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NOTE DE L’ÉDITEUR
Qu’est-ce qui n’a pas déjà été écrit sur José Mourinho ? Que ne sait-
on pas de cet homme aussi sulfureux que sur-médiatisé ? Qui ignore
son palmarès et ses frasques, en conférence de presse et sur les
terrains ? Qui ne connait pas le sourire narquois du « Special One
»?
Il n’y aurait aucun intérêt à éditer un énième livre sur José
Mourinho s’il ne s’agissait pas de découvrir une approche nouvelle
avec des informations et un angle inédit. Et c’est ce qui m’a plu dès
nos premiers échanges avec Nicolas Vilas : raconter une histoire et
non pas des histoires.
Car, au fond, qui est donc le véritable Mourinho, le « Zé Mário » des
intimes ?
En passionné consciencieux Nicolas Vilas a recueilli deux années
durant plus de cent témoignages de ses proches en se concentrant
sur une période peu connue de la vie de l’entraîneur portugais. Au fil
des entretiens il a dessiné les contours d’une période fondatrice
avant un départ en Angleterre programmé pour le succès. De cette
genèse, sont ainsi détaillés son enfance depuis le berceau, son
adolescence, sa vie de joueur, sa formation de professeur et
d’éducateur, son rôle d’adjoint auprès des plus grands coachs, ses
débuts d’entraîneurs au Benfica, avant la gloire avec Porto. Une
existence riche et surprenante avant la médiatisation à outrance, et
un personnage savamment créé.
« Mourinho : derrière le Special One » est une véritable enquête au
cœur de la légende, pour accéder à l’humanité profonde de cette
personnalité si marquée. Et il se situe ici, l’intérêt de ce livre, dans sa
dimension humaine, bien loin de la polémique et de la « petite
phrase » ou du énième plagiat. Nicolas Vilas a tourné sa plume de
journaliste vers une dimension sensible et documentée pour nous
partager la seule chose essentielle à conserver : la part de vérité
fondamentale au-delà de l’apparence. La trajectoire immuable des
éditions Exuvie.
Fabien Moine, fondateur des éditions Exuvie.
Le petit José
José Mourinho, ou plutôt, José Mário dos Santos Mourinho Félix,
naît le matin du 26 janvier 1963 dans la maison familiale, à Setúbal.
« On m’avait dit que c’était pour le jour suivant mais il était déjà plein
de volonté »2, raconte sa maman, Maria Júlia. Une sage-femme a dû
l’aider dans son travail, la faute à un bras mal placé du bébé José.
Maria Teresa, 3 ans, fait la connaissance de son frangin. José
Manuel Mourinho Félix, le papa, a veillé toute la nuit, lui aussi. En ce
samedi, un gros match face au grand Sporting du Portugal attend
pourtant le gardien de but du Vitória Futebol Clube. Son premier
réflexe est de partir inscrire son fiston sur la liste des sócios de son
Vitória. Le estádio do Bonfim, inauguré quelques mois auparavant,
n’est qu’à quelques mètres de la casa des Mourinho. (La légende –
entretenue par le principal intéressé – dit que José a fait ses
premiers pas sur le gazon du Bonfim). Quelques heures après la
naissance de son fils, Mourinho Félix tient sa place dans les cages
des Sadinos qui, après avoir mené 2-0, ratent l’exploit face aux
Lions (2-2). Mais si on en croit le compte-rendu édité par le quotidien
Record, le portier n’a rien à se reprocher : « Lors des quelques
moments de danger il s’est toujours interposé en réalisant
d’excellents arrêts. »
Même s’il n’y a pas vécu que des victoires, Mourinho Félix est
synonyme de Vitória. Justement parce qu’il y a tout connu : l’Europe,
une descente en D2, une remontée dans l’élite, deux Coupes du
Portugal (1965 et 1967) ; parce qu’il y a joué pendant plus de douze
ans.
Lorsque Fernando Tomé intègre l’équipe première des Sadinos, le
guarda-redes en est l’un des gardiens du temple. Tomé est un
proche des Mourinho. Un voisin de palier et un ami « depuis plus de
40 ans » du patriarche. C’est avec nostalgie et émotion qu’il relate
l’un de ses premiers moments avec le père Mourinho « parti
beaucoup trop tôt »3 : « J’étais très proche de Manel [diminutif de
Manuel, en portugais]. Je l’appelais Manel mais je le vouvoyais.
J’avais tellement d’admiration pour lui… Quand j’ai débuté, j’appelais
les tauliers du vestiaire Monsieur suivi de leur nom. Un jour,
Monsieur Fernando [Fernando Vaz, l’entraîneur] me dit : “Hey, le
jeune, mais t’appelles les joueurs monsieur ceci, monsieur cela… Le
temps que tu dises monsieur t’es déjà hors-jeu !” Mais, Mourinho,
c’est le seul coéquipier à qui je n’ai jamais pu dire tu. »
Félix, lui, s’est amusé à tutoyer les plus grands. Il a stoppé un péno
du Roi Eusébio. Un match de déglingués. Un huitième de finale
retour de Coupe du Portugal dans lequel les Setubalenses étaient
mal barrés. Juin 1961. Après une défaite 3-1 à Lisbonne, l’équipe de
Setúbal voit les Aigles se pointer au Campo dos Arcos avec leur
recrue : un certain Eusébio. A peine débarqué, le buteur né au
Mozambique a claqué cinq pions en deux matches de préparation.
Et, là, pour son premier match officiel, il remet ça. « Il a marqué un
but magnifique sur une action individuelle », relatera Félix Mourinho
dans Record, en 2014. A la 73e, le score est de 3-1 pour Setúbal et
le SLB obtient ce fameux pénalty. « Il a tiré fort sur ma gauche, je
me suis lancé et j’ai arrêté son tir », décrira l’ex-portier. Le Réi
deviendra pourtant un spécialiste dans cet exercice. Les pénalties
ratés au cours de la longue carrière du Ballon d’Or 1965 se
compteront sur les doigts d’une seule main. Et comme le rappelle
Rui Miguel Tovar dans son bouquin sur les buteurs portugais4, Félix
fera le même coup aux redoutables goleadores Matateu et Yazalde.
Quelques années plus tard, José n’échappera sans doute pas à la
Eusébiomania. C’est en tout cas l’avis de Fernando Tomé : « Je ne
sais pas si Zé Mário avait une idole mais, à cette époque, les gamins
étaient fans de qui ?... Eusébio, bien sûr ! Je suis convaincu qu’il
n’était pas une exception, tant Eusébio était un phénomène. »
Oui, « Zé Mário », c’est ainsi que ses intimes appellent Mourinho. Zé
(le diminutif de José, en portugais), comme son père et son grand-
père. Paraît-il que lorsqu’elle l’a mauvaise contre son rejeton, Dona
Júlia l’interpelle d’un « Mário ! » Cet autre prénom, José l’a hérité de
ses oncles : du frère de sa mère, Mário Carrajola dos Santos, et de
l’oncle par alliance de celle-ci, Mário de Ascenção Lêdo. Lorsque
son père est parti, Maria Júlia a grandi entourée de sa mère, Maria
Luíza, de sa tante et de l’époux de celle-ci, Mário Lêdo. Lêdo gérait
les conserveries de poisson Unitas et, en épousant une Carrajola, il
s’est uni à une famille investie dans l’activité de la pêche. Outre ces
affairements industriels, il est aussi un personnage important de
l’histoire du Vitória FC. Il en a été président et l’un des architectes de
la construction du Bonfim. « Mário Lêdo était une personne très
importante à Setúbal, confirme le Setubalense Fernando Tomé.
Cette famille a fait beaucoup pour le club. Et Lêdo a eu une
influence décisive dans la vie de Mourinho Félix. » Les Setubalois
les plus romantiques racontent que les parents de José Mourinho se
sont rencontrés dans l’usine de Setúbal où Manel a bossé. N’allez
pas croire que parce que le gardien du Vitória est devenu le mari de
la nièce de Lêdo, il avait des passe-droits. « C’était une autre
époque, témoigne Tomé. Il n’y avait pas de jalousies, les relations
humaines étaient saines. En ce temps-là, on disait même que le
football était une école de vertus. Les joueurs avaient l’obligation de
passer l’examen de la quarta classe [équivalent portugais du
certificat d’études primaires]. Beaucoup de joueurs devaient ainsi
prendre des cours du soir, pour apprendre à lire et écrire, à être de
meilleurs hommes. »
Maria Júlia, instit de profession, fera de l’éducation de son fiston une
obsession. Le gamin fréquente le Ciclo preparatório du Bocage, puis
la escola secundária de Bela Vista. Dona Júlia est une dame de
caractère. Outre un goût commun pour les gâteaux aux amandes et
les carottes râpées, mère et fils semblent partager un trait de
personnalité très prononcé. La maman envoie : « Il est capable de
donner sa chemise, il est très tendre et attentionné. Mais n’essayez
pas de lui marcher sur les pieds ! »5 Gamin, Zé Mário savait déjà ce
qu’il voulait et ce qu’il ne voulait pas. Mamã Júlia raconte : « Une
fois, mon mari est allé jouer en Norvège et il lui a ramené un
bulldozer télécommandé, un jouet qui n’a été mis en vente que bien
des années plus tard au Portugal. Il a vu le cadeau de son père, a
refermé la boîte et est parti pleurnicher dans un coin. »6 Zé Mário
voulait un ballon et son père est parti lui acheter le lendemain. « Le
ballon était tout pour lui, commente Félix bien des années plus tard.
A Noël, à ses anniversaires, si on ne lui offrait pas de ballon, c’est
comme s’il n’avait pas eu de cadeau. Il demandait d’autres choses
mais LE cadeau, c’était le ballon. » 7
José Manuel Mourinho Félix était issu d’un milieu modeste. « Il était
originaire de Ferragudo, un village de l’Algarve, détaille son ami
Tomé. Son père travaillait sur un bateau. Il est décédé en tombant
par-dessus bord. Manel est arrivé très jeune à Setúbal. » (Photo 1.
Voir pages centrales)
Dès ses plus tendres années, le sócio-fils Zé Mário accompagne son
papa aux entraînements et aux rencontres du Vitória. Fernando
Tomé puise dans ses nombreux souvenirs (et il en a !) et décrit sa
première rencontre avec le petit José : « Je m’en souviens très bien.
Saison 1965-1966. Je débutais avec l’équipe principale du Vitória.
Mourinho Félix en était le gardien de but, un joueur d’expérience,
nous avions dix ans d’écart. Zé Mário venait au stade avec son père.
Il avait 4 ou 5 ans. Il jouait, là, à côté de nous avec un ballon,
accompagné de sa mère, Dona Júlia, ou de sa grand-mère
maternelle, Dona Luíza. Zé Mário cohabitait ainsi avec l’équipe aux
entraînements et il a connu la vie de vestiaire dès cette époque-là,
continue le milieu de terrain. Ça a été ainsi jusqu’à ce que son père
aille jouer à Belém. »
En 1968, le paternel quitte, en effet, le Vitória pour le Belenenses. Le
club lisboète est alors le seul à part l’incontournable trio (Benfica, FC
Porto, Sporting) à avoir décroché un titre de champion du Portugal
(en 1946). Un transfert que José Mário vit mal. « Zé est celui qui a le
plus senti ce changement, confiera Mourinho Félix en 2003. Quand
j’ai annoncé à la maison que je n’étais plus à partir de ce jour un
joueur du Vitória, il a pleuré. »8 Le Restelo est bien plus loin que le
Bonfim et accompagner son paternel devient plus compliqué pour
José. Maria Júlia décrit le chagrin de son gamin alors âgé de 5 ans :
« Il était très proche de mon mari. Je me souviens que lorsque son
père est allé au Belenenses, Zé Mário était inconsolable et sa grand-
mère, grande amatrice de sport, a dû lui promettre de l’emmener aux
matches. Et elle l’emmenait. »9 « Dona Luíza a suivi la carrière de
Mourinho Félix partout où il allait et elle emmenait son petit-fils avec
elle », confirme Fernando Tomé.
Milieu de terrain du Belenenses à la fin des années 1960, Fernando
Luís Gonçalves assiste à la venue de Mourinho Félix au stade du
Restelo en 1968 et donc à celle de son fiston : « Son père
l’emmenait, parfois. Il était très attaché à son fils. Je me souviens de
l’avoir vu, avec d’autres enfants, aux entraînements mais… Pour
être honnête, ce n’est pas quelque chose qui a marqué mon esprit.
Qui pouvait deviner que ce gamin allait devenir une figure du foot
mondial… »
A la fin de ces sixties, les préoccupations sont tout autres. Outre le
contexte politique marqué par les guerres coloniales, côté foot, le
Belenenses n’occupe plus les premières places. Pire, il s’enfonce.
En 1970, Nelo Vingada est témoin des débuts de Mourinho Félix en
tant qu’entraîneur. Presque malgré lui, le gardien garde les gants
mais il met les mains dans le cambouis. « L’équipe a connu un
moment difficile et Mourinho père et Homero Serpa ont pris les
commandes, indique celui qui deviendra entraîneur au Portugal, en
Asie et en Afrique. Je jouais alors avec les juniors du Belenenses.
Mourinho Félix m’aimait beaucoup et il m’a convoqué plusieurs fois
pour m’entraîner avec l’équipe principale. » L’expérience dure
quelque mois. C’est au cours de cette période que Nelo croise José
pour la première fois (ils se retrouveront, dans quelques pages) :
« Je me souviens de Zé, gamin, il n’avait même pas 10 ans.
Il accompagnait son père, s’amusait avec un ballon et il savait plutôt
bien le manier. » Son père finit par reprendre sa place de « simple »
gardien et remet sa vie d’entraîneur à plus tard.
Un homme de droite
La vie personnelle des Carrajola-Mourinho, elle, traverse d’autres
peines. En 1972, Mário Lêdo décède. L’oncle de Maria Júlia – qui fut
comme un père pour elle – s’éteint à l’âge de 78 ans. Preuve de son
implication et de son statut, plusieurs figures publiques assistent à
ses funérailles dont le maire de Setúbal ou le délégué de la Direcção
Geral dos Desportos10.
Ses conserveries de Setúbal, Matosinhos et Olhão sont bientôt
réquisitionnées par l’Etat. La cause ? La revolução du 25 avril 1974.
Le Portugal met fin à des décennies d’une dictature longtemps
incarnée par Salazar. Certaines familles aisées – comme celle de
Lêdo – ayant fait fortune sous le régime du Estado Novo sont
dépossédées d’une partie de leurs biens. La Révolution des œillets
fait fleurir une nouvelle ère au parfum révolutionnaire, avant de
basculer dans la IIIe République. En juin 1976, le général Ramalho
Eanes qui avait intégré le Mouvement pacifique des forces armées
est plébiscité dès le premier tour des présidentielles. Curieusement,
le seul district du pays que le réformiste n’a pas conquis est celui
des Mourinho. A Setúbal, c’est le candidat d’extrême gauche, Otelo
Saraiva de Carvalho, autre militaire et figure du 25 de Abril qui arrive
en tête. Et José n’est pas franchement de ce bord-là.
Lorsque l’un de ses cousins, Ricardo Mourinho Félix, député
socialiste, est nommé secrétaire d’État adjoint aux Finances fin
2015, le Mou lâche au Diário Económico : « Nous sommes cousins
mais ça ne signifie pas que nous soyons intimes ou que nous
partagions des idéaux politiques. » Et il lance : « Vous ne m’avez
jamais vu faire de grands commentaires et encore moins en
campagne. » Non, mais ça ne va pas tarder. Deux mois plus tard, il
publie une vidéo dans laquelle il appelle à voter Marcelo Rebelo de
Sousa pour les presidenciais. Pour la « première fois », comme il
l’affirme lui-même, il « assume publiquement » soutenir un homme
politique. Et il mise sur le bon cheval : le leader du Partido Social
Democrata (centre droit) sera élu. Car, oui, José Mário est un
homme « de droite. » En 2003, dans un entretien au Público, il
endosse et explique : « Parce que j’ai grandi dans une famille
traditionnelle portugaise qui ne s’est jamais mêlée de politique mais
qui a toujours su être heureuse entre équilibre et discrétion ; parce
qu’ensuite je me suis marié avec une Portugaise qui, comme
beaucoup, a dû venir d’Angola [ex-colonie portugaise] comme
conséquence d’événements historiques marquants de notre pays [le
25 avril]. Je dirais que nous sommes des personnes sensées et que,
politiquement, nous nous considérons un point équidistant et
équilibré. Mais, sur une question aussi directe, de droite ou de
gauche, si je réponds de façon objective, c’est droite. »11
Une citation est souvent accolée à José Mourinho : « Être de droite
et de Setúbal c’est comme être portiste à Lisbonne. » En réalité, il
n’a jamais prononcé cette phrase. Tout part de cette même interview
au Público. C’est le journaliste (Bruno Prata) qui lui demande si
« être de droite à Setúbal est presque aussi difficile que d’être
portiste à Lisbonne », ce à quoi José rétorque : « C’est un peu une
erreur [de dire ça]. Je pense que les Setubalois, ceux qui sont
enracinés dans la ville, ne sont pas vraiment comme ça. Mais la ville
et la région se transforment, fruit des flux migratoires. Actuellement,
beaucoup de gens qui vivent à Setúbal n’en sont pas originaires. Au-
delà de la passion que j’éprouve pour elle, je la respecte
profondément, parce qu’elle est une ville qui, bien plus que les
couleurs politiques, analyse, connaît les personnes, et va vers elles
ou les fuit. »12
Onze Mondial, Rijkaard et Gullit
Bien avant ces considérations, le petit José Mário n’a qu’une
passion : le ballon, et elle vire déjà à l’obsession. Alors qu’il n’a
même pas 10 ans, il demande comme cadeau à son père un
abonnement à Onze Mondial et à World Soccer. Internet n’existe pas
et souscrire à une revue étrangère est un véritable casse-tête. Il faut
contacter les magazines, les banques, pour effectuer un transfert
bancaire international… Mais José Manuel fait ce plaisir à son
gamin. Ces revues, José Mário les dévore. En les feuilletant,
s’éveillent ses premiers émois. Des pubs pour des stages de foot,
des formations d’entraîneur… Il en fantasme. C’est dit : dès qu’il le
pourra, il ira.
A la maison, tout tourne autour de la bola13. « Il baptisait nos chiens
avec des noms de joueurs étrangers, se marre Dona Júlia. Une des
passions de la maison était Gullit. »14 Gullit, comme le talentueux
milieu de terrain néerlandais passé par le PSV, Milan ou Chelsea
dans les années 1980-1990. « C’était le chien de ma femme qui, à
l’époque, était ma petite amie, précise José Mourinho.15 J’avais déjà
17, 18 ans. Gamin, je crois que les noms des chiens étaient des
noms de clubs : il y avait Vitória et Vitória, un chien et une chienne.
Avant d’être mariés, nous avons eu deux bergers allemands : Gullit
et Rijkaard. »16
O Sindicato : l’émancipation
Rentré, frustré, de Leiria, Mourinho Félix ne tarde pas à se trouver
une nouvelle monture. Et à lui offrir une nouvelle montée. Sa
nouvelle écurie : le Amora FC. Là, le voyage est bien plus court.
Administrativement, la ville d’Amora est intégrée au district de
Setúbal. Et bientôt membre de l’élite du foot portugais. L’AFC écrase
la zone sud de II Divisão 1979-1980, en terminant 6 points devant le
Lusitano d’Évora (la victoire ne vaut alors que 2 points). Manel qui
avait déjà fait monter l’União de Leiria pour la première fois de son
histoire en première division remet ça avec l’Amora Futebol Clube.
José est encore dans le coup et dans le coin. « Il établissait les
rapports sur nos adversaires, il nous exposait en détail ce qui nous
attendait et cette saison-là, on a été champions ! s’enthousiasme
Vítor Assunção. Il était un peu plus jeune que moi mais, là, j’ai
compris qu’il allait vivre dans et pour le foot. Il parlait beaucoup de
football et il en parlait comme un entraîneur. » Vítor, aka Vitinha
(retenez son nom, il reviendra dans quelques pages), est alors l’un
des attaquants d’Amora, l’un des tauliers du vestiaire, l’un des
Amorenses les plus anciens du groupe au sein duquel, le fils
Mourinho semble se faire une place. « Il passait beaucoup de temps
avec nous, se souvient-il. Il a participé au stage de présaison. On
allait courir à la plage. Il lui arrivait aussi de jouer avec nous, lors de
certains exercices à l’entraînement. » Et là, Vitinha se marre : « Bon,
jouer, ce n’était pas trop son truc, hein… »
La saison 1979-1980 marque un tournant dans le parcours du
(jeune) footballeur qu’est Zé Mário. Après avoir suivi le papa à
l’Estrela de Portalegre, au Caldas SC et à l’União de Leiria, il prend
sa licence dans un autre club que celui de son paternel. Alors, non,
le cordon n’est vraiment pas coupé – ne serait-ce que parce que la
distance est écourtée – mais à 16 piges, il s’émancipe et figure dans
l’équipe des Juvenis (moins de 16-17 ans) du Grupo Desportivo e
Recreativo « O Sindicato ».
Fondé à la fin des années 1970, après la chute du régime
salazariste, O Sindicato siège à Setúbal. Et la proximité avec le
Vitória Futebol Clube n’était pas que géographique. « O Sindicato
est un club populaire qui a une relation ombilicale avec le Vitória,
explique son président, Estevão Coutinho. Au moment de sa
fondation, le Vitória a mis à disposition des terrains pour les
entraînements et même pour certains matches. » C’est donc là que
Zé Mário se pose en 1979-1980. « C’est le premier club de Setúbal
pour lequel il a joué », lance fièrement Manuel Santana, l’un des
dirigeants de l’époque.
Santana tâche alors de ne manquer aucune rencontre de son
Sindicato. Il voit donc José jouer. « Certains disent qu’il était
mauvais mais il était loin d’être parmi les plus mauvais, jure-t-il.
Il évoluait défenseur central, parfois milieu. Il s’entraînait avec nous
chaque semaine et était là à chaque match. » Et (et ça n’a pas été
simple) on a retrouvé ceux avec qui il évolue alors en défense : Júlio
Gamito et João Luís Monteiro Piteira. « Honnêtement, ce n’était pas
un joueur exceptionnel, commence ce dernier. Disons qu’il n’en
mettait pas plein la vue. » « Il était très rude, détaille Gamito. On
jouait sur de la terre battue mais lui chaussait toujours des crampons
en alu. Lors d’un match contre Beja, il les a plantés dans la jambe
d’un adversaire qui a fini à l’hôpital. Il ne l’a pas fait à mal, c’était
dans le feu de l’action mais, oui, il avait un jeu dur. » Un footballeur
« dans la moyenne » que Gamito recroisera « bien des années plus
tard, lors de tournois de futsal », et dont il décèlera d’autres
qualités : « Curieusement, il était meilleur là que dans le foot à onze.
Techniquement, il était doué. »
Bien plus qu’un joueur se dégage un leader qui semble avoir gardé
certaines de ses habitudes d’Iniciado. « Il donnait beaucoup
d’indications à ses coéquipiers, témoigne Santana. Il détestait
perdre. Il avait déjà ce truc d’être, ou plutôt de vouloir devenir,
entraîneur. » Un « truc » qu’il va cultiver. Manuel Santana poursuit :
« Je me souviens qu’à l’époque on avait une formation, un séminaire
d’une semaine à Lisbonne. Une sorte de mise à jour pour les
techniciens. Zé avait demandé l’autorisation d’y assister. Il ne
pouvait pas intervenir mais il ingurgitait ce qu’il entendait. Le jour, il
allait à ses cours et le soir – puisque cela se passait le soir – il nous
rejoignait. » Aux portes de la majorité, José Mário façonne son
caractère et sa personnalité. Y compris face aux plus âgés. « Il avait
déjà cet air arrogant qu’on lui prête, parfois, même si moi je n’ai
jamais ressenti cela comme ça, assure Vítor Assunção, coaché par
le paternel à Amora. C’est un ami, quelqu’un de spécial… pour
moi. »
Au Sindicato, tout le monde ignore ses activités au Amora FC. « On
n’a su que bien des années plus tard qu’il aidait son père, avoue
Júlio Gamito. Il n’était pas du style à se mettre en avant. » « Il parlait
peu, confirme Piteira. Nous on pensait à s’amuser mais lui prenait
déjà ça très au sérieux. Il était très porté sur les études. Il était l’un
des rares de l’équipe à être au Lycée de Setúbal. » Zé se démarque.
Gamito : « On sentait à la façon dont il s’habillait, par les bijoux qu’il
portait, qu’il jouissait d’un certain confort, mais il n’en jouait pas,
c’était quelqu’un de très accessible. » (Photos 8 et 9. Voir pages
centrales)
La lettre du Sindicato à Mourinho
Bien qu’il n’ait joué qu’une saison au Sindicato, José Mourinho
reste très attaché au club de Setúbal. Manuel Santana qui était déjà
dirigeant du club lors de la saison 1979-1980 en a assuré la
présidence, par la suite, « pendant plus de vingt ans. » « Nous
sommes un club modeste, composé de beaucoup de gamins issus
de quartiers modestes, explique-t-il. Lorsque José Mourinho, version
Special One, entraînait l’Inter Milan [2008-2010], on lui a écrit une
lettre pour lui demander s’il pouvait nous aider. On était en manque
d’équipements. » Le Mou qui en Italie remportera deux Serie A, une
Coppa, une Supercoppa d’Italie et une Ligue des champions, répond
par des actes. « Il nous a envoyé de tout : des maillots, des ballons,
des plots… sourit Senhor Santana. Une quantité dingue de matériel !
C’était très classe de sa part. »
A fond la fac
En laissant Sesimbra à l’issue de la saison 1983-1984, José le
footballeur fait ses adieux au haut niveau. De toute façon, même
lorsque ses vissés l’accompagnaient sur les terrains défoncés, son
cerveau était envoûté par les bouquins et tout ce qui au jeu avait
trait. Et il date, cet intérêt.
Sa mère y est pour beaucoup. Dona Júlia, institutrice, dicte : « Os
estudos, filho ! »33 Collège, lycée, elle l’a même poussé à s’inscrire
en gestion, après le bac. Mais son truc, ça a toujours été le ballon.
Alors, elle s’adapte mais ne (le) lâche pas. Quand José Mário rédige
les compte-rendus sur les futurs adversaires de son père, elle ne
peut pas s’en empêcher : « Je mettais mon grain de sel pour vérifier
son portugais. Ces rapports étaient anormaux pour quelqu’un de cet
âge-là. Et à 15 ans, il en faisait déjà. »34 L’idée que son José puisse
embrasser le même destin que son mari la faisait néanmoins
carrément flipper. « Je ne voulais pas qu’il suive la même carrière
que son père à cause de la vie qu’il faut mener : de nombreux
déplacements et des absences prolongées, confiera-t-elle en 2003,
avant de concéder, avec tendresse. Aujourd’hui, mon club, c’est mon
fils. »35
Derrière chaque grand homme se cache une femme, n’est-ce pas ?
Dans le cas de José Mourinho, elles sont au moins deux. En plus de
la mamã, il y a l’épouse, Matilde. José in love : « Quand j’avais 17
ans, la femme de ma vie est apparue, une fille de 15 ou 16 ans qui
maintenant est ma femme. Elle aussi a suivi une formation
universitaire, en philosophie, et moi j’ai étudié l’éducation physique.
Au final, la constitution de ma pensée est le fruit de l’union de deux
aires que certains pensent incompatibles : l’université et le
football. »36 La voix et la voie de Tami confortent Zé dans son
cheminement, poursuivant le chemin tracé par ses parents. Les yeux
et l’esprit bien ouverts : « Quand j’entre à l’université j’ai tellement
d’obligations que la pression de faire les choses bien, de terminer
ma licence, changent ma manière d’être : je ne veux plus être cet
enfant qui veut devenir un footballeur de haut niveau et je sais que je
suis un jeune qui ne pourra jamais être le crack qu’il rêvait d’être ; je
me rends compte que je ne pourrais être qu’un joueur comme
beaucoup d’autres qui aiment le football, mais jamais être au top. »37
Et José ne veut pas être quelqu’un « comme beaucoup d’autres ».
Il veut être quelqu’un de spécial et il sait déjà comment y parvenir :
« C’est alors que je réalise que je dois voir la vie comme quelqu’un
qui a une tendance naturelle à diriger, à être un leader, à étudier, à
comprendre l’aspect scientifique des choses… »38
L’Instituto Superior de Educação Físcia (ISEF) va l’accompagner, le
former, l’éduquer, le forger dans sa quête. Lié à l’Université
Technique de Lisbonne, l’ISEF qui s’est d’abord appelé Instituto
Nacional de Educação Física (de sa fondation en 1940 à 1975)
porte, depuis 1989, le nom de Faculdade de Motricidade Humana
(FMH). José Mário y entre en 1982 et va y passer un quinquennat
plein de vies.
José Mário qualifie ses années fac de « géniales ».39 Mais pas en
mode cool, dilettante… Non, non. Le gars qui visait l’ISEF, l’a atteint
et il déroule : « Dès le premier jour, avant même de commencer, je
savais ce que je voulais. »40 Voilà qui promet…
Manuel Sérgio : « Il est super-doté intellectuellement »
« Il a toujours voulu être entraîneur. Je me souviens qu’il le disait.
Il avait la sensation qu’il allait triompher. » Manuel Sérgio garde un
souvenir très prononcé de José Mourinho. Pourtant, leur moment ne
va pas durer très longtemps.
Manuel Sérgio est une immense figure du sport au Portugal,
professeur et docteur en philosophie. Il a été l’un des profs du Mou à
l’ISEF. « Il a été mon élève, lors de sa première année », lance-t-il
fièrement. La matière avait pour nom : « Philosophie des activités
corporelles ». Le philosophe, qui fut aussi député au début des
années 1990, est le père-penseur de la « motricité humaine », une
nouvelle science sociale et humaine qu’il définit comme « un
mouvement intentionnel et solidaire de la transcendance. » C’est-à-
dire, prof ? « Lors de ma thèse en doctorat, je défendais déjà l’idée
que l’éducation physique, le sport, la danse, formaient un domaine
dans lequel les individus tendent toujours à se transcender. Dans
mes cours, je parlais aussi du physiologisme dans le sport. Je
pense, modestement, que j’ai un peu été un pionnier dans ces
choses. Le sport est une activité dans laquelle on retrouve la
complexité humaine. Je visais non seulement la partie physique
mais aussi le mental et je pense que Mourinho applique cela. »
On en revient à notre mouton qui, à en croire notre philosophe, a
plutôt la gueule d’un loup. Celui de Wall Street ? « José Mourinho
est un homme qui reproduit parfaitement et sans contestation la
haute-compétition typique de la société capitaliste, analyse Manuel
Sérgio. Le sport même dans lequel il se produit multiplie les traits de
la société capitaliste : les mesures, les records… Ni Mourinho, ni
Guardiola, ni Ancelotti ne peuvent être de grands entraîneurs dans
ce milieu sans reproduire, ni multiplier la haute-compétition
constante typique du capitalisme. Pour vivre dans le football de ce
niveau, il faut aussi être capable d’adopter un certain type de
comportement. »
Un certain mode de pensée, aussi. Le Professor a en mémoire un
échange avec son élève, au cours de cette saison 1982-1983 : « Je
me souviens d’avoir eu une conversation avec lui où je lui disais que
le football était plus que du football et que l’homme qui est dans le
football et qui ne connaît que le football ne connaît rien au football.
