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Année universitaire 2020 - 2021

Troisième année de Licence en droit, semestre 2

TRAVAUX DIRIGÉS - DROIT MATÉRIEL DE L’UNION


EUROPÉENNE
Cours de Mme  Sabrina ROBERT-CUENDET, Professeur
Travaux dirigés de M. Octave B ERNARD

Séance 3 : La libre circulation des marchandises

Documents :
 L’UNION DOUANIERE
• Art. 28-30 TFUE
• Article 3 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre
2013 établissant le code des douanes de l’Union
• Articles 110-111 TFUE
• Articles 206-207 TFUE

 LES TEE
• CJCE, 9 août 1994, Lancry, Aff. Jointes C-363/93, C-407 à 411/93 (extraits)
• CJCE, 16 décembre 1992, Procédure pénale contre Jérôme Claeys, Aff C- 114/91

 LES MESURES D’EFFET EQUIVALENT A DES RESTRICTIONS


QUANTITATIVES
• Articles 34 à 36 TFUE
• CJCE, 20 février 1979, Rewe-Zentral AG (dit « Cassis de Dijon »), aff. 120/78 (extraits)
• CJCE, 10 février 2009, Commission des Communautés européennes c/ République
italienne, Aff C-110/05 (extraits)
• CJUE, 02 déc. 2010, Ker-Optika, Affaire C-108/09 (extraits)
• CJCE, 14 février 2008, Dynamic Medien Vertriebs GmbH/ Avides Media AG, Aff C-244/06
(extraits)
• CJUE, 14 juin 2018, Asociación Nacional de Productores de Ganado Porcino contre
Administración del Estado, Aff. C-169/17, (extraits)
• CJUE, 19 novembre 2020, B S et C A c. Ministère public et Conseil national de l’ordre des
pharmaciens, Aff. C-663/18 (extraits)

1
Bibliographie :
• F. PICOD, « Fasc. 530: Libre circulation des marchandises. – Champ d'application. –
Principaux mécanismes », JurisClasseur Europe Traité, 2014.
• F. PICOD, « Fasc 540 : Interdiction des droits de douane et des taxes d'effet équivalent »,
JurisClasseur Europe Traité, 2015.
• D. SIMON, « Restrictions quantitatives et mesures d'effet équivalent », Répertoire de droit
européen Dalloz.
• F. J. MENA PARRAS, « Libertés de circulation et conceptions particulières de droits
fondamentaux: quelle conciliation à travers la marge nationale d’appréciation et le
respect de l’identité nationale ? » dans S. BESSON et N. LEVRAT, dir., (Dés)ordres
juridiques européens, Zurich, Schulthess, 2012, pp. 153-183. (disponible en ligne :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2447592)

Exercice :
Commentaire de l’arrêt de la CJUE du 19 novembre 2020 dans l’affaire B S et C A c.
Ministère public et Conseil national de l’ordre des pharmaciens (document 13)

2
I. L’UNION DOUANIÈRE

Document 1 : Articles 28-30 TFUE

Article 28
1. L'Union comprend une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de
marchandises et qui comporte l'interdiction, entre les États membres, des droits de douane à
l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent, ainsi que l'adoption d'un
tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers.
2. Les dispositions de l'article 30 et du chapitre 3 du présent titre s'appliquent aux produits qui
sont originaires des États membres, ainsi qu'aux produits en provenance de pays tiers qui se
trouvent en libre pratique dans les États membres.
Article 29
Sont considérés comme étant en libre pratique dans un État membre les produits en
provenance de pays tiers pour lesquels les formalités d'importation ont été accomplies et les
droits de douane et taxes d'effet équivalent exigibles ont été perçus dans cet État membre, et
qui n'ont pas bénéficié d'une ristourne totale ou partielle de ces droits et taxes.
Article 30
Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits
entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à
caractère fiscal.

Document 2 : Article 3 du règlement (UE) No 952/2013 du Parlement européen et du


Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union

Article 3
Mission des autorités douanières
Les autorités douanières sont essentiellement chargées de la surveillance du commerce
international de l'Union, contribuant ainsi à garantir un commerce ouvert et équitable et à
mettre en œuvre la dimension extérieure du marché intérieur, de la politique commerciale
commune et des autres politiques communes de l'Union ayant une portée commerciale, ainsi
qu'à assurer la sécurité de l'ensemble de la chaîne logistique. Les autorités douanières
instaurent des mesures visant, en particulier, à :
a) protéger les intérêts financiers de l'Union et de ses États membres ;
b) protéger l'Union du commerce déloyal et illégal tout en encourageant les activités
économiques légitimes ;
c) garantir la sécurité et la sûreté de l'Union et de ses résidents ainsi que la protection de
l'environnement, le cas échéant en coopération étroite avec d'autres autorités ; et d) maintenir
un équilibre adéquat entre les contrôles douaniers et la facilitation du commerce légitime.

Document 3 : Articles 110-111 TFUE

Article 110
Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États
membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui
frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.
En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions
intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions.
Article 111
Les produits exportés vers le territoire d'un des États membres ne peuvent bénéficier d'aucune

3
ristourne d'impositions intérieures supérieure aux impositions dont ils ont été frappés
directement ou indirectement.

Document 4 : Articles 206-207 TFUE

Article 206
Par l'établissement d'une union douanière conformément aux articles 28 à 32, l'Union
contribue, dans l'intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la
suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements
étrangers directs, ainsi qu'à la réduction des barrières douanières et autres.
Article 207
1. La politique commerciale commune est fondée sur des principes uniformes, notamment en
ce qui concerne les modifications tarifaires, la conclusion d'accords tarifaires et commerciaux
relatifs aux échanges de marchandises et de services, et les aspects commerciaux de la
propriété intellectuelle, les investissements étrangers directs, l'uniformisation des mesures de
libéralisation, la politique d'exportation, ainsi que les mesures de défense commerciale, dont
celles à prendre en cas de dumping et de subventions. La politique commerciale commune est
menée dans le cadre des principes et objectifs de l'action extérieure de l'Union. (...)

II. Les TEE

Document 5 : CJCE, 9 août 1994, Lancry, aff. jointes C-363/93, C-407 à 411/93

1 Par arrêt du 7 juillet 1993, parvenu à la Cour le 26 juillet 1993, la cour d'appel de Paris a
posé, en application de l'article 177 du traité CEE, une question préjudicielle sur la validité de
la décision 89/688/CEE du Conseil, du 22 décembre 1989, relative au régime de l'octroi de
mer dans les départements français d'outre-mer (JO L 399, p. 46, ci-après la "décision octroi
de mer"). Par jugements du 23 août 1993, parvenus à la Cour le 1er octobre 1993, le tribunal
d'instance de Saint- Denis (Réunion) a posé, en application de l'article 177 du traité CEE,
deux questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 9 et suivants du traité CEE et sur
la validité de la décision octroi de mer.
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de plusieurs demandes de remboursement de
sommes perçues à titre d'octroi de mer.
3 Il ressort du dossier que, lors de l'entrée en vigueur du traité, l'octroi de mer était perçu dans
les départements français d'outre-mer (ci-après les "DOM"). Il frappait, du fait de leur
introduction dans le DOM concerné, toutes les marchandises de toute origine, y compris
celles provenant de France métropolitaine. En revanche, les produits de la région échappaient
à l'octroi de mer ou à toute taxe équivalente interne. Il est constant que l'octroi de mer
poursuivait deux objectifs, le premier étant de percevoir des recettes fiscales et le second de
favoriser les activités économiques locales. (...)

Sur l'interprétation des articles9 et suivants du traité (première question préjudicielle du


tribunal d'instance de Saint-Denis)
22 Par sa première question préjudicielle, le tribunal d'instance de Saint-Denis demande si une
taxe proportionnelle à la valeur en douane des biens, perçue par un État membre sur toutes les
marchandises introduites dans une région de son territoire, constitue une taxe d'effet
équivalant à un droit de douane à l'importation en tant qu'elle frappe les marchandises
introduites dans cette région en provenance d'une autre partie de ce même État.
23 Le Conseil estime que, dans la mesure où le régime de l'octroi de mer est applicable aux
marchandises en provenance d'autres parties du territoire français, la situation est totalement

4
cantonnée à l'intérieur de cet État membre et que, dès lors, les dispositions de droit primaire
qui imposent aux États membres certaines interdictions pour ce qui concerne les relations
entre eux ne sont pas applicables. Plus particulièrement, selon le gouvernement espagnol, le
fait que le commerce intracommunautaire soit affecté est un élément essentiel pour
l'application des dispositions du traité sur la libre circulation des marchandises, de sorte que
les articles 9 et suivants du traité ne s'appliquent pas quand les marchandises en question
circulent entre deux points du territoire d'un seul État membre.
24 Cet argument ne saurait être retenu.
25 En effet, en premier lieu, il est de jurisprudence constante que la justification de
l'interdiction de droits de douane et de taxes d'effet équivalent réside dans l'entrave que des
charges pécuniaires, appliquées en raison du franchissement d'une frontière, constituent pour
la circulation des marchandises (voir notamment arrêt du 1er juillet 1969, Sociaal Fonds
Diamentarbeiders, 2/69 et 3/69, Rec. p. 211, point 14).
26 Dans l'arrêt Legros e.a., précité, la Cour a relevé (point 16) qu'une taxe perçue à une
frontière régionale en raison de l'introduction de produits dans une région d'un État membre
porte atteinte à l'unicité du territoire douanier communautaire et constitue une entrave au
moins aussi grave à la libre circulation des marchandises qu'une taxe perçue à la frontière
nationale en raison de l'introduction des produits dans l'ensemble du territoire d'un État
membre.
27 Or, l'atteinte portée à l'unicité du territoire douanier communautaire par l'établissement
d'une frontière régionale douanière est égale, que ce soient des produits nationaux ou des
produits en provenance d'autres États membres qui sont frappés d'une taxe en raison du
franchissement de cette frontière.
28 En outre, l'entrave à la libre circulation des marchandises constituée par l'imposition, sur
les produits nationaux, d'une taxe perçue en raison du franchissement de cette frontière n'est
pas moins grave que celle constituée par la perception du même type de taxe sur les produits
en provenance d'un autre État membre.
29 En effet, le principe même de l'union douanière s'étendant à l'ensemble des échanges de
marchandises, telle qu'elle est prévue par l'article 9 du traité, exige que soit assurée de
manière générale la libre circulation des marchandises à l'intérieur de l'union et non
uniquement le commerce interétatique. Si les articles9 et suivants ne visent expressément que
les échanges entre États membres, c'est parce qu'ils ont présupposé l'inexistence de taxes
présentant les caractéristiques d'un droit de douane à l'intérieur de ces États. L'absence de
telles taxes étant une condition préalable indispensable à la réalisation d'une union douanière
couvrant l'ensemble des échanges de marchandises, les articles 9 et suivants impliquent
également leur interdiction.
30 En deuxième lieu, le problème ne se présente pas comme une situation dont les éléments
sont totalement cantonnés à l'intérieur d'un État membre. En effet, ainsi que le gouvernement
français l'a fait remarquer à juste titre, la perception d'une taxe ayant les caractéristiques de
l'octroi de mer ne pourrait être qualifiée de situation purement interne que si elle était
exclusivement perçue sur des produits en provenance du même État membre. Or, il est
constant que l'octroi de mer s'applique à tous les produits introduits dans le DOM concerné,
indépendamment de leur origine. Dans ces circonstances, il serait incohérent de juger, d'une
part, que l'octroi de mer constitue une taxe d'effet équivalent en tant qu'il est perçu sur les
marchandises en provenance d'autres États membres, et d'admettre, d'autre part, que cette
même taxe ne constitue pas une taxe d'effet équivalent lorsqu'elle est perçue sur des
marchandises en provenance de la France métropolitaine.
31 Enfin, sur un plan pratique, puisqu'une taxe telle que l'octroi de mer frappe tous les
produits indistinctement, il serait très difficile, voire impossible, d'opérer une distinction entre
les produits d'origine nationale et les produits originaires d'autres États membres. Par

5
exemple, un produit qui comporterait des éléments en provenance d'un autre État mais qui
serait fabriqué sur le territoire national, ou un produit qui serait importé sur le territoire
national et, plus tard, acheminé dans un DOM, ne devrait pas être qualifié de produit national.
Cela entraînerait la nécessité de déterminer dans chaque cas, même dans celui de livraisons de
produits en provenance du même État, si ceux-ci ne seraient pas en réalité originaires d'un
autre État membre de la Communauté. Une telle procédure de vérification engendrerait des
procédures administratives et des retards supplémentaires qui en soi constitueraient des
entraves à la libre circulation des marchandises.
32 Il convient, dès lors, de répondre à la première question du tribunal d'instance de Saint-
Denis qu'une taxe proportionnelle à la valeur en douane des biens, perçue par un État membre
sur toutes les marchandises introduites dans une région de son territoire, constitue une taxe
d'effet équivalant à un droit de douane à l'importation, non seulement en tant qu'elle frappe les
marchandises introduites dans cette région en provenance d'autres États membres, mais
également en tant qu'elle est perçue sur les marchandises introduites dans cette région en
provenance d'une autre partie de ce même État.

