Vous êtes sur la page 1sur 17

Revue du monde musulman et de

la Méditerranée

Architecture et urbanisme en Algérie. D'une rive à l'autre (1830-


1962)
Aleth Picard

Citer ce document / Cite this document :

Picard Aleth. Architecture et urbanisme en Algérie. D'une rive à l'autre (1830-1962). In: Revue du monde musulman et de la
Méditerranée, n°73-74, 1994. Figures de l'orientalisme en architecture. pp. 121-136;

doi : https://doi.org/10.3406/remmm.1994.1671

https://www.persee.fr/doc/remmm_0997-1327_1994_num_73_1_1671

Fichier pdf généré le 22/04/2018


Aleth Picard*

Architecture et urbanisme en Algérie

D'une rive à Vautre

(1830-1962)

ses
culture
fondement
contrôle
colonie
d'illustrer
proposés
la
des
de
méditerranéenne.
pour
mouvement
des
1930 fois
ville
Les
Perret
débuts,
par
anciennes
réalisations
occidentale
la
d'une
en
villes
pré-coloniale
les
conservation
d'idées
de
du
référence
et
ingénieurs
cette
àpeuplement
service
de
dans
génération
d'Algérie,
Certains
l'architecture
médinas.
Le
situation
s'accompagnera
duexportée
deux
Corbusier,
àetla
du
Mouvement
les
du
du
de
durant
Génie
On
modernité
d'architectes
caractères
ont
Génie
dès
la
site
: turque
et
les
ne
maison
appelé
durant
et
d'Alger
1840.
une
saurait
la
conseils
au
qui
période
plus
moderne.
et
gouvernement
culture
et
principaux
"les
arabe,
souhaitent
Plusieurs
les
européens,
mauresque.
ignorer
àet
tardivement
la
algérianistes"1.
etpremières
des
coloniale
civilisation
les
enfin
locale
édifices
par
règlements
exemples
de
leur
construire
ailleurs
souvent
Ces
méditerranéenne
général
décennies,
lapour
française,
désir
arabo-musulmans.
colonisation
occidentale
Ceux-ci
allers-retours
l'apparition
certains
nés
de
d'une
significatifs
en
une
constructions
en
se
1845,
puis
ont
architecture
certaine
sont
Algérie
par
mais
beaucoup
leen
dans
entre
leur
trouvent
passage
constituées
une
Algérie
permettent
aussi,
protection
et
lecture
les
Ce
une
proches
critique
années
œuvré
àdans
leur
une
: de
leà

* Architecte, Ecole d'Architecture de Normandie.

REMMM 73-74, 1994/3-4


122 lAkth Picard

La ville des ingénieurs du Génie

On retient, et avec raison, de la période de la colonisation française la destruction


d'une grande partie des médinas en Algérie pour l'installation de l'armée et des
premiers colons. Cependant des hésitations ont accompagné cette politique
d'aménagement. En effet, après les premières transformations des villes arabes
nécessitées par la pacification (maisons mauresques transformées en établissements
militaires, élargissement des voies et création de la place d'armes, consolidation
des fortifications), les officiers du Génie œuvreront souvent contre les colons
pour protéger l'espace indigène restant.
De par leur formation d'origine et leur appartenance à une arme savante, les
ingénieurs du Génie s'intéressent à l'histoire et la géographie des territoires à
conquérir. Ils apprennent la langue, observent les mœurs des habitants et les
espaces où ils vivent. Cette connaissance précise de l'espace où ils interviennent
a des influences sur la nature des projets qu'ils réalisent. Le chef du Génie de la
place d'Alger donne ainsi, en 1831, une description très précise des maisons
mauresques. Il met en valeur les potentialités de la structure organique de la ville
arabe quant à la défense :
« Les terrasses ne sont séparées les unes les autres que par des murs minces, souvent peu
élevés, en sorte qu'on pourrait y établir des communications assez facilement d'un
quartier à l'autre en peu de temps. En cas de révolte, ces communications seraient fort
utiles. La partie en rez-de-chaussée, donnant sur la rue, est généralement occupée par
des écuries. Des magasins et des caves sont situés en dessous du niveau de la rue. Dans
les quartiers marchands, le bord de la rue est occupé par des boutiques. Les façades
n'offrent que de hauts murs percés aux étages de quelques ouvertures rares, étroites et bien
grillées. Ce n'est qu'en entrant dans la cour intérieure que l'on prend idée véritable de
la maison : une cour pavée de marbre. Des galeries et des arcades vont autour,
soutenues par des colonnes de même matière, et produisent un fort bel effet. Les
appartements sont ouverts sur les galeries et n'ont pas de communication entre eux. Ce genre
de construction est parfaitement adapté au climat et aux mœurs jalouses des habitants2. »