Il m’a demandé pourquoi et je lui ai répondu que le football n’est pas
qu’une activité sportive mais, surtout, une activité humaine où bien
d’autres choses au-delà du physique entrent en jeu. Il a tout de suite
compris ce que je voulais dire. » José capte vite. « Il est l’un des
élèves les plus brillants que j’ai croisés au cours de mes 45 ans de
carrière, ce n’est pas n’importe quoi, envoie l’octogénaire. L’analyse
qui s’impose sur Mourinho c’est qu’il est super-doté
intellectuellement. Et en tant que tel, il en met plein la vue. Il sait qu’il
est un homme intelligent. Le monde qu’il a intégré est un monde de
haute compétition où il gagne et dans lequel il se sent bien. C’est un
homme brillant au niveau intellectuel. Il sait très bien quoi faire. »
Le Professor Sérgio n’est pas peu fier d’avoir contribué à former
celui qui sera un maître dans l’art des Mind games mais il préfère la
jouer modeste : « Il a déjà parlé de moi, en disant que j’ai été un bon
professeur pour lui. Mais au niveau du football, il a appris avec son
père, avec d’autres. Il est né et a grandi dans le football. Par nature,
il a toujours voulu comprendre ce qu’il fait. Il avait donc besoin
d’étudier. »
« Très studieux, très appliqué »
José Toureiro confirme les dires du professeur Manuel Sérgio :
« Zé était très studieux, très appliqué. On aimait sortir, s’amuser,
comme n’importe quels jeunes de cet âge mais on était
responsables. Quand il fallait travailler, étudier, on savait s’organiser.
On voulait décrocher notre licence au plus vite et avoir notre carte
professionnelle pour pouvoir entraîner. » José et José sont amis
depuis la fac. Depuis l’ISEF, donc, même s’ils se sont déjà croisés
auparavant. « On s’est affrontés en juniors, précise Toureiro. J’étais
au Benfica et Zé Mário au Belenenses. On était rivaux, en équipes
de jeunes. » Toureiro qui est professeur d’EPS à l’escola secundária
Augusto Cabrita, au Barreiro, se souvient d’un footballeur « plein de
vitalité ».
Histoire de bien comprendre : que comporte donc cette fameuse
licence sur cinq ans décrochée par José Mourinho ? Que renferme
donc ce diplôme obtenu par le Special One ? Exposé de son pote,
Toureiro : « En première et deuxième année, nous avions un
enseignement d’éducation physique de base. Nos connaissances
liées à notre enseignement secondaire étaient, là, beaucoup plus
approfondies. Ensuite, on avait plusieurs spécialités : psychologie,
anatomie, physiologie, psycho-philosophie, psychomotricité… C’était
très complet, avec une base théorique très importante. Sur les
dernières années, on appliquait tout cela aux disciplines sportives ; à
partir de la troisième année, on devait choisir : gymnastique sportive,
athlétisme, football et basketball, par exemple. Et puis lors de la
quatrième et cinquième année, on a pris la spécialisation football.
Nous avons donc une licence en éducation physique avec une
spécialisation football. A l’époque, on sortait de là avec une carte
professionnelle qui était reconnue par la fédération. Lors de notre
dernière année de licence, on devait effectuer un stage dans un club
et on devait présenter un travail final, appelé « Centro de treino », un
dossier dans lequel figuraient les composantes d’entraînement et où
tout était détaillé : ce qu’on faisait, comment on choisissait les
exercices… » On reviendra plus en détail sur cette dernière année,
notamment.
« Ce n’est pas la note qui te fait être meilleur ou pire »
L’élève, l’académicien, José Mário Mourinho Félix se montre
appliqué, assidu. « Quand il était au lycée, il avait des notes
raisonnables et quand il est entrée à l’ISEF, il a passé cinq ans avec
de très bonnes notes », assure sa mère.41 Auto-critique de José, à la
Mourinho : « Je pense que j’aurais pu être un élève à la faculté avec
de meilleures notes que celles que j’ai eues. Pour moi, très
honnêtement, un élève de fac, surtout dans un domaine comme le
nôtre, ce n’est pas la note qui te fait être meilleur ou pire. »42
En réalité, José n’est pas très emballé par ses premières années à
l’université. Les trois ans de tronc commun ne le branchent pas. Le
jeune homme pense déjà pratique et se veut pragmatique. Il renie la
« bible » du grand méthodologue de l’entraînement professée alors
à l’ISEF. Trop généralisée, pas assez focalisée sur sa spécificité : le
foot.
Du coup, José Mário puise son inspiration ailleurs. Parfois, loin. Il va
jusqu’en Espagne pour s’approvisionner en bouquins. Là-bas,
plusieurs auteurs étrangers sont traduits. Parmi eux, Knut Dietrich.
« On a réalisé un travail sur lui, à la fac, indique José Toureiro. Sur la
simplification de la structure complexe du jeu. On partait de
situations simples : un contre un, contre deux, un contre trois, trois
contre deux… jusqu’à ce que le jeu devienne un onze contre onze.
Le jeu réduit était la cellule de base du jeu qu’on allait tenter de
mettre en pratique en onze contre onze. Dietrich était étudié en
France à Vichy43, notamment. On a aussi étudié plusieurs modèles :
anglais, allemand, français, néerlandais… et, au final, on a appris et
on a pris un peu de tous. »
Mourinho ne fait pas que lire des trads. Il bosse aussi les langues et
ses compétences linguistiques lui seront d’une grande utilité dans
quelques années (et quelques pages). Il racontera : « Je lisais le
français et l’anglais scolaire. Quand je suis passé dans
l’enseignement secondaire, je n’avais plus le français mais j’ai
continué l’anglais. L’un de mes meilleurs amis à l’époque avait vécu
en France et il parlait mieux français que portugais. »44 Son autre
ami, José Toureiro, tient à faire une précision : « On a appris
l’anglais et le français de façon très superficielle au lycée mais rien
qui pouvait nous permettre d’assumer une interview. Zé travaille
beaucoup. Il part en Italie et apprend l’italien… C’est un cérébral, il
aime penser, anticiper. Il lit beaucoup, il est très cultivé. »
« Zé a toujours voulu se présenter seul »
A l’ISEF, parmi les enseignants de José Mário, il y a Carlos
Queiróz. Le futur double champion du monde U20 avec le Portugal,
futur sélectionneur des A, mais aussi de l’Afrique du Sud, de l’Iran
ou de la Colombie exerce le sacerdoce de « professeur de football ».
Queiróz et Mourinho qui s’étaient rencontrés au Belenenses vont
cohabiter pendant les cinq ans de la licence de José.
« Avec moi, il était très intéressant, commente le Professor. Il a
toujours été joyeux, vif, déterminé, affirmatif. Il était une personne
très marquante, par sa personnalité. » José Mário s’avère être un
élève un peu… spécial. « Il y avait une chose curieuse chez lui, livre
Queiróz. Les examens étaient individuels, bien sûr, mais les travaux
qui encadraient ces examens pouvaient être réalisés en groupe.
Cela faisait partie de leur cursus. Et Zé a toujours voulu se présenter
seul, avec son travail personnel. C’est l’un des rares à avoir fait cette
demande, lors de ses épreuves finales, par exemple. »
Outre Queiróz, Mourinho va retrouver Nelo Vingada, à l’ISEF. « Je
l’ai reconnu tout de suite ! », lance celui qui avait connu José Mário,
gamin, à Bélem, alors que son père y jouait encore. Nelo est un
autre aventurier du ballon qui, à 27 ans, a stoppé sa carrière de
joueur pour initier celle de technicien, d’abord « comme adjoint de
Jimmy Hagan et, l’année suivante, d’Artur Jorge au Belenenses. »
Vingada – qui deviendra le second de Queiróz avec les U20 du
Portugal, mais aussi sélectionneur en chef de ces mêmes moins de
20 ans et des olympiques portugais – est devenu lui aussi prof de
foot. Et il va instruire Mourinho pendant un an. « Je n’ai plus de
souvenirs précis mais s’il n’a pas été le meilleur de sa classe, il a au
moins figuré dans les trois premiers », continue-t-il. A cette époque-
là, il n’imagine pas pour autant une telle destinée pour José : « Si on
me demandait si je voyais en Zé Mário, élève de la section football
de troisième année de l’ISEF, l’entraîneur de football qu’il est
devenu, je dirais non. Qui plus est, ma matière avait une vision plus
pédagogique du football, avec des objectifs différents. »
Le Prof Vingada qui dirigera le Marítimo, l’Académica, le Zamalek ou
le Al-Ahly détaille le contenu de ses interventions : « La matière
football était tournée vers les aspects plus didactiques et
pédagogiques du football. On formait des futurs professeurs
d’éducation physique. Plus tard, en quatrième année, Zé a opté par
la spécialité football. Les notions d’entraînement, d’organisation, de
méthodologie pesaient ; et seuls ceux qui étaient issus du foot ou
ceux qui avaient un goût et une capacité prononcés s’en sortaient. »
Dans la promo de Mourinho figure notamment José Peseiro. Plus
tard, il dirigera le Sporting, le FC Porto, Braga ou Guimarães. « Ils
ont été importants dans la phase de relance du football portugais de
la fin des années 1980, étaye Nelo Vingada. Ils portaient une bonne
partie de ce qu’était la philosophie de l’ISEF et de son organisation.
A l’époque, nous avions un protocole avec l’Associação Nacional de
Treinadores45, une sorte de joint-venture d’efforts mutuels, d’entente,
de compréhension, entre ce qu’étaient la pratique et la connaissance
de la faculté et la pratique des entraîneurs. Le football portugais a
ainsi fait un bond dans les années 1980. »
José Mário présente un autre avantage sur certains de ses
camarades : la connaissance du terrain (n’en déplaise à ceux qui
aiment le dépeindre comme un mec sans expérience de footballeur).
« A l’époque, peu de ceux qui intégraient l’ISEF venaient du milieu
du foot, explique le professeur Vingada. Du coup, quand un élève en
était issu, il était perçu comme une aide pour nous et pour les autres
élèves. Ils étaient quelques-uns à avoir joué en deuxième, troisième
division ou à des niveaux inférieurs et qui avaient une certaine
sensibilité vis-à-vis du foot. » Nelo insiste : « Zé, lui, a joué à un bon
niveau, il a connu des vestiaires ce qui lui a permis de flairer ce
qu’est le football. Moi qui ai joué en première et deuxième division,
qui ai évolué à plusieurs niveaux du foot, la réalité d’un vestiaire
n’est pas très différente d’une échelle à une autre. »
« Il lui est arrivé de jouer gardien ! »
Bien qu’il ait quitté Sesimbra et le monde pro en tant que
footballeur, José Mourinho n’en demeure pas moins un. Plutôt deux
fois qu’une. Un an durant, au cours de la saison 1984-1985, il
intègre l’équipe de l’Universidade Técnica de Lisboa (UTL) qui est
engagée sur deux fronts. « Il a joué dans l’équipe de la fac qui était
inscrite dans le championnat universitaire et dans le championnat du
district de Lisbonne, explique Carlos Queiróz. Nous avions alors un
projet de formation académique – qui reposait beaucoup sur la partie
scientifique et théorique – qui devait s’assoir sur la dimension
pratique. Les élèves devaient avoir une pratique en tant
qu’entraîneur et en tant que joueur. » L’UTL est développée en ce
sens. Le groupe est géré par les professeurs de la section football
de l’ISEF et certains élèves de dernière année dont José Vasques.
« J’étais l’entraîneur de l’équipe dans le championnat de district et je
jouais aussi dans le championnat universitaire, précise-t-il avant de
sourire. Je ne devrais pas vraiment dire ça mais… je pourrais
presque dire que j’ai été l’entraîneur de Zé Mário ! »
Vasques qui entraînera Fátima, qui officiera en Arabie Saoudite ou
aux Emirats Arabes Unis, décrit son « ex-joueur et ex-coéquipier »
comme un « bon collègue » : « Il aimait prendre part à ces moments
collectifs. » José Mário, dont la cervelle bout sur les bancs de la fac,
décompresse sur les gazons. « C’était le genre de joueur qui jouait
là où il fallait, épanche Vasques. C’était une période, disons, plus…
divertissante. »
Si t’as bien suivi, jusqu’ici, José a joué, dans les différents clubs où il
a été inscrit, comme défenseur, milieu, ailier, attaquant. A l’UTL, il
poursuit et parachève sa diversification. José Vasques : « Avec
nous, il lui est arrivé de jouer gardien ! Et il aimait bien jouer dans les
buts. » « A l’ISEF, il était polyvalent, il jouait aussi bien défenseur
central, qu’attaquant ou gardien de but, confirme son ami et alors
coéquipier, José Toureiro. S’il nous manquait un gardien, il y allait. »
Et le futur Special One démontre une certaine habileté en tant que
numéro 1. « Je ne sais pas si c’est dû au passé de gardien de son
père mais il était flexible, habile, il avait une super coordination »,
analyse Toureiro.
Le passé, le statut de son père n’est pas un sujet sur lequel José
Mário se répand. « On ne parlait pas trop de cela, ni de ses années
de footballeur, se souvient Vasques. Il ne s’en vantait jamais, ni ne
faisait référence au fait d’être le fils de qui il était. C’était un élément
du groupe. » Le statut de « fils de » n’était donc pas ici un souci. Pas
plus qu’ailleurs, estime le professeur Nelo Vingada : « Zé Mário n’a
pas joué dans un Benfica, un FC Porto mais il a joué au football et
lorsqu’il a était un joueur du Belenenses ou du Rio Ave c’était par
son propre mérite. Quand il devait jouer, il jouait, quand il devait être
sur le banc, il allait sur le banc. Connaissant son père, il n’aurait pas
abusé de sa situation pour pistonner son fils. Il a suivi son propre
chemin, de lui-même, avec son propre caractère. »
José s’est fait maintenant une raison. Il ne fera pas carrière en
poussant le ballon, mais en le pensant. « Il n’avait aucune frustration
de ne pas avoir fait une grosse carrière de joueur, assure Toureiro.
Nous avions une ambition académique. Même pour moi qui suis
passé par les catégories de jeunes du Benfica, c’était difficile de
m’imposer dans une équipe qui était composée de grands noms.
C’était dur pour les jeunes. C’est plutôt à partir de Carlos Queiróz
qu’on s’est mis à miser sur les jeunes joueurs. Jusqu’alors c’était les
« éternels rois » ». (Photo 11. Voir pages centrales)
« On échangeait sur plusieurs aspects liés au football »
Les prestations de l’équipe de l’União Técnica de Lisboa restent
anecdotiques. L’objectif de ces étudiants n’est pas de devenir des
cadors sur le terrain mais autour. A l’ISEF, plus précisément au sein
de l’UTL, « c’était une ambiance très fac, insiste José Vasques. Ce
n’était pas un esprit très compétitif. » Il était justement plus
question… d’esprit. De jeu. De philosophie.
« On échangeait sur plusieurs aspects liés au football, se souvient
Vasques. A l’époque, [Sven-Goran] Erkisson entraînait au Portugal
[le Benfica]. Il y avait une nouvelle philosophie qui s’implantait au
sein de la section football de la faculté, avec les professeurs
Mirandela da Costa, Carlos Queiróz, Jesualdo Ferreira, Nelo
Vingada, Jorge Castelo… De nouvelles idées sur ce qu’était le jeu.
La fac était l’extension de la section football et on conversait
beaucoup autour de ces sujets. »
La pensée de ces Professores va se matérialiser. « Tout était très
conceptualisé, au travers d’exercices spécifiques, il y avait aussi
l’apport de nos collègues du nord du pays, avec la périodisation
tactique, développe Vasques. Le travail devait être plus spécifié et
tourné vers le jeu. Ce fut un virage au niveau de la méthodologie, au
Portugal. Les succès de la Seleção en Coupe du monde U20 en
1989 et 1991 avec le professeur Carlos Queiróz ont prouvé
l’efficacité de ces méthodes et ont aidé à leur divulgation. » Selon le
natif de Mirandela, Mourinho « assimilait pleinement cette
philosophie, ce qui ne veut pas dire qu’il n’avait pas sa propre façon
de penser, ses notions, sa façon de travailler, ses propres
méthodologies. Chacun voit l’évolution du jeu à sa façon. Ça ne
voulait pas dire non plus qu’il y avait une pensée unique, loin de là. »
Et il n’y a surtout pas que le foot, dans la vie…
En aide à des enfants handicapés
Au-delà d’être étudiant et footballeur au sein de l’ISEF, José
Mourinho, comme ses autres camarades, est aussi et déjà prof.
« Dès nos premières années à l’université, on donnait des cours
dans des écoles, parce qu’il y avait un gros manque de professeurs
d’EPS, raconte José Toureiro. On étudiait le matin et on donnait des
cours l’après-midi. » Les journées des José sont lourdes : « Nous
qui avions l’option foot, on avait cours à 7 heures du matin. On avait
un travail de recherche sur toutes les coupes du monde. Le
professeur Jorge Castelo réalisait une thèse en doctorat sur les
mondiaux et il nous avait confié ce travail. On transpirait du foot par
tous les pores (rires). Puis, on avait les autres matières. C’était une
vraie lutte ! » Les élèves touchent à tout : gymnastique, danse
rythmique, athlétisme, handball, volleyball, natation…
La fac va aussi leur offrir une leçon de vie. « Au cours des deux
dernières années, deux fois par semaine, avec José, nous
travaillions avec des personnes handicapées, dans une piscine, des
jeunes atteints de la trisomie 21, révèle José Toureiro. On leur
apprenait à nager, de façon ludique. On tentait de les aider à
améliorer leur condition physique et leur quotidien. » La piscine du
Jamor accueille ces gamins et ces profs en devenir qui, au fond, ne
sont encore eux aussi que des gamins. Des échanges qui ont
profondément marqué Mourinho et Toureiro. « Ce furent des
moments prégnants, souffle avec pudeur ce dernier. Disons qu’on
était altruistes, on voulait aider les autres. »
Queiróz : « Les notes les plus élevées que j’aie
données »
Au bout de cinq ans de taf et de passion, José Mourinho est sur le
point d’obtenir sa licence. Pour cela, il lui faut réussir l’épreuve
finale. Face à lui, l’éminent Carlos Queiróz. « Quand il a terminé sa
formation, les professeurs Jesualdo et Mirandela étaient partis et
j’étais déjà responsable pédagogique et scientifique du département
football de l’ISEF, explique le Professor. Il a réalisé sa troisième,
quatrième et cinquième année, son examen final, sa licence, avec
moi en qualité de professeur de football d’éducation physique. »
Queiróz dissèque le contenu, la contenance et la consistance de ce
fameux test ultime. « Il y avait plusieurs matières et l’une d’entre
elles était pratique et pédagogique. Elle s’appelait « Centro de
Treino » (« Centre d’entraînement »). Les candidats devaient
entraîner une équipe pendant un an et effectuer une présentation
lors de l’examen final. N’importe quelle question tactique, technique,
physique, physiologique pouvait tomber. Tout était basé sur le
rapport technique établi lors de cette année d’entraînement. »
« J’ai encore la copie de Mourinho. Il faudra que je lui offre un jour »,
s’amuse Queiróz. Alors, valise ou carton ? « José Peseiro et lui ont
obtenu les notes les plus élevées que j’aie données en tant que
professeur », classe Queiróz. Les José – qui figurent parmi les plus
beaux ambassadeurs de l’ISEF / FMH depuis son existence – ont
tout déchiré. Leur parcours46 futur ne sera sans doute pas un
hasard…
Au moment où José Mário obtient son diplôme, un nouveau chapitre
de sa carrière est en train de s’écrire, non loin de là, au Comércio e
Indústria.
Re-union à Madère
Comme à chaque fois, Mourinho Félix ne tarde pas à rebondir.
Il atterrit à Madère au cours de cette même saison 1985-1986. Le
voilà entraîneur du Clube Futebol União (CFU), plus communément
appelé União da Madeira, l’un des trois principaux clubs de l’île avec
le Marítimo et le Nacional. Il remplace Mário Morais avec pour
objectif la montée en première division. Il la loupe de très peu.
L’União termine deuxième de la II Divisão Zona Sul, derrière son
voisin du Marítimo. Reste donc la Liguilha pour arracher le dernier
billet pour l’élite. Raté. Le sésame revient à… Varzim qu’il vient de
quitter. Mais Manel prolonge à Funchal. Malgré la distance avec le
continent, il est loin d’être seul. Son José Mário n’est jamais bien
loin…
C’est au cours de l’exercice suivant (1987-1988) que les joueurs de
l’União da Madeira font connaissance avec José. Mourinho Félix a
concocté une préparation d’avant-saison, avec la participation de
son fiston. « Nous avons effectué un stage dans le nord du Portugal,
à Esposende. On y est resté 29 jours, raconte avec précision Inguila,
alors capitaine de l’União. On s’entraînait le matin et l’après-midi. »
Un (jeune) homme va rythmer ces longues journées. « L’un de nos
adjoints était malade et José a assuré notre préparation physique
lors de ce séjour », poursuit le capitão. Les cours n’ont pas encore
repris à l’ISEF et José s’est trouvé une nouvelle bande de
compagnons. « Il était le plus jeune d’entre nous et il a été bien reçu,
assure Inguila. Il était très bien élevé. On était presque 30 joueurs et
ce furent 30 amis pour lui. »
Le rapprochement entre l’effectif madérien et le père Mourinho est
encore plus évident. Dito, attaquant prometteur qui vient de rejoindre
l’União et la D2, explique : « Lors de ce stage, on a réalisé un match
de préparation face au Rio Ave. Mário Réis [celui-là même qui avait
remplacé Mourinho Félix lors de son deuxième passage à Vila do
Conde] qui en était l’entraîneur me voulait. Ils étaient en première
division, nous en deuxième, mais Mourinho Félix ne m’a pas lâché.
Il n’a pas voulu que je parte. « C’est mon joueur », disait-il. Je ne
suis pas parti et, franchement, je l’ai très bien vécu. J’étais avec un
coach qui me voulait vraiment. » Dito vient tout juste de lâcher les
Lions du Sporting : « J’ai rejoint l’União qui était déjà à Esposende
depuis plusieurs jours. Je me souviens d’avoir passé une soirée
avec José Mourinho. » Il y en aura d’autres.
« Il venait à Madère lors des vacances de Noël, pour le carnaval ou
Pâques, poursuit Humberto Câmara. Il venait aider son père. »
Formé à l’União, passé par le Marítimo, devenu entraîneur,
Humberto est l’un des autres capitaines du CFU, témoin des
escapades insulaires de José Mário au cours desquelles il se
mélange à l’équipe première. « Il lui arrivait de participer aux
oppositions à l’entraînement et je dois dire qu’il se débrouillait bien,
décrit-il. Il était rapide, technique. » « Il avait un bon toucher, il se
débrouillait pas mal, confirme Inguila. Mais il avait plus vocation à
devenir entraîneur et il était plus tourné vers l’ISEF et les études. »
Mourinho vs Sylvanus
A Madère, Mourinho Félix retrouve son « ange-gardien » :
Francisco Trindade, le portier qu’il avait dirigé à Leiria et au Rio Ave.
Et Trindade retrouve son José Mário. « Cinq ans après le Rio Ave,
j’étais à l’União da Madeira avec son père, narre-t-il. Zé l’a rejoint
lors des vacances de Noël. Il a passé deux semaines à Funchal.
Il s’entraînait avec nous, avec cette même bonne humeur. Il était très
sociable. Il entrait dans le vestiaire mais n’était pas perçu comme le
fils de l’entraîneur. » Comme ce fut le cas lorsque son père
l’entraînait au Belenenses et au Rio Ave, José n’a pas de traitement
de faveur. A la fin de ces années 1980, la star de l’União se nomme
Sylvanus Okpala. Sylvanus. C’est ainsi qu’on l’appelle. Un blaze de
guerrier, de gladiateur thrace. Ce milieu de terrain nigérian qui
portera aussi les couleurs du Marítimo et du Nacional a remporté
plusieurs coupes et championnats au pays avec l’Enugu Rangers et,
surtout, la CAN 1980 avec les Super Eagles.
« Il était arrivé avec le Professor Moniz qui l’avait mis à l’essai et il
était resté, se souvient le capitaine Inguila. C’est l’un des meilleurs
footballeurs étrangers passés par Madère. Il était très professionnel.
Le dimanche, les jours de match, il courait 15 km ! » « Une fois, le
réceptionniste de l’hôtel a appelé Mourinho Félix pour lui dire que
l’un de ses joueurs faisait du bruit dans le couloir, raconte Trindade.
C’était Sylvanus qui montait et descendait les cinq étages pour
s’exercer ! Les autres joueurs le charriaient parfois mais ils avaient
beaucoup de respect pour son talent et son professionnalisme. Ce
joueur était un crack. Il avait le plus gros salaire de l’équipe et de
très loin mais il était tellement fort… Mourinho Félix le prenait
souvent à part, parce qu’il avait vraiment un statut à part. »
Un joueur spécial qui va avoir droit à un duel avec le futur Special
One. Trindade : « Un jour, Sylvanus n’a pas accepté une décision de
l’entraîneur. Il y a eu un moment de tension. Zé était présent. Il n’a
rien dit, ne s’en est pas mêlé sur le coup. L’entraînement a repris.
On faisait une opposition. Zé était sur le terrain, avec nous. Il y a eu
un duel entre lui et Sylvanus. Zé a levé le pied, il y est allé
franchement. Il ne blaguait jamais sur le terrain, c’était toujours pour
la gagne. C’était un joueur dur. Et il a eu ce geste sévère envers
Sylvanus qui s’est relevé, avec son statut de « crack ». Ils se sont
pris la tête. C’était juste une histoire entre deux joueurs. A aucun
moment, Sylvanus se disait qu’il était face au fils de l’entraîneur. Ça
s’est fini là, là où ça avait commencé. » « Ce jour-là, Zé l’a taclé par
derrière. Ce sont des choses qui arrivent souvent, dédramatise
Humberto. Il y a eu un face-à-face entre deux hommes qui détestent
la défaite. »
Et Mourinho Félix dans tout ça ? « Son père n’était pas du genre à
se mêler des histoires. Ça se résolvait entre nous. Il n’y a pas eu de
rancœur, d’ailleurs », relate Trindade. « Félix ne parlait pas
beaucoup, il n’était pas très expressif, même sur le banc, continue
Inguila. Il n’était pas très frontal et plutôt discret. J’ai eu deux, trois
discussions avec lui, parce que j’étais frontal mais il n’aimait pas le
conflit. »
« L’affaire » entre José et Sylvanus se dissipe aussi vite qu’elle a
éclatée. Trente-cinq ans plus tard, le Nigérian affirme qu’il n’en garde
« aucun souvenir » : « Franchement, je ne me rappelle pas du tout
d’avoir eu une altercation avec José. » Okpala qui deviendra
notamment entraîneur adjoint du Nigéria garde même une
« merveilleuse » image de José : « C’était un super mec. Comme
son père d’ailleurs qui est sûrement l’entraîneur avec lequel j’ai le
plus apprécié travailler au cours de ma carrière. José est la réplique
de son père. Ils étaient très proches. Quand je vois les cheveux
blancs de José aujourd’hui, j’ai parfois l’impression de le revoir… »
Sylvanus perçoit toutefois « une différence » entre les Mourinho :
« José est un entraîneur plus agressif et j’aime ça chez un coach.
A l’époque, il était déjà très déterminé, enthousiaste. »
« Un maître de la préparation physique »
Poncif FC : mis à part cet accrochage qui « fait partie de la vie d’un
vestiaire » et après que les personnes concernées « se sont dits les
choses », le « groupe vit bien. » Et José y contribue grandement.
Lors de ses séjours sur l’île de Madère, le fils Mourinho enfile le
survêt mais pas des perles. Il bosse, il aide. « Il était un maître de la
préparation physique, s’enflamme Inguila. Il était jeune et je ne
pouvais pas prévoir qu’il allait devenir un aussi grand entraîneur
mais, sur la partie physique, c’était un artista. » António Alegre,
milieu offensif formé au Sporting, joueur de l’Uniao de Mourinho
Félix, en déduit que le boulot de ce dernier est, d’une certaine façon,
influencé par celui de son fils : « A cette époque-là, Zé Mário étudiait
à l’ISEF où on enseignait une autre vision du football. Et aujourd’hui,
je peux en déduire que l’évolution des entraînements du père venait
de là. »
L’implication de José va bien au-delà de ces quelques escales sur
l’archipel. C’est sur le continent qu’il servait le plus l’União da
Madeira. « Il suivait nos adversaires et établissait des rapports, rend
compte Alegre. On avait des détails sur tout : le positionnement des
joueurs, leurs mouvements… A l’époque, on en discutait avec nos
adversaires, ils étaient surpris qu’on ait autant d’informations sur
eux. » Francisco Trindade a retenu l’un de ces moments
d’étonnement : « C’était face à Santiago de Cacém. Le terrain,
comme c’était souvent le cas à cette époque, était un stabilisé. Zé
qui vivait à Setúbal était allé à Santiago de Cacém pour voir leur
entraînement. Il avait parcouru les 100 km qui séparaient les deux
villes. Le jour de la rencontre, son père nous a dit lors de la
causerie : « Mon fils m’a dit que leur numéro est 7 est intenable,
parce qu’il est comme ça et on va donc jouer comme ci. » On est
partis s’échauffer et les joueurs disaient : « Attends, son fils dit ça
mais s’il était si fort que ça, il ne jouerait pas au Santiago de
Cacém ! Ce sont des conneries ! » Le match a débuté, ce fameux
numéro 7 a feinté quatre joueurs, a pénétré dans ma surface, m’a
dribblé et a marqué le seul but du match. Ensuite, il s’est blessé et a
dû sortir. Le président de l’União da Madeira qui avait assisté à la
causerie a dit à Mourinho Félix : « Mais si le joueur est si bon, si
votre fils l’a repéré, tout ce que votre fils a dit, le joueur l’a fait,
pourquoi on ne le recruterait pas ? » Il a décidé d’aller parler au
joueur en question mais il avait déjà signé avec le Belenenses. »
Cet apport de José, Inguila tente de le récompenser. « Notre
président, Jaime Ramos, était après Alberto João Jardim47 la
personne la plus importante de l’île. Comme Zé allait regarder les
matches de nos adversaires sur le continent et faisait des compte-
rendus qu’il remettait à son père, j’ai dit à Jaime Ramos : « Donnez
quelque chose au gamin. » S’il a donné ou pas, ça, je ne sais
pas… »
La peur de l’avion et les claques à José
En acceptant de se poser à Madère, Mourinho Félix réalise un gros
effort. Ce n’est pas une question de pépètes mais de pépettes. « Le
vieux avait une peur bleue de l’avion ! révèle António Alegre, rythmé
par ses rires. Quand on atterrissait sur le continent, son fils nous
attendait à l’aéroport. Son père était tellement tendu que lorsqu’il
descendait de l’appareil, il s’approchait de José et lui collait deux
claques, mais de vraies bonnes baffes et lui disait : « Bordel, tu vois
ce que je suis obligé de faire pour toi ?! » C’était presque un rituel
pour lui quand il descendait de l’appareil. »
Si les voyages entre Madère et le Portugal continental sont
douloureux, ceux entre l’archipel madérien et celui des Açores sont
carrément une torture. L’attaquant Dito en tremble encore : « On a
eu un déplacement à Santa Clara. Je n’ai pas souvenir d’un voyage
aussi mouvementé. Une heure de turbulences. Mourinho Félix a
passé tout le vol accroupi. On a fini par réussir à atterrir à São
Miguel mais, pour le retour, Mourinho Félix voulait rentrer en
bateau. C’était terrible ! J’aimais bien rigoler et je lui disais : « Mister,
on va tomber ! » Il s’accrochait à son siège et me balançait : « Tu ne
viendras plus jamais ! » »
Certains de ses joueurs profitent même de la phobie du coach pour
lui soutirer des faveurs. « Quand on voyageait en avion, Mourinho
Félix avec un médaillon en or, un crucifix, qu’il serrait entre ses dents
durant le voyage, dévoile le gardien Trindade. Lors d’un
déplacement à Setúbal, Celso, un Brésilien très rapide, très bon
joueur, s’est assis à côté de l’entraîneur et il lui a dit : « Mister,
l’avion va s’écraser. » Mourinho gardait sa croix dans la bouche et
criait : « Tais-toi, tais-toi ! » Celso lui a dit : « Mister, si vous me faites
jouer, l’avion ne s’écrasera pas. » Mourinho a fermé les yeux et lui a
promis : « Tu vas jouer ! » Celso a joué, on a gagné 1-0 et c’est lui
qui a marqué ! »
Ce crucifix, Mourinho Félix ne le lâche jamais. Il l’accompagne sur le
banc, avec son paquet de clopes. « Il fumait beaucoup, trois paquets
par jour, souffle Trindade. Il passait le match avec une cigarette dans
la bouche. » Une superstition (tu verras) quasi maladive. Il y a
toutefois des coups du sort et du pied qu’aucune croyance, ni
aucune relique ne peut contenir : « Un de nos joueurs, Lima, avait
une frappe de mule, énonce Dito. Lors d’un entraînement, Lima a
repris un ballon aérien de volée et sa frappe a terminé sur la tête de
Mourinho Félix. En pleine nuque ! Il a fait trois galipettes arrière et il
est tombé dans les pommes. Les joueurs ont commencé à paniquer,
à se dire que Lima venait de tuer l’entraîneur. On a dû appeler les
secours et il a retrouvé ses esprits. Il en rigolait par la suite. »
La suite de la saison sera moins marrante. Félix est remplacé par
Carlos Cardoso, autre figure marquante de Setúbal et du Vitória, et
l’União termine huitième de son groupe de D2. Mourinho Félix va
bientôt s’unir avec une ex. Une autre União, celle de Leiria, va
renaître… José, lui, va retrouver Setúbal.