Document 6 : CJCE, 16.12.1992, Procédure pénale contre Jerôme Claeys, Affaire C-


114/91

1 Par jugement du 22 mars 1991, parvenu à la Cour le 24 avril suivant, le Rechtbank van
eerste aanleg van het arrondissement Ieper a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, une
question préjudicielle sur l'interprétation des articles 9 et 12 du traité CEE.
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant l'État belge à une entreprise
exerçant le commerce de porcs au sujet de la légalité d'une cotisation obligatoire perçue en
Belgique lors de l'abattage ou de l'exportation de porcs, au profit de l'Office national des
débouchés agricoles et horticoles.
3 La loi belge du 27 décembre 1938 (Moniteur belge du 26.1.1939), telle que modifiée par la
loi du 11 avril 1983 (Moniteur belge du 24.9.1983), a créé un Office national des débouchés
agricoles et horticoles (ci-après "Office"), qui a pour mission de promouvoir le
développement des débouchés intérieurs et extérieurs des produits agricoles, horticoles et de
la pêche maritime.
4 La loi en question prévoit en son article 4 que l'Office "peut percevoir une cotisation
obligatoire par produit ou groupe de produits... à charge des personnes physiques et morales
qui produisent, transforment, transportent, vendent ou commercialisent des produits agricoles,
horticoles ou de la pêche maritime". (...)
7 Il ressort du dossier que, en application de la loi et de l'arrêté royal précités, l'Office a
réclamé une somme de 2 011 425 BFR à l'entreprise Westvlees, appartenant à M. G. Claeys.
Celui-ci ayant contesté être redevable de cette somme, au motif qu'elle concernait des porcs
importés des Pays-Bas, il a été cité à comparaître devant le Rechtbank van eerste aanleg van
het arrondissement Ieper, devant lequel il a soutenu que les dispositions nationales en
question étaient contraires aux articles 9 et 12 du traité CEE.
8 C'est dans ces conditions que la juridiction nationale a sursis à statuer et demandé à la Cour
de se prononcer à titre préjudiciel "sur l'interprétation des articles 9 et 12 du traité CEE, en
particulier sur la question de savoir si les termes 'droits de douane à l'importation' et/ou 'taxes
d'effet équivalent' visent la cotisation due en vertu de la loi du 27 décembre 1938, modifiée
par la loi du 11 avril 1983, et de l'arrêté royal du 31 janvier 1985, modifié par l'arrêté royal du
23 avril 1986, sur les porcs importés de l'étranger en Belgique". (...)

Sur les articles 12 et suivants et 95 du traité


12 Les dispositions du traité relatives aux taxes d'effet équivalent et celles relatives aux

6
impositions intérieures discriminatoires ne pouvant pas être appliquées cumulativement (voir
arrêts du 18 juin 1975, IGAV, 94/74, Rec. p. 699, et du 11 juin 1992, Sanders, C-149/91 et C-
150/91, Rec. p. I-3899), il convient de préciser le champ d'application de chacune de ces
dispositions.
13 Les articles 12 et 13 du traité comportent l'interdiction des droits de douane à l'importation
et à l'exportation ainsi que des taxes d'effet équivalent, dans le commerce entre
États membres. Pour ce qui est des droits de douane et des taxes d'effet équivalent à
l'importation, la Cour a relevé (arrêts du 19 juin 1973, Capolongo, 77/72, Rec. p. 611 ; du 11
mars 1992, Compagnie Commerciale de l'Ouest, C-78/90 à 83/90, Rec. p. I-1847, et du 11
juin 1992, Sanders, précité) que, en principe, l'interdiction en question vise toute taxe exigée à
l'occasion ou en raison de l'importation, frappant spécifiquement un produit importé à
l'exclusion du produit national similaire. Elle a également affirmé que les charges pécuniaires
destinées à financer l'activité d'un organisme de droit public pouvaient constituer des taxes
d'effet équivalent.
14 La Cour a, dans ces mêmes arrêts, précisé que, dans l'interprétation de la notion de "taxe
d'effet équivalent à un droit de douane à l'importation", il convenait éventuellement de tenir
compte de la destination des charges pécuniaires perçues. En effet, lorsqu'une telle charge
pécuniaire ou contribution est exclusivement destinée à alimenter des activités qui profitent
spécifiquement aux produits nationaux imposés, il peut en résulter que la contribution
générale prélevée, selon les mêmes critères, sur le produit importé et le produit national
constitue néanmoins pour l'un une charge pécuniaire supplémentaire nette, tandis que pour
l'autre elle constitue réellement la contrepartie d'avantages ou aides reçus. En conséquence,
une contribution relevant d'un régime général de redevances intérieures appréhendant
systématiquement les produits nationaux et les produits importés, selon les mêmes critères,
peut néanmoins constituer une taxe d'effet équivalent à un droit de douane à l'importation,
lorsque le produit de cette contribution est exclusivement destiné à alimenter des activités qui
profitent spécifiquement aux produits nationaux appréhendés
15 L'article 95 interdit quant à lui qu'un État membre frappe directement ou indirectement les
produits des autres États membres d'impositions intérieures supérieures à celles qui frappent
les produits nationaux similaires ou de nature à protéger d'autres productions nationales. Le
critère d'application de la disposition en question est, par conséquent, le caractère
discriminatoire ou protecteur d'une mesure d'imposition intérieure (arrêt Compagnie
Commerciale de l'Ouest, précité, point 25).
16 S'agissant d'une taxe qui frappe les produits nationaux et importés sur la base de critères
identiques, il peut y avoir lieu, selon une jurisprudence constante, de tenir compte de la
destination du produit de l'imposition. Ainsi, lorsque le produit d'une telle imposition est
destiné à alimenter des activités qui profitent spécialement aux produits nationaux imposés, il
peut en résulter que la contribution prélevée selon les mêmes critères constitue néanmoins une
taxation discriminatoire, dans la mesure où la charge fiscale grevant les produits nationaux est
neutralisée par des avantages qu'elle sert à financer, tandis que celle grevant les produits
importés représente une charge nette (arrêts du 21 mai 1980, Commission/Italie, point 15,
73/79, Rec. p. 1533, et Compagnie Commerciale de l'Ouest, précité, point 26).
17 Il résulte des considérations qui précèdent que si les avantages résultant de l'affectation du
produit de la cotisation en cause compensent intégralement la charge supportée par le produit
national lors de sa mise dans le commerce, cette cotisation constitue une taxe d'effet
équivalent à un droit de douane, contraire aux articles 12 et suivants du traité. Si ces
avantages ne compensent qu'une partie de la charge grevant le produit national, la taxe en
question est régie par l'article 95 du traité. Dans ce dernier cas, la taxe serait incompatible
avec l'article 95 du traité et donc interdite dans la mesure où elle est discriminatoire au
détriment du produit importé, à savoir dans la mesure où elle compense partiellement la

7
charge supportée par le produit national appréhendé (voir, en dernier lieu, arrêt Sanders,
précité).
18 Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si la charge grevant le produit national est
intégralement ou partiellement compensée par l'utilisation des recettes de la taxe en cause
(arrêt Compagnie Commerciale de l'Ouest, précité, point 28).
19 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la juridiction nationale qu'une cotisation
obligatoire constituant une taxe parafiscale, appliquée dans les mêmes conditions de
perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au
profit des seuls produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent
intégralement la charge grevant ces produits, constitue une taxe d'effet équivalent à un droit
de douane interdite par l'article 12 du traité. Si ces avantages ne compensent qu'une partie de
la charge supportée par les produits nationaux, une telle taxe constitue une imposition
discriminatoire interdite par l'article 95 du traité.
20 Il y a lieu de relever enfin que, selon la jurisprudence constante de la Cour, les dispositions
des articles 12, 13 et 95 du traité ont un effet direct et engendrent pour les justiciables des
droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder (arrêts du 5 février 1963, Van Gend
& Loos, 26/62, Rec. p. 1 ; du 19 juin 1973, Capolongo, précité, et du 22 mars 1977, Iannelli,
74/76, Rec. p. 557).

III. Les mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives

A. Les textes

Document 7 : Articles 34-36 TFUE

Article 34 (ex-article 28TCE)


Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont
interdites entre les États membres.
Article 35 (ex-article 29 TCE)
Les restrictions quantitatives à l'exportation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont
interdites entre les États membres.
Article 36 (ex-article 30 TCE)
Les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions
d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique,
d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des
animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une
valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et
commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de
discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États
membres.

B. Notion et régime juridique

Document 8. CJCE, 20 février 1979, Rewe-Zentral AG (dit « Cassis de Dijon »), aff.
120/78
[...]
En droit
1 Attendu que, par ordonnance du 28 avril 1978, reçue à la Cour le 22 mai suivant, le
Hessisches Finanzgericht a posé, en vertu de l’article 177 du traité CEE, deux questions
préjudicielles relatives à1’interprétation des articles 30 et 37 du traité CEE, en vue d’apprécier

8
la compatibilité, avec le droit communautaire, d’une disposition de la réglementation
allemande relative à la commercialisation des boissons spiritueuses fixant un degré
alcoométrique minimum pour diverses catégories de produits alcoolisés ;
2 Attendu qu’il résulte de l’ordonnance de renvoi que la requérante au principal a l’intention
d’importer un lot de « cassis de Dijon » originaire de France, en vue de le commercialiser
dans la république fédérale d’Allemagne ; que la requérante s’étant adressée à
l’administration du monopole des alcools (Bundesmonopolverwaltung) en vue d’obtenir
l’autorisation d’importer le produit en question, cette administration lui a fait savoir que celui-
ci n’a pas, m raison de l’insuffisance de son titre alcoométrique, les qualités requises pour être
commercialisé dans la république fédérale d’Allemagne ;
3 Que cette prise de position de l’administration se fonde sur le paragraphe 100 du «
Branntweinmonopolgesetz » et sur les réglementations arrêtées par l’administration du
monopole en vertu de cette disposition, à l’effet de fixer des teneurs minimales en alcool pour
des catégories déterminées de liqueurs et l’autres boissons alcoolisées (Verordnung über den
Mindestweingeistgehalt von Trinkbranntweinen du 28 février 1958, Bundesanzeiger n° 48 du
11 mars 1958) ;
Qu’il résulte des dispositions citées que la commercialisation de liqueurs de fruits, telles que
le cassis de Dijon, est soumise à l’exigence d’une teneur alcoolique minimale de 25°, alors
que le titre du produit en question, commercialisé librement comme tel en France, se situe
entre 15° et 20° d’alcool ;
4 Que, selon la requérante, la détermination, par la réglementation allemande, d’une teneur
minimale en alcool a pour conséquence que des produits alcoolisés connus, originaires
d’autres États membres de la Communauté, ne peuvent pas être écoulés dans la république
fédérale d’Allemagne et que cette disposition constitue, dès lors, une restriction à la libre
circulation des marchandises entre les États membres, dépassant le cadre des réglementations
commerciales réservées à ceux-ci ;
Qu’il s’agit, selon elle, d’une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative à
l’importation, contraire à l’article 30 du traité CEE ;
Que, s’agissant au surplus d’une mesure prise dans le cadre de la gestion du monopole des
alcools, la requérante considère qu’il y a également violation de l’article 37, aux termes
duquel les États membres aménagent progressivement les monopoles nationaux présentant un
caractère commercial, de telle sorte qu’à l’expiration de la période de transition soit assurée,
dans les conditions d’approvisionnement et de débouchés, l’exclusion de toute discrimination
entre les ressortissants des États membres ;
5 Qu’en vue de trancher ce litige, le Hessisches Finanzgericht a posé deux questions, libellées
comme suit :
a) La notion de mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’importation au
sens de l’article 30 du traité CEE est-elle à interpréter en ce sens qu’elle s’applique également
à la fixation d’une teneur minimale en esprit-de-vin pour les alcools destinés à la
consommation humaine, prévue par la loi allemande sur le monopole des alcools, qui a pour
effet d’empêcher la mise en circulation en république fédérale d’Allemagne de produits
traditionnels d’autres États membres dont la teneur en esprit-de-vin est inférieure à la limite
fixée ?
b) La fixation d’une telle teneur minimale en esprit-de-vin relève-t-elle de la notion de
discrimination dans les conditions d’approvisionnement et de débouchés entre les
ressortissants des États membres au sens de l’article 37 du traité CEE ?
6 Attendu que la juridiction nationale demande ainsi d’obtenir les éléments d’interprétation
permettant d’apprécier si l’exigence d’une teneur minimale en alcool pourrait relever soit de
l’interdiction de toutes mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives dans les
échanges entre États membres, par l’article 30 du traité, soit de la prohibition de toutes

