser la mémorisation. » Cha­
prise. Ainsi, la proportion de cas suis sentie extrêmement seule. nier a permis de mettre à mal des D’HAMEÇONNAGE  que jour, le salarié reçoit deux questions
de comportements religieux né­ « Myopie des directions » Que ce soit la DRH, la hiérarchie idées reçues, comme par exem­ contextualisées qui s’appuient sur des élé­
cessitant une intervention mana­ Les conséquences peuvent être ou les syndicats, tout le monde est ple le fait qu’il est obligatoire de EST PRATIQUÉE ments réels de son quotidien de travail et
gériale est passée du quart désastreuses, entre baisse de la très frileux sur ce sujet. Seule la mé­ faire ses prières à heures fixes. sur les retours d’expérience des services
en 2014 à près de la moitié. Et en­ performance, dégradation du decine du travail a tenté d’interve­ En fait, les règles sont adaptables EN ENTREPRISE  d’assistance informatique qui connaissent
viron un cas sur cinq aboutit à bien­être au travail et perte de nir. » Fin juin, elle changera de ser­ et les prières peuvent être déca­ les pièges tendus aux collaborateurs.
des conflits et des tensions, alors sens. Janine (le prénom a été vice. Son employeur se targue lées en dehors du temps de tra­
POUR TESTER Le courriel est la forme d’hameçonnage
que ce n’était le cas que de 6 % changé) travaille depuis plus de pourtant d’avoir mis en place des vail. « Cette connaissance permet LES EFFECTIFS la plus commune. Imitant la communica­
en 2013, date du premier baromè­ vingt ans chez un opérateur guides pratiques et des forma­ d’éviter tout amalgame avec les tion interne à l’entreprise pour obtenir
tre du fait religieux en entreprise. de télécommunications. Depuis tions. Ces outils n’empêchent pas, extrêmes, explique Christophe des données confidentielles ou installer un logiciel mal­
Dans une minorité d’entrepri­ trois ans, elle est confrontée à un dans nombre d’entreprises, un di­ Rampon. Nous nous sommes re­ veillant sur l’ordinateur, il incite l’expéditeur à cliquer sur
ses, la situation vire parfois au responsable hiérarchique qui af­ vorce entre les directions qui esti­ positionnés sur le projet d’entre­ un lien frauduleux. Le « spear phishing » – « hameçonnage
conflit à la suite du refus de sala­ fiche clairement ses convictions ment avoir fait le nécessaire pour prise. Il s’agit d’un sujet de mana­ ciblé » – ou le « CEO phishing » – « hameçonnage de PDG » –
riés de réaliser certaines tâches religieuses. Et cela se passe mal, régler la question et les mana­ gement, à traiter donc comme tel. ont même été spécialement conçus pour les entreprises vi­
ou de travailler avec des femmes très mal : « Il refuse de serrer la geurs de proximité, directement Nous avons réussi à régler les pro­ sant non seulement une organisation en particulier, mais
ou des personnes qui ne prati­ main des femmes ; lorsqu’il doit confrontés au problème sur le ter­ blèmes sans créer de conflit. » directement des services ou des personnes.
quent pas la même religion, ou s’absenter, il se fait toujours rem­ rain. « Il peut exister une myopie Il convient toutefois de rappeler La simulation d’hameçonnage est déjà pratiquée en en­
après des prières collectives orga­ placer par un homme, même si ce­ des directions générales, recon­ la rareté de ces situations en en­ treprise pour tester la réaction des salariés en leur envoyant
nisées pendant le temps de tra­ lui­ci vient de rejoindre le service naît Lionel Honoré. Souvent, une treprise. « La majorité des salariés un e­mail du type : « Problèmes concernant votre service » ;
fois les outils mis en place, elles es­ musulmans ne veulent pas de pra­ « Votre compte est clôturé » ; « Vous avez dépassé votre quota
timent que la question est réglée. » tiques religieuses au travail, tem­ de courriels. Pour augmenter votre limite de quota de cour­
Une réglementation à la carte Pour faire face au risque d’en­
trisme islamique, « il faut avoir
père Adel Paul Boulad. L’entrisme
islamique se développe là où il y a
riels à 1,7 Go, cliquez sur le lien ci­dessous https ://www.ha­
mecon.com/corporate. »
La liberté de manifester sa croyance, inscrite dans la Constitu- la lucidité et le courage de ne pas des failles dans le management, Les services de la direction informatique interne repèrent
tion, peut être restreinte au sein des entreprises. Depuis la loi en faire un tabou », souligne Jean les valeurs, les processus et le fonc­ ainsi les salariés faciles à piéger et l’ampleur du filet de sécu­
travail du 8 août 2016 (article L. 1321-2-1 du code du travail), Kaspar, consultant en stratégies tionnement collectif. » « Il ne faut rité à déployer. Les modules de sensibilisation visent, en
elles sont de plus en plus nombreuses à inclure des dispositions sociales et ancien secrétaire gé­ pas dramatiser mais il faut agir as­ quelques questions, à faire prendre conscience aux salariés
relatives à la pratique religieuse au travail dans leur règlement néral de la CFDT, qui a préfacé sez tôt, avertit quant à lui Christo­ des contextes qui les fragilisent. Par exemple : « Au cours du
intérieur, par exemple en interdisant certaines tenues pour l’ouvrage d’Adel Paul Boulad. phe Rampon, car, une fois que les dernier mois, combien de fois avez­vous pu constater l’utilisa­
des raisons de sécurité. Elles doivent également y mentionner « D’autre part, la formation des choses sont installées, il est com­ tion d’une messagerie privée (par vous ou vos collègues) dans
les dispositions du code du travail relatives aux agissements manageurs, des dirigeants et des pliqué de revenir en arrière. »  un contexte professionnel ? » Quand la réponse est « jamais »,
sexistes (article 1142-2-1). syndicalistes doit dépasser les su­ myriam dubertrand l’entreprise est sur la bonne voie. 

AVIS D’EXPERT  |  GOUVERNANCE LES 20 % QUI INFLUENCENT LE MONDE


Les dirigeants face à leurs nouvelles « missions »

L V
a société à mission (SAM) est le grand su­ l’entreprise, car celle­ci prouve que la création oilà une loi aussi im­ tion envahit l’espace public et en­
jet du moment dans le débat sur la trans­ de valeur économique est plus vaste que sa pau­ placable que jamais af­ tend imposer sa philosophie au
formation des entreprises : gadget ou ga­ vre réduction dans un résultat financier. fichée, dont on décèle monde. Elle lance des start­up,
geure ? Introduit par la loi Pacte du 22 mai 2019, De leur côté, les sceptiques ont aussi raison l’empreinte partout : innove à coups d’algorithmes et
ce statut permet de préciser la raison d’être d’affirmer que la SAM n’est qu’une formalisa­ l’emploi que vous occupez, vos de nouveaux modèles managé­
d’une société, ainsi qu’un ou plusieurs objectifs tion nouvelle d’exigences anciennes, mais ils revenus, votre lieu de résidence, riaux, « disrupte » à tout­va.
sociaux et environnementaux que la société ont tort de considérer celle­ci comme une votre espérance de vie en bonne
se donne pour mission de poursuivre. Il rem­ mode passagère. La « mission » traduit dans santé, ou les séries et films que Enquête de terrain
porte déjà un succès inattendu, avec plus de des termes appropriés l’attente contemporaine vous regardez dépendent, au Elle fournit aussi un modèle bien
150 entreprises ayant franchi le pas en une seule des parties prenantes de plus de clarté sur l’acti­ moins en partie, des études que plus désirable et puissant que ce­
année et des dizaines d’autres qui s’y préparent. vité d’organisations dont les stratégies ont été vous avez suivies. « Les recompo­ lui des fortunés « 1 % ». « Ce qui fait GÉNÉRATION SURDIPLÔMÉE
Comme souvent lorsque apparaît un concept perçues comme illisibles ou déraisonnables. sitions autour de l’éducation of­ rêver, ou du moins ce qui fournit un de Monique Dagnaud
nouveau, les extrêmes se révèlent : d’un côté les La question n’est donc plus d’être pour ou con­ frent probablement l’angle d’ob­ modèle, ce n’est pas la vie des super et Jean-Laurent Cassely
enthousiastes, peut­être aveuglés par le terme tre la SAM, mais de se saisir ou non de cet instru­ servation le plus pertinent pour riches, mais celle des habitants Odile Jacob, 304 pages, 22,90 euros
de « mission », voient dans ce nouveau statut la ment dans l’intérêt de comprendre les sociétés contem­ éduqués et mobiles des grandes vil­
promesse d’une transformation radicale des l’entreprise. En mon­ poraines, en déceler les disparités les, qui s’expriment partout et qui
entreprises. De l’autre côté, les éternels scepti­ trant en quoi son activité
LE DÉBAT  et les antagonismes, saisir les raci­ recèlent une position d’autorité car tion non négligeable de ceux qui
ques considèrent la société à mission avec le bénéficie à son écosys­ SUR LA SOCIÉTÉ  nes du populisme et décrypter leurs conditions de vie et de travail font figure de contre­modèles gé­
même sourire condescendant qu’ils avaient tème, une entreprise la rancœur populaire contre le semblent infiniment plus épa­ nérationnels, comme les artisans
accueilli dans le passé la qualité totale, la gou­ peut trouver un moyen À MISSION  monde d’en­haut », affirment Mo­ nouissantes et intellectuellement à la mode ayant suivi une recon­
vernance d’entreprise ou la responsabilité so­ pour remettre du sens nique Dagnaud et Jean­Laurent gratifiantes que la moyenne. » version, les créateurs de médias
ciétale des entreprises (RSE), toutes qualifiées dans ses pratiques et mo­
MET AU JOUR  Cassely dans Génération surdi­ En s’appuyant sur une enquête innovants ou les entrepreneurs
à tour de rôle de modes sans avenir. Paradoxa­ biliser les énergies tant DEUX PROFILS  plômée (Odile Jacob). de terrain et de nombreux entre­ qui inventent des manières diffé­
lement, si les enthousiastes comme les scepti­ internes qu’externes en Alors que la critique des 1 % les tiens avec de jeunes actifs, rentes de travailler. Les lieux de
ques font erreur, c’est parce qu’il y a une part de faveur de son projet. Il ne DE DIRIGEANTS plus riches galvanise le sentiment l’ouvrage place sa focale non pas l’« alter­innovation » (laboratoi­
vérité dans chacune de leurs opinions. s’agit pas de plaquer des d’injustice, au point qu’elle est en sur l’élite traditionnelle, aux traits res, espaces de coworking, tiers
Il est peu probable que la SAM refonde les en­ objectifs sociaux ou environnementaux dictés passe de devenir un poncif inof­ maintes fois étudiés, mais sur la lieux) sont souvent peuplés de
treprises, mais il est vrai que celles­ci sont en re­ par le conformisme du moment, mais de pren­ fensif à force d’être employée à faune des nouveaux métiers, du profils exclusivement issus de
fondation permanente depuis l’origine. Sur le dre conscience que les activités qui découlent tort et à travers, selon la sociolo­ consultant en innovation finan­ grandes écoles.
très long terme, on a assisté à une déresponsa­ de sa raison d’être peuvent produire davantage gue et le journaliste, leur ouvrage cière de La Défense qui réside « Après l’euphorie de l’an 2000,
bilisation constante des acteurs économiques de bénéfices pour ses parties prenantes que les est consacré aux « 20 % » : une au Vésinet au data scientist du de ses bobos et de ses classes créa­
compensée par une responsabilisation crois­ seuls biens ou services qu’elle procure. classe privilégiée composée de di­ Grand Lyon. Les 20 % forment « un tives réunies sous la bannière du
sante de l’entreprise : les actionnaires sont deve­ C’est pourquoi le débat sur la SAM met au jour plômés de niveau bac +5, dont archipel composé d’îlots distincts double libéralisme économique
nus anonymes, les dirigeants sont des gestion­ deux profils de dirigeants et donc un vrai clivage les effectifs représentent environ plutôt qu’une île d’un seul bloc ». et culturel, s’ouvre une période
naires contractuels, les administrateurs sont entre ceux qui, négligeant son intérêt stratégi­ 20 % d’une génération. Tout en haut de cette nouvelle d’incertitude, dans laquelle les ci­
sommés d’être indépendants et, parallèlement, que, feront l’exercice sous la contrainte ou Quel que soit le nom dont on stratification, l’élite techno­éco­ toyens les plus éduqués risquent de
la responsabilité de l’entreprise a été élargie comme un coup de communication, et ceux qui l’affuble – « new class » ou « pro­ nomique, où les carrières sont s’affronter entre eux pour imposer
à l’égard des collaborateurs, des clients, de l’en­ entreprendront cette démarche en étant cons­ fessional managerial class » dans les plus lucratives, est composée leur modèle de société souhaita­
vironnement social, culturel et écologique. cients du besoin d’utilité et de motivation les écrits universitaires nord­ des fondateurs de start­up, des in­ ble, estiment les auteurs. C’est au
Les enthousiastes ont donc raison de penser qu’éprouvent tant de communautés de travail.  américains, bobos, catégories su­ génieurs et des consultants. Mais cœur de cette classe culturelle que
que la société à mission pose une borne supplé­ périeures ou CSP+ dans les tribu­ c’est aussi parmi les hauts diplô­ s’écrit notre avenir commun. » 
mentaire dans l’histoire de la responsabilité de Pierre­Yves Gomez est professeur à l’EM Lyon nes des médias –, cette popula­ més que se recrute une propor­ margherita nasi
0123
JEUDI 6 MAI 2021 sports | 19

Ligue des
champions :
l’échec d’un
PSG désuni
Dominés, les Parisiens se sont
inclinés (2­0) lors de la demi­finale
retour contre Manchester City

P
our le Paris­Saint­Ger­ ricio Pochettino est arrivé à Paris
main, la soirée à fin décembre 2020, juste après la
Manchester a débuté bûche de départ de Thomas Tu­
par une averse de grêle chel, l’entraîneur argentin n’a
et s’est terminée par une douche rien changé dans le fond.
froide. Il commence à en avoir Oui, son équipe a éliminé le FC
l’habitude, mais le PSG a encore Barcelone et le Bayern Munich,
remis à la saison prochaine son montré une certaine personna­
projet de victoire en Ligue des lité par séquences, mais elle ne
champions, dominé au Parc des sait toujours pas à quel football se
Princes au match aller (1­2) vouer. Crainte pour ses noms et Riyad Mahrez inscrit le second but de la soirée pour Manchester City face au PSG, mardi à l’Etihad Stadium. DAVE THOMPSON/AP
comme au retour par Manches­ ses individualités, elle reste un
ter City (2­0) ce mardi 4 mai en objet footballistique difficile­
demi­finales. ment identifiable.
« On essayera encore tant qu’on Tout le contraire de City donc. gue des champions avec le Ben­ sans doute prolongé et un Les Parisiens, eux, vont devoir
sera là », a promis, l’élimination « Ce qu’on doit faire n’est pas diffé­ fica Lisbonne ou le Real Madrid Mbappé parti pour l’être, le PSG
« Il y a beaucoup se retrousser les manches pour
encore toute fraîche, le milieu de rent de ce qu’on a fait ces six ou pourtant, est tombé dans le pan­ reviendra tenter sa chance la sai­ de choses au moins « sauver » le titre de
terrain parisien Marco Verratti au sept derniers mois, avançait Pep neau de la provocation et a donné son prochaine. Il n’a pas d’autre champion de France, mis en dan­
micro de RMC Sport. Oui, les Pari­ Guardiola en conférence de un coup de pied de cour d’école à choix qu’être patient. Après tout,
positives, ger par Lille, en tête de la Ligue 1
siens ont essayé mais le « on » uti­ presse, la veille du match. On ne Fernandinho. Un carton rouge lo­ même Pep Guardiola a échoué on s’est sortis de avec un point d’avance à seule­
lisé par l’Italien induit en erreur. va rien demander de spécial. Dans gique, tout comme auraient pu avec le Bayern Munich puis Man­ ment trois journées de la fin. Dès
Le PSG reste une somme d’indivi­ les mauvais moments, il s’agit de l’être ceux de Verratti pour l’en­ chester City avant d’enfin retrou­
situations très dimanche contre le Stade ren­
dualités qui probablement s’ap­ rester calme, prendre le ballon, re­ semble de son œuvre ou de Da­ ver, dix ans après sa dernière avec difficiles pendant nais, il s’agira de sécher les lar­
précient, savourent le café le ma­ trouver notre dynamisme et ga­ nilo Pereira après une faute gros­ Barcelone, cette finale de Ligue mes et d’oublier les regrets et les
tin dans le respect des gestes bar­ gner le match. » sière sur Gabriel Jesus. des champions, le 29 mai contre
la compétition » polémiques d’un soir de grêle
rières, prennent des nouvelles du Pourtant, le PSG a essayé de Le PSG avait perdu la qualifica­ le Real Madrid ou Chelsea (1­1 à LEONARDO à Manchester. 
petit dernier, mais ne forment changer sa nature et celle de son tion bien avant de perdre ses l’aller en Espagne). directeur sportif du PSG alexandre pedro
pas toujours une équipe sur le ter­ adversaire, en privant ce dernier nerfs, il n’empêche, les images
rain. Du moins, si on l’entend de son oxygène : le ballon. Mais font tache, surtout en Ligue des
comme une force collective ho­ les Citizens n’ont pas suffoqué champions, où une bonne ou
mogène et cohérente, tout ce longtemps. Il y a eu dix minutes mauvaise réputation peut se
qu’est le Manchester City de Pep de possession de balle parisienne payer plus tard auprès des arbi­
Guardiola qui défend en bloc et avant qu’une passe du gauche tres. Celui du soir, le Néerlandais
attaque avec la coordination de la d’Ederson – gardien de but qui Björn Kuipers, était au cœur des
patrouille de France. fait des pieds et des mains – réactions après la rencontre.
Avec leur plan de jeu défini et n’élimine la moitié de l’équipe pa­
cette façon de bien réciter leur le­ risienne et ne mène à l’ouverture « Créer un groupe solide » HORSSÉRIE
çon, les Citizens ont un côté bon du score par Riyad Mahrez (11e). L’homme aurait eu des mots
élève qui contraste avec les ma­ Dans la foulée, côté parisien, Mar­ malheureux envers certains
nières de diplômé du dernier quinhos a dépassé une nouvelle joueurs parisiens. « On parle de
rang d’un PSG, à l’image d’un fois sa fonction de défenseur respect avec les arbitres mais
Neymar se déclarant prêt, avant pour placer une reprise de la tête l’arbitre a dit “fuck off” à Leandro
le match, sur le site officiel du sur la barre et Angel Di Maria a Paredes », a d’abord accusé Ander
club, à enfiler le treillis militaire bien essayé de filouter Ederson Herrera. Marco Verratti a aussi
« pour partir au combat avec sur un ballon subtilisé à Ber­ révisé son anglais avec l’homme

L’HISTOIRE
l’équipe ». Problème, le Brésilien nardo Silva, mais il a manqué la au sifflet. « Moi aussi il m’a dit
est allé au front, mais seul. Tou­ précision à la malice. “fuck you” deux fois. Si je dis “fuck
jours en délicatesse avec son Et c’est à peu près tout pour le you”, je prends dix matchs. C’est
mollet, Kylian Mbappé n’a pas butin offensif du soir. Pas de quoi sûr que je parle beaucoup avec

DE
quitté la tribune de l’Etihad Sta­ réécrire l’histoire à son avantage l’arbitre, mais je ne dis jamais
dium ni sa grosse parka. comme Ander Herrera, milieu de “fuck you” », assure l’Italien,

L’OCCIDENT
terrain parisien et un peu direc­ toujours prêt à refaire le monde
« Rien de spécial » teur de la communication. « On a avec les officiels.
Privé de la vitesse de son cham­ été la meilleure équipe pendant La polémique est un peu à
pion du monde, le PSG en rede­ soixante­dix minutes », a assuré l’image de la seconde période
vient prévisible et Neymar irri­ l’Espagnol à RMC Sport. A une parisienne : dispensable. Le di­ Chocs et métamorphoses
tant. Le meneur de jeu a tout et heure près, l’ancien de Manches­ recteur sportif, Leonardo, a évité
mal fait. Il a forcé ses dribbles, ter… United est dans le vrai. de remettre une pièce dans le
oublié un décalage évident pour La seconde période a été une juke­box. Le Brésilien a fait l’arti­
Mauro Icardi – vêtu, il est vrai, de longue et pénible mise à mort. cle sur le parcours européen de
sa cape d’invisibilité – et souffert Déjà buteur au Parc la semaine son club et vendu des jours
la comparaison avec le Belge Ke­ dernière, Mahrez – l’enfant de encore plus radieux. « L’objectif,
vin De Bruyne, parfait régulateur Sarcelles (Val­d’Oise) passé à tra­ c’est toujours de gagner, ce n’est
de City dont son ancien sélec­ vers les filets des grands clubs pas d’arriver en demi­finales, c’est
tionneur en équipe nationale, français avant de se révéler en An­ évident. Mais je pense qu’on a un
Marc Wilmots, a dit un jour, sans gleterre, à Leicester – signe un parcours ces deux dernières
trop exagérer, qu’il était « le doublé à la suite d’une contre­at­ années qui nous a placés parmi les
meilleur joueur collectif de tous taque modèle (63e). vrais candidats au titre. On doit ÉDITION
les temps ». Mais le pire était à venir. Mau­ continuer, garder la base, créer un
Mais De Bruyne pourrait­il exis­ vais et perdants, les Parisiens ont groupe solide. Il y a beaucoup de
ter dans une équipe dont le projet dégoupillé. Angel Di Maria, 33 ans choses positives, on s’est sortis de Qu’est-ce que l’Occident ? À cette question simple, ce numéro
de jeu reste une énigme ? Si Mau­ et quelques heures de vol en Li­ situations très difficiles pendant spécial offre une réponse complexe et passionnante. Depuis la Grèce
la compétition », a­t­il tenté de se
rassurer.
antique, la notion d’Occident a changé de contours pour s’identifier
tour à tour à l’Empire romain, à la Chrétienté médiévale, à l’Europe
Projet de Super Ligue : la FIFA n’est Au milieu de cet argumentaire
bien rodé, un élément attire coloniale, au monde libre... Sa civilisation, ses valeurs universelles,
pas favorable à des sanctions l’attention : « créer un groupe sa toute-puissance, ses faiblesses... expliquent pourquoi l’Occident
Aleksander Ceferin, le président de l’UEFA, l’instance qui gère le solide ». A certains postes, Mauri­ suscite toujours à la fois fascination et répulsion. Cette histoire est
football en Europe, avait assuré, le 25 avril, qu’il y aurait des cio Pochettino a comme des trous racontée par les meilleurs experts, cartes à l’appui.
sanctions contre les douze clubs à l’initiative du projet de Super dans sa raquette. L’ancien défen­
Sur la scène mondiale, l’Occident a-t-il désormais de sérieux
Ligue européenne, avant d’y renoncer. Gianni Infantino, son ho- seur a découvert les joies du
mologue de la FIFA, l’instance mondiale du football, n’est pas de bricolage aux postes de défen­ concurrents ? À découvrir dans cet ouvrage indispensable pour
cet avis. Tout en affirmant que « la création d’une ligue fermée, seurs latéraux où les Florenzi, comprendre les enjeux du monde contemporain.
séparatiste » est « inacceptable », « inimaginable », et que « certai- Diallo, Dagba, Bakker ne sont pas
nes actions devraient avoir des conséquences », M. Infantino ex- au niveau européen. Au milieu du
plique, dans un entretien à L’Equipe publié mercredi 5 mai,
qu’« il faut toujours faire attention quand on parle de sanctions ».
terrain, les Paredes, Herrera, Da­
nilo et Gueye ont des qualités
L’HISTOIRE DE L’OCCIDENT
« C’est vite dit qu’il faut punir (…). Mais il faut aussi réfléchir aux mais aussi des limites trop visi­
Un hors-série - 188 pages - 14 €
conséquences (…) : en punissant par exemple un club, vous pu- bles pour les canons européens
Chez votre marchand de journaux
nissez aussi des joueurs, des entraîneurs, des fans, qui n’y sont de la Ligue des champions.
et sur Lemonde.fr/boutique
pour rien », explique-t-il, disant préférer « toujours privilégier le Avec peut­être un effectif ren­
dialogue par rapport au conflit ». forcé à ces postes, un Neymar
20 | horizons 0123
JEUDI 6 MAI 2021

A l’époque de
François Mitterrand,
élu président il y
a quarante ans, son
conseiller Michel
Charasse organisait
chaque mercredi,
à l’Elysée, un repas très
couru où s’échangeaient
les secrets du moment

L
e conseil des ministres s’étire et
semble ne plus vouloir finir. A
côté, dans un coin de la salle des
fêtes de l’Elysée, Michel Charasse
(1941­2020) attend derrière la ma­
chine à traitement de texte IBM
qu’on installe pour lui chaque mercredi, au
cas où François Mitterrand aurait besoin
d’une note. Ce jour de 1981, il regarde sa mon­
tre en maugréant. Il a prévu un déjeuner à l’ex­
térieur mais va devoir annuler. Le chef de cabi­
net du président, Jean Glavany, doit annuler le
sien aussi. « Allez viens, lui lance Charasse, on
va demander aux cuisines de nous préparer un
steak ! » En chemin, il dit : « Il faut arrêter de
prendre des engagements le mercredi. Désor­
mais, on déjeunera entre nous ! » François Mitterrand et Michel Charasse, qui fut son conseiller et son ministre du budget, à Paris, en décembre 1991. CHAM/SIPA
Ainsi est né le « déjeuner Charasse », vérita­
ble rituel de la présidence Mitterrand, du pre­

A l’Elysée, au temps du
mier jour – ou presque – jusqu’au dernier.
Chaque semaine, à l’issue du conseil des mi­
nistres, le conseiller reçoit dans le petit deux­
pièces qu’il a le privilège d’occuper au pre­
mier étage du palais, dans l’aile ouest : une
chambre, dotée d’une fenêtre demi­lune

« déjeuner des marquis »


ouvrant sur l’avenue de Marigny, une minus­
cule cuisine, ainsi qu’un salon transformé en
salle à manger le mercredi. Le maire de Puy­
Guillaume et sénateur du Puy­de­Dôme y
dort du lundi au jeudi, avant de rentrer en
Auvergne. « Mitterrand voulait l’avoir sous la
main, se souvient Jean Glavany. Michel était
taillable et corvéable à merci. »
L’ancien pilier du groupe socialiste à Laborde, inspirateur du best­seller de Domi­ blagues entre mecs », témoigne­t­elle. dans l’annuaire interne. Seules quatre
l’Assemblée nationale, appelé par Mitterrand nique Lapierre, La Cité de la joie (1985). Les « C’était aux antipodes du politiquement cor­ personnes en ont connaissance : Mitterrand,
à l’Elysée pour sa connaissance des arcanes deux hommes, qu’il a discrètement revus en rect, admet Védrine. Un film de Gabin, un Védrine, sa femme et sa secrétaire. La veille
de la République et du droit, est devenu indis­ marge de son déplacement présidentiel, autre monde, à l’ancienne. » de la passation de pouvoirs avec Chirac, le
pensable. Il veille sur la bonne marche des af­ étaient des amis rencontrés vingt ans plus tôt Ces déjeuners ont également une vertu po­ 17 mai 1995, Charasse dort une dernière nuit
faires de l’Etat et les intérêts du président, y dans cette léproserie. litique. Mitterrand, qui considère qu’un cabi­ à l’Elysée. Le soir, il convie l’ensemble du
compris privés. En juillet 1990, c’est lui, le Etre convié aux « déjeuners Charasse » est net n’a pas d’existence en soi, ne réunit jamais cabinet au Ritz, dont il connaît le chef, un
gardien des secrets, qui bloque le communi­ un privilège. « Un adoubement », se souvient ses collaborateurs. Ce rendez­vous du mer­ Auvergnat, pour un dîner d’adieu.
qué alarmiste sur son état de santé que l’ancien porte­parole de l’Elysée (de 1991 à credi sert à partager l’information et à pren­ Le deux­pièces existe toujours. Après son
Mitterrand, alors très déprimé, demande à 1995) Jean Musitelli. « Tout le monde avait en­ dre la température de l’action collective, tout départ, le secrétaire général de la présidence
son médecin, Claude Gubler, de rédiger, afin vie d’en être. » Il n’y a pas d’ordre du jour pré­ en rompant la solitude, pesante. Pendant les Chirac, Dominique de Villepin, s’y installe.
de préparer les esprits à une démission. cis. Un dossier examiné au conseil des minis­ deux cohabitations avec la droite (1986­1988 Puis, il est transformé en bureaux, retrou­
« Comme Roustam Raza, le mamelouk de tres occupe parfois la conversation, pas tou­ et 1993­1995), il devient même stratégique. vant une vocation plus normale. Depuis 2017,
Napoléon Ier, posté devant la tente de l’Empe­ jours. Le sénateur du Puy­de­Dôme adore ra­ Privés de relais au sein de l’appareil d’Etat, les ce sont les assistantes des conseillers écono­
reur, Charasse avait un dévouement absolu à conter ce qu’il a vu ou entendu en Auvergne, conseillers d’un président démonétisé met­ miques qui en ont hérité. L’ancienne cuisine
Mitterrand », explique l’ancien secrétaire évoquer le « pouls » des Français. « On en sor­ « C’ÉTAIT UN LIEU DE  tent en commun ce qu’ils ont sur « le camp sert désormais de débarras. Seul vestige de
général de l’Elysée Hubert Védrine. tait souvent avec quelques idées, raconte le DÉFOULOIR ABSOLU.  d’en face, ce que manigançait Matignon », se­ l’époque, une sonnette en cuivre, à gauche de
Les déjeuners du mercredi sont servis par deuxième secrétaire général de la présidence, lon Glavany. Soucieux de magnifier une prési­ l’entrée, utilisée par les huissiers pour annon­
les maîtres d’hôtel du palais. Il arrive que Jean­Louis Bianco. Michel et moi aimions bien AUX ANTIPODES  dence assiégée, Charasse se promène avec la cer les invités. Dans le même couloir du pa­
Charasse rapporte d’Auvergne des spécialités, prendre une expression entendue sur un mar­ Constitution, qu’il ouvre entre deux bou­ lais hanté, la pièce maudite où un conseiller
chou farci, cochonnailles ou saucisson cuit ché ou dans une permanence électorale, et l’in­ DU POLITIQUEMENT  chées de frisée aux lardons afin de préciser délaissé, François de Grossouvre, s’est tiré
dans le moût de l’alambic des paysans. Le vin tégrer aux éléments de langage du gouverne­ telle ou telle prérogative du chef de l’Etat. une balle dans la tête en 1994, n’a plus jamais
est toujours excellent. Serrés dans ce salon ment. C’était parfois plus utile qu’organiser
CORRECT.  Dans les couloirs du pouvoir, ces agapes eu d’occupant ; elle est dévolue aux réunions.
étroit et bas de plafond, une dizaine de convi­ une réunion interministérielle. » UN FILM DE GABIN,  sont l’objet de tous les fantasmes. Gérard
ves, pas davantage. Essentiellement des Assis en bout de table, cigare au coin des Colé, qui travaille alors aux côtés du stratège NOSTALGIE D’« UNE AUTRE ÉPOQUE »
conseillers de l’Elysée, plus au moins gradés. lèvres, le « porte­flingue » du président vitu­ UN AUTRE MONDE,  en communication Jacques Pilhan, les rebap­ Emmanuel Macron aime rappeler les usages
Est parfois convié un directeur de cabinet, un père contre toutes les « gueules d’empeigne », tise les « déjeuners des marquis ». C’est ici, qui avaient cours du temps de Mitterrand
membre d’un corps constitué, voire un mi­ les syndicalistes, les « sociaux­culs » (socio­cul­ À L’ANCIENNE » dit­on, que se font et se défont les carrières en avec un demi­sourire, une pointe d’envie,
nistre qui a manifesté de l’intérêt pour ces turels), les « écolos », Michel Rocard ou Edith HUBERT VÉDRINE Mitterrandie. Charasse a la haute main sur peut­être : « C’était une autre époque »,
agapes dont bruisse le Tout­Paris. Certains en Cresson, ses obsessions. Nommé ministre du ancien secrétaire les nominations, qu’il teste souvent auprès conclut­il toujours. Une nostalgie partagée
apprennent l’existence bien après leur arri­ budget en 1988, il garde son deux­pièces à général de l’Elysée de ses convives. « Vous faites toutes les nomi­ par quelques­uns de ses conseillers. Chargé
vée à l’Elysée. Comme la militante socialiste l’Elysée et continue d’y recevoir. Chaque mer­ nations au déjeuner Charasse, j’ai l’air d’un du dossier « mémoire », Bruno Roger­Petit,
Françoise Carle, chargée des archives, qui a credi, il remonte du conseil des ministres, sa con, moi ! », lance un jour un ministre, dépité, qui correspondait souvent avec Charasse,
appelé directement Charasse pour se faire in­ sacoche en cuir à la main, et trône en bout de à l’un des invités réguliers. Le conseiller se garde religieusement dans son bureau un
viter, trois ans après son entrée au cabinet. table. Il fait rire en racontant comment il tente défend d’organiser un « déjeuner de cour », portrait du président socialiste que le sulfu­
de lutter contre la fraude fiscale en Corse. « J’ai mais goûte l’influence qu’on lui prête. reux officier de sécurité Alexandre Benalla,
« UN ADOUBEMENT » dit à mes douaniers : vous visez les genoux ! », Régulièrement, François Mitterrand de­ démis de ses fonctions en 2018, avait re­
Les quatre fidèles secrétaires du président y fanfaronne­t­il. Les journalistes sont voués mande à son bras droit, Jean­Louis Bianco : trouvé derrière une armoire.
ont leur rond de serviette. Surtout Christiane aux gémonies. Quant à Jacques Attali, le « Alors ? Que s’est­il dit cette semaine au déjeu­ En 2017, Macron a été convié par Charasse à
Dufour, avec laquelle Charasse s’entend à mer­ conseiller spécial, il n’est pas le bienvenu. ner Charasse ? » Lui seul a le droit de savoir. un déjeuner – avec du chou farci – au bord du
veille. Mais Marie­Claire Papegay, au service « Charasse avait ses têtes », résume l’ancien pa­ Pour le reste, les invités sont sommés de ne lac Chauvet, en marge d’un déplacement en
de Mitterrand depuis 1961, aussi. Discrète, elle tron du service de presse, Jean­François Mary. rien laisser filtrer à l’extérieur, sous peine de Auvergne. Le jour de ses obsèques à Puy­
sait les secrets du président, les femmes ou les Ces déjeuners servent surtout d’exutoire. bannissement. « Rien ne s’est retrouvé dans Guillaume, le 26 février 2020, le président a
rendez­vous cachés. « Celle qui connaît tout « Un lieu de défouloir absolu », selon Védrine, Le Canard enchaîné en quatorze ans », se salué une « histoire française ». Celle « d’une
mais ne parlera jamais », résume l’ex­commu­ une manière de gérer la pression et le stress, félicite l’ex­conseiller diplomatique Jean gouaille rabelaisienne, d’un plaisir de la table,
nicant du palais, Jean­Louis Chambon. Un « à l’image des carabins qui disent des hor­ Lévy. « C’est l’une des parts les plus secrètes d’un attachement à cette terre ». « Je ne suis pas
mercredi de 1989, il fait le récit du dernier reurs en salle de garde ». Charasse est friand des deux septennats, la seule chose qui n’a pas sûr que tu adorais dans notre époque cette es­
voyage officiel, en Inde. Il raconte que le prési­ d’humour vache, de blagues salaces et de été racontée », confirme Hubert Védrine, pèce de goût sans limite pour la transparence,
dent a souhaité s’attarder à Calcutta, alors que « rosseries » sur tel ou tel. Les rumeurs politi­ pour lequel le « déjeuner Charasse » reste a­t­il ajouté. Tu aimais aussi les secrets, ceux
la délégation rejoignait Bombay (l’actuelle ques se mêlent aux ragots sentimentaux. La emblématique du « caractère original, voire qui font l’épaisseur de la vie, la part de mys­
Mumbai). Seuls l’aide de camp et le conseiller vie du palais et celle de la Mitterrandie sont baroque, du système Mitterrand ». tère. » Un mois plus tôt, il avait décoré l’ancien
en communication sont restés, sans savoir ce passées au crible. Les conseillers Jean Lévy Le rituel a tenu jusqu’au bout, égayant à sénateur du Puy­de­Dôme dans la salle des fê­
qui se tramait. Chambon a vu deux inconnus et Serge Lafont jouent des coudes pour pla­ peine une fin de règne crépusculaire, hanté tes du palais où, il y a quarante ans, le fidèle
entrer, pieds nus, dans l’hôtel où logeait cer leurs meilleures histoires. Par moments, par la maladie, l’impopularité et les affaires. conseiller attendait, chaque semaine, la fin du
Mitterrand. « Personne ne savait qui c’était », ça vole bas. Mais il faut entrer dans la danse, Quand il quitte le budget, en 1992, Charasse conseil des ministres. Très affaibli par sa ma­
dit­il. A la fin du déjeuner, Marie­Claire Pape­ au risque de passer pour un pisse­froid. La revient à plein temps au palais, où ladie, Charasse s’était reposé un long moment
gay lui apprend qu’après le congrès d’Epinay, conseillère culture, Sophie Bouchet­Peter­ Mitterrand réclame de plus en plus fré­ dans le salon Paulin, avant de rejoindre les vé­
en 1971, Mitterrand a séjourné comme aide­ sen, pâlit, se raidit parfois. « Faire la tronche quemment sa présence, y compris la nuit. térans de la Mitterrandie pour la cérémonie.
infirmier dans une léproserie à Calcutta, aux était une manière de montrer que je ne vou­ Son petit appartement est équipé d’un télé­ Jusqu’au dernier jour, chez lui, à l’Elysée. 
côtés d’un père missionnaire, François lais pas être complice de ces conneries, ces phone blanc dont le numéro ne figure pas solenn de royer
CULTURE
0123
JEUDI 6 MAI 2021 | 21