Le temps du Vitória
José Mourinho a beau n’avoir que 24 ans, il n’a pas le temps.
Cette fois, ça y est, il a mis un terme à sa carrière de joueur.
Après avoir coaché les Iniciados [moins de 15 ans] du Comércio
e Indústria pendant une saison, il s’engage avec le Vitória
Futebol Clube. Le Vitória est LA référence foot de Setúbal et il
occupe une place importante dans son cœur. C’est le club où
son père a longtemps joué, le club dont il est sócio depuis le
jour de sa naissance.
Mais qui a eu l’idée, le flair, d’enrôler ce si jeune et quasi
inconnu au VFC ? Ancien gardien du CUF (actuel Fabril
Barreiro), du Sporting ou de Braga, José António Mendonça
Ferreira, dit « Conhé », a servi durant de longues années le
Vitória de Setúbal en tant qu’entraîneur, adjoint, dirigeant… Et il
est là, lorsque José débarque : « C’était en 1987. Fernando
Oliveira [président du Vitória de Setúbal] m’avait proposé de
venir comme adjoint de Malcolm Allison qui dirigeait l’équipe
première et d’être le coordinateur des jeunes du Vitória de
Setúbal. Il manquait un entraîneur pour les Juvenis [moins de
17 ans] et on m’a parlé de José Mourinho, fils de Mourinho Félix
qui avait été gardien au club. J’ai dit : « OK, ramenez-donc le
garçon. » » Fernando Tomé, ami du père Mourinho, ancien
joueur et dirigeant du Vitória, révèle l’identité du « on » : « Zé
Mário a été invité par Rui Bento Salas, l’un des directeurs du
football du club, sous la direction de Fernando Oliveira. »
José, pistonné ? José, fils à papa ? « Un dirigeant du club m’en
a parlé. Son père avait été une référence au club, quelqu’un de
très respecté mais José s’est imposé par lui-même, cogne
Conhé. Peut-être que lorsqu’il a intégré le club il y avait ce truc
de : « C’est le fils de Mourinho Félix » mais ensuite il s’est
imposé tout seul. Et les gens l’ont aimé. »
Conhé kiffe tellement qu’il lui confie, très vite, d’autres
responsabilités : « Comme il était prof d’EPS, j’en ai profité pour
le mettre entraîneur des Juvenis et préparateur physique des
juniors de Jacinto João. Et les choses se sont bien passées. »
A tel point que José a droit à une promotion de la part de
Conhé : « L’année suivante, Jacinto João a rejoint la Quimigal
(ex-CUF) et j’ai promu Mourinho entraîneur des juniors. Il avait
26 ans. Pour moi, il avait les capacités pour le poste et il a fait
du bon travail au club. » Au total, Mourinho bossera trois
saisons au Vitória, une avec les Juvenis, deux avec les juniors.
José va rapidement se faire un prénom au Vitória (après tout, le
nom y est déjà plus que connu et respecté). Aparício, buteur de
l’équipe première (qui y sera longtemps dirigeant par la suite), a
un petit rituel avant ses matches : assister à ceux des jeunes de
José Mário. « Il jouait le dimanche matin et, nous, joueurs de
l’équipe première, devions nous rendre au stade pour l’heure du
déjeuner, explique l’ancien joueur de Villefranche. Comme
j’habitais à côté du stade, j’y allais très souvent. Ses équipes
avaient déjà une façon de jouer, de travailler, de communiquer
différentes. On se doutait qu’un jour ou l’autre il percerait. Zé
Mário est vite devenu une référence au Vitória en tant
qu’entraîneur. »
« Il taclait sur le parquet ! »
En tant que joueur aussi, José va marquer les esprits, à
Setúbal. Certes, il a mis un terme à sa carrière de footballeur au
Comércio e Indústria, avant d’intégrer le Vitória. Mais le
bichinho50 est là. Il lui arrive encore de prendre part à certaines
joutes locales. Aparício y apparaît : « Je me souviens de lui lors
de tournois de foot en salle. Comme j’étais joueur de l’équipe
première, je ne pouvais pas y participer mais j’assistais aux
matches. Il n’avait pas une technique folle mais au niveau du
positionnement il était top et, physiquement il y allait ! Il taclait
sur le parquet ! Il détestait perdre. » Tomé aussi est spectateur
de ces parties de futsal et sa réaction est un copier-coller de
celle d’Aparício : « Il n’avait peut-être pas les qualités naturelles
qui auraient pu lui permettre de devenir un joueur d’un autre
niveau mais il avait cette force mentale. Il taclait sur le parquet !
Il n’a pas été un joueur de standing européen mais il avait une
caractéristique : quand il jouait, c’était pour gagner. Il détestait
perdre. »
Une grinta, une garra, une raça qu’il va tenter de transmettre à
ses joueurs, aussi jeunes fussent-ils. Parce qu’avec José, il y a
un temps et un lieu pour tout. Et le terrain n’est pas celui de la
récréation. Pas même les jours de fête. Conhé se remémore un
épisode « au moment du carnaval. » Faut bien comprendre que
carnaval rime avec Portugal. Certaines municipalités et sociétés
en font même un jour férié. Conhé, donc : « Les juniors sont
arrivés maquillés de l’école et ils allaient s’entraîner. Mourinho
les a alertés qu’ils étaient des footballeurs et qu’en tant que tels
ils ne devaient pas venir maquillés. Ce n’était rien de grave mais
ça démontrait son caractère. Sa mère était institutrice. Il avait
reçu ces valeurs, cette éducation. C’est lui qui imposait les
choses. Je l’observais et je voyais en lui un vrai entraîneur. »
Un prof d’EPS « normal »
Ces gamins, ces juvénils Setubalenses, ils le voyaient
comment ? Quel souvenir José Mourinho leur a laissé ? Bah, on
va leur demander. Certains d’entre eux ont connu le professeur
avant le Mister. Souviens-toi, l’étudiant de l’ISEF et ses
camarades ont très vite été amenés à donner des cours d’EPS.
José Mário a ainsi officié à l’escola secundária da Bela Vista, à
Setúbal, dont certains lycéens deviendront ses joueurs au
Vitória. C’est le cas de José Salgado, José Cancela et Hélio
Rassul.
Né au Mozambique de parents setubalenses, José Salgado est
surtout connu sous le sobriquet de Ganga (qui signifie jean, en
portugais). « Quand j’étais en maternelle, je ne voulais mettre
que des jeans et je disais toujours à ma mère : « Je veux des
jeans ! Je veux des jeans ! » Et c’est resté », sourit-il. Ganga a
donc connu José au bahut : « Il était mon prof d’EPS. Je l’avais
eu pendant un mois, parce que ma prof était malade. Il était
l’entraîneur du Comércio e Indústria, aussi. Il était… normal,
comme professeur, pas sévère. Il voulait juste qu’on fasse les
choses comme il faut. » Pas relou, le Mou. José Cancela
confirme : « Il était mon professeur d’EPS, en seconde. Pour
nous, les garçons, c’était un bon prof parce qu’on pouvait jouer
au football. On lui mettait la pression et comme il aimait ça
autant que nous, il nous laissait toujours un peu de temps pour
y jouer. Il était tranquille. Il avait sa personnalité, forte, mais il
était parfaitement normal. » Cancela qui est devenu entraîneur
aux Pelezinhos, un club de quartier de Setúbal, poursuit : « J’ai
un peu suivi ses pas en devenant professeur d’EPS, même si
j’ai opté pour la gestion. »
« Il était plutôt cool, notamment avec les filles qui ne voulaient
rien faire, rigole Hélio Rassul. Il laissait couler : « Faites quelque
chose, ce que vous voulez. » » Rassul, qui bosse aujourd’hui
dans la médiation immobilière, avait fait connaissance avec
José Mário un peu plus tôt encore : « J’étais Iniciado au Vitória
et il m’avait fait une interview. Il écrivait pour un journal de
Setúbal, le Setubalense, je crois, en plus d’être au Comércio e
Indústria. » Prof, joueur, rédacteur pour un journal… José
remue, bouge, s’active. Mais ce qui le fait vraiment vibrer c’est
le ballon, le boulot d’entraîneur.
« On le vouvoyait et on l’appelait Mister »
Le professeur bonnard et « cool » va prendre une toute autre
posture en tant que coach, au Vitória. « Là, il était d’une
exigence… Il était dur mais il savait créer un esprit de groupe »,
assure le défensif, Hélio Rassul. « Il y avait un temps pour tout.
Quand il fallait s’amuser, on s’amusait, mais quand il fallait
travailler, on travaillait, poursuit Ganga. S’il devait avoir une
devise ce serait : « Donnez-moi tout et je ferai tout pour
vous. » » L’écart générationnel entre José et ses joueurs n’est
pas énorme : dix piges, ça en fait plus un grand frère qu’un
père. Il parvient toutefois à s’imposer sans mal. Ganga :
« Il n’était pas beaucoup plus âgé que nous mais on le
respectait à un point… Dès qu’on le voyait au loin on disait :
« Voilà le monsieur ! » » « On était proches tout en étant
respectueux, admire José Cancela. Il a réussi à instaurer cette
relation. » « Respect ». Le mot revient à chaque fois. Y compris
dans la bouche de João Mota qui sera l’un des capitaines du
Vitória de Mourinho : « On le vouvoyait et on l’appelait Mister. »
Autre proprio du brassard, Júlio Lourenço va passer trois ans à
Setúbal sous les ordres de Mourinho. « Le football a quelque
chose de très particulier qu’est le vestiaire, débute-t-il. Mourinho
avait conscience de l’importance qu’un vestiaire avait sur un
groupe. En tant que capitaines, avec Mota, il voulait qu’on veille
à ce que certaines valeurs soient respectées. Pour lui, l’objectif
était de gagner. Il nous donnait des moments de liberté
lorsqu’on était en déplacement, par exemple, et il nous
demandait d’être attentifs. » Mister José Mourinho va avoir
plusieurs occasions de tester la rigueur de ses jeunes.
« Il faisait ce qu’il fait aujourd’hui : il prenait quatre, cinq joueurs
de l’équipe sous son aile et ces joueurs-là lui permettaient
d’avoir le groupe entier dans sa main », observe Ganga.
« Il était très exigeant et nous responsabilisait beaucoup,
relance José Cancela. Lorsqu’on avait des tournois, des
déplacements, il n’était pas du style à être derrière nous.
Il instaurait des règles et voulait qu’on les suive. Il nous indiquait
un horaire mais il ne nous fliquait pas. En revanche, si le jour du
match, on ne répondait pas présent, ça devenait plus compliqué
pour nous (rires). Ceux qui n’étaient pas bons étaient
pénalisés. » Là aussi, tout est prévu, comme l’indique Cancela :
« Il y avait plusieurs sanctions possibles. Ça pouvait être une
amende, en cas de retard. Avec cet argent, on allait manger
tous ensemble. Si besoin, il avait une discussion en tête-à-
tête. » Il arrivait aussi que ce soit tout le groupe qui mange…
Une demi-heure à monter et descendre les tribunes
du stade après une victoire 6-0
José Mário Mourinho avait « deux faces contrastées ». C’est
Júlio Lourenço, l’un de ses capitaines au Vitória qui le dit. Une
main pour claquer, une autre pour caresser. « Il parvenait
toujours à avoir les joueurs de son côté, assure Júlio. Ça
m’étonne d’ailleurs un peu de voir que ces dernières années, il
n’a pas toujours le groupe avec lui. » Ce grand frère fouettard a
laissé quelques moments à ces gamins en mémoire. José
Ganga n’a « jamais oublié » celui qui suit : « On était en plein
hiver. Je vous laisse imaginer le temps… On avait un match
face à une équipe voisine d’un niveau inférieur au nôtre. A la mi-
temps, il y avait 0-0. Mourinho est entré dans le vestiaire sans
mot dire. Il a pris une craie et a écrit le chiffre 7 au tableau. Il l’a
posée et est reparti. » Le Mou vient de dessiner la mission fixée
à ses joueurs : en planter 7. Mais un autre dessein les attend.
Ganga reprend : « On s’est imposés 6-0. A la fin du match, alors
que certains étaient déjà sous la douche, il s’est pointé et a
envoyé : « Qui vous a dit que vous pouviez vous laver ? » On
s’est regardés et il a enchaîné : « On retourne sur le terrain ! »
On s’est dirigés vers l’intendant pour qu’il nous donne des
maillots propres, les nôtres étaient par terre, pleins de boue.
Mourinho les a pointés du doigt : « Non, non, vous prenez ceux
qui sont là ! » On s’est tapés une demi-heure à monter et
descendre les tribunes du stade avec nos maillots boueux ! »
« Je m’en souviens comme si c’était hier, lâche Hélio Rassul.
Il y avait deux championnats : le Campeonato Nacional et le
Campeonato Complementar. Et ce jour-là, il a décidé d’aligner
l’équipe principale dans le Complementar. Sur le papier, on
devait leur mettre une raclée. Il était dur et dans l’empathie à la
fois. Il travaillait notre mental. » Et parfois, ça peut faire mal.
José Mota raconte : « On était menés 2-0 à la mi-temps face au
Casa Pia. Le match se passait super mal, y compris pour moi.
Je me sentais fatigué. Il m’a appelé : « Mota, je veux te dire un
mot ! Qu’est-ce qu’il se passe, caralho51 ? T’es nul ! » Il était
hors de lui. Les larmes me sont venues. L’un de mes
coéquipiers est intervenu : « Mister, calmez-vous… » « Que je
me calme ?! Va te faire… Je te sors ! » Et il l’a sorti ! En
seconde période, on a marqué deux buts et on fait match nul 2-
2. On a ensuite dîné tous ensemble chez le père d’un des
joueurs. Il s’est approché de moi. J’en tremblais. Il a posé sa
main sur mon épaule : « Alors Mota, qu’est-ce qui ne va
pas ? Tu n’étais pas dans ton match, qu’est-ce que tu as ? » Je
me suis dit : « Le mec m’a fracassé à la mi-temps et, là, il se la
joue sympa ? » Mais, ce jour-là, j’ai appris beaucoup de choses.
Il frappait d’une main et caressait de l’autre. Maintenant que je
suis professeur, je comprends sa façon de faire. Il voulait qu’on
soit toujours attentifs. Il était exigeant, très rigoureux. »
En replongeant dans ses souvenirs, Mota retrouve un autre
coup du Mou : « On jouait au Quimigal. On perdait 1-0. On était
déçus, parce que leur équipe était plus faible que la nôtre. A la
mi-temps, l’un de nos joueurs s’est adressé à Mourinho :
« Mister, vous ne dites rien ? Vous ne parlez pas du match ? »
« Allez tous vous faire foutre ! », lui a répondu Mourinho. Et il
est sorti du vestiaire. On a gagné ce match. » Moralité ? « Il a
voulu nous responsabiliser et nous mettre face à nous-
mêmes », retient Mota. La colère de Mourinho était peut-être
sincère mais il savait surtout comment piquer ses joueurs.
Autre épisode narré par le Capitão Mota : « Un match à Évora,
en Juvenis. Il y avait 0-0 à la pause. Je jouais milieu avec un
autre gars. Mourinho est entré dans le vestiaire et nous a dit :
« Vous n’avez pas mal au cou ? » On s’est regardés, on l’a
regardé, un peu incrédules : « Mal au cou ? Non, pourquoi ? »
Il a repris : « Pourquoi ? Parce que ça balance de l’attaque vers
la défense et vous ne faites que regarder le ballon passer. Ça
ne vous dirait pas de prendre un peu le jeu à votre compte ? »
On a compris le message. On a remporté ce match 3-0. »
Il est arrivé que les jeunes Sadinos aient littéralement la tête en
l’air, les yeux braqués, bloqués dans les nuages. José Cancela
récite un improbable acte ayant pour scène le stade Alvalade :
« On avait monté notre stratégie, comme d’habitude, pour ce
match face au Sporting. On était sur une action de contre et, là,
un avion est passé au-dessus du stade. On s’est arrêtés de
jouer et on a levé la tête au ciel ! Certains de nos joueurs
vivaient dans des coins un peu plus reculés de Setúbal. Ils
n’avaient jamais vu un avion de leur vie ! Mourinho était à deux
doigts de rentrer sur le terrain ! » Cancela en rigole encore.
« Il était très passionné, sourit-il. Il détestait perdre. Il était
obsédé par la victoire. Du coup, il vivait tous les moments de
façon très intense. Aussi bien les matches que les tournois ou
les entraînements. » Une rencontre de championnat face à
l’Estrela da Amadora va presque lui faire perdre la tête, là
encore, au sens littéral. Cancela : « On a d’abord été menés, on
est parvenus à égaliser et lorsqu’on a réussi le 2-1, il a sauté au
niveau de son banc et s’est fracassé la tête ! La zone technique
était en ciment ! Il a dû se faire recoudre. On était en train de
célébrer le but sur le terrain et on l’a vu le visage en sang. »
José Cancela, João Mota, Ganga, Júlio Lourenço, Hélio Rassul
reviennent sur ces anecdotes avec nostalgie et saudade mais
ils n’ont rien oublié des efforts quotidiens exigés par leur ancien
coach.
« Respecter l’adversaire, c’est le massacrer »
La méthode Mourinho s’avère être un ensemble. Complet,
complexe. Comme le bonhomme. Il n’est pas question que
d’entraînement et de méthodologie. Il y a aussi beaucoup de
boulot psychologique, mental, cérébral. Que ses joueurs aient
12, 15, 18, 20 ou 30 ans, José s’en cague. Tout Mou. Il veut
gagner. Bien dur. Et il a un plan, ou plutôt des plans, pour ça.
Durant trois ans, ses Juvenis et ses Juniores vont ingurgiter,
savourer, boire, engloutir, manger, déguster du Mourinho.
A toutes les sauces.
José Cancela donne le ton : « Les entraînements étaient durs
dans le sens où il fallait vraiment tout donner. Il ne voulait pas
que ce soit une récréation. » Mourinho a autant le souci du
détail que l’amour du jeu. « On s’entraînait beaucoup avec le
ballon, poursuit l’ancien défenseur. Les coups de pied arrêtés
étaient très bien travaillés. Tout était bien défini. Il préparait des
schémas avec les différentes situations possibles et le
positionnement de chacun. »
João Mota atteste : « On savait ce qu’on avait à faire. A tel point
que… A cette époque, je jouais défenseur ou milieu axial. Mais
s’il avait fallu que je joue gardien ou avant-centre, j’aurais pu le
faire, parce qu’il nous disait quoi faire. Les postes devenaient
des données relatives. Tactiquement, il est fortíssimo. » Et il
avait une préférence, confie Mota : « Nous jouions en 4-4-2. Il y
avait peu de changements, sauf lorsqu’on perdait où il prenait
plus de risques. »
« Il y a trente ans déjà, il mettait en place une organisation très
haute sur le terrain », contemple Júlio Lourenço. Cette pressão
alta virera à l’obsession. Tout comme son sens de
l’organisation. « Il était très attentif à la rigueur défensive, à
l’organisation collective, aux déplacements, ce qui n’était pas
courant à cette période, enchaîne Júlio. J’avais eu deux
entraîneurs avant Zé Mário au Vitória mais ça n’avait rien à voir,
ni de près ni de loin avec sa façon de faire. Il était offensif. » Y
compris face aux gros. S’il est une chose qui n’a pas changé et
qui n’est pas près de l’être dans le foot portugais, c’est la
mainmise des trois grands (Benfica, FC Porto, Sporting). Les
autres n’ont qu’à crever la gueule ouverte, au mieux, bouffer les
miettes. Mais Mister José Mário Mourinho n’accepte pas cette
fatalité. « Quand on affrontait le Benfica ou le Sporting, ils
avaient beaucoup de difficultés à nous battre, remarque
Lourenço. Parce qu’il parvenait, grâce à son organisation, à
réduire l’écart entre nous et eux. On jouait toujours pour gagner
et il nous disait souvent : « Respecter l’adversaire, c’est le
massacrer. » Il voulait qu’on marque le plus de buts possibles,
sans en encaisser. Si on en marquait beaucoup mais qu’on en
prenait ne serait-ce qu’un, on avait les oreilles qui chauffaient. »
Pour contrer ces géants, José joue de malice. Ganga en rit
encore : « J’ai quasiment toujours été titulaire dans les équipes
de jeunes du Vitória, y compris avec Zé. J’étais technique,
rapide et je marquais pas mal de buts. Lors d’une rencontre
face au Sporting, il m’a sorti de l’équipe et m’a mis sur le banc.
J’étais dégoûté, parce que j’adorais le Sporting. Après 10
minutes de jeu, il m’a dit d’aller m’échauffer mais… dans le
vestiaire. A la mi-temps, il m’a annoncé que j’allais entrer et m’a
dit d’aller sur le terrain. J’ai compris son coup, bien plus tard. Le
joueur qui devait être face à moi était lui aussi sur le banc. En
me disant d’aller m’échauffer sans que personne ne me voit, il
m’a permis d’être 10-15 minutes sans personne au marquage.
Parce que le joueur en question a fini par entrer et me marquer.
Et là, mon match était presque terminé. » Ganga insiste :
« Avant lui, on avait pour habitude de perdre par trois ou quatre
buts d’écart face aux gros mais, avec lui, on s’est mis à rivaliser
avec eux. »
« Notre entraîneur, notre conseiller, notre frère…
Il était tout »
Comme il le fait avec Ganga, Mourinho jongle avec les
neurones de tous ses gamins et fait tout pour emmêler ceux de
ses adversaires. « Il avait de l’avance, des procédés nouveaux,
inhabituels, martèle José Salgado « Ganga ». Un exemple : on
faisait des tournois en Espagne et il changeait tout le
vocabulaire pour ne pas qu’ils nous comprennent. »
« C’est au niveau psychologique qu’il nous touchait le plus,
poursuit Ganga. De nos jours, dans un staff, vous avez un
spécialiste pour tout. Mais lui était notre entraîneur, notre
préparateur physique, notre conseiller, notre frère… Il était
tout. » Et Ganga est bien placé pour en parler : « Je ne pensais
qu’au foot, je ne voulais pas entendre parler des études. Quand
Zé a repris l’équipe, je m’entraînais une heure avant la séance.
Juste lui et moi. Il faisait cela pour que je sois un peu prisonnier,
que je ne sois pas sans rien faire. Il me donnait beaucoup de
conseils, me poussait à ne pas lâcher l’école. J’étais l’un de ses
gosses. »
Salgado a une pointe de regret dans la voix : « Si je l’avais
écouté, tout aurait été différent, c’est sûr… J’ai été professionnel
très jeune au Vitória mais je ne pensais qu’à sortir et à 21 ans,
j’ai abandonné le foot. Il me manquait une chose essentielle : la
tête et, surtout, continuer de travailler avec lui. » Narration d’un
autre temps où le foot est un passe-temps et beaucoup de
parents n’ont pas le temps. « Mon père était pêcheur, il partait
très tôt, tous les jours, soupire Ganga. A cette époque, les
parents ne se mêlaient pas de ça. »
Même ressenti chez Hélio Rassul : « Oui, il avait une
méthodologie différente. Il était de toute façon différent, il avait
une formation académique, il introduisait beaucoup le ballon
dans les séances mais… je persiste à dire que c’est le mental
qu’il travaillait. Là où d’autres nous disaient de prendre le ballon
et de faire un jeu, lui proposait quelque chose, il donnait autre
chose. »
Afin que sa recette prenne, José en choisit chacun des
ingrédients. Cette équipe de jeunes du Vitória Futebol Clube, il
l’a construite, façonnée, fignolée. « Il est allé chercher plusieurs
joueurs dans des clubs des alentours, explique João Mota, l’un
de ses capitães. Il était super-intelligent. Avant de le rejoindre,
j’évoluais au Pelezinhos, une équipe du coin. J’en étais le
capitaine. Je jouais avant-centre et je marquais beaucoup de
buts. Il avait constitué une équipe avec beaucoup de joueurs de
grande taille. Un jour, il m’a demandé : « Mota, tu sais pourquoi
tu es venu au Vitória de Setúbal ?
Non, Mister, lui ai-je répondu.
Parce que tu es grand ! Tu ne jouais pas un caralho ! »
Ce genre de choses qu’il nous disait contribuait à nous motiver.
A cette époque, je ne comprenais pas grand-chose au foot mais
il a su éveiller ma curiosité. »
N’oublions pas que José Mourinho est d’abord un formateur. Et
c’est en tant que tel qu’il débute sa carrière de technicien. Et,
déjà, il sait ce qu’il recherche.
António Eduardo Calção est à deux doigts d’intégrer le Vitória
de Mourinho. Il fait partie de ces promesses repérées par José.
« J’étais chez les jeunes du Estrela de Vendas Novas et
Mourinho voulait me faire signer, commence le milieu de terrain.
J’ai été mis à l’essai par le Vitória pendant près d’un mois.
Il appréciait beaucoup mes qualités et voulait que je reste mais
il n’y a pas eu d’accord entre les clubs. C’était l’époque des
premiers transferts concernant les jeunes joueurs et le Sporting
est venu me chercher. » Calção n’a rien oublié de ces quelques
jours passés avec le Mou, ni de sa façon de faire si spéciale :
« Il avait des méthodes innovantes. Beaucoup de travail avec le
ballon, le travail physique ne se faisait qu’avec la balle. Et
surtout, il savait préparer ses joueurs mentalement. Il dégageait
quelque chose de fort, sur le bord du terrain, une énergie folle.
Même s’ils ne l’étaient pas, pour lui, ses joueurs étaient les
meilleurs. »
« Avec lui, je me suis senti le meilleur joueur du
monde »
Les anecdotes illustrant la capacité motivationnelle de José
Mário auprès de ses petits Vitorianos ne manquent pas. Ganga
revient sur un tournoi disputé en Espagne : « Face à nous, il y
avait le Real Madrid, Valence et une sélection d’Estrémadure.
On affrontait le Real au premier match. Leurs joueurs
discutaient avec ceux de Valence et disaient qu’ils allaient être
champions d’Espagne, qu’ils avaient une grande équipe… Au
bout de deux minutes de jeu, on était déjà menés 2-0. On est
revenus à 2-2. A la mi-temps, Mourinho est entré dans le
vestiaire et a dit : « Pour nous, c’est déjà une victoire, allez sur
le terrain et faites ce que vous voulez. » Il a su nous motiver,
nous donner, nous faire confiance. On en a pris un troisième, on
a égalisé en toute fin de match et on les a éliminés aux tirs aux
buts. »
L’effet de surprise fait aussi partie des techniques employées
par Mister Mourinho. Pas seulement pour surprendre ses
adversaires mais aussi pour titiller, piquer, motiver, stimuler ses
propres joueurs. Ganga : « Avant un match contre le Farense, il
m’a dit que je ne jouerais pas, parce qu’ils avaient deux
centraux très grands. Je me suis donc entraîné avec l’équipe
des remplaçants. J’étais terriblement amer. Le jour du match, il
m’a croisé pendant que les titulaires se préparaient pour
l’échauffement et m’a dit :
« Qu’est-ce que tu fais là ?
Je lui ai répondu : Mister, on attend que les titulaires s’équipent.
Non mais tu vas jouer.
Moi ?
Oui, tu vas jouer, va t’habiller. »
Il m’a aligné dans le couloir. J’ai été l’un des meilleurs joueurs
du match, j’ai donné deux passes décisives. Il jouait avec nous,
il nous testait. »
José éprouve sans cesse le mental de ses bambins. L’air fermé,
froid, sévère qu’on lui voit souvent sur le banc ou en conf ‘ de
presse en font presque une caricature du daron portugais. Et
être son « fils » n’est alors pas toujours un privilège. A l’image
de son père, il ne veut pas qu’on dise que ses protégés sont
favorisés. Et là encore, Ganga te le dira : « Il a aussi été mon
entraîneur avec la sélection de Setúbal. José Augusto, ex-gloire
du Benfica, en était le sélectionneur et lui l’entraîneur. On avait
terminé troisième d’un tournoi interdistrict. C’est là que je suis
appelé en équipe nationale. Il a dit devant tout le monde : « Il y
en a un ici qui ne mérite pas d’y aller mais je vais lui donner
cette opportunité. » Ce n’était pas méchant, c’était sa façon de
me pousser à travailler plus. »
A la fin des 1990’s, bien des années après avoir été coaché par
Mourinho à Setúbal, et alors qu’il porte la tunique de l’Imortal,
en Algarve, Hélio Rassul le croisera. José n’aura rien perdu de
son pouvoir de séduction, de persuasion et de motivation : « Je
n’avais plus revu le Mister depuis je ne sais combien de temps,
conte-t-il. Il venait de quitter Barcelone et était venu assister à la
rencontre. Après le match, il est venu me parler. Après ce petit
moment passé avec lui, je me suis senti le meilleur joueur du
monde. La façon dont il m’a parlé, je me sentais le plus grand,
le plus fort. »
José sait aussi récompenser. « Une main pour claquer, une
autre pour caresser. » Et il arrive que son poing de fer renferme
une surprise. Même dans la défaite.
Une médaille pour ses « enfants »
Alors, OK, la façon de faire, de parler, de vivre le foot de José
Mourinho est spéciale à Setúbal. Mais est-elle efficace ? Ses
trois ans au Vitória parlent pour lui. Rien qu’au niveau régional,
rivaliser avec les géants Benfica et Sporting relève de l’utopie.
Ils absorbent les meilleurs jeunes, les meilleurs formateurs qui
ont pour ambition d’évoluer dans les meilleures conditions et le
cycle se répète inlassablement… Aucune équipe de jeunes du
Vitória de Setúbal n’a remporté un titre au niveau national. Les
Juvenis et les Juniores de Mourinho obtiendront toutefois des
résultats. Des records, même. En 1988, il enquille les victoires
dans son groupe du Championnat national.
