Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Antonio Gramsci
Quaderni del carcere
Introduction
L’émergence de la mémoire
Rares sont les mots aussi galvaudés que « mémoire ». Sa diffusion est d’autant
plus impressionnante que son entrée dans le domaine des sciences sociales est
assez tardive. Au cours des années 1960 et 1970, il était pratiquement absent du
débat intellectuel. Il ne figure ni dans l’édition de 1968 de l’International
Encyclopedia of the Social Sciences, publiée à New York sous la direction de
David L. Sills, ni dans l’ouvrage collectif intitulé Faire de l’histoire, publié en
1974 sous la direction de Jacques Le Goff et Pierre Nora, pas plus que dans les
Keywords de Raymond Williams, un des pionniers de l’histoire culturelle1.
Quelques années plus tard, il avait pénétré en profondeur dans le débat
historiographique. La « mémoire » est souvent utilisée comme synonyme
d’histoire, et a une tendance singulière à l’absorber en devenant elle-même une
sorte de catégorie métahistorique. Ainsi, elle appréhende le passé dans un filet
aux mailles plus larges que celles de la discipline traditionnellement appelée
histoire, en y déposant une dose bien plus grande de subjectivité, de « vécu ».
Bref, la mémoire apparaît comme une histoire moins aride et plus « humaine »2.
Elle envahit aujourd’hui l’espace public des sociétés occidentales : le passé
accompagne le présent et s’installe dans son imaginaire collectif comme une
« mémoire » puissamment amplifiée par les médias, souvent régentée par les
pouvoirs publics. Elle se transforme en « obsession commémorative » et la
valorisation, voire la sacralisation des « lieux de mémoire » engendre une
véritable « topolâtrie »3. Cette mémoire surabondante et saturée balise l’espace4.
Tout désormais revient à faire mémoire. Le passé se transforme en mémoire
collective après avoir été sélectionné et réinterprété selon les sensibilités
culturelles, les interrogations éthiques et les convenances politiques du présent.
Ainsi prend forme le « tourisme de la mémoire », avec la transformation des
sites historiques en musées et lieux de visites organisées, dotés de structures
d’accueil adéquates (hôtels, restaurants, boutiques de souvenirs, etc.) et promus
auprès du public par des stratégies publicitaires ciblées. Les centres de recherche
et les sociétés d’histoire locale sont incorporés aux dispositifs de ce tourisme de
la mémoire, dont ils tirent parfois leurs moyens d’existence. D’une part, ce
phénomène relève indubitablement d’un processus de réification du passé, c’est-
à-dire sa transformation en objet de consommation, esthétisé, neutralisé et
rentabilisé, prêt à être récupéré et utilisé par l’industrie du tourisme et du
spectacle, notamment le cinéma. L’historien est souvent appelé à participer de ce
processus, en sa qualité de « professionnel » et d’« expert » qui, selon les termes
d’Olivier Dumoulin, a fait de son art un « produit marchand » au même titre que
les biens de consommation qui envahissent nos sociétés. La Public History
américaine, avec ses historiens travaillant pour des institutions ou même des
entreprises privées et soumis à leur logique de rentabilité, nous indique le
chemin depuis longtemps5. D’autre part, ce phénomène ressemble, à plusieurs
égards, à ce qu’Eric Hobsbawm a appelé « l’invention de la tradition »6 : un
passé réel ou mythique autour duquel on construit des pratiques ritualisées visant
à renforcer la cohésion d’un groupe ou d’une communauté, à donner une
légitimité à certaines institutions, à inculquer des valeurs au sein de la société.
Autrement dit, la mémoire tend à devenir le vecteur d’une religion civile du
monde occidental, avec son système de valeurs, de croyances, de symboles et de
liturgies7.
D’où vient cette obsession mémorielle ? Ses ressorts sont multiples, mais elle
tient tout d’abord à une crise de la transmission au sein des sociétés
contemporaines. On pourrait évoquer à ce propos la distinction suggérée par
Walter Benjamin entre l’« expérience transmise » (Erfahrung) et l’« expérience
vécue » (Erlebnis). La première se perpétue presque naturellement d’une
génération à l’autre, forgeant les identités des groupes et des sociétés dans la
longue durée ; la seconde est le vécu individuel, fragile, volatile, éphémère. Dans
son Passagen-Werk, Benjamin considère cette « expérience vécue » comme un
trait marquant de la modernité, avec le rythme et les métamorphoses de la vie
urbaine, les chocs électriques de la société de masse, le chaos kaléidoscopique de
l’univers marchand. L’Erfahrung est typique des sociétés traditionnelles,
l’Erlebnis appartient aux sociétés modernes, tantôt comme la marque
anthropologique du libéralisme, de l’individualisme possessif, tantôt comme
produit des catastrophes du XXe siècle, avec leur cortège de traumatismes qui ont
affecté des générations entières sans pouvoir devenir un héritage s’inscrivant
dans le cours naturel de la vie. La modernité, selon Benjamin, se caractérise
précisément par le déclin de l’expérience transmise, un déclin dont il marquait
symboliquement l’avènement dans la Première Guerre mondiale. Lors de ce
trauma majeur de l’Europe, plusieurs millions de personnes, surtout des jeunes
paysans qui avaient appris de leurs ancêtres à vivre selon les rythmes de la
nature, à l’intérieur des codes du monde rural, furent brutalement arrachés à leur
univers social et mental8. Ils furent soudainement plongés « dans un paysage où
plus rien n’était reconnaissable, hormis les nuages et, au milieu, dans un champ
de forces traversé de tensions et d’explosions destructrices, le minuscule et
fragile corps humain »9. Les milliers de soldats revenus du front muets et
amnésiques, commotionnés par les Shell Shocks dus à l’artillerie lourde qui
pilonnait sans cesse les tranchées ennemies, incarnaient cette césure entre deux
époques, celle de la tradition forgée par l’expérience héritée et celle des
cataclysmes qui se dérobent aux mécanismes naturels de transmission de la
mémoire. Les mésaventures du smemorato di Collegno – un ex-combattant
amnésique à la double identité, à la fois philosophe de Vérone et ouvrier
typographe de Turin – qui ont passionné les Italiens pendant l’entre-deux-
guerres et inspiré les œuvres de Luigi Pirandello, José-Carlos Mariátegui et
Leonardo Sciascia, s’inscrivaient dans cette mutation profonde du paysage
mémoriel européen10. Mais au fond, la Grande Guerre ne faisait qu’achever,
sous une forme convulsive, un processus dont les origines ont été
magistralement étudiées par Edward P. Thompson dans un essai sur l’avènement
du temps mécanique, productif et disciplinaire de la société industrielle11.
D’autres traumas ont marqué l’« expérience vécue » du XXe siècle, sous la forme
de guerres, génocides, épurations ethniques ou répressions politiques et
militaires. Le souvenir qui en est issu ne fut ni éphémère ni fragile, il fut même
fondateur pour plusieurs générations incapables de percevoir la réalité autrement
que sous la forme d’un univers fracturé, mais il ne se donna point comme
expérience du quotidien, transmissible à une nouvelle génération12. Une
première réponse à notre question initiale pourrait donc se formuler ainsi :
l’obsession mémorielle de nos jours est le produit du déclin de l’expérience
transmise, dans un monde qui a perdu ses repères, défiguré par la violence et
atomisé par un système social qui efface les traditions et morcelle les existences.
Mais il faut s’interroger sur les formes de cette obsession. La mémoire – à
savoir les représentations collectives du passé telles qu’elles se forgent dans le
présent – structure les identités sociales en les inscrivant dans une continuité
historique et en leur donnant un sens, c’est-à-dire un contenu et une direction.
Partout et toujours, les sociétés humaines ont possédé une mémoire collective et
l’ont entretenue par des rites, des cérémonies, voire des politiques. Les structures
élémentaires de la mémoire collective résident dans la commémoration des
morts. Traditionnellement, dans le monde occidental, les rites et les monuments
funéraires célébraient la transcendance chrétienne – la mort comme passage vers
l’au-delà – et, en même temps, réaffirmaient les hiérarchies sociales d’ici-bas.
Dans la modernité, les pratiques commémoratives se métamorphosent. D’une
part, avec la fin des sociétés d’Ancien Régime, elles se démocratisent en
investissant la société dans son ensemble ; d’autre part, elles se sécularisent et se
fonctionnalisent en véhiculant de nouveaux messages adressés aux vivants. À
partir du XIXe siècle, les monuments commémoratifs consacrent des valeurs
laïques (la patrie), défendent des principes éthiques (le bien) et politiques (la
liberté), ou célèbrent des événements fondateurs (guerres, révolutions). Ils
commencent à devenir les symboles d’un sentiment national vécu comme une
religion civile. Selon Reinhart Koselleck, « Le déclin de l’interprétation
chrétienne de la mort laisse ainsi le champ libre à des interprétations purement
politiques et sociales. »13 Amorcé par la Révolution française, le berceau des
premières guerres démocratiques du monde moderne, le phénomène s’est
approfondi après la Grande Guerre, lorsque les monuments aux soldats tombés
au combat ont commencé à baliser l’espace public dans chaque village.
Aujourd’hui, le travail du deuil change d’objet et de formes. En ce tournant de
siècle, Auschwitz devient le socle de la mémoire collective du monde occidental.
La politique de la mémoire – commémorations officielles, musées, films, etc. –
tend à faire de la Shoah la métaphore du XXe siècle comme âge des guerres, des
totalitarismes, des génocides et des crimes contre l’humanité. Au centre de ce
système de représentations s’installe une figure nouvelle, celle du témoin, le
rescapé des camps nazis. Le souvenir dont il est porteur et l’écoute qu’on lui
réserve (après des décennies d’indifférence) ont secoué l’historien, en faisant
désordre dans son chantier et en perturbant son mode de travail. D’une part, il a
dû se rendre à l’évidence des limites de ses procédés traditionnels de mise en
histoire, des limites de ses sources et de l’apport indispensable des témoins pour
essayer de reconstituer des expériences comme l’univers concentrationnaire et la
machine exterminatrice du nazisme. Le témoin peut lui apporter des éléments de
connaissance factuelle inaccessibles par d’autres sources, mais aussi et surtout
peut l’aider à restituer la qualité d’une expérience historique, qui change de
texture une fois enrichie par le vécu de ses acteurs. D’autre part, l’arrivée du
témoin, et donc l’entrée de la mémoire dans le chantier de l’historien, remet en
cause certains paradigmes bien solides. Ceux, par exemple, d’une histoire
structurale conçue comme un processus d’accumulation, dans la longue durée,
de multiples strates (territoire, démographie, échanges, institutions, mentalités)
qui permettent d’appréhender les coordonnées globales d’une époque, mais
laissent bien peu de place à la subjectivité des hommes et des femmes qui font
l’histoire14.
