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l.

LA VÉRITÉ

scepticisme »
« rultim e
La vérité comme régime d'interprétation

Dans la lettre qu'il adresse a Chanu t le 31 mars 1640,


Descartes avance une étrange opinion : « La connaissance
de la vérité est comme la saru.._Lde_fame : l01s_qu' on la
possede, on n'y pense P-lus. » Si l' erreur est caractérisée
pour l'auteur des Méditations métaphysiques par le fait
1
qu' « elle ne paratt pas comme telle », comme l' aptitude
a se dissimuler, a tromper, a se faire passer pour de la
vérité, cette derniere quant a elle ne serait-elle pas ce qui,
apeine reconnu, tend a se faire oublier ?
Certes, la formule de Descartes n'est peut-etre qu'une
hourade, une pointe ironique comme on en rencontre a
plusieurs reprises chez l' auteur des Méditations - mais si
l' on veut la prendre au sérieuxL ne nous i_ndiqu.e-t-elle
pas un trait qui fu.it probleme pour le philosophe et la
compréhension de la tache philosophique - le fuir qu'il y
aurait peut-etre un secret _antagonisIDC:.. entre la _véritu t
la pensée ? - cette pensée dont la philosophie se veut
traditionnellement I'exercice rigoureux, la pensée
consciente, claire et distincte, la pensée en acte, au rravail,

l. Rlponses aux cinquinnes objtctions, in CEuvm philosophú¡~


éd. F. Alquié, Paris, Garnicr, t. II, p. 795.
u\ PHILOSOPHIE DE L'ESPRir L
26 IB!l}:

celle qui expose au grand jour les rai~ons des choses, ceUe
qw. se eharge de débusquer les aportes det de ,.résoudre 1es
tensions apparentes qui nous p1ongent ans 1incenitude.
Peut-etre la formule ese-elle sans cons~quence chez
~es, mais de maniere inattendue, Ntettsche pourrait la
ºes-
reprendre a son compte mot pour mot, et y so~ e
entierement. Ce sont le sens de cette rencontre étonnante
et ses conséquences pour la compréhension du projet
philosophiqu~ q~e nous voudrions examiner dans les
remarques qw swvent.
Qu' en est-il done de ce lien déroutant entre la vérité
et l'oubli, que nous fait remarquer Descartes, et pourquoi
done l'auteur de Par-dela bien et mal pourrait-il se mon-
trer a cet égard, une fois n' est pas coutume, cartésien ?
La raison fondamentale pour laquelle Nietzsche pourrait
so~rire .ª. ce )ugement tient au fait que l' oubli n' est pas
l~ dispar1t1on de la chose pensée, de la chose que l'on
vient ~e se représenter un instant auparavant. Tout au
. . , a coté
contraire . de l' oubl'1 au sens psychologique banal,
ass1m1lé
~
ala distraction
fi . ou al' éclipse de consc1ence,. p hé-
nomcne super c1el, Nietzsche faite ce 'il
existe une autre fi d h n erret remarquer qu
orme u p énome 1
q uelque chose que l'on E_oSSCde cone : ne P us. ~ ?s~r-1
a
marque spécifique de l'inté . . . nst~ auss1 te~ a
....1( l'' .
1nconsc1ence et l'oubl1 en¡~uonsat1on --=· E_n d' autres termes,
se résentent bien lutot e~ -- ~ensio.!! fondamentale,
sencc effectiv~ de la chose en tne es résultats de la ré-
• e_ ~ d l -
tnse parrnte e a chose. Loubl' ~et- 8-l!!!Q_ut de la mai-
:,~
1
travail d'intériorisat ion apparait al cornrne résultat d'un
force : se_ul est véritablemen t actf{~c~rnrne un signe de
rair-on dire - ce qui a été rendu . eul CSt réel p _
. ,., l - ---.::.:~ tncon .1 our
désormais son ro e -ªvec u~ süreté é sc ent, et •
,. é , . . - -- r :gulat . Joue
une suret que n ane1nt_J ust~mel}t nres . rice pare..~
r_ qUe Jatn . ,~
- aisla Pen-
LA Vt.RIT~
27

sée co ns cie nte, cel le qu i pro ced e a co up s de démonstra-


vent sujette aux
tions, d'inférences, et qui est si sou
fonctionnclle ese
hésitations et aux faux pas. Cette sCireté
ou de la pulsion :
_pour Nietzsche le propre de l'instinct,
ctionnement par-
elle marque ce done on constate le fon
t san s av oir a y réfléc hir - et e' est bien pourquoi on
fai
le de la Iettre a
n'y pense plus, comme !'indique la formu
ou la chose se
Chanut, justement au moment meme
trouve en position de force maximale.
Les exemples de
Nietzsche, mais
ce phénomene sont innombrables chez
également attírer
d'autres penseurs ou écrivains ont su
n ave c éd at su r ce pa rad ox e ; on songe en parti-
1' att en tio
le duc de Guer-
culier a La Recherche du temps perdu, ou
nnage d'ancien
mantes, qui aspire a incarner un perso
son langage, rate
régime dans son attitude et jusque dans
de jouer ce role,
son effet lorsqu'il s'efforce consciemment
ba nt da ns la surch arg e, l' exc es, l' arc hai'sme oucré et
tom
rdant tour effet
artificiel, presque la caricature, et pe
ent le person-
convaincant, mais redevient instantaném 1
'il ces se d'y pe nser •
nage qu'il voudrait jouer lorsqu
e entrave bien
La pensée consciente constitue done un
processus intério-
plus qu' un guide efficace dans le cas des
bien relever de
risés. Et la mise en jeu des vérités pourrait
nt vérité, absolue ~
cette situation : la vérité n' est pleineme
. Mais en consé-
certitude, que lorsqu' elle est intéri orisée
na1tre que l'on
quence, on est alors contraint de recon
et rationalité.
aboutit a un curieux clivage entre vérité
est ce qui ren~
Linstinct, qui releve de l'infrarationneL
isque Nieczsche
possible, a titre dérivé, le rationnel, pu
« Fort peu Ancicn Régime
1. Proust, ú Cótl rk G~rmantts II :
le rcdcvenait cnsuite sans le
quand il s'e ffo r~t ainsi de l'ctre, le duc
II, p. 712).
vouloir » (Bibliotheque de la Pléiade, t.
RJ
LA PHIWSOPHIE DE L'ESP T lIBRf:
28