9
discriminations dans les conditions d’approvisionnement et de débouchés, entre les
ressortissants des États membres, au sens de l’article 37 ;
7 Qu’il y a lieu de faire remarquer, à cet égard, que l’article 37 est une disposition spécifique
aux monopoles nationaux à caractère commercial ;
Que cette disposition n’a, dès lors, pas de pertinence au regard de dispositions nationales qui
ne concernent pas l’exercice, par un monopole public, de sa fonction spécifique - à savoir, son
droit d’exclusivité - mais visent, de manière générale, la production et la commercialisation de
boissons alcoolisées, peu importe que celles-ci relèvent, ou non, du monopole en question ;
Que, dans ces conditions, l’incidence, sur les échanges intracommunautaires, de la mesure
visée par la juridiction nationale doit être examinée exclusivement au regard des exigences
découlant de l’article 30, envisagé par la première question ;
8 Attendu qu’en l’absence d’une réglementation commune de la production et de la
commercialisation de l’alcool - une proposition de règlement présentée par la Commission au
Conseil le 7 décembre 1976 (JO n° C 309, p. 2) n’ayant pas encore reçu de suite de la part de
ce dernier - il appartient aux États membres de régler, chacun sur son territoire, tout ce qui
concerne la production et la commercialisation de l’alcool et des boissons spiritueuses ;
Que les obstacles à la circulation intracommunautaire résultant de disparités les législations
nationales relatives à la commercialisation des produits en cause doivent être acceptés dans la
mesure où ces prescriptions peuvent être reconnues comme étant nécessaires pour satisfaire à
des exigences impératives tenant, notamment, à l’efficacité des contrôles fiscaux, à la
protection de la santé publique, à la loyauté des transactions commerciales et à la défense des
consommateurs ;
9 Attendu que le gouvernement de la république fédérale d’Allemagne, intervenant à la
procédure, a mis en avant divers arguments qui, selon lui, justifieraient l’application de
dispositions relatives à la teneur minimum en alcool de boissons spiritueuses, en faisant valoir
des considérations tenant, d’une part, à la sauvegarde de la santé publique et, d’autre part, à la
protection des consommateurs contre des pratiques commerciales déloyales ;
10 Attendu qu’en ce qui concerne la sauvegarde de la santé publique, le gouvernement
allemand expose que la détermination des teneurs minimales en alcool par la législation
nationale aurait pour fonction d’éviter la prolifération de boissons spiritueuses sur le marché
national, spécialement de boissons spiritueuses à teneur alcoolique modérée, de tels produits
pouvant, à son avis, provoquer plus facilement l’accoutumance que des boissons à titre
alcoolique plus élevé ;
11 Attendu que de telles considérations ne sont pas décisives, alors que le consommateur peut
se procurer sur le marché une gamme extrêmement variée de produits faiblement ou
moyennement alcoolisés et qu’au surplus, une partie importante des boissons alcoolisées à
fort titre alcoométrique, librement commercialisées sur le marché allemand, est consommée
couramment sous forme diluée ;
12 Attendu que le gouvernement allemand fait encore valoir que la fixation d’une limite
inférieure du titre alcoométrique pour certaines liqueurs serait destinée à protéger le
consommateur contre les pratiques déloyales de producteurs ou distributeurs de boissons
spiritueuses ;
Que cette argumentation est fondée sur la considération que l’abaissement du titre
alcoométrique assurerait un avantage concurrentiel par rapport aux boissons de titre plus
élevé, étant donné que l’alcool constitue, dans la composition des boissons, l’élément de loin
le plus coûteux en raison de la charge fiscale considérable à laquelle il est soumis ;
Qu’au surplus, selon le gouvernement allemand, le fait d’admettre la libre circulation des
produits alcoolisés dès lors que ceux-ci correspondent, en ce qui concerne leur teneur en
alcool, aux normes du pays de production, aurait pour effet d’imposer, dans la Communauté,
comme standard commun la teneur alcoométrique la plus faible admise dans l’un quelconque

10
des États membres, voire même de rendre inopérantes toutes prescriptions en la matière alors
que la réglementation de plusieurs États membres ne connaîtrait aucune limite inférieure de ce
genre ;
13 Attendu, ainsi qu’il a été relevé avec raison par la Commission, que la fixation de valeurs-
limites en matière de taux alcoométrique des boissons peut servir à la standardisation des
produits commercialisés et de leurs dénominations, dans l’intérêt d’une plus grande
transparence des transactions commerciales et des offres au public ;
Que, pour autant, on ne saurait cependant aller jusqu’à considérer la fixation impérative de
taux minima d’alcoolisation comme étant une garantie essentielle de la loyauté des
transactions commerciales, alors qu’il est facile d’assurer une information convenable de
l’acheteur par l’exigence d’une indication de la provenance et du titre alcoométrique sur
l’emballage des produits ;
14 Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les prescriptions relatives à la teneur alcoolique
minimum des boissons spiritueuses ne poursuivent pas un but d’intérêt général de nature à
primer les exigences de la libre circulation des marchandises, qui constitue l’une des règles
fondamentales de la Communauté ;
Que l’effet pratique de prescriptions de ce genre consiste principalement à assurer un
avantage aux boissons spiritueuses à forte teneur alcoolique, en éloignant du marché national
les produits d’autres États membres ne répondant pas à cette spécification ;
Qu’il apparaît, dès lors, que l’exigence unilatérale, imposée par la réglementation d’un État
membre, d’une teneur alcoométrique minimum pour la commercialisation de boissons
spiritueuses constitue un obstacle aux échanges incompatible avec les dispositions de l’article
30 du traité ;
Qu’il n’y a donc aucun motif valable d’empêcher que des boissons alcoolisées, à condition
qu’elles soient légalement produites et commercialisées dans l’un des États membres, soient
introduites dans tout autre État membre sans que puisse être opposée, à l’écoulement de ces
produits, une prohibition légale de commercialiser des boissons comportant un degré
d’alcoolisation inférieur à la limite déterminée par la réglementation nationale ;
15 Qu’en conséquence, il y a lieu de répondre à la première question qu’il faut comprendre la
notion de « mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’importation »,
figurant à l’article30 du traité, en ce sens que relève également de l’interdiction prévue par
cette disposition la fixation d’une teneur minimale en alcool pour les boissons spiritueuses
destinées à la consommation humaine, fixée par la législation d’un État membre, lorsqu’il
s’agit de l’importation de boissons alcoolisées légalement produites et commercialisées dans
un autre État membre ;
[...]

Document 9 : CJCE, 10.02.2009, Commission des Communautés européennes c/


République italienne, Affaire C-110/05

Arrêt
1demande à la Cour de constater que, en interdisant aux cyclomoteurs, aux motocycles, aux
tricycles et aux quadricycles (« motoveicoli », ci-après les « motocycles ») de tirer une
remorque, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de
l’article 28 CE.
Par sa requête, la Commission des Communautés européennes

Le cadre juridique
(...) La réglementation nationale
33. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, toute réglementation

11
commerciale des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement,
actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire doit être considérée
comme une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l’article 28
CE (voir, notamment, arrêt Dassonville, précité, point 5).
34. Il ressort d’une jurisprudence également constante que l’article 28 CE reflète l’obligation
de respecter les principes de non-discrimination et de reconnaissance mutuelle des produits
légalement fabriqués et commercialisés dans d’autres États membres, ainsi que celle d’assurer
aux produits communautaires un libre accès aux marchés nationaux […].
35. Ainsi, constituent des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives entraves à
la libre circulation des marchandises résultant, en l’absence d’harmonisation des législations
nationales, de l’application à des marchandises en provenance d’autres États membres, où
elles sont légalement fabriquées et commercialisées, de règles relatives aux conditions
auxquelles doivent répondre ces marchandises, même si ces règles sont indistinctement
applicables à tous les produits (voir, en ce sens, arrêts Cassis de Dijon, précité, points 6, 14 et
15 ; du 26 juin 1997, Familiapress, C-368/95, Rec. p. I- 3689, point 8, ainsi que du 11
décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C- 322/01,Rec. p. I-14887,point 67).
36. En revanche, n’est pas susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement
ou potentiellement, le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence issue de
l’arrêt Dassonville, précité, l’application à des produits en provenance d’autres États membres
de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pour autant
qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire
national et qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la
commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d’autres États
membres. En effet, dès lors que ces conditions sont remplies, l’application de réglementations
de ce type à la vente des produits en provenance d’un autre État membre et répondant aux
règles édictées par cet État n’est pas de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner
davantage qu’elle ne gêne celui des produits nationaux (voir arrêt Keck et Mithouard, précité,
points 16 et 17).
37. Par conséquent, doivent être considérées comme des mesures d’effet équivalent à des
restrictions quantitatives à l’importation au sens de l’article 28 CE les mesures prises par un
État membre qui ont pour objet ou pour effet de traiter moins favorablement des produits en
provenance d’autres États membres, ainsi que les mesures visées au point 35 du présent arrêt.
Relève également de la même notion toute autre mesure qui entrave l’accès au marché d’un
État membre des produits originaires d’autres États membres.

Sur le manquement reproché


(...) Appréciation de la Cour
[…]
54 Il reste à examiner, deuxièmement, le manquement allégué par la Commission au regard
des remorques qui sont spécialement conçues pour être attelées à des motocycles et qui sont
légalement produites et commercialisées dans des États membres autres que la République
italienne.
55. Dans sa réponse à la question écrite posée par la Cour, la Commission soutient, sans être
contredite sur ce point par la République italienne, que, dans le cas des remorques
spécialement conçues pour les motocycles, les possibilités d’utilisation de celles-ci autrement
qu’avec les motocycles sont marginales. Elle considère que, bien qu’il ne soit pas exclu
qu’elles puissent, dans certaines circonstances, être attelées à d’autres véhicules, notamment
des voitures automobiles, une telle utilisation n’est pas appropriée et reste à tout le moins
insignifiante, voire hypothétique.
56. À cet égard, il convient de constater qu’une interdiction d’utilisation d’un produit sur le

12
territoire d’un État membre a une influence considérable sur le comportement des
consommateurs, lequel affecte, à son tour, l’accès de ce produit au marché de cet État
membre.
57. En effet, les consommateurs, sachant qu’il leur est interdit d’utiliser leur motocycle avec
une remorque spécialement conçue pour celui-ci, n’ont pratiquement aucun intérêt à acheter
une telle remorque (voir par analogie, s’agissant de l’interdiction d’apposer des films colorés
sur le pare-brise des véhicules automobiles, arrêt du 10 avril 2008, Commission/Portugal, C-
265/06, non encore publié au Recueil, point 33). Ainsi, l’article 56 du code de la route
empêche qu’une demande ne puisse exister sur le marché en cause pour de telles remorques,
entravant donc l’importation de celles-ci.
58. Il s’ensuit que l’interdiction édictée à l’article 56 du code de la route, dans la mesure où
elle a pour effet d’entraver l’accès au marché italien des remorques spécialement conçues
pour les motocycles et qui sont légalement produites et commercialisées dans des États
membres autres que la République italienne, constitue une mesure d’effet équivalent à des
restrictions quantitatives à l’importation interdite par l’article 28 CE, à moins qu’elle ne
puisse être objectivement justifiée.
59. Une telle interdiction peut être justifiée par l’une des raisons d’intérêt général énumérées à
l’article 30 CE ou par des exigences impératives (voir, notamment, arrêt du19 juin 2003,
Commission/Italie, C-420/01, Rec. p. I-6445, point 29, et du 5 février2004,
Commission/Italie, C-270/02, Rec. p. I-1559, point 21). Dans l’un ou l’autre cas, la mesure
nationale doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà
de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (arrêts du 15 mars 2007, Commission/Finlande,
C-54/05, Rec. p. I-2473, point 38, et du 20 septembre 2007, Commission/Pays-Bas, C-297/05,
Rec. p. I-7467, point 75).
60. En l’espèce, d’assurer la sécurité routière qui constitue, selon la jurisprudence, une raison
impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une entrave à la libre circulation des
marchandises (voir, notamment, arrêts du 5 octobre 1994, van Schaik, C- 55/93, Rec. p. I-
4837, point 19 ; du 12 octobre 2000, Snellers, C-314/98, Rec. p. I- 8633, point 55 ; arrêts
précités Commission/Finlande, point 40 ; Commission/Pays- Bas, point 77 ;
Commission/Portugal, point 38, et arrêt du 5 juin 2008, Commission/Pologne, C-170/07,
point 49).
60. En l’espèce, la justification invoquée par la République italienne porte sur la nécessité
d’assurer la sécurité routière qui constitue, selon la jurisprudence, une raison impérieuse
d’intérêt général susceptible de justifier une entrave à la libre circulation des marchandises
(voir, notamment, arrêts du 5 octobre 1994, van Schaik, C- 55/93, Rec. p. I-4837, point 19 ;
du 12 octobre 2000, Snellers, C-314/98, Rec. p. I- 8633, point 55 ; arrêts précités
Commission/Finlande, point 40 ; Commission/Pays- Bas, point 77 ; Commission/Portugal,
point 38, et arrêt du 5 juin 2008, Commission/Pologne, C-170/07, point 49).
61. En l’absence de dispositions d’harmonisation complète au niveau communautaire, il
appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la sécurité
routière sur leur territoire, tout en tenant compte des exigences de la libre circulation des
marchandises à l’intérieur de la Communauté européenne (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars
1984, Commission/Italie, 50/83, Rec. p. 1633, point 12, et, par analogie, du 13 juillet 1994,
Commission/Allemagne, C-131/93, Rec. p. I-3303, point 16).
62. Selon une jurisprudence également constante, il incombe aux autorités nationales
compétentes de démontrer que leur réglementation répond aux critères rappelés au point59 du
présent arrêt (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Pays-Bas, point 76 ;
Commission/Portugal, point 39, et arrêt du 24 avril 2008, Commission/Luxembourg, C-
286/07, point 37).
63. En ce qui concerne, d’une part, le caractère approprié de l’interdiction édictée à l’article