« On est restés plus de 1000 minutes sans prendre de but »,
lance fièrement l’un des capitaines, Júlio Lourenço. 1120
minutes exactement. Un moment que José a voulu graver et
pas que dans les mémoires. L’autre capitão, João Mota
reprend : « On a perdu notre premier match au bout d’une
quinzaine de rencontres, sur un but contre notre camp, face à
l’Atlético CP. » « On était en pleurs autour de lui après cette
première défaite, confesse Hélio Rassul. On s’accrochait à lui,
en larmes. Et il était là, avec nous, il nous encourageait.
Il protégeait ses « enfants ». » Telle une louve, José Mário veille
sur ses petits. Tel un loup, il tient à ce que leurs crocs restent
aiguisés. Mota : « Le mardi suivant, il est venu à l’entraînement
avec une médaille pour chacun d’entre nous sur laquelle était
inscrit VFC et 1120, comme les minutes de notre
invincibilité. Il nous a dit qu’on allait vite se remettre à gagner. »
(Photos 14 et 15. Voir pages centrales)
La reconnaissance de José ne s’arrête pas à ses joueurs.
« Mon père, lors de cette année en Juvenil, nous suivait à
chaque match, confie João Mota. On a eu un tournoi en France
et Mourinho n’avait pas emmené l’un des dirigeants pour que
mon père puisse y aller. C’était une récompense pour mon pai
qui avait assisté à tous nos déplacements. Mon père n’a jamais
oublié ce geste. » Un voyage qui va marquer l’histoire du Vitória
et de Mourinho.
Un premier trophée remporté… en France
Avril 1988. La France pleure Pierre Desproges, assiste à la
percée du Front National au premier tour des présidentielles et
est le théâtre d’une victoire qui va initier la légende du Special
One. Car c’est en Région parisienne, à Guyancourt plus
exactement, que José Mourinho remporte le tout premier de ses
très nombreux trophées en tant qu’entraîneur. Un moment tout
aussi historique pour le Vitória de Setúbal puisque, comme
l’indique le magazine du club à l’époque, il s’agit là de la
« première grande victoire internationale du football juvénile »
du VFC. José Mário a 25 printemps et dirige les moins de 17
ans sadinos. Gamin, il avait visité le coin, en famille. Posés à
Brétigny-sur-Orge, les Mourinho avaient flâné à Versailles et à
Paris. Cette fois, JM est là pour taffer. Pour gagner.
Face à lui : Saint-Etienne, l’Atlético de Madrid, Metz, Bruges ou
le PSG. José et ses Juvenis débutent leur campagne face au
Paris FC (1-0), enchaînent par un nul face à l’ES Guyancourt
(un match marqué par un but refusé au Vitória et une avalanche
de grêle) et poursuivent avec un spectaculaire 4-2 face à
Karlsruhe. Face aux Allemands, le gardien portugais, Nuno
Santos, joue les héros et repousse deux pénos. Santos qui fera
une carrière pro avant de devenir entraîneur des gardiens du
LOSC et du Tottenham de Mourinho remet ça face à Bruges (4-
1). Il stoppe deux autres penalties et envoie son équipe en
demies. Et là, le Vitória explose les Canadiens de Montréal (3-
0). La finale sera elle aussi à sens unique. Face aux nombreux
emigrantes portugais présents, les Sadinos soulèvent le Matra
Racing (3-0) et la coupe. Les « mourinhos » – ainsi sont
surnommés les joueurs de José par le mag du club – qui ont
défié le froid et la pluie sont récompensés par une promenade
au château de Versailles et un dîner dans un bon restau de la
cité royale.
« C’était un grand tournoi pour les juniors, rappelle Gérard
Ancel, alors président de l’ES Guyancourt. On était sponsorisés
par Bouygues. Le Vitória est venu deux ou trois fois et c’était
toujours très sympa, ils étaient très sympas. » Du coup, Gérard,
il était tout aussi « sympa » José Mourinho à l’époque ? « José
Mourinho ?! Parce que c’était lui l’entraîneur de Setúbal ?! Vous
me l’apprenez ! » Trente ans plus tard, l’organisateur de ce
tournoi de jeunes qui a vu le Mou décrocher son premier
trophée apprend donc, via un coup de fil, qu’il a contribué au
« dépucelage » du Special One.
Il faut dire que l’anonyme Zé Mário n’en est qu’au début de son
chemin. Et il sera semé d’embûches. Parfois, au sens propre.
Le bus qui ramène la délégation setubaloise au pays tombe en
panne aux abords d’Andorre. Et voilà que Zé et ses jeunes se
retrouvent à pousser le vieux Scania dans les sommets
pyrénéens.
Lorsqu’il évoque ce tournoi en France, João Mota a encore les
yeux qui pétillent : « Ce fut fantastique. Zé Mourinho nous a mis
tellement à l’aise là-bas… La veille de la finale face au Matra
Racing, il nous a dit de faire ce qu’on voulait. On s’est regardés
en se disant qu’il se moquait de nous mais, non, il était sérieux.
Le fait est qu’on est arrivés le jour J hyper détendus et qu’on a
gagné. On travaillait beaucoup et on savait parfaitement ce
qu’on avait à faire. » Cette coupe glanée en 1988 en Île-de-
France trône aujourd’hui encore dans la salle des trophées du
Vitória de Setúbal. (Photos 16, 17 et 18. Voir pages centrales)
José responsabilise, une fois encore, ses joueurs, ces ados.
Hélio Rassul se souvient qu’en cas de manquement, « il ne
plaisantait pas. » La saison suivante (1988-1989), il prend part
avec le VFC à un autre tournoi en France, à l’issue duquel les
Sadinos doivent s’envoler pour une tournée en Martinique. Et
Hélio est à un rien de la louper : « Je ne me suis pas bien
comporté. Il a réuni le groupe et m’a dit : « Quand on sera
arrivés au Portugal, je vais réfléchir si tu repars ensuite avec
nous ou pas. » » Rassul n’ose pas trop avouer sa faute et finit
par lâcher, un peu gêné : « C’est tellement moche que je ne
veux pas le dire. On avait un système d’amendes pour les
sanctions. Moi, j’avais oublié mon équipement. Le garçon qui
gérait les amendes m’a donc dit que j’allais en prendre une. Je
l’ai presque agressé. Pourtant, quand on me connaît… Je m’en
suis voulu tout de suite après. J’ai payé, bien sûr, et Mourinho
m’a donc rappelé que je risquais de rater le voyage en
Martinique. Au final, il m’a dit : « C’était la première et la
dernière fois. Ceci ne se reproduira plus jamais. » » Rassul
retient la leçon.
Pour ceux qui n’écoutent pas, le couperet tombe. Toni,
prometteur joueur de ces jeunes Vitorianos, est mis de côté lors
du séjour à Guyancourt. En 2011, il confessera à la chaîne SIC :
« J’avais été convoqué pour un match à Alvalade, face au
Sporting. Mourinho m’avait entraîné toute la semaine en vue de
cette rencontre. J’étais attaquant, il m’avait mis trois défenseurs
sur le dos pour me compliquer l’entraînement, afin de rendre
mon match plus facile. Le Mister m’a dit que si je venais ne
serait-ce qu’avec une minute de retard au rassemblement, il ne
compterait pas sur moi. Je n’ai pas eu une minute de retard, je
n’y suis même pas allé. Je me suis endormi. » Mourinho sévit :
« Du coup, il ne m’a pas emmené lors de ce tournoi en France
où il a remporté son premier trophée. Plus tard, j’ai su qu’il avait
dit à mes coéquipiers qui revenaient de France, de ne pas me
parler, pour me sanctionner. » Si le Mou est dur c’est parce que
Toni est un récidiviste. « Je dis parfois en plaisantant que je dois
être le seul joueur au monde que José Mourinho allait sortir du
lit, dit-il en riant. On habitait à côté et il venait parfois me
réveiller. » L’année qui suit, Toni ne manque pas de mettre son
réveil et il est du séjour en Martinique.
En lune de miel en Martinique avec… son équipe
Cette tournée en Martinique est un peu tombée du ciel. Et elle
rime avec lune de miel. C’est quoi ce bordel ? Initialement, c’est
une sélection portugaise qui doit prendre part à ce tournoi aux
Caraïbes mais, au dernier moment, elle fait faux bond. Les
prestations des jeunes de Vitória de Sétúbal font écho et c’est
l’équipe de Mourinho qui est invitée à prendre la place de cette
Seleção. « On a voulu nous imposer de jouer avec l’équipement
de la sélection portugaise et Zé ne voulait pas au départ, rigole
Ganga. « Ou on joue avec le maillot du Vitória ou on s’en va »,
a-t-il lancé aux organisateurs. » Un compromis est finalement
trouvé avec José pour cette compétition composée de
sélections (Belgique, Suède et Martinique sont aussi
représentées). Et les Sadinos posent avec les couleurs de leur
pays. (Photo 19. Voir oages centrales)
Une autre personne s’est jointe à la délégation setubalense :
Matilde, « Tami », l’épouse de José Mário. Le couple qui s’est
marié au cours de cette année 1989 avait prévu de caler sa lune
de miel, au même moment que ce tournoi inattendu.
Changement de plan, donc.
On imagine la scène :
« José Mário – Chérie, j’ai un truc à te dire. Je crois que j’ai une
idée sympa pour notre lune de miel.
Matilde – Ah, dis-moi !
José Mário – La Martinique !
Matilde – Super, ça doit être magnifique !
José Mário – Bah écoute, on part dès la semaine prochaine. Ah,
au fait… Y’aura mon équipe du Vitória avec nous. Y’a un tournoi
sur place. »
Matilde prend réellement la chose avec sourire et philosophie
(elle a bien fait de l’étudier à l’université héhé). « Tami a toujours
été son bras droit, lance José Toureiro, ami de fac de José
Mário et proche du couple. C’est la femme de sa vie. Ils se sont
connus au lycée à Setúbal. Elle savait qu’il avait cette passion
sans limite pour le football. » Elle comprend et partage même la
passion de son homme qui n’en est qu’aux prémices de sa
destinée.
« C’était une femme fantastique, s’enthousiasme João Mota.
Au-delà du tournoi, on a visité la Martinique, Fort-de-France,
etc… C’était génial ! Elle nous encourageait. On avait une
relation très proche, très particulière avec Mourinho et son
épouse, c’était… authentique. Tout ce que j’ai pu vivre par la
suite n’avait rien à voir. Zé nous a avoué plus tard que ce qu’il
avait le plus aimé, c’était d’avoir entraîné les jeunes. »
Madame Mourinho intègre, à son tour, cette famille. « Jusque-là,
on la connaissait de vue mais on ne la voyait pas souvent,
commente José Cancela. En Martinique, Zé laissait toujours un
joueur off pour qu’il reste avec elle. » Les Sadinos veillent sur
Tami et la réciproque est tout aussi vraie. « Sur place, la
nourriture n’était pas fameuse et je l’ai vue de mes yeux se
priver pour qu’on puisse manger à notre faim, admire Cancela.
Elle se privait de manger pour qu’on puisse en avoir un peu plus
dans nos assiettes. C’est le genre de choses qui vous
marque… »
Júlio Lourenço, lui, connaît déjà bien les Mourinho : « J’avais
une certaine complicité avec eux. Tami, me donnait des cours
de soutien en philosophie. J’étais donc souvent chez eux. Je
m’entendais aussi bien avec son père. J’ai bien des histoires
mais… c’est privé, intime. » Et avec José, il est aussi difficile
pour les intrus de pénétrer sur son terrain de jeu que dans son
jardin secret.
« La privation n’est pas synonyme de succès »
Bien qu’il soit lui aussi en service ailleurs, Mourinho Félix n’est
jamais bien loin de Setúbal, de son Vitória et de son fiston.
« Il allait voir les entraînements de son fils, il parlait avec les
joueurs, se remémore Lourenço. Il nous donnait des conseils
sur le football, la vie. Il était très proche de son fils. Ils
s’entendaient à merveille. Rappelons que son père l’a emmené
partout avec lui. Une grande partie de la connaissance que
Mourinho a du football lui vient de son pai. »
Est-ce le cas de son management ? Difficile de comparer.
Mourinho Félix, ancien joueur de renom, n’a fait qu’effleurer le
boulot d’éducateur. José, lui, est en plein dedans. En cette fin
des années 80, il ne compte qu’une dizaine de piges de plus
que ses jeunes joueurs, mais pour se faire respecter, il ne se la
joue pas pour autant dictateur. « Il nous donnait beaucoup de
liberté mais attendait qu’on soit responsables en retour,
constate Júlio Lourenço. On a disputé plusieurs tournois à
l’étranger et, en dehors des matches, il nous laissait aller
découvrir d’autres pays, d’autres cultures. En ce temps-là, il n’y
avait pas autant de facilité pour accéder aux informations.
Il voulait qu’on puisse profiter, connaître le monde. »
« Avec lui, c’était différent, reprend João Cancela. La façon dont
il nous parlait, la liberté qu’il nous donnait. La plupart des
entraîneurs étaient rigides. Au-delà des entraînements, pour
moi, la grande différence avec lui était la responsabilisation des
joueurs. »
José Mário a beau vivre pour et par ça, il sait qu’il n’y a pas que
le foot dans la vie. En témoigne cet épisode lors du voyage en
Martinique, rapporté par Cancela : « On profitait de la piscine à
quelques heures d’un match. Les autres équipes n’avaient pas
cette latitude. Ils ne pouvaient rien faire et ils nous
provoquaient : « Vous êtes là, dans la piscine, vous allez
perdre ! » Du coup, ça le faisait rire et il nous disait : « Ils ne
peuvent rien faire et ils n’iront pas aussi loin que nous. »
A chaque fois qu’on a affronté ces équipes, on a gagné et on a
terminé dans les trois premiers. A l’issue du tournoi, Mourinho a
fait un discours devant les autres entraîneurs où il parlait
justement de cela : « La privation n’est pas synonyme de
succès. Il faut trouver un équilibre entre la responsabilisation et
la liberté. » Ça nous a fait grandir. » Et lui avec…
La rencontre avec Manuel Fernandes
Au cours de sa période triennale à Setúbal, José Mário
éduque autant qu’il apprend. En plus de son implication au sein
de ses Juvenis et de ses Juniores, il laisse vaguer sa curiosité.
Entre 1987 et 1990, l’équipe première du Vitória figure toujours
dans la meilleure moitié du classement de la première division52.
Une parenthèse de stabilité qui contraste avec la période dans
laquelle elle s’insère. Car si on dézoome, entre 1986 et 2004, le
VFC va surtout « faire l’ascenseur » entre l’élite et la D2.
Mourinho scrute et s’instruit. « Quand il est arrivé à Setúbal,
Malcolm Allison était l’entraîneur de l’équipe première et Roger
Spry était son préparateur physique, resitue José Cancela.
Avant de diriger nos entraînements, il les regardait et appliquait
ce qui lui semblait pertinent avec nous. » « Il était là en tant
qu’observateur, confirme Roger Spry. Et ce que j’en retiens c’est
qu’il était très intelligent et faisait preuve de beaucoup de
réflexion. »
L’Anglais avait déjà bossé avec son compatriote, Allison, au
Sporting. A Alvalade, ils ont remporté le championnat et la
Coupe du Portugal en 1982. « Big Mal » qui a fait remonter le
Vitória en I Divisão en 1986-1987 quitte son poste au cours de
la saison suivante. Spry reste, et c’est Manuel Fernandes qui
achève la saison en tant qu’entraîneur-joueur (il claquera 16
pions en championnat cette saison-là). A 37 ans, Fernandes,
redoutable goleador (il a planté plus de 200 pions en première
division portugaise, notamment avec le Sporting) initie sa
nouvelle vie, celle d’entraîneur. José, coach des juniors est dans
les parages. Mais il ne fait que mater.
« Il ne travaillait pas dans le staff de Manel, précise Conhé qui,
après avoir intégré le staff d’Allison, bascule dans celui de la
légende sportinguiste. Manel gérait l’équipe première et
Mourinho s’occupait des juniors. Il n’y avait pas trop de contact
entre eux. » Le lien existe pourtant bien. « A l’époque, la
formation travaillait à sa façon, elle était indépendante, concède
d’abord, Manuel Fernandes. Il y avait un championnat des
réserves le mercredi et, comme cette équipe était composée à
moitié de juniors, nous nous y voyions très souvent et on parlait
beaucoup. Zé dirigeait aussi une équipe réserve et on
échangeait notamment sur les joueurs que je lui mettais à
disposition. »
Manuel Fernandes, qui découvre le métier d’entraîneur à
Setúbal, fait comme José Mourinho : il observe. Qui ? Bah,
Mourinho. « J’assistais à ses entraînements et je voyais sa
façon de travailler et de dialoguer avec les gamins, confie-t-il.
Aujourd’hui, la philosophie d’entraînement a changé mais à
l’époque c’était une nouveauté. Sa façon de guider
l’entraînement et d’aborder les matches était différente. Tout ce
qu’il disait se vérifiait. » L’entraîneur de l’équipe principale
s’inspire ainsi de celui des catégories inférieures. « On s’est
beaucoup côtoyés au cours de ces années au Vitória où j’ai
débuté ma carrière d’entraîneur », souligne Manuel Fernandes.
Une rencontre qui sera lourde de conséquence.
Une nouvelle page est en train de s’écrire dans la vie de
Mourinho. Manuel Fernandes va bientôt rejoindre l’Estrela da
Amadora, et il va emmener José avec lui. « Je ne sais même
pas si Mourinho le sait mais c’est moi qui ai dit à Manuel
Fernandes de le prendre avec lui à l’Estrela, lâche Conhé. En
tant que coordinateur du football des jeunes, j’ai senti que
Mourinho avait de la qualité et je l’ai recommandé à Manuel qui
a accepté. » En 1990, après trois ans intenses, José est sur le
point de quitter le Vitória, son Vitória et ses gamins…
« Quand il est parti, j’en ai pleuré, avec mon père »
Le départ de José du Vitória provoque un véritable
déchirement chez ses joueurs. « On l’adorait. Quand il est parti,
j’en ai pleuré, avec mon père, confie João Mota. Il nous a
annoncé ça et on a fait un dîner d’adieu. » Et ce soir-là… « L’un
d’entre nous, Borba, était très porté sur les études, il était un
peu différent des autres, poursuit Mota. Il a, par exemple, raté
un tournoi parce qu’il devait étudier. Il est devenu ingénieur, par
la suite. Lors de ce dîner, il a écrit un texte dans lequel il
expliquait tout ce que Mourinho nous avait donné. Il a fait
pleurer tout le monde. »
Derrière cette tristesse germent quelques regrets. « On avait
une excellente équipe et on était attachés à lui, soupire Ganga.
On voulait, on espérait, être champions nationaux. On a terminé
au pied du podium mais s’il était resté, je pense qu’on aurait été
champions. »
Les habitudes, l’affect, la méthodologie… Quand le Mou s’en
va, il emmène tout ça avec lui. Et un peu plus encore. Du coup,
le vestiaire accuse le coup. « Mourinho est parti et on a senti la
différence par la suite, déplore João Mota. Son successeur n’y
pouvait rien parce qu’il venait remplacer celui qui, pour nous,
était déjà le meilleur du monde. » Celui qui était l’un des leaders
de Mourinho va bientôt faire banquette : « J’étais capitaine, je
l’ai ouvert et l’entraîneur m’a mis de côté. Un peu plus tard, José
Mourinho est venu nous voir. Je n’étais plus titulaire mais je
devais jouer à ce moment-là parce qu’un joueur était blessé.
Mourinho m’a dit, en riant : « Maintenant qu’il a besoin de toi, si
j’étais à ta place, je ne jouerais pas ! » Je ne l’ai pas fait. Mais il
était déjà comme ça. »
Mourinho s’envolera vers d’autres cieux mais il ne coupera
jamais avec son nid, ses racines. Ses allers-retours à Setúbal
seront une constante, un besoin. Depuis octobre 2017, une
avenue y porte son nom. Et le jour de son inauguration53, il
déclare : « Je viens à Setúbal parce que j’aime Setúbal, parce
que j’y ai ma mère, parce que je me sens plus proche de mon
père ; je viens à Setúbal parce que ma femme est setubalense,
parce que mes enfants n’y ont jamais vécu mais aiment Setúbal
autant ou plus que moi ; parce que je continue d’y avoir des
amis, des personnes qui m’appellent Zé et pas le Special One ou
ce genre de conneries. Une chose est le Zé Mário de Setúbal,
une autre est la personne que je suis dans le football. »
Quatre mois avant la naissance de cette Avenida José
Mourinho, Mourinho Félix a rejoint sa dernière demeure.
Setúbal s’est arrêté, un instant, pour lui rendre hommage.
Beaucoup d’anciens du Vitória étaient là. Dont les jeunes que
coachait José Mário. Et il n’a pas oublié ses petits. Ganga : « Je
l’ai revu 30 ans après, à l’enterrement de son père. Je n’ai pas
osé aller vers lui. Je suis passé à quelques de mètres de lui, il
s’est retourné et a dit au monsieur qui était à ses côtés : « Hey !
Ce gars-là a été mon joueur quand il avait 15 ans. Il avait du
ballon ! » Comment s’est-il souvenu après tant d’années que
j’avais été son joueur ? Ce n’était pas le moment de parler de
ça. Je lui ai juste présenté mes condoléances. »
Chaque année, les Juvenis et Juniores de Mourinho organisent
un dîner. L’occasion de refaire les matches, d’entretenir la
saudade. Et José y est allé. « Il est venu et il se souvenait de
tout le monde, de toutes nos caractéristiques, nos qualités, nos
défauts… », déclare Mota avec tendresse. « On n’aborde
jamais les questions liées à son actualité, sauf s’il veut les
raconter, révèle José Cancela. On se raconte surtout nos
histoires passées, on parle de nos familles. » Pour sûr, dans le
cœur de José Mário, ils en font aussi partie…
Le retour à Setúbal
Après quatre années de boulot intense à Barcelone, José
Mourinho se pose à Setúbal. Chez lui, au milieu des siens. Il en
profite pour aller mater les matches de son Vitória au Bonfim,
passer du temps avec Tami, Tita, Zuca, ses parents. Avec son
père, notamment. Avant de rencontrer Manuel Fernandes puis
Bobby Robson, Mourinho Félix et son fils avaient une relation
quasi-fusionnelle.
Souviens-toi, après avoir été salement congédié du Benfica de
Castelo Branco en 1990, Félix a intégré le Vitória FC. Il y
occupe plusieurs fonctions, selon les besoins. A la fin de la
saison 1994-1995, la formation setubalense tente d’éviter une
chute qui semble inéluctable. Après 21 journées, le Vitória est
dernier de I Divisão, à 9 points du premier non-relégable.
L’entraîneur Abel Braga s’en va. Il est le troisième fusible à
sauter cette saison-là. Mister Mourinho Félix est appelé à la
rescousse. « Il était déjà très présent, il faisait tout pour aider
l’équipe et les entraîneurs en place, se souvient l’attaquant,
Dino Barreto. Il était dans le dialogue et parlait individuellement
aux joueurs pour tenter de les mettre en confiance. C’est ce qu’il
a fait avec moi, par exemple. J’étais arrivé comme le
successeur de Yekini103. Un statut difficile à assumer, même si je
sortais de belles saisons avec le Nacional et le Beira-Mar. Il m’a
beaucoup motivé, conforté, réconforté. » Le Brésilien qui
deviendra prof d’EPS à Salvador da Bahía décrit le pai
Mourinho comme un être « très ouvert. Ce n’était pas un
entraîneur à l’ancienne, dur. » Félix promeut des éléments des
équipes de jeunes, parvient à stopper l’hémorragie mais le
retard est trop important. Le Vitória est relégué. Seule et maigre
consolation : il atteint la demi-finale de Coupe du Portugal.
Le bombeiro104 a un vice, un comble, dévoilé par Barreto :
« Il fumait tout le temps ! Bon, à cette époque-là, il y avait aussi
beaucoup de joueurs qui fumaient… » « Oh lalaaaaa ! Le
cendrier de son petit bureau était toujours plein ! », s’exclame
Hugo Alves. Le gardien de but formé au Vitória FC intègre
l’équipe première en 1996-1997. Mário Réis qui a drivé le
Salgueiros vient d’être nommé entraîneur. Réis, l’ancien joueur
de Mourinho Félix au Rio Ave qui lui avait succédé au poste de
coach au Noël 1984105. Le bon démarrage de Mário Réis avec
Setúbal va attirer l’attention. En janvier, l’équipe est installée en
haut de tableau et c’est à ce moment-là que le Boavista le
débauche. « On avait réalisé un excellent début de saison, le
Boavista a contacté Mário Réis et, à cette époque, c’était
difficile de refuser le Boavista », lance Hugo Alves.
Mourinho Félix – qui roule « en Suzuki Swift bordeaux » (« Je
ne sais pas pourquoi mais ce détail m’a marqué », sourit Alves)
reprend le flambeau. « Il était très respecté, on l’appelait
“Senhor Félix” », poursuit l’ex-portier qui avait déjà été entraîné
quelques temps par Félix en juniors. Là encore, la solution est
temporaire. Une demi-douzaine de rencontres plus tard, Manuel
Fernandes, en poste en D2 au Tirsense, revient au Vitória qu’il
traînera à la douzième place de I Divisão. A 59 ans, Mourinho
Félix vient de diriger ces derniers matches pros en carrière.
Alves témoigne : « Il était très calme, serein. Il dégageait une
profonde tranquillité. »
« Une lutte »
Mais cette saison 1996-1997 n’a rien de tranquille. La famille
Mourinho est frappée par la mort. Maria Teresa, la grande sœur
de José Mário, perd la vie. « Ce fut une phase très difficile,
souffle Hugo Alves. Senhor Félix était en deuil, vêtu de noir. »
« Ce fut une douleur immense pour cette famille, regrette Rui
Carlos. J’ai senti que Mourinho Félix que je côtoyais avait du
mal à s’en remettre… On ne se remet jamais de cela. »
Mourinho Félix n’entraînera plus mais il demeurera au sein du
club en tant que dirigeant. Il reste à Setúbal, près des siens.
Près de Teresa. En juin 2017, il partira la rejoindre. Son cercueil,
recouvert des drapeaux du Vitória de Setúbal et du Belenenses,
les deux clubs pour lesquels il a joué, sera déposé dans le
caveau familial où repose déjà sa fille.
En plus de ce chagrin, José Mário fait face à ce qu’il nomme
une « lutte ». Il sait que son retour au pays où il espère devenir
entraîneur principal n’a rien d’aisé. Il n’incarne pas le profil-type,
le genre de statut que les clubs s’arrachent dans son pays.
Historiquement, les techniciens étrangers y ont la cote et les
Portugais qui se voient proposer de bons postes sont, pour la
plupart, d’anciens joueurs de premier plan. « J’ai conscience
que je ne fais pas partie du clan, de ceux qui distribuent les
cartes, écrira-t-il dans sa bio publiée en 2004.106 Je n’ai jamais
été un joueur à succès et je ne vais pas avoir droit à la
protection dont beaucoup jouissent. » Il ne croit pas si bien
dire…
« Comme sa mère »
En portugais, lorsqu’on veut signifier que quelqu’un a des
ressemblances avec sa mère on dit : « Sai à mãe », ce qui se
traduirait littéralement par : « Il est sorti comme sa mère ». Les
proches des Mourinho l’affirment : « José Mário sai à mãe »
Coaché deux ans par José Mourinho chez les jeunes du Vitória
de Setúbal, Júlio Lourenço témoigne : « Oui, il tient de sa mère,
Dona Maria Júlia. Toutes les personnes qui les connaissent bien
disent que c’est le cas. » Lourenço qui est devenu un proche de
la famille (« Certaines histoires ne peuvent pas être racontées,
elles sont off the record », sourit-il) développe : « Sa mère était
institutrice. Elle était ferme, avec des principes forts. Je pense
qu’elle a transmis son fort caractère à Zé. Je me risquerais
presque à dire que si son père avait eu le même caractère que
sa femme pour faire face aux gens, il aurait eu une autre
carrière. » La plupart des témoins cités dans cet ouvrage ayant
cotoyé le père Mourinho manifestent spontanément ce ressenti.
Francisco Trindade est l’un d’eux. L’ancien gardien de but qui a
suivi Mourinho Félix (« Il a été un père, pour moi », dit-il ému) à
Leiria, Vila do Conde, Madère, ou Elvas, en est convaincu : « Le
père de Zé Mário n’a pas atteint un niveau supérieur comme
entraîneur parce qu’il était trop humble. En ce temps-là,
beaucoup d’entraîneurs signaient leur contrat dans des boîtes,
des soirées et lui n’était pas du tout dans cet esprit-là. Il était
réservé, très respectueux. »
« Il y avait un lien très fort entre Zé Mário et son père »,
continue Trindade. Le fiston pouvait donc se permettre quelques
remarques. « Zé disait souvent à son père de se mettre plus en
avant, confie l’ex-portier. Mourinho Félix avait connu de
nombreuses montées et, très souvent, Zé Mário lui disait :
« Avec tout ce que tu sais en matière de foot, avec tout ce que
tu as fait, tu devrais avoir plus de reconnaissance et de
caractère. » Mourinho Félix était très timide. Et la mère donnait
raison à son fils. Elle soutenait beaucoup les idées de celui-ci. »
La mamã, Maria Júlia, l’avoue elle-même : son fils lui ressemble
en bien des points. Faut dire qu’elle lui a professé des valeurs,
des habitudes. En 2003, le site portugais maisfutebol décide de
célébrer les 40 ans de José Mário en donnant la parole à ses
parents. Le Mou est alors au FC Porto et obtenir quelques mots
de ses proches est encore possible. Dona Júlia décrit un enfant
« organisé » : « A cinq ans, à l’école, il ne partait pas tant que sa
trousse n’était pas rangée, avec ses crayons et ses gommes à
leur place. Aujourd’hui encore, il est comme ça. » Selon la
Professora, « tout est programmé. Il sait ce qu’il fait. Gamin, il
était déjà le leader du groupe. Il imposait les règles du jeu et il
ne voulait pas perdre. »
La mère n’est pas peu fière. Y compris de l’union
qu’entretiennent son époux et son fiston. « La relation qu’il a
avec son père est hors du commun, sourit-elle alors. J’ai côtoyé
beaucoup d’enfants et jamais je n’ai vu une relation comme
celle-ci. Et pourtant son père n’a pas été souvent à la
maison. »107 Choyé, guidé par sa mãe, José Mário a été
spectateur, puis acteur du parcours de joueur et d’entraîneur de
son paternel.
« Zé Mário est le fruit de ce qu’il a vécu, appris avec son père et
de ce que Dona Júlia lui a inculqué, condense Fernando Tomé.
Il a bu de deux sources qui ont fait de lui qui il est devenu. » Au
fil de la discussion, l’ancien coéquipier-joueur-voisin de
Mourinho Félix en convient à son tour : « Sai à mãe. » Il se
rappelle alors « d’une histoire marquante » : « Il y a quelques
années [2012], le Vitória de Setúbal a reçu la visite du président
de la République du Cap-Vert.108 On discutait Mourinho Félix,
moi et le président et ce dernier a dit : “Mourinho, votre fils n’a
rien à voir avec vous.” Le père Mourinho lui a rétorqué : “Encore
heureux, monsieur le président, parce qu’il a un statut dans le
monde foot différent du mien. Moi, j’étais un “banana”109 !