II est étonnant de trouver une description si précise des maisons turques,


considérées la plupart du temps, comme peu solides et sans beauté. Dans cette lecture
de l'espace, la complexité de l'organisation est prise en compte : les dessertes
multiples des maisons et les communications par les terrasses. Les besoins de la
défense militaire semblent expliquer ce souci de précision. Décrivant deux ans plus
tard les maisons d'Alger, un ingénieur civil dénonce pour sa part l'inesthétique
de l'architecture des édifices mauresques :
« Le peu de largeur des rues et le défaut d'ouverture au dehors font que les maisons
d'Alger sont dépourvues de façades et que les deux côtés de la rue se touchent en étages.
Cette disposition, qui sert la jalousie des Maures, est en même temps favorable à
contenir la fraîcheur dans les rues et dans les maisons, contribue à rendre les rues hideuses.
Et on ne douterait pas que la ville d'Alger renferme une foule de belles maisons, dont
l'extérieur a l'apparence des plus misérables habitations. On remarque, dans toutes les
Architecture et urbanisme en Algérie 1 123

maisons, des défauts choquants de régularité, des colonnes mal alignées, des escaliers
avec des marches de hauteur inégales, des portes à faux qui prouvent que les Algériens
mettent peu d'art dans leurs constructions, même s'ils font usage de matériaux précieux
et qu'ils emploient la sculpture et la peintures. »
Les officiers du Génie seront toujours pris dans la contradiction de prôner à
la fois un espace rationnellement et mathématiquement organisé selon un ordre
défini, plus simple et sans complexité pour la défense, et en même temps un
espace plus organique, présentant des imprévus, mais du coup plus difficile à
contrôler de l'intérieur. Ainsi, à Tlemcen, l'officier du Génie reconnaît l'intérêt
de la structure organique de la ville pré-coloniale pour sa défense :
« Le méchouar sera conservé car c'est une très bonne citadelle. Il est précédé d'une ville
dont les maisons étagées et les rues étroites permettant une défense énergique pieds à
pieds et solidement soutenue par le canon du méchouar qui domine la ville4. »
La maison mauresque est considérée par les premiers responsables de la
construction de la ville comme bien adaptée au climat méditerranéen. En revanche la ville
arabe est décrite comme un établissement sans ordre, sans espaces libres publics
et ne convenant pas aux exigences de la circulation des convois militaires et aux
premiers besoins du commerce français.
« Emprisonnée dans ces rues étroites, l'armée ne pouvait faire usage de son matériel
qu'avec des difficultés et des lenteurs infinies. Il fallut donc se frayer promptement à
travers ce labyrinthe de petites rues et de constructions accolées les unes aux autres des
voies de communication, désormais indispensables. C'est ce qui fit ouvrir promptement
les premières rues et places5. »

Des conseils et un règlement


pour les constructions en Algérie

Les ingénieurs du Génie connaissent bien l'organisation des villes pré-coloniales.


Ils en font des relevés précis. Ils ont l'occasion de concevoir des projets pour
réutiliser des maisons mauresques et les transformer en hôpitaux ou en casernes.
En 1844, quand Bugeaud, alors gouverneur général, demande à la direction du
Génie de définir des règles pour les constructions en Algérie, les ingénieurs du Génie
français se réfèrent aux dispositions de la ville et des maisons mauresques de la
casbah d'Alger pour formuler des conseils à suivre en matière d'urbanisme et
d'architecture. Le colonel Charon, directeur du Génie en Algérie, adresse ainsi une
longue note au gouverneur d'Algérie :
« Les habitations mauresques modifiées et appropriées à nos habitudes sont les seules
admissibles dans ce pays. Le climat et le risque de tremblement de terre doit nous
entraîner à étudier de près les constructions établies par les arabes. Sans nous
préoccuper ici des mœurs et des croyances religieuses qui ont eu une si grande influence pour
déterminer la forme et la disposition des édifices des indigènes, nous reconnaîtrons
seulement l'existence de ce fait, et nous en conclurons que les nouveaux habitants de l'Ai-
124 1 Aleth Picard

gérie, n'étant plus dirigés par ces mêmes influences pourront modifier cette forme et
cette disposition, sans s'écarter toutefois des obligations imposées par la nature du sol
et les exigences du climat6. »
Les indications données par Charon concernent aussi bien le tracé des villes
nouvelles que la construction d'édifices privés ou publics.
« II est un point sur lequel on ne saurait jamais avoir aucune contestation, parce qu'il
a pour bases la raison et le bon sens. Telle serait, sous le rapport de la salubrité et du
bien être des habitants, la nécessité ; premièrement, d'éviter, autant que possible, de
percer des rues du nord au midi, et, dans le cas où les communications exigeraient qu'on
leur donnât cette direction, de les onduler de manière que l'un des côtés de ces rues
puisse toujours projeter assez d'ombre pour garantir des ardeurs du soleil ceux qui
auraient à les parcourir ; deuxièmement, de border de portiques celles que l'on serait
dans l'obligation de percer en droite ligne ou bien de les abriter par des toits très
saillants, en ayant aussi le soin de les tenir le moins large possible, et de les rafraîchir
par un courant d'eau vive. Il faudrait aussi que les places publiques fussent également
entourées de portiques et peu spacieuses ; quant aux grandes places, si, par exception,
elles étaient jugées nécessaires, il conviendrait de les planter d'arbres et de les décorer
de fontaines. »
Dans cette même lettre, Charon donne donc également quelques prescriptions
concernant les constructions :
« II est évident que pour obtenir dans les habitations une fraîcheur convenable, il
faudra donner aux murs extérieurs une grande épaisseur et ne les percer que d'ouvertures
rares et petites, surtout à l'exposition du midi ; peut-être aussi serait-il à propos de
pratiquer une ventilation combinée de telle sorte, que l'on puisse aisément renouveler l'air.
Sous le rapport de la solidité des constructions et sous celui de la sûreté des habitants,
en raison de la probabilité des tremblements de terre, les édifices et les maisons devraient
être peu élevés. Il faudrait éviter avec grand soin d'affaiblir les murs, soit par des baies
trop multipliées, soit par de trop fréquents passages de tuyaux de cheminées. Une des
meilleures garanties de cette solidité consisterait à tenir les murs en fondation et ceux
des étages inférieurs d'une forte épaisseur, et à voûter l'étage souterrain. Peut-être
serait-il bon encore, dans quelques rues, de relier les bâtiments de l'un des côtés avec
ceux de l'autre au moyen d'arcades établies de distance en distance, sous lesquelles on
passerait, et qui pourraient, en outre, faciliter les moyens de tendre des bannes à l'heure
de la grande chaleur, comme c'est l'usage dans l'Orient et même dans les villes
méridionales de la France. »
En conclusion, l'auteur insiste sur la nécessité de bien analyser les usages et les
coutumes afin de comprendre les raisons des formes utilisées.
Ces conseils pour l'établissement des plans de ville et la nature des
constructions à privilégier ne seront pas appliqués en Algérie ; les colons préfèrent
reproduire dans le pays colonisé un urbanisme et une architecture auxquels ils sont
familiers, et marquer ainsi le territoire de la présence du vainqueur. Cependant, ce souci,
qui s'exprime tout au long de la période coloniale de connaître l'architecture et
l'urbanisme mauresques, d'y faire référence pour des raisons climatique, sismique
Architecture et urbanisme en Algérie 1 125