13
56 du code de la route, la République italienne fait valoir qu’elle a introduitcette mesure en
raison du fait qu’il n’existe pas, ni au niveau communautaire ni au niveau national, de règles
d’homologation permettant d’assurer le caractère non dangereux de l’utilisation d’un
motocycle avec une remorque. En l’absence d’une telle interdiction, la circulation d’un
ensemble composé d’un motocycle et d’une remorque non homologués pourrait être
dangereuse tant pour le conducteur de ce véhicule que pour d’autres véhicules en circulation,
car elle affecterait la stabilité de cet ensemble ainsi que son freinage.
64 À cet égard, il doit être constaté que ladite interdiction est apte à réaliser l’objectif visant à
garantir la sécurité routière.
65 S’agissant, d’autre part, de l’appréciation du caractère nécessaire de ladite interdiction, il
convient de tenir compte du fait que, en vertu de la jurisprudence de la Cour rappelée au point
61 du présent arrêt, dans le domaine de la sécurité routière, l’État membre peut décider du
niveau auquel il entend assurer cette sécurité et de la manière dont ce niveau doit être atteint.
Ce niveau pouvant varier d’un État membre à l’autre, il y a lieu de reconnaître aux États
membres une marge d’appréciation et, par conséquent, le fait qu’un État membre impose des
règles moins strictes que celles établies par un autre État membre ne saurait signifier que ces
dernières sont disproportionnées (voir, par analogie, arrêts du 13 juillet 2004,
Commission/France, C-262/02, Rec. p. I-6569, point 37, et du 11 septembre 2008,
Commission / Allemagne, C-141/07, non encore publié au Recueil, point 51).
66. En l’espèce, la République italienne soutient, sans être contredite sur ce point par la
Commission , que la circulation d’un ensemble composé d’un motocycle et d’une remorque
présente un danger pour la sécurité routière. Or, s’il est vrai qu’il incombe à l’État membre
invoquant une exigence impérative pour justifier l’entrave à la libre circulation des
marchandises de démontrer que sa réglementation est appropriée et nécessaire en vue
d’atteindre l’objectif légitime poursuivi, cette charge de la preuve ne saurait aller jusqu’à
exiger que cet État membre démontre, de manière positive, qu’aucune autre mesure
imaginable ne permet de réaliser ledit objectif dans les mêmes conditions (voir, par analogie,
arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Pays- Bas, C-157/94, Rec. p. I-5699, point 58).
67. En effet, d’une part, s’il n’est pas exclu, dans le cas d’espèce, que des mesures autres que
l’interdiction prévue à l’article 56 du code de la route puissent assurer un certain niveau de
sécurité routière pour la circulation d’un ensemble composé d’un motocycle et d’une
remorque, telles que celles mentionnées au point170 des conclusions de M. l’avocat général,
il n’en demeure pas moins qu’il ne saurait être dénié aux États membres la possibilité de
réaliser un objectif tel que la sécurité routière par l’introduction des règles générales et
simples facilement comprises et appliquées par les conducteurs ainsi qu’aisément gérées et
contrôlées par les autorités compétentes.
68. D’autre part, il convient de constater que ni le libellé de la convention sur la circulation
routière ni celui des considérants des directives 93/93 et 97/24, invoqués par la République
italienne, ne laissent présumer que la sécurité routière pourrait être assurée au même niveau
que celui envisagé par la République italienne par une interdiction partielle de circulation
d’un tel ensemble ou par une autorisation de circulation dont la délivrance serait subordonnée
au respect de certaines conditions.
69. Eu égard à ces éléments, il y a lieu de constater que l’interdiction faite aux motocycles de
tirer une remorque spécialement conçue pour ceux-ci et légalement produite et
commercialisée dans des États membres autres que la République italienne doit être
considérée comme justifiée par des raisons relatives à la protection de la sécurité routière.
70. Il convient, dès lors, de rejeter le recours de la Commission […].

14
Document 10 : CJUE, 2.12.2010, Ker-Optika, Aff. C-108/09
[...]
47 Selon une jurisprudence constante, toute réglementation commerciale des États membres
susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le
commerce au sein de l’Union doit être considérée comme une mesure d’effet équivalent à des
restrictions quantitatives au sens de l’article 34 TFUE (voir, notamment, arrêts du 11 juillet
1974, Dassonville, 8/74, Rec. p. 837, point 5, et du 10 février2009, Commission/Italie, C-
110/05, Rec. p. I-519,point 33).
48 Il ressort d’une jurisprudence également constante que l’article 34 TFUE reflète
l’obligation de respecter les principes de non-discrimination et de reconnaissance mutuelle
des produits légalement fabriqués et commercialisés dans d’autres États membres ainsi que
celle d’assurer aux produits de l’Union un libre accès aux marchés nationaux (voir arrêt
Commission/Italie, précité, point 34 et jurisprudence citée).
49 Ainsi, doivent être considérées comme des mesures d’effet équivalent à des restrictions
quantitatives les mesures prises par un État membre qui ont pour objet ou pour effet de traiter
moins favorablement des produits en provenance d’autres États membres, de même que des
règles relatives aux conditions auxquelles doivent répondre ces marchandises, même si ces
règles sont indistinctement applicables à tous les produits (voir arrêt Commission/Italie,
précité, points 35 et 37).50 Relève également de la même notion toute autre mesure qui
entrave l’accès au marché d’un État membre des produits originaires d’autres États membres
(arrêt Commission/Italie, précité, point 37).
51 Pour cette raison, est susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellementou
potentiellement, le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence issue de
l’arrêt Dassonville, précité, l’application à des produits en provenance d’autres États membres
de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente à moins
qu’elles ne s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire
national et qu’elles n’affectent de la même manière, en droit comme en fait, la
commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d’autres États
membres. En effet, l’application de réglementations de ce type à la vente des produits en
provenance d’un autre État membre et répondant aux règles édictées par cet État est de nature
à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu’elle ne gêne celui des produits
nationaux (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard, C- 267/91 et C-
268/91, Rec. p. I-6097, points 16 et 17, ainsi que Commission/Italie, précité,point 36).52
Ainsi, il y a lieu d’examiner si la réglementation nationale en cause au principal répondaux
deux conditions mentionnées au point précédent du présent arrêt, c’est-à-dire si elle
s’applique à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et si
elle affecte de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits
nationaux et celle des produits en provenance d’autres États membres.53 En ce qui concerne
la première condition, il convient de relever que ladite réglementation s’applique à tous les
opérateurs concernés par la vente de lentilles de contact, de sorte que cette condition est
satisfaite.54 S’agissant de la seconde condition, il n’a pas été contesté que l’interdiction de la
vente des lentilles de contact par Internet s’applique aux lentilles de contact provenant
d’autresÉtats membres, qui font l’objet d’une vente par correspondance et d’une livraison au
domicile des consommateurs demeurant en Hongrie. Or, il y a lieu de constater que
l’interdiction des ventes de lentilles de contact par correspondance prive les opérateurs
provenant d’autres États membres d’une modalité particulièrement efficace de
commercialisation de ces produits et gêne ainsi considérablement l’accès de ces derniers au
marché de l’État membre concerné (voir, par analogie, en ce qui concerne les médicaments,
arrêt Deutscher Apothekerverband, précité, point 74).55 Dans ces conditions, ladite
réglementation n’affecte pas de la même manière la commercialisation de lentilles de contact

15
par des opérateurs hongrois et celle effectuée par des opérateurs d’autres États membres.56 Il
s’ensuit que ladite réglementation constitue une mesure d’effet équivalent à unerestriction
quantitative interdite par l’article 34 TFUE, à moins qu’elle ne puisse être objectivement
justifiée.[...]64 En effet, sans éliminer totalement les risques encourus par les utilisateurs de
lentilles, la mise en relation avec un opticien qualifié et les prestations fournies par celui-ci
sont susceptibles de diminuer ces risques. Ainsi, en réservant la remise des lentilles de contact
aux magasins d’optique qui offrent les services d’un tel opticien, la réglementation en cause
au principal est propre à garantir la réalisation de l’objectif visant à assurer la protection de la
santé desdits utilisateurs.
65 Encore faut-il, toutefois, que cette réglementation n’aille pas au-delà de ce qui est
nécessaire pour atteindre cet objectif, c’est-à-dire qu’il n’existe pas des mesures moins
attentatoires à la libre circulation des marchandises pour y parvenir.
66 Premièrement, s’agissant de l’exigence selon laquelle est requise la présence physique du
client aux fins d’un examen de ses yeux par un opticien dans le magasin de vente, ilconvient
de relever, d’une part, que des examens à vocation préventive, effectués à titre indicatif, sont
susceptibles d’être réalisés en dehors des magasins d’optique, par les médecins
ophtalmologistes.67 D’autre part, rien dans le dossier soumis à la Cour ne permet de constater
que laréglementation en cause au principal impose à l’opticien de soumettre chaque remise de
lentilles à un examen préventif ou à la consultation préalable d’un médecin ou qu’elle
soumette cette remise à ces exigences, en particulier lors de livraisons successives de lentilles
à un même client.68 Ainsi, de tels examen et consultation doivent être considérés comme
facultatifs, de sorte qu’il relève principalement de la responsabilité de chaque utilisateur de
lentilles de contact de s’y soumettre, la tâche de l’opticien consistant, à cet égard, à conseiller
les utilisateurs.69 Or, les clients peuvent être conseillés, d’une manière équivalente, avant la
livraison deslentilles de contact, dans le cadre de la commercialisation de ces dernières par
Internet, et ce au moyen des éléments interactifs existant sur le site Internet concerné qui
doivent être obligatoirement utilisés par le client avant qu’il puisse procéder à l’achat desdites
lentilles (voir en ce sens, en ce qui concerne la commercialisation de médicaments par
Internet, arrêt Deutscher Apothekerverband, précité, point 114).70 Deuxièmement, l’État
membre peut certes exiger – ainsi qu’il a été constaté au point 63du présent arrêt – que le type
de lentilles de contact le plus approprié soit déterminé par un opticien, celui-ci étant tenu, à
cette occasion, de vérifier le positionnement des lentilles sur les yeux du client et de prodiguer
à ce dernier des conseils en vue d’une utilisation et d’un entretien corrects de celles-ci.71
Cependant, il convient de relever que ces prestations ne s’imposent, en principe, quelors de la
première livraison de lentilles de contact. En effet, lors des livraisons ultérieures, il n’est pas,
en règle générale, nécessaire de fournir au client de telles prestations. Il suffit que le client
signale au vendeur le type de lentilles qui lui a été remis lors de la première livraison, les
caractéristiques de ces lentilles ayant été ajustées, le cas échéant, par un médecin
ophtalmologiste qui a procédé à une nouvelle prescription qui tient compte d’une
modification de la vue du client.72 Troisièmement, si l’utilisation prolongée de lentilles de
contact doit être accompagnéed’informations et de conseils supplémentaires, ceux-ci peuvent
être donnés au client au moyen d’éléments interactifs figurant sur le site Internet du
fournisseur.
73 En outre, l’État membre peut imposer aux opérateurs économiques intéressés une
obligation de mettre à la disposition du client un opticien qualifié qui fournit à celui-ci, à
distance, des informations et des conseils individualisés en matière d’utilisation et d’entretien
des lentilles de contact. La fourniture de telles informations et conseils à distance peut
d’ailleurs présenter des avantages dès lors qu’elle permet à l’utilisateur de lentilles de
formuler ses questions de manière réfléchie, ciblée et sans qu’il soit obligé de se déplacer(voir
en ce sens, en ce qui concerne la commercialisation des médicaments par Internet, arrêt

16
Deutscher Apothekerverband, précité, point113).74 Il découle de ce qui précède que l’objectif
visant à assurer la protection de la santé des utilisateurs de lentilles de contact peut être atteint
par des mesures moins restrictives que celles qui résultent de la réglementation en cause au
principal, consistant à ne soumettre à certaines restrictions que la première livraison de
lentilles et à imposer aux opérateurs économiques intéressés de mettre un opticien qualifié à la
disposition du client. 75 Par conséquent, lorsqu’un État membre adopte une réglementation
telle que celle encause au principal, il dépasse les limites de la marge d’appréciation rappelée
au point 58 du présent arrêt, et cette réglementation doit dès lors être considérée comme allant
au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif invoqué.