Cette réunion qui a vu naître le « plan culture »
Le 6 mai 2020, lors d’une visioconférence, Emmanuel Macron appelait les artistes à « enfourcher le tigre »

ENQUÊTE

L
a politique, c’est aussi du
spectacle, avec son per­
sonnage principal et ses
figurants. « On vous voit
sur BFM­TV ! » : ce 6 mai 2020,
dans une salle de réunion de
l’Elysée, les téléphones portables
des quelques conseillers entou­
rant Emmanuel Macron ne
cessent de vibrer. Messages
d’étonnement tant, à l’image, la
séquence semble improvisée.
C’est comme si une caméra avait
forcé la porte d’une réunion ré­
servée. Il est 13 heures, un
bandeau « le plan pour la culture
d’Emmanuel Macron », défile sur
la chaîne d’info en continu.
Un an déjà a passé, mais cette
séquence de show macronien
– parce qu’elle marque la pre­
mière réponse élyséenne à un
secteur culturel confiné – est res­
tée dans les mémoires. Sur le
fond, des mesures fondatrices
ont été posées pour faire face à la
crise : notamment l’annonce, dé­
terminante, de l’année blanche
pour les intermittents du specta­
cle, la mise en place d’un fonds
d’indemnisation qui a permis la
Capture d’écran de la visioconférence du 6 mai 2020, avec Franck Riester (à gauche), à l’époque ministre de la culture, et Emmanuel Macron. LUDIVIC MARIN /AFP
reprise des tournages, la création
d’un programme de 30 millions
d’euros de commandes artisti­
ques prioritairement à destina­
tion des jeunes créateurs, dont Strasbourg (TNS), Stanislas Nor­ moment politique « sans réelle vi­ Rue de Valois, l’idée d’un « été musique au plus près des habi­
le lancement est désormais pro­
« Ce fut un grand dey, l’écrivain Aurélien Bellanger, sion », soit par refus d’être consi­ culturel et apprenant » est née en tants. Mais le chef d’orchestre ne
mis d’ici à la fin du mois. « Il y a show d’exercice le plasticien Laurent Grasso, la dérés, à tort, comme les représen­ partie des échanges. « L’impor­ cache pas ses inquiétudes : « Le
eu un malentendu. Tout le monde chorégraphe artiste de cirque tants de leur secteur. tance de l’éducation artistique et numérique est une béquille qui a
a cru à un discours sur un grand
de synthèse Camille Decourtye. « Dans ce genre d’exercice, il n’y a culturelle, la volonté de profiter de pris désormais la première place.
plan pour la culture, alors qu’il agrémenté Il faut à tout prix calmer l’ébulli­ que trois stratégies : formuler des la période estivale pour renouer Comment sortir de cette logique de
s’agissait d’une séance de travail tion qui s’empare d’un monde demandes très précises, se lancer avec les jeunes, ce sont les artistes concentration diluée ? Ce n’est pas
et d’échange avec, en conclusion,
d’un court culturel accablé d’être considéré dans des grandes théories ou qui en ont parlé », affirme Rima avec le virtuel et l’obsession du
les premières mesures pour moment maoïste comme « non essentiel ». Seule essayer de faire son rigolo. J’ai Abdul­Malak. « J’étais persuadé nombre de vues qu’on démocrati­
faire face à l’urgence », insiste solution : annoncer des mesures choisi la dernière, j’y suis allé en qu’il fallait combler le vide de l’été, sera la culture. »
une conseillère.
macronien » concrètes. Pendant la nuit, les pur dilettante, car je ne maîtrise se rappelle Stanislas Nordey. La Ce que l’on sait moins, c’est
AURÉLIEN BELLANGER négociations avec Bercy et le mi­ pas les dossiers de politique cultu­ profession était sceptique quant que tous ces artistes (à l’excep­
Coup de gueule écrivain nistère du travail sur le prolonge­ relle », confie Aurélien Bellanger. aux moyens alloués, au TNS on a tion de deux retenus par
Et pourtant, ce plan de communi­ ment de l’intermittence se pour­ L’écrivain avait déjà été invité à pris le discours présidentiel au mot d’autres obligations) ont revu
cation fut tout sauf anodin. suivent, et ne se dénouent qu’au l’Elysée, à la rentrée 2019, avec et organisé “La traversée de l’été” Emmanuel Macron, le 21 sep­
A huis clos, le président de la Ré­ plus tôt, dans une tribune publiée petit matin. « Ce ne fut pas évi­ des éditeurs. pour laquelle on a obtenu tembre 2020, autour d’un dîner à
publique a écouté, pendant plus sur Lemonde.fr, un collectif re­ dent, malgré le “quoi qu’il en 250 000 euros. Ce fut une belle l’Elysée. Cette fois, sans caméra,
de deux heures, treize artistes groupant de nombreuses person­ coûte” », témoigne un obser­ « Concentration diluée » aventure, auprès des jeunes, des ni direct sur BFM. Ce n’était plus
réunis en visioconférence re­ nalités du secteur culturel criti­ vateur. La rencontre peut alors Cette fois, c’était sa première ex­ pensionnaires d’Ehpad, de tous Franck Riester – nommé en
layant la forte inquiétude du que le silence du ministre de la commencer. A l’Elysée prennent périence de réunion à distance. ceux qui ne partaient pas en juillet 2020 ministre délégué au
monde culturel mis à l’arrêt par culture, interpelle avec force le place studieusement, autour du L’écrivain a trouvé « bizarre » cet vacances. Et l’été prochain on commerce extérieur –, mais sa
la pandémie. Puis Franck Riester, président de la République et de­ président, la secrétaire générale enchaînement sans rupture en­ remet le couvert ! » successeure, Roselyne Bachelot,
alors ministre de la culture, a ré­ mande une prolongation des adjointe, Anne de Bayser, le di­ tre la discussion avec les artistes Que la crise sanitaire soit l’occa­ qui accompagnait le président
pondu pendant un quart d’heure, droits des intermittents du spec­ recteur de la communication, et le discours présidentiel. « Ce fut sion de réinventer d’autres ainsi que Brigitte Macron.
hors caméra, aux interrogations tacle au regard de l’année noire Joseph Zimet, la conseillère cul­ un grand show d’exercice de rapports au public semble, avec le « Cette rencontre fut presque
soulevées lors des différentes in­ qui se profile. Pour désamorcer la ture, Rima Abdul­Malak, ainsi que synthèse, agrémenté d’un court recul, une évidence. « Bien sûr plus intéressante que la première
terventions. De manière sou­ colère, l’Elysée accélère le projet, Franck Riester accompagné du moment maoïste macronien. Cela qu’on s’est interrogés et qu’on a dé­ organisée sous le coup de l’ur­
daine, une perche micro est ins­ proposé par la conseillère culture conseiller chargé de la création avait l’allure d’un grand oral de­ veloppé des projets, la créativité gence. Autour de la table, la parole
tallée au­dessus d’Emmanuel Rima Abdul­Malak, de réunir en artistique, Stephan Kutniak. Un vant, symboliquement, un jury fait partie de notre ADN », insiste a circulé davantage, juge Stanislas
Macron pour retransmettre la visioconférence des artistes et tout petit cercle sait que l’année idéal. Cela dit quelque chose de la Sébastien Daucé. Avec des mem­ Nordey. Il s’agissait d’identifier
parole présidentielle. Sans tran­ des intellectuels. blanche sera annoncée. Pas le psyché présidentielle », résume bres de son Ensemble Correspon­ les trous dans la raquette, notam­
sition, c’est parti pour trente mi­ Initialement, il s’agissait d’es­ ministre de la culture. Lui qui a Aurélien Bellanger. dances, il a organisé pendant l’été ment pour les jeunes artistes sor­
nutes de direct. En bras de che­ quisser une réflexion sur le bataillé pour l’obtenir n’en tirera « Après douze mois de crise, cette 2020 une tournée à vélo à travers tant des écoles. »
mise, le président, au ton en­ « monde d’après ». Face à la aucun profit. rencontre semble loin, on est à la la Normandie, pour amener la A quinze jours de la réouver­
flammé, appelle le monde de la tempête, le format de la réunion fois épuisés et impatients de re­ ture des lieux culturels, sous con­
culture à « enfourcher le tigre » et est modifié, la liste des invités Treize prises de parole construire », témoigne Sébastien ditions sanitaires et avec des jau­
à « se réinventer ». réadaptée. Recentrée sur les La visioconférence se déroule de Daucé. Surpris d’y avoir été ges réduites, le dossier de l’inter­
Le ministre de la culture, censé artistes, elle réunit têtes d’affi­ manière franche et directe. Le pré­ convié, il avait accepté l’invita­ « Après douze mittence est de nouveau sur le
restituer les annonces sur le che, figures nouvelles de diverses sident appelle les artistes par tion sans hésiter, pour défendre bureau des ministres de la
perron de l’Elysée à l’issue de la disciplines. Sont ainsi conviés : la leur prénom et prend le temps les ensembles indépendants. Lui
mois de crise, culture et du travail, et des
réunion, n’a pas été prévenu de chanteuse Catherine Ringer, d’écouter longuement les treize comme Camille Decourtye ont cette rencontre théâtres sont occupés. « Je suis
cette retransmission. Les artistes l’actrice Sandrine Kiberlain, le prises de parole. Catherine Ringer beaucoup plaidé pour une année pour un geste clair, fort : il faut
non plus, mais ils restent hors duo de cinéastes Olivier Nakache tente de détendre l’atmosphère, blanche. « Il ne fallait pas se trom­
semble loin, prolonger l’année blanche, cela ne
champ pendant l’intervention. et Eric Toledano, le rappeur et d’autres sont au bord des larmes. per, de là où on envoyait la bouée, on est à la fois coûte pas si cher que ce qui a été
Franck Riester devient la victime réalisateur Abd al Malik, la co­ « Il y avait un côté “tripal” », se et insister sur la richesse des peti­ dit, et ce serait une belle réponse
collatérale de cette mise en scène médienne Norah Krief, la souvient l’un des membres de la tes compagnies », se souvient la
épuisés et au mouvement d’occupation »,
présidentielle faussement im­ soprano Sabine Devieilhe, le chef garde rapprochée d’Emmanuel chorégraphe. impatients de assure Stanislas Nordey. Mais si
provisée, dont la forme a été d’orchestre Sébastien Daucé, Macron. Mais, un an plus tard, L’enjeu de la jeunesse a aussi Macron veut revoir des artistes,
commentée à foison. la chorégraphe Mathilde Mon­ plusieurs artistes ne souhaitent été au centre des discussions.
reconstruire » le metteur en scène jure qu’il
Cette séance doit son existence nier, le metteur en scène et di­ pas revenir sur cet épisode. Soit Contrairement aux mesures d’ur­ SÉBASTIEN DAUCÉ passera le relais à d’autres. 
à un coup de gueule. Six jours recteur du Théâtre national de par lassitude d’être associés à ce gence préparées en amont par la chef d’orchestre sandrine blanchard

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0123
22 | culture JEUDI 6 MAI 2021

Pauline Clément,
joyeusement
décalée
La pensionnaire de la Comédie­Française
multiplie les rôles sur le petit écran

PORTRAIT tournait dans la rue pendant notre


pause déjeuner au Conservatoire…

P
auline Clément a 35 ans, Je n’avais pas du tout d’a priori sur
mais en fait dix de Internet, on se sentait un peu jugés
moins. Pas toujours fa­ au début, mais, quelques années
cile à vivre, confie au té­ plus tard, les vidéos en ligne ont ac­ Sans la
léphone l’actrice au visage doux, quis une force énorme. » Dopé par minisérie
dont on sait pourtant qu’elle est l’actualité liée au Covid­19 (et par « Fluide »,
capable de se mettre dans de sa­ un certain besoin d’en rire), diffusée
crés états, que ce soit sur la scène Broute cartonne en effet depuis sur Arte.tv.
du Français ou dans Broute, la un an sur les réseaux. KELIJA
pastille parodique de Canal+ dans En attendant la réouverture de
laquelle elle apparaît régulière­ la salle Richelieu, la comédienne
ment aux côtés de ses comparses répète La Cerisaie de Tchekhov et rent et dont elle aime le mélange mule sous un solide talent comi­ même pas ! Mais il y avait quelque et mentionne la lecture de Sorciè­
du collectif d’humoristes Yes vous commence à trépigner à l’idée de sérieux et d’humour. Elle inter­ que les doutes de ceux pour qui ce chose de grave et d’hypersérieux res, l’essai de Mona Chollet, dans
aime. Discrète, un poil timide, on de remonter sur scène. Mais elle prète en plus le rôle d’Emma dans n’est pas inné, qui ont beaucoup en elle… On s’est mis à bosser en­ lequel elle a puisé des pistes pour
la sent un peu empêtrée quand apprécie aussi cette parenthèse Fluide, une minisérie diffusée sur bossé pour en arriver là. « J’ai com­ semble et très vite, elle m’a fait con­ aborder « des personnages plus
il s’agit de parler d’elle. La faute, temporelle qui lui permet de mul­ Arte.tv, qui met en scène deux mencé par des cours amateurs à fiance. » Avec tendresse, il souli­ puissants, des femmes pas sympa­
peut­être, à un parcours atypique, tiplier les expériences. Cumu­ couples en quête d’un nouveau 14 ans. J’adorais l’impro, ça prenait gne son « extrême confiance en thiques ». D’ailleurs, c’est le rôle de
qui a conduit l’ancienne décro­ larde – « Je marche à l’envie, plus souffle. Elle apparaît aussi aux cô­ beaucoup de place dans ma tête elle »… et sa contrepartie : « elle Lucienne, bourgeoise entre deux
cheuse à réussir le très sélectif on s’amuse, plus on peut faire tés de l’humoriste Inès Reg dans mais je ne pensais pas du tout en peut très vite être déstabilisée ». âges, enroulée dans un manteau
concours du Conservatoire natio­ entrer de choses dans l’emploi Je te veux moi non plus, comédie faire mon métier », confie­t­elle, Malgré sa popularité en hausse, léopard pour les besoins de la
nal d’art dramatique. du temps » – elle est à l’affiche de populaire tirée des sketchs mis avant d’énumérer tous les cours la comédienne se sait décalée. mise en scène très « sixties » de
Depuis son entrée à la Comé­ deux créations « décalées ». en ligne par Inès Reg et Kevin de théâtre qu’elle a écumés avant « Sur scène, jouer simplement La Puce à l’oreille, par Lilo Baur, à
die­Française, en 2015, Pauline Debonne sur Instagram. Des que le déclic n’arrive – « J’ai mis du le texte l’emmerde. Elle ne fait la Comédie­Française, qui lui a
Clément fait le grand écart entre le Grande liberté artistique choix éclectiques, qui témoi­ temps à me sentir prête… » aucune concession, ça peut être un valu en 2020 une nomination
répertoire de la compagnie natio­ Pour la troisième saison de la sé­ gnent d’une grande liberté artisti­ Son ami Bertrand Usclat con­ problème dans la vie pour négo­ aux Molières, catégorie révéla­
nale et les pitreries sur YouTube, rie Un entretien, de Julien Patry que et d’une absence totale de cal­ firme, enthousiaste au téléphone cier un contrat, s’amuse Bertrand tion féminine. Chasser le naturel,
principal visage féminin d’une (diffusée sur Canal+), elle reprend cul, voire de plan de carrière. Peu à l’idée d’évoquer celle pour qui Usclat, mais sur un casting, c’est ça peut rapporter gros. 
bande d’acteurs aux têtes de pre­ le rôle d’Alice, « ex­future » amou­ importe le temps de présence à il a eu un « coup de foudre artisti­ un avantage énorme. » Elle confie audrey fournier
miers de la classe, formés au Con­ reuse du DRH incarné par Benja­ l’écran pourvu que ça l’intéresse. que » à leur rencontre. « On s’est avoir à peu près fait la paix avec
servatoire et menés par Bertrand min Lavernhe, camarade du Fran­ Taches de rousseur, voix haut connus au conservatoire du 8e ar­ son physique de jeune première Un entretien, série créée par
Usclat. « C’est lui qui nous a entraî­ çais qu’elle connaît depuis ses an­ perchée, diction légèrement rondissement, elle était complète­ – « Je ne suis pas mannequin ! Mais Julien Patry, diffusée sur Canal+.
nés vers ce format, dit­elle. On nées de formation au Cours Flo­ chuintante, la comédienne dissi­ ment larguée, elle ne se cherchait c’est un travail sur le long terme » –, Broute sur Canal+ et Facebook.

PRÉSENTE
La fronde des illustrateurs contre
le paiement « en visibilité »
Un concours sans rémunération a mis en émoi la profession
LES AVENTURES DU GENTLEMAN CAMBRIOLEUR EN ÉDITION COLLECTOR !

I ndécent », « violent » : Mat­


thieu Chedid est la cible de
critiques depuis que le
15 avril, Labo­M, son site officiel, a
de l’illustration. « Le concours
lancé par M est la manifestation
d’un phénomène hélas très cou­
rant », déplore Benoît Peeters,
nyme, qui dénonce sur Twitter la
« culture du gratuit ». « Aux Beaux­
Arts, on ne parle pas d’argent, cela
pervertirait notre trait, confirme

9,99
LE N°4


offert aux fans la possibilité d’il­ auteur et créateur des Etats géné­ Hélène, illustratrice diplômée
lustrer son prochain songbook, raux de la bande dessinée. de l’école qui souhaite aussi con­
un recueil de partitions et de pa­ server l’anonymat. On n’attend
roles de ses chansons. Il suffisait « Nous avons des charges ! » pas vraiment de nous qu’on se pro­
d’envoyer sa proposition, les lau­ L’illustratrice Margaux Butet ne fessionnalise, et on n’a pas les
réats étant sélectionnés par M lui­ décolère pas. « Nous avons des connaissances pour se lancer sur le
même. Mais les modalités de gra­ frais et des charges comme tout le marché du travail. » Les illustra­
SEULEMENT ! tification des gagnants ont provo­ monde : ce n’est pas avec de la visi­ teurs se retrouvent souvent dé­
qué la colère des internautes, bilité que je vais pouvoir payer mon munis à la sortie de l’école. Les
notamment les illustrateurs. loyer ! Il n’y a qu’aux artistes qu’on concours spéculatifs apparais­
Les personnes sélectionnées se demande de travailler gratuite­ sent alors comme une chance de
ARSÈNE LUPIN voyaient en effet « offrir » le droit
d’apparaître dans la section
ment. » Pour Stéphanie Le Cam,
enseignante­chercheuse et direc­
se faire connaître. « Ils sont parfois
le seul moyen que nous avons d’en­
LA DEMEURE « trombinoscope » du songbook, trice de la Ligue des auteurs, cette trer en contact avec un client
MYSTÉRIEUSE en plus d’une réduction de 30 %
pour acquérir le livre en question.
prévalence du travail spéculatif
dans l’art est l’héritage d’une vi­
potentiel », analyse Charles.
Margaux Butet est souvent
« Il sera demandé à chaque parti­ sion romantique de l’artiste, dé­ confrontée à des clients aussi es­
cipant dont la ou les œuvres se­ corrélé des questions matérielles. thètes qu’économes. Elle a une
ront publiées dans le songbook Le travail d’illustration reste parade : « Lorsqu’un client insiste
de signer un document stipulant ainsi paradoxalement peu valo­ pour ne pas payer, je lui envoie un
ILLUSTRATIONS
DE COUVERTURE que cette publication se fait à titre risé, y compris dans les écoles dessin griffonné à la va­vite sur le
INÉDITES gracieux. (…) Le participant ne d’art, où la question de l’argent logiciel Paint pour qu’il sache ce
pourra prétendre à aucune rému­ semble taboue. « J’estime qu’[el­ qu’est vraiment un dessin gra­
nération ni autre avantage [ni les] sont complices de ce phéno­ tuit », dit­elle amusée. Si elle peut
droits d’auteur] », précisait le mène parce qu’elles incitent les se permettre de ne pas céder, elle
texte partagé par Labo­M. Quel­ étudiants à participer à ces con­ reconnaît que tous ses collègues
ques heures après le lancement cours. Les professeurs enseignent n’ont pas cette chance. « Beau­
du concours, l’équipe du chan­ aux étudiants que vouloir gagner coup acceptent de baisser leurs ta­
teur a fait machine arrière. Dans sa vie, c’est être vénal », appuie rifs, voire de travailler gratuite­
un communiqué, elle assure que Charles, désireux de rester ano­ ment, mais ils se retrouvent sou­
M « n’a pas eu connaissance du vent submergés et frôlent le
contenu du texte publié un peu hâ­ burn­out, dit­t­elle.
tivement ». Le chanteur est, lui, L’affaire Chedid intervient dans
resté silencieux. Le travail un secteur en tension, déjà
Loin d’être isolée, l’affaire n’est échaudé par les suites données au
que la partie émergée et médiati­
d’illustration rapport Racine, jugées par beau­
que du travail spéculatif, qui con­ reste peu coup insuffisantes. « Avec le mou­
siste à faire espérer gagner un vement #payetonauteur [lancé
Hachette Collections SNC, 58 rue Jean Bleuzen – CS 70007 – 92178 Vanves Cedex –
contrat moyennant une produc­
valorisé, en 2018 pour dénoncer les condi­
395 291 644 RCS Nanterre. Visuels non contractuels. Format des livres : 13,6 x 22 cm.
tion gratuite. Prenant souvent la y compris dans tions de rémunération des au­
forme d’un concours dans le do­ teurs], on avait déjà une prise de
LE 5 MAI CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX maine artistique, il justifie l’ab­
les écoles d’art, conscience des anomalies, expli­
OU SUR WWW.COLLECTION-LUPIN.COM sence de contrepartie financière où la question que Stéphanie Le Cam. Mais une
par une rémunération en visibi­ génération qui entre ainsi dans la
lité. La pratique est particulière­
de l’argent contestation, c’est inédit. » 
ment développée dans le secteur semble taboue anissa bekkar
0123
JEUDI 6 MAI 2021 culture | 23

Saint­Joseph reprend des couleurs à Roubaix


L’église, joyau du XIXè siècle très dégradé par les intempéries, a rouvert après six ans de travaux

PATRIMOINE Du sol au
roubaix (nord)
plafond, pas un

D
e l’extérieur, l’église
Saint­Joseph, avec ses
centimètre carré
briques rouges et ses n’a échappé
murs anguleux, se
fond dans le quartier populaire de
aux pinceaux
l’Alma, à Roubaix (Nord), où la et aux outils
mairie mène une forte action de
rénovation urbaine. On la repère à
des artisans d’art
sa flèche, qui culmine à 50 mètres
et semble faire concurrence aux
cheminées des usines de ce sec­ collecte auprès de chefs d’entre­
teur industriel de la métropole lil­ prises locales ayant permis de
loise. Mais lorsqu’on pousse la réunir 600 000 euros.
porte du bâtiment néogothique, le Dépourvue de porche, l’église
contraste est saisissant. Du sol au ouvre ses portes directement sur
plafond, pas un centimètre carré la rue. « A l’époque, il fallait être
de colonne ou de mur n’a échappé discret quand on s’y rendait, afin
aux pinceaux et aux outils des ar­ de ne pas être repéré par les orga­
tisans d’art, qui, dans une profu­ nisations syndicales, très anticléri­
sion d’or et de couleurs, ont tra­ cales », souligne François Vergin,
duit de manière imagée des scè­ animateur de l’architecture et du
nes de l’univers biblique et de la patrimoine de la ville de Roubaix,
vie du saint patron des artisans. intarissable sur l’histoire de la cité
« Nulle part ailleurs dans la ré­ ouvrière et textile.
gion vous ne pouvez faire une ho­
mélie ou une catéchèse illustrée Un chantier « exceptionnel »
comme on peut les pratiquer ici, Une spécialité industrielle qui fit
simplement en invitant le public à la richesse de la ville à la fin du
tourner ou à lever la tête, s’en­ XIXe siècle et qui s’impose de ma­
thousiasme le père Antonio Po­ nière inattendue dès que l’on pé­
lito, prêtre de Saint­Joseph. Tout le nètre dans l’église, dont la cons­
monde n’a pas le temps de lire la truction fut financée par les ri­
Bible. Là, l’essentiel des Evangiles ches familles de tisserands : les
est à la portée de tous ! » colonnes, édifiées en pierre bleue,
Depuis le 18 avril, le curé a pu re­ sont décorées de frises rappelant La restauration de l’église Saint­Joseph, à Roubaix (Nord), a été essentiellement financée par la ville. ANAÏS GADEAU/VILLE DE ROUBAIX
prendre sa place le dimanche face des rubans ou des galons, les
aux fidèles réunis – dans le res­ murs bordant le chœur sont gar­
pect des règles sanitaires – sous la nis de motifs jacquard qui ne dé­ les prophètes Isaïe, Ezéchiel, Da­ les artisans se sont attachés à re­ l’objet « d’une extrême vigilance »,
nef de l’église, remise à neuf après pareraient pas sur des doubles­ri­ niel et Jérémie, côtoient des per­ donner tout leur éclat aux vi­
Les colonnes, assure Vincent Brunelle, archi­
six ans de travaux. On doit ce deaux, et les statues portent des sonnages de l’Ancien et du Nou­ traux et aux peintures. « On a édifiées en pierre tecte en chef des Monuments his­
joyau de la fin du XIXe siècle au tenues au drapé parfait. « Comme veau Testament. Des anges sculp­ sauvé cet édifice ! », s’exclame Luc toriques du Nord ayant conduit le
baron Jean­Baptiste Béthune un catalogue des savoir­faire des tés portent des emblèmes repré­ Pelletier, dirigeant de la société
bleue, sont chantier de restauration. Une
(1821­1894), surnommé « le Viol­ ouvriers de la région », souligne sentant les vertus de saint Joseph – Tollis, qui a procédé à ces travaux, décorées de centrale d’air a été installée afin
let­le­Duc des Flandres ». L’édi­ François Vergin. droiture, travail, famille. Les pein­ depuis l’assainissement des sur­ d’éviter les phénomènes de con­
fice, dégradé par les intempéries, L’édifice avait été livré en 1878, tures de la voûte du transept re­ faces jusqu’à la reconstitution
frises rappelant densation, et des sondes hygro­
la mérule (champignon atta­ « à l’état brut ». Les vitraux, riche­ présentent une révélation de des fresques. Un chantier « excep­ des rubans métriques permettent de mainte­
quant le bois) et le défaut d’entre­ ment décorés, ont été posés vers l’Apocalypse autour de l’agneau. tionnel, compte tenu de la quan­ nir une veille constante. Car à
tien, avait frôlé la démolition 1880. Ce n’est qu’à partir de 1890 « Les scènes pouvaient être com­ tité de décors peints », souligne le
ou des galons Saint­Joseph, les prières des fidè­
dans les années 1980. Avant que les murs, les sols et les colon­ prises des ouvriers originaires de patron de l’entreprise, qui a aussi les ne suffisent pas pour empê­
qu’une mobilisation des Roubai­ nes se sont couverts de mosaï­ Flandre, nombreux à travailler travaillé cette année à la restaura­ cher que les aléas climatiques ne
siens, relayée par les collectivités ques et de fresques, réalisées par dans l’industrie textile, très pieux et tion des sculptures de la chapelle ses qui n’auraient pas été confor­ viennent éteindre le flamboie­
territoriales et l’Etat, conduise, le peintre hollandais Jan Willem qui ne parlaient pas français », fait royale de Versailles. mes aux décors d’origine », précise ment retrouvé. 
en 1994, au classement de l’église Deumens (1843­1909). remarquer Marie­France Jaskula, Certaines scènes, trop dégra­ Luc Pelletier. sylvie kerviel
aux Monuments historiques. Et Lorsqu’on lève les yeux, c’est, présidente des Compagnons de dées, n’ont pu être reconstituées Construite sur des marécages,
qu’un projet de réhabilitation, sous les voûtes en brique lambris­ Saint­Joseph, qui œuvre pour la faute de pouvoir se référer à des près d’un canal, et sans fonda­ Eglise Saint­Joseph, 125, rue
pour un budget de 8 millions sées décorées à la feuille d’or, une préservation de l’église et son modèles, dessins ou photogra­ tions, l’église est depuis toujours de France, à Roubaix (Nord).
d’euros, soit lancé. Le chantier a procession de saints et d’anges rayonnement culturel. phies. « Le choix, conforme à notre fragilisée par l’humidité, forte Ouverture le samedi de 9 h 30
été majoritairement financé par – plus d’une centaine – qui sem­ La restauration a commencé éthique, a été d’opter pour un flou­ dans cette région à certaines pé­ à midi, le dimanche à 11 h 30
la ville, propriétaire du lieu, une blent venir à nous. Dans le chœur, par le clocher et les toitures. Puis tage plutôt que d’inventer des cho­ riodes de l’année. L’isolation a fait pour la messe.