Nous sommes entrés, pour reprendre les mots d’Annette Wieviorka, dans
l’« ère du témoin », désormais placé sur un piédestal, incarnation d’un passé
dont le souvenir est prescrit comme un devoir civique15. Autre signe de
l’époque, le témoin est de plus en plus identifié à la victime. Ignorés pendant des
décennies, les rescapés des camps d’extermination nazis deviennent aujourd’hui,
à leur corps défendant, des icônes vivantes. Ils sont figés dans une posture qu’ils
n’avaient pas choisie et qui ne correspond pas toujours à leur besoin de
transmettre leur expérience vécue. D’autres témoins jadis montrés en exemple
comme des héros, tels les résistants qui prirent les armes pour combattre le
fascisme, ont perdu leur aura ou sont carrément tombés dans l’oubli, engloutis
par la « fin du communisme » qui, éclipsé de l’histoire avec ses mythes, a
emporté dans sa chute les utopies et les espoirs qu’il avait incarnés. La mémoire
de ces témoins n’intéresse plus grand monde, à une époque d’humanitarisme où
il n’y a plus de vaincus mais seulement des victimes. Cette dissymétrie du
souvenir – la sacralisation des victimes auparavant ignorées et l’oubli des héros
jadis idéalisés – indique l’ancrage profond de la mémoire collective au présent,
avec ses mutations et ses renversements paradoxaux.
La mémoire se décline toujours au présent, qui détermine ses modalités : la
sélection des événements dont il faut garder le souvenir (et des témoins à
écouter), leur interprétation, leurs « leçons », etc. Elle se transforme en enjeu
politique et prend la forme d’une injonction éthique – le « devoir de mémoire » –
qui devient souvent source d’abus16. Les exemples ne manquent pas. Toutes les
guerres de ces dernières années, de la première à la deuxième guerre du Golfe,
en passant par celle du Kosovo et celle de l’Afghanistan, ont été aussi des
guerres de la mémoire, puisqu’elles ont été justifiées par l’évocation rituelle du
devoir de mémoire17. Saddam Hussein, Arafat, Milosevic et George W. Bush ont
été comparés à Hitler dans les slogans des manifestations, sur les affiches, dans
les médias et lors des discours de certains leaders politiques. L’islamisme
politique est souvent assimilé au fanatisme nazi. L’historien israélien Tom Segev
indique que Menahem Begin avait vécu l’invasion israélienne du Liban, en
1982, comme un acte réparateur, le succédané fantasmatique d’une armée juive
qui aurait chassé les nazis de Varsovie en 194318. Plus récemment, en 2002, le
Consistoire central des israélites de France déclarait que ce pays était à la veille
d’une vague d’antisémitisme comparable à celle qui déferla dans l’Allemagne
nazie lors de la Nuit de cristal en novembre 193819. Pour l’écrivain portugais
José Saramago, en revanche, l’occupation israélienne des territoires palestiniens
serait comparable à l’Holocauste20. Pendant la guerre en ex-Yougoslavie, les
nationalistes serbes voyaient les épurations ethniques contre les Albanais du
Kosovo comme une revanche contre l’ancienne oppression ottomane, tandis
qu’en France, les professionnels de l’anticommunisme voyaient dans les bombes
sur Belgrade une défense de la liberté contre le totalitarisme. La liste pourrait
continuer. La dimension politique de la mémoire collective (et les abus qui
l’accompagnent) ne peut qu’affecter la manière d’écrire l’histoire.
Remémoration
Une bonne illustration de ce phénomène est donnée par le débat de ces dernières
années autour de la « singularité » du génocide juif28. L’irruption de cette
controverse dans le chantier de l’historien tient, inévitablement, aux parcours de
la mémoire juive, à son émergence au sein de l’espace public et à son
interférence avec les pratiques traditionnelles de la recherche qui ont été
soudainement confrontées aux autobiographies et aux archives audiovisuelles
qui rassemblent les témoignages des rescapés des camps. Si une telle
« contamination » de l’historiographie par la mémoire s’est révélée extrêmement
fructueuse, elle ne devrait pas pour autant occulter un constat méthodologique
aussi banal qu’essentiel, à savoir que la mémoire singularise l’histoire, dans la
mesure où elle est profondément subjective, sélective, souvent irrespectueuse
des scansions chronologiques, indifférente aux reconstructions d’ensemble, aux
rationalisations globales. Sa perception du passé ne peut être qu’irréductiblement
singulière. Là où l’historien ne voit qu’une étape dans un processus, qu’un
aspect d’un tableau complexe et mouvant, le témoin peut saisir un événement
crucial, le basculement d’une vie. L’historien peut décrypter, analyser et
expliquer les photos conservées du camp d’Auschwitz. Il sait que ceux qui
descendent du train sont des juifs, il sait que le SS qui les observe dirigera une
sélection et que la grande majorité des figures de cette photo n’ont plus que
quelques heures de vie devant elles. À un témoin, cette photo dira beaucoup
plus. Elle lui rappellera des sensations, des émotions, des bruits, des voix, des
odeurs, la peur et le dépaysement de l’arrivée au camp, la fatigue d’un long
voyage effectué dans des conditions horribles, sans doute la vision de la fumée
des crématoires. Autrement dit, elle lui rappellera un ensemble d’images et de
souvenirs tout à fait singuliers et complètement inaccessibles à l’historien, sinon
sur la base d’un récit a posteriori, source d’une empathie incomparable à celle
que le témoin a pu revivre. La photo d’un Häftling désigne aux yeux de
l’historien une victime anonyme ; pour un parent, un ami ou un camarade de
détention, cette photo évoque tout un monde absolument unique. Pour
l’observateur extérieur, cette photo ne représente – comme dirait Siegfried
Kracauer – qu’une réalité « non délivrée » (unerlöst)29. L’ensemble de ces
souvenirs forme une partie de la mémoire juive, une mémoire que l’historien ne
peut pas ignorer et qu’il doit respecter, qu’il doit explorer et comprendre, mais à
laquelle il ne doit pas se soumettre. Il n’a pas le droit de transformer la
singularité de cette mémoire dans un prisme normatif d’écriture de l’histoire. Sa
tâche consiste plutôt à inscrire cette singularité de l’expérience vécue dans un
contexte historique global, en essayant d’en éclairer les causes, les conditions,
les structures, la dynamique d’ensemble. Cela signifie apprendre de la mémoire
tout en la passant au crible d’une vérification objective, empirique, documentaire
et factuelle, en traquant si nécessaire ses contradictions et ses pièges. Cela peut
aider le souvenir à se préciser, à prendre des contours plus clairs, à devenir plus
exigeant, et aussi à mettre en lumière ce qui, dans la remembrance, n’est pas
réductible aux éléments factuels30. S’il peut y avoir une singularité absolue de la
mémoire, celle de l’histoire sera toujours relative31. Pour un juif polonais,
Auschwitz signifie quelque chose de terriblement unique : la disparition de
l’univers humain, social et culturel dans lequel il est né. Un historien qui n’arrive
pas à comprendre cela ne pourra jamais écrire un bon livre sur la Shoah, mais le
résultat de sa recherche ne serait guère meilleur s’il en tirait la conclusion –
comme le fait par exemple l’historien américain Steven Katz – que le génocide
juif est le seul de l’histoire32. Selon Eric J. Hobsbawm, l’historien ne doit pas se
soustraire à un devoir d’universalisme : « Une histoire destinée aux seuls juifs
(ou aux Noirs américains, aux Grecs, aux femmes, aux prolétaires, aux
homosexuels, etc.) ne saurait être une bonne histoire, quand bien même elle peut
réconforter ceux qui la pratiquent. »33 Il est souvent très difficile, pour les
historiens qui travaillent sur des sources orales, de trouver le juste équilibre entre
empathie et distanciation, reconnaissance des singularités et mise en perspective
générale.
Séparations
La même opposition entre histoire et mémoire est présente avec force dans
l’historiographie du national-socialisme, comme l’a montré très clairement, au
milieu des années 1980, la correspondance entre deux grands historiens, Martin
Broszat et Saul Friedländer55. En argumentant son plaidoyer pour une
historicisation du nazisme capable de briser la tendance persistante à
« insulariser » la période 1933-1945 pour des raisons morales, Broszat
revendiquait une méthode scientifique capable de s’affranchir du « souvenir
mythique » des victimes56. La mémoire des rescapés du génocide des juifs
suscite évidemment son respect, mais devrait rester exclue des sources de
l’historien et ne pas interférer avec son travail. Face au positivisme radical d’une
telle approche, on se demande si elle ne cache pas la part de mémoire vécue et
affective présente dans l’historiographie allemande de l’après-guerre, notamment
l’historiographie du nazisme élaborée par la « génération de la Hitlerjugend »57.
Au-delà du jugement que l’on peut porter sur ses résultats – souvent
remarquables – un constat s’impose : une caractéristique partagée par la plupart
de ses représentants réside précisément dans l’exclusion des victimes du nazisme
de son champ d’investigation, pour ne pas dire de son horizon épistémologique.
Cette caractéristique s’est par ailleurs perpétuée dans les travaux d’une nouvelle
génération, souvent centrés sur l’analyse de la machine meurtrière du nazisme,
mais qui s’intéressent rarement aux témoignages des victimes. Dans cette
historiographie, les victimes restent à l’arrière-plan, anonymes et silencieuses58.