pc rt in en cc ,d '~ ~ ré du c? on généalogique de
monrre la le . O n se t la
éc consciente a l ac t1 v1 té pu Js 1o nn el rouve
pcns . é
d e : 1a v r1r , au é se ns J
done bien face a un para ox d o n t on ne ~ P
1
.Jds
e de vé ri té , se ra it ce
icio , J'idée mJ.m d é . bl . . -
no rce-
P m ~ ~ ~e ren re v ~Ita emen ~ ra
- J.a -- - ts on
me
ce de la vé nt é va de s0 1 - o u plurot est trai é
La perrinen 1: ..le m ode_d'~ ;
en qu dq ue so ~ e -, tu
comme allant de soi, ~i vinisée. <&_a
nt
1'
serte évidence in t? uc ha
lu
bl
s,
e,
ce
qu
so
as
nt
1r ne
le s raisons p our les-
~ quoi I on ne ré flé ch u
lé gí ti m it é de l'i dé e de vé rité. Mai ; si
quell ~-9n admet la de I'idée de vérité
bi en ce lle qu i co m m an
cctte logique est la pe ns ée , elle place
oi em en t de
et ses retombées pour Je dé pl
nt un e.a s de co ns ci en ce re doucable - lui
le philosophe deva ns 1'exercice de la
ra di ca l et ín tr an si ge an c da
qui se veuc i pr oc lame qu'il est
es tio nn em en t, lu i qu
réflexion et du qu
ní on s, cr oy an ces, intérers subjec-
pret arout sa cr ifier (o pi
n' es t- ell~ pas juste-
e de la vé ric é
tifs) ala vérité. Cen e ~é fe ns
ve face a la vérité
le ph ilo so ph e se cr ou
men!J'indice _q! l~
de s m orce~ qµ 'il
rio n qu e le co m m un
dans 1~ meme_jjgia différence éran r
oe P .2 S ~ .L Ju ~ riy ile ge a ce t ég ar d ? La
aá on n' es t qu e su rp re nante dans le
toutefo15 que~• la si ru
dakuse_dans le cas
ph ilo so ph e, el le de vi en t sc an
cas du n~n- nd re ~~ ·son
du nrem1er · ''l ose juscem en t_d e r_e
~ -Pl!!Sq_ui__se_prop exemp laire de
1s ée . O n tro uv e ic i un ca s
. P~ la ~1 •
t re
le~
ceécne sttua tto n de ,-1 : • •
Le so uv en
N' contra~ct1on 1oa- P--er~L ' s1
1
a
V h
par de•etzse e ~ e-i les philosophes : en l' oc
h cu rr en ce ,
position oi re en ce que J~ St
d
cc ux -c i se . ré ve le co nc ra di ct
- _ce__ tuq uel 1ls !r3:Ya.t·uen ~ invalide les moy en
4ll.Jcrvi
qy'il§ menen encruvre 1' · -re: cher - -la vérJ·té'
:-si la vé · é , _pour atte111_d ch er
- m ais t te ll ' su ltat d' un
nt n es en ta nt qu e ré
proces.sus d'inté · . . · e qu iámation échap,ne aUX
efforrs_ de la rtons nsat1on, sa l~ - - n ~a~ -al
-P.C éc e
dé nstrª-.tif. Un~fi :- º l!ss.!~te ec de so ·
lllQ ici cette
ots cncorc, Nie~ h c dénonce
E 29
LA ~R ITÉ
. 1 .
a amusante autotromp ene qui marque constamment la
ent la
e philosophie : la p~atique réelle des philosophes dém
s chéorie de leur act1on.
lo-
En d'autres termes, ce que I' on constate chez les phi
~ ~e
sophes, c' est bi~n le maintien sans faille, de l'~dé
Irre-
vérité, mais certrunement pas, en revanche, 1exerc1ce
prochable de la radicalité de la pensée. La preuve
en est
ée a
i que_la demande de ju.stificationJ1' e_sr_ jamais aw liqu
de la
hL_yéJjté elle-meme - la validité de la recherche
re,
vérité est acceptée par prin cipe : « Que 1'on conside
plus
s'agissant de cette question, les philoso~hies les.
ndre
anciennes et les plus récentes : aucune n a la mo1
me
conscience du degré auquel la volonté de vérité elle-me
ne de
requiert d' abord une justification, il y a la une lacu
2
toute philosophie - • »
1. Nietzsche utilise parfois le terme de Selbstüberlis
tung, en particu-
lier a propos de Socrate.
2. Généalogie de la mora/e, III, § 24. Voir aussi
Par-dela bien et
... ] cene impé-
mal, § l notamment, et le § 347 du Gai Savoir : « [
qui veut détenir
tueuse aspiration a la certitude [...], l'aspiration
tre, en raison de
qudque chose de maniere stable (alors qu'on se mon
lent pour ce qui
la chaleur de cette aspiration, plus souple et plus indo
de Nierzsche sont
est de la fondation de la cenitude) [...] ». Les textes
i-Montinari : Frie-
cités d'apres la versíon fran ~se de l'édition Coll
(París, Gallimard,
drích Nietzsche, CEuvres philosophiques completes
1968-1997), a l'exceptíon des textes suivants : Le Gai
Savoir, Par-dela
t Crépuscule des
~ien et mal, tléments pour la généalogie de la mora/e, e·
eccivement,
violes, que nous cítons dans notre propre traduction (resp
GF, 2000 ; París,
París, Flammaríon, GF, 1997 ; París, Flammaríon,
5), Ainsi parlait
Le Livre de Poche, 200 0; París, Flammarion, GF, 200
n de G.-A
ZArathoustra, que nous citons dans la craductio
Fragments pos-
Goldschmidt (París, Le Livre de Poche, 1972). Les
numéro du
thumes sont désignés par l'abréviation FP suivie soit du
tome. dans l'édicion Gallimard (de IX a XIV ) s'il
s'agit de volumes
cas contraire du
c.onsmués exdusivement de posthumes, soit dans le
tttre de l'reuvre qu'ils accompagnent.
LA PHILOSOPHIE DE L'ESPRIT L
30 IBR.E

e fait, du fait que l'on ne pense plus, dans le


De e · é, la rad'cal' · de feftcas
ise en J
·eu de la vént 1 1sat1on
de la m , ·u b'
de questionnement, pour ~e~ qu ?n vew e ~en 1'accom.
Ort

l. fait apparaw:_e_une séne


Pu, ,
1n~u1étante de d1fficultés d
di d ' e
questionL5WS_r~onse}.f ~t-a- re e présuepo~ g_e la
pilliquqihilfilop_hiqw: qui se prétend pourtant radicale
et dégagée de tout présu~posé. Passons brievement en
revue les principales questtons - elles sont au nombre de
cinq - que la philosophie ne se soucie pas de poser, et
que sa survie exige peut-etre meme d'éviter.
.( Comment se )ustifi~ en P-remier lieu, I'opposition du
vrai et du faux? Car avec elle, c'est toute notre représen-
tation dichotomique et exclusive de l'ensemble de la réa-
lité qui se trouve mise en jeu - bref le dualisme, ce rouage
fondamental, dont un examen plus détaillé montre qu'il
habite notre maniere de penser. Mais le dualisme est-il
bien le mode ~'e~re nécessaire de toute pensée ? Faut-iJ
ab~olum~n.t qu e~ste, un partage contradictoire, exdusif,
qw con~uonnerait l ensemble du monde et ferait qu'une
chose dott de toute nécessité etre blanche ou noire, . vrc:ue ";
ous·fausse,
l' bonne ou mauvaise,
, . llig1'bJe .:>
sensible ou 1nte
.1 blon comlmebn~ a repérer ce type de lacune e'est
vénta ement a 01te de Pandare 1, ·'
cette premiere interrog · que on entrouvre, et
auon en sus . al b'
d'aucres : a supposer mem c1tera ors 1en
e, par exempl . b'
Jégitime le clivage dichotomiq d e, que s01t 1en
ue e la éal. é ( .
drait comme une sorce de structure on r lt. qui vau-
7 mentale), r~ terai_tenc9re ª ·sav0 ~ 0 to~og1que fonda~
· faux, e'ese finalement la véritéqyj do~r~u2_i, gu vrai et du
encare (et sur ce point, il y au;ai/ t etre_privilégiéZ La
rapprocher ~ieczsche d~ Hume), chezsb d?ute lieu de
choses sont b1en plus vecues et senties philosophes les
.
en croít N1eczsc he: car l'on constate enquerrpensées, si 1''
e1ret u 00
ne véritable
31
LA %RIT~

nance instantanée pour l'erreur, une sorte d'hor reur


répu g . . . é d'
· tinctive qui s'abrite derr1ere son 1ntens1t pour se 11s-
ins ser d'interroger théoriquement. M ais · d e p us,
· une fc01S
a
~;~e articude n'est pas conforme l'idéal du philosophe
odam é et défendu envers et contr e tour par tous les
p~ilosophes jusqu'a présent : « La volonté de vérité, qui
~ous incitera encore par séduction a nous lancer dans
bien des entreprises risquées, cecee fameuse véracité done
cous les philosophes jusqu'a présent ont parlé avec res-
pece : que de questions cett~ vol~nté ?e vérité nous a
déja opposées ! Quelles quest1ons s1nguheres, méchantes,
problématiques ! [... ] Qu'esr-ce qui en nous : au ju.s1e, ~ e
"la vérité" ? [...] A supposer que nous vouhons la vénté :
p_o1!J1J-uoipas plutot la non-vériré? Ec l'incertitud e? Mem e
l'ignorance ? [... ] Et le croira-t-on, nous avons en fin de
compre le sentiment que le probleme n'a jamais encore
été posé jusqu'a présent, - que e'est nous qui, pour la
1
premiere fois, le voyons, le fixons, le risquons ? »
Troisieme élément : du reste, on releve la présence d' un ~
conditionnement affectif étrange : en philosophie, la
vérité est vécue comm e une passi on; on aime la vérité,
~n 1'adore telle une déesse - attitu de qui contraste singu-
lierement avec l'idéal de racionalicé prétendue ! De nou-
ve~u, on constate done un divage entre la pratique des
~hilosophes e~ leur théorisation. D 'autan t que cette pas-
s10n ~e la vénté ese poussée souvent jusqu'au fanatisme.
. A tltre de conséquence, e'ese done toute la comp réhen-
sio~ de la philosophie comme recherche del a vérité qui
deviene problématique.
Un. cinquieme point enfin est &équemment souligné
par Nietzsche : il conce rne la pcédérecroioariao, cbez les ~