Il voulait dire par là qu’il était une personne pour qui tout allait
toujours bien, tandis que Zé Mário a deux visages : il se
comporte d’une certaine façon dans le foot et d’une autre en
dehors. » Tomé valide les propos de son défunt ami : « C’est
vrai que sur certaines choses, Zé Mário est différent de son
père. Il a plus le caractère de sa mère. Son père était beaucoup
plus pondéré, très respectueux – ce qui ne veut pas dire que Zé
Mário ne l’est pas. Il a aussi des points communs avec son
père. Sa famille, ses parents ont été une source d’inspiration
importante. Son père dans un domaine, sa mère dans un
autre. »
Dirigé par Mourinho Félix au Rio Ave et à Varzim, coéquipier
puis adjoint de José, Baltemar Brito confirme que le fils « est un
peu à l’image de sa mère » : « Elle est plus directe, très forte. »
Brito confie encore : « Quand son mari était remercié, elle était
toujours là. Elle lui donnait de la force, pour le soutenir. Elle était
une forteresse. C’est une femme de caractère. » José a donc de
qui tenir…
Félix, le fétichiste
Plusieurs anecdotes témoignent du côté fétichiste de
Mourinho Félix. Les gants presque troués de Neto à Covilhã,
son crucifix… Carlos Torres qui fut son gardien au Belenenses
rappelle que lorsqu’il gagnait un match, « Mourinho Félix enfilait
les mêmes vêtements lors du match suivant. » Le fiston est-il
superstitieux, comme son père ? Il te dira que non. A Porto, il
avait pour habitude d’embrasser une photo en marge de ses
matches. Une photo de Matilde et José Mário, ses enfants,
explique-t-il au Público en mai 2003 : « Ce n’est pas une
superstition mais un acte d’amour. »
José ne s’épanche que très rarement sur sa vie privée. Une
façon de préserver les siens. Combien des intervenants de ce
bouquin ont eu cette réaction lors de la prise de contact : « Ah,
vous faites un travail sur Zé Mário ? Laissez-moi d’abord lui
demander et je vous rappelle. » Les proches de José savent
qu’il s’efforce à protéger ceux dont il est proche. Une volonté de
contrôler à laquelle s’ajoute une forme de pudeur.
Cette réserve beaucoup la retrouvaient chez son père. Sous
une autre forme. José Manuel n’aimait pas le conflit, ni élever la
voix. Pas bling-bling pour un sou. Il était un joueur connu et
reconnu, un gardien de but de talent (qui compte une sélection
en A avec le Portugal) mais, de son temps, les salaires étaient
loin de ce qu’ils peuvent être de nos jours. Du coup, Mourinho
Félix était du genre économe.
Autant son épouse était issue « d’une bonne famille » de
Setúbal, autant lui (re)venait de loin. « Il était issu d’un milieu
modeste et ça se sentait, parfois, rappelle en souriant son fidèle
ancien joueur, Francisco Trindade. Au café, il s’assoyait,
commandait son café et, dès qu’il voyait des joueurs arriver, il
faisait l’appoint. Il ne payait rien à personne. » Les souvenirs de
Leitão qui a été coaché par Félix au Estrela de Portalegre et à
l’União de Leiria sont coupés par les mêmes rires : « A Leiria, on
mangeait tous ensemble dans un petit restaurant, avant
l’entraînement. Félix était là, aussi. Il partait toujours au moment
du café. « Je vais préparer l’entraînement », disait-il. Il ne payait
jamais un café ! Il préparait sa monnaie, le compte juste, et
partait. On en rigolait. »
António Alegre qui a bossé sous les ordres de Mourinho Félix à
Madère affirme qu’il « avait un rapport particulier à l’argent » :
« A l’époque, Alberto João Jardim qui était le Gouverneur de
Madère aidait beaucoup le club. Il versait des aides sous
différentes formes. Je me souviens d’un match où nous avions
battu le Boavista, le Boavistão qui était un habitué de l’Europe.
On avait les genoux en sang, ce match avait été un combat. A la
fin de la rencontre, le vieux nous dit : « Vous avez mal au
genou ? Changez-le ! On va avoir une prime ! 30 contos [150
euros] ! Ma femme qui est instit ne gagne même pas ça en un
mois ! » »
Mourinho Félix peinait à se défaire d’une forme de crainte,
d’appréhension. Celle du lendemain. Sûrement parce qu’il a eu
un passé de déveine, il aspirait à un futur plus confortable.
Comme l’a prosé l’écrivain italien Riccardo Bacchelli : « La
misère aussi est un héritage. » Le père Mourinho n’était
toutefois pas avare de sentiments. Ses peurs n’altéraient en rien
son élégance et sa bienveillance. Autant de qualités dont
certains ont abusé. Et ça, José ne l’a pas supporté. Et sur ce
point, il ne voulait pas lui ressembler. On ne lui marchera pas
sur les pieds.
José ne te dira toutefois pas qu’il ressemble plus à sa mère.
Il dira : « Nous sommes le produit des parents mais nous
sommes aussi le produit de notre épouse, de notre époux. Nous
sommes le produit de nos rapports avec nos enfants, avec nos
amis. Mais, au fond, on finit par être tous uniques. Avec des
influences plus ou moins prononcées mais on finit par être des
pièces uniques. »110 Et même spéciales, dans certains cas.
Leiria, le tremplin
José Mourinho commence l’année 2001 sans club. Quelques
mois seulement après avoir connu le chômage – suite à son
départ du Barça – le revoilà sans emploi. La signature ratée au
Sporting le condamne à une patience qu’il tente de rentabiliser.
L’entraîneur de 38 ans potasse, étudie, s’inspire. Il a bien eu
des touches en Espagne où l’Atlético de Madrid (qui a plongé
en deuxième division) et la Real Sociedad l’ont approché mais
la réglementation locale lui impose d’avoir coaché au moins
deux ans dans son pays d’origine, avant de pouvoir y exercer.
José Mário poursuit au Portugal.
Trois mois après avoir quitté la Luz, son nom est associé à
l’União de Leiria. Vasco Pinto, représentant de Media Capital,
groupe actionnaire de la société anonyme sportive de l’UDL,
confie être en contact avec l’agent José Veiga pour négocier la
prolongation de certains joueurs leirienses. Et au cours des
discussions, ils évoquent Mourinho. Veiga qui avait orchestré le
mariage raté entre José et le Sporting tente de recaser son
poulain. C’est Jorge Baidek, son collaborateur, qui mène les
négos. « Il était mon employé », confirme le boss de Superfute.
Plus pour longtemps, car Baidek crée sa société :
Championsdek. L’ancien défenseur brésilien explique avoir reçu
un appel de Mozer, l’ex-adjoint de Mourinho au Benfica.
« Il voulait travailler avec moi, assure-t-il. On avait joué l’un
contre l’autre et on a aussi joué ensemble en sélection. » Et,
selon Baidek, c’est de là que ça part : « Pour ne pas que
Mourinho l’apprenne par la presse, je l’ai appelé pour le prévenir
que Mozer me rejoignait. Mourinho m’a dit : « Je n’ai rien et je
suis en train de construire ma maison. » Je lui ai répondu :
« Dans 15 minutes, je t’ai trouvé un club. » J’ai appelé João
Bartolomeu, le président de Leiria, un club avec lequel je
travaillais déjà. Je lui ai lancé : « J’ai l’entraîneur qu’il vous faut :
Mourinho ! » Il m’a rétorqué : « Trop cher! » et il m’a raccroché
au nez. Mourinho m’a regardé et je lui ai dit : « Ne t’inquiète
pas, il va rappeler. » Et il a rappelé : « Vous êtes où ?
Rejoignez-moi de suite ! » Voilà, comment ça s’est passé. »
Avant de signer, Mourinho va avoir d’autres réunions avec ses
futurs patrons. Il leur dresse un rapport sur l’équipe et son
projet. Il prospecte et cherche déjà de possibles renforts. Le 16
avril 2001, l’União de Leiria l’officialise au poste d’entraîneur-
principal. Zé Mário retrouve le club que son paternel avait fait
monter en première division pour la première fois de son
histoire, en 1978-1979. Celui qui, à 16 piges, célébrait cette
promotion légendaire dans le vestiaire, hérite d’une des ex de
son père. Celui qui quelques semaines auparavant coachait le
Glorioso Benfica se retrouve chez un… même pas outsider.
L’histoire européenne de l’União de Leiria se limite alors à une
présence en Intertoto (sortie en phase de groupe en 1995).
Mais le Mou se veut ambitieux. « Venir à Leiria n’est pas un pas
en arrière, mais un pas ferme », lance-t-il, lors de sa première
conf’ de presse. Mine de rien, la barre est haute. Car ce cru
leiriense 2000-2001 va atteindre la cinquième place de la
Primeira Liga ; du jamais vu. Et cela, grâce au taf de Manuel
José qui n’apprécie pas du tout la tournure que prennent les
événements.
Manuel José, Tarzan et les poissonniers
Deux jours après les confessions de Vasco Pinto déclarant
songer à engager Mourinho, le départ de Manuel José –
l’entraîneur en poste – est officialisé. Cet ancien coach du
Sporting, du Boavista ou du Benfica est un technicien
expérimenté, connu et reconnu. Au moment où sa fin à Leiria
est actée, il est 10e du championnat (place à laquelle il avait
terminé en 1999-2000). Il est surtout à 9 journées de la fin. Mais
João Bartolomeu a tranché : « Manuel José arrivait en fin de
contrat et je ne l’ai pas prolongé, même s’il était un très bon
entraîneur. Je ne pouvais pas continuer de payer son salaire. »
« Les négociations avec Mourinho ont été faciles et rapides,
continue Bartolomeu. Je lui ai proposé un salaire de 5000 euros
nets, pour un contrat d’une saison. Il a accepté le défi, parce
qu’il était sûr de ses qualités. Au bout de deux mois à Leiria, je
lui ai dit qu’il serait le meilleur entraîneur du monde. Il avait le
profil que je recherchais : jeune, ambitieux, intelligent, avec de
la personnalité et malin. » Et pas cher, donc. Baidek précise :
« On avait aussi négocié une voiture. »
Manuel José, lui, poursuit son bout de chemin et va mener
l’UDL à une cinquième place jamais atteinte par le club jusque-
là en Liga. Les tractations rendues publiques quant à sa
succession ont toutefois instauré un malaise. Le 17 avril, celui
qui est encore technicien de Leiria est l’invité de la chaîne
publique RTP 1. Réputé autant pour ses trophées que pour son
franc-parler, le Mister de 55 ans envoie lorsqu’on l’interroge sur
son successeur annoncé : « Il ne m’a même pas passé un coup
de fil. Ce n’est pas acceptable entre confrères et, ça, je ne
l’oublie pas. » Manuel José bombe le torse et balance : « S’il
pense que c’est la loi de la jungle, il se trompe. J’ai déjà vu
beaucoup de Tarzans qui sont je ne sais où maintenant. »
Mourinho qu’il a aussi qualifié « d’apprenti » ne tarde pas à
répliquer : « Pour le moment, je ne vais pas alimenter des
conversations de poissonniers », et il tacle à son tour : « Je ne
nourris aucune amitié, ni aucun respect pour lui. » José
Mourinho qui a vu son père se faire lourder plus d’une fois sans
que son successeur ne lui adresse un message, ne capte pas
les attaques de Manuel José.
Ces échanges, cette succession mal gérée « a beaucoup fait
parler » constate Paulo Duarte. Le défenseur est un témoin
privilégié de cette époque. Avec quasi douze saisons à l’UDL et
il est un des tauliers du vestiaire quand le Mou signe.
« L’annonce de l’arrivée de Mourinho a été faite avant que la
saison se termine et Mourinho a été présenté au stade
Magalhães Pessoa où Manuel José exerçait encore, décrit-il.
Ce ne fut pas très bien reçu. Manuel José n’a pas aimé. » « Le
principal responsable est peut-être le président qui, à l’époque,
n’aurait pas dû confronter ces deux grands professionnels.
Cette exposition était évitable, selon moi, poursuit celui qui est
marié avec la fille du… président João Bartolomeu. Nous,
joueurs, n’avons pas valorisé cet épisode mais la transition ne
s’est pas opérée de façon sereine. »
« Surprise » et « méfiance »
Aussi parce qu’il est le gendre du président Bartolomeu, Paulo
Duarte a eu l’occasion de côtoyer Mourinho un peu avant ses
coéquipiers : « C’était en juin 2001, je crois. Nous étions en
vacances en Algarve, en famille et João Bartolomeu a organisé
une réunion à la maison avec Mourinho qui venait de signer. »
Duarte se dit « d’abord surpris » de le voir s’engager avec son
UDL : « Mourinho venait du championnat espagnol, une ligue
d’élite. Il avait travaillé avec Robson, Van Gaal, deux grands
entraîneurs. Et ensuite, il était passé par le Benfica où il avait
fait un gros travail. Il n’était pas parti à cause des résultats,
rappelons-le. C’était une surprise qu’un club aussi modeste que
l’União de Leiria fasse venir un tel profil. »
Formé à l’União, Micas Pedrosa n’a que 20 ans lorsqu’il
découvre le Mou. Et, lui aussi tique sur l’aventure lisboète de
son nouveau coach : « Il avait eu cette expérience courte mais
intense avec le Benfica. » Pas suffisante pour balayer les
doutes. « Je me souviens que lorsqu’il est arrivé, il y avait une
certaine méfiance, confesse Micas. On sortait d’une grosse
saison au cours de laquelle on avait terminé cinquièmes. Et là,
on a appris que Manuel José s’en allait et que Mourinho allait le
remplacer. Mais cette méfiance a duré peu de temps. Dès la
présaison, les joueurs ont commencé à aimer. »
Paulo Costinha, qui avait connu José Mário au Sporting comme
adjoint de Bobby Robson, le (re)découvre en tant que principal.
A son tour, le gardien de but s’étonne : « On était très surpris de
voir un entraîneur qui était au Benfica venir à Leiria, même si on
avait une excellente équipe et que nous sortions d’un très bon
championnat. » Un autre joueur de cet UDL 2001-2002 avait
croisé José à Alvalade : Nuno Valente.124 Il va devenir l’un des
joueurs les plus importants de la carrière de José Mourinho,
before Special One. C’est à Leiria que leur relation débute
réellement. « Il est venu nous voir juste avant notre départ en
vacances, à la fin de la saison 2000-2001, se souvient le latéral.
Notre première impression a été très bonne. Il nous a expliqué
qui il était, ce qu’il prétendait et qu’on pouvait compter sur lui.
On a été impressionnés, d’entrée. Ce n’était pas habituel à cette
époque, d’arriver comme ça, d’exposer par Power Point, de
façon aussi précise sa façon de jouer. Cette réunion a été
productive. » La première d’une longue série… un indice sur la
méthode Mourinho.
Son premier « vrai » staff
C’est à Leiria que José Mourinho constitue son premier
« vrai » staff. Au Benfica, l’urgence de la situation avait
accouché d’une sorte de compromis entre les éléments déjà en
place et le recrutement de « son » adjoint : Carlos Mozer. Le
Brésilien n’accompagne pas José à Leiria. « J’ai eu une
conversation avec le président Bartolomeu qui m’a dit qu’il
n’avait pas les moyens pour recruter Mourinho et moi en plus,
explique l’ancien défenseur du Benfica ou de l’OM. J’ai dit au
président : « Dans ce cas, faites signer Mourinho parce que
vous allez avoir l’un des meilleurs entraîneurs du monde. »
« Vous croyez ? », m’a-t-il demandé. « Oui, je le pense. » »
« Mozer devait venir mais je n’ai pas voulu, pour des questions
financières », confirme Bartolomeu. Mozer reste sur Lisbonne,
occupé par son restaurant et son association avec Baidek.
L’entraîneur de 38 ans fera donc sans. « Mais c’est à Leiria qu’il
a constitué son équipe technique, se félicite le presidente. Leiria
a été le lancement du meilleur entraîneur du monde. »
Le jour de son intronisation à l’UDL, le 16 avril 2001, José
Mourinho présente les hommes qui l’épauleront dans sa
nouvelle quête : Baltemar Brito, Rui Faria et Vítor Pontes.
Chacun d’entre eux a une histoire très particulière avec José
Mário. Baltermar Brito d’abord. L’ancien défenseur brésilien a
joué avec Zé Mário au Rio Ave, sous les ordres de son père
Mourinho Félix qu’il suivra aussi à Varzim et qu’il retrouvera lors
de son deuxième passage à Vila do Conde. Au moment où
l’invitation est lancée, le contact est pourtant rompu depuis un
moment. « Ça faisait huit ans que je ne voyais pas José lorsqu’il
m’a appelé pour me proposer de devenir son adjoint et j’ai
accepté avec plaisir, sourit Brito. L’idée lui a été soufflée par son
épouse, Tami et par son père, aussi, je pense. J’étais proche de
la famille. »
Dans sa biographie, Mourinho explique avoir en effet débattu du
sujet avec sa femme, énonçant qu’il cherchait un second qui
soit imposant physiquement. « Il voulait un adjoint qui soit
grand, oui, mais je pense aussi qu’il éprouvait une sorte
d’admiration du temps où je travaillais avec son père, de ce que
je donnais aux entraînements, en match, reprend Brito. J’étais
grand mais j’étais aussi quelqu’un de responsable, travailleur,
passionné, rigoureux. » Baltemar va bosser avec José pendant
dix ans.
Rui Faria va carrément partager dix-huit piges avec le Mou !
Contrairement à Brito, au moment où il intègre le staff de Leiria,
il n’est pas une vieille connaissance du Setubalense. Alors qu’il
bûchait à la Faculté du sport et d’éducation physique de Porto, il
a demandé à celui qui était alors adjoint du Barça s’il pouvait y
effectuer un stage. Le contact était pris. Et José s’en souvient
au moment de se poser à Leiria. A seulement 25 ans, le natif de
Barcelos devient le préparateur physique de l’UDL ; sa première
expérience professionnelle. « Malgré son jeune âge, il
comprenait très bien ce que Zé voulait : des exercices très
tournés vers le jeu. Zé supervisait tout mais Rui apportait
beaucoup d’innovations. Il les exposait à Zé qui les validait, ou
pas, ou les modifiait », explique Vítor Pontes.
Pontes est le troisième membre du staff de José Mourinho à
l’União de Leiria. L’ancien portier s’occupe des gardiens du club
depuis le milieu des années 1990. « A l’époque, lorsque
l’entraîneur principal changeait, il était habituel que l’entraîneur
des gardiens reste en place, explique-t-il. J’ai eu la chance de
collaborer avec de très bons entraîneurs à Leiria. Quand
Manuel José est parti, il s’est produit la même chose que
lorsqu’il était arrivé : j’ai intégré le nouveau staff. J’avais ma vie
à Leiria, j’ai été formé au club, j’étais considéré comme un
homme de la maison. »
« Je me souviens de mon premier contact avec Zé à Leiria,
poursuit-il. Je sortais de l’entraînement, Manuel José était
encore en poste. Le fait qu’il n’allait pas poursuivre avait été
rendu public. On s’est croisés avec Mourinho en voiture, près du
stade. Il m’a reconnu, il a baissé sa vitre : « Alors, Vítor,
comment tu vas ? » Il était très détendu, très chaleureux. Il m’a
demandé si je voulais travailler avec lui. « Bien sûr, Zé ! Je suis
d’ici et si tu veux de moi, bien sûr que je veux », lui ai-je
répondu. » En réalité, Vítor Pontes connaît déjà les Mourinho :
« Son père a été mon entraîneur à Leiria [1978-1979]. Zé devait
avoir 15-16 ans. Cette saison-là, l’União de Leiria montait pour
la première fois de son histoire en première division. José venait
le week-end, retrouver son père. » « Je n’avais plus jamais eu
de contact avec lui, ni avec son père, après cela », précise-t-il.
Vítor Pontes aurait toutefois pu connaître une autre destinée.
Fidèle gardien de Mourinho Félix qu’il a accompagné au Rio
Ave, à l’União da Madeira ou encore au Elvas, Francisco
Trindade confie : « Zé Mário m’aimait beaucoup. Comme en
plus je n’habitais pas loin de Leiria, il m’a proposé de devenir
son entraîneur des gardiens mais j’ai refusé. Je vais être
honnête, je n’y croyais pas. Non pas que je ne croyais pas en
lui, mais Manuel José sortait d’une grosse saison et je connais
le football, si Zé Mário ne faisait pas aussi bien, il risquait de
sauter. Le foot est irrationnel. Il suffisait de voir ce qui lui était
arrivé au Benfica. »
« Il aimait savoir ce que chacun pensait »
L’adjoint Brito décrit Mourinho comme « très exigeant, très
méticuleux » : « Il ne laissait rien au hasard. » L’entraîneur de
38 ans parvient-il à déléguer ? « Vu la façon dont il travaille, il
est obligé de le faire, répond Baltemar. Il met en place plusieurs
groupes de travail, par postes, par secteurs de jeu. Chacun de
ses adjoints est ainsi responsabilisé et, lui, coordonne le tout. »
« La partie initiale de l’entraînement était gérée par Rui Faria
mais il aimait bien avoir la main sur tout, se souvient Micas. On
était souvent séparés en petits groupes pour réaliser certains
exercices. Chaque adjoint avait un groupe mais ça tournait.
Il faisait en sorte d’intervenir partout. Les joueurs se sentaient
ainsi tous concernés. » « La partie de l’échauffement revenait
au préparateur physique (Rui Faria) et ensuite c’est lui qui
prenait la main. Il réalisait 80 % de l’entraînement », résume
Paulo Duarte.
A l’image de ce qu’il a vécu avec Van Gaal au Barça125, José
demande l’avis de ceux qui l’entourent. « J’ai été surpris par
l’ouverture dont il faisait preuve envers ceux avec qui il
travaillait, s’étonne Vítor Pontes. Il devait avoir confiance en eux
et sentir qu’ils étaient compétents. La répartition des tâches était
une chose à laquelle nous n’étions pas habitués. Jusqu’alors,
l’entraîneur-principal s’occupait de tout. Mourinho, lui, déléguait
beaucoup de tâches, ne serait-ce que pour comprendre notre
façon de faire et d’être. Par exemple, il nous demandait à Brito
et moi de lui faire un rapport sur un même match, parce qu’il
voulait savoir et sentir la façon dont on voyait la rencontre. »
Mourinho sollicite aussi ses adjoints au moment de faire ses
choix. Pontes se souvient : « On jouait à Santa Clara. Il s’est
dirigé vers Brito et moi : « Vítor, qui alignerais-tu titulaire pour ce
match ? » Et il a demandé la même chose à Brito. On devait
exposer nos choix et les défendre. Il fallait argumenter. Il aimait
savoir ce que chacun pensait et la décision finale lui revenait.
C’était une façon de faire différente à l’époque. »
« Une révolution totale »
La « façon de faire » de José Mourinho qui avait déjà
« choqué » au Benfica, va produire le même effet à Leiria. Le
quotidien des Leirienses va être complètement chamboulé.
Arrivé sur les bords du Lis en 1999, Derlei s’y impose direct
comme le goleador, avec Manuel José. Mais quand Mourinho et
ses méthodes s’installent, le Brésilien prend une claque, disons
plutôt une caresse des plus jouissives : « Ce fut une révolution
totale. Les autres entraîneurs avaient un travail plus globalisé,
basé sur le onze. Avec Mourinho, on travaillait beaucoup la
possession du ballon, l’occupation de l’espace, sur des terrains
réduits et dans un temps réduit. »
Vítor Pontes qui anime une partie des séances est lui aussi
épris : « Les entraînements étaient tous très différents. C’était
révolutionnaire. Tout se passait sur le terrain et avec le ballon.
Il disait : « Si on joue sur le terrain, c’est sur le terrain qu’on
s’entraîne. » Sa méthode d’entraînement consistait à démonter
l’équipe, et à travailler par secteurs. »
Passé par le Benfica, le Rayo Vallecano ou Tenerife avant
Leiria, le milieu de terrain, Tiago, est tout aussi enthousiaste :
« Ses entraînements étaient très attractifs. On a tous été
marqués par ça, parce qu’on n’y était pas habitués. Ça
enchantait tout le monde parce que c’était motivateur. Tout était
avec le ballon, le physique, la tactique… On n’était que sur le
terrain. »
« Il venait du FC Barcelone où il avait collaboré avec Van Gaal
qui travaillait tout le temps avec le ballon, resitue Nuno Valente.
Et il a transposé ça à Leiria en y ajoutant ses idées. En termes
psychologiques, c’était très important pour les joueurs qui
étaient habitués à aller courir dans les bois, à faire des tours de
terrain. On peut croire que non, mais ce genre de choses est
très usant psychologiquement. La présaison était très différente
de ce qu’on avait pu connaître. » Le milieu Luís Vouzela
développe : « Avant, les préparations c’était deux, trois
entraînements par jour dont un où l’on ne travaillait que le
physique. Avec Mourinho, on bossait le physique mais toujours
avec le ballon. Et, au final, on travaillait plus encore le physique
comme ça, parce qu’on aimait ce qu’on faisait ! »
« Bordel, mais tu veux qu’on se fasse virer ? »
Le stage de présaison va donner le ton de cette « révolution ».
C’est à Tábua, dans le centre du Portugal, enserrée de forêts
d’eucalyptus, que se pose la délégation de l’União de Leiria.
C’est là que Mister Mourinho et l’UDL apprennent à se
connaître, à s’apprivoiser. Non sans mal. Baltemar Brito revient
sur un échange entre Zé et son président : « Bartolomeu nous a
rejoint près du terrain qui était entouré de bosquets et il a dit :
« Cet endroit est parfait pour aller courir. » Mourinho a répondu :
« Je n’ai besoin que de ballons, pas de courir dans les bois. »
Le président a insisté mais Mourinho n’a pas lâché : « Les
footballeurs ont besoin de courir sur un terrain, pas dans les
montagnes. » Une fois le président parti, Rui Faria a envoyé à
Mourinho : « Bordel, mais tu veux qu’on se fasse virer ?! Si ça
se passe mal, c’est nous qui allons courir ! » Rui Faria pensait
comme Zé mais il ne le manifestait pas avec la même
conviction, ce que certains qualifient comme de l’arrogance. »
Aux commandes de l’União depuis la fin des années 1980, João
Bartolomeu a vu passer bon nombre de coaches. Mais, avec
Mourinho, il va vivre quelque chose de nouveau, d’inédit. « Je
n’étais pas du tout habitué à voir des méthodes comme les
siennes, concède-t-il. C’était tellement révolutionnaire pour
l’époque… J’étais étonné et impressionné. Il a révolutionné le
football portugais. Il faisait tout avec ballon, y compris la partie
physique. Il a montré la voie aux autres entraîneurs. »
Bartolomeu revient sur un autre détail de ce séjour estival : « Un
soir, il s’est réuni avec ses joueurs. Il les a reçus un par un. Cela
s’est avéré fondamental. Il faisait ça avec tout le monde : ceux
qui jouaient et ceux qui ne jouaient pas. Je n’avais jamais vu ça
avec un coach. »
Le président certifie n’avoir « pas douté » de José mais son
gendre, Paulo Duarte, a une autre impression. « Je pense qu’à
un moment il a douté, commente ce dernier. Mourinho avait
tellement transfiguré le modèle d’entraînement, sa façon de voir
le football était tellement différente, que ce fut un choc. Les
joueurs ont senti qu’ils étaient face à un grand entraîneur. Mais
comme ce choc n’a pas été suivi de résultats immédiats, cela a
soulevé un certain nombre d’interrogations chez certains qui ne
comprenaient pas pourquoi on n’allait pas courir dans les bois, à
la plage. Heureusement pour le football portugais, ces questions
n’ont pas duré longtemps et ses méthodes ont été adoptées par
la nouvelle génération d’entraîneurs au pays. »
Une génération que Paulo Duarte va lui-même incarner,
quelques années plus tard. Au cours de la saison 2006-2007,
l’adjoint qu’il sera au sein de l’équipe première à Leiria y
débutera sa carrière d’entraîneur. Et pourtant… « Je donne ma
parole que jamais je ne pensais devenir entraîneur ! jure-t-il.
Mais quand j’étais sous les ordres de Mourinho, je rentrais à la
maison et j’écrivais ce qu’il nous faisait faire aux entraînements
le jour même. Tu vas me demander pourquoi. Parce que c’était
tellement différent, tellement bon, que je voulais le garder pour
moi. Beaucoup de gens n’aiment pas qu’on dise ça mais
Mourinho a amené ce que les joueurs n’avaient jamais vu
jusqu’alors. » C’est sous l’influence de son collègue Leão « qui
ne voulait pas effectuer sa formation tout seul à Coimbra » que
Duarte passera ses diplômes. Cinq ans après Mourinho, Duarte
bossera dans le staff de Jorge Jesus. « Avoir travaillé avec
Jorge Jesus a été un autre bonheur total, s’emballe-t-il. Jesus
possède une telle richesse tactique… Entre ça et ce que
Mourinho m’a fait découvrir… Ce fut un bonheur de croiser ces
deux monstres du football. Lui et Jesus qui est incroyable
tactiquement, sont responsables à 95 % de la cote des
entraîneurs portugais à travers le monde. »
Duarte se fera notamment un nom au Burkina-Faso dont il
deviendra le sélectionneur en 2007. D’ailleurs, ses résultats
avec les Étalons lui vaudront une invitation du Mans en 2009.
En Ligue 1, il sera lui aussi confronté à une forme de méfiance,
voire de suspicion, à cause de ses procédés : « Lorsque je suis
arrivé en France, des journalistes m’ont demandé pourquoi les
joueurs ne faisaient pas de footing, de cross… Le modèle de
Jardim a subi les mêmes interrogations lors de sa venue à
Monaco. J’avais appris avec Mourinho qui intégrait la partie
physique au reste. L’intensité des entraînements était différente.
Tout était programmé, tout avait un objectif. Tout se faisait avec
le ballon. Le travail physique, de vitesse, se fait avec le ballon. »
Mourinho qui avait testé plusieurs systèmes au Benfica met en
place son schéma préférentiel à Leiria. « Nous jouions en 4-3-3,
parce qu’il trouvait – et je le pense aussi – qu’au point de vue de
l’équilibre de l’équipe c’est le système qui donne le plus de
garanties, explique Vítor Pontes. En cas de perte de balle,
l’équipe est mieux organisée pour réagir. L’occupation de
l’espace est différente dans un 4-2-2. Si la plupart des équipes
européennes évoluent en 4-3-3 c’est qu’il y a une raison. Ce
n’est pas parce qu’on joue avec deux avant-centres qu’on est
plus offensifs, ce n’est pas aussi simple que ça. Tout dépend
des dynamiques. » Celle de Mourinho va prendre un certain
temps avant de se montrer efficace. De quoi laisser une autre
place à la défiance.
« Vous croyez que vous entraînez le Benfica ou
quoi ?! »
L’União de Mourinho débute la saison 2001-2002 par un nul
(0-0) à Braga qui avait terminé au pied du podium, lors du
précédent exercice. Pas si mal, donc. S’en suit un 2-2 face à
Santa Clara. Plutôt contrariant. Parce que la formation des
Açores est un promu, parce que l’UDL menait 2-0 et surtout
parce qu’elle a galéré. Les premières critiques ne tardent pas.
Le quotidien Record du lendemain parle d’une « exhibition
médiocre de l’União de Leiria, à tous points de vue, mais
notamment au niveau physique. » Le journal s’interroge
clairement sur les procédés du Mou : « L’intensité et les charges
imposées aux joueurs au cours de ce début de saison n’ont-
elles pas été excessives ? » Pas mal d’observateurs et de
supporters sont (déjà) circonspects quant au départ de Manuel
José et de son inédite cinquième place.
Mourinho a intérêt à ramener un résultat de Paços de Ferreira.