Ce problème pourrait aussi être abordé à partir d’une autre perspective. Le
refoulement des années noires au sein de l’Allemagne d’après-guerre –
refoulement de la Schuldfrage et des crimes nazis – n’a-t-il pas eu, parmi ses
effets, celui de transformer en une sorte de tabou les bombardements qui ont
détruit les villes allemandes, thème qui a été ignoré jusqu’à une époque récente
aussi bien par la littérature, le cinéma et l’historiographie ? C’est l’hypothèse
suggérée par W.G. Sebald, pour qui l’absence de tout débat public et d’œuvres
littéraires sur ce traumatisme collectif tient au fait « qu’un peuple qui avait
assassiné et exploité jusqu’à la mort des millions d’hommes était dans
l’impossibilité d’exiger des puissances victorieuses qu’elles rendent des comptes
sur la logique d’une politique militaire ayant dicté l’éradication des villes
allemandes »59.
Opposer radicalement histoire et mémoire est donc une opération périlleuse et
discutable. Les travaux de Halbwachs, Yerushalmi et Nora ont contribué à
mettre en lumière les différences profondes qui existent entre histoire et
mémoire, mais il serait faux d’en déduire leur incompatibilité ou de les
considérer comme irréductibles. Leur interaction crée plutôt un champ de
tensions à l’intérieur duquel s’écrit l’histoire. Amos Funkenstein a sans doute
raison d’indiquer, au point de rencontre entre histoire et mémoire, l’émergence
d’une troisième instance qu’il appelle conscience historique60.
La correspondance avec Broszat a été par ailleurs le point de départ pour Saul
Friedländer d’une réflexion féconde sur les conditions d’écriture de l’histoire. Si
l’historien ne travaille pas enfermé dans la classique tour d’ivoire, à l’abri des
rumeurs du monde, il ne vit pas non plus dans une chambre réfrigérée, à l’abri
des passions du monde. Il subit les conditionnements d’un contexte social,
culturel et national. Il n’échappe pas aux influences de ses souvenirs personnels
ni à celles d’un savoir hérité, dont il peut essayer de s’affranchir non pas en les
niant, mais par un effort de distanciation critique. Dans cette perspective, sa
tâche ne consiste pas à tenter d’évacuer la mémoire – personnelle, individuelle et
collective –, mais à la mettre à distance et à l’inscrire dans un ensemble
historique plus vaste. Il y a donc, dans le travail de l’historien, une partie de
transfert qui oriente le choix, l’approche et le traitement de son objet de
recherche, et dont il doit être conscient. Friedländer définit ainsi l’écriture de
l’histoire, par un emprunt au lexique de la psychanalyse, comme un acte de
« perlaboration » (working through). La distance chronologique qui sépare
l’historien de l’objet de sa recherche crée une sorte d’écran protecteur, mais
l’émotion qui, souvent de façon imprévue et soudaine, resurgit au cours de son
travail ne peut que briser ce diaphragme temporel61. Cette empathie liée au vécu
individuel de l’historien n’a pas forcément des effets négatifs. Elle peut aussi se
révéler fructueuse, à condition que l’historien en soit conscient et sache la
« maîtriser »62.
L’œuvre de Friedländer constitue un bon exemple d’une telle maîtrise. Dans
Nazi Germany and the Jews, il a inscrit une constellation de « destins
individuels » dans un récit historique global de l’Allemagne d’avant la Seconde
Guerre mondiale. Il a ainsi été capable de dépasser le clivage traditionnel des
études du nazisme : d’un côté les recherches, menées essentiellement dans les
archives, qui focalisent l’attention sur l’idéologie et les structures du régime ; de
l’autre, une reconstruction du passé exclusivement fondée sur la mémoire des
victimes, tantôt déposée dans une vaste littérature de témoignage, tantôt
conservée dans des archives visuelles ou sonores. Friedländer a essayé d’intégrer
ces deux perspectives afin de parvenir à une reconstruction globale du processus
historique, en introduisant la voix des victimes dans une narration qui se
réduirait autrement à l’analyse des décisions politiques et des décrets
administratifs63.
En dépit de leur posture positiviste, les historiens allemands de la génération
de la Hitlerjugend, c’est-à-dire ceux qui sont nés entre 1925 et le début des
années 1930 (Martin Broszat, Hans Mommsen, Andreas Hillgruber, Ernst Nolte,
Hans-Ulrich Wehler, etc.), tendent eux aussi à ressentir une empathie avec les
acteurs du passé qui implique des souvenirs personnels. Les recherches sur
l’histoire de la vie quotidienne sous le nazisme (Alltagsgeschichte) brossent,
dans la plupart des cas, un tableau social dans lequel les victimes disparaissent
tout simplement64. D’autres n’ont pas échappé aux pièges du récit apologétique.
Pour Andreas Hillgruber, jeune soldat de la Wehrmacht en 1945, en décrivant la
dernière année de la Seconde Guerre mondiale, l’historien « doit s’identifier au
destin de la population allemande de l’Est et aux efforts désespérés et coûteux de
l’Ostheer […] qui visaient à défendre cette population contre la vengeance de
l’Armée rouge, les viols collectifs, les assassinats arbitraires et les innombrables
déportations, et à maintenir ouvertes les routes terrestres et maritimes permettant
aux Allemands des territoires orientaux de fuir vers l’Ouest… »65. Or, comme le
lui a rappelé Habermas, lors de cette dernière année de guerre, la résistance
acharnée de la Wehrmacht était aussi la condition pour la poursuite des
déportations vers les camps nazis, où les chambres à gaz continuaient de
fonctionner.
Dans son dernier ouvrage, History. The last Things before the last, Siegfried
Kracauer utilise deux métaphores pour définir l’historien. La première, celle du
juif errant, vise l’historiographie positiviste. Comme « Funes el memorioso », le
héros de la célèbre nouvelle de Borges, Ahasvérus, qui a traversé les continents
et les époques, ne peut rien oublier et reste condamné à se déplacer sans cesse,
chargé de son fardeau de souvenirs, mémoire vivante du passé dont il est le
gardien malheureux. Objet de compassion, il n’incarne aucune sagesse, aucune
mémoire vertueuse et éducatrice, mais seulement un temps chronologique
homogène et vide80. La seconde métaphore, celle de l’exilé – on pourrait dire
aussi de l’étranger, selon la définition de Georg Simmel –, fait de l’historien une
figure de l’extraterritorialité. À l’instar de l’exilé, déchiré entre deux pays, sa
patrie et sa terre d’adoption, l’historien est clivé entre le passé qu’il explore et le
présent dans lequel il vit. Il est ainsi obligé d’acquérir un statut
« extraterritorial », en équilibre entre le passé et le présent81. Comme l’exilé qui
est toujours un outsider dans le pays d’accueil, l’historien opère une intrusion
dans le passé. Mais, de même que l’exilé peut se familiariser avec le pays
d’accueil et porter sur sa vie un regard critique à la fois intérieur et extérieur, fait
simultanément d’adhésion et de distanciation, l’historien – ce n’est pas la norme,
c’est une virtualité – peut connaître en profondeur une époque révolue et en
reconstituer les traits avec une plus grande clarté que les contemporains grâce à
son regard rétrospectif. Son art consiste à réduire au maximum les handicaps qui
tiennent à la distance et à tirer le plus grand profit des avantages
épistémologiques qui en découlent.
En tant que « passeur » (Grenzgänger) extraterritorial, l’historien est
redevable de la mémoire, mais il agit à son tour sur cette dernière, puisqu’il
contribue à la former et à l’orienter. Précisément parce qu’au lieu de vivre
enfermé dans une tour il participe à la vie de la société civile, l’historien
contribue à la formation d’une conscience historique, donc d’une mémoire
collective (plurielle et inévitablement conflictuelle, traversant l’ensemble du
corps social). Autrement dit, son travail contribue à forger ce que Habermas
appelle un « usage public de l’histoire »82. Il s’agit d’un constat qui n’a pas
besoin d’être souligné : les débats allemands, italiens, espagnols autour du passé
fasciste, les débats français autour du passé vichyste et colonial, les débats
argentins et chiliens autour du legs des dictatures militaires, les débats européens
et américains autour de l’esclavage – la liste serait inépuisable –, dépassent
largement les frontières de la recherche historique. Ils envahissent la sphère
publique et interpellent notre présent.
Le livre de Ludmila da Silva Catela, No habrá flores en la tumba del pasado,
consacré au souvenir des victimes de la dictature militaire argentine, est un bon
exemple de recherche historique qui fait de la mémoire son objet tout en
s’inscrivant dans un contexte sensible où, inévitablement, il participe d’un usage
public de l’histoire83. Il s’agit d’abord d’histoire orale, car l’auteur a mené une
enquête auprès des familiers (parents, enfants, frères et sœurs) des disparus de
La Plata, ville où la répression militaire a été particulièrement virulente et
étendue. C’est le récit de leur peur, de leur espoir, de leur attente, de leur colère,
de leur courage, de leur besoin d’agir, de leur soulagement après chaque petite
action publique. Il s’agit, ensuite, d’histoire politique : comment ils ont
commencé à s’organiser, comment ils ont trouvé la force d’agir publiquement,
d’inventer des formes de lutte (de dénonciation, de contre-information) et des
symboles (le pañuelo, etc.). Comment ces actions répondaient à un impératif
moral, à un besoin personnel, et comment elles ont donné lieu à un mouvement
politique avec un fort impact sur l’ensemble de la société civile. Comment des
mères et parfois des grand-mères qui étaient des femmes au foyer sont devenues
les dirigeantes d’un mouvement de la société civile contre la dictature militaire.