1. Par-dela bien et mal § l. '1 f'i tvow-l c. ""?


lA PH IW SO PH IE DE L'ESPRIT LIBJlE
32
. hes de l'idée, de. véri.té ,_q u_i ne_s~mble de ce fia1.t
ph11oso p , d aJ • é
as pi~ satisfair~ l~~_gepce e ne utr tt que <:elle
J,-b. . . é Au contraire, on constate avec sur prise
ch a
1
~e cu v~,~ne sorce d'accord préalable : « M~me
~~ ~s , a proprement parler, de la vérél.1 it~, les ph i!:
vent 1
on voit une arriere-pdéensée au trav 1,. sou "
sophes, I et
veulent des e par il e un e cer tai ne vér ité" ,
leur ·1nsu : ils . b
ien ass ez
faite de celle et telle maniere - et est arn vé
souv~nt qu'ils aient révélé leurs plus inté" imes besoins en
· t ). l eur "v é .
ne
1
. » Com me le
suivant /eur che mtn me nan a
, sous g:
1 précise le Crépuscule dts ido/es, l~ p_bilosophes
du saint
t .. rapQort, se rapprochent bien plus de la figure
aient-ils
ql!.e_d~ celle de \'explorateur désintéressé ; ne ser
nts »,
pas en fin de compte une e< autre espece de saí
veuJent
conscients a l'avance du but exclusif qu'ils
qu e cer-
atteindre : e< tout le métier suppose de ne tolérer
montrer,
taines véricés [...]. 11s savent ce qu'ils doivent dé
e' ese en cela qu' ils sont pratiques, - ils se rec
onnaissent
". - "Tu
mutuell~ment ~ l:,ur accord au sujet "des vérités
nsi eu r
ne m~nuras po1nt ~ en allemand: gardez-vous, Mo
Je ph1Josophe, de dire la vérité... 2_ »
tefoís
Ces lacun~ _dans l'interrogation présentent tou~
cette ·caracténs ttque étonnance qu'elles p_ermetten t a un e
· · d . -h .
cerca1ne act1v1té,· onnée ordinairement pour « la » p 11o-
#

h · d f;
s?p Je, e oncp t·tJ onner tres efficacement - aceci-pres qu e.
e est en rem 1ssant un programme
. ,
celu1
qu'elle affiche. Mais elles n'en som p qui _n est pas
pa r rapport a l'idée meme de la phil oso as mo.ins en décalage
ph1e , et 1.nd'1quenr
en creux des pro bl emes a affr onter p
ten te de rectifier cette attitude oubli.eusoudr peu que l' on
e e ses pnn . . es,
c1p
1. FP X, 26 [J 5] .
2. Crtpwcuk tks idoks, « lncursions d'un in
actucl », § 42.
----------
LA Vt.RITt -
33

et de faire advenir enfin dans toute sa rigueur et toute


p r_o_Qité l'exig~nce de _philos~phi~ comrne ! adicalit~ de
ques!iqnneJ'!_1ent, on sera 1~év1tablement co~du1t .ª
réP-ondre a ces !acunes. en en~tsageant les questto.ns ~u•-
vantes : et si la vénté étatt une forme parttcul1ere
d' erreur? Et si le fauxz l'illusoire, le trompeur étaient pré-
férabl~s ~ u vrai ? Et si la vérité relevait de l' affectivité_,_et
n~n de la rationalité ? Et si la philosophie. comprise enfin
d~ns route son authentj cité, _n'était pas rech_e_rche de la
yérité, mais traitement de l'erreur (c'est-a-dire finalement
r_echerche de certaine.s vérités) ? Et si enfin il fallait
admettre que la vérité est toujours seconde, qu' elle n' est ~
que la réponse a un certain cype de demande, dont la
nature reste a déterminer, mais qui, par exemple, pourrait
erre en relation avec des exigences de nature pracique,
et des besoins spécifiques ? Le philosophe, comme rype
d'homme particulier, done la recherche, donnée pour dés-
intéressée et universelle, exprimerait les nécessités d'une
forme de vie particuliere? Bref. qui a besoin de la vérité?
ou de croire a l'existence de la vérité ? voire de prétendre
y croire?
Toujours est-il que le soup~on se fait jour, dans ces
conditions, de la fragilité de l'idée de vérité, qui s'avere
incapable de produire pour elle-meme la légitimation
rationnelle qu' elle exige pourtant pour to u tes les autres
pensées avant de consentir a les recevoir pour valides :
e' est done le soup~on que la vérité soit en quelque sorte
en décalage par rapport a son idée, qu'elle se mette en
contradiction avec elle-meme : bref que la vérité soit une
erreur. Que la vérité soit suspecte dans son idée meme
étend en conséquence la suspicion sur les procédures au
moren desquelles cette norme prétendue engendre a citre
dénvé les vérités particulieres et vérifie leur caractere rece-
LA PHILOSOPHIE DE 1.:ESPRrr l
34 IBfll:

éliminant simulcanémenc les pensées n


vable, en 1 é .é h on
e ~ ces procédures, es pens es qui e ouent f:
conrormes a d b ace
, t _ e' est•a-dire les procé ures pro antes, les tech
a ce tes
.
.l .
démonstratives. S1 e vrat ese une 1 e rausse 1
'dé ~ -
n1ques , . . . d l , es
). l
rcg es t
héoriques de l adm1n1strat1on e a preuve n
.e . al .d , e
peuvent plus avoir la signn1cat1on v ,1 ante qu on Ieur
confere habicuellement. Le démontré n est alors plus assi-
milable au vrai, pas plus que le faux n' ese nécessairement
le réfutable. Ala faveur de cet étonnement, s' éveille désor-
mais notre méfiance la plus profonde : le sentiment que
nos yeux se dessillent suscite une forme nouvelle de scep-
ticisme, - peut-etre meme sa forme la plus dévastatrice,
« l'ultime scepticisme )), comme le dit bientot Nietzsche
de fait : « Ultime scepricisme. - Que sont done en fin
de compre les vérités de l'homme ? Ce sont les erreurs
irrefutables de l'homme 1• »
~ vrai ~t ~rreur, le vrai est cette espece de faux qui
parvt~nt ad1ss1mul~_rsa nature et se faire recevoir pour la
négat1~n de ce qu 11 est : cette conclusion dramatique
condutt-elle aJo_rs a mettre purement et simplement un
terme au questtonnement, et a renvoye défi ..
l,am b'iuon
.
p
h'l h'
I osop ique au nombre d
r
·11
1n1t1vement
. d ont
, b , es 1 us1ons
s ese ercée un temps l humanité ~ C' é.é l' .
· a1· é d I éfl ·
g1n 1t e a r ex1on n1etischéen • · est pr ClS ment on-
d' d
attitude résolument in verse _ et e' ne ~~e a opter une
la rigueur de son analyse est la pl: :e• sans d?ute que
plus subtile : une telle attitude de . pectaculaire, et la
en ef¡rret que s1. 1'opposition dualist reJet d ne se_Just1. .fi1eratt .
faussecé, ainsi que le privilege abe e la vénté et de la
1
conservaient leur pertinence. Mai/~~ reconnu au vrai,
pas J'inconséquence qu'il détecte chetzsche ne commet
ei ses ad .
versaires :
1. le Gai Savoír, § 265.
35
LA V2RIT2