T H É ÂTR E
Plus de 500 compagnies
devraient participer au
A Genève, un « Didon et Enée » fouetté par la danse
festival « off » d’Avignon
« Il y aura bien un festival” La nouvelle production de l’œuvre de Purcell a vu les débuts prometteurs du collectif Peeping Tom sur une scène lyrique
off” d’Avignon cet été », a an­
noncé, mardi 4 mai, Sébas­
tien Benedetto, président
d’Avignon Festival & Compa­
gnies (AF & C), l’association
OPÉRA Désarticulées, mimer un rapport sexuel. Didi ap­
paraîtra, les jambes écartées, dans
royale qui séparera les amants. Et
que dire de ces murs soudaine­
pour que la production lui confie
le célèbre song purcellien O Soli­
genève (suisse) ­ envoyée spéciale
qui coordonne ce vaste ren­ torturées, les la frustration d’un désir inassouvi ment éventrés, de ces fenêtres tude, qu’il lui faut interrompre et
dez­vous du spectacle vivant.
A l’heure actuelle, 108 lieux
(contre 140 en 2019) et
586 compagnies ont prévu
une programmation. La date
C omme Milo Rau tordant le
cou à La Clémence de
Titus, de Mozart, en fé­
vrier, c’est à une première incur­
sion scénique dans le monde de
chorégraphies
s’écrivent
dans un alphabet
avant de s’amouracher d’un de ses
serviteurs, un homme blessé, res­
capé de la guerre et des combats –
un clone d’Enée.
La musique de scène créée par le
ouvertes par le vent, livrant pas­
sage à des amas de sable, lesquels
finiront par envahir l’espace, en­
sevelissant Didi, qui meurt, nue,
sur son lit, toilettée par une ser­
partager vocalement avec un
jeune garçon, Vidal Arzoni, tandis
qu’un danseur porte la musique,
tel un flambeau, de l’une à l’autre
des deux bouches. Dans la fosse,
butoir d’inscription ayant l’opéra et à une autre empoi­ corporel compositeur et violoncelliste At­ vante, tandis que Didon déploie Le Concert d’Astrée, conjointe­
été repoussée au 17 mai, les gnade que nous a conviés la scène sushi Sakai va contrepointer la les splendeurs de son adieu au ment dirigé par Atsushi Sakai et
responsables d’AF & C esti­ genevoise avec Didon et Enée, de
épileptique partition de Purcell, s’insérant monde. Durant le chœur final des Emmanuelle Haïm, a déployé un
ment qu’environ mille spec­ Purcell, mis en scène par le dans les interstices de la narration cupidons, une amoureuse danse riche éventail de beautés multi­
tacles devraient être présen­ danseur et chorégraphe Franck comme dans les replis de la psy­ de mort voit la femme dévorer le ples, de la fureur à la déploration,
tés dans le « off » 2021, soit Chartier, cofondateur, en 2000, Dans une immense chambre à ché de Didon/Didi. Une reine inca­ cœur de l’homme qu’elle aime. tandis que le Chœur du Grand
600 de moins que lors avec la danseuse argentine coucher lourdement lambrissée, pable d’aimer, rongée par une pul­ Egalement soumise aux lois de Théâtre de Genève trace sa trajec­
de la dernière édition, Gabriela Carrizo, de la compagnie avec bibliothèque et salon de mu­ sion érotique qui finira par la dé­ l’inconscient, la répartition des toire, excellent de bout en bout. 
en 2019. Les jauges devraient bruxelloise Peeping Tom. sique, surmontée d’une salle de truire. Le texte élaboré par le col­ rôles lyriques. Ainsi la Didon de marie­aude roux
être de 65 % à 70 %. Force est pourtant de constater parlement (une « chambre parle­ lectif Peeping Tom campe une Marie­Claude Chappuis, à la fois
que ce qui nous était apparu mentaire » au sens littéral) vit la femme de pouvoir, qui n’hésitera Magicienne et Esprit maléfique, Didon et Enée, de Purcell.
L I T T É RAT U RE comme un brillant exercice de vieille Didi. Une riche excentrique pas à chevaucher longuement son portant en elle­même son propre Franck Chartier (mise en scène
Emilienne Malfatto virtuosité dans le premier cas qu’encerclent les politiques (le amant longiligne et christique. démon. Ou l’exquise Belinda et chorégraphie), Justine
lauréate du Goncourt touche cette fois au chef­d’œuvre. chœur, domestiques et musi­ d’Emöke Barath, confidente em­ Bougerol (scénographie),
du premier roman Il s’agit pourtant de deux relectu­ ciens, à qui elle refait jouer en Séduction enchanteresse pathique et première sorcière Emmanuelle Haïm (direction),
Journaliste, photographe et res radicales, mais l’une détourne boucle l’opéra de Purcell), folle de Désarticulées, torturées, les cho­ maléfique, la seconde étant chan­ Atsushi Sakai (composition et
écrivaine, Emilienne Malfatto l’œuvre quand l’autre creuse un la reine Didon dont elle a endossé régraphies s’écrivent dans un al­ tée par la fraîche Marie Lys. Si la li­ direction des musiques
a remporté, mardi 4 mai, chenal dans ses méandres. les amours délétères et le destin phabet corporel épileptique. Des gne de chant élégante de la mezzo additionnelles), Chœur du Grand
le prix Goncourt du premier Didon et Enée propose à peine tragique. Formidable Eurudike De corps jetés les uns contre les suisse prive l’Ensorceleuse de ses Théâtre de Genève, orchestre du
roman pour son livre Que sur une intrigue. Didon, la reine de Beul, comédienne, performeuse autres. La force du spectacle tient habituels artifices sardoniques, le Concert d’Astrée. Grand Théâtre
toi se lamente le tigre (Elysad, Carthage, aime Enée, le fugitif et chanteuse, ainsi qu’on pourra à ce que tout, visuellement, se ré­ célèbre Dido’s Lament s’élève telle de Genève (Suisse), le 2 mai.
2020). Une fiction sur le troyen qu’elle a recueilli et que s’en apercevoir dans une haran­ fère à la musique. Le tragique se une âme meurtrie quittant une Disponible sur le site Gtg.ch
drame d’une jeune fille, des sorcières, usant d’un charme gue à son peuple modulée à la ma­ dénoue parfois dans des effets vallée de larmes. jusqu’au 9 mai, sur Mezzo Live
enceinte hors mariage. maléfique, pousseront à l’aban­ nière d’un chant d’extase soufi. grinçants de vis comica, comme Séduction enchanteresse que la HD jusqu’au 4 juin, sur Arte
L’histoire lui a été donner. Didon choisira de mourir Une musique de thriller envahit cette femme à la Rossy de Palma voix du ténor américain Jarrett Concert jusqu’au 2 novembre.
inspirée par les reportages sur une des lamentations les plus l’espace tandis que, sous des draps gémissant et aboyant quand Ott dans le (trop) court rôle Reprise à l’Opéra de Lille (Nord),
qu’elle a réalisés en Irak. sublimes de l’histoire de l’opéra. blancs, des contorsions semblent s’évoque chez Purcell la chasse d’Enée. Suffisamment irrésistible du 3 au 10 décembre.
24 | télévision 0123
JEUDI 6 MAI 2021

Les jeunes oubliés des campagnes françaises NOTRE


SÉLECTION
Ilan Teboul s’est intéressé à une dizaine de « décrocheurs », sans diplôme et sans formation, dans le Bas­Rhin JE UD I 6 MAI

Canal+ Cinéma
LCP dition : sans permis de conduire, Ceux qui travaillent
JEUDI 6 - 20 H 30 l’une doit prendre trois bus, une 20.50 Film d’Antoine Russbach
DOCUMENTAIRE autre se lève aux aurores et finit datant de 2018. Avec un Olivier
sa nuit dans la voiture de sa belle­ Gourmet épatant dans le rôle d’un

M
on objectif est de mère… ex-employé d’une société gérant des
trouver un travail Rompre l’inertie, c’est aussi ac­ cargos depuis la Suisse. Un homme
fixe et qui me plaît, cepter de se dévoiler dans les ate­ complexe qui a sacrifié sa vie et son
où je vois ma vie liers collectifs de la mission lo­ honneur pour un gros salaire.
dedans, et sans avoir un patron qui cale, oser déranger, dépasser la
nous engueule à longueur de honte issue de sa précarité ou des France 5
journée. » Tiffany a 19 ans et béné­ violences que l’on subit. Croire en Versailles, les défis du Roi-Soleil
ficie de la « garantie jeunes », dis­ soi, tout simplement. « Quand je 20.50 Documentaire de Philippe
positif d’aide de l’Etat pour les per­ voulais partir en études de photo­ Tourancheau. Comment ont travaillé
sonnes de 16 à 25 ans. Les critères graphe et que ma prof de maths les plus grands savants de l’époque
d’entrée de ce dispositif ont été as­ m’a dit que jamais je ne pourrais y sur le chantier aussi complexe
souplis en février, tant les difficul­ arriver avec ma moyenne et que je que gigantesque du château
tés se sont multipliées, avec la devrais faire un bac pro commerce de Versailles. Le Vau, Le Brun,
crise sanitaire liée au coronavirus, à la place, je l’ai écoutée. Et je re­ Le Nôtre sont au rendez-vous…
pour les jeunes qui cherchaient à grette », dit Sandra, en atelier col­
s’insérer dans le monde profes­ lectif de théâtre. « Je sais que je dé­ TV5 Monde
sionnel en 2020. bite un nombre de conneries astro­ Bus Campus
Dans le Bas­Rhin, département nomique », lâche Dorian, 17 ans. 21.00 Documentaire inédit de
où a été tourné le documentaire Jérôme a été aidé par la mission locale de Molsheim. TROISIÈME ŒIL PRODUCTIONS/LCP-ASSEMBLÉE NATIONALE/GO FAST Mobilité, exclusion, rupture Stéphanie De Smedt. Des élèves
d’Ilan Teboul pour LCP­Assem­ avec le monde du travail, le réali­ de primaire d’un quartier bruxellois,
blée nationale, le chômage des sateur montre autant les impas­ dont les parents sont originaires
moins de 25 ans (en catégorie A) a milité qu’il faut avoir face au réel », de­Marne, s’est rendu cette fois en voix off, le cheminement émou­ ses engendrées par certaines atti­ du Maroc, d’Italie ou de Bulgarie,
augmenté de 10 % sur 2020, selon raconte Ilan Teboul. Il est tout de Alsace pour suivre le parcours vant vers l’âge adulte. Ils ont en­ tudes de domination des adultes prennent chaque samedi un bus
les chiffres de Pôle emploi et de la même allé au bout de son projet d’une dizaine de « décrocheurs » – tre 17 ans et 20 ans, et déjà des tra­ envers les jeunes que le trajet pu­ qui les amène sur le campus
direction de l’animation de la re­ de « rendre visibles » ces jeunes ils sont près de 500 000 chaque jectoires abîmées par les échecs dique de ceux­ci vers les autres de l’Université libre de Bruxelles.
cherche, des études et des statisti­ ruraux isolés qui « peinent à rê­ année en France. Il a posé ses ca­ scolaires, des conflits familiaux, pour refaire société et prendre
ques (Dares). ver » tant ils sont déconsidérés, méras à la mission locale de parfois des violences sexuelles. plus sereinement leur indépen­ Chérie 25
L’épidémie de Covid­19 a été mais ils « font tout aussi partie du Molsheim, en amont de la vallée Quand ils débarquent à la mis­ dance. Un élan fragile que la pan­ Walk the Line
particulièrement virulente dans récit national », comme le laisse ouvrière de la Bruche, à une demi­ sion locale de Molsheim, cer­ démie rend encore plus fragile.  21.05 Un duo explosif (Joaquin
cette région enclavée, et a compli­ entendre le titre Entendez­vous heure de route de Strasbourg. tains n’ont pas quitté leur cham­ mouna el mokhtari Phoenix, Reese Witherspoon)
qué le tournage, entre les confi­ dans nos campagnes. Plusieurs dizaines de jeunes y re­ bre depuis plus d’un an et ne fré­ pour un film retraçant le parcours
nements et l’impossibilité de fil­ Le réalisateur, qui tourna, çoivent un accompagnement in­ quentent que leur famille au Entendez­vous dans nos du mythique chanteur et guitariste
mer, comme prévu au départ, en 2014, Les Dames de chœur, une tensif à la recherche d’emploi. quotidien. Réussir rime avec par­ campagnes, d’Ilan Teboul (Fr., Johnny Cash (1932-2003). Ce long-
dans des lieux privés. « C’est série remarquée de portraits croi­ Des adolescents dont le réalisa­ tir, en quelque sorte. Mais ce pre­ 2021, 52 min). Suivi d’un débat métrage signé James Mangold,
l’aventure du documentaire, l’hu­ sés de femmes retraitées du Val­ teur capte, sans narration en mier départ relève déjà de l’expé­ présenté par Jean­Pierre Gratien. bénéficie d’une bande-son splendide.

Xavier de Maistre, la harpe au masculin et au sommet


Un documentaire de Beatrix Conrad, où extraits musicaux et propos informatifs alternent, fait le portrait du musicien

ARTE.TV Nordmann (née en 1941) ; jamais Les réflexes genrés ayant la vie caux qui balisent ce film, dont le chemins professionnels en solo vel instrument de la maison Salvi,
À LA DEMANDE leurs collègues masculins. dure, difficile – comme dans la Concertino op. 34 du grand har­ et en tant que professeur. dont le design Art déco est direc­
DOCUMENTAIRE Dans ce portrait que lui consa­ danse classique – pour les jeunes piste britannique Elias Parish Le film de Beatrix Conrad a pour tement inspiré de l’architecture
cre Beatrix Conrad sur Arte, le har­ garçons de s’y mettre et de s’y te­ Alvars et les Deux Danses pour seul défaut d’être à la fois un do­ de l’Empire State Building et du

H arpistes : les femmes


sont les plus nombreu­
ses mais les hommes
sont les meilleurs », a un jour écrit
le compositeur nord­américain
piste français Xavier de Maistre
(né en 1973) revient sur le cliché
tenace d’un « instrument évanes­
cent joué par des jeunes femmes
de bonne naissance et en longue
nir. Ce que fit cependant le jeune
Xavier, dont le talent éclata très
vite. Nommé à 21 ans harpe solo
de l’Orchestre symphonique de la
radio bavaroise, il passait l’année
harpe et cordes de Claude
Debussy, Xavier de Maistre a dû
d’abord entrer dans un orches­
tre, car le métier d’harpiste so­
liste ne nourrit pas d’emblée son
cumentaire et un concert où les
pièces ne sont pas entendues en
entier. Elles semblent du coup des
interludes à un propos qui pour­
rait être plus approfondi. Mais Xa­
Chrysler Building de New York,
plaqué d’un bleu nuit accordé à
l’or blanc. Un instrument qu’on
osera dire masculin, en accord
avec le physique carré du musi­
Ned Rorem. En France du moins, robe », qui remonte au XVIIIe siè­ suivante dans les rangs du presti­ homme. vier de Maistre parcourt de ma­ cien, par ailleurs praticien de haut
elles ont longtemps été les plus cle. « A cette époque, où Marie­An­ gieux Orchestre philharmonique Pour autant, il n’y restera pas nière claire et instructive les origi­ niveau de l’aviron marin.
connues. A la télévision, dans toinette en fait son instrument de de Vienne – que ce descendant du longtemps : « Le harpiste est au nes de l’instrument (l’un des tout renaud machart
le cadre du « Grand échiquier » prédilection, la harpe devient un philosophe Joseph de Maistre fut fond de l’orchestre et passe 90 % premiers de l’histoire, avec la per­
de Jacques Chancel, on voyait fré­ instrument aristocratique joué par le premier Français à intégrer. de son temps à attendre qu’on lui cussion), sa technique, son réper­ Xavier de Maistre et la harpe,
quemment Lily Laskine (1893­ toutes les jeunes femmes amatri­ Excellent musicien, ainsi qu’on donne la parole », soupire celui toire et l’évolution de sa facture. de Beatrix Conrad (All., 2020,
1988), puis sa disciple Marielle ces de la bonne société. » l’entend dans les extraits musi­ qui trouvera bientôt d’autres Ainsi le voit­on recevoir un nou­ 43 min). Jusqu’au 18 juin.

0123 est édité par la Société éditrice


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PAR PHILIPPE DUPUIS
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N°21­105 Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
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tions frauduleuses. Le scandium. 75013 Paris. Tél. : 01-57-28-20-00
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CHEZ VOTRE Ce journal est imprimé sur un papier UPM issu de forêts gérées
L’argon. 12. Trouve sa place dans durablement, porteur de l’Ecolabel européen sous le N°FI/37/001.
10. Isolait. Dn. 11. Oui. Paraît. 12. Nervations. MARCHAND DE JOURNAUX
l’angle de la pièce. Eutrophisation : PTot = 0.009 kg/tonne de papier
0123
JEUDI 6 MAI 2021 carnet | 25
Claire Ehrmann, née Hérubel, Ernest Gutmann, Marie Odile Cassin,

Michèle Léridon Le Carnet


son épouse,
Ses filles et leurs conjoints,
Ses onze petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès


son époux,
Daniel Gutmann,
son fils
et son épouse, Cristina,
Michel et Nicolas Gutmann,
sa compagne,
Brigitte, Loïc et François Singer,
ses enfants,
Françoise Goarant,
la mère de ses enfants,
Ex­journaliste de l’AFP de

Yves EHRMANN,
ses petits-fils,

ont la tristesse de faire part du décès


Ses sœurs et frères
Colette Lenoir, Christine Bouix,
Sabine Méry, Jean-Pierre, Bernard,
de
et conseillère au CSA Vous pouvez nous faire
parvenir vos textes
pasteur,

survenu le 21 avril 2021, dans sa


Annie GUTMANN,
neuropsychiatre et psychanalyste,
Bruno Singer
et leurs familles,

quatre-vingt-deuxième année. ont le chagrin de faire part du décès


soit par e-mail : survenu le 26 avril 2021. de
Un culte a été célébré au temple de
carnet@mpublicite.fr Toulon, le 26 avril. Ses obsèques ont eu lieu dans Yves SINGER,
(en précisant impérativement l’intimité.
Chenay. Meudon. survenu le 29 avril 2021, à la Baule
votre numéro de téléphone Les personnes qui souhaitent (Loire-Atlantique), à l’âge de quatre-
et votre éventuel numéro honorer sa mémoire, peuvent adresser vingt-huit ans.
« Annie est partie un don au Mémorial de la Shoah.
d’abonné ou de membre L’Artisanie, c’est fini. »
La cérémonie d’obsèques aura lieu
de la SDL) Serge Fouché, Annick Inspektor, jeudi 6 mai, à 14 h 30, en l’église
son époux, Françoise Inspektor, Saint-Justin, 1, place d’Estienne
Stéphanie, Alexis, Grégory, Elie, ses filles, d’Orves, à Levallois-Perret, suivie de
soit sur le site : ses enfants, Gilbert Inspektor, l’inhumation au cimetière de
https://carnet.lemonde.fr Eugénie, Louise, Augustin, Anatole, son frère. Levallois-Perret.
Achille, Héléna, Sonia, Timothée et Myriam,
ses petits-enfants, ses petits enfants, Cet avis tient lieu de faire-part.
L’équipe du Carnet Les familles Inspektor et
Borensztejn, Cassin/Singer,
reviendra vers vous ont la tristesse de faire part du décès
82, rue du Président Wilson,
de ont la profonde tristesse de faire part
dans les meilleurs délais du décès de 92300 Levallois-Perret.
Annie FOUCHÉ FRESSON,
pour vous confirmer
M. Henri INSPEKTOR, Pont de l’Etoile.
la parution. le 1 mai 2021, à Reims,
er

dans sa quatre-vingtième année. le 27 avril 2021, à l’âge de quatre- Laurence, Marion, François et son
vingt-neuf ans, quelques semaines épouse Glaucia,
carnet@mpublicite.fr Les obsèques auront lieu dans seulement après le décès de sa ses enfants,
l’intimité familiale. femme.
https://carnet.lemonde.fr
L’inhumation a eu lieu le 30 avril, Cyprien, Alicia et son époux Louis,
26, rue du Général Leclerc, Bettina, Benjamin, Vinicyus et William,
51140 Chenay. au cimetière parisien de Bagneux.
ses petits-enfants,
AU CARNET DU «MONDE» contact@artisanie.com
La famille tient à remercier tous
ceux qui, depuis mardi se sont ont l’immense tristesse de faire part
César Giron, manifestés pour exprimer leur du décès du
Décès président, peine.
Les membres du conseil docteur Daniel UNAL,
Paris. Barjac (Lozère). d’administration de la Fédération professeur de médecine
Florent Lavallée,
des exportateurs de vins et spiritueux à la Faculté de Marseille,
M. et M Christian Barbaste,
me Dimitri Lavallée,
de France (FEVS), Sophie Lavallée,
Mme Pierre Barbaste, Juliette, Julius et Julicia Lombard- survenu le lundi 3 mai 2021,
ses frère et belles-sœurs, ont le regret d’annoncer le décès de Lavallée, à l’âge de quatre-vingt-sept ans.
A Paris, en juin 2014. FRED DUFOUR/AFP Ses nièces, neveux, ses petits-enfants,
Ses petites-nièces et petits-neveux, Gérald DE GEOFFRE Morgane Lombard et Morgan Un hommage aura lieu vendredi
Les familles Barbaste et Faure, DE CHABRIGNAC, Mollard, 7 mai, à 16 heures, au crématorium
président de la FEVS ses beaux-enfants, d’Aubagne.
de 1978 à 1980,
ont la profonde tristesse de faire part

L
undi 3 mai, en fin de 10 NOVEMBRE 1958 ont le regret d’annoncer le décès de Une cérémonie religieuse au
du décès de survenu le 23 avril 2021.
matinée, le groupe de Naissance à Canteleu Temple Grignan de Marseille sera
Camille LAVALLÉE, célébrée ultérieurement.
travail qu’elle présidait (Seine-Maritime) Mme Etiennette BARBASTE, Sa grande écoute, sa courtoisie et
au Conseil supérieur de 1981 Entre à l’Agence son engagement au service de ses survenu le 29 avril 2021,
à l’âge de quatre-vingt-deux ans. Maison Roblot Aubagne.
l’audiovisuel (CSA) s’est étonné de France-Presse (AFP) le 29 avril 2021, à Mende, pairs ont marqué tous ceux qui l’ont Tél. : 04 42 03 12 61.
ne pas voir apparaître Michèle Lé­ 2014 Devient directrice à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. connu et côtoyé.
Une cérémonie laïque aura lieu le
ridon derrière son écran. La de l’information de l’AFP vendredi 7 mai, à 15 heures, au Annie Tubiana-Warin,
Une cérémonie religieuse sera La FEVS présente ses sincères
conseillère auprès de Roch­Oli­ 2015 Devient administratrice crématorium de Bron. son épouse,
célébrée le 7 mai, à 14 heures, condoléances à sa famille.
vier Maistre n’avait pas prévenu de Reporters sans frontières Nicolas Warin, Delphine Warin-Tazi,
en l’église Saint-Privat de Barjac. Le bar est à lui !
d’une éventuelle absence à cette 2019 Est nommée ses enfants,
Monique Gins, Atheist by the grace of God !
Philippe Warin,
réunion virtuelle ni d’une quel­ au Conseil supérieur 1, rue de l’Église, née Rosenblum, Die Bar gehört ihm !
son frère,
conque indisposition. Agée de de l’audiovisuel 48000 Barjac. son épouse, Marielle Delpire,
62 ans, l’ancienne journaliste 3 MAI 2021 Mort Max Gins, Mirabela Lemoine, sa sœur,
son fils, sa fille, Ses petits-enfants,
s’est éteinte chez elle, lundi 3 mai, à Paris Pau (Pyrénées-Atlantiques). Nelly et Michel Rouyres,
laissant derrière elle trois fils. Son arrière-petite-fille,
sa fille et son gendre, a l’immense tristesse d’annoncer le
« C’est un grand choc pour la La vie a quitté Lara, Randolph, Tom, Eddie, décès de ont la tristesse de faire part du décès
maison, et une profonde tristesse, ses petits-enfants,
de
confie au Monde le président du CSA dans un communiqué publié Jacques Jimmy BOEKHOLT, M.Michel LEMOINE,
ont la douleur de faire part du décès né le 29 avril 1946, à Paris,
CSA. C’était une femme d’une mardi 4 mai. de retraité du Crédit Agricole, Gérard WARIN,
le 1er mai 2021,
grande bienveillance, très appré­ C’est dans ces fonctions qu’elle médaillé d’honneur agricole
après une vie active et engagée. survenu le 25 avril 2021, à l’âge de
ciée et très respectée pour sa rigu­ avait connu l’un des moments les François GINS, pour trente-cinq années de service
le 19 juillet 2004, quatre-vingt-quatre ans.
eur professionnelle. Nous avons plus désagréables de sa carrière Colette Pouyanne-Boekholt, fidèle lecteur du journal Le Monde
survenu le lundi 3 mai 2021.
l’impression de perdre une très professionnelle, quand, en 2015, Delphine, Nathalie et Astrid. depuis des années, Les obsèques auront lieu dans
grande personne et une amie. » l’agence avait annoncé à tort le 7, rue Paul Éluard, Les obsèques ont eu lieu ce l’intimité vendredi 7 mai, au
64000 Pau. survenu le 13 avril 2021, à Nice, cimetière du Montparnasse, Paris 14e.
Nommée membre de l’instance décès de Martin Bouygues, PDG mercredi 5 mai, à 11 heures,
c.boekholt@laposte.net à l’âge de soixante-quatorze ans.
sur proposition du président de du groupe Bouygues. « L’informa­ au cimetière du Montparnasse,
3, boulevard Edgar-Quinet, Paris 14e. Profonde reconnaissance à tous
l’Assemblée nationale, Richard tion erronée nous cause un dom­ 12, avenue Buenos Ayres, ceux qui l’ont soigné, accompagné,
Ferrand, où elle était arrivée le mage considérable en termes de Benjamin Croitoru, 06000 Nice. aidé.
son fils, Elisabeth et Jean-Jacques Ducros,
même jour que le successeur crédibilité et d’image », avait re­
Reiko Namiki, Brigitte et Bernard Régent, Micheline Bonnes,
d’Olivier Schrameck, le 4 fé­ gretté la journaliste dans un cour­ sa belle-fille, Monique et Eric Monnot, sa mère, Communication diverse
vrier 2019, elle présidait le groupe riel aux salariés. La lutte contre la Daniel et Eva, ses enfants, Pauline Magdeleinat,
de travail « droits et libertés, plu­ désinformation et les infox faisait ses petits-enfants, Marina et Mathieu, Julien, Chloé sa fille,
ralisme et déontologie ». Un do­ déjà partie de ses préoccupations et Christophe, Marion, Théodore Magdeleinat,
ses petits-enfants, son fils
maine de prédilection pour celle majeures, de même que l’éduca­ ont la profonde tristesse d’annoncer
Naomie, Norah et Hinatéa, et Anne-Sophie Gabriel,
qui fut également administra­ tion aux médias et à l’informa­ le décès de ses arrière-petites-filles, Thelma,
trice de Reporters sans frontières. tion ; les bénévoles de l’associa­ Françoise Saint Raymond, sa petite-fille,
« Michèle alliait la rigueur et l’en­ tion Entre les lignes, qui animent Ruth CROITORU, Yvonne Laporte-Many, Pierre Magdeleinat,
née KENIGSTEIN, Gabrielle Saint Raymond, Dominique et Patrice Taourel,
gagement, la mesure et le cou­ des ateliers d’éducation aux mé­ Michel et Solange Saint Raymond, sa sœur et son beau-frère, Envie d’être utile ? Rejoignez-nous !
rage », loue le secrétaire général dias et à l’information au sein du survenu le 26 avril 2021, à Paris, André Saint Raymond, Elsa et Manon Taourel,
de l’ONG, Christophe Deloire. « Je système scolaire (et que Le Monde Jeanine Gry, ses nièces, Les bénévoles de SOS Amitié
à l’âge de quatre-vingt-treize ans. Tous ses proches écoutent
l’ai vue à l’œuvre, elle avait une sa­ a rejoint en 2017), savaient pou­ ses frères, sœurs et belles-sœurs,
Les familles Gry et Saint Raymond, Et amis, par téléphone et/ou par internet
crée détermination », résume­t­il. voir compter sur son soutien. L’inhumation a eu lieu au ceux qui souffrent de solitude,
Diplômée du Centre de forma­ cimetière parisien de Bagneux ont l’immense tristesse de faire part de mal-être et peuvent avoir
ont la tristesse de faire part du du décès de
« Probité, hauteur de vue » tion des journalistes et en scien­ le lundi 3 mai. rappel à Dieu de des pensées suicidaires.
Michèle Léridon arrivait de ces économiques de l’université
benjamin.croitoru@mcgill.ca Chantal MAGDELEINAT, Nous recherchons des écoutants
l’Agence France­Presse, où elle Lumière­Lyon­II, elle avait écrit Thérèse GRY, psychiatre,
née SAINT RAYMOND, bénévoles
était entrée en 1981. A son départ, ses premiers articles, en 1977, sur toute la France.
François Denis et Agnès Born, survenu le 26 avril 2021,
membre du comité exécutif, pour La Voix de l’Ain, puis pour le 30 avril 2021, dans sa quatre-vingt- à l’âge de soixante-quatre ans. L’écoute peut sauver des vies
Jean-Michel Denis et Pascale
elle en dirigeait l’information de­ La Nouvelle République du Cen­ dix-neuvième année. et enrichir la vôtre !
Pommat,
puis 2014. « Elle était la première tre­Ouest et pour L’Usine nou­ La cérémonie religieuse s’est Choix des heures d’écoute,
ses fils et belles-filles, déroulée ce mercredi 5 mai, à 10 h 30,
Une cérémonie religieuse a été formation assurée.
femme à ce poste à l’AFP », se sou­ velle. Accueillie à l’AFP en 1981, Claire, Maude, Marion, en l’église protestante de
célébrée ce mercredi 5 mai, à 10 h 30,
vient Emmanuel Hoog, qui l’avait elle ne l’avait plus quittée jus­ ses petites-filles, en l’église Saint-Pierre de Neuilly- L’Annonciation, 19, rue Cortambert,
nommée à ce poste et en était de­ qu’en 2019, changeant de poste et sur-Seine. Paris 16 .
e En IdF RDV sur
venu très proche. de compétence au gré des muta­ ont la tristesse de faire part du décès www.sosamitieidf.asso.fr
de Tous gardent en mémoire son L’enterrement se déroulera le 6 mai, En région RDV sur
L’ancien PDG de l’agence, au­ tions internes : au service France, au cimetière de Salinelles (Gard), www.sos-amitie.com
époux
jourd’hui directeur général du puis chargée des médias, au desk route de Lecques, à 16 heures.
Gisèle DENIS,
groupe Combat de Matthieu Pi­ Afrique ensuite. née KELLER, Jean GRY (†),
gasse (actionnaire du groupe Le Après avoir créé la rubrique psychosociologue Société éditrice du « Monde » SA
Monde à titre personnel), se sou­ « Villes­banlieues », elle était re­ à la COFROR et au CUCES, décédé en 1987. Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
Directeur du « Monde », directeur délégué de la publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
vient « de la confiance et de la re­ venue à l’Afrique pour prendre 1961-1970, Directrice de la rédaction Caroline Monnot
connaissance » que lui accordai­ la direction adjointe du bureau sociologue du travail au CEREQ, Sa famille Direction adjointe de la rédaction Grégoire Allix, Maryline Baumard, Hélène Bekmézian, Philippe Broussard, Nicolas
Chapuis, Emmanuelle Chevallereau, Emmanuel Davidenkoff (Evénements), Alexis Delcambre,
ent ses équipes, auprès desquelles d’Abidjan, à partir duquel elle 1970-1992, Marie-Pierre Lannelongue, Harold Thibault
a la profonde tristesse d’annoncer le Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
elle avait pu faire valoir « sa a notamment couvert les con­ décès de Directrice déléguée au développement des services abonnés Françoise Tovo
survenu le 25 avril 2021, à Chevreuse, Directeur délégué aux relations avec les lecteurs Gilles van Kote
probité, son élégance intellec­ flits au Liberia et en Sierra Leone.
à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans. Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert
tuelle, sa hauteur de vue », mais Quelques échelons plus tard, Gilles HORENFELD, Rédaction en chef Laurent Borredon, Laetitia Clavreul, Michel Guerrin, Christian Massol, Franck Nouchi (Débats et Idées)
Chef d’édition Sabine Ledoux
aussi son féminisme. elle dirigea la rédaction (2006), Les obsèques ont eu lieu Directrice du design Mélina Zerbib
survenu le 29 avril 2021, Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani
« Son engagement en faveur de puis le bureau de Rome (2009) le vendredi 30 avril, à Limours à l’âge de soixante-treize ans. Photographie Nicolas Jimenez
la liberté d’expression et de la li­ et, enfin, toute l’information de (Essonne), dans l’intimité familiale. Infographie Delphine Papin
Directrice des ressources humaines du groupe Emilie Conte
berté de l’information aura ja­ l’agence (2014).  La crémation aura lieu le 11 mai, Secrétaire général de la rédaction Sébastien Carganico
lonné son parcours », rappelle le aude dassonville jean-michel.denis@wanadoo.fr dans la plus stricte intimité. Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président, Sébastien Carganico, vice-président
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JEUDI 6 MAI 2021

De haut
en bas, puis
de gauche
à droite :
Pauline
Esparon,
Emmanuelle
Simon,
Margaux
Keller,
Victoria
Magniant,
Elise Fouin.
PAULINE ESPARON, NOËL
MANALILI, LAURE
MELONE, VICTORIA
MAGNIANT, TONATIUH
AMBROSETTI.