Paços est un club modeste mais imprévisible. Sa Mata Real a
tout du traquenard. « L’ambiance était un peu tendue à cause
des résultats, se souvient Vítor Pontes. Certains se posaient
déjà des questions. La veille du match, vers 1 h du matin, avec
Zé et Rui [Faria] on se promenait aux abords de l’hôtel. »
L’entraîneur des gardiens leirienses confie ressentir « une
certaine crainte autour de ce match » : « Parce qu’on devait
gagner et parce que je pensais qu’il y avait un joueur qui devait
débuter mais que Zé craignait d’aligner d’entrée : Renato. Pour
celui qui ne le connaît pas, Renato peut paraître un peu
dilettante à l’entraînement, mais en match il est incroyable.
C’était un excellent joueur. A l’époque Zé misait sur un jeune,
Nuno Mendes. Comme j’étais là depuis longtemps, j’ai dit à Zé :
« Si tu veux aligner Renato, n’aie pas peur de le faire. »
Mourinho suit l’indication de son adjoint et il fait bien puisqu’il
s’impose (2-1). Un succès qu’il dédie à Pontes. « A la fin du
match, Zé est venu me voir et m’a dit : “C’est toi qui vas faire la
conférence de presse, pas moi”, confie Pontes. Il m’a donné
deux, trois indications, des choses dont il ne voulait pas parler
mais il a voulu récompenser mon conseil, mon soutien. Et
Renato s’est imposé comme titulaire. »
L’équipe n’est pas encore lancée pour autant. Le 1-1 obtenu
dans la foulée face au Sporting est plutôt encourageant. Les
Leões emmenés par Bölöni marquent les premiers sur un péno
du redoutable Jardel. L’exclusion de Tiago, en début de
seconde période, ne va pas faciliter le taf de Leiria qui va
égaliser par Silas. Compte tenu du scénario, quand on sait que
ce Sporting sera sacré champion, le résultat est bon à prendre.
Mais l’UDL avance au ralenti. Un succès après quatre journées
et… voilà la première défaite… Au Bessa, où Mourinho avait
initié sa carrière d’entraîneur principal avec le Benfica un an
auparavant quasi jour pour jour, José Mourinho s’incline sur le
même score (0-1). L’U. Leiria compte 6 points sur 15 possibles
et n’est qu’à deux unités de la zone rouge.
« Les premiers mois, on était tout proche des dernières places
mais j’étais déjà habitué à ça et j’ai cru en lui et je voulais lui
donner une chance, assure le président João Bartolomeu. Je
n’ai pas douté parce que j’ai vu que l’équipe s’entraînait bien et
qu’il y avait une vraie union entre lui et son groupe. » Là encore,
une version moins optimiste vient contredire la mémoire de
l’historique patron de l’UDL. Jorge Baidek, l’agent qui a mené
José à Leiria, raconte : « Au bout de 5 journées, Bartolomeu m’a
appelé : « On doit faire une réunion et vite ! » Je préviens
Mourinho et on se rend chez le président. Bartolomeu lui a
envoyé : « Vous croyez que vous entraînez le Benfica ou quoi ?!
Vous jouez beaucoup trop l’attaque ! » « C’est ma façon de faire
et d’être », lui a rétorqué Mourinho. Je suis intervenu et j’ai dit
au président de ne pas s’inquiéter. »
Le fait est que José va rester et que la patience de Bartolomeu
va encore être mise à l’épreuve. La victoire (2-0) face au
Marítimo de son ancien prof Nelo Vingada n’apporte pas encore
la stabilité espérée. Une défaite à Varzim (0-2), un nul face au
Benfica de Toni (1-1) et un autre, chez son Setúbal (1-1). La
victoire contre le Beira-Mar (4-1) est suivie de deux défaites à
Porto : une face au FCP (2-1) en championnat, l’autre, en
Coupe, face au Boavista (3-0, après prolongations). La période
faste de Mourinho à Leiria commence véritablement à partir de
là. Fin novembre, il bat le Belenenses à domicile (3-0) et ne va
plus perdre avec l’UDL. Début décembre, sa team écrase
Salgueiros 7-0, avec un quadruplé de Derlei. « Quand il y a
cette transition entre deux entraîneurs, il y a une période
d’adaptation, tente d’expliquer Nuno Valente. Il nous a fallu un
peu de temps pour tout assimiler. On était devenus une équipe
de possession et, pour en arriver là, il a fallu travailler pour
trouver les mécanismes et être productifs. »
Power Point, les grandes feuilles et les causeries
La méthode Mourinho ne se limite pas qu’au terrain. José a
trouvé comment intégrer les différents aspects du jeu aux
entraînements afin de les rendre attractifs et productifs. Aussi, il
a ses trucs concernant les séances plus théoriques, comme la
tactique « pure » ou le visionnage des matches. C’est souvent
le genre de moments que redoutent bon nombre de
footballeurs. Là aussi, Mourinho va innover. Il va faire appel à
un nouvel adjoint : Power Point. « Il utilisait Power Point et il
nous donnait des « devoirs », des annotations sur la façon de
jouer de nos adversaires, explique le milieu Tiago. Il nous
donnait des feuilles où tout était détaillé, pour chaque poste. »
L’utilisation du logiciel développé par Microsoft viendra dans un
deuxième temps. José Mário bosse d’abord à l’ancienne.
« Avant d’utiliser Power Point, il dessinait des terrains de foot
sur des feuilles grand format qu’il avait préparées la veille, se
remémore Vítor Pontes. A l’époque, tout le monde travaillait sur
un tableau mais lui, non, il venait avec ses cinq, six, sept,
grandes feuilles. Il y avait dessiné les schémas, les coups de
pied arrêtés, les mouvements… » Le milieu de terrain Luís
Vouzela confirme : « Il avait de grandes feuilles sur lesquelles
l’équipe était disposée. Tout était prêt, écrit, détaillé. Et puis, sur
une feuille il y avait un mot d’écrit : « Humilité »,
« Agressivité »… Ca changeait, à chaque fois. Il discourait
autour de ce mot. » Et une fois encore, le même constat : « On
n’était pas habitués à ça. »
Du changement, il y en a aussi concernant la vidéo. Finies les
longues heures de “débrief” sur le match joué ou celui à venir.
Mourinho cible les séquences, les secteurs de jeu et adapte ses
interventions. Avec lui, les sessions de projections collectives
sont… subliminales. « Lorsqu’on allait et revenait de
l’entraînement, qu’on voyageait en bus, il mettait une cassette
de notre prochain adversaire, révèle Vouzela. Il nous disait :
« Je sais que certains d’entre vous vont dormir, d’autres vont
jouer aux cartes, passer des coups de fil mais le match de
Braga (par exemple) est là. Je vous le mets. Jetez un œil de
temps en temps. » Et on le faisait. Moi, je jouais souvent aux
cartes et je regardais sans même m’en rendre compte et je
m’imprégnais de ce que je voyais. »
Comme au Benfica, Mourinho va aussi responsabiliser ses
joueurs à travers les causeries. « Il choisissait quelques
joueurs-clés qui avaient un certain poids dans le vestiaire, dont
il savait qu’ils allaient avoir un discours fort et il leur demandait
de faire une petite causerie avant le match, lance Micas.
Il sollicitait beaucoup Derlei. »
Lorsque José initie son aventure leiriense, l’attaquant brésilien
n’est pas là. « J’étais prêté à Leiria par Madureira, un club
brésilien, explique l’intéressé. Mon prêt avait touché à sa fin et il
a fallu attendre avant qu’il soit renouvelé. J’étais parti en
vacances et quand je suis revenu Mourinho était déjà en poste.
Je me souviens de mon premier contact avec lui. C’était lors de
la présaison, il m’a taquiné en me disant : « Il faut marquer pour
qu’on te garde ! » » Le Ninja (surnom de Derlei) devient l’un des
relais de Zé. « J’étais un joueur actif dans le jeu et j’ai toujours
cru en mes capacités individuelles et en celles de ceux qui
jouaient avec moi », commence-t-il. José apprécie et lui confie
une partie de ses causeries. « Mourinho a très vite compris ma
façon d’être et de faire, poursuit Derlei. J’ai toujours dit que,
quel que soit mon maillot, je n’avais rien à envier à mon
adversaire. Il aimait cette façon de penser, ce genre de
discours. Il n’avait pas besoin de m’indiquer ce que je devais
dire, parce que je pense comme ça. »
Ce genre de moments, le président Bartolomeu les affectionne.
« J’aimais pénétrer dans le vestiaire à la mi-temps, avant et
après les matches, histoire d’écouter les discours, de sentir
l’ambiance, admet-il. Je sentais le respect que les joueurs
avaient pour José Mourinho. Mais je n’interférais en rien ! »
Valait mieux pas ! José fait très vite comprendre à ses patrons
que, sur le terrain et dans le vestiaire, c’est lui le boss.
D’emblée, il fait passer le message. Avant que la saison ne soit
lancée, à Tábua, il profite du traditionnel match entre salariés-
dirigeants du club et journalistes présents pour asseoir son
autorité. La rencontre doit se dérouler sur le terrain
d’entraînement, après la séance orchestrée par le Mister.
Adepte des espaces réduits (on l’aura compris), il ne bosse que
sur une moitié de terrain. Ses dirigeants qui s’apprêtent donc à
disputer leur rencontre commencent à s’échauffer sur une partie
du gazon laissé libre par José. « Dehors ! », s’écrie ce dernier.
L’un des patrons leirienses tente bien d’expliquer au coach qu’il
n’occupe pas toute la parcelle mais le Mou est dur. Y compris
de la feuille. Il ne veut rien entendre. Tant que ça bosse, la
pelouse est sienne.
« Toi et toi, je vais vous sortir ! »
Au Benfica, en l’espace de quelques semaines, Mourinho a pu
exposer une partie de son know-how motivationnel. A Leiria, il
va pouvoir le développer. Le Mou, c’est un palmarès
extraordinaire et des mind games d’exception. A la Luz, il
jonchait le vestiaire d’interviews données par ses prochains
adversaires, pour exciter ses gars. A Leiria, alors que les
résultats sont capricieux, il continue de tapisser les murs. Le
gaucher, Nuno Valente, raconte : « Un jour, en arrivant à
l’entraînement, il y avait un papier fixé au mur sur lequel
figuraient nos cinq, six prochains matches. Il avait inscrit, en
face de chaque équipe, le nombre de points à gagner. Il avait
mis la barre haut. Ce qui est curieux, c’est qu’à la fin de cette
série, on avait atteint l’objectif qu’il nous avait fixé. Ce fut très
stimulant pour nous. »
Le jour J, celui du match, il sait comment leur mettre la
pression. « Il n’aimait pas quand c’était trop tranquille, rigole
Vítor Pontes, son adjoint pour les gardiens. A la mi-temps, il lui
arrivait de s’adresser à un ou deux joueurs et de leur dire : « Toi
et toi, je vais vous sortir ! » C’était une façon de les secouer. »
Pendant la rencontre aussi il y va. « S’il voyait qu’un joueur
n’était pas dans son match, il envoyait un autre joueur du même
poste s’échauffer, révèle Pontes. Et il faisait ça en première
période, s’il le fallait. A l’époque, personne n’envoyait des gars
s’échauffer aussi tôt. »
Maciel a été la cible de ses coups de pression. Arrivé au cours
de l’été 2001 à Leiria, le Brésilien n’a que 22 ans et connaît un
démarrage difficile. « Je revenais de blessure, justifie-t-il. J’ai
débuté titulaire lors d’un match face au Boavista [0-3 après
prolongation, Coupe du Portugal] et je n’ai pas été très bon.
Pareil lors du match suivant. Je commençais à m’embourber.
Mes coéquipiers avaient de l’avance sur moi. Lors de la
préparation de la rencontre suivante qui était face au
Belenenses, Mourinho m’a demandé si je me sentais prêt à
jouer. Il voyait que j’étais contrarié. J’ai répondu que oui, que je
voulais jouer. Duah avec qui j’étais en concurrence était forfait.
Mourinho m’a dit : « Si tu ne joues pas bien, tu ne joueras plus
jamais avec moi. » J’ai marqué deux buts ! A la fin, il est venu
me voir pour me dire : « Heureusement que tu as été bon ! »
Il me connaissait très bien. Il savait comment me parler,
comment me faire réagir. » Ce doublé, cette victoire 3-0 sur la
formation de Belém, marquent le début de la série d’invincibilité
de Mourinho à l’UDL et le lancement de la saison de Maciel qui
claquera 10 pions en 2001-2002.
Proche de ses joueurs
Le technicien de 38 ans impose certaines règles. Et on est loin
de l’absolutisme. Comme il le faisait du temps où il gérait les
jeunes du Vitória de Setúbal, Mourinho responsabilise ses
joueurs et tolère même certains écarts. « Il ne voulait pas qu’on
fume, explique Luís Vouzela. Le joueur qui se faisait prendre en
train de fumer prenait une amende. Un jour, on était à l’hôtel, en
stage, je fumais avec un coéquipier et un autre faisait le guet.
Sauf qu’au moment où il me prévient, je sens une main sur mon
épaule. C’était Mourinho : « Je t’ai eu ! » Il ne nous a pas
sanctionné. Il nous a juste dit de faire attention, de ne pas fumer
lorsqu’on était habillés aux couleurs du club, parce que ça
donnait une mauvaise image aux enfants. » Avant d’avoir Klopp
pour rival, le Mou combat donc la cigarette (héhéhéhé).
Tu te souviens de l’interview fumante de Sabry, au Benfica ? Un
autre épisode du genre – moins politisé – va se produire à
Leiria. Lorsque Mourinho s’y pose, il valide notamment le
recrutement de Jacques. Recruté par le Bétis en 1998, cet
attaquant brésilien ne s’est jamais imposé à Séville et enquille
les prêts. Mais José y croit. Et Jacques va lui permettre
d’affirmer son autorité. Le jeune défenseur, Micas Pedrosa,
évoque « un moment de tension avec Jacques », en tout début
de saison : « Il ne jouait pas beaucoup. Et puis, Mourinho a
décidé de le titulariser et Jacques a marqué. Il a fait un bon
match. Dans une interview parue le lendemain, Jacques
déclarait qu’il devait être titulaire. Oh, ce qu’il n’avait pas dit là…
Lors de l’entraînement suivant, Mourinho nous a enfermés dans
le vestiaire et lui a dit, devant tout le monde : « J’avais l’intention
de te mettre titulaire lors du prochain match, mais après ton
interview… Ou tu démens, ou tu ne joues plus avec moi. Parce
qu’avec moi, les coups de pression, ça ne prend pas. » Jacques
a démenti ses propos, il a rejoué et tout s’est bien terminé. »
Vítor Pontes assiste lui aussi à la scène : « Jacques avait
franchi la ligne. » Cette explication marque un tournant, un
avertissement. « Parfois, on aurait dit que Zé était un joueur,
s’étonne encore l’adjoint Pontes. Il était capable d’entrer dans le
vestiaire, s’asseoir au milieu d’eux et se mettre à raconter ou
écouter des histoires. Et ce n’était pas quelque chose de
normal, de courant. Je lui ai donné mon opinion sur sa relation
avec les joueurs. Je le trouvais trop proche, parfois. Certains
pouvaient en abuser. Il m’a dit de ne pas m’inquiéter. Cette
histoire avec Jacques a fini par être positive, parce qu’elle s’est
produite dès le départ et que le groupe a compris qu’il fallait
faire la part des choses. »
A Leiria, l’União porte bien son nom. Baltemar Brito décrit un
Mourinho « proche de ses joueurs » : « Je l’ai trouvé
sensationnel. Comme tout être humain, il a des défauts mais
ses vertus sont bien plus importantes. » Paulo Costinha en
atteste : « Il se préoccupait de notre bien-être, au quotidien.
Aussi bien en ce qui concernait le travail que notre situation
personnelle. On arrivait le matin pour l’entraînement et il était
déjà dans le vestiaire, avec nous. Il nous retrouvait aux soins.
C’est comme s’il était l’un d’entre nous. Ce n’est pas habituel
que dans un effectif de plus de 20 joueurs tout le monde soit
satisfait et bien mais, à Leiria, c’était le cas. » Le gardien de but
qui connaît Mourinho du temps où il était adjoint de Robson au
Sporting assure qu’il y a « beaucoup de respect envers
l’entraîneur » : « Zé était exemplaire là-dessus. Il y avait le
travail et l’amusement. Il faisait en sorte qu’il existe des
moments de vivre ensemble. Chaque semaine, on organisait un
déjeuner dans lequel on était tous réunis. »
Paulo Duarte avance qu’il avait « deux postures » : « Une avec
le groupe, il était très proche de nous, il lui arrivait d’aller
déjeuner avec les joueurs, il n’a jamais mis de séparation entre
lui et les joueurs ; et une autre posture envers l’extérieur. » Et
celle-ci est plus distante et plus austère. « Il est tout sauf
arrogant, jure toutefois Duarte. Il a créé une stratégie. Tout ce
qu’il faisait avait un but. Il a transmis une image à la presse qui
avait un objectif bien précis. Il s’est fait une carapace pour se
défendre des médias et pour défendre son groupe. C’était aussi
un moyen d’atteindre son adversaire. Il attendait une réaction du
camp adverse et il utilisait ça pour motiver ses joueurs. »
« Pensez, pensons, à ceux qui ne jouent pas »
Mourinho s’adresse à tout son groupe. Y compris aux jeunes.
Au Benfica, il a misé sur les « produits maison » pour remuer
les plus anciens. Mourinho, souvent présenté comme un
entraîneur dépensier (et il le sera au cours de sa période
Special One) n’a pas délaissé la sensibilité de l’éducateur qu’il
était à Setúbal.
Le Leiriense Micas Pedrosa débute en Liga avec José. Il n’a
pas encore 20 ans. Et jusque-là, il a rarement été convoqué en
équipe première. « Mourinho a réussi à motiver tout le monde, y
compris ceux qui ne jouaient pas, affirme le natif de Colmar. Je
n’étais pas titulaire mais je me sentais utile. De temps en temps,
il nous adressait un message du type : « Continue de travailler,
tu vas y arriver. » » Et puis le 25 novembre 2001, le grand
moment arrive, face au Belenenses (3-0). Micas entre à dix
minutes de la fin. Ce moment est autant historique pour le jeune
défenseur qu’il pourrait être anecdotique pour son entraîneur. Et
bien, non. « Quand j’ai disputé mon premier match, j’ai eu un
test antidopage dans la foulée et Mourinho n’avait pas eu le
temps de me parler, narre-t-il. J’étais enfermé dans une pièce,
sans pouvoir voir personne. Il y est allé mais on ne voulait pas
le laisser entrer. Il a tellement insisté qu’ils ont fini par ouvrir la
porte. Il m’a pris dans ses bras et m’a dit : « Félicitations ! »
C’était une petite chose mais ça m’a marqué. Il estimait que ce
moment était important. »
« Avec lui, même les joueurs qui étaient moins utilisés étaient
de son côté, accentue le milieu Luís Vouzela. Il nous disait :
« Ceux qui jouent doivent avoir le moral, parce qu’ils jouent.
Mais pensez, pensons, à ceux qui ne jouent pas. » Il avait une
réflexion de groupe et, du coup, tout le monde se sentait
concerné et était motivé. »
Preuve qu’il compte sur tous ; dans sa biographie, José
Mourinho écrit que « l’un des joueurs les plus importants de
l’União de Leiria », de son UDL, est Paulo Duarte. Or, Paulo
Duarte, la trentaine bien tassée, est en fin de carrière et n’aura
joué que deux matches avec Mourinho. « Je suis très fier de ces
mots mais j’ai été surpris parce que nous n’en avions jamais
parlé, il ne m’a jamais rien dit, commente Duarte. J’étais un
joueur qui avait une certaine connotation, celle d’être le gendre
du président. Mais lui m’a vu d’une autre façon. »
Mourinho perçoit Duarte comme « un homme de vestiaire » :
« Il a senti mon leadership. J’avais eu plusieurs blessures et
j’étais un joueur arrêté mais, même sans jouer, je suis devenu le
joueur le plus important pour lui. » Son premier match avec le
Mou, Paulo le dispute face au Belenenses. Une rencontre qui
marque le « vrai démarrage de Leiria » cette saison-là. Comme
un symbole, c’est Paulo Duarte qui anime la mini-causerie
d’avant-match : « 90 % du temps, le joueur qui avait droit à cette
minute était Derlei. Curieusement, ce jour-là, il m’a choisi. Et le
plus drôle, c’est que durant la semaine je sentais qu’il pourrait
me choisir. J’ai dit que même si nous n’étions pas les meilleurs
joueurs du monde, si nous avions la conviction de l’être, nous
nous imposerions. Et on a réalisé une prestation superbe
[victoire 3-0]. »
Mourinho et le mendiant
Paulo Duarte jure que « Mourinho est à l’opposé de l’image
qu’on en fait ou que certains s’en font. » Il décrit un « homme
simple et altruiste » et déballe une histoire qui l’a « beaucoup
marqué » : « Il y avait un mendiant qui traînait aux abords du
stade. Mourinho le faisait monter dans le bus, avec nous. Il nous
accompagnait à certains entraînements. Parfois, Mourinho le
croisait sur la route au moment d’aller déjeuner et il lui disait de
se joindre à nous. »
« Cette personne aidait les gens à se garer aux abords du
stade, détaille Micas. On lui donnait un peu d’argent. C’est
Mourinho qui a eu cette initiative et les joueurs ont suivi. On a
fini par lui trouver une chambre pour qu’il puisse être logé. »
« On était très attachés à cet homme, poursuit Tiago. C’était un
personnage à Leiria. Un jour, on lui a même acheté un maillot
floqué à son nom et il est venu taper dans le ballon avec nous et
Mourinho. Parfois, il nous accompagnait même en
déplacement. »
« On l’appelait Bill, se souvient l’adjoint Vítor Pontes. Il se
douchait avec nous, enfilait les équipements de l’équipe, on lui
donnait de l’argent… Mourinho lui a donné cette opportunité
d’être avec l’équipe et d’avoir une vie un peu meilleure. » « Bill »
fait partie de l’équipe. « Comme Mourinho voulait des
entraînements dynamiques et ne voulait pas perdre de temps,
quand des ballons étaient envoyés en dehors du stade et que
l’intendant n’arrivait pas à les retrouver, Mourinho allait voir Bill
pour lui demander de se joindre à nous et de ramasser des
ballons », sourit Pontes. Le genre d’histoires que José Mário
n’aime pas raconter. « Quand on veut vraiment aider, on ne le
fait pas pour se faire de la publicité. » Sa promo, José se la fait
grâce à son taf. Et après quelques mois à Leiria, cela prend
déjà.
MODÈLE DE JEU.
Philosophie de jeu.
Culture du jeu. »
Le fameux « modèle de jeu », si cher à Mourinho et aux
disciples de la périodisation tactique. Au fil des presque 100
pages que constituent ce dossier, il développe ses principes de
jeu, son système, à travers des mots-clés et des schémas.
Il préconise, poste par poste, le profil des joueurs adaptés à son
système (le « modèle tactique – technique » détaillé est le 4-3-
3) et détermine les qualités tactiques, physiques mais aussi la
personnalité requise, pour chacun d’entre eux.
Vítor Pereira, comme tous les autres formateurs et entraîneurs
des équipes de jeunes du FC Porto, se voit remettre cette
« bible ». « Lors d’une réunion, en début de saison, il nous a
expliqué ce que Porto, le club, attendait de nous, entraîneurs ;
ce que lui attendait de nous, comment les joueurs devaient être
préparés pour atteindre l’équipe première, commence celui qui
sera champion du Portugal en 2012 et 2013 en tant que coach
principal du FCP. Nous, éléments techniques de la formation,
avions reçu un document d’orientation sur les comportements à
adopter par les équipes de jeunes de Porto : la domination du
jeu, la possession de balle, l’agressivité dans les transitions. »
Si le lien entre l’équipe première et celles des jeunes n’est « pas
direct », Mourinho établit une connexion, une forme de
cohérence, poursuit Vítor Pereira : « Quand Mourinho est arrivé,
le dossier qu’il a fourni s’étendait de l’équipe première à celles
de la formation, et constituait un fil conducteur pour préparer les
joueurs à une certaine façon de jouer, celle qu’il prétendait. Le
système était le 4-3-3 et nous nous sommes mis à jouer en 4-3-
3, si on estimait, compte tenu du profil de nos joueurs, qu’il était
préférable de le faire. On s’est tous mis en quête des mêmes
comportements dans les différents moments du jeu. Idem pour
les joueurs, on focalisait sur les mêmes caractéristiques pour
chaque poste : ce qu’on attendait d’un latéral, d’un défenseur
central… Chaque fonction devait avoir des qualités précises
pouvant servir l’équipe première. Le document d’orientation est
devenu celui de toutes les équipes. »
Les indications du Mou modifient l’approche vis-à-vis des
catégories de base. « Son arrivée a donné du sens au travail de
la formation, insiste Pereira. On n’était plus là que pour gagner
des titres mais pour préparer les joueurs à atteindre l’équipe
première. C’est le genre de situation idéale dans un club : avoir
un modèle de jeu défini et que toutes les équipes le suivent et
l’alimentent. » Pendant que le Dragon de Mourinho ingurgite les
titres.
Champions à l’hôtel
Le titre de champion du Portugal 2003-2004, le FC Porto va le
célébrer sans avoir à jouer. A trois journées de la fin, Mourinho
et ses gars sont au vert à l’hôtel Tivoli de Porto. Le lendemain,
ils affrontent Alverca. Mais ce soir-là, l’União de Leiria bat le
Sporting (1-0) et le Dragão est campeão. José peut
tranquillement préparer sa demi-finale retour de Champions
face au Deportivo La Corogne. L’aller, à Porto, a accouché d’un
0-0. José, avec sa fameuse rotatividade, fait tourner contre le
Rio Ave. Un match âpre. Trois exclus au total et une victoire
pour la formation de Vila do Conde (1-0).
Place maintenant au Riazor. Et là encore, c’est chaud. Faut se
remettre dans l’ambiance. Ces Galiciens poursuivent l’œuvre du
« Super Depor », champion d’Espagne en 2000, vainqueur de la
Coupe du Roi deux ans plus tard et deux Supercoupes
d’Espagne. Un abonné au podium de la Liga (ce sera encore le
cas en 2003-2004). Drivée par Javier Irureta, cette Coruña est
composée du « Ministre de la Défense » marocain Nourredine
Naybet, de l’ancien défenseur de Porto, Jorge Andrade, du
champion du monde brésilien Mauro Silva, du fantasque
attaquant uruguayen Walter Pandiani, du « Maestro » Valerón,
du prolifique « Diegol » Tristán, du « Torero » Albert Luque ou
encore de l’énergique Lionel Scaloni. C’est Derlei, sur pénalty,
qui débloque la rencontre et la qualif, à l’heure de jeu. « On a
été brillants tactiquement et mentalement, scande Costinha.
Avec beaucoup de joueurs qui étaient menacés de suspension
pour la finale. »
Mourinho l’a carrément joué devin, avant cette rencontre.
Docteur Puga en est témoin : « Lors des entraînements, s’il
avait un doute quant à la condition physique d’un joueur il lui
arrivait de me consulter. Avant la demie retour contre le Depor, il
m’a appelé et m’a dit : « Les joueurs savent ce qu’ils ont à
faire. Maintenant, je vais les mettre dans les conditions pour le
moment où on mènera 1-0 et qu’ils feront entrer Tristán en
cours de jeu. » Il ne m’a rien demandé par rapport à mon rôle
de médecin. Sur le ton de la plaisanterie, je lui ai dit : « Mais
quelqu’un, là-haut, vous dit ce qu’il va se passer ? » Il m’a
répondu : « Non, mais on marque à tous les matches, non ? Eh
bien, on va marquer, ils vont faire entrer Tristán mais ils ne
marqueront pas parce qu’on ne leur laissera pas l’opportunité
de le faire. » Croyez-le si vous le voulez ou pas mais tout s’est
passé exactement comme il l’avait prédit ! »
Le FC Porto vainqueur en titre de la Coupe de l’UEFA est en
finale de Ligue des champions. Première finale de C1 pour un
club portugais depuis 1990 (défaite 0-1 du Benfica face à l’AC
Milan). Mais avant de retrouver Monaco pour la décision ultime,
les Portistes doivent affronter le Benfica en finale de la Taça de
Portugal.
En conf’ d’avant-match, Mourinho se montre prudent, voire
méfiant. « C’est le Benfica le plus motivé de ces dernières
années, dit-il. Nous avons conscience qu’à l’exception d’un ou
deux joueurs du Benfica, les autres n’ont rien gagné. Cette
finale est donc pour, presque tous leurs joueurs, non seulement
le match de la saison mais je dirais aussi celui de leur vie. Dans
le même temps, mes joueurs ont déjà gagné tant de choses en
peu de temps… » Ces déclas peuvent paraître provocatrices –
José est plutôt adroit dans ce genre d’exercice – mais,
objectivement, il parle vrai. Le dernier trophée des Aigles
remonte alors à 1996 ! Et c’est sous le commandement de
l’Espagnol José Antonio Camacho que cette faim prend enfin
fin. Car, oui, le Benfica va s’imposer. Derlei plante le premier
(45e), le Grec Fyssas égalise (58e), Jorge Costa se fait exclure
et la décision ne se fait qu’aux prolongations quand Simão offre
la Coupe du Portugal au SLB.
Mourinho affiche toutefois une stat assez dingue face aux
grands lisboètes. Cette défaite – aux prolongs, donc – est la
seule qu’il a essuyée en carrière face au Benfica et au Sporting
(12 victoires, 4 nuls et 1 défaite, en 17 confrontations). Ce
clássico perdu est sans doute pollué par l’obsession de la Ligue
des champions. N’allez pas croire… José et ses joueurs l’ont
mauvaise. Ils voulaient, ils visaient le triplé. « Il n’aime pas
perdre. Après une défaite, il remet tout en question. Il veut
comprendre le pourquoi du comment », assure Brito. Comme
lui, ses joueurs ont la tête basse et sûrement l’esprit ailleurs.
Deco est l’un des rares qui accepte de lâcher quelques mots à
la presse : « Il y en aura encore dans les prochains jours et le
meilleur est à venir. »
Le duel du Jamor s’apparente à une répétition générale, à dix
jours de LA finale, celle de la Champions. Face au SLB,
Mourinho a aligné la grosse équipe. Mis à part Nuno (habituel
gardien en Coupe) et Benni McCarthy (qui laissera sa place à
Carlos Alberto contre Monaco), la compo de départ est la
même. Le résultat sera tout autre.
Mourinho vs Deschamps
C’est en Allemagne, à Gelsenkirchen, que FC Porto et AS
Monaco s’affrontent lors de la 49e finale de la Ligue des
champions. En ce 26 mai 2004, José Mourinho couche un 4-4-2
losange (Vítor Baía – Paulo Ferreira, Ricardo Carvalho, Jorge
Costa, Nuno Valente – Maniche, Costinha, Pedro Mendes –
Deco – Derlei, Carlos Alberto), avec Costinha en pointe basse
et Deco en pointe haute, au milieu.
En face, l’ASM vit une saison historique. Didier Deschamps qui,
comme joueur et capitaine, avait remporté la C1 1993 avec
l’OM, vient de mener le club du Rocher à un stade jamais atteint
jusque-là dans la plus fastueuse des épreuves européennes.
Flavio Roma, Ibarra, Julien Rodriguez, Givet, Evra, Edouard
Cissé, Lucas Bernardi, Zikos, Giuly, Morientes, Rothen, Prso,
Nonda, Adebayor ou Squillaci composent le groupe de DD. Ces
mecs-là ont notamment sorti le Lokomotiv Moscou, le Real
Madrid et Chelsea. Avec, à chaque fois, des scénarii de folie.