de ce s de ux th es es relance to ur au
J'effondremen t
ga tio n, et , lo in de po ne r le co up de
contraire I'inter ro
er
a la ph ilo so p~ ie , of fre ,en fin l' occasion 1e lib~r
grace a ce po1nt qu ese
ex ig en ce . C es e do ne
et de vivifier son
nt Nietzsche fait 1' un e de
s
en sa bl e ce co ur ag e do
indisp
pr em ie re s du vé ric ab le ph ilosophe, et do nt dé pe nd
vertus
ai s 1a po ss ib ili té de su rm on te r le désarroi et la
désorm a
ce au dé sa str e qu i em po rt e to ur ce quoi no us
détresse fa
cr u ju sq u' al or s en m at ie re théorique, to ur ce qu'il
avions
de pl us sa cr é, et qu i se mbJait au-dela de to ut e
y avait
ili té de re m ise en qu es tio n, de lu tte r contre le senti-
possib u-
t pr es qu e irr és ist ib le d' ab at te m en t, de vide, d' écro
m en
t de s no rm es et de s reperes, qui nous laisse
lemen paralysíe et l'ané-
ut su sc ite r au ss í bi en la
désemparés et pe de destructíon
la ré vo lte et la fu re ur
antissement, que
nihilisme.
- deux formes jumelles du
pa s un e iss ue ín él uc table qu e de se
N 'est-ce do ne
oc la m er qu e ríe n n' es t vr ai, que l'existence
lamenter et pr trompés depuís le
ns le qu el no us so m m es
est un jeu da
m e si un di eu cr ue l s' am usait avec notre déses-
début, com
dé pe nd ra du se ns , et pl us encore de la colora-
poir ? Tour
ctive qu e 1 ' on at ta ch er a a ces formules - il ese
tion affe
tro p to t po ur ré po nd re clairement a cette ques-
encare u
et la le nt eu r es t un e au tre vertu philosophíque. A
tio~, es t bien en droit
so m m es , N ie tz sc he
po1nt ou nous en s de "v ér ité " 1 »,
: il n' y a pa
d' ~ rm er sans restriction
«
am na tio n de l'i dé e de vé rité (telle que les
m~1s cette cond t) n'est cependant
l' en te nd en t or di na ire m en
ph1losophes
m or de sa ré fle xi on . I1 y a encare bien autre
pas le dernie r
chose a penser.
n
I, 2 [IOB]. Voir ég aleme nt FPXIV, 14 [1 22 ]: « La nocio
1. FP Xl
t sens... »
de "vérité" est dlnule de tou
,
lA PHILOSOPHIE DE tESPR
36 rr L
l'BRt
Pour préc1. ser \e statut de cette idée fausse qu,es
vérité, et comprendre \e sens du d l t 1a
. ép acement.que Nietz_
sehe .}uge 1n • disnensab\e d' opérer, il est néce
r ssaire de réfl1.
chir ici a \'un des paramet . • c-
res .qui JOUe un role
déterminant dans \' é\ection de la
vénté au rang de nortne
de la pensée : a savoir \' expérie
nce de la con~rainte, si
fortement mise en re\ief par Des
cartes, une fo1s enco re,
qui identifie dans \a co~s~ie~
ce d'et,re . « obligé d'y
acquiescer 1 )> \a marque dist1nct1
ve de l évtdence ou du
jugement « tiré de principes tres
évidents 2 ». A quoi bon
prétendre, füt-ce au terme du ch
eminement intellectuel
le plus rigoureux, que \a vérité
est illusion si je ne puis
simultanément mabstenir men
talement de la recevoir
pour valide, ni l' empecher de
s'imposer a ma pensée ?
Cinvincible impossibi\ité de pe
nser autrement ne sauve-
t-elle pas in extremis \~ position
philosophique tradition-
nelle? Tout au cont~aire, pour
Nie
sur le type de contrainte que pr ~che, qui s'interroge
oduit
uncat1•on d' une vént. e,, e11e réve\e effectivement 1,.1den_
....... e-..
. \a natu
dern1ere et en confirme la disn re exacte de cette
ua\fcat·
le type de log1q • d
ue an
1 n ion en dégageant
. s laque\le elles'' ·~ Il
sur une contrain . .
te, pan1cuherement inscre'b.l y a a coup
de la vérité évid:nte ,~stingué
e par ~ensi e dans ,le ~
éprouve b~l et bien l 1mpossib
ili
tement au Jugement contraire. té d' ac~tes, ~t 1esp~1t
Mais ü qui~cer zmmédza-
impossibilité métaphysique, qu
i suffi ~ 5 agit pas d'une
bitablement du néant de l' op
l' 1n . v1.nc1"b1'l'1té l ll
r
inion témoigner indu-
sur aque e l'espn.t sapnvers . e· l1..'épreuve de
la validité indiscutable du jug
ernen~U\e P?ur proclamer
consldé é
1 &ponses aux sixiemes objec r pourrait
tions, in
CE
F. Al· qu 1·é, Pans
· , Garni· 11 p
er, t. ' . 882 uvres ph ·
. ilosoph i
2. /d., p. 883.
~ ques, éd.
------- -~
37
LA VÉRIT~

bien davantage indiquer les frontieres de la compréhensi-


bilité qui eireonserivent les capacités propres de cet esprit,
et done suggérer la formation spécifique dont il est le
produit. En d' autres termes, le sentiment de contrainte
ne permet done jamais de détecter un absolu. 11 révele
toujours, tout au contraire, la particularité d' un condi-
tionnement. En témoignerait du reste l'ex.istence de
cultures qui ne font pas de la vérité une norme supreme,
telle la culture tragique des Grecs, foncierement artis-
tique, qui privilégie au contraire la création, l'aptitude a
donner forme a de nouvelles interprétations, et se défie
1
du culte de l'objectivité •
En établissant le fait que l'irréfutable n'est pas le vrai,
Nietzsche fait apparattre que l'irrécusabilité peut et doit
etre interprétée a partir d'un terrain plus fondamental
encare : résister aux efforts de contestation théorique est
le signe de tout autre chose que de la validité théorique :
le signe que nous sommes sur un terrain ou la logique de
la rationalité consciente, avec son arsenal de procédures
démonstratives et probantes, n'est plus efficace. Bref, le
signe que nous sommes sur le terrain pratique, en d' autres
termes, l' on a affaire a une valeur, et non a une simple
représentation, relevant de l' ordre de la spéculation, et
susceptible de vérité ou de fausseté. Et tel a bien été le
faux pas fondamental de la philosophie : ne pas com-
prendre que la vérité est une valeur et non une essence.
11 est nécessaire pour interpréter cette situation, d'en
revenir ala logique du devenir-inconscient, ou du rendre-
inconscient, qui est la logique de l'incorporation, e' est-a-

1.. R~jet de }~ prééminence de l'idée de vérité qui se traduit en


parucuher par l mterprétation du passé sous la forme du mythe et non
des annales historiques (voir La Naissanct dt la tragtdit, § 10).
LA PHILOSOPHIE DE 1.:ESPRir lIBRJ:
38
. N'eri.sche la logique meme du vivant d
dire pour 1 égard fiIXat1on
· e
. é érale . la vie est acet de préfié
maniere g n . . al . -
rences rrondamentales qui operent ors• un traitement • . ' ''"
~1
. d l' . pe'rience en recherchant certa1nes s1tuat1ons, cer-
tn e ex . d'
.
ta1ns arran gements , et en en reJetant. , autres - . qui , en
d' autres termes, interpretent la réal1té d une maniere par-
ticuliere. Une valeur, traduction de ces préférences, se
caractérise ainsi par son action pratique, sa dimension
impérative, e'est-a-dire encore sa sureté fonctionnelle : le
tri de l'expérience doit, pour etre efficace, s'effectuer de
maniere instantanée, sans hésitation, done etre soustrait
a la conscience et a ses procédures délibératives. Une
valeur n'est qu'une interprétation, mais une interprétation
incorporée, agrégée aux autres préférences fondamentales
qui toutes se traduisent par une activité instinctive, et
dont l'ensemble forme ce que Nietzsche appelle « le
corps». Bref, une croyance intériorisée, a laquelle done
on ne .pe~ plus, et qui loin de disparaitre, est tout au
contrau~ d une redoutable efficacité fonctionneHe pour
cette raison : La force des connaissances ne réside as
4(