DESIGN

E
lles sont vingtenaires ou tout juste
quadragénaires, installées à Paris,
Marseille ou en Normandie. Elles
ont une sensibilité accrue au déve­
loppement durable et aux matériaux
bruts, du lin au parchemin en passant par
le bois ou le verre. Elles sont aussi inspirées
par les savoir­faire ancestraux de la Fran­
che­Comté ou du Japon, et jusqu’au désert
du Sinaï. Elles racontent, chacune à sa fa­
çon, comment elles traversent l’époque, ti­
rant parti du temps suspendu par le Covid
pour explorer des voies inédites...

Margaux Keller,
la virtuose marseillaise
Elle n’a pas l’accent chantant, mais elle a
fait de Marseille, la ville de son enfance, le
siège de sa petite maison d’édition et le
cœur battant de son inspiration. Cela lui a
réussi : en dix ans seulement, Margaux
Keller s’est imposée en tant que designer
virtuose, avec un parcours à faire pâlir
d’envie.
Diplômée, en 2010, de l’Ecole nationale
supérieure des arts appliqués et des mé­
En 2021, le design pour créer des objets singuliers. Plutôt que
d’additionner les couches comme la 3D, el­
les permettent de creuser la matière. J’ai

s’écrit au féminin
tiers d’art Olivier­de­Serres, puis de l’Ecole fourni cet outil à la manufacture de Lettonie
Boulle, à Paris, elle se forme d’abord dans où sont produits mes meubles en bois, et
l’agence Philippe Starck, puis à la Fabrica, à le temps gagné sur le façonnage me permet
Trévise, ce centre de recherche regroupant de peaufiner les finitions. »
des étudiants du monde entier, fondé par Ses assises ne ressemblent à aucune
Benetton, en Italie. « Sam Baron, qui diri­ LES CRÉATRICES DE L’ANNÉE 1| 2 Nous avons choisi de mettre autre, avec le dessus ciselé et le dessous
geait à l’époque la Fabrica, m’a poussée à ex­ tout en rondeur, et des assemblages sans
primer une vraie identité créative. »
Et de la créativité, la jeune femme de
à l’honneur dix femmes designers issues de la « jeune jointures visibles. « Souvent, en design d’ob­
jets, on se contente de la face visible des cho­
34 ans n’en manque pas. Dès ses débuts,
elle collabore avec Made.com, mais aussi
garde ». A commencer par Margaux Keller, Victoria ses, commente Victoria Magniant. Moi, j’ai
ce côté photographe, un métier que j’ai pra­
Roche­Bobois et la galerie parisienne
En attendant les barbares, pour laquelle
Magniant, Emmanuelle Simon, Pauline Esparon tiqué à mes débuts : je travaille sur la façon
dont la lumière tombe sur une pièce, sur la
elle signe une table hommage à Eileen
Gray, qui sera exposée à l’ambassade de
et Elise Fouin. Toutes puisent dans les savoir­faire manière dont l’œil est arrêté par un détail
intrigant. » Elle imagine des appliques à
France, à Rome. Le secrétaire à deux pieds
qu’elle crée pour la Redoute, le Scriban en
traditionnels et osent la récup et le durable l’abat­jour de laiton patiné, crocheté au­
dessus de la lumière, comme en lévitation.
chêne massif, sera pendant cinq ans D’autres suspensions arborent sur le métal
un best­seller. des teintes rares de bordeaux, de vert, voire
Son design est à la fois juste et poétique, de blanc, mises au point par un talentueux
empli de rondeurs et de couleurs subtiles. lections. « J’ai fait le bon choix en m’instal­ naires modulaires, qu’elle a imaginés avec bronzier d’art parisien. Grâce à la « magi­
Les objets qu’elle dessine sont de ceux aux­ lant ici, celui de se sentir apaisé, inspiré par son ami d’enfance l’architecte Antoine Pra­ cienne et chimiste Agathe » de la maison La­
quels on s’attache sans y prendre garde. l’endroit où l’on habite. » A la collection Vue dels, Victoria Magniant, 42 ans, a remporté verdure, son mobilier peut se décliner dans
Dès 2012, la jeune femme a fait le pari de mer, en 2019, succède Mistral noir, en 2015 le prix Les Découvertes du salon trente­cinq teintes et vernis écologiques,
quitter la capitale pour s’installer à Mar­ en 2020, puis Pin parasol, fin 2020. Dans Maison & Objet et le label VIA. dont ce bleu presque noir, quasi un indigo,
seille. « Je me suis jetée à la mer, dit­elle en cette dernière série, dessinée pendant le Depuis, sa collection autoéditée n’a cessé qui, malgré sa profondeur, laisse apparaî­
souriant. A l’époque, ce n’était pas la cité ef­ confinement, elle rend hommage à l’arbre de grandir : chaises, tables, paravents, sus­ tre les veines du bois. « J’aime ma pe­
fervescente d’aujourd’hui. C’est à partir de majestueux du sud de la France, qui lui a pensions… dans des matériaux nobles tite échelle, ce temps long qui me permet
2013, en tant que capitale européenne de la tant manqué. D’où ces verres Parasol, on­
D’un caillou comme le bois, le laiton ou le verre. Les for­ d’expérimenter avec des artisans d’excep­
culture que Marseille a pris son essor. » Mar­ dulés à l’image des troncs qui se déhan­ ramassé dans mes et les couleurs du mobilier sont inspi­ tion et d’inventer des voies alternatives
gaux Keller, qui a installé son studio dans le chent pour s’offrir au soleil. rées du Japon, où elle a voyagé, initiée de de production. »
6e arrondissement, se partage, avec succès,
le Sinaï est longue date à cette culture par son amie Déjà, le design de Victoria Magniant – du
entre architecture d’intérieur, scénogra­ Victoria Magniant, né le drôle d’école Asako, Parisienne d’origine nip­ demi­mesure comme les tailleurs, avec ses
phie et design d’objets. pone. Les détails ouvragés évoquent l’arti­ dimensions et ses teintes modifiables –
En 2019, elle s’associe à Anaïs Fretigny, an­ inspiration Japon de lampadaire sanat d’art sans en atteindre tout à fait les rencontre le succès auprès des collection­
ciennement chef de produit pôle bijoux Au mitan de la galerie Vivienne, l’un des d’Emmanuelle prix. Ainsi la chaise Daiku (« charpentier » neurs ou des amateurs qui sillonnent les
chez Saint Laurent, pour fonder Margaux plus beaux passages couverts de Paris, un en japonais) est telle une calligraphie dans foires spécialisées comme le Pavillon des
Keller Collections. Elle vend directement élégant V dans un caractère du Bauhaus pa­
Simon, avec l’espace : un dossier ovale au bout d’une arts et du design à Paris et à Londres, ou
ses objets sur son site, mais les conçoit rade sur la vitrine. C’est la galerie V inaugu­ un empilement longue tige, des assises sculptées, des pieds Collectible à Bruxelles.
comme des séries limitées, avec un mode rée en 2017 par Victoria Magniant, diplô­ galbés comme un trait d’encre au pinceau.
de production raisonné et des prix raison­ mée en graphisme de la Saint Martins
de X surmonté Pour la réaliser, Victoria Magniant a éla­
nables pour du « fait en Europe » : tout y est School of Art de Londres, en 2002. A l’inté­ d’une lampe boré un système de production qui marie
Emmanuelle Simon,
fabriqué, parfois en Italie pour le verre rieur trône sur un mur son tout premier artisanat traditionnel et high­tech. « J’ai été matières solaires
soufflé, dans la région nantaise pour les succès : l’installation lumineuse Cosmogo­ déçue par les imprimantes 3D. Je me suis Des voilages suspendus au plafond comme
meubles, mais essentiellement dans la cité nie, des polygones de papier coloré illumi­ alors intéressée aux possibilités des machi­ linge au soleil, une arche de cordes tressées
phocéenne et son arrière­pays. nés de LED, qui s’assemblent avec des nes à commande numérique par ordinateur au­dessus du lit, façon ombrelle, et un tapis
Ce coin de Méditerranée inspire ses col­ aimants, au gré des envies. Avec ces lumi­ dites “CNC” [computer numerical control] en plusieurs strates tels des ricochets…
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JEUDI 6 MAI 2021 styles | 27

Ci­contre contemporain, ce revêtement de sol à base


et de gauche d’huile de lin et de colles végétales, antisep­
à droite : tique et antibactérien, inventé vers les an­
l’écoucheur Fluffy nées 1860. Autre piste d’expérimentation :
Bench, de Pauline la pierre. Elle a été invitée par le fonds de
Esparon, dotation Verrecchia à explorer cette ma­
suspensions tière, au sein de leur carrière basée en Ile­
Papillon (édition de­France. Du haut de son 1,60 mètre, Pau­
Forestier), d’Elise line Esparon se dit prête à « s’en prendre au
Fouin, chaises monolithe, à la masse, à la lourdeur, à l’éter­
Swim, de Margaux nité aussi de la pierre ». Qu’en sortira­t­il ?
Keller. Personne ne sait encore. Mais la jeune créa­
trice a de l’esprit à revendre.
En bas et de gauche
à droite : Elise Fouin,
tabouret Daiku, de
Victoria Magniant, des trésors recyclés
Raku­Yaki, cabinet­ Elle remet en place ses Tumulys, exposés
bar, d’Emmanuelle sur la table de son studio parisien. Des
Simon. abat­jour et des monticules ultracolorés
STÉPHANE RUCHAUD, ELISE constitués de chutes de tapisserie enrou­
FOUIN, LAURE MELONE, ZYVA lées et tissées entre elles, dont la forme rap­
STUDIO, EMMANUELLE SIMON pelle les terrils du Nord. Les créations origi­
nales d’Elise Fouin, réalisées avec la manu­
facture textile Jules Pansu, auraient dû
briller tout l’hiver de leurs mille couleurs
au Studio du Fresnoy, à Tourcoing, pour
l’exposition « Passé, présent, mémoire in­
dustrielle » dans le cadre de Lille Design
2020. Hélas, le confinement a écourté l’évé­
nement.
Avec ce récent projet toutefois, Elise
Fouin baigne dans son élément : inventer
une forme, un objet inédit à partir, d’un sa­
voir­faire ancestral, en détournant la ma­
tière première promise au rebut, voilà ce
qui passionne cette designer de 41 ans. « Je
me plais à déambuler dans les ateliers, à sui­
vre les processus de fabrication. Je jette un
œil dans les bacs de récupération à côté des
machines, où je déniche alors des trésors »,
confie­t­elle. Elise Fouin s’attache à tra­
vailler avec ces ressources inexploitées
pour leur imaginer une seconde vie. C’est à
l’Ecole Boulle, dont elle sort diplômée en
orfèvrerie et en design de mobilier, qu’elle
a appris à penser autant qu’à faire. « Je viens
d’une famille très manuelle, où tout le
monde bricole, répare volontiers les machi­
nes. J’ai toujours eu besoin de ce rapport di­
rect à la matière », explique­t­elle.
Passée par le studio d’Andrée Putman,
puis par le département architecture des
Galeries Lafayette, elle se lance en solo en
2011, accueillie par les Ateliers de Paris, pé­
pinière de la Ville réservée aux métiers de
la création. Des créations­phares jalonnent
déjà son parcours comme son lustre aérien
Papillon, entré en 2019 dans la collection
permanente du Musée des arts décoratifs,
à Paris. Fabriqué à partir de carcasses
d’abat­jour, ce luminaire, réalisé en 2013
pour la maison Forestier, est la superposi­
tion de trois cages asymétriques en fil de
fer. L’effet graphique obtenu donne à la lu­
mière et à ses ombres une douce poésie,
avec cette installation dite « La Chambre nuelle Simon, qui dit avoir été « baignée, troduire cette fibre naturelle dans le quoti­ comme le battement d’ailes d’un papillon.
sur l’eau », qu’elle a construite de ses mains petite, dans les rouleaux de tissu » de l’entre­ dien des Français. Autre succès, la table basse Bouillotte pour
en quinze jours « et autant de nuits », Em­ prise de confection que tenaient ses pa­ « Ado, je triturais des tiges ramassées dans la Manufacture Drugeot, en 2015. « Je leur ai
manuelle Simon a remporté, en 2017, le rents. Elle n’a cessé, depuis, d’élargir le les champs, jusqu’à en faire des cheveux, de­ proposé de travailler sur une version con­
prix Design Parade de Toulon, décerné par champ de ses sensations, ressuscitant des puis, je me sens liée à cette culture euro­ temporaine de cette table de jeu sur laquelle
le public et la ville. La créatrice franco­israé­ savoir­faire anciens, comme le raku­yaki : péenne qui est produite à 80 % en Norman­ on jouait une sorte de poker très à la mode
lienne s’en souvient encore : « J’étais si tou­ « Une technique de céramique japonaise die, mais – du fait de la disparition des filatu­ au XVIIIe siècle, appelé le “jeu de la
chée que les gens aient ressenti l’émotion dont je suis tombée amoureuse, car l’irré­ res – est exportée en Chine pour y être pei­ bouillotte” », raconte Elise Fouin.
que je voulais transmettre, c’était une vraie gularité des craquelures obtenues en sor­ gnée, torsadée en fil et tissée, avant de nous Savoir­faire locaux, labels made in
récompense pour moi. » tant la pièce du four un peu tôt et en la rou­ revenir transformée. C’est anormal et même France, autant d’histoires qui parlent à
Nous voilà quatre ans plus tard, dans le lant dans la cendre, rend chaque pièce uni­ contradictoire que cette culture nécessitant cette designer française. Née dans une
showroom qu’elle a inauguré juste après, à que », explique­t­elle. peu d’eau et d’engrais – en un mot ver­ ferme près de Vesoul, elle s’est aussi pen­
proximité des Grands Boulevards, à Paris. Le premier meuble dans ce matériau, un tueuse – fasse des dizaines de milliers de ki­ chée sur les symboles de la Franche­Comté,
Diplômée de l’école Camondo en 2012, Em­ cabinet­bar de 2 mètres de haut couvert de lomètres autour de la Terre ! » sa terre d’origine. Les clochers francs­com­
manuelle Simon – qui a fait ses classes tuiles de raku, lui a valu d’être remarquée, Pour son diplôme de fin d’études, la jeune tois, en forme de bulbes garnis de tuiles
auprès du designer industriel Jean­Marie lors du salon Révélations, à Paris, en 2017.
« Souvent, femme a donc recherché de nouveaux dé­ vernissées de sa région, lui font de l’œil :
Massaud, puis de l’architecte d’intérieur Depuis, Emmanuelle Simon fabrique un en design bouchés au lin brut. « J’ai décidé de rembo­ elle créera une suspension intitulée sobre­
Pierre Yovanovitch – est déjà très sollicitée. buffet sur un socle de bois avec la même fa­ biner un peu le fil et de revenir à la fibre ment « Clocher », pour Granville Gallery.
Elle vient d’achever la décoration d’une çade de céramique unique.
d’objets, teillée. C’est­à­dire le cheveu pour dévelop­ Elle ira même jusqu’à s’amuser avec son
boulangerie germanopratine de l’enseigne Dans son showroom, elle nous montre on se contente per, à défaut d’usine, un débouché local qui propre patronyme pour produire la sus­
Liberté, après le spa de luxe Maison Evi­ une « matériauthèque », où chaque tiroir puisse exploiter les qualités méconnues de pension Meule… de foin, donc ! Un défi
dens de Beauté. est soigneusement étiqueté : « tressa­
de la face visible la matière. » La fibre est proche de la soie technique pour maîtriser ces herbes sè­
En tant que designer, la jeune femme de ges », « carrelage », « terrazzo »… Parmi des choses. par sa brillance naturelle, ce qu’a mis en va­ ches, matériau fragile et peu exploité en
32 ans, avec son équipe de huit personnes, eux, ce caillou rouge aux contours lissés, leur Pauline Esparon dans ses tapis sur me­ design, qui lui rappellent ses jeux d’enfant
est déjà à la tête d’une soixantaine de piè­ comme polis par les siècles. C’est une
Moi, j’ai ce côté sure, réalisés avec de grandes machines à en pleine nature.
ces mobilières, vendues sur son site Inter­ pierre rapportée du mont Sinaï. « Je l’ai ra­ photographe, coudre, dans une fabrique locale. Mais cette chercheuse toujours en veille
net et en galerie. « Mon univers, dit­elle, est massée dans ce désert magique où le pay­ Pour les poils les plus courts, appelés va aussi puiser l’inspiration plus loin. De­
le reflet de mes deux cultures, l’une tournée sage, les dunes, les couleurs, se déclinent du
je travaille sur « étoupe », elle a eu l’idée de collaborer avec puis 2017, Elise Fouin multiplie les collabo­
vers l’artisanat authentique, les matières et sable à l’ocre, de la terre brune au rouge ter­ la façon dont une tapissière locale, spécialisée dans la rations avec des maître artisans japonais.
les couleurs naturelles, l’autre vers une élé­ racotta dans un camaïeu extraordinaire. On garniture de matelas. D’où ces sofas ou ces D’abord avec Saika, un luminaire dont les
gance plus sophistiquée, des savoir­faire dirait que les montagnes ont été peintes à la
la lumière tombe poufs que Pauline Esparon a confectionnés tuiles de papier washi, cernées de tissu en
d’exception et un style français. » Voguant main », s’enthousiasme Emmanuelle Si­ sur une pièce » à 100 % en matières naturelles et qui pour­ dégradé et enfilées sur un bâton de hêtre,
de l’une à l’autre, Emmanuelle Simon des­ mon. De là est né ce drôle de lampadaire tant semblent être couverts de laine de respectent les codes des traditionnelles
VICTORIA MAGNIANT
sine, dans son carnet Moleskine, des collec­ avec un empilement de X surmonté d’une mouton. Ils ont été remarqués au salon estampes japonaises. Plus récemment,
tions aux noms de gourmandises. La série lampe, de quoi réaliser un seul luminaire Collectible 2020 de Bruxelles. elle a produit Mokuren, à Tokyo, une col­
Baba – en hommage au célèbre gâteau au ou un totem sculptural jusqu’à 1,70 mètre. Pauline Esparon s’est entichée aussi du lection de couteaux de table fabriqués
rhum – compte des chaises en bois au dos­ parchemin, à base de peau de mouton (par­ avec du bois de magnolia et de la corne de
sier troué, des coussins ronds évidés, des Pauline Esparon, fois de chèvre ou de veau), dont les savoir­ bœuf de Kobé. « J’ai été très impressionnée
tabourets percés et une table en pierre de faire sont, déplore­t­elle, en voie de dispari­ par le savoir­faire pointu de ces maîtres et
lave noire, traversée d’un pied en travertin. le lin sinon rien tion. « Il n’existe plus que deux artisans d’art, par le respect qu’ils ont de la vision d’un
La collection Split se décline en sofa et fau­ En Normandie, on ne produit pas que du ci­ en France, capables de le travailler, et ils sont créateur », dit Elise Fouin. Des objets déli­
teuil comme deux bananes superposées, dre, du calvados ou des fromages, il y a surtout spécialisés dans la restauration des cats réalisés sans beaucoup de mots
avec un pouf rond déjà iconique. aussi du lin. C’est bien ce que la designer reliures et du mobilier Art déco. » A partir de échangés, mais grâce à un langage univer­
Ce qu’ils ont en commun, outre leur sen­ Pauline Esparon, 27 ans, a l’intention de ce qui fut un support d’écriture traversant sel : le dessin. 
sualité gourmande ? Des lignes minimalis­ faire connaître. Mais c’est dans une an­ les millénaires et « transmettant des sa­ anne­lise carlo
tes et des matériaux qui donnent envie de cienne papeterie d’Eure­et­Loir, à un jet de voirs inestimables de génération en généra­ et véronique lorelle
toucher : ici du chêne brossé, là une arête pierre du village d’Anet, où elle a grandi, tion », elle crée des abat­jour, arc­boutés sur
adoucie, ailleurs de la loupe de bois lisse et qu’elle s’est installée en 2019, une fois son des arceaux métalliques. Prochain article Maud Vantours, Wendy
brillante… « Le côté tactile est important diplôme de la Design Academy d’Eindho­ La jeune designer travaille aussi à la réin­ Andreu, Claire Lavabre, Charlotte Juillard
pour moi », reconnaît la solaire Emma­ ven (Pays­Bas) en poche. Avec un pari : réin­ troduction du linoléum dans notre monde et Pauline Deltour.
IDÉES
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28 | JEUDI 6 MAI 2021

Monique Canto-Sperber
« Il ne peut y avoir
de liberté d’expression
quand il y a une parole
dominante »
ENTRETIEN On peut tout dire sauf ce qui

F
contraint l’autre au silence,
ace à la violence des réseaux so­
ciaux, faut­il repenser la liberté estime la philosophe, selon qui
d’expression ? C’est ce que propose
la philosophe Monique Canto­ mettre en avant l’importance de YANN LEGENDRE
Sperber, autrice de Sauver la liberté
d’expression (Albin Michel, 336 p.,
débattre peut être une solution
21,90 €) qui invite à en refonder les limites.
La liberté d’expression ne signifie pas
aux excès actuels
seulement le fait de pouvoir parler, affir­
me­t­elle, mais définit aussi la possibilité
que l’autre puisse répliquer. mépris ou de manque de considération à Si la thèse du boycott peut être discutée « offenses » qui déstabilisent mais n’empê­
l’égard de minorités. Face à cela, il est né­ dans le cadre d’un débat contradictoire, elle chent pas de répliquer.
Comment analysez­vous les menaces cessaire de rappeler que la langue est un ne saurait être lancée sous forme d’appel Dans ce contexte, la justice est un outil
qui pèsent aujourd’hui sur la liberté élément neutre, elle n’a pas à refléter les à la mobilisation, en tout cas pas au sein indispensable – surtout avec plus de
d’expression ? valeurs morales de telle ou telle associa­ d’une institution publique de recherche et moyens ! – mais elle ne peut pas suffire.
La liberté d’expression était autrefois tion militante, sans quoi elle ne permet de formation. Ce serait la prendre en otage, Dans le meilleur des cas, elle dédommage
menacée par le pouvoir d’Etat et les autori­ plus le débat, mais servirait à s’enfermer l’instrumentaliser pour une cause qui est, les personnes injuriées, mais elle ne re­
tés établies, en particulier religieuses. dans le cercle de ses certitudes. de plus, contraire à la loi. Le Conseil d’Etat donne pas la parole à celles qu’on a con­
Aujourd’hui, elle est prise en otage par Le plus grand bienfait de la liberté d’ex­ nous a donné raison, mais l’essentiel est traintes à se taire. D’autant que la sanction
deux mouvements opposés. D’un côté, on pression, c’est de permettre la diversité des que les deux parties, durant l’audience, et judiciaire arrive après un long délai, alors
assiste, au nom de la liberté, à l’expression opinions, à l’exclusion des opinions délic­ avant aussi lors de nombreuses discus­ que les pressions exercées par les réseaux
la plus extrême de la haine verbale, stimu­ tueuses. Qu’on ait des convictions et qu’on sions, aient pu exposer leurs arguments, sociaux réduisent au silence immédiate­
lée par l’extraordinaire diffusion des pro­ les défende ardemment, bien sûr, mais on ce qui n’est pas donné aujourd’hui aux ment. Autant d’indices montrant qu’il
pos que permettent les outils numériques. ne peut pas priver les autres de la possibi­ victimes de la « cancel culture ». C’étaient faut repenser la régulation de la liberté
De l’autre côté, on constate des phénomè­ lité de penser différemment. Ce n’est pas des décisions nécessaires, mais difficiles à d’expression.
nes de censure inspirés par des courants en faisant taire ses détracteurs que l’on prendre pour la libérale que je suis.
sociaux extrêmement forts qui veulent montre la force de ses convictions. Il faut Face à ces nouveaux défis, vous n’êtes
imposer leur conception de ce qu’on peut vouloir se confronter à une adversité pour Pourquoi dites­vous que les principes pas favorable à une intervention
dire et de ce qu’il faut taire. Les pressions défendre ses propres valeurs. qui fondent la liberté d’expression restrictive de l’Etat. Pourquoi ?
ne viennent plus tant d’autorités consti­ ne sont plus adaptés ? Nous sommes confrontés à un dilemme.
tuées identifiables que de groupes ou d’as­ En tant que directrice de l’Ecole nor­ Le philosophe anglais John Stuart Mill Si l’Etat multiplie les lois pour essayer de
sociations qui procèdent par intimidation, male supérieure (ENS), vous avez vous­ (1806­1873) a défini, au milieu du XIXe siè­ prévenir les usages délictueux de la parole,
souvent de manière préventive, ce qui les même lutté contre des manifestations cle, les règles de la liberté d’expression : on risque de se retrouver rapidement dans
rend difficiles à combattre. visant à interdire certains débats, mais lorsqu’il est libre, le débat contradictoire une société de censure. Imposer, par exem­
vous avez aussi interdit deux conféren­ peut conduire à une forme d’autorégula­ ple, aux plates­formes numériques des
N’est­ce pas le seul moyen pour ces. N’y a­t­il pas là une contradiction ? tion spontanée de la parole. Les contre­véri­ obligations de résultats dans la traque des
cette contestation de se faire entendre Dès 2005, j’ai été confrontée à des pres­ tés, les propos aberrants ou loufoques finis­ messages douteux peut conduire à la « sur­
alors que cette parole a été marginalisée sions et intimidations dirigées contre des
CE N’EST PAS sent toujours par être critiqués et neutrali­ censure ». A cet égard, la phrase de Tocque­
dans le débat public jusqu’à présent ? personnalités invitées. Et, en 2011, j’ai en ef­ EN FAISANT TAIRE sés. Mais, à cette époque, peu de personnes ville : « Je vous avais laissé traitant des abus
Dans les universités, et plus largement fet pris la décision d’interdire une confé­ avaient accès à la parole publique et toutes de la liberté et je vous retrouve sous les pieds
dans la société, émerge la revendication rence d’appel au boycott de l’Etat israélien, SES DÉTRACTEURS partageaient les mêmes codes de langage. d’un despote » semble prophétique. A l’in­
d’un langage qui traduirait les valeurs d’un puis la tenue d’une semaine de manifesta­ Entre radicaux et réactionnaires, le débat verse, si l’Etat ne fait rien, les volontés d’hé­
groupe de pression ou d’une culture, au tions intitulée « Apartheid Israël ». Dans les QUE L’ON MONTRE était possible. Ce n’est plus le cas gémonie des différents groupes de pres­
prix d’un contrôle sur l’usage de certains deux cas, j’ai considéré que ces manifesta­ LA FORCE DE SES aujourd’hui dans nos sociétés pluralistes et sion en conflit risquent de conduire au
termes. Des manières de parler peuvent tions relevaient plus de la propagande que fragmentées, car ce ne sont pas seulement chaos. La marge de manœuvre est limitée.
être soupçonnées d’être des marques de de l’appel au débat. CONVICTIONS des arguments qui s’affrontent mais aussi
des identités. La neutralité du langage Comment sortir de ce dilemme ?
comme médium, où les opinions opposées Une troisième voie consiste à mettre en

RÉTABLIR L’ÉQUILIBRE DU DÉBAT PUBLIC


peuvent s’affronter, est contestée. avant l’importance de débattre, car c’est là
Il n’y a pas non plus vraiment de débat qu’il est possible de discuter et de s’opposer
sur les réseaux sociaux. Le modèle écono­ à armes égales. La liberté d’expression ne
mique des plates­formes est lié à l’usage définit pas seulement le fait de pouvoir par­