ou esthétique a laissé des traces importantes dans les quartiers européens des
villes algériennes. A la fin du XIXe siècle, de nombreux immeubles sont organisés
autour de cours entourées de galeries donnant accès aux logements. Ce modèle
se rencontre fort peu à la même époque dans les villes de la métropole. Les
ingénieurs l'utiliseront couramment pour réaliser des hôpitaux ou des casernes.

Une volonté trop timide


de protéger les médinas

Ce rapport entre la tradition et la modernité peut encore être illustré par les
projets de transformation des villes pré-coloniales. Certes, les ingénieurs du Génie
sont présents dans les places pour adapter les villes anciennes aux besoins
nouveaux des colons, mais ils défendent, au fur et à mesure de l'avancée des projets,
la préservation d'une partie des villes indigènes. C'est ce que montrent
notamment deux textes, dont l'un écrit sur Alger en 1836, et l'autre surTlemcen en 1844.
Ces textes indiquent le souci de l'ingénieur militaire de ménager la ville au
moment de l'installation des troupes et des premiers colons français. Dans une
lettre adressée en 1836 au ministre de la Guerre, le chef du Génie de la place
d'Alger s'élève ainsi contre le percement de nouvelles voies parallèles au front de mer
dans la ville haute :
« Cela demanderait la ruine de plusieurs centaines de propriétaires, le ravage de rues
déjà en construction, enfin cela représente des sommes énormes pour les expropriations,
alors que des propriétaires n'ont pas encore reçu leurs indemnités pour le premier
élargissement. Des maures sont réduits à la mendicité. Il est inutile de refaire des voies
perpendiculaires à la rue Bab Azoun, c'est vouloir perpétuer les ruines, les démolitions et
la misère dans une ville que nous avons déjà mutilée. La chose utile à faire est de
percer une rue pour monter du bas de la ville à la casbah, afin de redonner vie au 3/4 de
la ville haute qui n'a pas de commerce7. »

La ville de Tlemcen est occupée plus tardivement et dès le premier plan


d'alignement établi en 1843, le chef du Génie insiste sur la nécessité de transformer
les villes avec un respect plus grand de la structure existante :
« On s'est attaché, dans le percement des nouvelles rues, à démolir le moins possible.
Le tracé de chaque rue sur le plan a été le résultat d'une étude sur les lieux se bornant
à des alignements opérés au fur et à mesure des besoins de la voirie sur un seul côté des
anciennes rues à élargir. Néanmoins, on a moins multiplié les percements des rues dans
les quartiers indigènes que dans les quartiers européens parce que ces quartiers sont déjà
sillonnés de rues étroites qui suffisent à la circulation des piétons et qu'ils ne seront jamais
le siège de commerces, surtout le quartier Hadar qui a une très forte pente8. »

De même, pour le plan d'extension et d'alignement de la ville de Médéah


tracé en 1844, le service du Génie distingue trois quartiers : le quartier indigène
(la partie conservée de la médina), le quartier européen qui pourra accueillir des
indigènes (la partie transformée de la médina), et le quartier nouveau pour les seuls
126/Aleth Picard

Européens. Malgré l'intervention du service du Génie, les autorités civiles,


pressées d'installer leurs activités commerciales, œuvreront activement auprès des
militaires pour la modernisation et souvent la destruction partielle de la ville
arabe. Ils interviennent pour une transformation rapide de la médina et occupent
des maisons mauresques qu'ils transforment sans souci de conservation.