En huitièmes, ils perdent l’aller en Russie (1-2) et passent au
retour (1-0) ; en quarts, ils s’inclinent 4-2 en Espagne et
réalisent l’exploit à la maison (3-1) ; en demies, face aux Blues,
ils jouent à se faire peur : ils remportent l’aller 3-1 et, à Londres,
ils se laissent mener 2-0 avant d’égaliser. En gros, une équipe
de talents et de tarés, une équipe avec un talent de taré.
Et Mourinho veut éviter de se rater. Rien (dans les limites du
possible) ne doit lui échapper. Niveau rapports, José est un
obsédé. Il aime que tout soit effeuillé dans les moindres détails,
tout connaître de son vis-à-vis. « Ce qui m’a le plus marqué
chez Mourinho, ce sont les notes qu’il remettait à chaque joueur
sur son prochain adversaire, s’extasie l’offensif Maciel. Moi qui
étais ailier, il m’indiquait toutes les qualités et les défauts du
latéral que j’allais avoir en face de moi. Rares étaient les
entraîneurs qui faisaient ça à l’époque. Avant chaque match,
chaque joueur se voyait remettre ce rapport détaillé. Toutes les
caractéristiques, techniques, tactiques, des joueurs y étaient. »
Mourinho fait de ses séances de visionnage des pièces,
séquencées par les actes et les scènes qui en découlent. Et il
sait soigner sa chute, comme en témoigne Marco Ferreira :
« A travers les séances vidéo qui étaient quelque chose de
sérieux, il parvenait à transmettre son message, ses indications
tout en y ajoutant une touche d’humour. Ce n’était pas
assommant pour nous, joueurs. Il terminait souvent par un
article d’un journal, un dessin, une caricature, une citation, une
vanne… Là aussi, à chaque fois, c’était novateur. » Ses
sessions de Power Point deviennent même attendues par ses
joueurs. « C’était des moments qu’on appréciait », sourit le très
rodé Secretário.
Face à Monaco, Mourinho pousse le kiff un peu plus loin
encore : chaque joueur se voit remettre un DVD personnalisé.
Tout y est. Le boulot d’observation et de prospection d’André
Villas-Boas et de Lima Pereira est clippé, mis en boîte, sous la
supervision de leur producteur-réalisateur. « Mourinho était très
fort pour analyser les équipes adverses, insiste Nuno Valente.
C’était une personne qui voulait gagner et avoir du succès. »
Une ambition qu’il sait transmettre. Rendre ses joueurs
meilleurs et leur donner la sensation qu’ils sont les meilleurs.
Quel que soit l’adversaire. « Avant, en Coupe d’Europe, si on
tombait sur un gros comme Manchester ou l’Inter, on se disait
que ça allait être compliqué, lance le latéral. Il a changé notre
façon d’aborder ce type de rendez-vous. Après la victoire contre
Manchester United, dans les dernières minutes [huitième de
finale de Ligue des champions 2003-2004, 2-1 ; 1-1 au retour],
sa réaction a été de dire : « Eux, c’est fait. » Quand on tombait
sur des équipes de cette dimension, c’était des adversaires
comme les autres, comme si c’était un match du championnat.
Il a beaucoup changé nos mentalités. »
Il fait évoluer par là même, la condition d’entraîneur-professeur.
FC Porto – AS Monaco, c’est Mourinho vs Deschamps.
« Pendant que Didier Deschamps gagnait des titres sur les
terrains de foot, j’investissais tout ce que j’avais dans ma
formation professionnelle, resitue le Mou en avant-match.
Comme joueur il a tout gagné, tandis que moi, en tant que tel, je
n’ai rien gagné, mais je peux dire que, comme entraîneur, c’est
moi qui ai presque tout gagné, alors que lui, encore peu. »
« Mourinho a eu une vraie incidence sur le match »
A Gelsenkirchen, Mourinho assume même le statut de favori.
En toute prudence, il concède un « 51 % pour nous et 49 %,
pour eux » et prédit un « score serré ». Il ne sera jamais aussi
heureux de se planter. Le Dragon survole la rencontre. 3-0.
Carlos Alberto, Deco et Alenichev sont les buteurs de ce large
succès. Jérôme Rothen se remémore cette finale avec
« émotion », « déception » et « tristesse ». Car pour le gaucher
monégasque, son ASM avait les faveurs des pronos : « Avant le
coup d’envoi, avec le parcours qu’on avait eu, la force qu’on
dégageait… Ce n’était pas du 80-20 mais, même dans le
discours des médias, on nous voyait la gagner et nous aussi
inconsciemment. On a eu le temps d’en parler. Pour nous, on
allait être au même niveau que sur les tours d’avant et si c’était
le cas… Quand tu regardes, tous les gros matches qu’on a fait,
on les a tous bien négociés. Pour nous c’était presque naturel
de se transcender sur cette finale. Malheureusement, on n’a
jamais réussi. Plein de choses rentrent en compte et c’est là
qu’on en vient à parler de Mourinho. »
Parmis ces « choses », il y a la connaissance du Mou et de ses
hommes. « L’année d’avant, ils remportent la Coupe de
l’UEFA et quand tu joues une finale, t’as une expérience, affirme
Rothen. Dans l’approche, ils n’ont pas géré comme nous. »
Il y a ensuite « l’approche tactique ». « Je n’ai pas trouvé qu’il y
avait une grosse intensité, commence le futur ailier du PSG. En
revanche, quand on entrait dans leur moitié de terrain, on se
heurtait à une équipe solide, agressive, il y avait très peu
d’espace entre les joueurs. C’est ce qui m’avait choqué. J’avais
un jeu dans lequel j’utilisais beaucoup mon corps et un pied qui
faisait la différence mais, là, quand j’arrivais dans les trente,
quarante mètres adverses, il fallait que j’aille encore plus vite. »
Le plan de Deschamps démarre bien, pourtant. Mais dès la 23e,
il vrille. Ludovic Giuly sort sur blessure. Un tournant, selon
Rothen : « Sur ce que Didier avait mis en place, sur le début du
match, Mourinho n’avait pas réussi à nous contrer. Giuly prenait
beaucoup la profondeur, avec une charnière, en face, qui était
assez lourde. » Mais, là, c’est le club du Rocher qui se met à
sombrer. « On s’attendait à ce qu’ils fassent plus en fonction de
nous, que nous en fonction d’eux, analyse Rothen. Parce que
même quand on a joué de grandes équipes, on a essayé de
développer notre jeu. Bien sûr que le coach, Didier, mettait
l’accent sur les joueurs importants à surveiller mais on ne jouait
pas pour bloquer l’adversaire. » C’est Monaco qui est prisonnier.
Impuissant face au Porto de Mourinho. « Ce n’est pas étonnant
qu’ils aient reçu chacun un DVD, reprend l’international français.
Je n’ai revu que des bouts de cette finale. La sensation que j’ai,
même avec le recul, est toujours la même : c’est de ne pas être
totalement libéré. Etait-on impressionnés par l’engouement,
l’enjeu ? Etait-ce le fait qu’ils avaient gagné la finale de C3
l’année d’avant ? J’avais vraiment un sentiment d’impuissance.
Alors que, même encore aujourd’hui, je me dis que c’était
largement jouable. »
Jérôme Rothen enchaîne : « On a senti que Mourinho a eu une
vraie incidence sur le match, tactiquement, psychologiquement,
avec ses joueurs. J’ai des flashs sur ce match, où pendant la
rencontre on était à court d’idées et on se disait : « Essaye de
nous aider, Didier ! » T’as toujours un œil sur le banc adverse.
On voyait Mourinho. Il dégageait beaucoup de sérénité, au-delà
de son charisme naturel. Tu sentais qu’il était en osmose avec
ses joueurs. »
Avant cette finale, le Mou n’est cependant pas (encore) un sujet
de conversation dans le vestiaire Monégasque. « On en parlait
pas de lui, avoue JR. Même s’il avait gagné l’UEFA l’année
d’avant, que ce n’était pas anodin, et que c’était une très bonne
équipe. On ne voyait pas encore Mourinho comme un monstre.
On commençait à en parler. Pour nous, le meilleur entraîneur
des deux, avant le coup d’envoi, c’était Didier. »
Rothen : « Un regret de ne pas avoir eu un entraîneur
comme lui »
Comme beaucoup d’autres joueurs de Monaco de cette saison
historique 2003-2004, Jérôme Rothen va quitter Louis II. Et il va
choisir son club de cœur : le Paris SG. Mais la patte gauche
aurait bien pu connaître une autre destinée. Il raconte : « Après
la demi-finale retour contre Chelsea qui est certainement le
meilleur match de ma carrière, le propriétaire des Blues, Roman
Abramovitch, voulait me voir. Je devais passer au contrôle
antidopage. A Stamford Bridge, les vestiaires sont tous petits.
Abramovitch était là avec son bras droit. Je ne voulais pas lui
parler. Il ne m’a pas vu, je suis resté à l’intérieur et je l’ai
entendu. Il a demandé à Jean-Luc Ettori et à un autre joueur :
« Where is Rothen ? » Après ce match-là, j’étais persuadé qu’il
me voulait absolument. Je savais très bien qu’avant, il y avait eu
de gros contacts entre Chelsea, mes agents et mon président,
en accord certainement avec le futur entraîneur, pour me faire
venir. Je ne voulais pas lui parler parce que je ne voulais pas
être perturbé et, surtout, je ne savais pas quoi lui dire. J’avais
déjà rencontré les dirigeants de Barcelone. Sachant que, dans
ma tête, il y avait le PSG. »
Le « futur entraîneur » en question de Chelsea n’est autre
que… José Mourinho. Mais José et Jérôme ne se parleront que
quelques mois plus tard. « Le tirage a fait qu’avec le PSG, on a
joué contre Chelsea la saison suivante, en Ligue des
champions, sourit Rothen. On s’est dit “bonjour” avec Mourinho
mais, avant le match, tu ne peux pas vraiment parler. Mais il y a
toujours eu un truc, un petit rictus. » Rothen qui passera six ans
au Parc des Princes affirme ne pas avoir de « regrets
particuliers » sur ses choix sportifs. « En revanche, dit-il, sur le
côté humain, c’est un regret de ne pas avoir été entraîné par un
entraîneur comme lui. J’avais commencé ma carrière avec de
super coaches, comme Alain Perrin, puis Didier. Avoir été
entraîné par un Mourinho aurait pu m’aider à franchir un cap. »
Rothen qui deviendra consultant sur RMC Sport à la fin de sa
carrière confie même : « J’y vais mollo sur les critiques des
mecs comme lui parce que, quand t’as tout gagné avec autant
de clubs, c’est que t’es plus intelligent que les autres. »
Et c’est à Porto que Mourinho initie ses habitudes de trophées.
Un an après avoir remporté la Coupe de l’UEFA, ses Dragões
soulèvent la coupe aux grandes oreilles. Seul Liverpool a réussi
un tel enchaînement.152 « On travaille tellement mais tellement
pour en arriver là… On a perdu qu’un seul match cette saison-là
dans la compétition, face au Real Madrid (1-3), rappelle
Costinha. J’ai d’ailleurs marqué là mon seul but dans le stade
de Porto ! On a éliminé de grandes équipes : Manchester
United, Lyon, La Corogne. »
Beaucoup d’observateurs, de suiveurs, de supporters du FC
Porto, continuent toutefois de préférer le cru de 2003 à celui de
2004. « Peut-être qu’on était moins spectaculaires l’année de la
victoire en Champions League mais nos adversaires
éprouvaient beaucoup de difficultés face à nous parce qu’on
était très consistants, explique Costinha. On était dangereux,
n’importe laquelle de nos actions était létale. Le moindre espace
qui nous était accordé pouvait être fatal. Les pénétrations de
Maniche dans la surface, ses frappes lointaines, le jeu intérieur
et extérieur de Deco, le pressing exercé par Derlei, McCarthy et
Carlos Alberto, la consistance de Paulo Ferreira, Jorge Costa,
Ricardo Carvalho, Nuno Valente, Pedro Emanuel, Bosingwa… »
Nuno Valente avance une autre explication : « Lors de la
deuxième saison, comme les équipes connaissaient notre façon
de jouer et qu’elles étaient mieux préparées, Mourinho
changeait notre façon de jouer, notre schéma et ce n’était peut-
être plus aussi fluide, plus aussi plaisant pour nous. »
« Mourinho père souffrait beaucoup pour son fils »
Il y en a un pour qui ces émotions virent au supplice : José
Manuel Mourinho Félix, le paternel de José Mário. Voisin,
ancien joueur et surtout ami de Félix, Fernando Tomé se
souvient : « Mourinho père souffrait beaucoup pour son fils.
Il avait peur de ce qui pouvait lui arriver en tant qu’entraîneur.
Parce qu’il avait lui-même connu des périodes compliquées à ce
poste, il ne voulait pas que cela arrive à José Mário. Il a connu
des victoires, des succès mais aussi le revers de la médaille, les
licenciements. »
Zé Manel adopte donc un traitement drastique. « Il évitait de voir
certaines rencontres, révèle Tomé. J’en suis témoin. Quand les
matches de Zé Mário débutaient, j’entendais sa porte claquer et
ma femme me disait : « Ah, Manel s’en va ! » Il allait se
promener à travers la ville. Il faisait son petit tour et il revenait à
la fin du match. Si le résultat était positif, Dona Júlia, son
épouse, lui envoyait un SMS. Il souffrait intérieurement. »
Littéralement. « Un jour, il regardait un match de José et il a fait
un malaise. Il m’avait dit : « Hier, je regardais le match de mon
fils, et je me suis senti mal. Il y avait quelque chose
d’anormal. » » Il faut dire que son rejeton n’a rien de normal.
Nombreux sont les curieux se rendant sur ses traces à Setúbal.
Et Mourinho Félix leur lâche que dalle. « Une fois, une équipe
de tournage espagnole s’est rendue ici, se souvient encore
Fernando Tomé. J’allais prendre mon café tous les matins au
café du Bonfim. Ils sont entrés, Manel les a vus, il a bu son café
et il m’a dit : « Je m’en vais. » Il s’est levé et il est parti. Les
journalistes l’ont suivi mais il a refusé de parler. Il voulait
préserver la vie de son fils. »
José prend tout autant de soin à protéger les siens. Sa vie
privée porte bien son qualificatif. Rares sont les moments où il
s’épanche sur le sujet. En octobre 2017, il accepte de le faire
pour SFR Sport. Dans le cadre des habituels entretiens
accordés aux diffuseurs de la Premier League, celui qui était
alors entraîneur de Manchester United fait tomber le masque du
Special One pour laisser s’exprimer Zé Mário. L’attachée de
presse du club, calée dans un coin de la petite salle de presse
des immenses Red Devils, attend sa réaction et laisse couler.
Il lui est arrivé auparavant de couper court. La semaine
précédente, le manager inaugurait une avenue à son nom à
Setúbal, à quelques pas de la tombe où repose Mourinho Félix.
Un moment d’autant plus fort. « Mon père était une personne de
peu de mots mais d’émotions très fortes, commence José
Mário. Je pense que plutôt que des mots, il y aurait eu des
larmes, cachées, à l’image de sa discrétion, de son humilité.
Mais je sais, j’ai toujours senti qu’il était très fier de moi, en tant
que professionnel du football et surtout en tant que fils. C’est
sûr, ça se serait passé comme ça… Des larmes cachées parce
que moi-même j’ai dû retenir les miennes. »
Il y a de l’émoi dans sa voix. De la saudade lorsqu’il évoque son
paternel, avec qui lequel il entretenait une relation quasi-
fusionnelle : « Je continue de le sentir proche mais d’une façon
différente. J’ai toujours été très famille. Matilde, les enfants,
toujours avec moi, c’est obligatoire. Mes parents, mes amis…
Même en étant loin, ils sont près de moi, dans leur soutien,
dans leur désir que les choses se passent bien pour moi. Rien
n’a changé, par rapport à ça. Je sais qu’il était et qu’il est avec
moi, dans notre croyance catholique. Je crois vraiment qu’il est
tout près. »
José se détend, se confie et se remémore les enseignements,
les conseils de son pai : « Mon père me disait toujours :
« Beaucoup de foi, beaucoup de force », mais jamais avec cette
obsession que le football est la chose la plus importante de ma
vie parce qu’il ne l’est pas. Durant les 90 minutes, ce que les
gens voient chez eux, les portent à croire que le football est la
chose la plus importante de ma vie mais le foot n’est clairement
pas la chose la plus importante de ma vie. Durant ces 90
minutes, je suis en train de travailler mais c’est un travail
spécial. C’est un travail qu’on aime beaucoup, qui donne un
plaisir presque contagieux. J’adore mon travail et, au fond, c’est
mon métier et j’ai des responsabilités inhérentes à cela. Mais ça
continue d’être une passion. C’est pour ça que les grands
matches sont faits, pour qu’on en profite, pas pour souffrir. » Un
comble quand on sait ce que son père pouvait endurer… « Mais
toujours de douleur le plaisir s’accompagne », a écrit Pierre de
Ronsard.
Adeus, Porto : « Un moment triste »
N’oublions pas qu’il est ici question de jouissance. Porto et
Mourinho terminent la saison 2003-2004 au septième ciel. Sur
le toit de l’Europe. En deux ans et demi, José a remporté six
trophées dont deux coupes européennes. Pourtant, au moment
des célébrations, au moment de tirer la coupe par ses grandes
oreilles, il brille par son absence. Au cœur de l’euphorie de
Gelsenkirchen, beaucoup de sentiments, d’émotions, de
sensations se bousculent. Voilà plusieurs semaines déjà qu’il
est question, dans la presse, en coulisse, d’un départ de José
Mourinho. « J’ai su qu’il avait une possibilité de quitter le FC
Porto mais il ne l’a annoncé qu’après avoir remporté le
championnat et la Ligue des champions », révèle Derlei.
Costinha est lui aussi dans la confidence : « Je savais qu’il allait
partir. J’en avais discuté avec lui et je devais même partir avec
lui à Chelsea mais, entre-temps, il y a eu des complications au
niveau du transfert. En février, alors que j’avais reçu pas mal de
sollicitations, il m’a dit : « On va terminer la saison, remporter le
championnat, la Ligue des champions et on partira. » Plusieurs
clubs le voulaient alors : Chelsea, l’Inter Milan, Liverpool, la
Juventus… »
Mais à Porto, tous ne sont pas au courant. Secretário, qui vit sa
dernière année au FCP, fait partie de ceux qui « écoutaient ce
qui se racontait et qui ont fini par comprendre que la fin de
l’aventure de Mourinho au club était proche. Les joueurs, le club
étaient tristes mais Mourinho était très ambitieux, il avait tout
gagné avec le FC Porto et il a jugé que c’était le meilleur
moment pour partir, concède le latéral. Il n’a pas eu le temps de
nous dire au revoir mais, à la fin de la saison, on sentait qu’il
allait partir, ne serait-ce que par certains de ses discours. »
« On a terminé la saison par une finale et il n’allait pas parler de
ça à ce moment-là, justifie César Peixoto. On est ensuite tous
partis en vacances et là, on a su qu’il avait signé avec
Chelsea. »
Le capitaine, Jorge Costa, avoue avoir ressenti « de la peine »
mais il perçoit ce départ comme « quelque chose de normal » :
« Il avait tout gagné avec le FC Porto. Après deux années
fantastiques, il avait fait le tour et avait tout réussi. » Ou presque
tout. Au final, ce que Mourinho a peut-être le plus raté à Porto,
c’est sa sortie. Baltermar Brito, son adjoint, en garde des
séquelles. Ses souvenirs de Gelsenkirchen, de ce 26 mai 2004,
de ce triomphe 3-0 en finale de Ligue des champions ? « Je
n’en ai pas, souffle-t-il suivi d’un silence. Ce fut un moment
triste, que je n’aime pas remémorer. Ce fut bon parce qu’il y a
eu le titre mais ce ne fut pas un moment agréable. Pour moi, le
meilleur moment au FC Porto, c’est la victoire en finale de
Coupe de l’UEFA. Ça a été le top. Mais la finale de
Champions… Un moment trouble. Il n’y a pas eu d’émotion, de
célébration. On a gagné mais il n’y a rien eu de cela. Ce ne fut
pas un bon moment. » L’ancien rugueux défenseur n’en dira pas
plus.
L’offensif, Marco Ferreira, pas beaucoup plus : « Il y a des
histoires qui ne se racontent pas… On savait qu’il y avait
quelque chose entre lui et le président, parce qu’il s’était déjà
engagé avec Chelsea. » « Je suis sûr et certain qu’il était très
heureux, affirme Deco. Chacun célèbre à sa façon et
concernant Mourinho, c’était sans doute une histoire
personnelle, en rapport avec lui et le club. »
« Mourinho devait aller à Liverpool »
L’année de son plus beau millésimé, ce Porto 2004 est en
train de tourner au vinaigre. En interne, ça se raidit entre le
président Pinto da Costa et Mourinho. Dans sa biographie153, le
boss portiste affirme être convaincu que son entraîneur – qui est
lié jusqu’en 2006 – va honorer son contrat.
Selon lui, la qualif pour les quarts de C1 face à Manchester
United, va « transformer radicalement le comportement de
beaucoup de gens qui ont vu en [leur] entraîneur un filon. Et va
transformer José Mourinho lui-même. » PdC affirme qu’il a eu
connaissance, « plus tard », que la veille de ce quart, « [s]on
ami » Jorge Baidek s’est rendu à l’hôtel où se trouvait l’équipe
de Porto, « en compagnie d’un responsable de Liverpool », pour
évoquer un éventuel engagement entre les Reds et José
Mourinho.
Baidek, l’agent qui avait fait basculer le Mou de Leiria à Porto,
est catégorique : « Mourinho devait aller à Liverpool. » Mais sa
version diverge un peu de celle de Pinto da Costa : « Bruno
Satin et moi sommes allés là-bas. Mourinho nous avait
demandé de boucler le deal : « Il faut que dans dix jours tout
soit résolu. » Rick Parry était le directeur sportif et Gérard
Houllier, l’entraîneur des Reds. On avait convenu d’un accord. »
« Nous n’avions aucune offre concrète et formelle, tempère de
son côté le Français, Bruno Satin. On avait rendez-vous le
lendemain du match contre Manchester United avec Rick Parry.
Gérard Houllier était toujours sous contrat et Parry était un peu
bloqué. Il nous a demandé d’attendre quinze jours. »
Mourinho devient une histoire de temps et donc d’a(r)gent. Le
nerf d’une guerre. Baidek affirme être alors en possession d’un
« mandat exclusif pour Liverpool et Chelsea ». Le patron de
Championsdek raconte : « Après avoir rencontré Parry, j’ai dit à
Satin : « Viens, on va à Chelsea ! » Il m’a répondu que ce n’était
pas éthique, étant donné qu’on avait un accord avec Liverpool
et qu’en plus, Liverpool, c’était ce que Mourinho nous avait
demandé. Au final, Jorge Mendes a fait jouer ses contacts et il a
bouclé l’affaire avec Chelsea. Les montants étaient tellement
supérieurs à ceux proposés par Liverpool… » Satin qui n’a
« pas souvenir de cette conversation » rappelle : « A cette
époque, Liverpool était un géant endormi et Chelsea n’était pas
le Chelsea d’aujourd’hui. Entre-temps, Jorge Mendes est venu
avec une offre des Blues. Il nous est passé devant. »
Des journaux portugais écrivent que Baidek et Mendes se sont
insultés lors de leur arrivée à Gelsenkirchen où ils ont assisté au
sacre de leur José en C1. Selon Baidek et Satin, l’affaire n’ira
pas plus loin. « Oui, j’avais un mandat exclusif mais je n’ai rien
demandé, commente aujourd’hui le Brésilien. L’argent ne fait
pas tout. On s’est éloignés mais je n’en veux à personne. Je
préfère perdre de l’argent que de me retrouver dans des
histoires. » Satin atteste : « On n’a rien demandé en
contrepartie. »
Le récit de Mourinho ? Il te confirmera que Baidek avait un
mandat pour Liverpool ; que la réunion avec les Reds avait été
prévue à un moment où il avait décidé de ne pas la faire, parce
qu’il avait ce match contre Manchester United en Champions
League et qu’il a préféré reporter ; qu’au même moment,
Chelsea est entré en action, de façon très forte, avec Jorge
Mendes qu’il a connu lorsqu’il était encore adjoint au FC Porto ;
que ce n’était pas une question d’offre plus tentante ou pas ;
que c’est le mandat qu’Abramovitch a fait à Mendes qui l’a
attiré ; que Mendes lui a dit qu’Abramovitch allait venir lui parler
au Portugal et que c’était fort et impactant ; que ce n’était pas lui
qui allait vers Abramovitch mais Abramovitch qui venait à lui.
« Il ne pensait pas qu’il allait signer un aussi gros
contrat »
Roman Abramovitch, proprio des Blues de Londres depuis un
an, met, en effet, le paquet. Il voyage en avion privé jusqu’à
Vigo et roule jusqu’au nord du Portugal pour rencontrer
Mourinho. Jorge Mendes est dans le coup. Des photos du
milliardaire russe escorté par un collaborateur de la Gestifute de
Mendes circulent. Pinto da Costa tombe dessus. Et il tombe sur
le cul. Ce rendez-vous est calé deux jours avant la demie aller
de Champions de Porto face à La Corogne et celle de Monaco
face à Chelsea. Mourinho négocie donc avec son potentiel futur
adversaire en finale de C1. Le président portiste décide alors
d’appeler Mendes : « Avec la certitude que j’avais et que j’ai
qu’à moi, il ne mentirait et ne me ment pas. »154 Et il a sa
réponse : « Tout était confirmé ! »155
A partir de là, c’est bien Jorge Mendes qui gère, seul, les
destinées de Mourinho. « Mourinho disait toujours : « Je
travaillerai avec l’agent qui viendra avec un contrat entre les
mains », livre son adjoint, Baltemar Brito. Baidek l’a emmené à
Leiria et il est resté un moment avec lui. Il a eu une discussion
avec lui. Il y a eu un désaccord mais tout s’est arrangé. Et puis,
il a travaillé avec Jorge Mendes. »
Et le boss de la Gestifute a bien bossé. Ancien attaquant de
l’ASM, Sonny Anderson qui a connu José à Barcelone en tant
qu’adjoint confie : « Je l’ai rencontré à Monaco, par hasard, au
moment où il a signé à Chelsea. C’était après la finale de la
Champions. Il venait juste de sortir du bateau d’Abramovitch.
On a pas mal discuté. Il ne pensait pas, en quittant Porto, qu’il
allait signer un contrat aussi gros que celui qu’il venait de signer.
Il n’était pas étonné d’avoir été pris par un grand club mais par
les montants engagés. Comme il a beaucoup de personnalité,
ça l’a encore plus stimulé. »
Motivé, José l’est déjà, avant cela. Au taquet, focalisé sur sa
finale, certes, mais déjà concerné par ce qu’il l’attend en
Angleterre. L’agent Lucídio Ribeiro qui avait notamment géré
l’organisation des stages de présaison du Mou au FC Porto se
souvient d’avoir rejoint l’entraîneur setubalense à l’hôtel, la veille
du duel contre Monaco. « On a discuté un long moment et je lui
ai demandé si, comme l’annonçaient pas mal de journaux, il
allait à Chelsea, narre-t-il. Il m’a répondu : « Oui. » On ne s’est
pas attardés sur les détails. Je me suis juste permis de lui
conseiller trois joueurs pour les Blues : Eto’o, Berbatov et
Drogba. Il avait déjà repéré Drogba qu’il avait affronté en Ligue
des Champions. Je lui ai proposé d’amorcer les contacts, il m’a
répondu : « Tu peux y aller. » J’ai appelé Pape Diouf qui était
son agent et qui venait d’intégrer la direction de l’OM. Diouf,
avec qui je m’entendais bien, m’a expliqué que c’était Pierre
Frelot qui avait repris sa société. Et je connais aussi bien Pierre
Frelot. C’est ainsi que les premiers contacts se sont noués. »
Menacé de mort
De cet échange, à quelques heures de la finale de C1 contre
Monaco, Lucídio Ribeiro garde l’image d’un Mourinho « normal,
posé qui ne laissait transpirer aucun stress. » L’atmosphère est
pourtant délétère. « Au moment de son départ, il y a eu un
moment de fortes tensions, rappelle Jorge Baidek. Beaucoup de
rumeurs, de menaces ont circulé. Certaines personnes ont
essayé de lui mettre dans la tête que ça venait de moi mais il a
fini par savoir que ce n’était pas vrai. » Si l’entraîneur de 41 ans
ne se mêle pas à la foule lors des célébrations de la Ligue des
Champions, c’est parce qu’il est sous escorte. Dans sa
biographie, publiée en septembre 2004 (soit quelques semaines
après ses débuts avec Chelsea), il affirme avoir reçu des
insultes et des menaces de mort, par téléphone, dans les jours
précédents le duel face à Monaco. Il a donc fait appel à un
service de sécurité privé pour assurer sa protection et celle de
sa famille.
L’auteur de ces attaques est lié aux Super Dragões, groupe
d’ultras du… FC Porto. Les SD réagissent aux écrits de
Mourinho dès leur parution. Ils organisent une conf’ de presse et
leurs leaders – Paulo Trilho, Fernando Madureira et Rui Teixeira
– déclarent : « En ce qui concerne les supposées menaces dont
monsieur Mourinho affirme avoir été victime, nous devons dire
qu’il s’agit d’une situation véridique dont nous avons
connaissance, même si elle n’a rien à voir avec les Super
Dragões en tant que groupe de supporters, ni avec aucun de
ses leaders ici présents, mais avec un élément de poids du
groupe. »
Madureira, alias « O Macaco », explique aux médias : « Deux
jours avant la finale, il [cet élément de poids des SD] a
découvert que Mourinho envoyait des messages à sa
compagne. » Mourinho réagit, dément et invite l’auteur de ces
accusations à prouver ses affirmations.
L’histoire aurait pu en rester là. Mais le hasard du tirage place le
FC Porto et Chelsea dans le même groupe de Ligue des
champions 2004-2005. Le 29 septembre 2004, les portistes se
déplacent à Stamford Bridge, chez José. Les SD font, comme
toujours, le voyage. Au moment de l’échauffement, Mourinho se
dirige vers le coin réservé aux fans visiteurs. Certains scandent
son nom, d’autres le conspuent, Hélder Mota lui crache dessus.
Mota est le fameux « élement de poids » des SD.
« Je suis allé à Londres avec l’intention de voir le match mais
quand j’ai vu Mourinho je n’ai pas réussi à me contenir, lâche ce
dernier à News of The World. Pleins de choses me sont venues
en tête : les messages qu’il envoyait à ma femme, le fait qu’il ait
abandonné le FC Porto pour l’argent. Lorsqu’il est venu donner
des autographes à notre tribune, je voulais sauter sur le terrain
et lui donner un coup mais mes amis m’en ont empêché et j’ai
fini par lui cracher au visage. Suite à cela, j’ai été attrapé par
quatre stewards et j’ai vu le match à la télé. » Mota affirme que
Mourinho a rencontré sa femme dans une discothèque à Porto,
qu’il a demandé son numéro à un ami et qu’il lui a envoyé « des
messages anonymes disant qu’elle est jolie. » « Peut-être ne
savait-il pas qu’elle est ma femme », conclut-il.
Mourinho évite d’en rajouter : « Certains m’apprécient, d’autres
moins » mais, en coulisse, ses avocats traînent l’affaire en
justice.156 Le mollard de Mota ne passe pas non plus auprès de
l’UEFA qui colle une amende au FC Porto. José écrira à
l’organisme qui tutelle le foot européen afin de minimiser
l’incident. « C’est du show-off, commente alors Madureira, l’un
des leaders des Super Dragões. Il adore le théâtre. Il veut laver
le cerveau des portistes et les diviser. »
Le 7 décembre, c’est le grand retour de Mourinho à Porto. Un
imposant dispositif de sécurité l’attend à l’aéroport Sá Carneiro.