À côté de l’histoire orale et de l’histoire politique, il y a l’anthropologie et la
psychologie : une étude sur la souffrance et sur l’impossibilité du deuil liées à la
disparition. Les familiers savent que les disparus sont morts mais ne peuvent pas
les considérer comme tels puisque leurs corps n’ont jamais été retrouvés, d’où
les spécificités, voire la créativité d’une remémoration qui accompagne ce deuil
à la fois inépuisable et impossible (les défilés des Madres, l’apparition des
pañuelos, les photos des disparus dans la presse, le « harcèlement » des autorités,
l’ouverture des archives, les procès, la recherche des corps des victimes, les
« escraches », c’est-à-dire les dénonciations publiques, devant les maisons des
tortionnaires, etc.). Une remémoration profondément ancrée dans le présent,
comme le prouvent les madres et les hijos qui soutiennent les piquets des
chômeurs, car la lutte des piqueteros pour la « dignité humaine » est la même
que celle de leurs fils et de leurs parents tués par la dictature. Tel est ce livre
d’histoire fondé sur une empathie critique qui redonne un visage et une voix à
ceux que la dictature militaire avait voulu effacer sans laisser de traces, tout en
explorant leur mémoire, au travers de leurs familiers, dans l’Argentine
d’aujourd’hui.
II. Le temps et la force
Dans la relation complexe que l’histoire établit avec la mémoire s’inscrit le lien
que les deux entretiennent avec les notions de vérité et de justice. Ce lien devient
de plus en plus problématique avec la tendance aujourd’hui croissante à une
lecture judiciaire de l’histoire et à une « judiciarisation de la mémoire »164.
Désormais au centre de notre conscience historique, la vision du XXe siècle
comme le siècle de la violence, a souvent conduit l’historiographie à travailler
avec des catégories analytiques empruntées au droit pénal. Les acteurs de
l’histoire sont ainsi, de plus en plus souvent, ramenés aux rôles des exécuteurs,
des victimes et des témoins165. Les exemples les plus connus qui illustrent cette
tendance sont ceux de Daniel J. Goldhagen et de Stéphane Courtois. Le premier
a interprété l’histoire de l’Allemagne moderne comme le processus de
construction d’une communauté d’exécuteurs166. En troquant les habits de
l’historien contre ceux du procureur, le second a ramené l’histoire du
communisme à l’essor d’une entreprise criminelle pour laquelle il a réclamé un
nouveau procès de Nuremberg167.
Au fond, le rapport entre justice et histoire est une vieille question (voir
l’intervention des plus éminents historiens français lors du procès Zola, en
1898168), aujourd’hui remise à l’ordre du jour par une série de procès au cours
desquels de nombreux historiens ont été convoqués en qualité de témoins. Il
serait difficile de comprendre les procès Barbie, Touvier et Papon en France, le
procès Priebke en Italie ou encore les tentatives d’instruction d’un procès
Pinochet, en Europe comme au Chili, sans les mettre en relation avec
l’émergence, au sein de la société civile de ces pays et de l’opinion publique
mondiale, d’une mémoire collective du fascisme, des dictatures et de la Shoah.
Ces procès ont été des moments de remémoration publique de l’histoire où le
passé a été reconstitué et jugé dans une salle de tribunal. Au cours des audiences,
des historiens ont été convoqués pour « témoigner », c’est-à-dire pour éclairer
grâce à leurs compétences le contexte historique des faits concernés. Devant la
cour, ils ont prêté serment en déclarant, comme tout témoin : « Je jure de dire la
vérité, rien que la vérité, toute la vérité. »169 Ce « témoignage » sui generis
soulevait bien sûr des questions d’ordre éthique, mais il renouvelait aussi des
interrogations plus anciennes d’ordre épistémologique. Il remettait en cause le
rapport de la justice à la mémoire d’un pays et celui du juge à l’historien, avec
leurs modalités respectives de traitement des preuves et le statut différent de la
vérité selon qu’elle est produite par la recherche historique ou énoncée par le
verdict d’un tribunal. Soucieux de distinguer les domaines respectifs de la
justice, de la mémoire et de l’histoire, Henry Rousso a refusé de témoigner lors
du procès Papon en motivant son choix avec des arguments rigoureux et à
plusieurs égards éclairants. « La justice – affirme-t-il – se pose la question de
savoir si un individu est coupable ou innocent ; la mémoire nationale est la
résultante d’une tension existant entre des souvenirs mémorables et
commémorables et des oublis qui permettent la survie de la communauté et sa
projection dans le futur ; l’histoire est une entreprise de connaissance et
d’élucidation. Ces trois registres peuvent se superposer, et c’est ce qui s’est
passé dans les procès pour crimes contre l’humanité. Mais c’était d’emblée les
investir d’une charge insupportable : ils ne pouvaient être de manière égale à la
hauteur des enjeux respectifs de la justice, de la mémoire et de l’histoire. »170
Ce mélange des genres semblait exhumer l’ancien aphorisme de Schiller,
repris par Hegel, sur le tribunal de l’Histoire : Die Weltgeschichte ist das
Weltgericht, « L’histoire du monde est le tribunal du monde », aphorisme qui
sécularise la morale et l’idée de justice, en la situant dans la temporalité du
monde profane et en faisant de l’historien son gardien171. On peut s’interroger
sur la pertinence de cette sentence à propos de procès qui, loin de juger un passé
révolu et désormais clos, susceptible d’être contemplé de loin, ne sont que des
moments d’élaboration d’« un passé qui ne veut pas passer ». Pour les parties
civiles, cependant, ils ont pris les traits d’une Némésis réparatrice de l’Histoire.
Contre cet adage hégélien, il était inévitable d’en opposer un autre : l’historien
n’est pas un juge, sa tâche ne consiste pas à juger mais à comprendre. Dans son
Apologie pour l’histoire, Marc Bloch en a donné une formulation classique :
« Quand le savant a observé et expliqué, sa tâche est finie. Au juge, il reste
encore à rendre sa sentence. Imposant silence à tout penchant personnel, la
prononce-t-il selon la loi ? Il s’estimera impartial. Il le sera, en effet, au sens des
juges. Non au sens des savants. Car on ne saurait condamner ou absoudre sans
prendre parti pour une table des valeurs qui ne relève plus d’aucune science
positive. »172 Mais il faudrait aussi rappeler que, dans Une étrange défaite,
Bloch ne s’abstenait pas de juger et que, quitte à prôner une vision éculée (et
illusoire) de l’historiographie comme science « axiologiquement neutre », on est
bien obligé de reconnaître que tout travail historique véhicule aussi,
implicitement, un jugement sur le passé. Il serait faux de ne voir qu’arrogance
derrière l’aphorisme hégélien sur l’histoire comme « tribunal du monde ». Pierre
Vidal-Naquet rappelle dans ses mémoires l’impression que lui fit le passage
saisissant de Chateaubriand qui attribue à l’historien, « lorsque, dans le silence
de l’abjection, l’on n’entend plus retentir que la chaîne de l’esclave et la voix du
délateur », la noble tâche de « la vengeance des peuples ». Avant d’être la source
d’une vocation, rappelle-t-il, ce désir de rachat et de justice fut pour lui « une
raison de vivre »173.
La contribution la plus lucide sur cette épineuse question reste celle de Carlo
Ginzburg, à l’occasion du procès Sofri en Italie174. L’historien, souligne
Ginzburg, ne doit pas s’ériger en juge, il ne peut pas émettre des sentences. Sa
vérité – résultat de sa recherche – n’a pas un caractère normatif ; elle reste
partielle et provisoire, jamais définitive. Seuls les régimes totalitaires, où les
historiens sont réduits au rang d’idéologues et de propagandistes, possèdent une
vérité officielle. L’historiographie n’est jamais figée, car à chaque époque notre
regard sur le passé – interrogé à partir de questionnements nouveaux, sondé à
l’aide de catégories d’analyse différentes – se modifie. L’historien et le juge,
cependant, partagent un même but : la recherche de la vérité, et cette quête de
vérité nécessite des preuves. La vérité et la preuve, telles sont les deux notions
qui se trouvent au centre du travail du juge comme de l’historien. L’écriture de
l’histoire, ajoute Ginzburg, implique d’ailleurs un procédé argumentatif – une
sélection des faits et une organisation du récit – dont le paradigme demeure la
rhétorique de souche judiciaire. La rhétorique est « un art de la persuasion né
devant les tribunaux »175 ; c’est là que, devant un public, on a codifié la
reconstruction d’un fait par des mots. Ce n’est pas négligeable, mais là s’arrête
l’affinité. La vérité de la justice est normative, définitive et contraignante. Elle
ne vise pas à comprendre, mais à établir des responsabilités, à absoudre les
innocents et à punir les coupables. Comparée à la vérité judiciaire, celle de
l’historien n’est pas seulement provisoire et précaire, elle est aussi bien plus
problématique. Résultat d’une opération intellectuelle, l’histoire est analytique et
réflexive, essayant de mettre en lumière les structures sous-jacentes aux
événements, les relations sociales dans lesquelles sont impliqués les hommes et
les motivations de leurs actes176. Bref, c’est une autre vérité, indissociable de
l’interprétation. Elle ne se limite pas à établir les faits, mais essaie de les placer
dans leur contexte, de les expliquer, en formulant des hypothèses et en
recherchant des causes. Si l’historien adopte, pour reprendre encore la définition
de Ginzburg, un « paradigme indiciaire »177, son interprétation ne possède pas la
rationalité implacable, mesurable et incontestable, des démonstrations de
Sherlock Holmes.
Les mêmes faits engendrent des vérités distinctes. Là où la justice accomplit
sa mission en désignant et en condamnant le coupable d’un crime, l’histoire
commence son travail d’enquête et d’interprétation, en essayant d’expliquer
comment il est devenu un criminel, son rapport à la victime, le contexte dans
lequel il a agi, ainsi que l’attitude des témoins qui ont assisté au crime, qui ont
réagi, qui n’ont pas su l’empêcher, qui l’ont toléré ou approuvé. Ces
considérations peuvent conforter la décision des historiens qui n’ont pas accepté
de « témoigner » lors du procès Papon. Elle est recevable, au même titre que les
motivations de ceux qui se sont rendus à la convocation des juges. Ils l’ont fait
pour ne pas se soustraire, en tant que citoyens, à un devoir civique que leur
métier rendait à leurs yeux encore plus impératif. D’une part, leur
« témoignage » a contribué à mélanger les genres et à conférer à un verdict
judiciaire le statut d’une vérité historique officielle, en transformant une cour en
« tribunal de l’Histoire ». D’autre part, il a pu éclairer un contexte et rappeler des
faits qui risquaient de rester absents tant des actes du procès que de la réflexion
qui l’a accompagné au sein de l’opinion publique.