De l'arabisance à la modernité

Après la pacification du pays et la remise du pouvoir aux autorités civiles, les


générations nées en Algérie cherchent à fonder une identité. Les architectes
puisent dans une imagerie néo-mauresque, choisie sur des édifices aussi bien
marocains qu'égyptiens, pour décorer des mairies ou des écoles. Jusqu'à la Première
Guerre mondiale, les architectes viennent de la métropole et construisent des
immeubles semblables à ceux de Paris ou de Marseille. Cependant, les clients, colons
aventuriers venus faire fortune dans ce pays neuf, exigent une architecture plus
ostentatoire et puisant ses références dans un style méditerranéen. Les premiers
édifices publics construits en Algérie se réfèrent aux styles européens et aux
références éclectiques enseignées à l'École des Beaux-Arts : le style baroque pour les
théâtres construits dans le moindre centre de colonisation, ou le vocabulaire
romano-byzantin pour les édifices religieux comme la cathédrale d'Alger construite
sur l'ancienne mosquée Ketchaouïa.
C'est au début du XXe siècle, avec le développement économique du pays
autour du commerce du vin, que les premières générations nées en Algérie, tout
en se réclamant françaises, développent une identité propre, une certaine "algé-
rianité". Un engouement naît alors pour l'architecture néo-mauresque. Jonnart,
gouverneur général épris d'orientalisme, encourage le mouvement et donne des
directives aux architectes en charge des bâtiments publics. C'est à son nom que
resteront attachés les premiers développements officiels de l'architecture
néomauresque. Les villes voient fleurir les édifices de ce style composite, des
équipements, des immeubles et de nombreuses villas. Ainsi, à Alger sont construits
en 1906 la grande poste de Voinot etTondoire, et la préfecture d'Henri Petit.
L'architecture néo-mauresque sera le premier langage architectural utilisé qui, pour
certains, favorisera par la suite le développement de l'architecture moderne.
Un seul immeuble de cette période est présenté dans une revue d'architecture
française. Il s'agit d'un édifice d'habitation de la rue d'Isly à Alger conçu par
l'architecte Lauro en 19019. Cet immeuble est organisé autour d'une galerie couverte
qui traverse la parcelle et divise la construction en quatre immeubles distincts.
L'auteur de l'article insiste sur le fait que le passage couvert a été abandonné à Paris
mais qu'il demeure dans les contrées méditerranéennes. Il évoque la nécessité de
moderniser le bazar. Il faut attendre 1930 pour que l'architecture d'Algérie
commence à intéresser la métropole. Seuls quelques équipements publics auront grâce
auprès des revues et spécialement de La Construction moderne. Il en est ainsi par
exemple du palais consulaire d'Alger construit par l'architecte Henri Petit en 189310.
Architecture et urbanisme en Algérie 1 127

Illustration non autorisée à la diffusion

Le palais consulaire d'Alger, architecte Henri Petit


(d'après La Construction moderne, vol. VIII, pi. 76).
Les premiers équipements civils de la ville seront construits selon un style éclectique.
Dix ans plus tard, H. Petit construira également des édifices néo-mauresques :
le bâtiment de la Dépêche Algérienne, puis la préfecture de la grande poste en 1906.
L'aménagement intérieur du palais consulaire d'Alger
présentait déjà une décoration de style mauresque.

La leçon de la casbah

Nous connaissons mieux l'Algérie comme territoire d'expérimentation de


techniques exportées de la métropole. Entre 1920 et 1935, de nombreux immeubles
métalliques sont construits à Alger. Ce mode de construction s'adapte bien aux
contraintes topographiques du site. L'Office technique pour l'utilisation de l'acier
(OTUA) soutient l'expérience et publie en 1930 une revue sur les nouveaux
immeubles d'Alger. De même, quelques années plus tard, l'aéroport d'Alger sera
l'occasion de la mise en œuvre du béton pour la réalisation des pistes. En revanche,
le pays est moins connu pour l'apport de l'architecture et l'urbanisme
traditionnels dans la ville européenne moderne. Il faudra attendre le début de
l'architecture moderne et les années 1920 pour voir apparaître une alternative à Xarabisance1 1 :
le style méditerranéen. Plusieurs architectes français en Algérie dont Marcel
Lathuillère, mais surtout Le Corbusier, proposent une nouvelle lecture de cette
architecture mauresque :
128 lAkth Picard

« Les architectes d'Algérie ont combattu la routine et le pastiche et découvert une


esthétique qui s'adapte aux exigences de la construction et de la vie moderne en même
temps qu'aux nécessités naturelles commandées par le climat et par le site12. »
Au début du siècle, l'Algérie s'organise et prospère. Plusieurs générations se sont
déjà succédées depuis le début de la colonisation et une élite se forme. Alger
devient une capitale où se développe un milieu intellectuel et artistique.
L'Université d'Alger est un centre intellectuel important et reconnu. Elle attire de
nombreux universitaires durant leur carrière. Dès le début de la colonisation,
l'Algérie constitue pour les colons une terre d'essai et d'aventure aux portes de la France.
L'influence de Le Corbusier sera forte à Alger où un groupe d'architectes modernes
se forme autour de P.-A. Emery. Importante aussi sera l'influence de Perret dont
l'entreprise construit de nombreux édifices et envoie certains collaborateurs,
comme P. Forestier, auprès de G. Guiauchain pour mettre au point les projets du
palais du Gouvernement et de la maison de l'Agriculture.
En 1930, les fêtes du Centenaire de la colonisation vont être l'occasion du
lancement de grands projets dans la capitale : le palais du Gouvernement général par
Guiauchain, le foyer civique par Claro, le musée des Beaux-Arts de Guion et
l'Hôtel de ville des frères Niermans. Léon Claro jouera un grand rôle dans la
constitution de ce mouvement. Il fait partie de la génération des architectes notables
et très cultivés qui se disent algérianistes et influencés par Perret et Le Corbusier.
Il devient en 1928 directeur de l'atelier d'architecture de l'école régionale des
Beaux-Arts d'Alger créée en 1904. Cette école demeure jusqu'à l'Indépendance
un cycle de préparation aux concours de Paris.
Le Corbusier comme Roland Simounet plus tard retrouvent dans les maisons
mauresques de la casbah tous les prémisses de la maison du Mouvement moderne :
la terrasse, le lait de chaux et les portiques des patios de la maison des hommes.
« Les civilisés vivent comme les rats dans des trous [. . .] Les barbares vivent dans la
quiétude, le bien-être13. »
Le Corbusier visite la casbah
d'Alger pour la première fois en 193 1 . Il est
très impressionné par le site de la ville
et l'organisation de l'habitat
traditionnel. Cette expérience restera très
présente dans plusieurs de ses écrits :
« l'un des lieux le plus beau Illustration non autorisée à la diffusion
d'architecture et d'urbanisme : harmonie, vie
africaine, calme de la maison,
aventure de la mer14 ».
Les médinas ont servi en Algérie
comme référence pour des projets
urbanistiques et architecturaux de
grande qualité. Nous pensons aux cités Dessin ^ Le Corbusier publié dans
d'habitat social construites pour les La ville radieuse, Ed. Vincent et Fréal, 1935.
Architecture et urbanisme en Algérie 1 129