C’ est à une stimulante


exploration du champ
de nos libertés que
se livre depuis près de vingt ans
la philosophe Monique Canto­
A partir de ce constat, Moni­
que Canto­Sperber puise dans
l’histoire des idées et montre
ce qui distingue la liberté de
conscience – née au XVIIe siècle
sant à empêcher certains dé­
bats, tandis qu’elle interdisait,
de l’autre, l’organisation d’évé­
nements relevant, selon elle,
de « propagande ».
d’algorithmes qui mettent en avant les
messages les plus partagés, souvent émo­
tionnellement très chargés, notamment
de colère. Cela produit une distorsion qui
rend la discussion impossible, les propos
ler, elle signifie aussi que celui auquel on
s’adresse garde la capacité de répondre,
alors que des usages de la parole privent
autrui de toute possibilité de répliquer. Res­
tituer cette dimension de débat peut être
Sperber. Dans Les Règles de la li­ des guerres de religion – de la li­ L’ouvrage ne manquera pas de qui rappellent les faits ou font appel à la une solution : des associations s’efforcent
berté (Plon, 2003), l’essayiste berté d’exprimer une opinion, faire réagir, notamment lors­ raison devenant vite inaudibles. de la rétablir sur le Web. Les acteurs privés,
réhabilitait un libéralisme de qui en découle au XVIIIe, mais qu’il défend l’idée d’une neutra­ que ce soient les utilisateurs des réseaux so­
gauche dont elle cherchait à dé­ ne peut être soumise au même lité du langage, garante hier Comment définir aujourd’hui ciaux ou les annonceurs, ont aussi un rôle
finir le cadre. Dans La Fin des cadre. Si la première relève de d’un espace commun de dialo­ les limites de cette liberté ? considérable à jouer. Ils doivent protester si
libertés (Robert Laffont, 2019), la conviction intime et ne souf­ gue, quand d’autres dénoncent, Dans la tradition libérale, toutes les opi­ leurs annonces sont associées à des messa­
elle s’alarmait de la tentation fre aucune borne, la seconde au contraire, le poids des mots nions sont permises sauf celles qui font ges conspirationnistes ou des fausses nou­
SAUVER LA LIBERTÉ  sécuritaire des Etats démocra­ nécessite d’être limitée lors­ dans l’histoire des domina­ « un tort objectif à autrui ». Mais ce principe velles, ils peuvent avoir un poids décisif.
D’EXPRESSION tiques. Son nouvel essai pro­ qu’elle nuit à autrui. Mais où tions. Si la justice doit rester n’est plus suffisant. Le mal que font les inju­
de Monique pose une réflexion inquiète et placer les limites ? l’ultime recours, la solution res raciales, par exemple, ne relève pas seu­ Ces initiatives peuvent­elles suffire ?
Canto-Sperber dense sur l’avenir de l’« un des n’est pas dans une surenchère lement du tort objectif à autrui, il peut être Une condition indispensable serait d’éta­
Albin Michel, droits les plus précieux de Neutralité du langage de lois, sauf à grignoter encore aussi une atteinte directe aux normes col­ blir une forme de concurrence entre les
336 pages, 21,90 euros l’homme », selon les mots de la La philosophe s’attache à les re­ le champ de nos libertés, assure lectives en contribuant à banaliser des pré­ propos, qui n’existe pas aujourd’hui. Il ne
Déclaration de 1789. définir à partir de la question l’essayiste qui s’inscrit pleine­ jugés racistes et même à changer le seuil de peut y avoir de liberté d’expression quand
Quelque chose ne va plus avec des « torts objectifs faits à ment dans la tradition libérale. ce qui est acceptable au sein d’une société. il y a une parole dominante. Les internau­
la liberté d’expression, prise autrui », dont la gravité dépend La principale issue, défend­ Il existe aussi des expressions qui, en tes qui ne se satisfont pas de la course à la
en tenaille entre deux mouve­ des circonstances. Dans ce con­ elle, passe par l’équilibre du jouant sur les stéréotypes, les allusions, viralité et de la violence qu’elle permet doi­
ments opposés, affirme la phi­ texte, la parole qui contraint au débat public, qu’il est urgent de les références, sont haineuses sans pou­ vent pouvoir accéder à d’autres types de ré­
losophe : d’un côté une parole silence est à distinguer, affirme­ rétablir, notamment par l’élabo­ voir être qualifiées d’« injures ». Il faut les seaux sociaux. La liberté d’expression est
sans limite, valorisée sur les ré­ t­elle, de celle qui offense mais ration de contre­discours ou la distinguer des propos transgressifs, qui le problème mais c’est aussi la solution, à
seaux sociaux par des algorith­ n’empêche pas de répliquer. mise à distance par l’humour. peuvent blesser, mais doivent être tolérés condition que le débat ne soit pas faussé.
mes en quête d’audience, de L’autrice nourrit son propos Reste à savoir si ces proposi­ comme éléments du débat car leur but La liberté peut provoquer des excès dans
l’autre une parole empêchée, de son expérience à la direction tions peuvent suffire à garantir n’est pas de réduire l’autre au silence. Toute les propos mais c’est aussi le seul moyen de
au nom de l’exigence de mino­ de l’Ecole normale supérieure, que toutes les voix soient pa­ la difficulté est de distinguer les « domma­ combattre ces mêmes excès. 
rités à ne pas être offensées lorsqu’elle luttait contre des reillement entendues.  ges et torts » – par exemple les menaces de propos recueillis par
dans leur identité. manifestations étudiantes vi­ c. le. mort ou les injures, surtout raciales – des claire legros
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Lucas Chancel et Dominique Méda


Il existe bien un socle commun susceptible de rassembler
la gauche écologique et sociale
L’économiste et la sociologue détaillent une série sance, aucun travail de la sorte n’avait ja­ renouveau démocratique, destinée à milliards renforceront notre capacité à
de propositions identifiées par les membres mais été effectué. Les débats ont été laisser davantage d’initiative citoyenne faire face aux prochaines crises.
nombreux et féconds. Si des divergences et parlementaire dans l’élaboration des Ces réformes seront financées et ac­
de l’initiative « 2022 ou jamais. Pour une primaire ont été identifiées, dix ensembles de pro­ lois. Enfin, toutes et tous soutiennent compagnées par un « big bang » fiscal,
populaire » et soutenues par les principaux positions­phares sont soutenus par tous. l’élargissement des prérogatives du notamment grâce à la restauration et à la
Si elles étaient toutes développées, ce se­ Défenseur des droits, le remplacement modernisation de l’impôt sur la fortune,
partis de gauche et écologistes rait un véritable tournant dans l’histoire de la police des polices [l’inspection géné­ et au rétablissement de la progressivité
politique de ce pays. rale de la police nationale] par une auto­ de l’impôt sur les revenus du capital et
Le premier paquet de mesures commu­ rité indépendante, mais aussi la revalori­ des entreprises. Ces mesures seraient

E
nes vise à renforcer la démocratie. Il sation du métier de policier et le renfor­ engagées par la France quelle que soit
st­il possible, aujourd’hui, de ras­ de temps a été investi dans les débats de s’agit notamment d’instaurer la propor­ cement de la formation de la profession l’issue des négociations avec nos parte­
sembler, dans un projet commun, fond, pour comprendre et penser les dé­ tionnelle aux législatives et de garantir la à la prévention des violences sexistes et naires européens.
les aspirations légitimes de la gé­ saccords sur l’Union européenne, sur mixité sociale de l’Assemblée nationale. sexuelles. Enfin, en matière d’écologie, toutes les
nération climat, des « gilets jau­ l’écologie ou sur les institutions – mais Ce paquet de mesures inclut également propositions de la convention citoyenne
nes », des mouvements féministes et aussi, et surtout, pour identifier les con­ le droit de vote à 16 ans et la limitation à Candidature unitaire pour le climat seront mises en œuvre, à
antiracistes, du personnel soignant, des vergences et les horizons communs à deux mandats politiques. Le second paquet de mesures vise à ga­ commencer par un grand plan de réno­
« premiers de corvée », ainsi que des toutes ces formes de militantisme. Un accord large est également obtenu rantir la justice sociale, en permettant vation thermique des bâtiments, porteur
sympathisants des partis politiques de sur le besoin de rééquilibrer les pouvoirs à chacun de couvrir ses besoins essen­ d’emplois non délocalisables. Une loi de
la gauche et de l’écologie ? Oui, c’est le Réforme des institutions du président et du Parlement pour aller tiels, notamment grâce à un revenu de transition agricole et paysanne permet­
pari de l’initiative « 2022 ou jamais. Pour Depuis près d’un an, la Rencontre des vers une VIe République. Les différents solidarité dès 18 ans, versé sous condi­ tra d’accompagner et de financer les agri­
une primaire populaire » (www.primai­ justices, regroupant des jeunes militants courants s’entendent pour convoquer, tion de ressources. La garantie d’un em­ culteurs vers des exploitations bio, d’or­
repopulaire.fr) qui vise à remettre la et militantes associatifs, des entrepre­ sur le modèle de la convention citoyenne ploi décent rémunéré à un juste salaire ganiser le plafonnement des marges de
question de la justice au cœur du débat neurs sociaux, des acteurs du monde pour le climat, une convention pour le pour chacun est également au cœur du la grande distribution et de garantir la
public. En dehors des sentiers battus, les social, a mis en œuvre une méthode dispositif de lutte contre le chômage. vente libre des semences paysannes.
luttes pour la justice se multiplient. C’est pour fédérer des populations qui se par­ La démocratisation du monde du tra­ Il existe bien un socle commun suscep­
en son nom que, partout, des popula­ laient trop peu. De ces rencontres ont vail constitue un autre volet essentiel de tible de rassembler l’ensemble de la gau­
tions éloignées du champ militant ou émergé de nombreuses propositions sur la république sociale proposée. Il s’agit che écologique et sociale. Sa mise en
politique se mobilisent. Après l’aggrava­ l’écologie, la réforme des institutions, les d’organiser la participation des tra­ place permettrait de remplir une manda­
tion des inégalités provoquée par la ré­ questions économiques et sociales, tou­ vailleuses et des travaillleurs aux déci­ ture riche en avancées pour la justice so­
forme de l’impôt de solidarité sur la for­ tes issues de ces mouvements associatifs LA GARANTIE sions stratégiques des organisations ciale. Elle requiert désormais une candi­
tune, celles de la loi travail, des retraites qui, depuis nos banlieues, centres­villes auxquelles ils appartiennent, en renfor­ dature unitaire pour porter ce projet. 
et de l’assurance­chômage, après les vio­ ou villages, témoignent de la force du dé­ D’UN EMPLOI DÉCENT çant considérablement la présence des
lences policières et les reculs sur la loi sir d’engagement dans notre pays. représentants des salariés au conseil
Climat et résilience, la coupe des injusti­ Depuis deux mois, les animateurs de la
RÉMUNÉRÉ À d’administration et en dotant le comité
ces est pleine. Rencontre des justices discutent de ces UN JUSTE SALAIRE social et économique de droits nou­
Pourtant, le camp humaniste, écolo­ propositions avec les référents des partis veaux, y compris de veto.
giste et social semble prêt, à un an de politiques de l’arc humaniste et écolo­ POUR CHACUN Notre pays a besoin d’un investisse­
l’élection présidentielle, à se condamner giste (à commencer par les écologistes, ment massif dans son infrastructure so­ Lucas Chancel, économiste,
au rôle de spectateur. Mais il n’y a là les « insoumis » et les socialistes), pour EST AU CŒUR DU ciale : notre système de santé est as­ et Dominique Méda, sociologue,
aucune fatalité. Les tentatives de primai­ identifier un socle commun de proposi­ DISPOSITIF DE LUTTE phyxié, notre recherche est affaiblie, sont parrain et marraine de l’initiative
res communes avant la présidentielle tions pouvant être mises en œuvre pen­ notre système éducatif plombé par les « 2022 ou jamais. Pour une primaire
ont été un échec. Pourquoi ? Car trop peu dant une mandature. A notre connais­ CONTRE LE CHÔMAGE inégalités, comme nos territoires. Ces populaire »

Jean-Michel Belorgey Trente ans après le début du drame


rwandais, un examen de conscience s’impose
Le rapport Duclert soulève de façon « exemplaire » la question des responsabilités et des dérives
institutionnelles de la France lors du génocide des Tutsi, affirme l’ancien député PS

L
e rapport au président de la des Tutsi aux opposants au ré­ Je suis donc particulièrement gées incompatibles avec des utile de la connaissance. Car que celle à laquelle ont succombé les
République de la commis­ gime, exécutions sommaires per­ sensible à la façon dont le convictions préétablies. penser et dire du comportement autorités françaises.
sion de recherche sur les ar­ pétrées notamment par des élé­ rapport de la commission de Pour le Rwanda, ces convictions de la France (mais qu’est­ce que la Trente ans après le début du
chives françaises relatives ments des forces armées, exode recherche s’emploie à repérer étaient sans nuance : affronte­ France ?, interroge d’emblée le drame rwandais, un examen de
au Rwanda et au génocide des massif des Tutsi vers les pays limi­ les travers susceptibles d’expli­ ments ethniques, progrès de la rapport remis au président de la conscience, celui auquel invite et
Tutsi est désormais accessible trophes. A quoi j’ajoutais qu’il quer les dérives d’une politique démocratisation, menaces de République), sans procéder tout introduit le rapport Duclert, s’im­
dans son intégralité. La troisième fallait, à mon sens, prendre garde étrangère, en l’espèce celle de la coup d’Etat du FPR. Cela finissant d’abord à une analyse méticu­ pose. Pour que, du génocide, car
partie de ce document consacre à ce que l’envoi de forces françai­ France au Rwanda, mais cela par déboucher sur un véritable leuse du déroulement des étapes on ne peut plus s’abstenir de pro­
une section aux démarches répé­ ses au Rwanda n’apparaisse pas pourrait valoir pour d’autres, dévoiement des diagnostics, li­ successives du drame rwandais ? noncer le mot, il soit fait une
tées des parlementaires pour aler­ comme une caution morale du ré­ ainsi que dans d’autres champs vrés par des acteurs ayant re­ C’est à quoi s’est essayé le rapport exacte mémoire d’abord, des
ter l’exécutif sur ce qu’ils compre­ gime du président Habyarimana. de l’action publique : manque de noncé à en fournir d’autres que en dépit des angles morts subsis­ leçons soient tirées ensuite.
naient de la situation rwandaise. connaissances fiables, de « vrais ceux qu’ils savaient attendus par tant (malgré les termes de la let­ Comme il convient à la France,
Il y est question de la correspon­ Repérer les travers savoirs », absence de curiosité leurs destinataires. Et se combi­ tre de mission du président) dans patrie de Jaurès qui, à la fin de
dance que j’avais adressée au mi­ Il m’a en substance été répondu sincère pour en réunir, refus de nant avec des ambitions stratégi­ les archives auxquelles ont pu ac­ l’avant­dernier siècle, devant le
nistre des affaires étrangères en que la France n’avait pas ménagé tenir compte d’informations ques déraisonnables sous le cou­ céder ses auteurs. silence observé par la France
novembre 1991, et de la réponse ses efforts pour inciter les autori­ – d’où qu’elles proviennent – ju­ vert de la défense de l’influence face au massacre des Arméniens
que j’ai reçue en février 1992. tés rwandaises à poursuivre dans française contre de supposées Tirer les leçons du génocide de l’Empire ottoman, déclarait :
Je n’étais pas alors, et ne suis la voie de l’ouverture démocrati­ menées américaines. Mais ce que le rapport fait sur­ « Le premier devoir des représen­
toujours pas, un spécialiste de la que, qu’elle avait été entendue, et Alors que la crise rwandaise ne tout, ce en quoi il est à mes yeux tants du pays sera de ne pas lais­
question rwandaise. Mais j’ai tou­ que des observateurs avaient au faisait que s’amplifier, il m’a fallu exemplaire, c’est soulever la ques­ ser se perdre ou s’amoindrir cette
jours tenu qu’un parlementaire reste pu assister aux procès des me pencher à nouveau sur le dos­ tion des responsabilités – tant in­ puissance de la démocratie fran­
devait jouer un rôle de relais personnes soupçonnées de collu­ sier rwandais quand, comme pré­ tellectuelles qu’éthiques et mé­ çaise… Le Parti socialiste n’y man­
auprès des autorités pour que cel­ sion avec le Front patriotique L’ESQUIVE ET sident de section à la Cour du thodologiques – des différentes quera pas. » C’était en novem­
les­ci entendent les préoccupa­ rwandais [FPR], mouvement droit d’asile, j’ai eu à statuer sur catégories de décideurs, et la ques­ bre 1896. Ce qui valait alors vaut
tions qui lui ont été confiées. d’opposition armé. L’EUPHÉMISME des requêtes émanant de deman­ tion des dérives institutionnelles encore aujourd’hui. 
Saisi par plusieurs organisations L’esquive et l’euphémisme sont deurs d’asile rwandais, exercice excédant notablement celles que
de la société civile, en qualité de des procédés dont les pouvoirs SONT DES infiniment délicat du fait des l’habitude du secret cultivée par
président de l’intergroupe des font couramment usage pour ne PROCÉDÉS DONT clauses d’exclusion prévues par les chancelleries a, en de multi­
parlementaires membres de la Li­ pas répondre sur le fond aux la convention de Genève à l’en­ ples circonstances, engendrées.
gue des droits de l’homme, il m’a questions qu’on leur pose, s’agis­ LES POUVOIRS contre d’ex­persécuteurs, puis de A d’autres protagonistes du
paru nécessaire, après avoir pro­ sant particulièrement des rela­ la survenance de décisions sou­ drame rwandais, on peut sans Jean-Michel Belorgey,
cédé à des investigations complé­ tions internationales. Les ques­ FONT USAGE POUR vent difficiles à interpréter sur doute reprocher des dérives pa­ ex-député socialiste de l’Allier,
mentaires, de faire valoir qu’on as­ tionnements que j’ai, au fil des le terrain de l’asile du Tribunal rentes. Mais ces dernières sont président de la commission
sistait au Rwanda à une évolution années, portés vers les mêmes
NE PAS RÉPONDRE pénal international. probablement davantage impu­ des affaires culturelles,
porteuse de graves dangers : offi­ interlocuteurs sur le Tibet, le Sri SUR LE FOND S’est alors imposée à moi l’évi­ tables à leur insuffisante implica­ familiales et sociales
cialisation des divisions ethni­ Lanka, le Cambodge n’ont pas été dence qu’il fallait relever le défi tion qu’à une forme à la fois obs­ de l’Assemblée de 1988 à 1993,
ques, assimilation de l’ensemble plus fructueux. AUX QUESTIONS qui ne l’avait pas été en temps tinée et ambiguë d’implication : est conseiller d’Etat honoraire
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30 | idées JEUDI 6 MAI 2021

GUERRE CULTURELLE
« Même à leurs moments d’influence électo­ que l’on parle de morale, de valeurs, on puise
rale maximale – les présidences de Ronald Rea­ dans des forces de conviction, d’engagement,
gan, George W. Bush et Donald Trump –, les de violence possible beaucoup plus intimes »,
conservateurs se lamentent souvent d’avoir ga­ analyse Yves Citton.
gné la bataille politique mais perdu la culture. C’est ce que décrit le politiste américain Ezra
Ils ont raison », écrit Ronald Brownstein dans Klein comme les « identités empilées » : « Si un
Rock Me On The Water (HarperCollins, 2021, groupe est d’accord sur l’anti­politiquement
non traduit), un livre sur l’année – 1974 – où correct, l’identité se durcit autour de cette con­
les libéraux auraient définitivement établi viction et on voyage ensemble vers d’autres
Théorisée en 1991 par un sociologue américain, l’expression est passée dans leur contrôle de la culture populaire. croyances », explique Mathieu Lefèvre, cofon­
le langage courant, décrivant un débat public polarisé autour de questions dateur du think tank More in Common, qui
« Phénomène de fond » voit la guerre culturelle, fonctionnant sur le
morales et une stratégie de conquête d’une hégémonie culturelle « Les guerres culturelles sont une stratégie des principe du tiers exclu, créer des « faux binai­
conservateurs, en réaction au combat pour les res » aux effets délétères.
droits civiques et les minorités, en partie ga­ Le format de débat public, tel que décrit par
HISTOIRE D’UNE NOTION talement opposées de la signification de l’Amé­
rique : ce qu’elle a été, ce qu’elle est et ce qu’elle
gnées », explique l’historien des idées François
Cusset. Ils s’emparent de faits divers comme
Hunter, s’applique au climat politique am­
biant : hostile, polarisé entre camps persua­

L’
Amérique est en pleine guerre cultu­ devrait être », chaque camp se voyant comme celui de la « Welfare Queen », une Afro­Améri­ dés d’incarner la vraie France au nom des mê­
relle. (…) La fin à laquelle tendent ces l’incarnation légitime des valeurs nationales. caine fraudeuse aux aides sociales qui roulait mes valeurs (laïcité, universalisme, égalité) et
hostilités est la domination d’un L’expression a retrouvé une seconde jeu­ en Cadillac, qui deviendra l’incarnation de brandissant la « menace totalitaire » (Hunter)
ethos culturel et moral sur l’autre. » nesse sous la présidence de Trump, qui, après « l’assistanat », l’histoire de tel artiste brûlant qu’incarnerait l’autre. « C’est un phénomène
En 1991, James Davison Hunter, sociologue l’ère pacifiée – au moins en apparence – de Ba­ un drapeau américain dans une installation de fond de la politique occidentale, qui se dé­
américain, expose dans son livre Culture rack Obama, a rouvert des batailles sanglan­ « LES GUERRES  qui occasionnera un débat national, ou la cen­ place sur ces terrains­là, qui se droitise », note
Wars. The Struggle to Define America tes autour de nouveaux fronts – #metoo, les CULTURELLES SONT  sure de paroles de morceaux de rap, « autant François Cusset.
(Basic Books, non traduit) une théorie politi­ droits des personnes transgenres, le mouve­ de sujets, qui sont en deçà de ce que l’on identi­ En 1991, Hunter disait déjà que la guerre cul­
que dont le nom emprunte au Kulturkampf ment Black Lives Matter, l’avortement tou­ UNE STRATÉGIE DES  fie comme politique, dont va se servir Reagan turelle était attisée par « la technologie » : le
de Bismarck – sa politique destinée à rompre jours – polarisant le pays. Dans la lignée des pour défendre la patrie, les family values, etc. », publipostage et les clips télévisés, qui exci­
les liens entre Rome et l’Eglise catholique d’Al­ penseurs de la nouvelle droite française, qu’il CONSERVATEURS,  note le philosophe Yves Citton. taient l’émotivité et empêchaient d’entendre
lemagne et à placer celle­ci, perçue comme admire, Steve Bannon, le conseiller de Trump, En formant ainsi un « bloc historique grams­ les « voix nuancées ». Les réseaux sociaux ont
une menace à l’unité nationale, sous la tutelle se réclamait d’un « gramscisme d’extrême
EN RÉACTION AU  cien », Reagan a pu faire la jonction entre les fait entrer les « culture wars » dans leur âge in­
de l’Etat. La guerre culturelle oppose, selon droite ». Dans les années 1920, Antonio COMBAT POUR LES  partisans du marché et les traditionalistes an­ dustriel. « Le monde est pris au piège de la
Hunter, deux groupes transcendant les affilia­ Gramsci, philosophe communiste italien, timodernes. « Les polémiques sur la political guerre culturelle américaine », titrait The At­
tions religieuses, « orthodoxes » et « progres­ théorisa l’hégémonie culturelle, l’idée que le DROITS CIVIQUES  correctness prennent la place de débats autre­ lantic, en 2020. « L’Amérique a gagné l’Internet
sistes », qui se déchirent sur les polémiques de pouvoir politique s’adosse au pouvoir cultu­ ment plus cruciaux, concernant notamment et nous oblige maintenant à parler sa langue. »
l’époque – l’avortement, l’union des homo­ rel. « Politics is dowstream from culture », « le ET LES MINORITÉS » l’écart grandissant entre riches et pauvres », Une guerre dont les perdants ne seront pas
sexuels, la distribution de préservatifs dans politique découle de la culture », est le mot FRANÇOIS CUSSET écrit Pierre Guerlain, professeur émérite de ci­ l’un ou l’autre camp, mais « le milieu éclipsé »,
les écoles, etc. Loin de constituer des « éclairs d’ordre très gramsciste de Breitbart News, le historien des idées vilisation américaine, dans un article de la Re­ disait Hunter, captif de ces batailles qui ne
de folie » venus « des marges politisées », ces site « d’information » en guerre contre le vue française d’études américaines en 1998, sont pas nécessairement les siennes. 
batailles révéleraient « des visions fondamen­ « marxisme culturel » des libéraux. paraissant décrire la situation actuelle. « Lors­ valentine faure

CHRONIQUE  | PAR PAUL SEABRIGHT AUTOPSIE D’UNE ARNAQUE


Les politiques LIVRE de Life for Paris, une association
de victimes des attaques du
d’éprouver les effets enivrants de
ces jeux d’ombres, parfois même

et l’éclairage scientifique D e Paris à Nice, certains


des attentats commis en
France ces six dernières
13 novembre 2015 contre cette
salle de concert, les terrasses de
plusieurs cafés, et le Stade de
de ressentir le vertige de « Flo­
rence », prisonnière de ses pro­
pres affabulations mais toujours
années ont été l’occasion d’arna­ France, à Saint­Denis. décidée à faire front.
ques plus ou moins retentissan­ Le résultat est un livre étonnant,

P our un chroniqueur dont le


travail consiste à apporter à
ses lecteurs quelques fruits de
la recherche scientifique, il serait fa­
cile de se laisser décourager par l’hos­
toire lors de deux congrès d’élus. Il
leur a été demandé combien ils se­
raient prêts à payer pour apprendre
les résultats de différentes études
sur l’efficacité de divers programmes
tes. Plusieurs fausses victimes ont
cherché à connaître leur « quart
d’heure de célébrité » ou à rafler
des indemnités, souvent les deux
à la fois. Pour y parvenir, il leur a
Le vertige de « Florence »
La stratégie de celle que l’auteur
désigne comme « Florence » re­
posait sur une myriade de men­
songes. Des années durant, elle a
au plus près du mensonge et de
la trahison. Les fils narratifs sont
si bien tissés que l’on a parfois le
sentiment de suivre une de ces
séries TV où le passé vient nourrir
tilité envers la science exprimée par d’amélioration des capacités cogni­ LA MYTHOMANE  fallu jouer la comédie, s’inventer orchestré leur ballet avec une le présent et donner crédibilité au
de nombreux représentants politi­ tives d’enfants en bas âge. En DU BATACLAN cauchemars et insomnies. Dans telle maestria que la justice elle­ monde de « Florence ». Un monde
ques – que ce soit le faible poids de moyenne, les participants ont mon­ d’Alexandre l’émotion du moment, nul ne même n’est sans doute pas parve­ où s’activent de singuliers per­
l’expertise dans la gestion de la pan­ tré un consentement à payer 36 dol­ Kauffmann, s’est trop méfié, tant l’heure était nue à dénouer tous ses secrets. sonnages, plus ou moins fictifs :
démie, ou encore l’actuel ministre lars pour de telles informations, avec éditions Goutte d’or, à la compassion. Et puis, com­ Kauffmann, lui, a réussi. Son en­ un ami blessé au Bataclan, des
d’Etat britannique Michael Gove af­ un seuil plus élevé pour les études à 326 pages, 18 euros ment croire que l’on puisse tenter quête, enrichie par une multitude musiciens de hard­rock, un
firmant, lors du référendum sur le plus grand échantillon (et donc à plus de tirer profit de tels drames ? Au d’échanges sur les réseaux so­ « fiancé » établi en Californie…
Brexit, que « le peuple en a marre des grande fiabilité scientifique). fil du temps, certains masques ciaux, est un long voyage vers les Plus le lecteur prend conscience
experts ». La tendance des réseaux so­ sont tout de même tombés, des origines : le passé de « Florence », du dispositif mis en place par
ciaux à réduire les débats politiques Résultats encourageants escrocs ont été condamnés. ses vies successives, d’échecs en « Florence », plus il souffre pour
à des conflits tribaux renforcerait le Dans la deuxième expérience, De tout cela, les médias ont frustrations, et la façon dont cette ceux qui croient en elle, les autres
mépris des élites, qui serait à l’origine 1 818 maires de municipalités de villes rendu compte, mais personne ne récidiviste s’en est inspirée pour membres de l’association, soit en­
de la résurgence populiste. On pour­ de 5 000 à 100 000 habitants (soit l’a fait de façon aussi pointue élaborer son scénario. viron 650 vraies victimes totale­
rait même parler d’une guerre civile 45 % des municipalités de cette taille qu’Alexandre Kauffmann. Dans Le journaliste nous entraîne ment sincères dans leur engage­
au sein des élites, où certains déci­ au Brésil) ont participé à une séance La Mythomane du Bataclan, ce ainsi dans un récit où le vrai et le ment. Eux n’oublieront jamais la
deurs politiques et économiques mé­ d’information qui concernait des étu­ journaliste indépendant, collabo­ faux se livrent à une valse trou­ blessure de la tromperie, encore
priseraient des élites plus académi­ des scientifiques se penchant sur l’ef­ rateur du Monde, plonge au cœur blante. Et, s’il arrive que le lecteur moins la vérité des bilans : ce
ques. C’est en tout cas la thèse très ficacité des lettres de rappel aux con­ de l’une de ces arnaques : celle en soit par instants étourdi, c’est à soir­là, les attentats avaient fait
remarquée d’une tribune publiée tribuables sur leur degré de confor­ imaginée par une quadragénaire dessein : ces moments d’incerti­ 130 morts, et 350 blessés. 
le 28 avril dans Le Monde, intitulée mité fiscale. Quelque 32 % des munici­ devenue l’une des responsables tude et de doute lui permettent philippe broussard
« L’inculture scientifique des élites palités utilisaient déjà ce genre d’outil
françaises a des effets profonds sur administratif. Mais, selon une en­
la conduite des affaires de l’Etat ». quête menée entre quinze et vingt­
Pourtant, le devoir de la science est quatre mois après la séance, le taux
d’apporter son éclairage même lors­
qu’il ne conforte pas les idées reçues
d’utilisation parmi les participants
est monté de presque un tiers, à savoir
Optimisme printanier | par serguei
des politiques… ou des scientifiques. 10 points de pourcentage. Les maires
Une étude sur les maires de 2 150 mu­ en question ont donc bien intégré
nicipalités brésiliennes pourrait sur­ les connaissances acquises lors de ces
prendre les plus pessimistes : elle ma­ séances d’information scientifique
nifeste en effet une demande de con­ dans la gestion de leurs municipalités.
naissances scientifiques et une vo­ Que peut­on conclure ? Les partici­
lonté d’adapter les choix politiques pants à cette étude sont de vrais ac­
aux résultats de la recherche (« How teurs politiques d’un grand pays – où
Research Affects Policy : Experimen­ l’utilisation ou non d’études scientifi­
tal Evidence from 2 150 Brazilian Mu­ ques est d’ailleurs devenue un sujet
nicipalities », Jonas Hort et al, Ameri­ très controversé à l’occasion de la
can Economic Review n° 111/5, 2021). crise sanitaire. Si l’ouverture aux con­
L’étude a un contexte limité mais naissances scientifiques de ces ac­
néanmoins instructif. Les chercheurs teurs dans le cadre de l’expérience est
ont mené deux expérimentations. un indice de leur ouverture plus géné­
Dans la première, 764 personnes rale, ces résultats sont encourageants.
(principalement des maires) ont par­ En revanche, l’étude concerne des
ticipé à une expérience en labora­ questions peu controversées : com­
ment augmenter les revenus fiscaux,
comment aider la scolarisation des
enfants. Dès qu’il s’agit de questions
plus difficiles – comment gérer une
UNE ÉTUDE MENÉE AU BRÉSIL  pandémie, par exemple –, la perti­
MANIFESTE UNE DEMANDE  nence de ces résultats pourrait être
moins sûre. Que faire quand les avis
DE CONNAISSANCES  des experts confortent certains pro­
pos politiques, mais sont incompati­
SCIENTIFIQUES ET UNE  bles avec d’autres ? Eh bien, faire en­
core des études… 
VOLONTÉ D’ADAPTER 
LES CHOIX POLITIQUES AUX  Paul Seabright est professeur
d’économie à l’Institut d’études
RÉSULTATS DE LA RECHERCHE avancées de Toulouse
0123
JEUDI 6 MAI 2021 0123 | 31

GÉOPOLITIQUE | CHRONIQUE FACE AU RN, 


par sylv i e kauf fmann
UN « COUP  La tempête soulevée par l’annonce de cela le meilleur terrain de jeu. Les divisions
Jean Castex montre cependant que les es­ entre les LR modérés proches du gouverne­
POLITIQUE » 
Divorce NE PEUT SUFFIRE
prits étaient loin d’être mûrs. Les pro­Ma­
cron, incarnés par Christian Estrosi, le
maire de Nice, et Hubert Falco, l’édile de
ment et l’aile radicale de plus en plus impré­
gnée par les thématiques lepénistes, sécuri­
taires et anti­immigration y sont flagrantes.
à l’américaine Toulon, ont aussitôt approuvé l’accord, tan­
dis que les anti­Macron, menés par Eric
Ciotti, député des Alpes­Maritimes et pré­
Il suffit de peu pour provoquer une cas­
sure irrémédiable entre les deux ailes
et laisser l’électorat se disperser d’un côté
sident de la commission nationale d’inves­ ou de l’autre. Si au bout du compte la ré­
titure LR pour ces régionales, ont dénoncé gion est sauvée grâce à l’accord proposé