« Moraliser l’histoire »178 : cette exigence avancée par Jean Améry dans ses
sombres méditations sur le passé nazi est à l’origine des procès évoqués ci-
dessus. Les victimes et leurs descendants les ont vécus comme des actes
symboliques de réparation. Ailleurs, ils se battent pour que ces procès aient lieu,
comme aujourd’hui, au Chili, les rescapés de la dictature de Pinochet et leurs
descendants. Il ne s’agit pas d’identifier justice et mémoire, mais souvent faire la
justice signifie aussi rendre justice à la mémoire. La justice a été, tout au long du
XXe siècle – au moins depuis Nuremberg sinon depuis l’Affaire Dreyfus – un
moment important dans la formation d’une conscience historique collective.
L’imbrication de l’histoire, de la mémoire et de la justice est au centre de la vie
collective. L’historien peut opérer les distinctions nécessaires mais il ne peut pas
nier cette imbrication ; il doit l’assumer, avec les contradictions qui en
découlent. Charles Péguy en avait eu l’intuition lors de l’Affaire Dreyfus,
lorsqu’il écrivait que « l’historien ne prononce pas de jugements judiciaires ; il
ne prononce pas de jugements juridiques ; on pourrait presque dire qu’il ne
prononce pas même de jugements historiques ; il élabore constamment des
jugements historiques ; il est en perpétuel travail »179. On pourrait voir là une
profession de relativisme ; en réalité, c’est la reconnaissance du caractère
instable et provisoire de la vérité historique qui, au-delà de l’établissement des
faits, contient sa part de jugement indissociable d’une interprétation du passé
comme problème ouvert plutôt que comme inventaire clos et définitivement
archivé.
IV. Usages politiques du passé
Dans Le Spleen contre l’oubli, Dolf Oehler a montré à quel point la culture
française du Second Empire fut hantée par la mémoire de juin 1848, dans une
société qui essayait d’exorciser par tous les moyens le souvenir de cette révolte
devenue presque innommable191. Il se passe aujourd’hui quelque chose
d’analogue. L’idée même de révolution est criminalisée, automatiquement
ramenée à la catégorie du « communisme » et ainsi archivée au chapitre
« totalitarisme » de l’histoire du XXe siècle. Elle est assimilée à la Terreur et la
Terreur réduite à l’accomplissement cohérent d’une idéologie criminelle192. Le
capitalisme et le libéralisme semblent redevenus le destin inéluctable de
l’humanité, comme ils avaient été décrits par Adam Smith à l’époque de la
révolution industrielle et par Tocqueville après la Restauration. Ce diagnostic ne
désigne pas un nouvel ordre à bâtir, dont on apercevrait à peine les traits, mais
un système social et politique présenté comme la seule réponse possible aux
horreurs du XXe siècle. Le contraste est frappant avec le paysage mémoriel du
siècle achevé. Lors des moments les plus sombres de l’« âge des extrêmes »,
quand le vieux monde était secoué par une guerre destructrice qui le faisait
ressembler à un tableau de Jérôme Bosch, quand le sentiment se répandait que
l’humanité était au bord de l’abîme et que la civilisation risquait de connaître
une éclipse définitive, le communisme apparaissait, aux yeux de millions
d’hommes et de femmes, comme une alternative pour laquelle il valait la peine
de se battre. Dans l’idée de communisme il y avait certes une part d’illusion, de
mystification et d’aveuglement dont seule une minorité, parmi ses défenseurs,
avait conscience. Elle était cependant fortement enracinée dans la société, dans
la culture et dans l’espérance des classes populaires. Communisme était un mot
porteur de multiples significations. Il voulait dire prendre en main son propre
destin, s’émanciper, se battre contre le fascisme, contre l’injustice, contre
l’oppression, bâtir une société d’égaux. Il renvoyait aussi à de plus sombres
réalités : l’avancée « libératrice » de l’Armée rouge, la discipline, la raison du
Parti, le culte de Staline. Aspirations libertaires, calculs machiavéliques et
menaces totalitaires se côtoyaient dans une dialectique historique que l’« âge des
extrêmes » avait poussée à son paroxysme. En France et dans plusieurs pays de
l’Ouest européen, la mémoire du communisme est tout d’abord celle d’une
« contre-société »193 – caserne, église et communauté fraternelle tout à la fois –
qui aujourd’hui n’existe plus. Si les ombres et les contradictions que recelait
cette idée de communisme sont désormais bien visibles, si ses illusions sont
détruites, il faut reconnaître aussi que son horizon d’espérance a disparu. Les
mouvements de masse les plus radicaux n’osent plus s’en réclamer ni le
revendiquer. Les zapatistes mexicains ne parlent pas de communisme mais de
dignité et de justice. Les forces qui se sont mobilisées au cours de ces dernières
années contre la mondialisation néolibérale, de Seattle à Gênes, ont des idées
très claires sur ce qu’elles ne veulent pas – un monde réifié et transformé en
marchandise –, mais n’osent pas proposer un modèle alternatif de société. Les
étudiants chinois rassemblés sur la place Tien an Men en 1989 ne revendiquaient
pas, comme à Prague en 1968, un « socialisme à visage humain », mais la liberté
et la démocratie. Dans les pays d’Europe centrale, nombreux sont ceux qui,
après avoir lutté pour un socialisme authentique, sont devenus des responsables
non seulement du retour à la démocratie, mais aussi de la restauration du
capitalisme.
Entré dans la conscience historique du monde occidental depuis la fin des
années 1970 comme un événement central du XXe siècle, le souvenir des camps
de la mort nazis s’est soudé, après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de
l’empire soviétique, avec la mémoire du « socialisme réellement existant ». Ils
sont devenus indissociables, comme les icônes d’une « ère des tyrans »
définitivement révolue194. L’élaboration de la mémoire du passé fasciste et nazi,
entamée depuis quelques décennies dans plusieurs pays européens, s’est
télescopée avec la fin du communisme. La conscience historique du caractère
meurtrier du nazisme a servi de paramètre pour mesurer la dimension criminelle
du communisme, rejeté en bloc – régimes, mouvements, idéologies, hérésies et
utopies comprises – comme l’un des visages d’un siècle de barbarie. La notion
de totalitarisme, jadis rangée dans les étagères les moins fréquentées des
bibliothèques de la guerre froide, a connu un retour spectaculaire comme clé de
lecture la plus apte, sinon la seule capable de déchiffrer les énigmes d’un âge de
guerres, de dictatures, de destructions et de massacres195. Une fois décapité le
monstre totalitaire à tête de Janus, l’Occident a connu une nouvelle jeunesse,
presque une nouvelle virginité. Si le nazisme et le communisme sont les ennemis
irréductibles de l’Occident, ce dernier cesse d’en constituer le berceau pour en
devenir la victime, le libéralisme s’érigeant en son rédempteur. Cette thèse
s’exprime sous différentes variantes, des plus vulgaires aux plus nobles. La
version vulgaire est celle du philosophe du Département d’État américain
Francis Fukuyama, pour lequel la démocratie libérale désigne, au sens hégélien
du terme, « la fin de l’Histoire », impliquant qu’il est impossible de concevoir un
monde qui soit à la fois distinct du monde actuel et meilleur196. La version noble
est celle de François Furet. Soulignant, dans Le Passé d’une illusion, que « ni le
fascisme ni le communisme n’ont été les signes inverses d’une destination
providentielle de l’humanité »197, Furet laisse entendre qu’une telle destination
providentielle existe bel et bien, représentée par leur ennemi commun : le
libéralisme.
Après avoir assimilé le mouvement et les appareils politiques, la révolution et
le régime, ses utopies et son idéologie, les soviets et la Tcheka, les historiens de
la nouvelle Restauration ont entrepris de condamner en bloc le communisme
comme une idéologie et une pratique intrinsèquement totalitaires. Débarrassée
de toute dimension libératrice, sa mémoire a été classée aux archives du siècle
des tyrans.
Certes, le XXe siècle a soulevé une interrogation majeure quant au diagnostic
de Marx sur le rôle du prolétariat comme libérateur de l’humanité. La révolution
russe (et, dans son sillage, celles qui l’ont suivie) a enfanté un régime totalitaire.
Tout ce contre quoi, depuis Babeuf et Marx, le communisme s’était insurgé –
l’oppression, l’inégalité, la domination – devint bientôt sa condition normale
d’existence. La violence « accoucheuse » de l’Histoire fut institutionnalisée
comme son mode de fonctionnement. L’appareil conçu comme moyen devint sa
propre fin, un fétiche exigeant son lot de victimes sacrificielles. Le mouvement
qui avait promis l’émancipation du travail, finalement arraché à sa forme
capitaliste, laissa la place à un système d’aliénation et d’oppression.
Le communisme, tel que nous l’avons connu sous ses formes historiques
concrètes après 1917, a été englouti avec le siècle qui l’avait engendré. Après
une époque de guerres et de génocides, de fascismes et de stalinisme, le
socialisme ne subsiste plus, comme à ses origines, que sous sa forme utopique.
Mais cette utopie est désormais lourdement chargée du poids de l’histoire qui la
transforme, selon les mots inspirés de Daniel Bensaïd, en un « pari
mélancolique »198. Elle se charge d’un sentiment aigu des défaites subies, des
catastrophes toujours possibles, et ce sentiment devient le véritable fil rouge
tissant la continuité de l’histoire comme histoire des vaincus.
À la différence de Marx, qui définissait les révolutions comme les
« locomotives de l’Histoire », Benjamin les interprétait comme le « frein de
secours » qui pouvait arrêter la course du train vers une catastrophe
éternellement renouvelée et briser le continuum de l’histoire199. La métaphore de
Marx restait prisonnière de la mythologie du progrès dont les chemins de fer,
expression de la société industrielle, image de la puissance et de la vitesse,
avaient été le symbole tout au long du XIXe siècle. Après les rails de Birkenau,
après les voies ferrées que les zeks ont bâti dans les goulags de Sibérie, les
locomotives n’évoquent plus la révolution.