musulmans en 1930 à Alger par Guérineau et Bastelica (la cité Sainte-Corinne)


et par Marcel Lathuillère (la cité du clos Salembier), les ensembles d'habitation
de Ferdinand Pouillon, mais aussi aux écrits de Le Corbusier sur la Casbah, ou
encore aux relevés et aux réalisations de Simounet ou de Bossu après 195415.
Cette activité très importante de la construction durant les années 1930 s'est
traduite par de très belles réalisations d'un style moderne et sage : « un moderne non
pas bruyant et tapageur, mais au contraire un moderne appuyé sur des bases
rationnelles adaptées au soleil d'Afrique du Nord »16. Ce style composite puise à
la fois dans les figures du Mouvement moderne et dans les éléments décoratifs de
l'architecture néo-mauresque et méditerranéenne. Ce souci de concevoir une
architecture moderne propre au pays s'exprime aussi par la création à Alger d'une
revue dès 1928, Chantiers Nord 'Africains1'1'. Elle paraît jusqu'en 1960. Cette revue
est fondée avant les premières publications françaises soutenues par le Mouvement
moderne telle que l'Architecture dAujourd'hui, dont le premier numéro paraît en
1930, et Technique et Architecture, débutant en septembre 1941. Les sujets des
articles font preuve d'une grande ouverture d'esprit et d'une vision large de
l'objet construit. On y aborde aussi bien la question technique des routes, d'une
centrale électrique ou de la production minière, que la présentation plus classique
d'un projet d'architecture, voire des questions urbaines. De plus, la revue ouvre
ses colonnes aux spécialistes les plus réputés et à des projets ou sujets extérieurs
à l'Afrique du Nord : Mallet Stevens, Le Corbusier, André Lurçat ou R.-J. Beau-
douin y écrivent. Enfin, elle présente autant les projets très modernistes
influencés par le Mouvement moderne, que les réalisations plus classiques.
Après la Seconde Guerre mondiale, ce mouvement architectural reste marqué
par une exigence de qualité et le respect de l'identité du pays. Alger verra naître,
en 1954, la première agence d'urbanisme française autour de E Dalloz et G. Han-
ning proposant une méthode de maîtrise de l'urbanisation et de l'évolution des
paysages et une alternative à l'urbanisme moderniste. Cependant cette recherche
de qualité en architecture, autour de cette École dAlger, se heurte à la mise en place
du plan de Constantine en 1958, dernière tentative pour fonder des structures
économiques néo-coloniales. La France inaugure en Algérie la formule des ZUP.
Le plan prévoit la construction de 50 000 logements par an, 18 000 sont livrés
en 1958. Une gigantesque machine est mise en place devant laquelle l'Agence du
plan d'Alger, avec ses préoccupations paysagistes, fait pauvre figure.

Une remise en cause précoce


du mouvement moderne

De la même manière, c'est en portant un regard sur l'architecture et la ville


traditionnelle, que certains architectes tentent de proposer d'autres solutions formelles
à la question du logement de masse. Un mouvement apparaît en Algérie parmi
des architectes souvent nés dans ce pays. Dès les années 1950, certains tentent,
au moins dans les idées, de remettre en cause le modèle des grands ensembles et
130 / Aleth Picard