V L’ANNONCE DE LA 
oilà un divorce qui « un coup de poignard dans le dos ». Pour par Jean Castex, la majorité présidentielle
n’alimentera pas la prévenir une nouvelle implosion, la direc­ pourra se targuer d’être toujours le meil­
chronique people. A la SÉPARATION DE BILL ET  tion de LR, après des débats tendus, a fina­ leur rempart anti­RN.
rigueur, la chronique lement décidé de maintenir son soutien au Ce « coup politique » joué au moment où
finance, mais c’est, en réalité, MELINDA GATES A FAIT  président sortant, moyennant la promesse la joute électorale reprend ses droits appa­
dans la chronique géopolitique
qu’il trouve sa place : l’annonce,
lundi 3 mai, de la séparation de
Bill et Melinda Gates, après vingt­
sept ans de mariage, a fait l’effet
L’EFFET D’UN SÉISME 
DANS LE MONDE 
DE LA PHILANTHROPIE
L a lutte contre le Rassemblement
national a donné naissance, cette se­
maine, à une initiative inédite : le
premier ministre, Jean Castex, a annoncé,
dimanche 2 mai, le retrait de la liste LRM
par Renaud Muselier de ne prendre sur sa
liste ni parlementaire de la majorité ni
membre du gouvernement.
L’onde de choc ne s’est cependant pas ar­
rêtée là. Dans deux autres régions­clés, les
raît cependant hasardeux. A ce stade, per­
sonne ne peut dire si la liste Muselier, aux
débuts très poussifs, scellera une véritable
union. Le combat anti­Le Pen, qui devrait
supplanter tous les autres, reste pour le
d’un séisme dans le monde de la dès le premier tour des élections régionales Hauts­de­France et l’Ile­de­France, Xavier moment phagocyté par l’impitoyable riva­
philanthropie, même si tous en Provence­Alpes­Côte d’Azur, au profit du Bertrand et Valérie Pécresse, qui défendent lité entre ses opposants. La présidente du
deux assurent vouloir continuer développeuse de nouveaux mé­ président LR sortant de la région, Renaud les couleurs de la droite et lorgnent la prési­ RN en profite pour accentuer la pression
à travailler ensemble au sein de la dias. Elle a raconté comment, lors­ Muselier. Trois jours plus tôt, ce dernier dentielle, ont juré qu’ils se passeraient du sur les électeurs de droite révulsés par un
fondation qu’ils ont créée il y a que Bill lui a proposé de l’épouser, avait tendu la main à la majorité présiden­ soutien du parti présidentiel au premier rapprochement avec le chef de l’Etat qu’elle
un peu plus de vingt ans. elle avait découvert qu’il avait fait tielle en estimant que « le bon sens » vou­ comme au deuxième tour, même si la me­ combat. Elle le fait au moment où per­
La Fondation Bill & Melinda Ga­ sur un tableau, dans sa chambre, drait que celle­ci lui apporte son soutien. nace du RN était forte. sonne ne juge utile de disséquer son pro­
tes, qui a pour mission de « lutter une colonne de « plus » et une de « Le bon sens », en l’occurrence, reposait sur La virulence des réactions de LR s’explique gramme ni de pointer ses multiples contra­
contre la pauvreté, la maladie et « moins ». Elle a quitté l’entreprise le constat que le RN, conduit par Thierry par l’attitude des macronistes qui n’ont dictions. Elle a endossé la dédiabolisation,
l’inégalité à travers le monde », est en 1996, deux ans après leur ma­ Mariani, un transfuge de LR, avait une nullement dissimulé leurs visées. Ils veu­ mais répondu positivement à la pétition de
tout simplement l’organisation riage, au moment de la naissance chance de remporter la région en juin pro­ lent accélérer la recomposition politique militaires factieux qui prétendent réagir au
philanthropique privée la plus de leur premier enfant ; quatre chain ; face à cette menace, mieux valait inachevée de 2017 en portant l’estocade à la « délitement » du pays, parue le 21 avril sur
importante du globe. Dotée d’un ans plus tard, ils ont créé la fonda­ faire alliance dès le premier tour entre can­ droite, qui n’a pas renoncé à présenter un le site de Valeurs actuelles. ll est plus que
fonds de quelque 50 milliards de tion, qu’ils ont financée avec un didats de bonne compagnie. candidat à la présidentielle. PACA était pour temps de lui demander des comptes. 
dollars (environ 41,60 milliards autre milliardaire, Warren Buffett.
d’euros), elle est le deuxième con­ Bill et Melinda Gates ont chacun
tributeur au budget de l’Organisa­ écrit un livre récemment. Celui de
tion mondiale de la santé (OMS). Melinda – son premier – Prendre
En ces temps de pandémie, elle son envol (Michel Lafon, 2019), est
est un maillon crucial des pro­ un plaidoyer pour la responsabili­
grammes de sortie de crise à sation des femmes dans les socié­
l’échelle mondiale. Cela fait plu­ tés en développement ; on devine
sieurs années que Bill Gates, co­ que c’est aussi de son parcours
fondateur de Microsoft et pas­ qu’il s’agit. Elle y évoque les mo­
sionné de science, lance des mi­ ments où elle a dû se battre pour
ses en garde contre le risque pan­ plus d’égalité dans son couple,
démique. Sa fondation jouit mais aussi au sein de la fondation :
d’une grande expérience dans la obtenir de Bill le droit de corédiger
vaccination, en particulier en la lettre annuelle de mission lui a HORS-SÉRIE
Afrique ; elle a beaucoup investi pris deux ans. A 56 ans, elle se défi­
dans la stratégie vaccinale et dans nit comme une « ardente fémi­
la création de Covax, le méca­ niste » ; en 2015, elle a créé un fonds
nisme international qui prévoit la d’investissement pour les fem­
distribution de vaccins anti­Co­ mes, Pivotal Ventures.
vid­19 dans 92 pays pauvres. Le livre de Bill paru en février
« Sa » fondation ? C’est là que 2021, Climat : comment éviter un
l’affaire se complique. S’il s’agis­ désastre (Flammarion), est d’une
sait de la fondation Bill Gates, la tout autre nature. Rien de person­
nouvelle du divorce de ce multi­ nel, tout est dans le titre. Son envol
milliardaire de 65 ans, quatrième à lui, depuis le jour où il a laissé
fortune mondiale, n’aurait qu’un tomber Harvard, à 19 ans, pour
intérêt secondaire. Mais la fonda­ créer Microsoft, n’a pas été un pro­
tion s’appelle « Bill & Melinda Ga­ blème. Intarissable sur tout ce qui
tes » ; les deux époux en sont les touche à l’état de la planète et

NAPOLÉON
coprésidents. Lorsque François l’avenir de l’humanité, il est dis­
Hollande leur remet les insignes cret sur le reste.
de commandeur de la Légion D’après la demande de divorce
d’honneur à l’Elysée en 2017, il y a déposée à Seattle, le couple a
bien deux médailles. Le commu­ conclu un « accord de séparation »
niqué annonçant leur divorce, qui couvre sans doute la réparti­
une décision « mûrement réflé­ tion de leur patrimoine. Sauront­
chie », a été mis sur leurs comptes ils s’entendre ensuite ? La compa­
Twitter respectifs à la même raison a aussitôt été faite avec un
heure. Il est signé « Melinda Gates autre divorce, plus mouvementé,
and Bill Gates » – pas « Bill & Me­ prononcé aussi à Seattle il y a deux
linda Gates » ni « Melinda French ans, celui du patron d’Amazon, Jeff
Gates and Bill Gates », d’après son Bezos, l’homme le plus riche au
nom de jeune fille, qu’elle a ajouté monde, et de sa femme, MacKen­
à Gates depuis quelques années. zie Scott. Celle­ci s’est alors retrou­
Chaque mot compte. vée à la tête d’une fortune, qu’elle a
en grande partie donnée à diver­
Préserver la fondation ses œuvres caritatives.
Le texte est bref, concis, et rap­ Très différents, ces deux divor­
pelle aussitôt l’œuvre commune ces mettent en lumière le poids
que le couple juge la plus impor­ du facteur humain dans des en­
tante, après ses trois enfants treprises ou des organisations de­
aujourd’hui âgés de 18 ans à venues toutes­puissantes sous
25 ans : la fondation. « Nous parta­ l’influence de simples individus,
geons toujours notre foi dans cette et le risque que ce poids com­
mission et nous poursuivrons no­ porte. L’interrogation n’a cessé de
tre travail commun à la fondation, planer au­dessus de la fondation
mais nous ne croyons plus pouvoir Gates depuis des années, au point
progresser ensemble en tant que de nourrir d’innombrables théo­
couple dans la prochaine étape de ries complotistes : à quel titre une
notre vie » : ces quelques lignes fondation privée finit­elle par ac­
devraient rassurer les 1 600 sala­ complir les tâches des Etats ? Qui
riés de la fondation. la contrôle, en particulier dans les
Les choses ne seront peut­être pays défaillants ?
pas aussi simples pour leurs in­ Le problème est que, même Napoléon est à la fois le général révolutionnaire et l’empereur conquérant, l’inventeur du
terlocuteurs. Les Gates se sont dans les Etats non défaillants, il code civil et l’autocrate qui a bâillonné la presse, celui qui a répandu l’esprit des Lumières
connus à la fin des années 1980, arrive qu’un dirigeant démocrati­
chez Microsoft, où Melinda quement élu fasse lui­même tout mais rétabli l’esclavage.
French avait été recrutée comme dérailler, sans que les garde­fous Pour le bicentenaire de sa mort, le 5 mai 1821, nous avons fait un tour d’Europe et du monde
parviennent à l’en empêcher. Les pour voir, au-delà des débats franco-français, quelle est l’image de l’empereur dans ces pays
exemples de Donald Trump et de
Jair Bolsonaro sont là pour le rap­ où l’épopée de la Grande Armée a laissé des traces indélébiles.
LE POIDS DU FACTEUR  peler : le facteur humain ne se li­
HUMAIN DANS 
NAPOLÉON
mite pas au secteur privé. 

DES ORGANISATIONS  [Précision : la Fondation Gates


contribue au financement Un hors-série du « Monde »
TOUTES­PUISSANTES  du « Monde Afrique », comme 100 pages - 8,90 €
EST UNE NOUVELLE FOIS  à d’autres projets de grands Chez votre marchand de journaux et sur lemonde.fr/boutique
journaux européens, en toute
MIS EN LUMIÈRE indépendance éditoriale.]
J’AVAIS 20 ANS
GUILLAUME MEURICE
De l’IUT de Besançon à France Inter,
le « clown de la classe »
raconte ses années d’études
P AG E 8
CAHIER DU « MONDE » N O 23739 DATÉ JEUDI 6 MAI 2021
NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT

LES CONCOURS
D’ÉLOQUENCE,
NOUVEAU
TERRAIN DE JEU
DES ÉTUDIANTS
Les joutes oratoires
offrent à de plus
en plus de jeunes
un moyen ludique
de se distinguer
P AG E 4

LES ORAUX,
ÉTAPE-CLÉ VERS
LES GRANDES
ÉCOLES
Ces épreuves
sont l’occasion, pour
les établissements,
d’évaluer les « soft
skills » des élèves
et de faire connaître
leur marque
PAG E 5

DE BALZAC
À AYA
NAKAMURA,
LE FRANÇAIS
RÉINVENTÉ
Décryptage
de dix expressions
contemporaines
aux origines parfois
lointaines
PAG E 6
BRUNO LEVY/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

DÉJOUER
LA PEUR DE L’ORAL LA RELÈVE
JESSICA
GÉRONDAL
MWIZA
L’aisance oratoire est de plus en plus valorisée dans les dispositifs Cette Franco-
Rwandaise de 28 ans
de sélection et d’évaluation de l’enseignement supérieur. place la mémoire
Alors que se tient la première édition du grand oral du bac, du génocide des Tutsi
au cœur de son
cette capacité reste marquée par des biais sociaux et de genre combat antiraciste
PAG E 7
2 | à la une LE MONDE CAMPUS JEUDI 6 MAI 2021

S’EXPRIMER EN PUBLIC de vue ou éviter d’être ennuyeux. » Un « retard


historique » à combler, selon Cyril Delhay,
principal artisan du grand oral qui fait son

UNE ANGOISSE
entrée parmi les épreuves du bac ver­
sion 2021. « Jusqu’à présent, la prise de parole
n’était pas enseignée à l’école française, con­
firme le professeur d’art oratoire à Sciences

DE PERFORMANCE
Po. Il était temps que le service public s’en em­
pare : si l’école n’apprenait pas à nager à tous,
ceux qui sauraient le faire seraient seulement
ceux qui l’ont appris en famille, en vacances. »
Car là est bien le nœud du problème : l’oral

À LA FRANÇAISE
reste un marqueur social fort. L’accent, le
vocabulaire, la gestuelle… « Dis­moi com­
ment tu parles, et je te dirai qui tu es. Cela
peut paraître cruel, mais c’est ainsi », déplore
Bertrand Périer, qui voit néanmoins dans
l’exercice, à l’instar de Cyril Delhay, un « for­

A
vant d’écrire cette première l’administration a demandé à l’étudiante de midable facteur d’égalité des chances ». Il fau­
phrase, on a réfléchi, pris le rencontrer un médecin pour être diagnosti­ drait pour cela, selon ce dernier, enseigner
temps de rêver, tapé trois L’aisance à l’oral et la capacité quée « élève handicapée » et obtenir un « l’alphabet du discours » à tous les élèves : la

à se sentir légitime pour


mots et tout recommencé. aménagement des épreuves. « C’est bles­ posture, la respiration, la voix, la gestion du
Mais s’il avait fallu la dire à sant, surtout quand cela correspond à un stress, le rapport à l’auditoire, etc. Une fois
l’oral, d’une traite et en direct, face à vous,
lecteurs devenus spectateurs, peut­être s’exprimer devant un auditoire gros manque de confiance en soi », confie la
jeune femme, qui explique avoir été victime
ces fondamentaux transmis, tout le monde
aurait, très vite, la maîtrise de la prise de
aurait­on euhhh… rougi, bafouillé, gesti­
culé, hmm… euhhh… perdu nos moyens.
restent fortement marquées de harcèlement scolaire au collège.
Bien sûr, tous les jeunes ne sont pas phobi­
parole en public. Simple comme bonjour.

Confrontée à l’impossibilité de rembobi­


ner. « Prendre la parole en public, c’est beau­
par le capital social et culturel. ques. « Il ne faut pas confondre l’anxiété – une
émotion – avec la phobie, d’ordre pathologi­
SYNDROME DE L’IMPOSTEUR
Pour Mohammed, c’est plutôt la mer à boire.
coup plus anxiogène que rendre une copie, Historiquement, la France que, car disproportionnée et accompagnée de « A chaque fois, mon cerveau se met en totale

néglige cet apprentissage


admet l’avocat Bertrand Périer, spécialiste symptômes », rappelle le psychiatre Nicolas panique, j’ai le cœur qui bat à 3 000, raconte
de l’éloquence et auteur de La parole est un Neveux, qui pratique les thérapies cognitivo­ le contrôleur de gestion débutant. C’est quel­
sport de combat (JC Lattès, 2017). Quand on comportementales. La peur panique de par­ que chose qu’on peut apprivoiser, mais dont
parle, on est jugé sur sa personnalité : c’est ler en public porte un nom : la glossophobie. on ne se débarrasse jamais. » A 24 ans, ce di­
bien plus intrusif et engageant. Ça se passe ici « On va avoir des pensées automatiques : je plômé d’une école de commerce éprouve ce
et maintenant, alors qu’à l’écrit le jugement suis nul, je ne vais pas y arriver, les gens vont qu’il identifie comme un syndrome de l’im­
se fait en différé. » d’éloquence de son université, à Créteil, dé­ se moquer… Des symptômes corporels : sueur, posteur : « Je viens d’un milieu modeste, j’ai
Pour nombre de jeunes qui ont témoigné plore son obsession nouvelle lorsqu’il doit tremblements, sensation de chaud­froid, etc. grandi dans un HLM. Ce n’est pas forcément
pour Le Monde, l’exercice est presque un s’exprimer pendant un cours : « Je me re­ Ou comportementaux : se faire porter pâle le ma place d’évoluer dans un monde de cadres
supplice. « Stressant » à tous les coups, « pa­ garde dans le retour caméra, je suis à la fois jour d’un exposé, refuser une promotion afin blancs de plus de 40 ans… » Fils d’immigrés
ralysant », selon le contexte, parfois même l’examiné et l’examinateur. Après la page d’éviter la situation… », détaille le médecin. guinéens – ses parents, aides­soignants,
« handicapant ». L’oral ponctue inévitable­ blanche, j’ai le syndrome de l’écran noir. » Mais, pour apprivoiser son trac – normal sont devenus infirmiers –, Mohammed a
ment de multiples étapes de la vie étudiante Pour sa part, Laurie­Anne a testé toutes tant qu’il ne devient pas paralysant –, il faut « une espèce de complexe » : « J’ai l’impression
et professionnelle : exposé en classe, exa­ sortes de « remèdes » pour réussir à poursui­ pouvoir s’entraîner et répéter l’exercice que les autres sont nés avec une aisance orale
men devant un jury, concours d’entrée dans vre ses études malgré sa peur de parler en autant que possible. « La parole fait peur naturelle, alors que moi pas du tout. »
une école, entretien de stage ou d’embau­ public. De l’hypnose aux séances avec psy­ parce qu’elle est rare, souligne Bertrand Pour qualifier cette aisance « naturelle » à
che, réunion avec la hiérarchie… La prise de chologue et autres magnétiseurs, elle n’a ja­ « IL ÉTAIT TEMPS Périer. Pas étonnant qu’elle soit chargée d’en­ l’oral, le sociologue Bernard Lahire n’hésite
parole représente, de plus en plus, un enjeu mais trouvé de solution miracle contre son jeux si elle n’intervient qu’une fois par an. La pas à parler de « délit d’initié ». « Certains en­
important de sélection et de distinction. Les angoisse. Etudiante en master management
QUE LE SERVICE clé, c’est de la rendre fréquente, banale. » fants ont assimilé un tas de choses que les
concours d’éloquence s’invitent désormais du sport, cette Angevine de 21 ans souffre de PUBLIC Josua Lutz, étudiant en master de psycholo­ autres ne découvrent qu’à l’école. C’est toute
jusque sur les plateaux télé – en témoigne crises de spasmophilie dès lors qu’elle doit gie à l’université de Strasbourg, prépare ainsi une question de longueur d’avance », fait
l’émission « Le Grand Oral », diffusée sur passer un oral. « J’ai des fourmis partout dans
S’EMPARE DE ses intonations seul à la maison : « A force, la valoir ce professeur à l’Ecole normale
France 2 avec, dans le jury, Oxmo Puccino le corps, je perds la notion du temps et de l’es­ L’ENSEIGNEMENT peur s’adoucit et devient un compagnon plus supérieure de Lyon, lui­même issu d’un mi­
en 2019 ou Eric Dupond­Moretti en 2020. pace, la tête me tourne… c’est incontrôlable et qu’un ennemi », reconnaît­il. lieu ouvrier. En pilotant l’ouvrage collectif
Le basculement d’une partie de ces inter­ je suis vite pénalisée », regrette­t­elle.
DE LA PRISE Sauf qu’à entendre des jeunes de 18 à 30 ans Enfances de classe (Seuil, 2019), il a noté des
ventions en visio change­t­il quelque chose ? DE PAROLE » rares sont ceux à qui l’on a transmis cette effets d’imitation et d’identification à des
Certains jeunes y voient une manière de UNE PEUR PANIQUE CYRIL DELHAY compétence de l’oral à l’école. « Ils arrivent parents qui utilisent la parole dans leur uni­
s’exercer de manière plus sereine, à l’abri La dernière fois, il a fallu appeler les pom­ professeur d’art oratoire dans le monde du travail avec une mauvaise vers professionnel. Ainsi, une enfant de
des regards qui repèrent le rouge aux joues piers. Laurie­Anne devait faire une présen­ à Sciences Po formation sur ce plan, observe Perrine Hanrot, 5 ans dont la mère avocate évoque ses plai­
ou les mains qui tremblent. Pour d’autres, le tation de groupe devant une centaine de coach et formatrice en prise de parole, après doiries à la maison a déjà acquis cet « hori­
« distanciel » a renforcé cette impression de personnes dans un amphi : « J’ai juste levé la une première vie de chanteuse lyrique. On zon naturel » – en plus d’intégrer très tôt le
« parler seul dans le vide », alors que l’oralité tête, je me suis sentie mal et je suis sortie. J’ai leur a fait faire des récitations de textes appris bagage technique et linguistique nécessaire.
reste un art de l’altérité. Jérémy Florent, eu zéro. Le prof a dit que je n’avais pas ma par cœur et des exposés où l’on regarde ses Savoir raconter une histoire, distinguer le
25 ans, qui avait pris goût aux concours place à l’université ! » Après cet épisode, pieds, sans indication pour défendre un point vrai du faux, comprendre l’ironie : le capital
LE MONDE CAMPUS JEUDI 6 MAI 2021
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Prendre la parole, un défi


encore plus grand pour les femmes
Moins encouragées et moins valorisées lorsqu’elles s’expriment en classe,

20
les filles arrivent dans le supérieur avec moins d’aisance oratoire
minutes
C’est la durée du nouveau « grand oral »
du bac, qui sera inauguré en juin,
dans le cadre de la réforme du lycée.
L es femmes, ces jacasseuses, de
vraies pipelettes ! Les clichés
ont la peau dure. Ils cachent ce­
pendant une réalité tout autre, du
monde scolaire à l’univers profession­
en somme à rester “à leur place” »,
écrivait­elle.
Véronique Garrigues, enseignante
d’histoire dans un collège classé REP
du Tarn, a pris conscience de ce désé­
Une parole dévalorisée, peu écoutée,
souvent coupée… « En classe aussi, les
garçons qui veulent tout le temps la
parole peuvent se montrer très désa­
gréables contre ceux qui leur volent la
écrits anonymisés, étaient évincées à
l’issue du grand oral. En 2020, à l’Ecole
normale supérieure, avec la suppres­
sion des oraux due à la crise sanitaire,
la part d’admises a, là, bondi de 54 % à
Le sujet portera sur l’une des spécia- nel, mesurée par de multiples études : quilibre il y a quelques années. scène, surtout les filles, constate Isa­ 67 % dans les filières littéraires. Diffi­
lités choisies par l’élève en terminale. celle d’un espace sonore public large­ « Comme dans la cour de récré, les gar­ belle Collet. Quand elles tentent de le cile de démêler l’impact de la dispari­
Les candidats auront également ment dominé par les hommes et d’un çons prennent la place qu’on leur faire et qu’elles ne sont jamais inter­ tion de l’oral et celui des conditions de
vingt minutes pour se préparer. accès plus difficile à la prise de parole laisse très volontiers, constate­t­elle. rogées ou bien moquées, comme les préparation particulières pendant la
pour les femmes, moins encouragées Alors, quand au bout de trois répon­ garçons parlent spontanément, elles pandémie – ou encore de l’absence
et moins valorisées dans cet exercice ses, je n’ai entendu que des élèves mas­ finissent par lâcher l’affaire. » des mécanismes de rééquilibrage qui,
depuis le plus jeune âge. Une question culins, je fais en sorte que ce soit en­ Quelles conséquences sur leur par­ à l’oral, viennent favoriser le sexe mi­
aux enjeux multiples, alors que les suite une fille. Mais ce n’est pas parce cours ? Dans le secondaire, « ce moin­ noritaire (étudiés par l’économiste du
oraux prennent une place de plus en que je les interroge qu’elles acceptent dre accès à la parole ne pose pas pro­ travail Thomas Breda). Mais le résultat
plus cruciale dans les processus de de répondre. » Le stress est patent : blème aux filles en termes de compé­ a interpellé nombre d’enseignants.

35 %
sélection et d’évaluation, du bac à tête baissée, mains tripotant ses affai­ tences didactiques », observe­t­elle. Emma Bouvier, 21 ans, a bien senti
l’enseignement supérieur. res, phrases écourtées. « Prendre la Même pour les oraux du baccalau­ un tournant en entrant à Sciences Po.
« Dès la crèche, on a schématique­ parole, c’est s’exposer au regard des réat, qui sont surtout, dit­elle, une Alors que participer en classe ne lui
ment des filles qui demandent la pa­ autres. Une angoisse pour certaines. » « validation de ces compétences ». posait pas de problème au lycée, cela a
role et des garçons qui la prennent », Parler en public est en effet un exer­ Mais cela les prive d’acquérir les changé dans le supérieur, où « la prise
C’est le temps de parole des femmes à la explique Isabelle Collet, professeure cice qui engage pleinement le corps et techniques sociales de mise en va­ de parole prend beaucoup de place, en
télévision et à la radio en 2020, en baisse en sciences de l’éducation à l’univer­ l’esprit, et qui demande une bonne leur de leurs capacités et de leurs classe comme en dehors ». En quête de
de 1 point par rapport à 2019, selon sité de Genève. A l’école, « divers tra­ dose de confiance en soi. « Or, à l’école succès nécessaires par la suite. « Dès clés, elle s’est renseignée sur l’associa­
le dernier rapport du Conseil supérieur vaux montrent que les garçons sont comme en réunion, les femmes ont ten­ l’enseignement supérieur, les règles du tion d’art oratoire de l’école. « J’avais
de l’audiovisuel. Ce temps de parole ensuite à l’origine d’environ deux tiers dance à plus se demander : ce que je jeu changent. Il faut promouvoir son l’image d’un espace réservé aux hom­
est inférieur à leur taux de présence des prises de parole en classe ». Si pense vaut­il le coup ? », souligne Marie travail, se distinguer, se rendre visible. mes, les figures prises pour parler d’élo­
à l’antenne, qui s’établit à 41 %. Ce qui l’école primaire a eu tendance à corri­ Duru­Bellat. Pourtant détentrices de Ce que, incitées à rester en retrait, les quence étant quasiment toutes mas­
montre qu’à présence égale, les femmes ger ce phénomène ces dernières an­ meilleurs résultats scolaires, elles se filles n’ont pas appris à faire », regrette culines. Puis j’ai vu que la présidente
s’expriment moins que les hommes. nées, les études dans le secondaire mettent très jeunes à douter de leurs la chercheuse. était une femme, cela m’a ouvert une
attestent d’un déséquilibre toujours compétences. Ainsi dès 6 ans, lors­ porte. » Depuis, l’étudiante s’investit
marqué. En 2015, la chercheuse a me­ qu’on leur présente un personnage DES ÉPREUVES PÉNALISANTES dans L’Oratrice, un groupe qui pro­
né une enquête au sein de neuf clas­ comme « intelligent », les petites filles Si bien que « leurs meilleurs résultats meut l’égalité dans l’éloquence et or­
ses suisses, lors de « cours dialogués » y associent plutôt le sexe masculin, ne leur ouvrent pas les portes de certai­ ganise des formations à destination
dans différentes matières, et observé montre une étude américaine publiée nes filières sélectives et qu’elles rentabi­ des étudiantes.
scrupuleusement les prises de parole en 2017 dans la revue Science. lisent moins, à diplôme égal, leur ba­ Chez celles qui s’y inscrivent, « ce
des élèves. En moyenne, les garçons Rien d’étonnant quand on sait que gage scolaire », écrit­elle. Dans cer­ qui ressort le plus est l’autocensure et
sont intervenus 2,3 fois plus que les leur expression peut être déjà jugée tains oraux de concours notamment, une déstabilisation face aux comporte­
filles et étaient deux fois plus sol­ illégitime seulement quelques mois les écoles recherchent de plus en plus ments désagréables récurrents, comme
licités par les professeurs. En outre, après la naissance. C’est ce que révè­ ces dernières années, « l’expression se faire couper la parole, décrit­elle.
ils avaient presque trois fois plus lent des chercheurs de l’Institut des d’une motivation mais aussi d’une in­ Beaucoup viennent aussi après un pre­
culturel permet un « façonnage permanent » d’interventions orales « hors sujet ». neurosciences Paris­Saclay basé à dividualité, d’une certaine personna­ mier stage et racontent s’être senties
des manières de parler et d’argumenter. Saint­Etienne. En 2016, ils ont mesuré lité. Il y a tout un travail de mise en effacées, regrettant de ne pas avoir
A l’inverse, ceux qui ont intériorisé les limi­ « SAGES ET DISCRÈTES » la perception des pleurs de bébés : scène sous­jacent auquel les jeunes réussi à s’imposer. On les aide à prendre
tes de leurs parents ont plus de mal à « s’auto­ « Les bébés de sexe féminin sont pour­ ceux attribués à des filles – d’ailleurs femmes adhèrent moins », rappelle la confiance. » L’enjeu est majeur dans le
riser à aller au­delà », selon le sociologue. « Les tant plus amenés que leurs homolo­ souvent à tort – étaient alors jugés sociologue et spécialiste des concours monde du travail, « où on vous de­
chiens ne font pas des chats », ose Pauline, gues masculins à développer une com­ moins justifiés, ne relevant pas d’une Annabelle Allouch, qui souligne éga­ mande de bien faire mais surtout d’aller
dont la mère n’a jamais aimé prendre la pa­ munication verbale. Mais ces capacités véritable souffrance. « A divers ni­ lement l’interférence de « biais de le faire savoir », souligne Isabelle Collet.
role en réunion. « Aller au théâtre, ce n’est pas langagières précoces ne leur donnent veaux, la société ne cesse de renvoyer genre » inconscients lors de ces oraux, Pour Emma Bouvier, même si c’est à
non plus dans l’ADN de la famille », ajoute­t­ pas accès à la prise de parole en public aux femmes que leur parole compte « même chez des jurys avertis ». pas de souris, la conquête de la prise de
elle. En master, en alternance chez BNP Pari­ par la suite. Car le problème n’est pas moins », souligne Marie Duru­Bellat. A l’Ecole nationale d’administra­ parole en public progresse : les deux
bas, elle tente, à 25 ans, de dompter les bouf­ de parler, mais de s’autoriser à être vi­ Le poids des représentations et de tion, un rapport interne relevait, dernières éditions du prix d’éloquence
fées de chaleur qui lui montent au visage. « Je sible par la parole », analyse Isabelle l’histoire n’est pas étranger au senti­ en 2012, ce traitement défavorable Philippe­Seguin de Sciences Po ont été
rougis dès que je commence à parler. C’est un Collet. On ne les incite pas à cette vi­ ment d’illégitimité que beaucoup aux femmes qui, avec un taux de réus­ remportées par des femmes. j
cercle vicieux, je sais que les gens le voient, et sibilité, abonde la sociologue Marie ressentent en la matière. « L’art ora­ site similaire à celui des hommes aux alice raybaud
ça me déstabilise encore plus. » Duru­Bellat, chercheuse à l’Institut de toire est traditionnellement un bas­
Avec ses deux parents professeurs, recherche en éducation, autrice de La tion masculin, observe Christine
Romane, 19 ans, sait qu’elle a eu plus de chan­ Tyrannie du genre (Presses de Scien­ Bard, spécialiste de l’histoire des
ce. En première année à Sciences Po sur le ces Po, 2017) : « Les filles ont intégré femmes. Pendant des siècles, les occa­
campus de Dijon, elle raconte avoir toujours qu’on attend d’elles qu’elles soient sa­ sions pour les femmes de prendre la
récité ses leçons à la maison : « Ils m’ont ap­ ges et discrètes. On leur apprend aussi parole dans les lieux publics religieux
pris des trucs : parler lentement, articuler cha­ très tôt à faire attention aux autres, à ou laïcs étaient rares : elles étaient ex­
que syllabe, ne pas bouger dans tous les écouter et à prendre en compte le point clues des tribunes et n’ont accédé à
sens… » Au bac, Romane a eu 20 sur 20 à l’oral de vue des camarades. » l’université que sur le tard. Cet héri­
de français, et 20 sur 20 à l’épreuve de tra­ En classe, les garçons, eux, ne vont tage laisse des traces. » Aujourd’hui,
vaux personnels encadrés. Malgré le stress pas hésiter à occuper l’environnement les modèles de voix féminines sont
qu’elle tente de cacher – « J’essaie d’avoir une sonore et à interrompre le professeur. encore peu nombreux – ainsi du fai­
voix ferme et assurée » –, elle prend même du « Ils prennent plus souvent la parole de ble taux d’expertes entendues dans
« plaisir » à s’exprimer devant un auditoire. façon spontanée, d’ailleurs pas tou­ l’audiovisuel (de 38 %, la proportion
Etre à l’aise pour prendre la parole en pu­ jours en lien avec le cours dispensé », re­ est tombée à 20 % avec la pandémie
blic nécessite confiance et estime de soi, marque la sociologue. C’est accepté, de Covid­19, selon le CSA).
voire une certaine capacité à bluffer. Puis­ voire valorisé comme un attribut de
qu’il met le corps en jeu, « l’oral est sans virilité. « Il y a dans l’imaginaire collec­
doute le lieu le plus violent pour les enfants de tif l’idée que les garçons sont plus tur­ « À L’ÉCOLE COMME
milieu populaire », selon Bernard Lahire : bulents, qu’ils ont besoin de s’exprimer, EN RÉUNION, LES FEMMES
souvent regardée sous l’angle psychologi­ et que c’est bien normal. On le tolère,
que, la timidité serait d’abord sociale. tout comme on les laisse salir leurs ha­ ONT TENDANCE
Comme Pierre Bourdieu l’a observé dans Ce bits. Les filles sont, elles, plus vite ra­ À PLUS SE DEMANDER :
que parler veut dire (Fayard, 1982), l’ouvrier se brouées quand elles transgressent les
sent « dans ses petits souliers » face au patron, règles », observe­t­elle. CE QUE JE PENSE
pétrifié, alors qu’il avait tant à dire. Alors que les enseignants eux­mê­ VAUT-IL LE COUP ? »
C’est d’ailleurs face à « des profs qui pe­ mes ont tendance à interroger moins
saient » – pendant ses « khôlles » (interroga­ souvent les filles que les garçons, MARIE DURU-BELLAT
sociologue
tions orales) en classe préparatoire – que comme l’ont montré plusieurs études,
France Rivoal a vu monter la panique. « Dans le contenu des interactions a aussi ten­
ma tête, c’était la honte de dire des bêtises de­ dance à différer selon le genre de « L’oreille qu’on porte sur la parole
vant eux », se souvient­elle. Comme tous les l’élève. « Les filles sont davantage solli­ des femmes a été et reste très cruelle,
étudiants interrogés, France soulève une co­ citées pour rappeler les notions précé­ ajoute Christine Bard. Les travaux
riace question de légitimité. « On a habitué dentes, une forme d’assistance pédago­ montrent que le public écoute moins
les jeunes à ne prendre la parole que pour être gique, puis les garçons sont appelés à les femmes et déprécie leur voix, trop
noté par quelqu’un de plus compétent, relève faire avancer le cours, à créer du neuf », perchée, trop aiguë. » Leurs paroles
Perrine Hanrot. Face à un prof ou à un supé­ observe Isabelle Collet. sont plus vite disqualifiées. « Expo­
rieur hiérarchique, ils ont mille raisons d’avoir Les enseignants encouragent aussi sées, elles sont d’abord jugées par le re­
peur : peur de la note, de l’échec, du juge­ davantage ces derniers, soulevait la gard, sexualisées avant même d’être
ment… » Dans une angoisse de performance professeure en sciences de l’éduca­ entendues. Pour Rousseau, la femme
à la française, inhibition et autocensure cou­ tion Nicole Mosconi, dans son article qui parle en dehors de son foyer est
pent l’herbe sous le pied des apprentis ora­ « Effets et limites de la mixité sco­ d’ailleurs du côté de l’impudeur. »
teurs. « Si vous mettez le premier barreau de laire », (Travail, genre et sociétés, n°11, Point trop ne faut d’assurance pour
l’échelle à 3 mètres de haut, vous n’arriverez 2004). « Ainsi, les garçons apprennent celle qui s’y risque : une étude de Yale
jamais à monter !, s’agace Bertrand Périer. à l’école à s’exprimer, à s’affirmer, à publiée en 2012 montre que, alors que
Tout le monde n’a pas vocation à être un im­ contester l’autorité, et les filles, à être les hommes qui parlent abondam­
mense tribun : on peut juste avoir une jolie moins valorisées, à prendre moins de ment sont perçus comme des leaders
parole, claire et convaincante, pour partager place physiquement et intellectuelle­ de qualité, les femmes qui font de
ses idées. C’est ça aussi le sel de la vie. » j ment, et à supporter, sans protester, même sont au contraire rejetées par
léa iribarnegaray la dominance du groupe des garçons, l’audience chargée de les noter.
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CONCOURS D’ÉLOQUENCE
LA PÉDAGOGIE DU BRIO
Les étudiants qui participent à ces compétitions, de plus en plus nombreuses,
espèrent en tirer parti professionnellement
lille ­ envoyée spéciale Lionel s’installe devant le micro, l’air dé­
contracté : « Mesdames et messieurs le jury,