Nous ne sommes plus au milieu de la tempête, comme nos ancêtres de l’entre-
deux-guerres. Nous vivons, tout au moins provisoirement, dans un paysage post-
catastrophique, à l’abri des calamités qui affligent d’autres régions de la planète.
Et avec la catastrophe s’est éloignée la révolution, son corollaire. Puisque son
« champ d’expérience » s’éloigne de nous comme un passé révolu, son « horizon
d’attente » est devenu invisible200. Nous ne savons pas si le communisme pourra
redevenir un jour un « horizon d’attente », une « utopie concrète », comme le
définissait Ernst Bloch. Ce qui est certain, c’est que son champ d’expérience
s’est éclipsé de notre paysage mémoriel et qu’il attend encore son anamnèse.
De ce point de vue, la mémoire du communisme a connu une parabole
analogue à celle d’autres mouvements émancipateurs. Comme l’ont souligné
plusieurs historiens, mai 68 n’évoque plus, dans l’imaginaire collectif, la plus
grande grève générale de l’histoire française, mais le rite de passage vers une
société individualiste et le moment de formation d’une nouvelle élite « libérale-
libertaire ». L’analogie la plus frappante est sans doute celle de
l’anticolonialisme, dont la mémoire publique a connu une éclipse presque totale.
Une gigantesque révolte des peuples colonisés contre l’impérialisme a été
oubliée, recouverte par d’autres représentations du « Sud » du monde, cumulées
au fil de trois décennies : d’abord celle des charniers du Cambodge et du
Rwanda, puis celle des « guerres humanitaires », enfin celle du terrorisme
islamique, dont les porte-parole ont remplacé l’image du guerrillero. Les ex-
colonisés n’ont toujours pas acquis le statut de sujets historiques, ils se sont
simplement transformés en « victimes », objet du secours des pays développés
qui continuent de remplir, comme au XIXe siècle, leur « mission civilisatrice »,
désormais enveloppée par le manteau idéologique des « droits de l’homme ».
Ainsi enseveli, le souvenir du communisme et de l’anticolonialisme comme
mouvements émancipateurs, comme expérience de constitution des opprimés en
sujets historiques, subsiste comme mémoire cachée, parfois comme contre-
mémoire opposée aux représentations dominantes.
V. Les dilemmes des historiens allemands
La disparition du fascisme
« Révisionnisme » est un mot caméléon qui a pris au cours du XXe siècle des
significations différentes et contradictoires, se prêtant à des usages multiples et
suscitant parfois des malentendus. Les choses se sont encore compliquées du fait
de son appropriation par la secte internationale qui nie l’existence des chambres
à gaz et plus généralement du génocide des juifs d’Europe233. Les négationnistes
ont essayé de se présenter comme les porte-parole d’une école historique
« révisionniste » opposée à une autre école, qu’ils qualifient
d’« exterminationniste » et qui inclut bien entendu l’ensemble des études
historiques dignes de ce nom, tous courants confondus, consacrées au judéocide.
Afin de défendre leurs thèses, les négationnistes ont lancé en 1987 une revue
intitulée Annales d’histoire révisionniste devenue ensuite Revue d’histoire
révisionniste. Il est inutile d’ajouter que cette mouvance – dont Pierre Vidal-
Naquet a bien dévoilé l’intention véritable en la rebaptisant « les assassins de la
mémoire »234 – n’a jamais atteint son but, puisqu’elle n’a obtenu ni la moindre
reconnaissance au sein de l’historiographie ni droit de cité dans le débat public.
Au contraire – ce fait a souvent été souligné – son apparition a eu l’effet de
stimuler la recherche qui est parvenue au cours de ces dernières années à une
connaissance bien plus précise et détaillée des moyens et des modalités du
processus d’extermination des juifs.
Les négationnistes ont néanmoins réussi à polluer le langage et à créer une
confusion considérable autour du concept de révisionnisme. François Bédarida
ne manquait pas de le rappeler, il y a une dizaine d’années, en écrivant qu’en
s’appropriant ce terme, les négateurs du judéocide s’étaient livrés « à une
véritable usurpation ». Ils avaient repris un mot existant qui traduisait « une
démarche plus qu’honorable, une démarche à la fois légitime et nécessaire, pour
se donner une respectabilité trompeuse et mensongère »235. Il est désormais
indispensable, lorsqu’on utilise ce terme, d’en préciser la signification, comme le
fait par exemple Pierre Vidal-Naquet qui indique, au début de ses « Thèses sur le
révisionnisme » (1985), son choix délibéré de l’employer dans une acception
restrictive, limitée à « la doctrine selon laquelle le génocide pratiqué par
l’Allemagne nazie à l’encontre des juifs et des Tziganes n’a pas existé mais
relève du mythe, de la fabulation, de l’escroquerie ». Il poursuit en soulignant le
sens différent que ce mot peut véhiculer selon les contextes, en rappelant enfin
qu’il a connu aussi ses lettres de noblesse. En France, écrit-il, « les premiers
révisionnistes modernes » ont été les partisans de la révision du procès qui avait
abouti à la condamnation du capitaine Alfred Dreyfus236.
Dans ses lignes générales, l’histoire du révisionnisme – négationnisme exclu –
pourrait être ramenée à trois moments principaux : une controverse marxiste, un
schisme intérieur au monde communiste et aussi, au sens plus large, une série de
débats historiographiques postérieurs à la Seconde Guerre mondiale. Tout
d’abord donc, le révisionnisme classique, par lequel le mot s’est introduit dans le
vocabulaire de la culture politique moderne : il s’agit évidemment de la
Bernsteindebatte, qui éclata à la fin du XIXe siècle au sein de la social-démocratie
allemande et s’étendit immédiatement à l’ensemble du mouvement socialiste
international. L’ancien secrétaire d’Engels, Edouard Bernstein, théorisait la
nécessité de « réviser » certaines conceptions de Marx, comme la polarisation
croissante entre les classes dans la société bourgeoise ou encore la tendance à
l’écroulement du capitalisme sous le poids de ses crises internes. De ces
révisions théoriques, Bernstein tirait des conclusions politiques visant à
harmoniser la théorie de la social-démocratie allemande avec sa pratique, celle
d’un grand parti de masse qui avait abandonné la voie révolutionnaire et
s’acheminait vers une politique réformiste237. Le « révisionnisme » fut
vigoureusement critiqué par Kautsky, Rosa Luxemburg et Lénine, mais personne
ne songea jamais à expulser Bernstein du SPD et la querelle, parfois d’un haut
niveau théorique, demeura toujours dans les limites d’un débat d’idées. Elle fut
suivie d’autres « révisions » – par Rodolfo Mondolfo en Italie, Georges Sorel en
France et Henri de Man en Belgique – qui devaient mener certains de leurs
promoteurs du socialisme au fascisme238. Le terme commençait ainsi à se
répandre au-delà des milieux marxistes. Dans les années 1930, on qualifiait de
« révisionniste » Vladimir Jabotinsky qui rejetait la voie diplomatique prônée
par les fondateurs du sionisme politique (Herzl, Nordau) et envisageait la
création d’un État juif en Palestine par l’usage de la force239.
La controverse socialiste prendra une connotation dogmatique, presque
religieuse, après la naissance de l’Union soviétique et la transformation du
marxisme en idéologie d’État, avec ses dogmes et ses gardiens de l’orthodoxie.
Le mot « révisionniste » devint alors une épithète infamante, synonyme de
« traîtrise ». Il fut largement utilisé lors du schisme yougoslave en 1948 et
surtout lors du conflit sino-soviétique, au début des années 1960. Parfois il
devenait un adjectif accroché à un substantif plus percutant, comme dans la
formule « hyène révisionniste » par laquelle les idéologues du Kominform
aimaient à définir le maréchal Tito.
Mais les querelles autour de Bernstein, Jabotinsky et Tito ne concernaient
pas – ou pas directement – l’écriture de l’histoire. Le troisième champ
d’application de la notion de révisionnisme, en revanche, touche à
l’historiographie de l’après-guerre. Plusieurs démarches visant à renouveler
l’interprétation d’une époque ou d’un événement, à remettre en cause le point de
vue dominant, ont été qualifiées de « révisions ». Ce mot visait à souligner leur
caractère novateur et non pas à les délégitimer, ses représentants étant toujours
reconnus comme des membres à part entière de la communauté historienne.
Parmi les « révisions » les plus marquantes, on pourrait rappeler celle impulsée
au début des années 1960 par Fritz Fischer, qui renouvelait le débat sur les
origines de la Première Guerre mondiale (en rappelant, contre la tendance
dominante au sein de l’historiographie allemande, les visées pangermanistes de
l’état-major prussien)240. Puis celle des politologues américains qui, à l’instar de
Gabriel Kolko, remettaient en cause la thèse alors courante des origines
soviétiques de la guerre froide241. Plus récemment, celle d’un historien comme
Gar Alperowicz au sujet de la bombe atomique : le choix américain de larguer
des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, en août 1945, a-t-il expliqué,
visait bien davantage à établir la supériorité stratégique des États-Unis sur
l’Union soviétique – en faisant peser sur la scène internationale son monopole de
l’arme nucléaire – qu’à mettre fin à la guerre en épargnant ainsi des vies
humaines, comme le prétendait le président Truman242. Aux États-Unis, on
qualifie aujourd’hui de « révisionnistes » des soviétologues comme Moshe
Lewin, Arch Getty et Sheila Fitzpatrick qui, dès les années 1970, ont pris leurs
distances par rapport aux approches anticommunistes de l’époque de la guerre
froide et commencé à étudier, au-delà de la façade totalitaire du régime,
l’histoire sociale du monde russe et soviétique243. Mais de nombreuses
« révisions » apparaissent aussi en Europe. Par exemple en Italie, au début des
années 1960, dans un débat historiographique sur le Risorgimento, où
« révisionnisme » est employé pour les thèses de Gramsci et Salvemini sur les
limites du processus d’unification nationale dirigé par la monarchie
piémontaise244. Quelques années plus tard, François Furet procède à la
« révision » de l’interprétation jacobino-marxiste de la Révolution française –
interprétation qu’il traite de « vulgate populiste-léniniste » – et s’oriente vers
une relecture libérale de la rupture de 1789 à l’aide de Tocqueville et d’Augustin
Cochin, en suscitant un vaste et polémique débat international245. Lors du
bicentenaire de la Révolution, cette thèse jadis « révisionniste » s’est imposée
comme la lecture dominante. La dernière « révision » de taille est celle, déjà
mentionnée dans les chapitres précédents, des « nouveaux historiens » israéliens.