de proposer des espaces plus adaptés aux pays méditerranéens : cours, patios et
espace public réduit. C'est donc dans un pays colonisé où le choc entre les
cultures, "entre l'Afrique et l'Europe" est important que des architectes ou urbanistes
proposent une alternative aux modèles dominants. Des hommes, défendant avec
ardeur les idées du Mouvement moderne, s'interrogent sur les espaces urbains
qu'eux-mêmes ont proposé et qui leur semblent mal appropriés aux pays
méditerranéens.
« Prendre résolument parti, c'était tourner le dos au mauvais foisonnement d'une
architecture déracinée, qui a pris corps au travers des impératifs des loyers modérés ;
c'était se tourner résolument vers un authentique mode de vie qui a encore de solides
racines en Afrique du Nord18. »
Tout l'intérêt des projets de Bossu ou de Pouillon en Algérie réside dans cette
réinterprétation des formes permanentes des édifices et de la ville dans un langage
moderne. C'est ce que défend un texte théorique écrit par un groupe d'architectes
proches de Le Corbusier organisé autour de P. Emery, L. Miquel et P. Bourlier,
dont témoigne par ailleurs le projet Réparatus de Jean Bossu construit à Orléans-
ville. Rédigé en 1958, ce texte concerne un de leurs projets en cours de
réalisation à Alger, la cité Sellier :
« Lorsque l'urbaniste contemporain établit le projet d'un ensemble, sous l'influence en
général mal digérée des théories de Le Corbusier, il implante une série d'immeubles
largement espacés avec plus ou moins de bonheur suivant son talent et dessine des
jardins entre ses constructions : soleil, espace, verdure. En climat tempéré, les choses se
passent à peu près bien. Le parc est maigre au début bien entendu, mais avec un
minimum de soins il s'étoffe, la végétation étant généreuse dans ces régions. Dans les pays
méditerranéens, il en va tout autrement. Nous baptisons sur nos plans espaces verts ce
qui ne sera que désert poussiéreux, torride en été et balayé en hiver par les pluies
brutales sous ce climat. Pour que la végétation se développe, un arrosage abondant est
nécessaire durant les longues périodes sèches. L'eau est rare et coûteuse. D'autre part,
l'homme méditerranéen a peu de respect pour la végétation et pour les espaces
communs. Son intérieur pourra être d'une propreté méticuleuse, mais il souillera sans
vergogne tout ce qui est lieu public. C'est pourquoi l'aménagement et l'entretien de parcs
dans cette zone s'avèrent extrêmement onéreux. A notre avis, deux seules formes
d'habitat sont valables : l'horizontale compacte (les villages méditerranéens sont serrés
comme des nids de guêpes) en logements individuels, avec l'échelle humaine de ses ruelles
et son intimité par l'emploi du patio ; la verticale en grands immeubles collectifs, avec
ses vastes prospects apportant une autre forme d'intimité, et ses fortes densités
nécessaires aux échanges humains et sans lesquelles toute ville est morne. Cette notion de
densité est souvent oubliée. Certains urbanistes essaient d'y remédier par des immeubles
peu élevés et très rapprochés. Formule absolument condamnable : c'est une marche arrière
sous prétexte de sensibilité qui n'est que sensiblerie. De ces diverses considérations il
ressort, à nos yeux, qu'en région méditerranéenne il est nécessaire de couvrir au
maximum le sol de constructions et d'espaces privés. Dans l'absolu, la solution consisterait
à bâtir, toute la surface à urbaniser, sur un ou deux étages percés de patios. Ce serait
une sorte de plaque de gruyère composée d'habitations individuelles, de bureaux, de
Architecture et urbanisme en Algérie / 131

Illustration non autorisée à la diffusion

Cour intérieure de l'orphelinat de Béni Messous (Alger), par l'architecte Marcel Lathuillère, 1935.
L'édifice, « d'un modernisme non pas bruyant et tapageur » mais adapté aux exigences
du soleil de l'Afrique, est organisé autour d'une cour et d'une galerie couverte.

grands magasins, d'ateliers artisanaux ou de petites industries légères non bruyantes.


A cette croûte d'échelle humaine se superposerait la trame ample de grands immeubles
largement espacés. Bien entendu, il faudrait aussi ménager des bandes d'isolement
entre eux et l'habitat horizontal. Ces bandes pouvant être constituées par des jardins
affectés aux logements de rez-de-chaussées, ou par autre chose que de l'habitation.
« La circulation automobile serait concentrée sur de grands axes découpant de vastes
îlots dans le gruyère. Des antennes aboutiraient aux parkings, traités en impasses et dis-
132 1 Aleth Picard

posés de préférence aux pieds des buildings. L'intérieur des îlots ne serait traversé que
par des circulations piétonnières. Cependant, la distance maximum à parcourir à pied
pour atteindre un parking, ne devrait pas dépasser cent cinquante mètres. Les espaces
libres, plantés ou non, réduits au minimum indispensable, pourraient être certainement
beaucoup mieux aménagés et entretenus que les vastes espaces habituels, tonneau des
Danaïdes des collectivités19. »

L'application de ces principes dans la cité Sellier est très limitée. C'est une cité
de 800 logements en immeubles collectifs et individuels en bandes. Sur ce site très
accidenté, les habitations individuelles sont implantées selon les courbes de niveau.
Quelques éléments seulement de leur théorie ont pu être réalisés par les architectes :
l'insertion sur le relief, une grande partie du terrain affectée aux jardins individuels
pour les logements en bandes ou pour les appartements en rez-de-chaussées. Une
galerie marchande était aménagée au rez-de-chaussée de l'immeuble de crête.
« Nous n'avons pas pu appliquer intégralement la théorie exposée ci-dessus. Cependant
les documents ci-joints montrent l'emprise importante des constructions et des espaces
privés. Les ombres portées des immeubles ont déterminé les emplacements des espaces
libres. Il est d'ailleurs à noter que dans une première esquisse, les voies carrossables ne
pénétraient pas dans les zones d'habitat individuel, mais s'arrêtaient en bordure de celles-
ci, qui étaient traitées d'une manière plus dense20. »

L'autre projet réalisé en référence à une culture architecturale méditerranéenne


est l'opération Saint-Réparatus réalisée par Jean Bossu en 1957 à Orléansville après