dans leur degré de vérité m · dans l . P


leur degré d' assimilation ais eur anc1enneté, ?:111s
de v1e ' ~s leur
· 1. » Et en s01,. a vénté b.1 caractere de cond1t1on
1
tation de la réalité par . b~t ~n une simple interpré-
dans le cadre de notre m1 ten d autres poss1.bles ; mais
' cult .
' .
e est une 1nterprétation qui s'
ure, sourdem 1 ..
ent p aton1c1enne,
écrasant et se trouve depui lest vu conférer un privilege
00
grée a notre systeme pulsios gtemps incorporée inté-
1dont ll , un
rouage déc1s1 .. n trouve alnne
. 'f O
ors, au t e e est devenue
cette exploratton renouvelée l erme de ce dét
. é 1 , a co fi our et
pouvai t sugg rer a formule de D n rmation de
escartes l'. d ce que
1. le Gai Savoir, § 110.
' 1 ée qu'
un rten
-
1A V~RIT~
39

fondamental uni t vérité et oubli, a conditi


on de com-
faite assimi-
prend.re ce dernier com me le signe d' une par
lation.
Ceci autorise don e Nietzsche a ramener la vér
ité a de
iere est
I'erreur incorporée - du reste, la réalité tour ent
n' offre nulle
erreur, en tan t qu' elle ese interprétation, et
1 la nécessité
pare de nor me absolue • On découvre ainsi
, de l'illusion
de l'illusion pou r vivre - et, da.ns certains cas
mement en
qui se don ne pou r une vérité, et fait croire fer
elle. La vérité est réduite a l'erreur, done ; elle
ese meme
si l'on saisit
définie com me erreur - nul paradoxe a cela
onomie et
que l'ordre du théorique ne possede nulle aut
e propre :
dépend entierement de l' axiologie et sa logiqu
« "Vérité" : po ur la démarche de pen
sée qui ese la mienne,
traire d'une
cela ne signifie pas nécessairement le con
les plus déci-
erreur, mais seulement, et dans tous les cas
urs les unes
sifs, la position occupée par différentes erre
mple, plus
par rapport aux autres : l' une est, par exe
t-etre meme
ancienne, plus profonde que l'autre : peu
re espece ne
indéracinable, si un erre organique de not
res erreurs
savait se passer d' elle po ur vivre ; mais d'aut
semblable
n' exercent pas sur nous une cyrannie
et qu' elles
puisqu' elles ne son t pas nécessités vitales,
réparées et
peuvent, au contraire de ces tyrans-la, erre
devrait-elle
"réfutées". Pour quelle raison une hypothese
Cette phrase
erre vraie du seul fait qu' elle est irréfutable ?
posent que
fera sans dou te ban dir les logiciens, qui sup

1. Voir par exemple le § 34 de Par-tkla bim a


mal : « Qu d que
pte aujourd 'hui : de
soit le point de vue philosophique que I'on ado
monde dans lequd
tout endroit, e'est encare le caracttrt erronl du
peuc saisir de plus
nous croyons vivre qui conscitue ce que nocre cril
assuré et de plus ferme. »
LA PHILOSOPHIE DE I:ESPRIT
40 LIBRE
. . t a~i celles des choses ; mais j 'ai d .
leurs limites son l • • ePUts
., déclaré la guerrea cet opt1m1sme de 1 .
longtemps Jª dé og1-
. 1
cien . » • ll
. l éalité est interprétatton, et comme te e, touJ· ou.r
S1 a r
la
.
philosop
hie aboutlt-e • lle a une situas
ion
erreur et illus , il dm , -
ettre qu un critere
. d''1ndifférenciation, ou faut-
non b .a .
de distinction nouveau, se _su sn~~t au cn~ere inadé-
quat de la vérité, joue au se1n ~e 1un1vers des 1nterpréta-
tions? Existerait-il alors des différences entre des erreurs
que l' on peut mettre en doute, et d' autres qui résistent a
cet effort de remise en cause? des erreurs réfutables et
des erreurs irréfutables, en quelque sorte ? Telle est bien,
de fait, la ligne centrale de la réflexion nieruchéenne.
Lirrécusable peut parfaitement relever aussi de la sphere
de l' erreu.r - mais ce nest pas une erreur comme les
autres. Lirréfutabilité désigne les interdits imposés par
une exigence interprétative enracinée dans les valeurs spé-
cifiq~~ d'~e culture, exigence interprétative devenue
condinon meme de la poursuite de la vie pour les vivants
dont elle organise l'existence. Elle est done inévitable-
ment le résultat d'une longue fré quentat1on, . d' une pra-
. d' h b' ,
nque et une a itude cées
, l , • é , exer sur une tres longue
duree : a vent nest j · · A
second trait ample amais . Jeune. 1\. cela s' ajoute ce
, ment sou1igné N' h .1
vrai est de l'interpréta . par 1etzsc e, que s1 e
tton, done d_e l'illusoue et e. d
l,erroné, le fait qu'il possed
indique que l' on a affair e pour lui une longue durée
. . e non pas ,.
d'ill us1on, mais a de l'illus· n importe quel type
ion effi d ,
cace, e l erreur qui a
I. FP Xl, 38 [4). Voir égal
type d'erreur,sans lequd une ~rne?t Le texte suivant . « •
vivre. ú qu ese la valeur, du 0~e espcce d'etre ·. La vénté est ce
ressorc » (FP Xl, 34 [253)) p lllt de VUe de la . s vivants ne saurait
. v1e ' déci'de en dernier
41
LA ~R ITÉ

talement sa viabi-
fait ses preuves, et a montré expérimen
ne communauté.
lité pour l'organisation de l'existence d'u
de plus lim ité do ne qu e notre perception de la
Ri en
tour "sens de la
vérité : « N.B. La premiere limite de
res animées infé-
vérité" est - aussi pour toutes les créatu
conservation ne les
rieures - : ce qui ne sert pas a leur
i Ieur est la plus
concerne pas. La seconde : la fac;on qu
mais e'est seu-
utile de considérer une chose a la priorité,
qu'elle s'incorpore
Iement peu apeu, par voie d'hérédité,
A me lui-m em e n'a encare ríen
a leur nature. cela l'hom
en quelque sorte,
ch3.1\gé 1. » La vérité est du vieux faux,
diversité des expé-
vieux e'est-a-dire qui a survécu a la
s désormais habi-
riences rencontrées, auquel nous somme
la difficulté de
tués, qui ne nous étonne plus - d' ou
t sur la vieillesse
l'interroger. Nietzsche insiste souven
vrai », par exemple
comme détermination essentielle du «
dans le poeme des Chansons du princ
e Vogelfrei intitulé
« Dans le Sud», qui offre l'u
n des expressions les plus
originales de cette idée :
« Dans le Nord - j'hésite a le confesser -
J'ai aimé une petite femme, vieille aille
en trembler :
femme ... 2 • »
"La vérité" était le nom de cette vie

l. FP X, 26 [58].
de la 1ogíque que suit la
2. _Tel n'est cependant pas le terme
eXIon de Nie tzsc he, qui précise qu'il est indispensable pour le phi-
réfl
oph e d' env isag er les con séquen ces de ces choix axiologiques et
!os
!'examen de l'évolurion d'une
mterprétatifs a tres long terme. Seul
son histoire est en mesure de
c~ture sur une tres Iongue phase de
bénéfiques ou nuisibles a terme.
faire appara!tre si ces valeurs s'averent
ui des cultures privilégiant la
Dans ce dernier cas, qui sera bien cel
bserver un mouvemem d'auro-
valeur « vérité », !'examen permettra d'o
qui sont en désaccord avec la
suppression, d'autonégation de valeurs
nature imerprétative).
nature et les exigences de la réalité (sa
Sp
LA PH IW SO PH JE DE l:E R rr LIBRE_
42