Brisant certains mythes tenaces, Benny Morris et Ilan Pappé ont présenté le
conflit de 1948 dans toute sa complexité, celle d’une guerre à la fois
d’autodéfense et d’épuration ethnique246. Une guerre où l’État hébreu qui venait
juste d’être proclamé luttait d’une part pour sa survie et procédait d’autre part à
l’expulsion de plusieurs centaines de milliers de Palestiniens. Voilà un exemple
de « révision » aux antipodes de toute visée apologétique, qui s’efforce au
contraire de mettre fin à une longue période d’amnésie collective et
d’occultation officielle du passé.
Le mot et la chose
1. David L. Sills (ed.), International Encyclopedia of the Social Sciences, Macmillan, New York, 1968, 7
vol. ; J. Le Goff, P. Nora (éds), Faire de l’histoire, Gallimard, Paris, 1974 ; Raymond Williams, Keywords.
A Vocabulary of Culture and Society, Fontana, London, 1976.
2. Cf. Kerwin Lee Klein, « On the Emergence of Memory in Historical Discourse », Representations, 2000,
n° 69, p. 129.
3. Peter Reichel, L’Allemagne et sa mémoire, Odile Jacob, Paris, 1998, p. 13.
4. Charles Maier, « A Surfeit of Memory ? Reflections on History, Melancholy and Denial », History &
Memory, 1993, 5, pp. 136-151 ; Régine Robin, La Mémoire saturée, Stock, Paris, 2003.
5. Olivier Dumoulin, Le Rôle social de l’historien. De la chaire au prétoire, Albin Michel, Paris, 2003, p.
343.
6. E. Hobsbawm, « Introduction : Inventing Traditions », in E. Hobsbawm, T. Ranger (eds), The Invention
of Tradition, Cambridge University Press, Cambridge, 1983, p. 9.
7. Sur le concept de « religion civile », cf. surtout Emilio Gentile, Les Religions de la politique. Entre
démocraties et totalitarismes, Seuil, Paris, 2005, un ouvrage largement inspirée par les travaux de George
L. Mosse.
8. Sur ce thème, voir surtout Antonio Gibelli, L’officina della guerra. La Grande Guerra e le
trasformazioni del mondo mentale, Bollati Boringhieri, Torino, 1990.
9. Walter Benjamin, « Le conteur. Réflexions sur l’œuvre de Nicolas Leskov », Œuvres III, Gallimard,
Paris, 2000, p. 116.
10. Cf. la pièce de Pirandello Come tu mi vuoi et Leonardo Sciascia, Il teatro della memoria. La sentenza
memorabile, Adelphi, Milano, 2004.
11. E.P. Thompson, Temps, discipline du travail et capitalisme industriel, préface d’Alain Maillard, La
Fabrique, Paris, 2004.
12. Cf. Giorgio Agamben, Enfance et histoire. Destruction de l’expérience et origine de l’histoire, Rivages,
Paris, 2002, p. 25.
13. Reinhart Koselleck, « Les monuments aux morts, lieux de fondation de l’identité des survivants »,
L’Expérience de l’histoire, « Hautes Études », Gallimard-Seuil, Paris, 1997, pp. 140, 151.
14. Parmi les innombrables contributions à ce débat historiographique, cf. la synthèse de Gérard Noiriel,
Sur la « crise » de l’histoire, Belin, Paris, 1996.
15. Annette Wieviorka, L’Ère du témoin, Plon, Paris, 1998.
16. Tzvetan Todorov, Les Abus de la mémoire, Arléa, Paris, 1995.
17. Cf. notamment, à propos de la première guerre du Golfe, Dan Diner, Krieg der Erinnerung und die
Ordnung der Welt, Rothbuch Verlag, Berlin, 1996.
18. Tom Segev, Le Septième Million. Les Israéliens et le génocide, Liana Lévi, Paris, 1993, p. 464.
19. Cf. Libération du 2 avril 2002.
20. Cf. Catherine Bédarida, « Le faux pas du romancier José Saramago », Le Monde du 29 mars 2002.
21. Paul Ricœur, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil, Paris, 2000, p. 106. Une position analogue avait
déjà été défendue avec force par Patrick H. Hutton, History as an Art of Memory, University Press of New
England, Hanover, N.H., 1993.
22. Michael Oakeshott, Rationalism in Politics and Other Essays, Meuthen, London, 1962, p. 198.
23. Walter Benjamin, « Zum Bilde Prousts », Illuminationen, p. 336 (trad. fr. « L’image proustienne »,
Œuvres II, Gallimard, Paris, p. 136).
24. Ibid., p. 345 (trad. fr., p. 150).
25. Walter Benjamin, Das Passagen-Werk, Suhrkamp, Frankfurt/M, 1983, Bd. I, p. 490 (trad. fr. Paris,
capitale du XIXe siècle, Éditions du Cerf, Paris, 1989, p. 405).
26. Ibid., p. 589 (trad. fr., p. 489).
27. François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Seuil, Paris, 2003, p. 126.
28. Je reprends ici une réflexion déjà présentée dans mon essai « La singularité d’Auschwitz. Hypothèses,
problèmes et dérives de la recherche historique », in Cathérine Coquio (ed.), Parler des camps, penser les
génocides, Albin Michel, Paris, 1999, pp. 128-140.
29. Siegfried Kracauer, « Die Photographie », Das Ornament der Masse. Essays, Suhrkamp, Frankfurt/M,
1977, p. 32, et, du même auteur, Theory of Film, Oxford University Press, New York, 1960, p. 14.
30. Cf. Dominick LaCapra, « History and Memory : In the Shadow of the Holocaust », History and Memory
After Auschwitz, Cornell University Press, Ithaca, 1998, p. 20.
31. Jean-Michel Chaumont, « Connaissance ou reconnaissance ? Les enjeux du débat sur la singularité de la
Shoah », Le Débat, 1994, n° 82, p. 87.
32. Steven Katz, « The Uniqueness of the Holocaust : The Historical Dimension », in Alan S. Rosenbaum
(ed.), Is the Holocaust Unique ? Perspectives on Comparative Genocide, Westview Press, Boulder, 1996,
pp. 19-38.
33. Eric J. Hobsbawm, « Identity History is not Enough », On History, Weidenfeld & Nicolson, London,
1997, p. 277.
34. G.W.F. Hegel, La Raison dans l’Histoire. Introduction à la philosophie de l’histoire, Éditions 10/18,
Paris, 1965, p. 193.
35. Ibid., pp. 193-194.
36. G.W.F. Hegel, « Phänomenologie des Geistes », Gesammelte Werke, Bd. 9, Felix Meiner Verlag,
Hamburg, 1980, p. 433 (trad. fr. Phénoménologie de l’Esprit, éd. Jean Hyppolite, Aubier Montaigne, Paris,
1941, t. II, pp. 311-312). Voir à ce sujet les commentaires de Jacques d’Hondt, Hegel. Philosophe de
l’histoire vivante, Presses universitaires de France, Paris, 1987, pp. 349-450.
37. G.W.F. Hegel, La Raison dans l’Histoire, op. cit., p. 195.
38. Cf. Ranajit Guha, History at the Limit of World-History, Columbia University Press, New York, 2002,
notamment le ch. III.
39. Walter Benjamin, « Über den Begriff der Geschichte », Illuminationen, p. 254 (trad. fr. Œuvres III, op.
cit., p. 432).
40. François Furet, « Pour une définition des classes inférieures à l’époque moderne », Annales ESC, 1963,
XVIII, n° 3, p. 459. Ce passage est critiqué par Carlo Ginzburg, Le Fromage et les Vers. L’univers d’un
meunier du XVIe siècle, Aubier, Paris, 1980, p. 15.
41. E.P. Thompson, La Formation de la classe ouvrière anglaise, Seuil, EHESS, Paris, 1988 ; M. Foucault,
Histoire de la folie à l’âge classique, Gallimard, Paris, 1964 ; C. Ginzburg, Le Fromage et les Vers, op. cit.
42. Michelle Perrot, Les Femmes ou les silences de l’histoire, Flammarion, Paris, 2001.
43. Ranajit Guha, « The Prose of Counter-Insurgency », Subaltern Studies, n° 2, Oxford University Press,
Delhi, 1983, pp. 1-42, et aussi, du même auteur, « The Small Voice of History », Subaltern Studies, n° 9,
Oxford University Press, Delhi, 1996, pp. 1-12.
44. Maurice Halbwachs, La Mémoire collective, Albin Michel, Paris, 1997, p. 130. Sur Halbwachs, cf.
Patrick H. Hutton, History as an Art of Memory, University Press of New England, Hanover and London,
1993, ch. IV, pp. 73-90.
45. Maurice Halbwachs, Les Cadres sociaux de la mémoire (1925), Albin Michel, Paris, 1994.
46. Maurice Halbwachs, La Mémoire collective, op. cit., p. 136.
47. Ibid., p. 157. Voir surtout Henri Bergson, La Perception du changement, Presses universitaires de
France, Paris, 1959.
48. Maurice Halbwachs, La Mémoire collective, op. cit., p. 161.
49. Yosef H. Yerushalmi, Zachor. Jewish History and Jewish Memory, University of Washington Press,
1982 (tr. fr. Zachor. Histoire juive et mémoire juive, La Découverte, Paris, 1984, pp. 101, 110-111, 118).
50. Pierre Nora, « Entre histoire et mémoire. La problématique des lieux », in P. Nora (éd.), Les Lieux de
mémoire. I. La République, Gallimard, Paris, 1984, p. xix. Pour une analyse intéressante de cette approche,
qu’il met en parallèle avec l’opposition de Lévi-Strauss entre sociétés « chaudes » et sociétés « froides », cf.