Illustration non autorisée à la diffusion

Maquette du projet du centre Saint-Réparatus par l'architecte Jean Bossu à Orléansville, 1955.
Architecture et urbanisme en Algérie 1 133

le tremblement de terre de 1954. Cet architecte travailla avant la guerre


successivement chez Le Corbusier et Perret, deux maîtres qui marquèrent profondément
son travail. Il part en 1938 faire des relevés pour Le Corbusier à Gardhaïa. Il
participe pendant la guerre aux enquêtes du musée des Arts et Traditions populaires
avec Urbain Cassan et Charles Rivière.
« Inoubliable randonnée dans la France occupée, dans la pierre qui faisait les murs, les
bois : les charpentes et les produits rouges : les toitures - ma mission était en Vendée-
Poitou - j'ai dessiné les murs et les toitures des hommes qui avaient encore la faux en
mains à la suite de l'architecture à la main de la Pentapole du M'zab, mais j'avais vu
Délos avant21. »
Ainsi que Le Corbusier22, Jean Bossu cherche en Algérie un lieu où le carcan
administratif semble moins étouffer le travail architectural et urbanistique :
« En 1950, l'outre-mer, Madagascar et la Réunion, et leurs problèmes tropicaux,
territoires qui offraient un champ libre à l'exercice d'une profession libérale, libérée pour
un temps des contraintes de la réglementation que subissaient la reconstruction à
l'identique et les dommages de guerre23. »

L'ensemble de ces expériences ont rendu l'architecte très sensible aux questions
de l'architecture vernaculaire, au tracé des espaces urbains et à la prise en compte
des traditions locales. L'Algérie peut être un territoire où l'expérience est possible.
Bossu est en effet déçu par ses premières expériences dans les services de
reconstruction après la seconde guerre. La politique de la table rase pratiquée par l'État
français bat alors son plein. A propos du projet Saint-Réparatus, Bossu écrit :
« J'ai modelé tout ceci, avec, derrière la tête, la casbah d'Alger, Gardhaïa, Damas, Alep,
Le Caire, les cités grecques et des contacts précis de l'habitat rural en France, toute cette
architecture modeste, qui nous galope dans la tête, cette architecture pleine de classe
dans sa vérité et son adolescence24. »
Le système d'organisation proposé par Jean Bossu pour le quartier d'habitation
Saint-Réparatus, construit à Orléansville en 1957, est très proche de l'urbanisme
proposé par l'équipe d'architectes structurée autour d'Emery :
« Le Réparatus 3 incarne, par ses équipements publics, le centre d'une cité. Sa forme
quadrangulaire, fermée en pourtour et ouverte par l'intérieur, exprime ce que nous
rencontrons dans les cités médiévales.
« Au centre de ce quadrilatère, un marché est installé au rez-de-chaussée des trois niveaux
sur une place publique fermée sur trois côtés et qui ouvre au Nord du Chéliff.
« Au rez-de-chaussée, le projet se compose de commerces simples ou jumelés dos à dos,
entresols commerciaux, dépôts ou vente. Une coursive en portique abrite et protège
ces deux niveaux commerciaux sur toute leur hauteur.
« A l'étage, une rue suspendue, sorte de coursive à ciel ouvert, distribue de part et d'autre,
les logements qui coiffent les commerces. Les terrasses qui couvrent ces logements
sont accessibles de ceux-ci, par leurs patios. »
II propose donc une structure horizontale faisant référence aux souks,
organisant des logements à patios desservis par des ruelles :
134 1 Akth Picard

« Une ville de cette importance (50 000 habitants) qui doit se reconstruire sur un sol
mouvant, peut être couchée. Elle peut être traitée en alvéoles horizontales, en souks.
« J'ai voulu authentifier la vie des souks.
« J'ai voulu, résolument, ne pas déraciner l'habitat de son assiette foncière, dont
l'importance, dans le cœur d'une cité est considérable.
« La vie d'une cité tient à la qualité et à l'écriture de son assiette. De l'écriture du sol
dépend la caractère d'une ville. Une cité vit lorsque son sol est bien écrit.
« L'accès du quadrilatère est interdit aux voitures, p
F. Pouillon quant à lui se réfère au modèle méditerranéen pour l'organisation
des espaces urbains. Deux caractéristiques marquent ses projets, Diar el Maçoul
et Climat de France : la recherche de l'ambiance urbaine des villes anciennes
(rues, places, perspectives...) et le contraste entre des espaces monumentaux (la
grande place ou le boulevard) et des espaces intimistes de l'habitat (la cour, la
loggia ou le balcon). Il puise dans les rues de la casbah les éléments de son
architecture. Les espaces qu'il propose contrastent de façon impressionnante avec la
production courante des grands ensembles : la qualité de l'occupation du site,
l'aménagement des espaces publics, des motifs architecturaux à la fois variés et
organisés en séries et la variété des espaces.
Les travaux urbains et la production architecturale réalisés par les français en
Algérie ont longtemps suscité peu d'intérêt dans la métropole. Les premiers
voyageurs regrettent l'absence à Alger du dépaysement des villes mauresques. Les plus
grandes cités ne présentent pas non plus tous les caractères des villes européennes.
Au début du XXe siècle, la société française regarde plutôt du côté du Maroc. Le
protectorat devient une vitrine, celle d'une certaine réussite coloniale.
L'urbanisme a réussi à préserver les villes anciennes et à appliquer aux nouveaux
quartiers européens les outils les plus modernes. Bien plus tard, après la seconde
guerre, lorsque des architectes et urbanistes français d'Algérie veulent penser
autrement la ville et la question du logement, ils ne sont pas écoutés par la
métropole qui exporte et expérimente tous les nouveaux modèles d'aménagement du
territoire et de construction industrialisée.
L'"occidentalisation" de la ville en Algérie s'est effectuée de façon massive sur
l'ensemble du territoire. Cette apparence d'homogénéité des réalisations ne doit
pas cacher les contradictions dans les discours, ni les interventions marginales, mais
de grande qualité, qui tentent de remettre en cause certains modèles
architecturaux ou urbanistiques et de trouver des références dans les réalisations
traditionnelles locales. Nous avons évoqué brièvement ici quelques textes pouvant
illustrer ce propos.
Cette interpénétration entre la tradition et la modernité est fortement inscrite
sur le territoire. Lespès, dans un article de la revue Algeria de 1936, décrit les
relations entre "la cité historique des Turcs" et "la ville des Français" et montre qu'
« Alger n'est pas une ville coloniale champignon, une ville née d'hier, s'y interpénètrent
le nouveau port et le boulevard en balcon, la darse de l'amirauté, l'ancienne cité bar-
baresque et les batteries turques, se juxtaposent dans les pâtés des constructions de la
Architecture et urbanisme en Algérie 1 135