RAS. Tranquille. Chelsea, déjà assuré de terminer premier du
groupe, s’incline et permet au FC Porto de se qualifier pour les
huitièmes. Le Dragon s’arrêtera là, les Blues tomberont en
demies, face à Liverpool, le futur vainqueur et l’ex possible-futur
du Special One.
Seize ans plus tard, Fernando Madureira, leader des Super
Dragões, commente : « C’était une histoire personnelle, ça
n’avait rien à avoir avec les SD. Nous ne voulions et ne
pouvions pas tout mélanger. » « Les supporters étaient tristes
que Mourinho ne célèbre pas le titre de Champions, » déplore le
« Macaco ». Et les menaces ? « Qui allait s’attaquer à lui sur le
terrain ? lance-t-il. Les supporters et le club n’avaient rien à
avoir avec ces histoires. » Lesquelles finissent par s’arranger.
« J’ai parlé avec Hélder et Jorge Mendes a demandé à lui
parler, aussi, révèle Madureira. Jorge a fini par être le médiateur
dans cette histoire. »
La hache de guerre est donc bien enterrée. L’Ultra le plus
médiatique des Dragons ne serait d’ailleurs pas contre un
éventuel retour de Mourinho à Porto : « Il est dans l’histoire de
notre club. S’il venait avec l’envie d’aider notre club, bien sûr
que j’aimerais. Il a été l’un des premiers entraîneurs à
comprendre l’importance de ce qui se passait en dehors du
terrain, y compris les supporters. »
Madureira a de la saudade dans la voix : « Je me souviens de
son long manteau, de son cabriolet… Il faisait et portait attention
à tout. » Une anecdote lui revient : « C’était quelques semaines
avant la finale de Séville. J’avais rejoint Reinaldo Teles qui était
l’homme fort du foot de Porto à l’hôtel où l’équipe se réunissait
avant les matches. L’un des associés de Reinaldo, Senhor
Tiago, était venu avec une Mercedes CLK. Elle venait tout juste
de sortir. Mourinho qui était là a demandé à monsieur Tiago s’il
pouvait faire un tour avec. Lorsqu’il est revenu, Angelino
Ferreira, responsable financier de la SAD du FC Porto, qui était
arrivé entre-temps lui a dit : « Mister, vous avez une nouvelle
voiture ? » Mourinho a répondu : « Le jour où vous me verrez
dans une voiture comme ça, enterrez-moi ! » » Madureira se
rappelle de la « simplicité » de José et plaisante : « Quand on
se dit qu’aujourd’hui il pourrait presque racheter Mercedes… »
Et qu’il est devenu ambassadeur de la luxueuse marque
Jaguar…
Antero : « Il y a le Mourinho que les gens voient et il
y a le vrai »
Parmi les personnalités les plus marquantes du FC Porto des
« temps modernes » figure Antero Henrique. Bien avant de
prendre en main la direction sportive du Paris SG (2017-2019),
de responsable de Dragões, la revue du club, à la fin des
années 1980, il est devenu vice-président et administrateur du
FCP jusqu’en 2016. Au cours de la période Mourinho, ses
activités sont plurielles et vont de la gestion des « relations
externes » du club à la logistique. Il partage alors le quotidien du
Mou dont il devient un proche, et fait partie de ceux qui ont
pressenti son départ.
« Ce sont des choses qui arrivent dans le foot quand tu as du
succès. Avec Mourinho, le FC Porto a vécu deux saisons
vraiment uniques, pas seulement au Portugal, mais aussi en
Europe. Il n’y a pas beaucoup d’exemples de victoires
consécutives comme celles-ci. Je savais que le nom de
Mourinho faisait beaucoup parler un peu partout depuis l’été
2003. Et, en 2004, j’ai pris connaissance d’autres mouvements
et d’un rendez-vous dans un restaurant au nord de Porto. Ce
sont des choses qui ne sont pas agréables si tu les regardes du
côté Club. Mais le plus important, c’est que l’objectif a été
atteint. Le FC Porto a réussi une saison exceptionnelle en
remportant la Ligue des champions, en plus d’autres trophées.
Tout le reste, ce sont des détails, puisque le travail a été bien
fait. Cela a fini par rendre ce processus normal, si on se réfère
au foot. »
« Normal ». Un qualificatif qui ne semble plus approprié pour
José qui se voudra « Special » devant les médias. A ce sujet,
Henrique tient à témoigner : « Il y a le José Mourinho que les
gens voient et il y a le vrai José Mourinho. Le José Mourinho
qu’on aperçoit aujourd’hui se rapproche plus du vrai José
Mourinho, que de celui qu’on a pu voir tout au long de sa
carrière. Je ne saurais pas dire pourquoi. Le « vrai » est très
intelligent, très proche de ceux qui l’entourent, c’est une
personne qui partage beaucoup sa façon de travailler, de
penser. Il est le leader incontesté de son processus mais il aime
partager, il écoute, explique ceux qui sont liés à sa mission. »
Antero affirme avoir « beaucoup aimé travailler avec Mourinho,
mais beaucoup aussi avec d’autres entraîneurs de très bonne
qualité. » Il en cite un autre : « Ce fut aussi très spécial de
travailler avec André Villas-Boas. Au-delà d’être l’entraîneur qu’il
est, il avait un sentiment absolu envers Porto. Tout chez André
était presque une question d’honneur, de passion bleu et
blanche, il était presque un guerrier. Il était très intense, très
Porto. Disons que la composante Porto d’André et la
composante professionnelle de Mourinho étaient quasi
parfaites. »
AVB et JM qui s’étaient connus du temps où Robson était
l’entraîneur des Dragons entretiennent alors d’excellents
rapports. « Ils s’entendaient très bien, se souvient Antero. C’est
Mourinho qui a convié André à intégrer l’équipe technique. Ce
fut une suggestion du club lors d’une situation ponctuelle : la
personne qui assurait habituellement l’observation des matches
n’était pas disponible et on a suggéré André qui a fait un tel
travail, qu’il s’est rapproché de l’équipe principale et qu’il est
devenu l’un des adjoints de José Mourinho. » Et qui va donc
suivre José dans ses prochaines aventures…
Le Porto de l’angoisse
Le plus dur pour le Dragon est maintenant de (di)gérer le
départ de Mourinho. Comme le Benfica et Leiria, Porto va
galérer à assumer l’après-José.
D’abord, parce que l’entraîneur ne s’en va pas tout seul à
Chelsea. A Londres, il embarque son staff, son latéral droit,
Paulo Ferreira, et l’un de ses centraux, Ricardo Carvalho.
Comme le faisait son père lorsqu’il entraînait, comme il l’a fait
lui-même après avoir quitté l’UDL, Zé Mário part avec certains
de ses meilleurs soldats. Et ils ne sont pas les seuls à quitter le
FCP. Après deux telles saisons, les joueurs portistes sont
logiquement courtisés. Tottenham s’offre Pedro Mendes,
Alenichev rentre au pays (Spartak Moscou), Deco s’engage
avec le FC Barcelone. Porto empoche cette saison-là près de
100 millions d’euros en ventes de joueurs. Un record.
Le FC Porto doit maintenant s’occuper de ceux qui sont restés.
Les cadres Maniche, Derlei ou Costinha vont éprouver quelques
difficultés à accepter celui imposé par leur nouveau Mister :
Luigi Delneri. Un mystère. Cet Italien, au palmarès vierge, vient
de terminer neuvième de Serie A avec le Chievo Vérone. Son
style, sa communication, son modèle n’ont rien à voir avec son
prédécesseur. Un épisode légendaire de la présaison 2004-
2005 va traduire le malaise ambiant. Lors de la tournée estivale
qui se déroule aux USA, afin d’exposer son projet à son groupe,
Delneri projette des vidéos de son Chievo. Carlos Alberto, dont
l’imprévisibilité ne se limite pas qu’au terrain, s’exclame : « On
est champions d’Europe et on va apprendre avec le Chievo ? »
Au libéralisme du jeune Mourinho s’oppose la rigidité de
l’allenatore de 54 ans. Début août, alors que la saison n’a pas
encore officiellement débuté, Porto annonce le départ de
l’Italien. Delneri incarne un casting globalement raté. Le Dragon
réinjecte une bonne partie des millions engrangés. Il fait revenir
Postiga, investit sur Quaresma (dans le cadre du transfert de
Deco au Barça), mise sur les Brésiliens Diego, grand espoir du
Santos et Luis Fabiano, passé par le Stade Rennais il y a
encore peu, embauche le tout nouveau champion d’Europe (au
Portugal), le Grec Seitaridis…
C’est Víctor Fernández qui remplace Delneri. L’Espagnol
remporte la Supercoupe du Portugal face au Benfica (1-0) mais
perd celle de l’UEFA contre Valence (1-2). Il enchaîne avec
quatre nuls. Le début de saison est essoufflant. Comment peut-
il en être autrement ? Le Porto ultra-dominateur n’est plus. Il est
éliminé dès son entrée, en Coupe du Portugal et lutte pour
s’accrocher au podium en Championnat. En décembre, il
remporte péniblement la dernière édition de la Coupe
Intercontinentale, aux tirs aux buts, face aux Colombiens
d’Once Caldas. C’est le dernier coup d’éclat de Fernández. Fin
janvier, au lendemain d’un revers contre Braga (1-3), il est viré.
José Couceiro, alors en poste au Vitória de Setúbal, lui
succède.
Le renouvellement s’éternise. Au cours du mercato d’hiver,
Derlei, Maniche, Carlos Alberto, Maciel, César Peixoto s’en
vont. « On avait perdu notre leader qui voulait absolument tout
gagner, commente ce dernier. Deux ans de succès, avec un
processus clair et bien établi, c’est difficile pour celui qui prend
le relais. Difficile de changer les mentalités qui avaient été
instaurées. Difficile pour lui et pour les joueurs. » Ce n’est pas
facile pour Couceiro qui ne passe pas si loin d’un exploit.
Il termine deuxième de la SuperLiga, à 3 longueurs du Benfica.
Pendant que Porto consume trois coachs en une saison,
Mourinho fait péter les compteurs à Chelsea. En plus de
Ferreira et de Carvalho, le « Chelski » d’Abramovitch s’offre
Drogba, Robben, Tiago, Cech, Alex… Les Blues sont
champions d’Angleterre après 50 ans d’attente. Mourinho
remporte la Premier League avec 95 points157. José qui atteint
les demies de C1 soulève aussi la Coupe de la Ligue. La suite,
tu la connais. Inter Milan, Real Madrid, re-Chelsea, Manchester
United, Tottenham vont contribuer à parfaire, parfois défaire,
l’image, la notoriété, la carrière, la légende du « Special One ».
Car c’est ainsi qu’il convient maintenant de le (sur)nommer. Un
sobriquet qu’il a lui-même trouvé. Grande gueule ? Arrogant ?
Son ex-joueur, Marco Ferreira, rétorque : « Tout ça, ce ne sont
que des mensonges. Moi, j’appelle ça de l’intelligence. C’est
une façon de se protéger. S’il n’avait pas été comme ça, on
l’aurait déjà tué. » Et José Mário a trop souffert de voir son père
se faire assassiner, avant de le voir mourir.
A ceux qui ont vu (ou pas, d’ailleurs) À bout de souffle, cette
réplique du film de Jean-Luc Godard habillerait à merveille le
film de la vie de José Mário dos Santos Mourinho Félix :
« Quelle est votre plus grande ambition dans la vie ?
Devenir immortel et puis… mourir. »
Remerciements
Merci à tous les intervenants qui ont accepté de se livrer.
Merci à ceux qui n’ont pas souhaité s’exprimer mais qui ont pris
le temps de répondre.
Un merci tout spécial à :
Paulo César, Dominique Baillif, Julien Momont, Sacha Tavolieri,
Rui Miguel Tovar, Guillaume Ribeiro, Nabil Djellit, Francisco
Empis, Hélio Rassul, Paulo Tavares, Olivier Feliz, Romain
Molina, Philippe « Lucho » Araújo, Mathieu Grégoire, Patrick
Esteves, Fred Hermel, Hugo Delom, José Vasques, Fernando
Lucas, Francisco Trindade, Tony Parreira, Hugo Carrapiço,
Vanda Roque et tout le SC Estrela de Portalegre, le Caldas SC,
l’UD Leiria, l’UD Santarém, Maurício Pinto, Fred Oliveira,
Ganga, José Cancela, Fernando Tomé, Fernando Luís
Gonçalves, Sérgio Nuno Duro, Fred Oliveira, Luís Calçador,
Baltemar Brito, Nuno Neto, João Piteira, Vítor Assunção, Djibril
Cissé, Jaime Pereira (fils), Maëva Touri, Emanuel Gentil da
Cunha, Grégory Arnolin, Salim Arrache, Pierre Issa, Nuno
Santos, Luís Campos, Réda Mrabit, David Lortholary, Fabien
Moine, Nathalie Guillaume, Gwenaëlle Nowak, Aurélie Boureille,
Emmeline Huguet, Nelly Quivet, Emilie Godeau, Linda Vuletic,
Dominique Revy.
A ma Special One, Clémence et à notre Milia.
La publication de cet ouvrage a été grandement perturbée par le
Covid-19. Mais ce n’est rien comparé à toutes ces vies brisées.
Une pensée pour les victimes et leurs proches.
1 Un proche du deal nous a con é que José Mourinho n’avait pas de clause libératoire. Le FC Porto
aurait touché une compensation (autour de 2 millions d’euros) de la part de Chelsea, équivalente à la
durée de contrat restant au technicien portugais avec les Dragons. A l’époque, lorsque le club portiste a
o cialisé le départ du Mou (le 1er juin 2004), il a évoqué « un accord avec le Chelsea Football Club des
termes pour la résiliation du contrat de travail avec l’entraîneur de son équipe principale », sans
préciser les montants.
2 Correio da Manhã, 11 mai 2003
3 José Manuel Mourinho Félix est décédé le 25 juin 2017 à l’âge de 79 ans, des suites d’une longue
maladie.
4 Fome de Golo, Rui Miguel Tovar, Clube do Autor, 2018
5 Correio da Manhã, 11 mai 2013
6 Correio da Manhã, 11 mai 2013
7 maisfutebol.iol.pt, 2003
8 maisfutebol.iol.pt, 2003
9 Correio da Manhã, 11 mai 2013
10 Créée en 1942, la DGEFDSE était un organe du régime salazariste qui avait pour but de diriger,
contrôler et centraliser le sport.
11 Público, 4 mai 2003
12 Público, 4 mai 2003
13 « Ballon », en portugais.
14 maisfutebol.iol.pt, 2003
15 Público, 4 mai 2003
16 Ruud Gullit et Frank Rijkaard, deux internationaux néerlandais des années 1980-1990, vainqueurs
notamment de l’Euro 1988. Tous deux ont ensuite embrassé la carrière d’entraîneur. Rijkaard, qui a
connu plus de succès dans cette nouvelle vie que son compatriote, a a ronté Mourinho à six reprises,
en Ligue des champions. Le Portugais étant alors l’entraîneur de Chelsea et le Néerlandais celui du FC
Barcelone. Et personne n’a donné sa part au chien : 2 victoires chacun et deux nuls.
17 Terme portugais signi ant littéralement « coup de fouet » et qui désigne le limogeage d’un
entraîneur.
18 « Père », en portugais.
19 Télévision publique nationale portugaise.
20 «Petit palais », en portugais.
21 « Comparaison », en portugais.
22 maisfutebol.iol.pt, 2003
23 Le premier « maître » de Leonardo Jardim, à Madère.
24 En tant que joueur, Fernando Cabrita a été international A et a porté les couleurs d’Olhanense,
d’Angers et du SC Covilhã. Devenu entraîneur par la suite, il sera notamment à la tête de la
commission technique du Portugal qui atteindra la demi- nale de l’Euro 84 perdue face à la France.
25 maisfutebol.iol.pt, 2003
26 maisfutebol.iol.pt, 2003
27 maisfutebol.iol.pt, 2003
28 maisfutebol.iol.pt, 2003
29 Acronyme de Sciences et techniques des activités physiques et sportives. Filière universitaire qui
forme les futurs professionnels des activités physiques et sportives, en France.
30 « Ferme », en portugais.
31 Lire partie : Le Peter Crouch de Belém
32 Le Professor Carlos Queiróz est l’un des techniciens de référence au Portugal. Il a été l’un des
grands architectes de la formation au sein de la Fédération portugaise de football. Il a notamment
remporté le Mondial U20 en 1989 et 1991. Il a été sélectionneur des A du Portugal à deux reprises
mais aussi des E.A.U., de l’Afrique du Sud, de l’Iran, de la Colombie. Il a été entraîneur du Sporting, du
Real Madrid, a aussi œuvré aux USA, au Japon, ou a encore a été l’adjoint d’Alex Ferguson à
Manchester United.
33 « Les études, mon ls ! »
34 maisfutebol, 2003
35 Correio da Manhã, 11 mai 2003
36 El País, 22 août 2010
37 El País, 22 août 2010
38 El País, 22 août 2010
39 Espiral do Tempo, 31 décembre 2009
40 Espiral do Tempo, 31 décembre 2009
41 maisfutebol, 2003
42 Espiral do Tempo, 31 décembre 2009
43 Fondé en 1972 et dissout en 1990, l’Institut national du football de Vichy était un centre de
formation de football, créé par la Fédération française de football.
44 Espiral do Tempo, 31 décembre 2009
45 Le syndicat des entraîneurs portugais.
46 José Peseiro sera l’adjoint de Carlos Queiróz au Real Madrid ; entraîneur principal au Nacional, au
Sporting, à Braga, au FC Porto, à Guimarães, au Panathinaïkos, ou encore au Al Ahly. Il a remporté
plusieurs titres dont une Coupe du Portugal, deux Coupes de la Ligue portugaises et un championnat
en Egypte.
47 Président du Gouvernement régional de Madère entre 1978 et 2015.
48 Ce qui, avec le taux actuel, équivaut à 12.50 euros.
49 Otto Glória était une gloire du foot lusophone. Troisième du Mondial 1966 avec le Portugal, le
Brésilien a coaché le FC Porto, le Sporting mais surtout le Ben ca avec qui il a notamment remporté
cinq championnats du Portugal et atteint la nale de la C1 en 1968.
50 Littéralement : « petite bête », en portugais et qui, populairement, dé nit un vice, une passion.
51 « Caralho » est un juron portugais, pouvant revêtir plusieurs signi cations.
52 En Championnat, le Vitória FC termine 8e en 1987-1988, 5e en 1988-1989 et 7e en 1989-1990.
53 Le 3 octobre 2017.
54 Lire partie : Félix, viré à Noël
55 « Enfants », en portugais.
56 Augusto Inácio est alors joueur au FC Porto. Passé par le Sporting, cet international portugais qui
deviendra entraîneur travaillera avec José Mourinho dans le sta de Bobby Robson au FC Porto.
57 Point culminant du Portugal continental (1993 mètres d’altitude). Un tour de 7 mètres a été érigée
à ce sommet naturel a n d’atteindre la barre symbolique des 2000 mètres.
58 « Enfant », en portugais.
59 Le 25 avril 1974, jour de la Révolution des œillets. Lire partie : Un homme de droite
60 Abel Xavier compte 20 sélections (et 2 buts) avec le Portugal. Après l’Estrela da Amadora, il a
évolué au Ben ca, à Bari, Oviedo, au PSV, à Everton, Galatasaray, Hannovre, Rome, Middlesbrough et
au LA Galaxy.
61 « Génération Dorée ». Surnom donné aux U20 du Portugal vainqueurs des Coupes du monde 1989
et 1991 et dirigés par Carlos Queiróz.
62 Seul l’intouchable Peyroteo (recordman de buts dans l’histoire du championnat portugais) fait
mieux.
63 Record, 1er décembre 2000
64 « Eté chaud », en portugais.
65 Record, 1er décembre 2000
66 Record, 1er décembre 2000
67 Record, 1er décembre 2000
68 Record, 1er décembre 2000
69 Mourinho sera champion du Portugal avec le FC Porto en 2003 et 2004 ; Inácio avec le Sporting en
2000.
70 Record, 1er décembre 2000
71 Record, 1er décembre 2000
72 « Personne », en castillan.
73 El Mundo Deportivo, 8 juillet 1996
74 El Mundo Deportivo 8 août 1996
75 El Mundo Deportivo, 1er août 1996
76 El Mundo Deportivo, 3 décembre 1996
77 El Mundo Deportivo, 20 avril 2010
78 En 1996-1997, le Barça de Robson va remporter la Coupe du Roi, la Supercoupe d’Espagne, la
Coupe des coupes et terminer deuxième de la Liga, à 2 points du Real Madrid.
79 Record, 1.12.2000
80 El Mundo Deportivo, 2 juillet 1997
81 Record, 1.12.2000
82 Daily Mail, 24 octobre 2014
83 Daily Mail, 24 octobre 2014
84 Daily Mail, 24 octobre 2014
85 Record, 12 juin 1999
86 Face au Skonto Riga, en 2e tour préliminaire de C1 1997-1998 (3-2, 1-0).
87 Record, 12 juin 1999
88 Record, 12 juin 1999
89 José Mourinho, Luís Lourenço, Prime Books, Septembre 2004
90 Curieusement, le but de Lleida est l’œuvre de Tito Vilanova, formé au FC Barcelone, et qui
deviendra adjoint puis entraîneur principal du Barça. En août 2011, lors d’un clásico, une altercation
éclate entre Mourinho et Vilanova, respectivement entraîneur du Real Madrid et adjoint de Pep
Guardiola. Le Portugais met un doigt dans l’œil du Catalan. Quelques mois plus tard, le Mou
regrettera son geste. Vilanova est décédé en avril 2014 des suites d’un cancer.
91 « Avec Mourinho, oui »
92 As, 18 avril 2019
93 « Découverte guidée », en portugais.
94 José Mourinho, Luís Lourenço, Prime Books, Septembre 2004
95 Record, 6 juin 1999
96 El Mundo Deportivo, 6 octobre 1996
97 Lire partie : Le stage en Ecosse de José et la montée ratée de Manuel
98 L’entraîneur allemand a alors déjà remporté (entre autres) deux titres de champion d’Allemagne
avec le Bayern Munich et soulevé la C1 1997 et la Supercoupe d’Espagne 1998 avec le Real Madrid.
99 Record, 18 mars 2000
100 Record, 12 juin 1999
101 maisfutebol.iol.pt, 27 juillet 2000
102 maisfutebol.iol.pt, 27 juillet 2000
103 Rashidi Yekini a inscrit 98 buts en 126 matches pour Setúbal entre 1990 et 1994. Il a été le
meilleur buteur du championnat portugais en 1993-1994 (21 buts).
104 « Pompier », en portugais.
105 Lire partie : Félix, vire à Noël
106 José Mourinho, Luís Lourenço, Prime Books, Septembre 2004
107 maisfutebol,iol.pt, 2003
108 Jorge Carlos Fonseca, supporter du club de Setúbal depuis gamin. En ce jour de juin 2012, il
con era aux journalistes présents avoir « vibré avec les campagnes européennes des années 1960-
1970 » des Sadinos. Il dira encore : « J’ai aussi joué au Cap-Vert, au Vitória FC de Praia. J’étais gardien
de but et on m’appelait Mourinho, en référence au gardien du Vitória. »
109 Expression imagée portugaise pour quali er une personne molle, faible.
110 SFR Sport, octobre 2017. Entretien avec l’auteur.
111 Record, 20 septembre 2000
112 Diário de Notícias, 16 octobre 2017
113 Diário de Notícias, 16 octobre 2017
114 Diário de Notícias, 16 octobre 2017
115 Record, 24 septembre 2000
116 Record, 24 septembre 2000
117 Le 25 janvier 2004, Féher s’est e ondré sur la pelouse de Guimarães, en plein match. Victime d’un
arrêt cardiaque, à seulement 24 ans ; il ne se relèvera jamais. Il portait le maillot du Ben ca.
118 « Frères mitraillettes », en portugais. Surnom que Mourinho donne aux trois jeunes défenseurs du
Ben ca dans sa biographie (José Mourinho, Luís Lourenço, Prime Books, Septembre 2004).
119 José Morais intégrera le sta de Mourinho à l’Inter Milan, au Real Madrid et à Chelsea.
120 Lire partie : « Les Frères mitraillette »
121 Lire partie : Le cas Calado
122 Lire partie : Le « choc » Inácio – Mourinho
123 Dans une interview au Expresso de 2018, l’ex-technicien des Lions déclarera : « Pedro Barbosa m’a
ciré la planche (…) Pedro Barbosa a tout fait pour perdre le match à la Luz. Il a tout fait pour être
exclu et Coroado m’a raconté plus tard qu’il a tout fait pour prendre un rouge. » La justice
condamnera, en première instance, Augusto Inácio à payer 20 000 euros pour avoir tenu des propos
« vexatoires ».
124 « Quand j’étais en junior au Sporting, j’avais été convoqué en équipe réserve pour a ronter Estoril,
explique Nuno Valente. C’était la première fois qu’on se parlait avec Mourinho. Il est venu vers moi,
me dire d’être tranquille, détendu, qu’il était là pour nous aider. Mais je l’ai peu connu au Sporting,
nalement. »
125 Lire partie : Litmanen : « Van Gaal voulait des adjoints di érents de lui »
126 Luís Filipe Vieira est encore, à ce jour, le président du SLB.
127 Milieu de terrain emblématique du FC Porto de 1993 à 2003.
128 Ancien nom du stade Santiago Bernabéu, enceinte du Real Madrid.
129 Record, 31 janvier 2002
130 Attaquant sud-africain qui a joué au FC Porto en 2002 et entre 2004 et 2006.
131 Lire partie : Maniche, le premier cas
132 « La Bête », en portugais, l’un des surnoms de Jorge Costa.
133 AS, 31 janvier 2002
134 O Jogo, 14 octobre 2019
135 O Jogo, 14 octobre 2019
136 Défenseur du Panathinaïkos entre 2001 et 2004 qui jouera pour le FC Porto en 2004-2005.
137 De son vrai nom Francisco José Rodrigues da Costa, Costinha est aussi surnommé « le Ministre »
parce qu’il est toujours habillé en costard.
138 Fait inédit dans le foot portugais, le FC Porto a remporté le championnat cinq fois de suite, entre
1994 et 1999.
139 « Fils du dragon », en portugais.
140 Lire partie : La « découverte guidée »
141 maisfutebol.iol.pt, 25 juillet 2002
142 periodizacaotactica.com
143 Sous le nom de « Vítor Tá », Vítor Pereira a joué au niveau régional à Avanca, Oliveirense,
Esmoriz, Estarreja, Fiães, São João de Ver et Lobão.
144 « Pression haute », en portugais.
145 maisfutebol.iol.pt, 27 mai 2003
146 Sur les 87 candidats, seuls 5 ont été validés. Pedroto était le seul étranger et il est devenu, par la
même, le premier portugais auréolé par la FFF.
147 Le total de cartons jaunes le plus élevé du FC Porto sur un match de Ligue des champions en
2003-2004.
148 Lire partie : Joël Muller « fou de rage » contre José
149 Lire partie : Peixoto : « Une relation d’amour-haine »
150 En septembre 2019, quelques semaines après l’entretien réalisé et publié ici avec Costinha, le
Diário de Notícias fait savoir que l’ancien milieu de terrain a porté l’a aire en justice. Un accord sera
nalement trouvé avec l’auteur de la bio de Maniche (Tiago Guadalupe) et son éditeur (Prime Books).
Les prochaines éditions de la biographie de Maniche devront corriger le passage en question. Maniche
a fait savoir au DN qu’il n’a pas demandé pardon à son ex-coéquipier et qu’il ne le fera « jamais ». Il a
expliqué avoir été lui-même « induit en erreur » a rmant que la version au cœur du litige est l’œuvre
de l’auteur et de ses sources.
151 Lire partie : « Les Frères mitraillette »
152 Les Reds ont été vainqueurs de la C3 en 1976 et de la C1 en 1977.
153 Jorge Nuno Pinto da Costa, Largos dias têm 100 anos – Ideias & Rumos, novembre 2004
154 Jorge Nuno Pinto da Costa, Largos dias têm 100 anos – Ideias & Rumos, novembre 2004
155 Jorge Nuno Pinto da Costa, Largos dias têm 100 anos – Ideias & Rumos, novembre 2004
156 En 2006, un accord sera trouvé entre Mourinho et Mota. Mourinho retirera ses plaintes pour
déclarations calomnieuses et menaces et Mota se rétractera.
157 Un record qui ne sera battu qu’en 2017-2018 et 2018-2019 par le Manchester City de… Pep
Guardiola.
1. Mourinho Félix, le père de José Mário, gardien de but du Vitória de Setubal.
4. La licence de José Mário en tant que joueur du Caldas SC (1977-1978). Il est alors âgé
de 14 ans.
2. et 3. Première inscription de José Mário auprès de la Fédération portugaise de football,
en tant que joueur du Estrela de Portalegre (1976).
6. Ne le cherchez pas ! José était absent le jour de la photo du Caldas SC en 1978 (merci
Luís Milheiro).
7. La célébration de la première montée de l’União de Leiria en première division en 1978-
1979, avec Mourinho père pour entraîneur (José est le troisième en partant de la droite, au
deuxième rang). Merci José-Maurício Pinto.
8. En 2002, un incendie a dévasté le siège social du GDR « O Sindicato ». Cette photo est
l’un des derniers documents restants, témoin du passage de José Mourinho au club, en
1979-1980 (merci Manuel Santana).
9. José Mário, joueur du au Sindicato (premier, en haut à gauche). Merci Júlio Gamito.
10. José Mourinho (deuxième en partant de la droite) lors du stage de présaison du
Belenenses en 1982 à São Pedro do Moel (merci Manuel Bule).
11. José Mourinho, joueur de l’União Técnica, l’équipe de l’ISEF, en 1984-1985 (premier à
gauche, debout).
12. José Mário, joueur du Comércio e Indústria, lors d’un amical face au Benfica (en bas à
droite), en 1987. Fernando Lage : « C’est une photo que mes amis m’ont envoyée. Cette
saison-là, on a inauguré l’illumination de notre stade face au Benfica. On a fait un gros
match. »
13. José, capitaine du Comércio e Industria (en haut à droite).
14. et 15. La médaille remise par José à ses jeunes joueurs de Setúbal pour les féliciter de
leur série en 1988. 1120, comme les minutes d’invincibilité des jeunes du Vitória FC de
José.
16. Le tout premier trophée remporté par José Mourinho comme entraîneur, le tournoi de
Guyancourt en 1988, trône au musée du Vitória FC (merci Fernando Tomé).
17. L’équipe du Vitoria qui a participé au tournoi de Guyancourt en 1988. José porte le
survêt bleu.
18. José (au premier plan) au tournoi de Guyancourt, en 1988. Le gardien de but derrière lui
est Nuno Santos, son futur adjoint à Tottenham en 2019.
19. La délégation du Vitória FC qui s’est envolée pour un tournoi en Martinique en 1988.
(José : 4e debout en partant de la droite). Merci Hélio Rassul.
20. Le 17 décembre 1998, El Mundo Deportivo titre : « Avec Mourinho, Oui ». La veille, José
a dirigé l’équipe première du Barça face à l’Etoile Rouge de Belgrade et s’est imposé 4-1.
21. « Mourinho, l’élu ». A l’image de la une de Record du 28 décembre 2001, les médias
portugais misaient sur un retour de Mourinho au Benfica.