s vieilles er re ur s qu i on t pr és er vé un e tiorrnc d
De ce .m ts d' ép ro uv er . e
.
v1e, et qu e no us so m m es co nt ra
po in t de pr ét en dr e construircornrne
des véricés, au I t, N
e avee
ictzsch
nc e es pr en an t po ur ob je
co nf ia nc e une sc ie
br eu x ex em pl es . Te l ese le cas ººtatne
do nn e de tres no m
e de ca us al ité , qu i ob éi t ucs précisémcn ~
m en t de l'idé oq u~ .
gique de I' in co rp or at io n qu e no us avons év
la lo
s "vér ités" a prio ri les m ie ux cr ue s so nt po u;
« N.B. Le
th es es ju sq ua plus am pk in fo rmé pa r ex. La
m oi - des hypo
de s ha bi tu de s tr es bi en exercées de la
loi de la causalité, qu e ny plus croire
m en t pa ss ée s da ns le sa ng
croyance, telle . M ai s so nt -c e pour
nd re m en t de la ra ce
signifierai t I'effo om m e si le fait
ue lle co nc lu si on ! C
autane des vérités ? Q té 1

ou va it la vé ri
qu e l'h om m e subsiste pr nc ep ts en fonc-
le m en t, ce so nt le s co
Plus fondamenca
ls no us st ru ct ur on s no tr e in te rp ré ta ti on de la
tio n desque m em e accusation,
be nt so us le co up de la
réalité qu i to m an ce au fait que
dé e de ch os e, la cr oy
a commencer par l'i ob je ts st ab les, ex is ta nt durable-
la réalité es e un un iv er s d'
x- m em es , ou en co re l'i dé e de pe rm an en ce ,
mene et pa r eu ve nu es po ur nous
au ca nt d' er re ur s de
l'idée de durée -
, co m m e !'i nd iq ue un au tr e te xt e po st hu m e :
des vérités er va tio n du vivant
so i po ss ib le qu e la co ns
« 11 seraie en
se em en t de s er re ur s fo nd am entaks et
rende nécessaires ju
de s "v ér ité s fo nd am en ta le s". O n po ur ra it pa r
no n pas ncc dans la qu el le la
ag in er un e fo rm e d' ex is te
excmple im rc e qu 'il Y. ª
e se ra it im po ss ib le , pa
connais~~cc mem so lu e et la conna1S-
un e flu id ité ab
contrad1ct1on entre
ns un m on de ai ns i fa it une cr éa tu re vivante
sance : da du ré e, et c. , po ur
devrait d'abor d cr oí re au x ch os es , a Je ur

l . FP X, 26 [12].

ffi :r
43
LA VfRITg

pouvoir exister : _l' er_re~r serait sa condition d' exístence.


1
Peuc-etre en va-t-il atns1 . »
Cette découverte permet enfin de revenir sur la q ues-
tion du dualisme, luí aussi structurant, nous l'avons
aper~u, pour notre interprécation, et constítuant, pour le
rype d'homme que nous incarnons, la possibilité de vie
,
que nous représentons, la culture que nous exprimons
une valeur, done une nécessité dans 1'organisation de
notre existence, mais non pas dans toute culture ni toute
forme de vie : le dionysiaque, par exemple, n'obéit pas a
cette logique de la partition dualiste. Comprendre la réa-
lité en fonccion d' oppositions contradictoires releve de
préférences axiologiques, non d'un savoir objectif, ce qui
implique que c'est une logique de composition interne a
la vie des valeurs qui définit la vérité, et non pas une
différence d'essence par rapport a 1'erreur : « La vérité ne
signifie pas le contraire de 1'erreur, mais la position de
cercaines erreurs relativement ad'autres erreurs, le fair par
exemple qu' elles sont plus anciennes ou plus invé térées,
2
ou que nous ne savons pas vivre sans elles, etc. • »
Loin de constituer la norme de toute pensée, ce qui
représencait pourcant le présupposé fondamental de la
philosophie jusqu'a présent, la vérité désigne en fait un
régime particulier d'interprécacion ; ce qui reviene a dire
qu' elle se révele une forme particuliere de volonté de
puissance, ainsi que le souligne un posthume qui
condense l'ensemble des conclusions auxquels parvient
1'enquece nieu.schéenne : « e'est au service de la "volonré
de puissance" que la "volonté de vérité" se développe :
plus exactement, sa tache propre est d'etre un auxiliaire

l. FP X, 26 [58).
2. FP XI, 34 [247).
44 1A PHILOSOPHIE DE VESPRJT
LIBRf:

de la victoire et de la. duré a


e grace un type déterrn·
d' b
un ensem le d'erretné
l L. •
d e non-v érité, et consi ste a ratre
cniré le fondemcnt de 1a conservanon . , u~
stru . M . l d un typ
déterminé d'etres v1vants 1 ,._ atS a ce tltre se confirrne

du meme coup que dans son rapport ala réalité, I'homme


est consramment guidé par un instinct artiste, ªUSs~
invcntif qu'inconscient : créer des formes nouvelles, poser
des rapporrs et des liaisons, e' est avant tout a cela que
revient le fait d'établir des vérités. Fixer des relations fon-
damentales entre séquences de réalité, transformer les
processus pulsionnels qui en sont le tissu en « choses »,
inventcr pour cela de l'identique, de la durée, de r essence,
de l' opposition absolue - en d' autres termes interpréter,
c'est-a-dire déformer, en s'imposant toutefois pour cela
de respecter la rigueur implacable d' une regle, telle est
l'opération que recouvre la position, ou la disposition,
relative de certaincs erreurs, dont parle Niettsche. La
vérité est art, et non spéculation, mais un art qui possede
la particularité de se nier comme tel ! Un are qui ne se
v~.t pas art, et résiste opiniatrement a se donner pour se
qu il est. 1~ Y ~ bien dans la vérité quelque chose comme
1 une néganon interne, une sorte de contradiction ou de
haine de .soi ~. un effon obstiné pour nier la ré~ité en
tan~ que JCU d illusion, et e'est pourquoi la position de la
vénté commc valeur d. . 1
. h
SC1On NIC{Uc e ason
con utt 1né uctablemen e a rerme,
typc d'hommc ' ui en a~tosupp~esssion, en plongeant le
nihilismc. q fan un °bJet de vénération dans le
Peut-étrc cst-ce la 1,as
pcnséc qui houlcver .Pcct _le plus déroucant de cette
.
réftcxcs mtdlcctuels se s1 radical
. al é emcnt nos confortables
. m gr 1a ad'caJ
r 1 •tté de sa critique,
1. FP XJ, 43 ll}.
45

ne co ng éd ie pa s pu rem en r et simplement l'idée


Nieczsche ent un ultime déve-
de vériré. JJ no us fauc so uJ igne r a pr és
re pr ~e nt~ le pa ra chev em ent d~ la réinter:
1oppemenc, qu i
re. C ar m ~m e d.esruué,. le vrru
prération a Ja qu el le _d se ltv
oJet ph1losoph1que, a
conserve un ro le a JO Uer da ns le pr
qu e 1' on co m pr en ne qu e 1a perspective de la
condirion co uverces qui ont été
réflexion ch ange a Ja fave ur de s dé
effectuées. ou 1' on ni e la croyance au Dieu
« A part ir du m om en t
cé tiq ue , i/ ex iste ég al em en t un probleme nou-
de 1'idéa1 as - La volonté de vérité
la va le ur de la vé rit é.
veau : celui de
s de la sorce nocre
e cr iti qu e - dé te rm in on
requiert un at iv e de remettre pour
-, il fa ut fa ire la te nt
rache propre la vérité ... 1
» : si Ja
qu es tio n 1a va le ur de
une fois en es t axiologique et non
en tiq ue de la pe ns ée
Iogique auth rité n'est qu'une inter-
, si pa r co ns éq ue nt la vé
chéorique
il co nv ie nr de la so um et tre a la problématique
prétation,
le ur , et d' en tir er le s conséquences pour la
de la va laquelle ne peut plus
1' ac tiv ité ph ilo so ph iq ue ,
conduite de é. Trois implicacions
ié e a la vo lo nt é de vé rit
erre identif er 1a modificarion de
no us pa ra is se nt m ar qu
essentielles redétermination du
iq ue ph ilo so ph iq ue et la
1a problémat
ais.
travail du philosophe désorm sq ualifier ou ignorer
pe rfic ie ! de pr ét en dr e di
II serait su
m ot if qu 'el le n' es t qu 'in terprétative - la récu-
1a vérité au ux de Nietzsche ; i1 ese
ja m ai s un bu e au x ye
sation n'est ai ter en inrerprétation
au co nt ra ire , de la tr
requis, tour iv e, de la soumettre au
et da ns ce tte pe rs pe ct
particuJiere, rion et permettanr
traitement ap pl ic ab le a to ur e in te rp ré ca
r la Io gi qu e fo rm at ric e et le sens. Car de fair
d'en dévoile
e dé fie le ph ilo so ph e : queUes sonr done les
une énígm