Document 11 : CJCE, 14.02.2008, Dynamic Medien Vertriebs GmbH / Avides Media AG ,


Affaire C-244/06

(...)
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 28 CE et 30 CE
ainsi que de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000,
relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment
du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique
») (JO L 178, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Dynamic Medien Vertriebs
GmbH (ci-après « Dynamic Medien ») à Avides Media AG (ci-après « Avides Media »), deux
sociétés de droit allemand, au sujet de la vente par cette dernière, en Allemagne et par
correspondance sur l’Internet, de vidéogrammes provenant du Royaume- Uni, n’ayant pas fait
l’objet, par une autorité régionale supérieure ou un organisme national d’autorégulation
volontaire, d’un contrôle et d’une classification aux fins de la protection des mineurs et ne
comportant pas d’indication, émanant de cette autorité ou de cet organisme, de l’âge à partir
duquel ces vidéogrammes peuvent être vus. (...)
15 Saisi du litige au fond et s’interrogeant sur la conformité de l’interdiction prévue par la loi
sur la protection des mineurs avec les dispositions tant de l’article 28 CE que de la directive
2000/31, le Landgericht Koblenz a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les
questions préjudicielles suivantes :
« [1)] Le principe de libre circulation des marchandises au sens de l’article 28 CE s’oppose-t-
il à une disposition juridique allemande interdisant la vente par correspondance de
vidéogrammes (DVD, cassettes vidéo) ne comportant aucune mention indiquant qu’ils ont été
soumis au contrôle allemand relatif à la protection des mineurs ?
[2)] En particulier : ‘[l’] interdiction de la vente par correspondance de tels vidéogrammes
représente-t-elle une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 28 CE ?
[3)] Dans l’affirmative : [p]areille interdiction est-elle également justifiée au regard de
l’article 30 CE et en tenant compte de la directive [2000/31] lorsque le vidéogramme a été
soumis à un contrôle relatif à la protection des mineurs par un autre État membre [...] et qu’il
comporte un étiquetage en ce sens, ou un tel contrôle par un autre État membre [...]
représente-t-il une mesure moins contraignante au sens de cette disposition ? »

Sur l’existence d’une restriction à la libre circulation des marchandises


(...)
26 Selon une jurisprudence constante, toute réglementation commerciale des États membres
susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le
commerce intracommunautaire doit être considérée comme une mesure d’effet équivalent à
des restrictions quantitatives et, à ce titre, elle est interdite par l’article 28 CE (voir,
notamment, arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, Rec. p. 837, point 5 ; du 19 juin 2003,

17
Commission/Italie, C-420/01, Rec. p. I-6445, point 25, et du 8 novembre 2007, Ludwigs-
Apotheke, C-143/06, non encore publié au Recueil, point 25).
27. Bien qu’une mesure n’ait pas pour objet de régler les échanges de marchandises entre les
États membres, ce qui est déterminant c’est son effet, actuel ou potentiel, sur le commerce
intracommunautaire. En application de ce critère, constituent des mesures d’effet équivalent
les entraves à la libre circulation des marchandises résultant, en l’absence d’harmonisation des
législations nationales, de l’application à des marchandises en provenance d’autres États
membres, où elles sont légalement fabriquées et commercialisées, de règles relatives aux
conditions auxquelles doivent répondre ces marchandises (telles que celles qui concernent
leur dénomination, leur forme, leurs dimensions, leur poids, leur composition, leur
présentation, leur étiquetage, leur conditionnement), même si ces règles sont indistinctement
applicables à tous les produits, dès lors que cette application ne peut être justifiée par un but
d’intérêt général de nature à primer les exigences de la libre circulation des marchandises
(voir, en ce sens, arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit « Cassis de Dijon », 120/78, Rec.
p. 649, points 6, 14 et 15 ; du 26 juin 1997, Familiapress, C-368/95, Rec. p. I-3689, point 8,
ainsi que du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C-322/01, Rec. p. I-14887,
point 67).
28. Dans sa jurisprudence, la Cour a également qualifié de mesures d’effet équivalent,
interdites par l’article 28 CE, les dispositions nationales soumettant un produit, légalement
fabriqué et commercialisé dans un autre État membre, à des contrôles supplémentaires, sous
réserve des exceptions prévues ou admises par le droit communautaire (voir, notamment,
arrêts du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital, C-390/99, Rec. p. I-607, points 36 et 37,
ainsi que du 8 mai 2003, ATRAL, C-14/02, Rec. p. I-4431, point 65).
29. En revanche, n’est pas susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement
ou potentiellement, le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence
inaugurée par l’arrêt Dassonville, précité, l’application à des produits en provenance d’autres
États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de
vente, pour autant qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité
sur le territoire national et qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la
commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d’autres États membres
(voir, notamment, arrêts Keck et Mithouard, précité, point 16 ; du 15 décembre 1993,
Hünermund EA, C-292/92, Rec. p. I-6787, point 21, ainsi que du 28 septembre 2006,
Ahokainen et Leppik, C-434/04, Rec. p. I-9171, point 19). En effet, dès lors que ces
conditions sont remplies, l’application de réglementations de ce type à la vente des produits
en provenance d’un autre État membre et répondant aux règles édictées par cet État n’est pas
de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu’elle ne gêne celui des
produits nationaux (voir arrêt Keck et Mithouard, précité, point 17).
30. Par la suite, la Cour a qualifié de dispositions régissant des modalités de vente au sens de
l’arrêt Keck et Mithouard, précité, des dispositions concernant, en particulier, certaines
méthodes de commercialisation (voir, notamment, arrêts Hünermund e.a., précité, points 21 et
22 ; du 13 janvier 2000, TK-Heimdienst, C-254/98, Rec. p. I-151, point 24, ainsi que du 23
février 2006, A -Punkt Schmuckhandel, C-441/04, Rec. p. I-2093, point 16).
31. Il ressort du point 15 de l’arrêt du 29 juin 1995, Commission/Grèce (C-391/92, Rec. p. I-
1621), que constitue une modalité de vente, au sens de la jurisprudence citée au point 29 du
présent arrêt, une réglementation qui restreint la commercialisation de produits à certains
points de vente et qui a pour effet de limiter la liberté commerciale des opérateurs
économiques sans porter sur les caractéristiques des produits visés eux-mêmes. Ainsi, la
nécessité d’adapter les produits en question aux règles en vigueur dans l’État membre de
commercialisation exclut qu’il s’agisse d’une telle modalité (voir arrêt Canal Satélite Digital,
précité, point 30). Il en est ainsi notamment en ce qui concerne la nécessité de modifier

18
l’étiquette des produits importés (voir, notamment, arrêts du 3 juin 1999, Colim, C-33/97,
Rec. p. I-3175, point 37, ainsi que du 18 septembre 2003, Morellato, C-416/00, Rec. p. I-
9343, points 29 et 30).
32. En l’occurrence, il convient de constater que la réglementation en cause au principal ne
constitue pas une modalité de vente au sens de la jurisprudence inaugurée par l’arrêt Keck et
Mithouard, précité.
33. En effet, ladite réglementation n’interdit pas la vente par correspondance de
vidéogrammes. Elle prévoit que, pour pouvoir être commercialisés par ce moyen, ceux-ci
doivent faire l’objet d’une procédure nationale de contrôle et de classification aux fins de la
protection des mineurs, et ce indépendamment de la question de savoir si une procédure
analogue a déjà eu lieu dans l’État membre d’exportation desdits vidéogrammes. En outre,
cette réglementation fixe une condition à laquelle ces derniers doivent satisfaire, à savoir celle
relative à leur marquage.
34. Force est de constater qu’une telle réglementation est de nature à rendre l’importation de
vidéogrammes provenant d’États membres autres que la République fédérale d’Allemagne
plus difficile et plus coûteuse, de sorte qu’elle est susceptible de dissuader certains intéressés
de commercialiser de tels vidéogrammes dans ce dernier État membre.
35. Il résulte de ce qui précède que la réglementation en cause au principal constitue une
mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l’article 28 CE, en
principe incompatible avec les obligations résultant de celui-ci, à moins qu’elle ne puisse être
objectivement justifiée.

Sur la justification éventuelle de la réglementation en cause au principal (...)


39. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la protection des droits de l’enfant est reconnue par
différents instruments internationaux auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré, tels
que le pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée
générale des Nations unies le 19 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976, et la
convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par ladite Assemblée le 20 novembre 1989
et entrée en vigueur le 2 septembre 1990. La Cour a déjà eu l’occasion de rappeler que ces
instruments internationaux figurent au nombre de ceux concernant la protection des droits de
l’homme dont elle tient compte pour l’application des principes généraux du droit
communautaire (voir, notamment, arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil, C-540/03, Rec. p.
I-5769, point 37).
40. Dans ce contexte, il convient de relever que, en vertu de l’article 17 de la convention
relative aux droits de l’enfant, les États parties reconnaissent l’importance de la fonction
remplie par les médias et veillent à ce que l’enfant ait accès à une information et à des
matériels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui
visent à promouvoir son bien-être social, spirituel et moral ainsi que sa santé physique et
mentale. Le même article, sous e), précise que lesdits États favorisent l’élaboration de
principes directeurs appropriés destinés à protéger l’enfant contre l’information et les
matériels qui nuisent à son bien-être.
41. La protection de l’enfant est également consacrée dans des instruments élaborés dans le
cadre de l’Union européenne, tels que la charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), dont l’article 24,
paragraphe 1, dispose que les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur
bien-être (voir, en ce sens, arrêt Parlement/Conseil, précité, point 58). Par ailleurs, le droit des
États membres de prendre les mesures nécessaires pour des raisons relatives à la protection
des mineurs est reconnu par certains instruments du droit communautaire, tels que la directive
2000/31.
42. Si la protection de l’enfant constitue un intérêt légitime de nature à justifier, en principe,

19
une restriction à une liberté fondamentale garantie par le traité CE, telle que la libre
circulation des marchandises (voir, par analogie, arrêt du 12 juin 2003, Schmidberger, C-
112/00, Rec. p. I-5659, point 74), il n’en demeure pas moins que de telles restrictions ne
peuvent être justifiées que si elles sont propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi
et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (voir, en ce sens, arrêts du
14 octobre 2004, Omega, C-36/02, Rec. p. I-9609, point 36, ainsi que du 11 décembre 2007,
International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union, C-438/05, non
encore publié au Recueil, point 75).
43. Il ressort de la décision de renvoi que la réglementation nationale en cause au principal
vise à protéger l’enfant contre l’information et les matériels qui nuisent à son bien- être.
44. À cet égard, il convient de relever qu’il n’est pas indispensable que les mesures
restrictives édictées par les autorités d’un État membre pour protéger les droits de l’enfant,
visées aux points 39 à 42 du présent arrêt, correspondent à une conception partagée par
l’ensemble des États membres en ce qui concerne le niveau et les modalités de cette
protection (voir, par analogie, arrêt Omega, précité, point 37). Cette conception pouvant varier
d’un État membre à l’autre selon des considérations notamment d’ordre moral ou culturel, il y
a lieu de reconnaître aux États membres une marge d’appréciation certaine.
45. S’il est vrai qu’il appartient à ces derniers, à défaut d’harmonisation communautaire,
d’apprécier le niveau auquel ils entendent assurer la protection de l’intérêt en cause, il n’en
demeure pas moins que ce pouvoir d’appréciation doit être exercé dans le respect des
obligations découlant du droit communautaire.
46. Si la réglementation en cause au principal correspond au niveau de protection de l’enfant
que le législateur allemand a entendu assurer sur le territoire de la République fédérale
d’Allemagne, encore faut-il que les moyens que celle-ci met en œuvre soient propres à
garantir la réalisation de cet objectif et qu’ils n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire
pour atteindre celui-ci.
47. Il ne fait aucun doute que l’interdiction de la vente et de la cession par correspondance de
vidéogrammes qui n’ont pas fait l’objet, par l’autorité compétente, d’un contrôle ainsi que
d’une classification aux fins de la protection des mineurs et qui ne comportent pas
d’indication, émanant de cette autorité, de l’âge à partir duquel ils peuvent être vus constitue
une mesure de nature à protéger l’enfant contre l’information et les matériels qui nuisent à son
bien-être.
48. Pour ce qui est de la portée matérielle de l’interdiction en cause, il convient de relever que
la loi sur la protection des mineurs ne s’oppose pas à toute forme de commercialisation de
vidéogrammes non contrôlés. En effet, il ressort de la décision de renvoi qu’il est loisible
d’importer et de vendre aux adultes de tels vidéogrammes par des canaux de distribution
impliquant un contact personnel entre le livreur et l’acheteur et permettant ainsi de veiller à ce
que les enfants n’aient pas accès à ces vidéogrammes. Eu égard à ces éléments, il apparaît que
la réglementation en cause au principal ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour
atteindre l’objectif poursuivi par l’État membre concerné.
49. Quant à la procédure de contrôle instaurée par le législateur national pour protéger
l’enfant contre l’information et les matériels qui nuisent à son bien-être, la seule circonstance
qu’un État membre a opté pour des modalités de protection différentes de celles adoptées par
un autre État membre ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation de la proportionnalité des
dispositions nationales prises en la matière. Celles-ci doivent seulement être appréciées au
regard de l’objectif en cause et du niveau de protection que l’État membre concerné entend
assurer (voir, par analogie, arrêts du 21 septembre 1999, Läärä e.a., C-124/97, Rec. p. I-6067,
point 36, et Omega, précité, point 38).
50. Toutefois, une telle procédure de contrôle doit être aisément accessible, doit pouvoir être
menée à terme dans des délais raisonnables et, si elle débouche sur un refus, la décision de