C
e jeudi d’avril, c’est le grand jour. bonsoir », commence­t­il, avec un large sou­
Après des mois de préparatifs et rire, avant d’introduire son sujet : « Sommes­
deux reports liés aux confine­ nous des enfants de minuit ? » Un message
ments successifs, la finale du prix s’affiche à l’écran : « On n’entend rien ! », a écrit
Cicéron, le concours d’éloquence dans le tchat Guillaume Prigent, professeur
créé en 2017 par les étudiants de l’école de d’art oratoire à Sciences Po. Lionel ne le voit
commerce lilloise Skema, va enfin avoir lieu. pas, il enchaîne. « La nuit, c’est comme une
Epidémie due au coronavirus oblige, un for­ mère pour nous, pour vous, pour moi. Elle n’est
mat hybride a été retenu pour cette qua­ pas seulement là pour nous écouter, nous bor­
trième édition : les quatre finalistes présente­ der, nous bercer, non. Son rôle, c’est de nous
ront leur discours devant un public restreint, préparer au jour, de nous préparer à la vie. Son
dans les murs du campus de Lille. Les mem­ plus grand désir, c’est de nous voir briller, c’est
bres du jury, dispersés dans toute la France, de nous voir faire non pas ce qu’on nous dit
assisteront, eux, à leurs prestations à distan­ mais ce que notre cœur nous dicte. N’attendez
ce, tandis qu’une retransmission en direct plus la nuit, vivez plus vite, vivez plus fort… »
sera assurée en même temps sur Facebook. A Applaudissements à la fin dans la salle. Le
deux heures du coup d’envoi, c’est l’efferves­ jury, à distance, n’a entendu que des bribes,
cence dans l’amphithéâtre B. Il faut installer perturbé par la mauvaise communication : le
trois caméras pour le direct, régler les micros, système de visioconférence a planté. Le
vérifier le bon fonctionnement du logiciel de temps de relancer la machine et les presta­
visioconférence. tions peuvent reprendre. Mais impossible
Costume bleu roi et chemise blanche, pour le jury de déterminer un gagnant sans
Gaspard de Monplanet, étudiant en première avoir pu entendre correctement tous les can­
année, profite de la séance de réglages pour didats. Il lui faudra revoir les enregistrements
réviser son texte au calme dans une salle ad­ avant de se prononcer.
jacente. Une fois la porte fermée, il prend une
grande inspiration et se lance : « Ce soir, UNE RÉCOMPENSE SUR SON CV
j’aimerais vous présenter quelqu’un », dit­il, Une semaine plus tard, le verdict tombe. C’est
tournant en rond sur lui­même, rivé à sa Thomas qui empoche les 150 euros en jeu
feuille de notes. « Un monsieur Tout­le­ pour avoir su allier aisance, humour et flui­
Monde, en somme, un mec sans histoire, qui dité. « A l’origine, je m’étais inscrit au concours
n’en a jamais eu et qui n’en aura jamais. » Mais sans pression, pour m’amuser et profiter des
la voix s’emballe, Gaspard trébuche. Il n’en opportunités offertes par l’école. Je n’ai pas été
est pourtant pas à son coup d’essai. « Au lycée, déçu, et malgré les bugs techniques, j’ai pris
j’avais déjà participé à un concours d’éloquen­ beaucoup de plaisir dans cette compétition »,
ce où j’avais fini deuxième. Cela a été une expé­ livre l’étudiant, qui compte bien faire figurer
rience tellement stimulante que j’ai eu envie de cette récompense sur son CV.
la revivre. Et puis maîtriser l’oral est une com­ C’est ce qu’avait fait Arthur Cavrois­Foucaut,
pétence importante aujourd’hui, quel que soit jeune diplômé de l’école, après sa victoire à
le métier auquel on se destine. » ce concours en 2019. Le 1er juin prochain, le
Considérée comme une discipline aristo­ directrice générale de Skema. Comme sou­ 17 heures. Une quarantaine d’étudiants jeune homme de 23 ans doit débuter à un
cratique, la rhétorique a pourtant longtemps vent dans les grandes écoles, les élèves doi­ prennent place dans le public, visages mas­ poste de juriste chez Sanofi en Belgique. Le
été bannie des enseignements scolaires en vent faire des présentations orales dans tou­ qués. Un agent de sécurité effectue une ronde « LES PLUS fait qu’il soit à l’aise pour prendre la parole
France… Avant de revenir en force ces derniè­ tes les matières pour s’entraîner. « Bien sûr, dans les allées pour vérifier que les distances TIMIDES NE en public a joué en sa faveur. « Certains candi­
res années, portée par le développement des les plus timides ne deviennent pas des tribuns de sécurité sont bien respectées. Lionel et dats sont brillants mais échouent en entretien
conférences TED et le succès du documen­ du jour au lendemain, mais ils sont quand Jade, les deux autres finalistes, papotent au DEVIENNENT PAS parce qu’ils manquent de confiance en eux et
taire A voix haute (2016) – suivant le parcours même plus armés pour passer des entretiens. » premier rang. « Ça va ? T’es prête ? », de­ TRIBUNS DU JOUR perdent leurs moyens », observe­t­il. Qu’on
d’un groupe d’étudiants qui se préparent mande le premier. Jade hoche la tête : « Je instaure un grand oral au baccalauréat lui
pour le concours Eloquentia, organisé par « AVANTAGE COMPÉTITIF » pense que je vais vraiment commencer à AU LENDEMAIN, semble une bonne chose.
l’université Paris­VIII de Saint­Denis (Seine­ Assis sur un canapé dans le hall du campus, stresser quand je vais vous entendre parler. » MAIS ILS SONT « On ne doit plus cantonner ces enseigne­
Saint­Denis). Depuis, ces compétitions d’élo­ Thomas Mulliez, étudiant en master « gestion D’après le tirage au sort, Lionel doit ouvrir ments­là aux filières sélectives », approuve
quence nées dans les facultés de droit se sont de la chaîne d’approvisionnement et achats », le bal. « Mes parents sont originaires du PLUS ARMÉS Frédéric Munier, professeur de géopoliti­
multipliées dans les universités, les instituts s’adonne à un exercice de respiration ven­ Congo, où les hommes ont la réputation POUR PASSER que à Skema. « En apprenant à manier la
d’études politiques, les écoles de manage­ trale, les yeux fermés. « Je suis contre l’ap­ d’être de beaux parleurs, notamment avec rhétorique, les jeunes s’entraînent à cultiver
ment et d’ingénieurs comme HEC, Kedge, prentissage de dernière minute, sourit­il. On a les filles. Ayant hérité de cette culture, j’ai DES ENTRETIENS » leur esprit, à clarifier leurs idées, à argumen­
l’Efrei, les Mines de Nancy… eu trente­six heures pour écrire notre texte et essayé d’en faire un avantage compétitif. Et ALICE GUILHON ter, à nuancer leur propos. Ils apprennent
Ces dispositifs ont avant tout des vertus pé­ se l’approprier. C’était beaucoup de travail, en banlieue parisienne, si on ne veut pas se directrice de Skema également à écouter l’autre et à le respecter.
dagogiques. « Pour manager, il faut savoir ar­ mais je me sens prêt. Je préfère essayer de me faire bouffer dans la cour de récré, il faut La base de la culture démocratique. » j
gumenter, convaincre », insiste Alice Guilhon, détendre pour ne pas arriver crispé sur scène. » oser prendre la parole et s’imposer. » élodie chermann

Faire de sa thèse un show, en 180 secondes


Des jeunes docteurs relèvent le défi de vulgariser leurs recherches. Avec humour et éloquence

I ls sont 16 funambules qui, le


10 juin, s’affronteront pour
une traversée sur le fil de
180 secondes. Sept femmes et
neuf hommes âgés d’une ving­
dents d’université et du CNRS.
Depuis, son succès va croissant.
Monter sur scène était une évi­
dence pour Bastien Romero, de
l’université Aix­Marseille, égale­
et physiopathologie à l’université
de Bordeaux. Affronter le trac, les
regards, et plus particulièrement
ceux de ses pairs, est un challenge.
« Un défi personnel que j’ai voulu
mation proposées par l’école doc­
torale », souligne Bastien Romero.
Trois personnes ont participé à
l’élaboration de sa performance :
un podcasteur, une comédienne
au Sénégal –, ce n’était pas gagné »,
avoue Christelle Mignot, docto­
rante à l’université de Montpellier.
« Ma famille, qui m’écoute parler
de mes recherches depuis des an­
dias de masse n’en parlent que très
peu ou pas du tout. Pour moi, l’idée
est d’attirer l’attention du plus
grand nombre sur ce drame. »
MT 180 est aussi une école de la
taine d’années, en compétition ment clown et comédien dans la me lancer », poursuit la jeune et un ancien finaliste de l’épreuve. nées, m’a appelée après la diffu­ prise de parole. « Les séances de
pour faire la preuve d’un équili­ compagnie Houle douce. « L’hu­ femme. Elle a remporté la finale Il faut simplifier, tout en restant sion des sélections régionale pour coaching m’on permis de progres­
bre parfait dans la maîtrise d’une mour est l’élément qui me permet régionale en Aquitaine avant de se académique, intégrer des méta­ me dire : “On comprend enfin ce ser en rhétorique, en éloquence et
science… et de l’humour. Ils sont de gérer mon stress, de passer les qualifier pour la finale nationale. phores en guise de fil conducteur, que tu fais !” » Cet exercice de seul­ en vulgarisation scientifique »,
mathématicien, historien, physi­ épreuves de la vie », raconte le sans tomber dans la caricature. en­scène dépoussière l’image des explique Christelle Mignot, à
cien, écologue, biologistes… et nouveau docteur en écologie (il a « UN PUBLIC NON EXPERT » « L’exercice m’a obligé à me poser, à chercheurs et réintègre leurs tra­ l’unisson avec la plupart des par­
travaillent à s’y noyer sur des su­ soutenu sa thèse le 31 mars). En quoi consiste l’exercice ? Il s’agit prendre du recul sur mon sujet, vaux dans nos quotidiens. « La dif­ ticipants. Mais c’est aussi une
jets pointus. En guise de soupape Alors, pour passer sans encom­ « d’exprimer un sujet de recherche mon domaine d’expertise. J’ai dû ré­ fusion à un large public fait partie « bonne ligne à mettre sur un CV,
pour sortir de leur laboratoire, bre quatre années à phosphorer compliqué de manière synthétique fléchir aux bonnes analogies pour intégrante du travail du chercheur, un bon moyen de faire connaître
ces jeunes chercheurs se sont sur la « variation des traits liés au et intelligible pour tout le monde », faire entrevoir ce que je fais et que même si elle est souvent négligée », sa tête, notamment aux collègues
lancé un défi supplémentaire : feu et l’inflammabilité chez deux résume Bastien Romero. Il faut la physique quantique n’est pas si rappelle Bastien Romero. de son domaine », avance Max
réussir cet exercice de vulgarisa­ espèces de pin à germination obli­ donc écrire avant de jouer. Max compliquée », raconte Max Meu­ Meunier. Et la fenêtre médiatique
tion scientifique et d’apprentis­ gatoire en fonction de différentes Meunier travaille au sein de l’uni­ nier. « L’humour est le liant qui per­ FENÊTRE MÉDIATIQUE dépasse le milieu universitaire.
sage de la scène qu’est Ma thèse fréquences de feu en région médi­ versité Côte­d’Azur sur une nou­ met d’accrocher un à un les wagons Outre ouvrir un peu la science au « Depuis ma prestation diffusée en
en 180 secondes (MT 180). terranéenne française », décom­ velle source de photons uniques, de la démonstration, c’est un excel­ grand public, l’exercice peut per­ ligne, j’ai reçu des propositions de
Cette compétition d’éloquence presser en se lançant seul en émettant aux longueurs d’onde lent vecteur qu’il faut savoir doser, mettre de lancer un cri d’alarme. partenariat avec des institutions
entre jeunes chercheurs est née scène a été une forme d’exutoire télécoms et compatibles avec la fi­ dans un juste timing, comme une C’est le cas pour Peter Stephen qui travaillent dans les domaines
en 2008 à l’université du Queens­ et une continuation. lière photonique silicium. Il a fait musique », poursuit Bastien. Assaghle, doctorant à l’université de l’enseignement des langues et
land, en Australie. En 2012, une Pour d’autres, l’aventure fait appel à une journaliste scientifi­ MT 180 est un défi pour les thé­ de Toulon. Peu d’humour dans sa de la préservation des langues et
association québécoise, Acfas, re­ office de machine à forger de la que pour rédiger sa prestation. sards et aussi une fenêtre qu’ils présentation : son pitch glaçant cultures en danger, témoigne
prend le concept pour l’étendre à confiance en soi. « Prendre la pa­ Plusieurs universités ont établi ouvrent à tous sur leur univers. raconte les violences faites aux Christelle Mignot. Je n’avais pas
la francophonie, et permet son role en public n’est pas ce que je des équipes de soutien pour leurs « Intéresser un public non expert à femmes dans la région des grands imaginé que ce concours m’offri­
développement en France, sous la préfère », reconnaît Diane Potart, candidats. « La préparation à ma thématique – l’enjeu de l’ensei­ lacs africains. « Malgré l’ampleur rait autant d’opportunités. » j
tutelle de la Conférence des prési­ doctorante en biologie cellulaire MT 180 entre dans les heures de for­ gnement bi­plurilingue au Mali et constatée du phénomène, les mé­ éric nunès
LE MONDE CAMPUS JEUDI 6 MAI 2021
à la une | 5

Les oraux, opération séduction entre écoles et élèves


Annulées en 2020 à cause de la pandémie, les épreuves d’admission, qui permettent
aux grandes écoles de recruter leurs futurs étudiants, sont de retour cette année

L eur tour de France com­


mencera le 14 juin cette
année. Il fera étape dans
presque toutes les grandes agglo­
mérations métropolitaines. Les
plus beaux atours pour sélection­
ner, mais aussi être choisis par
les meilleurs étudiants. « Il s’agit
d’une opération de séduction et
de communication », reconnaît
le « convaincant », qui a 15 minutes
pour construire un argumentaire
sur un sujet imposé et 4 minutes
pour l’exposer ; le « répondant »,
qui doit rebondir sur l’argu­
des oraux de travaux pratiques.
« En mécatronique, par exemple,
les candidats doivent conduire une
expérimentation, la contrôler et
aussi l’expliciter. Expliquer à l’oral
ses clients comme pour les équi­
pes qu’il sera amené à encadrer »,
souligne Laurent Champaney, di­
recteur général d’Arts et Métiers.
n’ont pas passé d’oraux, a­t­elle
produit des résultats différents
quant à la sélection ? Un effet a
été très visible : dans certaines
écoles d’ingénieurs qui ont re­
concurrents devront fournir de Catherine Rouchy, directrice du mentaire du premier sans avoir un phénomène physique, c’est une « ESPRIT CRITIQUE » cruté uniquement sur dossier,
nombreux efforts, mêler endu­ recrutement de l’ESC Clermont. préparé le sujet et débattre avec partie essentielle du métier d’in­ Polytechnique accorde également davantage de filles ont été admi­
rance et vivacité. Mais, après deux Pour les établissements qui ne lui pendant 5 minutes ; et enfin génieur, pour ses relations avec toute son importance aux épreu­ ses. Mais, pour le reste, l’ensem­
années de classe préparatoire aux figurent pas en tête de liste des l’« observateur », qui doit analyser ves orales, qui peuvent largement ble des responsables pédago­
grandes écoles (CPGE) et forts de classements des grandes écoles, les différentes phases de l’échan­ modifier le classement des ad­ giques interrogés disent ignorer
leur réussite aux épreuves écrites l’enjeu est de taille. « On veut pro­ ge. « C’est un exercice qui permet missibles établi à l’issue des écrits. les effets de cette sélection iné­
en cours, ils seront des milliers voquer un effet coup de cœur », d’évaluer les capacités d’écoute et « ON REPÈRE « Il est important de repérer des dite. Car la crise sanitaire n’a pas
d’étudiants à ronger leur frein explique Stéphan Bourcieu, di­ d’analyse, explique Julien Man­ candidats qui sont peut­être moins seulement affecté les modalités
avant de se lancer dans la course, recteur de Burgundy School of teau, directeur de la stratégie et du DES CANDIDATS techniques, mais qui sont dotés d’admission de la cohorte de
celle des oraux. Business. Les écoles de manage­ développement des programmes QUI SONT d’un talent pour rebondir sur des 2020, elle a également perturbé
En 2020, les écoles d’ingé­ ment fourbissent donc longue­ de HEC. On mesure le talent des pistes qui ne fonctionnent pas, l’année académique et les inte­
nieurs et de management ont ment leurs armes et leur savoir­ candidats pour convaincre, rallier PEUT-ÊTRE MOINS avec un esprit critique et d’adap­ ractions entre étudiants et ensei­
été contraintes de renoncer à faire marketing pour mettre en des opinions et coconstruire. Ce TECHNIQUES, tation qu’ils sauront présenter. gnants. « Il y a donc un double
l’organisation traditionnelle de avant leurs compétences aca­ sont des compétences qui ne sont C’est indispensable dans un travail biais », estime Catherine Rouchy,
leurs concours du fait de la crise démiques mais aussi les charmes pas académiques mais utiles à un MAIS DOTÉS en équipe », détaille Yves Laszlo, de l’ESC Clermont. Il faudra donc
sanitaire, et les établissements de leur territoire et la richesse futur manageur. » D’UN TALENT directeur de l’enseignement et de accorder à cette promotion, ad­
ont tous – à l’exception de l’Ecole de la vie culturelle, sportive et Les meilleures écoles d’ingé­ la recherche de l’école. mise sans oraux, une année
polytechnique – recruté sans associative du campus. nieurs sont également sensibles POUR REBONDIR » Reste une question : l’édition d’études pleine pour la comparer
rencontrer, de visu, les candi­ Ces rendez­vous entre les éta­ à l’éloquence des candidats, qu’ils YVES LASZLO 2020, au cours de laquelle les étu­ à celles qui l’ont précédée. j
dats. « L’édition 2021 doit mar­ blissements et les étudiants sont mesurent notamment à travers directeur à Polytechnique diants de classes préparatoires éric nunès
quer le retour à notre système de d’autant plus nécessaires cette
sélection méritocratique », es­ année que les « forums » et les
time Alice Guilhon, présidente journées portes ouvertes qui ani­
de la Conférence des directeurs ment habituellement l’année ont
d’écoles françaises de manage­ été réduits à des rencontres vir­
ment (CDEFM). Les oraux doi­ tuelles. « Après dix­huit mois d’ex­
vent reprendre toute leur place périmentation du travail en ligne,

EXPLORE
dans le classement et la sélection nous sommes convaincus que,
des candidats. pour une transaction commerciale

RevealMORE
Les concours sont la clé de comme pour le recrutement d’un
voûte du système de recrute­ candidat, rien ne vaut le face­à­
ment des établissements. Si les face », constate Stéphan Bourcieu.
écrits sont « le socle de l’évalua­
tion académique avec un grand SÉLECTION DRASTIQUE
attachement au caractère ano­ Ces rencontres sont également le
nyme et national des épreuves », moment pour définir si le projet
témoigne Mickaël Prost, prési­ du candidat est en phase avec
dent de l’Union des professeurs celui de l’établissement. « Les ju­
de classes préparatoires scienti­ rés mesurent l’adéquation entre
fiques, les oraux occupent une ce que propose l’école et les objec­
part « croissante qui complète un tifs du candidat », explique Emmy
diagnostic disciplinaire ».
« L’oral est une étape détermi­
Youbi. « C’est un système de triage,
résume Alice Guilhon, pour s’as­ PROGRAMME
nante pour les candidats comme
pour notre école, souligne égale­
surer du succès de l’étudiant dans
l’établissement qu’il intégrera. »
GRANDE ÉCOLE
ment Emmy Youbi, directrice Pour les écoles les plus sélecti­ DIPLÔME VISÉ BAC+5
promotion et admission à l’Esilv, ves, les oraux ne sont pas tant un GRADE DE MASTER
l’école d’ingénieurs du pôle outil de répartition ou une opé­
Léonard­de­Vinci, à la Défense. ration marketing qu’une der­
ALTERNANCE POSSIBLE
C’est à ce moment que nous pou­ nière épreuve de sélection, sou­ EN M1 ET/OU M2
vons exposer ce que nous avons à vent drastique. A Polytechnique, À CAEN, LE HAVRE, PARIS
proposer, présenter notre campus, 800 jeunes étaient admissibles

Explore, révèle-toi plus - École historique, esprit jeune


son atmosphère. » A l’occasion de en 2020 à l’issue des écrits, sur
ces journées d’examens, les éta­ 4 000 candidats. 425 ont été ad­
blissements se parent de leurs mis. A HEC, en 2019, 740 ont passé
le cap des écrits sur 5 250 élèves, et
400 ont finalement intégré l’éta­
BACHELOR
« C’EST UN blissement. MANAGEMENT
SYSTÈME Au sein de la première des éco­

DE TRIAGE POUR
les de management française, les
oraux ne comprennent pas d’en­
INTERNATIONAL
DIPLÔME VISÉ BAC+3
S’ASSURER tretien personnalisé où jury et
candidat se font la cour, mais cinq ALTERNANCE POSSIBLE
DU SUCCÈS épreuves académiques en mathé­ EN 3E ANNÉE
DE L’ÉTUDIANT matiques, philosophie, langues AU HAVRE OU À PARIS
*

(deux au choix) et, selon les pro­


DANS fils, économie, histoire, géogra­
L’ÉTABLISSEMENT phie ou géopolitique. En outre, les
étudiants sont soumis à l’épreuve
QU’IL INTÉGRERA » du « triptyque ». Un jeu sous l’ob­
ALICE GUILHON servation d’examinateurs où cha­
présidente de la CDEFM cun assume tour à tour trois rôles :

APRÈS LES ÉCRITS,


L’ORAL REBAT LES CARTES
Quelle influence les oraux ont-ils sur le classement des
candidats établi à l’issue des écrits ? C’est ce qu’a mesuré
la banque d’épreuves des classes préparatoires « physi-
que technologie » (PT). Elle a fait la synthèse de quatre
années de résultats du concours de l’école d’ingénieurs
des Arts et Métiers (2016-2019) et évalue les écarts entre JANNAÏ M2
le classement des candidats à l’admissibilité (après
les écrits) et le classement final à l’admission (après les OLD SCHOOL ▪ YOUNG MIND*
oraux). Sachant qu’il y a deux fois plus d’admissibles
que de places offertes (1 280 admissibles, 540 places).
Jeune diplômé de l’EM Normandie, ses compétences
Résultat : 20 % des candidats sont admis « grâce » à l’oral,
dans le sens où leur classement parmi les admissibles
séduiront rapidement les recruteurs. Son expérience
ne les positionnait pas, a priori, pour intégrer l’école. professionnelle, acquise en entreprise grâce aux
La même proportion « sort » donc du peloton de tête des stages et à l’alternance, et l’agilité développée tout
admissibles pour se retrouver recalée à l’issue des oraux. au long de son parcours, lui donneront une bonne
« Cette épreuve peut bouleverser les classements », hauteur d’avance.
reconnaît Laurent Champaney, directeur général d’Arts
et Métiers. L’oral permet à certains candidats de faire
un énorme bond en avant, tandis que d’autres chutent.
En 2016, alors que 1 280 candidats étaient classés à l’issue CAEN ▪ LE HAVRE ▪ PARIS ▪ DUBLIN ▪ OXFORD em-normandie.com
des écrits, un étudiant a pu gagner 741 places après l’oral.
A l’inverse, en 2018, un candidat est descendu de 511 pla-
ces. La valeur moyenne de gain sur les quatre années
est de 146 places, celle de la perte de 110, précise l’étude.
6 | à la une LE MONDE CAMPUS JEUDI 6 MAI 2021

DE BALZAC À AYA NAKAMURA


R
édiger un article qui dans un engrenage. » Après quel­
décortique les ex­ ques explications, cela prend fi­
pressions des « jeu­ nalement tout son sens.

DIX EXPRESSIONS DÉCORTIQUÉES


nes », c’est un peu
comme un parent qui « Fais belek »
se risquerait à lancer fièrement « Fais belek, fais belek, fais belek
« Salut les djeunes ! » aux amis de avec moi », clame la rappeuse
ses enfants. Le pari est audacieux
et le risque de passer pour un « Tu connais les bails », « C’est carré », « On se natchave »… Chilla dans un freestyle sur Pla­
nète Rap en 2019. « Marche sans
ringard très fort. S’émanciper du
langage utilisé par les « darons » « Le Monde » décrypte dix expressions contemporaines, garde du corps, t’crois que c’est la
fête, mais faut faire belek », chan­
n’a rien de nouveau, observe le
lexicologue Jean Pruvost, pro­
fruits d’un mélange créatif et multiculturel tait Booba en 2012. Employé par
de nombreux rappeurs, « fais be­
fesseur émérite des universités, lek » est une expression courante.
chroniqueur (« Doc Dico ») sur le « C’est typiquement l’emprunt d’un
Mouv’ et auteur de nombreux – comprenez « tu gères » ou « tu bail pour ce soir ? »). En avril 2021, « C’est claqué une formulation jeune. On l’ou­ mot arabe “bélek”, qui veut dire
ouvrages dont L’Ecole et ses mots assures grave » – dans son tube le rappeur Naps a sorti un titre qui au sol » blie un petit peu, mais le ton joue “attention” », traduit le lexicolo­
(Honoré Champion, 2021). Djadja (« y a pas moyen djadja… », enregistre près de 700 000 vues « Faites du bruit tellement c’était beaucoup. » gue, tout en précisant qu’il peut
Aujourd’hui, ces pratiques se re­ ça y est vous l’avez en tête ?) qui sur YouTube et qui s’intitule… Tu claqué au sol. » Moins littéraire aussi signifier « peut­être ».
nouvellent en particulier avec le rencontre un succès immédiat. connais les bails. Une sorte de mais plus imagée, cette expres­ « Fais pas crari »
rap, source d’inspiration majeure « Il y a cette idée de : tu m’as tuée, « TMTC » (« toi­même tu sais ») des sion – utilisée pour exprimer Employé pour ponctuer une « On se natchave »
des 16­25 ans. « Les rappeurs don­ mais au sens ludique du terme », temps modernes, que l’on peut l’extrême nullité d’un rap, d’un phrase, « crari » peut correspondre Il y a dans cette expression une pe­
nent un sens nouveau à un mot, relève Jean Pruvost. aussi traduire par « tu connais les film ou d’un look vestimentaire – au célèbre tic de langage « genre ». tite résonance artistique, comme
qui sera ensuite repris par les jeu­ *position sexuelle, on vous ren­ projets ». est le fruit de l’imagination du Exemple : « Crari demain j’dois une envie de se laisser tenter par
nes qui les écoutent », poursuit­il. voie à votre moteur de recherche rappeur et youtubeur Mister V m’lever à 8 heures pour deux heu­ un petit pas de « natchave ». Mais
Seuls quelques mots résisteront favori « C’est carré » dans une vidéo datée de 2019. Un res de visio. » Pour sa part, « faire cette expression relève davan­
au passage du temps et viendront Inutile de sortir votre équerre, il nouvel emploi du verbe « cla­ crari » (comprendre « faire genre ») tage de l’envie de partir, de fuir
enrichir la langue française. « Tu connais les ne se cache derrière cette expres­ quer », qui retrouve son sens né­ est utilisé pour tourner en déri­ ou de quitter un endroit. « En
L’éphémérité est la marque de fa­ bails » sion aucun sous­entendu géo­ gatif d’origine, note le professeur. sion le comportement de quel­ romani, “natchav” veut dire “s’en­
brique de ce langage familier qui Bye bye, les baux. En langage métrique. Popularisée par des « L’onomatopée “claque” est ap­ qu’un de prétentieux ou vantard. fuir” », précise Jean Pruvost. Lors­
suppose « le clin d’œil et la créati­ jeune, le pluriel de bail prend un rappeurs tels que Booba ou Moha parue dans la langue française Exemple : « Fais pas crari c’est ton que l’on est fatigué et dépité par
vité ». Dans un ballet de mots bien « s ». Pourtant, le premier sens La Squale [visé depuis septembre en 1480 et a produit le mot “cla­ nouveau scoot t’sais même pas la crise sanitaire, lâcher un « JPP*
orchestré, une expression vient donné au mot bail par les jeunes par une enquête du parquet de quer” qui est très vite devenu fami­ conduire. » « Nous ne sommes de cette crise, vite qu’on se nat­
remplacer une autre, tout comme n’est pas si éloigné de son sens Paris pour agression sexuelle et lier : “claquer du bec” (avoir faim), pas certain de l’origine du mot chave au soleil », croyez­le ou non,
une langue vient se mêler à une originel, estime le lexicologue. séquestration], l’expression « c’est “claquer” (mourir), raconte Jean crari. Certains disent qu’il provient ça fait du bien ! Dans un autre re­
autre. « Latin, grec, arabe, italien, « Au départ, avoir un bail, c’était carré » peut signifier « c’est par­ Pruvost. Dans Le Retour du Tchad du romani, cette langue parlée par gistre, « natchave », prononcé sur
romani, nouchi… Il y a dans le par­ avoir un plan amoureux. Nous fait » ou « ça marche ». Un sens (1928), André Gide écrit déjà “Nous les Tziganes. “Kré rharhi” voudrait un ton sec, peut aussi dire « casse­
ler jeune une véritable mosaïque sommes plutôt proches du voca­ pas si éloigné de celui employé voilà à midi passé claqués”, c’est­à­ dire “faire semblant”, avance Jean toi » ou « dégage ». Deux salles,
des langues », poursuit Jean Pru­ bulaire juridique du contrat. » Pas par Honoré de Balzac, qui avait dire crevés. Il y a une dizaine d’an­ Pruvost. Le romani a nourri assez deux ambiances.
vost, qui nous aide à décrypter celui de location évidemment, un petit penchant pour l’adjectif nées, l’expression positive “ça cla­ vite la langue française et le rap *« J’en peux plus »
dix expressions d’aujourd’hui. mais plutôt le contrat de « carré », analyse Jean Pruvost. que” est entrée dans les diction­ tzigane a aussi pu jouer un rôle. »
confiance scellé par l’amour. Pe­ « En 1844, l’écrivain évoque un “bon naires du nouveau français. Ce qui « On s’enjaille
« Tu dead ça » tit à petit, l’utilisation du mot a sens carré”. Puis, dans Les Petits est intéressant, c’est qu’avec “cla­ « Je me suis fait grave »
C’est Aya Nakamura qui ouvre le été déclinée en différentes ex­ Bourgeois (1855), il parle d’une qué au sol” le mot reprend son engrainer » Le verbe « s’enjailler » (s’amuser,
bal. Connue pour ses chansons pressions variant les sens accor­ “niaiserie carrée”, sous­entendu sens ancien. » Pour le lexicologue pas de doute, ou faire la fête) est entré dans le
qui deviennent très vite virales et dés à ce terme. Désormais, il peut une niaiserie bien faite. C’est drôle « se faire engrainer » est le résultat Petit Larousse en 2016. Une ré­
qui enflamment le dancefloor, la aussi bien signifier « projet » de voir ce mot changer de registre « Le sang » ou d’un « jeu confus entre deux compense bien méritée, d’autant
chanteuse inspire aussi le langage (« C’est quoi les bails ? »), « truc » et devenir un mot familier pour les « le sang de la veine » mots » dont l’orthographe est plus lorsque l’on se plonge dans le
des jeunes. En 2018, elle chante (« J’ai un bail à te raconter ») ou jeunes, alors que c’est aussi un mot A utiliser pour exprimer une proche, mais dont le sens varie. voyage étymologique de ce mot.
« En catchana*, baby, tu dead ça » encore « plan », (« Vous avez un pouvant être littéraire. » proximité forte avec quelqu’un Au départ, « engrainer » est un « “S’enjailler” provient du latin
(« t’es le sang »), ou façon « t’es le verbe qui provient du lexique de “gaudere” qui, à partir du XIIe siè­
sang de la veine » – une expres­ la chasse et de la pêche. « En lyon­ cle, va donner “joir” (avoir du plai­
sion popularisée par le rappeur nais, c’est appâter le poisson en sir) et un verbe, aujourd’hui oublié,
Jul. Difficile de trouver une ima­ mettant des graines. En Provence, “enjoir” (donner du plaisir). Nos
ge plus symbolique que celle du c’est faire un chemin de grains amis les Anglais nous l’ont em­
sang pour décrire l’amitié entre pour attirer le gibier jusqu’au prunté et ont créé le verbe “enjoy”
deux personnes. « Les amitiés ou chasseur », explique Jean Pruvost. (s’amuser). Puis, à la fin des années
même les amours sont d’une im­ Une variante d’« engrener » qui lui 1970, ce verbe va donner naissance
mense intensité à cet âge, donc ils veut dire remplir de grains la tré­ à “s’enjailler” en nouchi, l’argot
prennent ce qu’il y a de plus fort : mie d’un moulin et dont engre­ parlé en Côte d’Ivoire [un mélange
le sang, remarque Jean Pruvost, nage est un dérivé. Aujourd’hui, de langues africaines, de français
pour qui la manière de pronon­ « se faire engrainer », c’est se faire et d’anglais] ». Avant de revenir
cer est importante. Le mot sang a entraîner sur le mauvais chemin. bien plus tard chez nous pour
toujours donné lieu à des expres­ « Il y a dans cette expression l’idée enjailler la langue française. j
sions. Là, c’est le ton qui donne d’être appâté, mais aussi d’être pris romane pellen