l. Glnlalogit de la morak,
III, § 24.
, 46
q
LA PHILOSOPHJE

u 'a p p
DE 1.:Es

a
pRJT LIBllf:

ra is s e e t se 6
e s p o u r
c o n d ir io n s requis p e d e la v b it é ;) ~ e Une
n d e Ja ré a li ré d u c y · « vér1' .~
in te rp ré ra á o ,. rp ré ta ti o n , o u plus ~c 11
n ty p e m d re préclSé-
qualifie e n effer udhésº d · a in e s in t
cy pe d 'a 1 0 n p ro w t p a rd c e rt erpréta-
m e n e u n
. a u n c e ro u n sea e e s o n his
. d to ir e
. vanr éproeutve- de
á o n s. Pourquo1, 1
ul~ u re , u n ty p e e ~1 d
. t e
son c o ndi ~ o ~ n e m
~ n a l1 té e n fon ct1o .
d 1 n re rp ré te r la ré n
o 1 n 1 m p é n e u x
t-il le b es
d e la véri té ? is e e n re u v re conduit
vériré a in si m
La généalogie d e la u i c h e rc h e n t a s e satisfaire
b e so in s q
a l'ídentificacion dne fo rm e o ri g in a le d e la réalité. Deux
dans c e n e mise e re p é re r, q u e le philosophe
tendances a u moin
s se la is se n t r : u n e préfé-
r e t d 'i n te rp ré te
'í n te rr o g e
se devra ensuite d ll e m e n t é p is té m o logique),
orale (e t n u
rence d e narure m G a i S a v o ir é tu d ie e n dérail
344 du
que le paragraphe d e v é ri té e x p ri m e la répul-
la v o lo n té
p o u r m o n tr e r q u e p e ri e e n g é n é ra l (quels q u 'en
r la tr o m
síon viscérale p o u s im u lt a n é m e n t u n e p ré fé-
victime) ;
soient l' o b je t e t la u e , si ta n t e sr q u e les deux
sycholo g íq
rence d e nature p e n t se d is ti n g u e r, a savoir le
nt réellem
perspeccives puisse ri a b le , d e 1' in st a b le, de
iscéraJ d u va
rejet to u r aussí v u rs fo rm e s - e t n o ta m m e n t
toures le
l'insaisissable sous o u te u x e t d e 1'in c ertain .
éoríques d u d
sous les especes th d é g u is e m e n t th é o ri q ~ e
v r~ esr le
L ~ p ir a ti o n au o Jo n té d e v é ri té e t d e certJ,
otsse: « la v
q u endosse une ang c e rt it u d e 1 ». T ra it d
écisif,
ur dan s l' in
tu d e naí't de la pe d 'é c h a p p e r a u n s e n ti m e n t
permettre
elle p e ~ e t ou doir c e rr ic u d e _ c e q u i suppose
aJ.se d e l'in
d e m al ai se , au mal

] V oir a ·J th su ív an t • cee
« T o u te ceIX
l. FP X'', 26 [301 SJ e pos um e ·
· en cc
d 1mm
·. r la coUS
uabJ e es nsé
quence d
,
une insa ci sfuccion » (FP '
ex ig
7 [150]) .
47
1A ~RIT ~

done que celle-ci soit éprouvée com me un malaise intolé-


rable.
Étrange situation, décidément... Quelle p~u,t bíe? erre
la signification de ces préférences sourdes qui s expn men t
obstinément a travers la valorisation, a premiere vue si
désintéressée, de la véríté? Com men t se fait-il qu'u n
vivant puísse, a un certain stade de son histoíre, en venir
a ressentír les condítions memes de la réalité done il parti-
cipe comme une agressíon? ~ans_ ce refus hor~ifié_?e la
processualité, le psychologue 1dent1fiera un beso1n he a la
compensation d' un affaiblissement - une forme de
volonté de puíssance, toujours, mais caractérisée par
l'amenuisement dramatique des moyens qu'elle a asa dis-
position pour ma1triser la richesse de la réalité : « La
quantité de croyance don t quelqu' un a besoin pour se
développer, la quantité de "stable" auquel il ne veut pas
qu' on touche parce qu'il y prend appui, - offre échelle de
mesure de sa force (ou, pour m'exprimer plus clairement,
de sa faiblesse). [... ] l'hom me est ainsi fait : on peut bien
lui avoir réfuté a mille reprises un article de foi, - a sup-
poser qu' il lui soit nécessaire, il continuera toujours a le
tenir pour "vrai" • » Le philosophe-médecin quan t a luí,
1

prolongeant cette analyse, y lira peut-etre l'irruption


d'une hostilicé fonciere a l'égard de cene réalité, devenue
source de souffrance, et appelant médiatement asa propre
suppression. Linterrogation sur le statut du vrai
débouche ainsi sur la plus profonde énigme qu' affronte
sans doute la réflexion de Nietzsche, ce mystere qu'es t la
capacité de la vie a se retourner contre elle-meme : « Sans
~?ute : i1 nous faut ici poser le probleme de la véracité :
s 11ese vrai que nous vivions grace a l'erreur, que peut erre

l. Le Gai Savoir, § 347.


O SOPH IE D E I.:f.spRJ-r
LA P H I L L1131Q:
48 e d ev r. • le
e v é r i t é" ? N a iht-iJel Pa.s etri
lonté d· " , 'e f f o r t d e s p 5 0phes ere
e c a s l a
en c 1 é de m o u r i r
" v o
. - L
s un °
une
" vo o n t
s cience n e s e r a .i t- il
e
p a
de dég ~1;¡ 0 rne de

