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SESSION 2021
FRANÇAIS
ÉPREUVE ANTICIPÉE
Coefficient : 5
Dès que ce sujet vous est remis, assurez-vous qu’il est complet.
– Faites quelques balles avec lui, dit-il de sa voix caverneuse. Voyons un peu ce
qu'il sait faire.
Le visage de ma mère s'éclaira. L'idée que je n'avais tenu que trois ou quatre fois
la raquette de tennis à la main ne la préoccupait nullement. Elle avait confiance en
5 moi. Elle savait qui j'étais. Les petits détails quotidiens, les petites difficultés pratiques
n'entraient pas en ligne de compte. J'hésitai une seconde et puis, sous ce regard de
confiance totale et d'amour, j'avalai ma honte et ma peur et, baissant la tête, j'allai à
mon exécution.
Ce fut vite fait – mais il me semble parfois que j'y suis encore. Je fis, bien entendu,
10 de mon mieux. Je sautais, plongeais, bondissais, pirouettais, courais, tombais,
rebondissais, volais, me livrant à une sorte de danse de pantin désarticulé, mais c'est
tout juste si je parvenais parfois à effleurer une balle, et encore, uniquement avec le
cadre de bois – tout cela sous l'œil imperturbable du roi de Suède, qui m'observait
froidement, sous le fameux canotier1. On se demandera sans doute pourquoi j'avais
15 accepté de me laisser conduire ainsi à l'abattoir, pourquoi je m'étais aventuré sur le
terrain. Mais je n'avais pas oublié ma leçon de Varsovie2, ni la gifle que j'avais reçue,
ni la voix de ma mère me disant : « La prochaine fois, je veux qu'on te ramène à la
maison sur des brancards, tu m'entends ? » Il ne pouvait être question pour moi de
me dérober.
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1 Canotier : chapeau d’été. Dans le roman, le roi de Suède est reconnaissable à ce chapeau.
2 La leçon de Varsovie renvoie à un épisode précédent durant lequel le narrateur a laissé sa mère se
faire insulter sans réagir. Elle ne lui a pas pardonné de n’avoir pas défendu son honneur.
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Compte tenu de l’œuvre et du parcours étudiés durant l’année, vous traiterez l’un des
trois sujets suivants :
Contraction de texte
Vous résumerez ce texte en 195 mots. Une tolérance de +/- 10 % est admise : votre
travail comptera au moins 175 et au plus 215 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de
votre contraction, le nombre total de mots utilisés.
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1
Colon : une des orthographes possibles de Christophe Colomb.
2 Pierre Martyr d’Anghiera (1457-1526) : écrivain proche des souverains espagnols, il fut le premier à
779 mots
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3 Pullulent : se multiplient.
Texte d’Eloïse Lhérété, « Les livres ont du pouvoir », Sciences humaines, n° 321,
janvier 2020.
Contraction de texte
Vous résumerez ce texte en 189 mots. Une tolérance de +/- 10% est admise : votre
travail comptera au moins 170 mots et au plus 208 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de
votre contraction, le nombre total de mots utilisés.