Illustration non autorisée à la diffusion

La cité des Carrière Jaubert à Alger des architectes Daure et Beri, 1959.
Cet ensemble de logement organisé autour d'une grande cour
est une cité de recasement pour "indigènes".

première période française, des maisons mauresques, des cours à galeries et des passages
voûtés25. »

Aujourd'hui encore, la ville n'est pas abordée dans toute sa complexité. En


idéalisant la ville pré-coloniale, la société n'en retient qu'une image, un système
décoratif et non une structure plus fondamentale, la spécificité des typologies et
dispositions. L'opposition entre le colonial et le traditionnel, la modernité occidentale
et l'espace arabo-musulman ne semble pas opérante.

NOTES
1 . J.-J. Deluz, L 'urbanisme et l'architecture d'Alger, voir entretien avec R. Hansberger, Edition Mardaga,
Liège, 1988.
2. Service historique de l'armée de terre (SHAT), Vincennes, Archives du Génie, Article 8, Section 1, Alger,
carton n° 1, Rapport du chef du Génie sur la place d'Alger, 1831.
3. C. Noël, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, "Les maisons d'Alger", Les Annales des Ponts-et-Chaussées,
année 1833, p. 132.
136/Aleth Picard

4. SHAT, Archives du Génie, art. 8, sect. 1, Tlemcen, carton n° 3, apostille du chef du Génie, 1851.
5. SHAT, Archives du Génie, art. 8, sect. 1, Alger, carton n° 1, apostille du chef du Génie, 1833.
6. Archives d'Outre-mer (AOM), Aix-en-Provence, 1N3, Archives du gouvernement général d'Algérie,
Lettre du colonel Charon à Bugeaud, 1844.
7. SHAT, archives du Génie, art. 8, sect. 1, Alger, carton n° 3, 1836.
8. SHAT, Archives du Génie, art. 8, sect.l, Tlemcen, carton n° 1, apostille du chef du Génie pour les
projets de l'année 1844.
9. La Construction moderne, vol. XVI, 1900/1901, p. 175, pi. 38.
10. la Construction moderne, vol. VIII, 1892/1893, p. 461-462 et 473-475, pi. 76 à 79.
11. François Béguin, Arabisâmes, Dunod, 1983, p. 31.
12. Marcel Lathuillère, "L'évolution de l'architecture en Algérie de 1830 à 1936", Algeria, mai 1936,
p. 82-86.
13. Le Corbusier, La ville radieuse, Paris, Vincent et Fréal, 1935.
14. Collection particulière, Le Corbusier, lettre à Jean de Maisonseul, 1931.
15. Cf. X. Malverti, "Alger, Méditerranée, soleil et modernité", Architecturesfrançaises Outre-mer, ouvrage
collectif dirigé par M. Culot et J.-M. Thiveaud, AAM, Liège, 1991, p. 29-64 et A. Picard, "Orléansville,
la reconstruction d'après 1954", Ibidem, p. 64-75.
16. M. Lathuillère, "L'évolution de l'architecture en Algérie de 1830 à 1836", op. cit.
17. La revue est éditée par le Journal général des travaux publics et du bâtiment : Algérie, Tunisie et Maroc,
organe du Syndicat des entrepreneurs des travaux publics de l'Algérie et de la Tunisie créé en 1886.
18. Jean Bossu, "A Orléansville (Algérie) : un centre commercial", Architecture d'aujourd'hui, 1957,
p. 52.
19. Archives d'architecture du XXe siècle, Paris, fonds Louis-Miquel, "Essai de solution d'un problème
d'urbanisme en climat méditerranéen, cité Sellier à Alger", P. Bourlier, P. Emery et L. Miquel, 1958.
20. Ibidem.
21. Collection particulière, Discours de Jean Bossu pour son entrée à l'Académie d'architecture, 1983.
22. « La différence d'avec Paris c'est qu'ici il n'y a pas ce mais restrictif sur le sol séculaire de Paris ; il y a
la foi, la force, le désir d'aller de l'avant et le besoin aussi de sortir d'une inextricable situation urbanis-
tique », in "Louange à 1 'Algérie"', Journal général des travaux publics et du bâtiment, n° 592, Alger, juin
1931, p. 12.
23. Collection particulière, Discours de Jean Bossu pour son entrée à l'Académie d'architecture, 1983.
24. Jean Bossu, "A Orléansville (Algérie) : un centre commercial", op. cit.
25. René Lespès, "Alger", Algeria, mai 1936, p. 123-132.

Vous aimerez peut-être aussi