20
refus doit pouvoir faire l’objet d’un recours juridictionnel (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet
1992, Commission/France, C-344/90, Rec. p. I-4719, point 9, ainsi que du 5 février 2004,
Greenham et Abel, C-95/01, Rec. p. I-1333, point 35).
51. En l’occurrence, il semble ressortir des observations présentées par le gouvernement
allemand devant la Cour que la procédure de contrôle, de classification et de marquage de
vidéogrammes établie par la réglementation en cause au principal remplit les conditions citées
au point précédent. Cependant, il incombe à la juridiction de renvoi, qui est saisie de l’affaire
au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, de
vérifier si tel est le cas.
52. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux
questions posées que l’article 28 CE ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que
celle en cause au principal, qui interdit la vente et la cession par correspondance de
vidéogrammes qui n’ont pas fait l’objet, par l’autorité compétente, d’un contrôle ainsi que
d’une classification aux fins de la protection des mineurs et qui ne comportent pas
d’indication, émanant de cette autorité, de l’âge à partir duquel ils peuvent être vus, sauf s’il
apparaît que la procédure de contrôle, de classification et de marquage de vidéogrammes
établie par cette réglementation n’est pas aisément accessible ou ne peut pas être menée à
terme dans des délais raisonnables ou bien que la décision de refus ne peut pas faire l’objet
d’un recours juridictionnel.

(...) Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
L’article 28 CE ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au
principal, qui interdit la vente et la cession par correspondance de vidéogrammes qui n’ont
pas fait l’objet, par une autorité régionale supérieure ou un organisme national
d’autorégulation volontaire, d’un contrôle ainsi que d’une classification aux fins de la
protection des mineurs et qui ne comportent pas d’indication, émanant de cette autorité ou de
cet organisme, de l’âge à partir duquel ils peuvent être vus, sauf s’il apparaît que la procédure
de contrôle, de classification et de marquage de vidéogrammes établie par cette
réglementation n’est pas aisément accessible ou ne peut pas être menée à terme dans des
délais raisonnables ou bien que la décision de refus ne peut pas faire l’objet d’un recours
juridictionnel.

Document 12 : CJUE, 14 juin 2018, Aff. C-169/17, Asociación Nacional de Productores


de Ganado Porcino contre Administración del Estado. (extraits)
(...)
Le litige au principal et les questions préjudicielles
11 Le décret royal 4/2014 a fait l’objet d’un recours contentieux administratif ordinaire
introduit par l’association devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Supremo (Cour
suprême, Espagne).
12 Au soutien de ce recours, l’association fait valoir que le décret en cause provoque une
distorsion de la concurrence au niveau de l’Union en imposant une augmentation des coûts de
production du porc ibérique en Espagne. Ainsi, l’association considère que cette
réglementation constitue une restriction quantitative aux exportations contraire à l’article 35
TFUE, étant donné que les producteurs concurrents, établis dans d’autres États membres, ne
doivent pas supporter de coûts engendrés par une mesure telle que celle imposée par le
gouvernement espagnol.
13 En outre, l’association fait valoir devant la juridiction de renvoi que le décret royal 4/2014
viole l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/120, lu en combinaison avec
l’article 12 de cette même directive, dès lors que les mesures introduites par ce décret ne
visent pas à protéger les porcs, mais ont comme objectif l’augmentation du prix du porc

21
ibérique.
14 Par ailleurs, l’association soutient que l’objectif d’augmentation de la qualité des produits,
expressément visé par le décret royal 4/2014, ne peut pas être atteint par les mesures
envisagées par celui-ci, dans la mesure où, d’une part, il n’est pas établi que le doublement de
la superficie totale minimale d’espace libre par animal augmentera la qualité du porc et,
d’autre part, la fixation de l’âge minimum pour l’abattage à dix mois, alors que le poids
optimal pour l’abattage des porcs est atteint autour de huit mois environ, aura pour effet que
seront offerts à la vente des produits présentant un poids trop élevé, qui n’auront pas de
débouchés sur le marché et pour lesquels il ne sera pas possible d’obtenir une augmentation
du prix proportionnelle à l’augmentation du poids.
15 La juridiction de renvoi estime que les producteurs espagnols de produits portant la
dénomination « ibérico de cebo » sont désavantagés par rapport aux autres producteurs de
l’Union, dans la mesure où ils doivent supporter des coûts de production plus élevés que ces
derniers. En outre, les producteurs de l’Union seraient découragés d’exporter leurs produits
vers l’Espagne, dès lors qu’ils ne peuvent pas se voir attribuer ladite dénomination pour leurs
produits, ceux-ci n’ayant pas été obtenus à partir de porc élevé conformément aux conditions
établies par le décret royal 4/2014. Toutefois, elle admet que, en vertu de la troisième
disposition additionnelle de ce décret, l’Espagne sera tenue d’admettre la commercialisation,
sur son territoire, de produits portant des dénominations similaires, semblables ou identiques
provenant d’autres États membres, même s’ils n’ont pas été élaborés conformément aux
exigences dudit décret, à condition qu’ils respectent les normes de qualité propres à ces autres
États membres.
16 En outre, la juridiction de renvoi émet des doutes quant au fait que la directive 2008/120
constitue une base juridique valable pour le décret royal 4/2014, dans la mesure où l’article 12
de cette directive permet l’adoption de mesures nationales plus strictes, uniquement
lorsqu’elles tendent à une meilleure protection des animaux, alors que ledit décret vise non
pas la protection des porcs, mais l’amélioration de la qualité des produits. En tout état de
cause, la juridiction de renvoi doute de la compatibilité dudit décret avec l’article 12 de la
directive 2008/120, dès lors que ce dernier article permet des mesures nationales plus
restrictives, seulement applicables sur le territoire national.
17 Dans ces conditions, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et
de poser les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les articles 34 et 35 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une
règle nationale, telle que l’article 8, paragraphe 1, du [décret royal 4/2014], qui subordonne
l’utilisation du terme “ibérico” pour les produits préparés ou commercialisés en Espagne à la
condition que les éleveurs de porcs de race ibérique pratiquant un système d’élevage intensif
(de porcs) augmentent, en la faisant passer à 2 m2, la superficie totale minimale d’espace libre
par animal vivant de plus de 110 kg, bien qu’il ressorte – le cas échéant – que l’objectif de la
règle soit d’améliorer la qualité des produits concernés ?
2) L’article 3, paragraphe 1, sous a), de la [directive 2008/120], lu en combinaison avec
l’article 12 de cette même directive, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle
nationale, telle que l’article 8, paragraphe 1, du décret royal 4/2014, qui subordonne
l’utilisation du terme “ibérico” pour les produits élaborés ou commercialisés en Espagne à la
condition que les éleveurs de porcs de race ibérique pratiquant un système d’élevage intensif
(de porcs) augmentent, en la faisant passer à 2 m2, la superficie totale minimale d’espace libre
par animal vivant de plus de 110 kg, bien que l’objectif de la règle nationale soit d’améliorer
la qualité des produits et qu’elle ne vise pas spécifiquement à améliorer la protection des
porcs ?
En cas de réponse négative à la question précédente, l’article 12 de la directive [2008/120], lu
en combinaison avec les articles 34 et 35 TFUE, doit-il être interprété en ce sens qu’il

22
s’oppose à une règle nationale, telle que l’article 8, paragraphe 1, du décret royal 4/2014, qui
exige des producteurs des autres États membres, dans l’objectif d’améliorer la qualité des
produits préparés et commercialisés en Espagne – et non la protection des porcs –, qu’ils
respectent les mêmes conditions d’élevage des animaux que celles qui sont exigées des
producteurs espagnols pour que les produits issus de leurs porcs puissent bénéficier des
dénominations de vente régies par ledit décret ?
3) Les articles 34 et 35 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une
règle nationale, telle que l’article 8, paragraphe 2, du [décret royal 4/2014], qui impose, dans
le but d’améliorer la qualité desdits produits, un âge minimum d’abattage de 10 mois pour les
porcs à partir desquels sont élaborés les produits de la catégorie “de cebo” ? »
Sur les questions préjudiciellesSur les première et troisième questions18 Par ses première et
troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la
juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 34 et 35 TFUE doivent être
interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en
cause au principal, prévoyant que la dénomination de vente « ibérico de cebo » ne peut être
attribuée qu’aux produits obéissant à certaines conditions imposées par ladite réglementation.
Sur l’article 34 TFUE
(...)21 D’autre part, il y a lieu de relever que toute mesure nationale susceptible d’entraver
directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce au sein de
l’Union doit être considérée comme une mesure d’effet équivalent à des restrictions
quantitatives au sens de l’article 34 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2012, Elenca,
C 385/10, EU:C:2012:634, point 22 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 octobre 2015,
Capoda Import-Export, C 354/14, EU:C:2015:658, point 39 et jurisprudence citée).
22 Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que cette disposition a vocation à
s’appliquer non seulement aux effets actuels, mais également aux effets potentiels d’une
réglementation. Elle ne peut être écartée pour le motif qu’il n’existe jusqu’à présent aucun cas
concret présentant un lien avec un autre État membre (arrêt du 22 octobre 1998,
Commission/France, C 184/96, EU:C:1998:495, point 17 et jurisprudence citée).
23 Partant, il y a lieu de considérer que la question de savoir si l’article 34 TFUE s’oppose à
une réglementation nationale telle que le décret royal 4/2014 est pertinente pour la solution du
litige au principal, de telle sorte qu’il y a lieu d’y répondre.
24 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’une législation
nationale soumettant des marchandises en provenance d’autres États membres, où elles sont
légalement fabriquées et commercialisées, à certaines conditions pour pouvoir utiliser la
dénomination générique communément utilisée pour ce produit et imposant ainsi, le cas
échéant, aux producteurs l’utilisation de dénominations inconnues ou moins appréciées par le
consommateur n’exclut certes pas, de façon absolue, l’importation dans l’État membre
concerné de produits originaires d’autres États membres. Elle est néanmoins susceptible de
rendre leur commercialisation plus difficile et, par conséquent, d’entraver les échanges entre
les États membres (arrêt du 5 décembre 2000, Guimont, C 448/98, EU:C:2000:663, point 26
et jurisprudence citée).
25 Or, en l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour, d’une part, que la
réglementation nationale en cause au principal ne porte pas sur une dénomination générique
communément utilisée sur le territoire de l’Union et, d’autre part, que cette réglementation ne
contient pas d’interdictions d’importation ou de vente des produits issus du porc ibérique sous
des dénominations autres que celles prévues par ladite réglementation.
26 En effet, la réglementation en cause au principal contient une disposition, interprétée par la
juridiction de renvoi en ce sens que les produits issus du porc ibérique et élaborés
conformément aux règles applicables dans d’autres États membres de l’Union sous des
dénominations semblables, similaires ou identiques à celles contenues dans le décret royal

23
4/2014 peuvent être importés et commercialisés sur le marché espagnol sous de telles
dénominations, alors même qu’ils ne satisfont pas totalement aux exigences prévues par ce
décret. Cette disposition ainsi interprétée garantit que la réglementation nationale en cause au
principal ne constitue pas une entrave au commerce interétatique (voir, a contrario, l’arrêt du
22 octobre 1998, Commission/France, C 184/96, EU:C:1998:495).
27 En outre, ainsi que le rappelle la Commission, la législation de l’Union manifeste une
tendance générale à la mise en valeur de la qualité des produits dans le cadre de la politique
agricole commune, afin de favoriser la réputation desdits produits (voir, en ce sens, arrêt du
16 mai 2000, Belgique/Espagne, C 388/95, EU:C:2000:244, point 53, et du 8 septembre 2009,
Budějovický Budvar, C 478/07, EU:C:2009:521, point 109).
28 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que l’article 34 TFUE s’oppose à une
réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant que la dénomination
de vente « iberico de cebo » ne peut être attribuée qu’aux produits obéissant à certaines
conditions imposées par cette réglementation nationale, dès lors que cette dernière permet
l’importation et la commercialisation des produits en provenance d’États membres autres que
celui ayant adopté ladite réglementation nationale, sous les dénominations qu’ils portent selon
la réglementation de l’État membre de leur origine, même si elles sont semblables, similaires
ou identiques aux dénominations prévues par la réglementation nationale en cause au
principal.