Qu’est-ce qu’un livre qui compte dans une vie ? C’est un livre qui résonne et qui
nous fait vibrer. Il excite notre pensée, notre sensibilité et notre imagination, comme la
vibration d’une corde de violon fait résonner son « âme », cette pièce de lutherie placée
au cœur de l’instrument. Il dessille 1 notre regard, intensifie nos émotions, révèle des
5 passions sourdes, attise un feu de souvenirs personnels, nous fait rire, nous console,
nous soigne, nous inspire, nous convainc, nous embarque, nous nourrit, amplifie notre
vie. Par sa puissance, il laisse une empreinte. « Peu de livres changent une vie,
souligne le romancier Christian Bobin. Et quand ils la changent, c’est pour
toujours. » […]
10 Pourquoi certains livres nous parlent-ils autant, au point de nous changer ? Une
réponse tient à l’espace-temps qu’ils instaurent. L’expérience littéraire autorise
l’exercice de la réflexivité. Dans nos vies denses et hyper connectées, elle ouvre un
théâtre en marge du monde, à l’écart de son tumulte et de ses influences, où l’on peut
enfin « être à soi » : rêver, penser, se poser des questions, tirer des fils, tisser des
15 liens. Proust évoque finement « le miracle fécond d’une communication au sein de la
solitude ». Par le détour d’un texte, dont je ne retiens d’ailleurs qu’une partie qui me
convient, je suis renvoyé à moi ; à travers les mots d’un autre, je discute avec moi-
même, fabrique des associations d’idées, trame des histoires. Là où l’écran
d’ordinateur barre l’horizon, le livre incite à voir plus loin : « Ne vous est-il jamais arrivé,
20 lisant un livre, de vous arrêter sans cesse dans votre lecture, non par désintérêt, mais
au contraire par afflux d’idées, d’associations ? En un mot, ne vous est-il pas arrivé de
lire en levant la tête ? », interroge Roland Barthes.
Du philosophe Sénèque jusqu’au neuropsychiatre Boris Cyrulnik, nombreux sont
les penseurs à avoir conçu la lecture comme un tremplin vers la vie spirituelle.
25 Méditation, rêverie, voyage mental… Les bons livres nous transportent, dans tous les
sens du terme. B. Cyrulnik témoigne ainsi du rôle que tinrent les romans pendant son
756 mots
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2 Aiguillonné : stimulé.
3 Essaime : se diffuse.
Contraction de texte
Vous résumerez ce texte en 198 mots. Une tolérance de +/- 10% est admise : votre
travail comptera au moins 178 mots et au plus 218 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de
votre contraction, le nombre total de mots utilisés.
On peut estimer que l’unité des Lumières réside dans la conviction qu’une large
diffusion du savoir permettra une amélioration collective des conditions de vie. […]
C’est là que réside l’universalisme des Lumières : en théorie, chacun est capable de
penser de façon autonome, et le savoir doit donc être destiné à tous, à travers
5 l’éducation et grâce à l’imprimé. […]
Pour l’essentiel, et malgré des divergences sur la façon d’y parvenir, les écrivains
des Lumières partageaient le souci de diffuser les connaissances et de s’adresser à
un large public. Leur objectif n’est pas tant de convaincre le public le plus large que de
lui donner les outils de la critique, c’est-à-dire de contribuer à l’émancipation1
10 individuelle et collective. Ce désir d’émancipation, que l’on associe à juste titre aux
Lumières, passe donc par le savoir, par la connaissance : celle-ci est un préalable à
toute émancipation politique future. Mais une difficulté surgit aussitôt. Si cet accès à
l’autonomie est fondamentalement individuel au sens où il implique la capacité de
chacun à penser librement, à discerner l’erreur de la vérité, il est aussi nécessairement
15 collectif. C’est un point qu’Emmanuel Kant a bien mis en évidence. Après avoir défini
l’Aufklärung (« les Lumières » en allemand) comme la « sortie de l’homme hors de
l’état de minorité », il précise que cette émancipation intellectuelle est presque
impossible pour chaque homme pris séparément, à cause de la force des préjugés.
En revanche, « le public », pris comme un ensemble de lecteurs, peut s’éclairer grâce
20 au rôle actif du petit nombre de ceux qui ont su « rejeter le joug2 » de la tradition et qui
pourront, grâce à la liberté d’expression, propager autour d’eux le principe de
l’indépendance et de la raison.
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1 Émancipation : libération, action de s’affranchir d’un état de dépendance.
2 Joug : ici, domination, tyrannie.
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3 Hétérodoxes : qui ne se conforment pas aux idées, aux opinions traditionnellement admises.
4 Libelle : écrit court dénonçant une personne ou un groupe de personnes.