« IL EST DIFFICILE D’AFFIRMER QU’IL EXISTE


INTÈGRE L’ÉCOLE UNE FAÇON DE PARLER PROPRE AUX JEUNES »

QUI DONNE VIE À S elon Auphélie Ferreira, doc­


torante en sciences du lan­
gage à la Sorbonne­Nou­
on a ajouté la terminaison des
verbes du premier groupe en fran­
çais « ­er ». On retrouve le même
également observé que le terme
« niafou », qui évoque une per­
sonne mentalement dérangée en

TES IDÉAUX ! velle, les différentes pratiques


langagières sont plus liées à un
environnement social, géogra­
phique, culturel qu’à un âge.
processus avec « liker » (« aimer »,
en anglais). Tout le monde utilise
des emprunts, y compris le prési­
dent de la République, quand il
bambara, devient, employé en
français, discriminant, voire insul­
tant, pour les femmes noires.

parle de « disrupter ». Il existe Il y a quelques années, le lin­


Les jeunes ont­ils une façon d’autres processus de création, guiste Alain Bentolila affirmait
de parler qui leur est propre ? comme la vernalisation : l’inver­ que certains jeunes ne maîtri­
Il est difficile d’affirmer qu’il y a sion des syllabes. « Québlo » pour saient « que 400 mots de voca­
INSCRIS-TOI À NOS CONCOURS une façon de parler propre aux « bloqué », par exemple. Ou l’apo­ bulaire ». On a pu aussi enten­
jeunes. L’âge n’est qu’une donnée cope : la suppression de la fin d’un dre qu’ils ne savaient pas navi­
BACHELOR HORS PARCOURSUP biologique autour de laquelle des mot, comme « mytho » pour guer entre plusieurs niveaux
groupes sociaux sont construits. « mythomane ». Encore une fois, de langue. Qu’en pensez­vous ?
PROGRAMMES BAC+4/+5 La catégorie « jeune » a pu être dé­ ces procédés sont utilisés par Je ne sais pas comment ce lin­
finie selon des critères d’indépen­ tous. Le débit, en revanche, peut guiste a obtenu ce chiffre, c’est
Programmes certifiés dispensés sur les campus de Paris & Toulouse dance pour les démographes : fin être un marqueur de jeunesse. Le impossible ! Un enfant qui entre
des études, entrée dans la vie ac­ nombre de mots par minute dans en maternelle a déjà à sa disposi­
tive, départ du domicile familial… certains enregistrements avec tion 400 mots. D’ailleurs, dans un
Mais ces critères ne sont plus tout des locuteurs qui se connaissent autre rapport, le même linguiste
à fait valables aujourd’hui. Ainsi, est assez impressionnant. Mais note qu’« à la fin du CE1, les en­
des phénomènes linguistiques les données manquent pour com­ fants au vocabulaire le plus pauvre
observés chez les jeunes sont parer la prosodie des jeunes et (…) connaissent une moyenne de
HUMANITAIRE•ESS•SOLIDARITÉ souvent présents chez d’autres
locuteurs du français, plus âgés.
celle du reste de la population. 3 000 mots radicaux ». Dans les
entretiens que j’ai réalisés, un
RSE•DÉVELOPPEMENT DURABLE Argot, verlan, emprunts aux
L’invention de nouveaux
mots n’est pas non plus
même locuteur parle avec moi :
dans un enregistrement, il est
langues étrangères : le lexique la chasse gardée des jeunes ? interviewé sur ses pratiques lan­
des jeunes générations semble Lorsqu’un nouvel objet apparaît, gagières, et dans un autre, il
être en mouvement permanent. nous avons besoin d’un terme parle, moins formellement, du
Comment évolue­t­il ? nouveau pour le désigner. On a stage qu’il effectue. On observe
Du côté du lexique, on retrouve ainsi vu apparaître l’expression bien qu’il s’adapte au sujet de la
toujours les mêmes procédés lin­ « en distanciel » avec la pandémie. conversation et aux rôles. Par
guistiques pour former les mots Ces mots nouveaux ne viennent exemple, il n’omet jamais le
nouveaux. Prenons les emprunts, pas remplacer les termes exis­ « que » après les verbes « croire »
www.ecole3a.edu par exemple. Un emprunt corres­
pond à une création d’un mot en
tants. Par exemple, « lossa » (verlan
de « salaud ») a une connotation
ou « penser » quand il parle de
ses pratiques langagières, mais
imitant un mot d’une autre lan­ positive, c’est l’homme séduisant, se permet ces fautes syntaxiques
gue et en l’adaptant au besoin. Le rusé : « Mon bébé c’est mon lossa » dans l’autre enregistrement. j
terme « kiffer » est issu de l’arabe (Aya Nakamura, Mon lossa). Une propos recueillis par
kif (« passion », « plaisir ») auquel linguiste, Emmanuelle Guerin, a marine miller
LE MONDE CAMPUS JEUDI 6 MAI 2021
génération | 7
LA RELÈVE

JESSICA
GÉRONDAL MWIZA
LE RWANDA
ET LE COMBAT
AU CŒUR
Cette Franco-Rwandaise
de 28 ans, éducatrice et militante
associative, lutte pour la mémoire
du génocide des Tutsi
Jessica Gérondal Mwiza, au Perreux­sur­Marne (Val­de­Marne), le 23 avril. BRUNO LEVY/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

D’
emblée, le ton génocidaires planqués en Afrique, toujours sculpturalement nattée. En 2017, elle claque la porte et « Après certains de ses tweets vi­
est donné. « “Le en Belgique et en France conti­ Son regard d’enfant ne saisit pas rejoint Ibuka, toujours avec la co­ rulents, je reçois des appels de
Monde” ? Je nuent de relayer l’idée selon la­ alors l’infinie détresse dans la­ lère comme carburant, quitte à personnes médusées », s’amuse
m’abonne, puis quelle des Tutsi ont aussi massa­ quelle se trouve cette femme bri­ embrasser le stéréotype raciste Etienne Nsanzimana, président
me désabonne… cré des Hutu. C’est une bataille sée par l’assassinat de ses pa­ « QU’ON ME de la femme noire en colère. d’Ibuka France. « Elle nous secoue
Trop d’articles m’énervent ! », ba­ sans relâche sur les réseaux so­ rents. « Ma mère est retournée au PERÇOIVE « Qu’on me perçoive comme un dans le bon sens et rafraîchit notre
lance­t­elle. Jessica Gérondal ciaux, nous ne devons pas laisser Rwanda après le génocide, et en cliché m’importe peu. Que j’agace, militantisme », se réjouit­il.
Mwiza, 28 ans, ne s’embarrasse le terrain aux négationnistes. » est revenue changée à jamais. Elle COMME UN aussi. Les gens vont devoir enten­ A 28 ans, dont quinze années à
pas des formes. La jeune femme a Le combat « pour la vérité et la a subi un choc. » Les huit années CLICHÉ dre que notre colère, à nous les militer, la jeune femme se cher­
fait du parler cash sa marque de justice » se prolonge dans les suivantes sont marquées par les femmes noires, est légitime vu che à présent un espace de respi­
fabrique, que ce soit sur les ré­ salles de classe. Plusieurs fois séjours à l’hôpital de cette mère M’IMPORTE PEU. tout ce qu’on subit. » Ce franc­ ration, hors de France. Et se pro­
seaux sociaux ou sur les plateaux par an, accompagnée d’une per­ traumatisée. Jessica Gérondal QUE J’AGACE, parler, « son côté français » com­ jette dans une vie quelque part
télé, où elle étrille régulièrement sonne survivante du génocide, Mwiza garde de ce long calvaire me elle l’appelle, heurte parfois en Afrique. « Je n’ai d’autre choix
des journalistes et des responsa­ elle va à la rencontre de collé­ le souvenir de moments tristes, AUSSI » certains dans la communauté que de fuir le racisme, même si la
bles politiques français. Elle les giens et de lycéens. Face à des mais aussi d’épisodes lumineux. rwandaise dans laquelle la ré­ France, je ne la renie pas. Je suis à
accuse de propager « des menson­ élèves français qui méconnais­ « Quand j’avais un gros chagrin, serve et les tabous familiaux liés 300 % française ! » j
ges » à propos du génocide contre sent la tragédie qu’a vécue le ma mère me faisait les ongles. au génocide musellent les êtres. coumba kane
les Tutsi, tragédie qui lui a arraché Rwanda d’avril à juillet 1994, Aujourd’hui, quand ça ne va pas,
sa mère et ses grands­parents. Jessica Gérondal Mwiza tente de je sors mon vernis rouge ! »
Cibles récurrentes de ses tweets décortiquer les rouages d’un L’engagement pugnace de la
cinglants ? Les gardiens du tem­ génocide. « Quand ils entendent jeune femme naît de cette his­
ple de la Mitterrandie qui défen­ les témoignages des rescapés, les toire traumatique. Son grand­
dent la mémoire de l’ancien pré­ enfants sont scotchés. Je leur ex­ père maternel, ministre du der­

SI MES DÉFAUTS
sident, dont Hubert Védrine, se­ plique que tout part des mots. nier roi tutsi du Rwanda, jouis­
crétaire général de l’Elysée au Quand on traite une personne de sait d’un grand respect avant les
moment du génocide. « Il passe cafard, on lui retire son humanité. tueries. Pendant plusieurs se­
son temps à nier sa responsabi­ Et son droit de vivre. Le racisme, maines, lui et sa femme vivent
lité », s’indigne­t­elle, faisant fi ce n’est pas les gentils contre les cachés, protégés par des voisins.

NE VOUS
des récentes conclusions des rap­ méchants. C’est une mécanique Ils sont assassinés quelques jours
ports Duclert et Muse, qui dis­ qui, pensée et organisée, peut avant la fin du génocide par des
culpent le cercle de l’ancien pré­ causer des millions de morts miliciens Interahamwe, respon­
sident de toute responsabilité comme lors de la Shoah », rap­ sables d’une grande partie des
dans les tueries. « Ces rapports pelle cette éducatrice de rue, qui massacres. Comment continuer

PLAISENT PAS,
sont un très joli coup de commu­ travaille dans le XIXe arrondis­ à vivre, à rêver, quand une partie
nication pour sauver les intérêts sement de Paris. de sa famille a été exterminée ?
de la France et du Rwanda », Chez Jessica Gérondal Mwiza,
poursuit­elle. « Courir après les LUTTE AFROFÉMINISTE l’émotion s’est transformée en
archives de la partie accusée, ça Née d’une mère rwandaise, d’un arme politique.
n’a pas de sens ! Ce qu’il faut, c’est père alsacien et belge, élevée A 15 ans, elle s’engage auprès

RASSUREZVOUS,
la justice. Elle doit poursuivre dans une cité HLM de Six­Fours­ du Mouvement des jeunesses
ceux qui savaient qu’un génocide les­Plages (Var), Jessica Gérondal socialistes (MJS) du Var pour
se préparait, ceux qui ont armé, fi­ Mwiza a longtemps cherché sa « changer le monde ». « C’était ra­
nancé des tueurs en puissance. place. Ne l’appelez pas métisse, dical ! Dans ce département où
Qu’ils soient hauts gradés ou elle y voit un concept raciste. l’extrême droite était très ancrée,

J’EN AI D’AUTRES
hommes politiques », assène la « Un Italo­Français n’est jamais un simple collage d’affiches la
Franco­Rwandaise, âgée de 2 ans perçu comme métis. Ce terme nuit se terminait par une course­
lors des faits, en 1994. sous­entend que le noir est dilué poursuite avec des skinheads ! »,
Au sein d’Ibuka France, l’associa­ dans le blanc, comme si cela atté­ se remémore­t­elle dans un grand
tion pour la mémoire du génocide nuait le fait d’être noir. Quand des éclat de rire.
des Tutsi du Rwanda dont elle est gens, avec un air curieux et mal­

EN STOCK.
la vice­présidente, Jessica Géron­ sain, tentent de savoir comment « COLÈRE LÉGITIME »
dal Mwiza lutte à sa manière, tran­ je suis arrivée à mon apparence, En huit ans, elle gravit les éche­
chante et frontale, contre le révi­ c’est du racisme biologique », lons jusqu’à devenir numéro deux
sionnisme et le négationnisme, s’agace la jeune femme. du mouvement au niveau natio­
des poisons qui « assassinent la D’aucuns l’accusent d’être « ob­ nal, en tant que trésorière. Bien
mémoire » des 800 000 morts et sédée par la race » à porter autant que titulaire d’une licence de
des rescapés. Pour débusquer les sa couleur en étendard. Elle leur droit, elle, la fille d’électricien,
théories négationnistes, elle éplu­ répond avoir été « racisée » toute souffre d’un énorme complexe
che les productions abordant sa vie, des cours de récréation d’infériorité. Elle engloutit les
l’histoire du génocide, que ce soit dans le Sud à l’entourage de sa fa­ ouvrages de sciences politiques et

IL EST TEMPS
des romans, une série Netflix ou mille paternelle qui lâchait des se révèle redoutable lors des réu­
un article de presse, et qui se dif­ « blagues » racistes sur la forme nions militantes. « Quand un sujet
fusent jusque dans des cercles de son nez. « Toute ma vie, j’ai lui tient à cœur, elle monte au cré­

D’ÊTRE SOIMÊME.
antiracistes et décoloniaux. « Des vécu l’expérience d’une femme neau ! Elle va au bout de ses idées et
noire. Donc, j’en suis une », se dé­ il faut être solide en face pour réus­
fend­elle, n’en déplaise à ceux qui sir à contre­argumenter », se sou­
« LE RACISME, jugent sa peau bien trop claire et vient Lorenzo Salvador, un ancien
À l’EM Strasbourg, nous avons la prétention de croire que (tous) vos défauts
CE N’EST PAS LES ses cheveux pas assez crépus compagnon de lutte.
pour prétendre subir le racisme. Au sein de l’instance socialiste, font qu’il n’y en a pas deux comme vous. Alors, continuez à ne faire qu’un pour
GENTILS CONTRE Pour se forger cette identité, Jessica Gérondal Mwiza tente de nous révéler l’étendue de vos talents cachés.
LES MÉCHANTS. l’adolescente dévore les autrices mobiliser ses camarades autour
Distinguez-vous en étant vous-même. be distinctive
afroféministes américaines et de la lutte contre le racisme. Mais
C’EST UNE françaises, de bell hooks à Ro­ elle dit s’être heurtée « à un mur ».
MÉCANIQUE QUI, khaya Diallo. « J’ai grandi dans la Désormais, les récentes critiques
pauvreté, je suis une femme et du PS contre les réunions non
PENSÉE ET noire. De fait je subis trois oppres­ mixtes de l’UNEF la font grincer
ORGANISÉE, sions. L’afroféminisme fait le lien des dents. « Quand j’organisais
entre toutes ces dominations im­ des ateliers de formation pour les
PEUT CAUSER briquées », justifie­t­elle. cadres du parti sur les questions
DES MILLIONS Son modèle par excellence reste de racisme, personne ne venait.
sa mère, décédée quand elle avait Maintenant, ils réclament le droit
DE MORTS » 10 ans. Une « déesse » de 1,88 m, d’y participer. Quelle blague ! »
8 | l’entretien LE MONDE CAMPUS JEUDI 6 MAI 2021

J’AVAIS 20 ANS Cinq dates


1981 Naissance

« MA MÈRE
à Chenôve (Côte-d’Or)
2002 Inscription
au Cours Florent, à Paris

ME DISAIT
2007 Premier
seul-en-scène, Annulé
2012 Débuts

DE FAIRE
sur France Inter
2021 Le roi n’avait pas ri
(JC Lattès)

DU THÉÂTRE
POUR
CANALISER MES que je devrais faire du théâtre pour canaliser
mes conneries. Mais ça ne m’avait jamais

CONNERIES »
trop botté jusque­là. A l’époque, le théâtre
était mal enseigné, les seules images qu’on
avait, c’était Gérard Philipe en costume d’épo­
que dans des vieux livres de poche. Quand tu
es ado, ça ne fait pas rêver… Finalement, je

GUILLAUME MEURICE
n’ai pas décroché ma licence. J’avais encore
triché, sauf que cette fois je me suis fait pren­
dre. Donc je suis parti à Paris avec ma petite
valise pour débuter le Cours Florent.

A 21 ans, comment avez­vous vécu


votre arrivée à la capitale ?
Le « clown de la classe » passé Paris a toujours été pour moi un immense

humoriste sur France Inter


terrain de jeu. J’ai multiplié les jobs d’étu­
diants : baby­sitting, agent courrier dans une

s’est révélé au Cours Florent filiale de la Société générale, vendeur de sa­


pins aux Galeries Lafayette, de journaux à la
gare Saint­Lazare… Je travaillais la journée
pour me payer les cours Florent du soir, trois
Guillaume Meurice à Paris, en décembre 2020. OLIVIER ROLLER fois par semaine. Les autres soirées, je les pas­
sais à réviser ou à faire la fête. Je ne dormais
pas beaucoup, c’était vraiment que du kif.
Je vivais cela très bien, car je n’avais pas
vraiment d’objectif, ni de revanche à pren­

Q
uand Guillaume Meurice ar­ d’un départ anticipé à la SNCF pour acheter en faire un métier. J’avais des facilités sans dre sur la vie. Mes parents m’avaient donné
rive à la rédaction du journal une Maison de la presse à Jussey, une bour­ travailler. Sinon, chez moi, je n’avais pas la confiance en moi, je n’ai pas de faille affec­
Le Monde, la scène se trans­ gade encore plus perdue, en Haute­Saône. télévision, et je pense qu’on dirait aujour­ tive. Aujourd’hui, je ne fais pas humoriste
forme inévitablement en C’est rapidement devenu l’endroit dans le d’hui que j’avais un capital culturel et social pour combler un manque ou pour me faire
sketch. Deux minutes après village où les gens venaient discuter ou dé­ pas dégueu. C’est un peu un piège car lors­ aimer. J’ai eu une chance incroyable d’avoir
notre rencontre, nous som­ battre. C’était un peu une ambiance de bis­ que je suis arrivé au lycée Edouard­Belin de des parents tels que les miens et je pense
mes coincés au milieu de la porte tambour, trot, sauf qu’il n’y avait pas d’alcool, donc les Vesoul, le niveau a augmenté et mes notes que c’est ce qui explique que je n’aie pas
bloquée. L’un dedans, l’autre dehors. Une gens ne finissaient jamais saouls à se taper n’ont cessé de baisser. J’ai fini par rater mon d’ambition. Je ne vois pas mon métier
manœuvre foireuse qui déclenche instanta­ sur la gueule. C’était toujours très rigolard et bac. Je l’ai passé en 1998, l’année de la comme un truc de fanfaron, je prends les
nément une lumière rouge clignotante, une jovial. Nous habitions au­dessus du maga­ Coupe du monde. Je préférais regarder les choses telles qu’elles viennent. D’ailleurs, le
alerte, l’intervention d’un agent de sécurité… sin, donc j’ai vraiment grandi là­dedans. Je matchs plutôt que réviser… Je ne suis métier d’humoriste est éphémère et je n’ai
Puis c’est le portique suivant qui se referme ne pigeais pas trop ce qui s’y jouait ou tout même pas allé aux rattrapages. Après cette pas l’intention de durer.
sur lui brutalement, refusant de le laisser en­ ce qui se disait, mais c’était très stimulant. année, j’ai eu une espèce de sursaut, je me
trer, et l’obligeant à se contorsionner pour J’ai eu une enfance très heureuse. suis mis à bosser et j’ai eu mon bac S avec Faire rire les autres, c’est ce qui vous
s’extirper de cette galère. « C’est pire qu’un mention assez bien. a motivé à faire du théâtre ?
aéroport ici ! », lâche l’humoriste de 39 ans, Vous êtes un humoriste très engagé A l’époque, il y avait un stage de trois se­
dont le deuxième roman, Le roi n’avait pas ri à gauche, tendance écolo. Etiez­vous déjà Vous avez alors choisi de faire un DUT maines avant d’intégrer la première année
(JC Lattès, 300 pages, 20 euros), paru le comme ça à 20 ans ? Quelle est la part de « gestion des entreprises et du Cours Florent. Moi, je n’avais jamais fait
17 mars, retrace l’histoire de Triboulet, le d’héritage familial ? des administrations » à Besançon. de théâtre de ma vie, c’est un univers que je
bouffon de Louis XII et de François Ier. J’ai toujours été de sensibilité de gauche Pourquoi ce choix d’orientation ? ne connaissais pas. Le jour de l’échéance,
En quelques années, les micros­trottoirs de parce que j’ai grandi là­dedans. J’ai des pa­ C’est bizarre, hein ? Je ne savais pas quoi nous devions réciter un petit texte devant
Guillaume Meurice, diffusés dans le cadre de rents soixante­huitards. Ils n’étaient pas faire, c’est triste à dire mais à 18 ans je trois profs. Je suis passé à la fin et je jouais
l’émission « Par Jupiter ! » sur France Inter et membres d’un parti politique, mais adhé­ n’avais pas d’ambition ni de rêve. J’ai plus un journaliste belge assez marrant. Tous
qui mêlent avec humour la critique politique, rents de Greenpeace. Etre écolo à l’époque, « J’AI EU ou moins suivi un pote en me disant que mes camarades étaient dans le public, dé­
le sarcasme et la mauvaise foi, sont devenus ce n’était vraiment pas à la mode. Je me sou­ UNE CHANCE c’étaient des études assez larges et que je tendus après leur passage. Je me souviens
des petits phénomènes. Au point que sa viens que lors de l’élection présidentielle de trouverais bien quelque chose à faire. Et encore de la sensation qui m’a parcouru en
chronique, « Le Moment Meurice », fait par­ 1988, au premier tour, mes parents étaient INCROYABLE puis l’idée, c’était aussi de quitter Vesoul faisant marrer les gens. Je me suis dit : « O.K.,
tie des podcasts les plus téléchargés de Radio allés au dépouillement des bulletins. Ils vo­ D’AVOIR DES pour Besançon, la ville à côté. J’avais envie c’est bon, je suis à ma place. » C’était le dé­
France (1 653 000 écoutes quotidiennes, taient tout le temps écolo, sauf que cette de partir de chez moi, je trouvais l’aventure clic : à ce moment­là, je savais que j’avais fait
selon le dernier bilan de Médiamétrie). fois­ci il n’y avait qu’une seule voix dans le PARENTS TELS marrante. C’étaient deux bonnes années le bon choix. Ensuite on m’a toujours choisi
Depuis toujours, Guillaume Meurice fait village pour le candidat, Antoine Waechter. QUE LES MIENS. étudiantes, pendant lesquelles je n’ai pas pour les rôles marrants.
rire les autres. Pour Le Monde, il revient sur Ma mère savait que c’était elle qui avait voté beaucoup travaillé, on ne va pas se mentir. D’ailleurs, j’avais souvent des débats avec
ses 20 ans : son adolescence heureuse à pour lui. Mon père a dû admettre qu’il avait JE PENSE J’ai obtenu mon diplôme en trichant, je l’ai un prof qui n’aimait pas les one­man­shows
Jussey (Haute­Saône), au­dessus de la Maison voté pour François Mitterrand. C’est devenu QUE C’EST CE déjà avoué, je n’en suis pas fier. On avait tout et qui disait que ce n’était pas du théâtre. En
de la presse de ses parents, ses études en IUT une anecdote familiale, et elle lui reproche un système de triche avec des copains, qu’on deuxième année, nous avions un examen in­
et sa passion pour l’Olympique de Marseille. encore aujourd’hui ! QUI EXPLIQUE appelait des « MAP », « mémoires assistés par titulé « scène libre ». Avec un copain, nous
Le parcours d’un jeune homme « sans ambi­ L’année de mes 20 ans, c’est une année de QUE JE N’AIE papier ». On photocopiait les cours en tout avons choisi de faire un sketch d’Elie Semoun
tion » qui s’est laissé porter par le vent, avant bascule pour moi, parce que je me suis poli­ petit et on les mettait dans les armatures de et Dieudonné. Ce qui est génial avec l’hu­
d’assumer sa passion pour la scène et de se tisé, j’ai commencé à acheter Charlie Hebdo PAS D’AMBITION » la table. C’était assez étudié, on avait un véri­ mour, c’est que tu as une espèce de résultat
sentir à sa place au Cours Florent. et à vraiment m’intéresser à ce qu’il se pas­ table savoir­faire dans le domaine. Quelques direct, donc j’ai vu mon prof se marrer.
sait autour de moi. En plus, c’était 2002, une années plus tard, l’IUT de Besançon m’a C’était trop tard pour lui, il ne pouvait plus
Pourquoi avoir voulu écrire un livre année d’élection présidentielle. La politi­ contacté pour présider la remise de diplôme. nous dire que ce n’était pas drôle ! J’étais très
sur les bouffons du roi ? que, ce n’est pas un truc qui me faisait peur, Mais entre­temps, ils sont tombés sur l’arti­ satisfait, c’est le côté petit con que j’avais déjà
Parce que j’occupe à peu près la même je me suis toujours dit que ces questions­là cle dans lequel je racontais ma tricherie et j’ai à l’école et que j’ai encore maintenant, ce côté
place aujourd’hui dans la structure de hié­ me concernaient, parce que j’ai toujours en­ été remplacé… Ce que je comprends. « Ah ouais il ne faut pas faire ça ? Moi je vais le
rarchie du pouvoir, qui est malheureuse­ tendu des discussions politiques chez moi. faire et tu ne vas pas être déçu ».
ment très verticale. Ça m’intéressait de voir En revanche, à l’époque, je n’étais pas végé­ Après votre IUT, vous poursuivez vos
l’impact du rire et de l’humour sur le pou­ tarien. Je le suis devenu à cause ou grâce à études en licence à Aix­en­Provence. Diriez­vous que 20 ans était votre plus
voir. J’ai tendance à dire que le pouvoir ins­ mes chroniques. Comme j’aime bien poin­ Mais tout ne se passe pas comme prévu… bel âge ?
talle un cadre, et que le rire est là pour le pé­ ter les contradictions chez les gens, certains Je voulais aller dans cette région car mon L’année de mes 20 ans commence avec le
ter. La question que l’on me pose tout le l’ont fait à leur tour en m’interpellant sur rêve de gosse, c’était d’être abonné au Stade 11 septembre 2001 et se termine avec Jean­
temps, c’est si l’on peut rire de tout. Ce livre ma consommation de viande. Donc je suis Vélodrome et de voir des matchs de foot de Marie Le Pen au second tour de l’élection pré­
me permet non pas d’y répondre, mais de devenu végétarien. l’OM. J’aimais bien l’émulation du stade, on sidentielle, donc c’est quand même une sorte
me pencher sur les limites du rire, sans pour ne retrouve ça nulle part ailleurs. Et puis j’ai d’année de l’apocalypse. Mais c’est à cet
autant faire une thèse sur l’humour. De l’école au lycée, quel genre d’élève commencé à décrocher de cette ambiance âge­là que j’ai choisi de faire du théâtre, et
étiez­vous ? de supporteurs, qui est quand même un peu c’est une décision qui a changé le cours de ma
Où avez­vous grandi ? J’étais le clown de la classe, c’est cliché, mais balourde. vie. Donc ces deux ingrédients­là font que
Dans la campagne profonde. Mes parents bon, c’est le cas. J’aimais bien faire rire mes J’ai suivi une licence d’administration pu­ c’est une année particulière. Je pense que je
habitaient dans un tout petit patelin de camarades, répondre aux profs, mettre mon blique à l’Institut d’études politiques d’Aix. suis mieux dans mes baskets aujourd’hui. Le
moins de 400 habitants qui s’appelle Lechâ­ grain de sel partout et avoir le dernier mot. Mais rapidement je me suis renseigné pour Guillaume Meurice de 20 ans dirait à celui de
telet (Côte­d’Or). Ma mère était femme au Ça n’a pas beaucoup changé, d’ailleurs, mais être comédien, et je me suis dit que j’allais presque 40 : « Tu t’en es bien tiré, putain ! » j
foyer et mon père était cheminot. Il a profité je ne savais pas à l’époque que l’on pouvait tenter cette voie. Ma mère me disait souvent romane pellen

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