Sur l’article 35 TFUE


29 Il est constant qu’une mesure nationale applicable à tous les opérateurs agissant sur le
territoire national qui affecte en fait davantage la sortie des produits du marché de l’État
membre d’exportation que la commercialisation des produits sur le marché national dudit État
membre relève de l’interdiction énoncée à l’article 35 TFUE (arrêt du 21 juin 2016, New
Valmar, C 15/15, EU:C:2016:464, point 36 et jurisprudence citée).
30 En l’occurrence, il convient de relever que la réglementation en cause au principal n’opère
pas de distinction entre les produits destinés à être vendus sur le marché national, d’une part,
et les produits destinés pour le marché de l’Union, d’autre part. En effet, tous les producteurs
espagnols qui souhaitent vendre leurs produits issus du porc ibérique sous les dénominations
de vente établies par le décret royal 4/2014 sont tenus de respecter les exigences dudit décret,
indépendamment du marché sur lequel ils désirent vendre leurs produits.
31 Partant, il y a lieu de constater que l’article 35 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation
nationale telle que le décret royal 4/2014.

Sur la deuxième question


32 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3,
paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/120, lu en combinaison avec l’article 12 de celle-
ci, s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui
subordonne l’utilisation de certaines dénominations de vente pour les produits issus du porc
ibérique élaborés ou commercialisés en Espagne au respect, par les producteurs, de conditions
d’élevage du porc ibérique plus strictes que celles prévues à cet article 3, paragraphe 1, sous
a), et un âge minimum d’abattage de dix mois.
33 Pour répondre à cette question, il y a lieu de relever que l’objectif de la directive 2008/120,
ainsi qu’il ressort de son article 1er, est l’établissement des normes minimales relatives à la
protection des porcs confinés à des fins d’élevage et d’engraissement. Ces normes visent,
selon le considérant 7 de cette directive, à assurer la protection des porcs d’élevage et
d’engraissement pour garantir le développement rationnel de la production. À cette fin, ainsi
qu’il ressort du considérant 8 de cette même directive, celle-ci prévoit diverses règles tendant,
notamment, à assurer que les porcs disposent d’un environnement correspondant à leur besoin

24
d’exercice et à leur nature d’animal fouisseur.
34 Or, il y a lieu de relever que la réglementation nationale en cause au principal a pour
objectif non pas la protection des porcs, mais l’amélioration de la qualité des produits, de telle
sorte qu’elle ne relève pas du champ d’application de la directive 2008/120.
35 Toutefois, en augmentant les minima tant de la surface au sol dont les porcs doivent
disposer que de l’âge d’abattage, cette réglementation n’est pas susceptible de nuire au bien-
être des animaux et n’est donc pas incompatible avec ladite directive.
36 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 3,
paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/120, lu en combinaison avec l’article 12 de celle-
ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle
que celle en cause au principal, qui subordonne l’utilisation de certaines dénominations de
vente pour les produits issus du porc ibérique élaborés ou commercialisés en Espagne au
respect, par les producteurs, de conditions d’élevage du porc ibérique plus strictes que celles
prévues à cet article 3, paragraphe 1, sous a), et un âge minimum d’abattage de dix mois.
Sur les dépens (...)Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :1) Les articles 34
et 35 TFUE doivent être interprétés en ce sens que :
— l’article 34 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause
au principal, prévoyant que la dénomination de vente « iberico de cebo » ne peut être attribuée
qu’aux produits obéissant à certaines conditions imposées par cette réglementation nationale,
dès lors que cette dernière permet l’importation et la commercialisation des produits en
provenance d’États membres autres que celui ayant adopté ladite réglementation nationale,
sous les dénominations qu’ils portent selon la réglementation de l’État membre de leur
origine, même si elles sont semblables, similaires ou identiques aux dénominations prévues
par la réglementation nationale en cause au principal.
— l’article 35 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle en cause
au principal.
2) L’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/120 du Conseil, du 18 décembre
2008, établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs, lu en combinaison
avec l’article 12 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une
réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui subordonne l’utilisation de
certaines dénominations de vente pour les produits issus du porc ibérique élaborés ou
commercialisés en Espagne au respect, par les producteurs, de conditions d’élevage du porc
ibérique plus strictes que celles prévues à cet article 3, paragraphe 1, sous a), et un âge
minimum d’abattage de dix mois.

Document 13 : CJUE, 19 novembre 2020, B S et C A c. Ministère public et Conseil


national de l’ordre des pharmaciens, Aff. C-663/18

 Le litige au principal et la question préjudicielle


28      B S et C A sont les anciens dirigeants de Catlab SAS, une société créée en 2014 pour la
commercialisation du Kanavape, de kits alpha-cat pour analyser la qualité du cannabidiol
(CBD) et de l’huile de chanvre. Le Kanavape est une cigarette électronique dont le liquide
contient du CBD, dont la distribution devait s’effectuer par Internet et un réseau de vendeurs
de cigarettes électroniques. Le CBD est généralement extrait du « cannabis sativa » ou
« chanvre » dans la mesure où cette variété en contient naturellement un taux élevé, comme
elle contient un faible taux de tétrahydrocannabinol (ci-après le « THC »).
29      Le CBD utilisé dans le Kanavape a été produit en République tchèque en utilisant la
plante de cannabis sativa dans son intégralité, laquelle avait également été cultivée sur place.
Il a été importé en France par Catlab qui l’a conditionné dans des cartouches de cigarettes
électroniques.

25
30      À la suite d’une campagne de communication pour promouvoir le lancement du
Kanavape conduite par Catlab en 2014, une enquête a été ouverte et l’Agence nationale de
sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a été saisie.
31      Le laboratoire de l’ANSM a analysé des cartouches de Kanavape présentes sur le
marché et, si des écarts notables avaient pu être constatés quant à la teneur en CBD de ces
cartouches, le taux de THC présent dans les produits examinés était toujours inférieur au seuil
légalement autorisé. Au mois de juillet 2016, à la suite de la réunion de sa commission des
stupéfiants et des psychotropes, l’ANSM a fait savoir qu’elle ne considérait pas le Kanavape
comme un « médicament ».
32      Par un jugement du 8 janvier 2018, le tribunal correctionnel de Marseille (France), a,
notamment, déclaré B S et C A coupables de plusieurs chefs d’infraction, dont des chefs
d’infraction à la législation relative aux substances vénéneuses. Les requérants au principal
ont été condamnés, respectivement, à 18 et à 15 mois d’emprisonnement avec sursis ainsi
qu’à 10 000 euros d’amende chacun. Sur le plan civil, ils ont été condamnés solidairement à
payer 5 000 euros en réparation du préjudice subi par le Conseil national de l’ordre des
pharmaciens (CNOP) et 600 euros en application du code de procédure pénale.
33      Les requérants au principal ont interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel
d’Aix-en-Provence (France), respectivement le 11 et le 12 janvier 2018. Devant la juridiction
de renvoi, ils soutiennent, en particulier, que l’interdiction de la commercialisation du CBD
issu de la plante de cannabis sativa dans son intégralité est contraire au droit de l’Union.
34      La juridiction de renvoi explique que le CBD n’apparaît pas avoir des « effets
psychoactifs reconnus ». En effet, elle note que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a,
dans un rapport de l’année 2017, recommandé de le retirer de la liste des produits dopants,
que le CBD n’est pas répertorié en tant que tel par la convention unique, que l’ANSM a
conclu, le 25 juin 2015, à l’absence de données suffisantes pour le classer comme étant
« nocif » et, enfin, que l’expert désigné dans le cadre de l’enquête pénale qui a donné lieu aux
poursuites engagées contre les requérants au principal a conclu qu’il avait un « effet sur le
système nerveux central faible ou nul ». En outre, le CBD n’est expressément visé ni dans les
textes qui ont vocation à s’appliquer au chanvre industriel ni dans ceux relatifs au cannabis
stupéfiant.
35      Néanmoins, dès lors que le CBD présent dans le Kanavape est issu de la plante de
cannabis sativa dans son intégralité, celui-ci doit être considéré comme un produit issu des
parties de cette plante autres que les graines et les fibres, dont la commercialisation, selon
l’article 1er de l’arrêté du 22 août 1990, tel qu’interprété par la circulaire du 23 juillet 2018,
n’est pas autorisée.
36      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité de cette
disposition avec le droit de l’Union, considérant que le « chanvre (cannabis sativa) brut, roui,
teillé, peigné ou autrement traité mais non filé ; étoupes et déchets (y compris effilochés) »
figure dans le chapitre 57 de la nomenclature du SH à laquelle il est fait référence à l’annexe I
des traités et que, par conséquent, il devrait être considéré comme un produit agricole, au sens
de l’article 38 TFUE, qui met en place un marché intérieur fondé sur la libre circulation des
marchandises.
37      Il lui semble que, dans la mesure où le taux de THC dans le chanvre commercialisé
légalement dans les autres États membres est inférieur à 0,2 %, comme c’est le cas dans
l’affaire au principal, le CBD ne peut être qualifié de « stupéfiant ». En effet, selon les arrêts
du 26 octobre 1982, Wolf (221/81, EU:C:1982:363), ainsi que du 28 mars 1995, Evans
Medical et Macfarlan Smith (C-324/93, EU:C:1995:84), seul le produit dont la nocivité est
démontrée ou généralement reconnue et dont l’importation et la commercialisation est
interdite dans tous les États membres peut revêtir une telle qualification.
[…]

26
43      Dans ces conditions, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a décidé de surseoir à statuer et
de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« [L]es règlements nos 1307/2013 et 1308/2013, ainsi que le principe de libre circulation des
marchandises, doivent-ils être interprétés de telle sorte que les dispositions dérogatoires
instituées par l’arrêté du 22 août 1990 édictent, en limitant la culture du chanvre, son
industrialisation et sa commercialisation, aux seules fibres et graines, une restriction non
conforme au droit [de l’Union] ? »

 Sur la question préjudicielle


44      Si la juridiction de renvoi vise, dans le libellé de sa question, la limitation de « la
culture du chanvre, son industrialisation et sa commercialisation, aux seules fibres et
graines », il ressort de ses propres explications que la question posée ne saurait présenter une
pertinence pour l’affaire au principal qu’en tant qu’elle vise la conformité au droit de l’Union
d’une réglementation nationale qui interdit la commercialisation du CBD lorsque celui-ci est
extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et
graines.
45      Il y a, dès lors, lieu de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande,
en substance, si les règlements nos 1307/2013 et 1308/2013 ainsi que les articles 34 et
36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règlementation nationale
dans la mesure où elle interdit la commercialisation du CBD lorsque celui-ci est extrait de la
plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines.
[…]
  Sur l’interprétation des articles 34 et 36 TFUE
59      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la nocivité des stupéfiants, y compris ceux à
base de chanvre, tels que le cannabis, étant généralement reconnue, leur commercialisation est
interdite dans tous les États membres, exception faite d’un commerce strictement contrôlé en
vue d’une utilisation à des fins médicales et scientifiques (arrêt du 16 décembre 2010,
Josemans, C-137/09, EU:C:2010:774, point 36).
60      Cette situation juridique est conforme à différents instruments internationaux auxquels
les États membres ont coopéré ou adhéré, tels que la convention unique et la convention sur
les substances psychotropes. Les mesures prévues par celles-ci ont, par la suite, été renforcées
et complétées par la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes, conclue à Vienne le 20 décembre 1988 (Recueil des traités des
Nations unies, vol. 1582, no 1-27627), à laquelle tous les États membres ainsi que l’Union
sont parties. Ladite situation juridique est également justifiée au regard du droit de l’Union et,
plus particulièrement de la décision-cadre 2004/757 et de l’article 71, paragraphe 1, de la
convention d’application de l’accord de Schengen (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre
2010, Josemans, C-137/09, EU:C:2010:774, points 37 à 40).
61      Il en résulte que les stupéfiants qui ne se trouvent pas dans un circuit strictement
surveillé par les autorités compétentes en vue d’être utilisés à des fins médicales et
scientifiques relèvent, par leur nature même, d’une interdiction d’importation et de mise en
vente sur le territoire de tous les États membres (arrêt du 16 décembre 2010, Josemans,
C-137/09, EU:C:2010:774, point 41).
62      L’introduction de stupéfiants qui ne relèvent pas d’un tel circuit strictement surveillé,
dans le circuit économique et commercial de l’Union, étant interdite, des personnes qui
commercialisent ces produits ne sauraient se prévaloir de l’application des libertés de
circulation ou du principe de non-discrimination, en ce qui concerne l’activité consistant en la
commercialisation de cannabis (arrêt du 16 décembre 2010, Josemans, C-137/09,
EU:C:2010:774, point 42).