de s h o m m e s d e
caden r e , u n e s o r r
amru r ~ ~ i l e la l'ie
d é d i n a n r e , d é
l e - m C m e ? Q u
u e n o yª~
v ie
q u'é p r o u v e r a i r la vie 1
e
d
ur • » S o u s !ª s
f
o
orme
phie s
q
' a v é ~
rel'éalt-elJ e
JIJJ
r e r r ~ p h i l o
res
quoi ~n ns d e p w s P l ad t o n , l aé ée o n t r e l a réalit
J S S O . , s e s p ~ c
? ' et la
conna
r o r e s r a a o n e ce d e la m o r r los0-
u n e p u s e r v i v i t é p h i
al ors
n e t e c h nique a é f o r r n e r l'acti d e ceu
vériré u a l d e r e n c e
d o n e p r imordi o n d e c onséqu s d u vrai~
11 e s t st la s e c
parad o x e
e t c d l e e r a g e d e s q u i étaic
i q u e , le r e p é e c e
ph
c l e n c h ée p a r t v é r ir a ble d p e nsée,
e r e d é s t a t u e la
engu e n rili.é le p r e me d rech er-
Si, u n e fo i s i d
r c r it e r e s u
s con s i s t e r a
u p a r a v a nt p o u p e u t p l u u e j arnais
é a n e s q
donn
d u p h ü osophe n r e v a n che plu a r c e q ue
l'objec c i f a e n r p
t é , i l d e viendr - p r é c iséme u e ces
r la v é r i s v é r i t é s u r s e t q
che
h e r a r e pérer le la v i e d e s vale e n r e n t les
d e ch e r c d e r r é s
h e c o n s i s t e a élucí
r p r o p r e s r a rut rep
s a l'a b r i de
s a rac
~ aveug les a leu
m e n rau x, placé
t i o n de la
« vé rités o n d a n é r a
r s d e v aleur f p o s é s a la v é
j u g e m e n e n quesrion e t i m
u t e m i s e e s u r la m é me
to
4
1avoir i n
du Gaí
si s t
F 't~e ne veux
[ 39 ] . Le § 3 4
i g n i . i e p m " j e
e c b o a - J_e
I, 4 0 e s u u
1. F P X n t é d e vérité" n il n'y a pas d ' a oila t Ú cefat1
lo
: « 12 "vo ais a u contraire
-
: - e t 1llJIIS v : s e deman -
a n a lysc m pe ", m m o i-m é m e "
p e i n e dt
J'on ~
t r o
pe e, p a s m é ~
n n c e n e / f e r l a
p e e ?" , notaft!'
as trom 'o n p r e as t r o m vJe
n e vcux p n t:ú la mora/e. Q u u o í n e v e u x - r u p r e n c e ! - q u e la_ ,
1ur k t n r
ai "pourq
radicale : arenc.c - e r ü y
a appa s simuJati~n
da de marucre o i r app la
, l a di
uompecie í t q u ' u n t d prot!lCcCc
dcv a i r y a v
a
l 'e r r c u r,
m c n t s 'il rencc, je veux dice soi [... ]. Il se p o rrisme, u n e
urra re !
vise¼ l'a
ppa cn t d e quicho irt;,
r, l 'aveugkm hanté , u n donuc c b o s e c:k p
l 'a v~ n ¡•· rp rete a v c c c
c c erre q u e l q
l o n c é d e véncé
. . n inte o
unait cnco s á l c a la vie.. . " V
o
son , SJ o ais Ü p o
l ~ ; _m ction h
folie_d 'a ap n n a p c d e d.cstru e v o l o n ú d e m o r t
».
t
sav o u u n ait é t t t une secre
urr
- e.da po
LA vtRJrt 49

communauté, qui ont gouvcrné les différcntes cultures.


Chercher a identifier les vérités de chaquc culture, pour
les évaluer, ce qui signifie apprécier en philosophe-
médecin la nature de l'influence qu'elles, et les valcurs
qui les sous-tendent, o~t exercé s~r la vie des pcuples ~ui
se les sont imposées. C est un po1nt auquel Par-dela bien
a mal donne un relicf tout particulier : • Ces ouvriers
philosophiques répondant au noble modele de Kant et
de Hegel ont a établir et réduire en formules tous les
grands faits relatifs aux évaluations - c'est-a-dire aux fixa-
tiom de valeurs, aux créations de valeurs opérées autrefois,
qui en sont venues a dominer et ont été appelées pour
quelque temps "vérités" 1• » Et plus encore (car la tache
précédente incombe aux ouvriers de la philosophie), l'exi-
gence qui fait la spécificité de la tache philosophique sera
de créer de nouvelles « vérités », en d'autres termes de
nouvelles valeurs, articulées, dans le cas de l'Europe
contemporaine, a la nécessité urgente de lutter contre le
nihilisme.
La tache qui se dessine ala faveur de cette investigation
confirme le souci nietz.schéen de maintenir l'idée de phi-
losophie, qu'il s' agit bien plus de faire enfin advenir dans
sa figure authentique que d'écarter. Mais son accomplisse-
ment suppose que soit réalisée préalablement une réforme
d~ la compréhension du philosophe, qui constitue le der-
n1er poi~t qui doit etre élucidé. Une remarque de la
Généalogr.e de la mora/e nous mettra sur la voie de cette
~xig_ence, que modélisera généralement une référence
mtngante a l'épicurisme : « Ils sont encare a des licues
d' etre des esprits libres : car i/.s croimt mcore a la

l. Par-dt/4 bim tt mal, § 211.


LA PHILOSOPHIE DE I.:ESPRrr
50 Ua~
. affirme Nierzsche des philosophes tels ,.
vmté... 1 », 1 r . . . qu 1k
existent depuis Socrate, sl~u ig~ané ~ lavec lvl1v~lsc1té le fait
qu,en dép1t .- de leur idéal, autortt a ague e 1 . font allé-
bien encore une croyance, et ce qw est pi
geance ese ce non identifiée comme telle. C'est dore,
une croyan . d ne
1
1'émancipation a l'égard de I_a tyrann1e e a :érité qui
ouvre la possibilicé pour _le philosophe de deve?1r un véri-
table esprit libre. Du philosophe, la vertu cardinale est en
effet l'indépendanc~ 2 : ~avoi~ se garder d~ fanati~~e de la
véricé, qui a cyrann1sé l exerc1ce de la philosoph1e Jusqu'a
présenc, en sera la premiere application. Elle constituera
la condicion permettant enfin de penser la nature artiste
de la réalité, e'esc-a-dire d'avoir le courage d' affronter son
caractere problémacique, fuyant, déroutant et terrible
couc a la fois. Bref, la liberté d'esprit se caractérisera par
une forme originale de scepticisme, si l' on veut, mais qui
ne sera plus simplement le scepticisme « théorique » que
nous fait connaitre l'histoire de la philosophie. I.:instinct
capital ~ui fait d'~n homme un philosophe, dans cette
perspect1ve, sera bien ce que Nietzsche nomme 1'instinct
épicurien de. !'amateur d'énigmes, done il trouve par
exe~ple une tncarnation en StendhaJ, « ce singu1ier épi-
cunen et cet homme-p · d'· . . d
. d h. otnt interrogauon qui fut le er-
n1er gr,m psyc ologue de la France J » Stendhal vers qui
- ce n est pas un hasard '
de Par-dela bien t l - se tourne Nietzsche au début
e ma pour tro · ·
adéq uate du philos h 4 uver une caractér1sat1on
. », ehez Nietzscheop ,e . La
nen I qual'fi .
t 1cat1on
d'« ép1cu-
.
, napas es ,l
ens que le possede dans
1. Glnlalogie rk la morak III
2. Voir par exemplc le G~¡ ' § .24.
3. Par-de/4 b~tn tt mal, § 2s!ªVotr, § 98.
4. Par-dela bien et mal, § _·
39
51
LA ~RIT_e
m m en r le se ns h éd oniste), mais
ora
le langage c o u ra n t (n e d e curiosiré er de scepticisme,
élang
vise jusremenr ce m e q u el le ex p li ca ti on, n'importe
mpo rr
qui n'accepte pas n'i ir au ca ra ct er e én igmatique d e
plais
quelle vérité. Prendre el elle résiste constamment aux
r lequ
la réalité, au je u p a es p ri t p o u r la m aí tr iser, en p a r-
notre
efforts déployés p a r lo g iq u es o u d es ch éories p h i-
ticulier grace a des sc
hémas
v ér ité a to u r p ri x, attirude
uloir la
losophiques ; n e pas vo aít a se satisfaíre de la premiere
onduir
p e u exigeante qui c 'e ll e n o u s g ar d e d u changeant
« vérité » venue,
p o u rv u qu préférer par-
u ra g e d e sa v o ir
oir le co
e t d e l' in c e rt a in ; av rt e q u el le « v ér it é » : voila la
mpo
fois l'incertitude a n 'i elle se reconnaít la figure enfin
laqu
premiere exigence a il o so p h iq u e, e t e 'es t pourquoi
icé ph
réalisée de la radical la p h il o so p h ie ce que La Nais-
nir d e
il fuur redire p o u r fi éj a d e la sc ie n ce : ~< La science
sance de la tragédie d
isait d esse que la
ai t p o u r se u le dé
le n'av
n 'existeraít pas si el 1 U n É p ic u re ar ciste, ce que
'autre »
vérité n u e e t ríen d

to t q u ' u n am i d e la vérité : rd
ate, p lu
n e sur pas erre Socr h e - le b ea u ri sq u e, peut-etre,
Nietzsc
ese le pari q u e fuir e n tr a~ an t le p o rt ra it d u philo-
dre -
qu'il accepte d e pren
.
sophe a 1'esprit libre

tragldie, § I 5.
I. La Naissance de la

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