27
63      Il convient, dès lors, de déterminer si le CBD en cause au principal constitue un
stupéfiant, au sens de la jurisprudence citée aux points 59 à 62 du présent arrêt.
64      À cet égard, il convient de relever que cette substance n’est pas visée par la convention
sur les substances psychotropes ni par l’action commune 97/396, auxquelles il est fait
référence à l’article 1er, point 1, sous b), de la décision-cadre 2004/757.
65      Ainsi, il convient de déterminer si le CBD en cause au principal est visé par la
convention unique à laquelle il est fait référence à l’article 1er, point 1, sous a), de la
décision-cadre 2004/757 et qui est également visée à l’article 71, paragraphe 1, de la
convention d’application de l’accord de Schengen.
66      S’agissant de l’interprétation d’une convention internationale, telle que la convention
unique, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, un traité
international doit être interprété en fonction des termes dans lesquels il est rédigé ainsi qu’à la
lumière de ses objectifs. Les articles 31 de la convention de Vienne, du 23 mai 1969, sur le
droit des traités (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331), et, de la convention
de Vienne, du 21 mars 1986, sur le droit des traités entre États et organisations internationales
ou entre organisations internationales (Documents officiels de la Conférence des Nations
unies sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre
organisations internationales, vol. II, p. 91), qui expriment en ce sens le droit international
général coutumier, précisent, à cet égard, qu’un traité doit être interprété de bonne foi, suivant
le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet et de
son but (voir, en ce sens, arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C-344/04,
EU:C:2006:10, point 40).
67      Il résulte du préambule de la convention unique que les parties se déclarent, notamment,
soucieuses de la santé physique et morale de l’humanité ainsi que conscientes du devoir qui
leur incombe de prévenir et de combattre la toxicomanie.
68      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, sous j), de la convention unique, le terme
« stupéfiant » désigne toute substance des tableaux I et II de cette convention, qu’elle soit
naturelle ou synthétique. Figurent au tableau I de ladite convention, notamment, le cannabis,
la résine de cannabis ainsi que les extraits et teintures de cannabis.
69      En outre, les termes « cannabis » et « plante de cannabis » sont définis à l’article 1er,
paragraphe 1, sous b) et c), de la convention unique, respectivement, comme « les sommités
florifères ou fructifères de la plante de cannabis (à l’exclusion des graines et des feuilles qui
ne sont pas accompagnées des sommités) dont la résine n’a pas été extraite, quelle que soit
leur application », et comme « toute plante du genre cannabis ».
70      En l’occurrence, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que le CBD en
cause au principal est extrait de la plante cannabis sativa dans son intégralité et non pas,
seulement, des graines et des feuilles de cette plante à l’exclusion de ses sommités florifères
ou fructifères.
71      Dans ces conditions, il est vrai qu’une interprétation littérale des dispositions de la
convention unique pourrait induire la conclusion que, en tant que le CBD est extrait d’une
plante du genre cannabis et que cette plante est utilisée dans son intégralité, y compris ses
sommités florifères ou fructifères, celui-ci constitue un extrait de cannabis, au sens du
tableau I de cette convention et, par conséquent, un « stupéfiant », au sens de l’article 1er,
paragraphe 1, sous j), de ladite convention.
72      Toutefois, il importe de relever qu’il découle des éléments du dossier dont dispose la
Cour et qui sont résumés au point 34 du présent arrêt que le CBD en cause au principal
n’apparaît pas avoir d’effet psychotrope et d’effet nocif sur la santé humaine sur la base des
données scientifiques disponibles. D’ailleurs, selon ces éléments du dossier, la variété de
cannabis dont cette substance a été extraite, qui a été légalement cultivée en République
tchèque, a une teneur en THC n’excédant pas 0,2 %.

28
73      Or, ainsi qu’il ressort du point 67 du présent arrêt, la convention unique est fondée,
notamment, sur un but de protection de la santé physique et morale de l’humanité. Il convient,
par conséquent, de tenir compte de ce but dans l’interprétation des dispositions de cette
convention.
74      Une telle approche s’impose d’autant plus qu’une lecture des commentaires sur la
convention unique publiés par l’Organisation des nations unies  afférents à la définition du
« cannabis » aux fins de cette convention induit la conclusion que, eu égard au but et à l’esprit
général de ladite convention, cette définition est intrinsèquement liée à l’état de la
connaissance scientifique quant à la nocivité des produits dérivés du cannabis sur la santé
humaine. À titre d’illustration, il ressort, ainsi, en particulier, de ces commentaires que
l’exclusion de la définition du cannabis, figurant à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la
même convention, des sommités florifères ou fructifères dont la résine a été extraite était
justifiée par la circonstance que ces sommités ne contiennent qu’une quantité tout à fait
négligeable du principe psychoactif.
75      Au vu de ces éléments, qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il y a lieu
de considérer que, le CBD ne comportant pas de principe psychoactif en l’état actuel des
connaissances scientifiques rappelées au point 34 du présent arrêt, il serait contraire au but et
à l’esprit général de la convention unique d’inclure celui-ci dans la définition des
« stupéfiants », au sens de cette convention, en tant qu’extrait de cannabis.
76      Il s’ensuit que le CBD en cause au principal ne constitue pas un stupéfiant, au sens de la
convention unique.
77      Par ailleurs, il importe encore d’ajouter que, ainsi que la Commission l’a également
relevé, le CBD en cause au principal a été légalement produit et commercialisé en République
tchèque.
78      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que
les articles 34 et 36 TFUE sont applicables au CBD en cause au principal.
79      À cet égard, il convient de rappeler que la libre circulation des marchandises entre les
États membres est un principe fondamental du traité FUE qui trouve son expression dans
l’interdiction, énoncée à l’article 34 TFUE, des restrictions quantitatives à l’importation entre
les États membres ainsi que de toutes mesures d’effet équivalent (arrêt du 18 juin 2019,
Autriche/Allemagne, C-591/17, EU:C:2019:504, point 119).
80      Selon une jurisprudence constante, l’interdiction des mesures d’effet équivalent à des
restrictions quantitatives à l’importation édictée à l’article 34 TFUE vise toute mesure des
États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou
potentiellement, le commerce à l’intérieur de l’Union (arrêt du 18 juin 2019,
Autriche/Allemagne, C-591/17, EU:C:2019:504, point 120).
81      Par ailleurs, une mesure, même si elle n’a ni pour objet ni pour effet de traiter moins
favorablement des produits en provenance d’autres États membres, relève également de la
notion de « mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives », au sens de
l’article 34 TFUE, si elle entrave l’accès au marché d’un État membre des produits originaires
d’autres États membres (arrêt du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne, C-591/17,
EU:C:2019:504, point 121).
82      En l’occurrence, il n’est pas contesté que l’interdiction de commercialiser le CBD
légalement produit dans un autre État membre, lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis
sativa dans son intégralité, et non de ses seules fibres et graines, constitue une mesure d’effet
équivalent à des restrictions quantitatives, au sens de l’article 34 TFUE.
83      Cependant, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une telle mesure peut être
justifiée par l’une des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 TFUE ou par des
exigences impératives. Dans l’un et l’autre cas, la disposition nationale doit être propre à
garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire

29
pour qu’il soit atteint (arrêt du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne, C-591/17, EU:C:2019:504,
point 122).
84      Par ailleurs, une mesure restrictive ne saurait être considérée comme propre à garantir
la réalisation de l’objectif recherché que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre
d’une manière cohérente et systématique (arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky
Association e.a., C-333/14, EU:C:2015:845, point 37).
85      Dans la mesure où la République française fait valoir que sa réglementation interdisant
la commercialisation des produits issus des parties de la plante de cannabis autres que ses
fibres et graines vise la protection de la santé publique figurant à l’article 36 TFUE, il y a lieu
de rappeler que la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et les
intérêts protégés par le traité FUE et qu’il appartient aux États membres de décider du niveau
auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique ainsi que de la manière dont ce
niveau doit être atteint. Celui-ci pouvant varier d’un État membre à l’autre, il convient de
reconnaître aux États membres une marge d’appréciation (arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche
Parkinson Vereinigung, C-148/15, EU:C:2016:776, point 30).
86      Un tel pouvoir d’appréciation relatif à la protection de la santé publique est
particulièrement important lorsqu’il est démontré que des incertitudes subsistent en l’état
actuel de la recherche scientifique quant à certaines substances utilisées par les
consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France, C-333/08,
EU:C:2010:44, point 86).
87      L’article 36 TFUE prévoyant une exception, d’interprétation stricte, à la libre
circulation des marchandises à l’intérieur de l’Union, il incombe aux autorités nationales qui
l’invoquent de démontrer dans chaque cas d’espèce, compte tenu des résultats de la recherche
scientifique internationale, que leur réglementation est nécessaire pour protéger effectivement
les intérêts visés à cette disposition et, notamment, que la commercialisation des produits en
question présente un risque réel pour la santé publique qui doit être évalué d’une manière
approfondie (arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France, C-333/08, EU:C:2010:44,
points 87 et 88).
88      Une décision d’interdire la commercialisation, qui constitue, d’ailleurs, l’entrave la plus
restrictive aux échanges concernant les produits légalement fabriqués et commercialisés dans
d’autres États membres, ne saurait être adoptée que si le risque réel allégué pour la santé
publique apparaît comme suffisamment établi sur la base des données scientifiques les plus
récentes qui sont disponibles à la date de l’adoption d’une telle décision. Dans un tel contexte,
l’évaluation du risque que l’État membre est tenu d’effectuer a pour objet l’appréciation du
degré de probabilité des effets néfastes de l’emploi des produits interdits pour la santé
humaine et de la gravité de ces effets potentiels (arrêt du 28 janvier 2010,
Commission/France, C-333/08, EU:C:2010:44, point 89).
89      En exerçant leur pouvoir d’appréciation relatif à la protection de la santé publique, les
États membres doivent respecter le principe de proportionnalité. Les moyens qu’ils
choisissent doivent par conséquent être limités à ce qui est effectivement nécessaire pour
assurer la sauvegarde de la santé publique, ils doivent être proportionnés à l’objectif ainsi
poursuivi, lequel n’aurait pas pu être atteint par des mesures restreignant d’une manière
moindre les échanges intracommunautaires (arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France,
C-333/08, EU:C:2010:44, point 90).
90      Certes, l’évaluation que l’État membre est tenu d’effectuer pourrait révéler un grand
degré d’incertitude scientifique et pratique à cet égard. Une telle incertitude, indissociable de
la notion de précaution, influe sur l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’État membre et se
répercute ainsi sur les modalités d’application du principe de proportionnalité. Dans de telles
circonstances, il doit être admis qu’un État membre peut, en vertu du principe de précaution,
prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces

30
risques soient pleinement démontrées. Toutefois, l’évaluation du risque ne peut se fonder sur
des considérations purement hypothétiques (arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France,
C-333/08, EU:C:2010:44, point 91).
91      Une application correcte du principe de précaution présuppose, en premier lieu,
l’identification des conséquences potentiellement négatives pour la santé de l’utilisation
proposée du produit dont la commercialisation est interdite et, en second lieu, une évaluation
compréhensive du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les
plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale (arrêt du 28 janvier
2010, Commission/France, C-333/08, EU:C:2010:44, point 92).
92      Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du
risque allégué en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats
des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste
dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de
mesures restrictives, sous réserve qu’elles soient non discriminatoires et objectives (arrêt du
28 janvier 2010, Commission/France, C-333/08, EU:C:2010:44, point 93).
93      Certes, c’est au regard de la jurisprudence citée aux points 83 à 92 du présent arrêt qu’il
appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si l’interdiction de commercialiser le CDB
légalement produit dans un autre État membre, lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis
sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines, est propre à garantir la
réalisation de l’objectif de la protection de la santé publique et ne va pas au-delà de ce qui est
nécessaire pour qu’il soit atteint. Toutefois, il incombe à la Cour de lui fournir toutes les
indications nécessaires afin de la guider dans cette appréciation.
94      En ce qui concerne l’appréciation de la question de savoir si cette interdiction est propre
à garantir la réalisation de l’objectif de la protection de la santé publique, il y a lieu de relever
qu’il est apparu, lors de l’audience, que ladite interdiction ne frapperait pas la
commercialisation du CBD de synthèse qui aurait les mêmes propriétés que le CBD extrait de
la plante de cannabis sativa dans son intégralité et qui pourrait être utilisé comme substitut à
ce dernier. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier cette circonstance qui, si elle était
avérée, serait de nature à indiquer que la réglementation au principal n’est pas propre à
atteindre, de manière cohérente et systématique, cet objectif.
95      S’agissant de la nécessité de l’interdiction de commercialiser le CBD lorsque ce dernier
est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et
graines, il convient d’indiquer que la République française n’est pas tenue de démontrer que
la propriété dangereuse d’un tel produit est identique à celle des stupéfiants tels que les
substances figurant aux tableaux I et II de la convention unique. Il n’en demeure pas moins
qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier les données scientifiques disponibles et
produites devant elle afin de s’assurer, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 88 à
92 du présent arrêt et compte tenu des considérations formulées au point 72 de cet arrêt, que
le risque réel allégué pour la santé publique n’apparaît pas comme étant fondé sur des
considérations purement hypothétiques.
96      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la
question posée que les articles 34 et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils
s’opposent à une réglementation nationale interdisant la commercialisation du CBD
légalement produit dans un autre État membre, lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis
sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines, à moins que cette
réglementation soit propre à garantir la réalisation de l’objectif de la protection de la santé
publique et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint. […]

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