Dominick LaCapra, « History and Memory : in the Shadow of the Holocaust », History and Memory After
Auschwitz, op. cit., pp. 18-22.
51. Perry Anderson, La Pensée tiède, Seuil, Paris, 2005, p. 53.
52. Edward Said, Freud and the Non-European, Verso, London, 2003. La définition de l’archéologie
comme « religion nationale » est développée par Neil Asher Silberman, « Structurer le passé. Les Israéliens,
les Palestiniens et l’autorité symbolique des monuments archéologiques », in François Hartog, Jacques
Revel (éds), Les Usages politiques du passé, Éditions de l’EHESS, Paris, 2001.
53. Primo Levi, I sommersi e i salvati, Einaudi, Torino, 1986 (trad. fr. Les Naufragés et les Rescapés,
Gallimard, Paris, 1989).
54. Pierre Vidal-Naquet, Mémoires, I. La brisure et l’attente 1930-1955, Seuil-La Découverte, Paris, 1995,
p. 12.
55. Martin Broszat, Saul Friedländer, « Um die “Historisierung des Nationalsozialismus”. Ein
Briefwechsel », Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, 1988, n° 36 (tr. fr. « Sur l’historisation du national-
socialisme. Échange de lettres », Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz, 1990, n° 24, pp. 43-86).
56. Ibid., p. 48.
57. Cf. Nicolas Berg, Der Holocaust und die westdeutschen Historiker. Erforschung und Erinnerung,
Wallstein, Göttingen, 2003, pp. 420-424, 613-615.
58. Cf. Ulrich Herbert, « Deutsche und jüdische Geschichtsschreibung über den Holocaust », in Michael
Brenner, David N. Myers (Hg.), Jüdische Geschichtsschreibung heute. Themen, Positionen, Kontroversen,
C.H. Beck, München, 2003, pp. 247-258.
59. Voir à ce sujet W.G. Sebald, Luftkrieg und Literatur, Fischer, Frankfurt/M, 2001, p. 21 (trad. fr. De la
destruction comme élément de l’histoire naturelle, Actes Sud, Arles, 2004, p. 25).
60. Amos Funkenstein, « Collective Memory and Historical Consciousness », History & Memory, 1989, I,
n° 1, p. 11. Voir aussi, du même auteur, Perceptions of Jewish History, University of California Press,
Berkeley, 1993, pp. 3, 6.
61. Saul Friedländer, « Trauma, Transference and “working through” in Writing the History of the Shoah »,
History & Memory, 1992, n° 1, pp. 39-59, et, toujours du même auteur, « History, Memory, and the
Historian. Dilemmas and Responsabilities », New German Critique, 2000, n° 80, pp.3-15.
62. Dominick LaCapra a analysé de façon très fine les avantages potentiels de cet « ébranlement
empathique » (empathic unsettlement) dans l’investigation critique d’un événement traumatique (Writing
History, Writing Trauma, John Hopkins University Press, Baltimore, 2001, p. 41). Dans un autre essai,
LaCapra indique deux règles de base auxquelles s’en tenir : « l’“empathie” avec l’exécuteur implique
d’admettre que, dans certaines circonstances, quiconque peut accomplir des actes extrêmes, tandis que
l’empathie avec la victime implique un respect et une compassion qui ne signifient ni identification ni parler
à la place des autres » (« Tropisms of Intellectual History », Rethinking History, 2004, vol. 8, n° 4, p. 525).
63. Saul Friedländer, L’Allemagne nazie et les Juifs. I. Les années de persécution 1933-1939, Seuil, Paris,
1997.
64. Sur les travaux de l’école historiographique dirigée par Martin Broszat à l’Institut für Zeitgeschichte de
Munich, cf. M. Broszat (Hg.), Alltagsgeschichte. Neue Perspektive oder Trivialisierung ?, Oldenbourg,
München, 1984. Un ouvrage de cette école qui échappe à cette tendance, écrit par un historien appartenant à
une génération postérieure, est celui de Detlev Peukert, Inside Nazi Germany. Conformity, Opposition and
Racism in Everiday Life, Penguin Books, London, 1987.
65. Andreas Hillgruber, Zweierlei Untergang. Die Zerschlagung des Deutschen Reiches und das Ende des
europäischen Judentums Siedler, Berlin, 1986, pp. 24-25.
66. Walter Benjamin, « Über den Begriff der Geschichte », Illuminationen, p. 254 (trad. fr. Œuvres III, op.
cit., p. 432).
67. Ian Kershaw, Hitler. 1889-1936, Flammarion, Paris, 1998, p. 9.
68. Ibid., p. 25. La référence implicite concerne Joachim Fest, Hitler, Gallimard, Paris, 1973, 2 vol.
69. Dominick LaCapra, Writing History, Writing Trauma, op. cit., p. 41.
70. Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem, Gallimard, Paris, 1991. Pour une relecture et une
contextualisation de son ouvrage, cf. Steven E. Aschheim, Hannah Arendt in Jerusalem, University of
California Press, Berkeley, 2001.
71. Christopher Browning, Des hommes ordinaires. Le 101e Bataillon de réserve de la police allemande et
la Solution finale en Pologne, préface de P. Vidal-Naquet, Les Belles Lettres, Paris, 1994.
72. Cf. Général Aussaresses, Services spéciaux. Algérie 1955-1957, Perrin, Paris, 2001.
73. David N. Myers, « Selbstreflexion im modernen Erinnerungsdiskurs », in Michael Brenner, David N.
Myers (Hg.), Jüdische Geschichtsschreibung heute, p. 66
74. George L. Mosse, « Renzo De Felice e il revisionismo storico », Nuova Antologia, 1998, n° 2206, p.
181.
75. George L. Mosse, Confronting History. A Memoir, The University of Wisconsin Press, Madison, 2000,
p. 109.
76. Renzo De Felice, Rosso e Nero, Baldini e Castoldi, Milano, 1995, p. 114.
77. Robert Aron, Histoire de Vichy, 1940-1944, Fayard, Paris, 1954.
78. Cité in Angelo Del Boca, I gas di Mussolini. Il fascismo e la guerra d’Etiopia, Editori Riuniti, Roma,
1996, p. 75. De Felice ne fait pas état des massacres de l’armée italienne en Éthiopie dans sa biographie de
Mussolini (Mussolini il Duce. Gli anni del consenso 1929-1936, Einaudi, Torino, 1974, ch. VI, pp. 597-
756. Sur De Felice et la guerre d’Ethiopie, voir Nicola Labanca, « Il razzismo coloniale italiano », in
Alberto Burgio (éd.), Nel nome della razza. Il razzismo nella storia d’Italia 1870-1945, Il Mulino, Bologna,
2000, notamment pp. 158-159.
79. Ces photos sont reproduites in Angelo del Boca, I gas di Mussolini, op. cit., pp. 115-116.
80. Siegfried Kracauer, History. The Last Things Before the Last, Oxford University Press, New York,
1969, p. 157.
81. Ibid., p. 83. Voir Georg Simmel, « Exkursus über den Fremden », Soziologie. Untersuchungen über die
Formen der Vergesellschaftung, Dunker & Humblot, Berlin, 1983, pp. 509-512 (tr. fr. Sociologie, Presses
universitaires de France, Paris, 2000).
82. Cette formule a été forgée par Jürgen Habermas, « Vom öffentlichen Gebrauch der Historie »,
Historikerstreit, Piper, 1987, pp. 243-255 (tr. fr. « De l’usage public de l’histoire », Écrits politiques, Cerf,
Paris, 1990, rééd. Champs-Flammarion, Paris, pp. 247-260).
83. Ludmila da Silva Catela, No habrá flores en la tumba del pasado. La experiencia de reconstrucción del
mundo de familiares de desaparecidos, Al Margen, La Plata, 2001.
84. Walter Benjamin, « Über den Begriff der Geschichte », Illuminationen, p. 259 (tr. fr. « Sur le concept
d’histoire », Œuvres III, op. cit., p. 440).
85. Michael Löwy, Walter Benjamin : Avertissement d’incendie. Une lecture des thèses « Sur le concept
d’histoire », Presses universitaires de France, Paris, 2001, pp. 105-108.
86. W. Benjamin, « Über den Begriff der Geschichte », p. 259 (trad. fr., p. 440).
87. Eric J. Hobsbawm, Age of Extremes. The Short XXth Century, Pantheon Books, New York, 1994 (tr. fr.
L’Âge des extrêmes, Complexe, Bruxelles, 1999) ; Bernard Pudal, Bruno Groppo, Claude Pennetier (eds),
Le Siècle des communismes, Éditions de l’Atelier, Paris, 2000.
88. Léon Poliakov, Bréviaire de la haine, Calmann-Lévy, Paris, 1951 (rééd. Complexe, Bruxelles, 1979).
89. Raul Hilberg, The Destruction of European Jews, Holmes & Meier, New York, 1985, 3 vol. (tr. fr. La
Destruction des Juifs d’Europe, Fayard, Paris, 1988).
90. Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Seuil, Paris, 1990 ; voir aussi, sur ces
différentes étapes, Paul Ricœur, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, op.cit., p. 582.
91. Theodor W. Adorno, « Was bedeutet : Aufarbeitung der Vergangenheit ? », Eingriffe. Neun kritische
Modelle, Suhrkamp, Frankfurt/M, 1963 (trad. fr. « Que signifie : repenser le passé ? » (1959), Modèles
critiques, Payot, Paris, 1984, pp. 97-98).
92. Jean Améry, Jenseits von Schuld und Süne, Klett-Cotta, Stuttgart, 1977, p. 120 (Par-delà le crime et le
châtiment, Actes Sud, Arles, 1995, pp. 129-130).
93. Cf. Nicolas Berg, Der Holocaust und die westdeutschen Historiker. Erforschung und Erinnerung,
Wallstein Verlag, Göttingen, 2003, pp. 215-219.
94. Ernst Bloch, Erbschaft dieser Zeit (1935), Suhrkamp, Frankfurt/M, 1985, pp. 104-125 (tr. fr. Héritage
de ce temps, Payot, Paris, 1978). Voir aussi les essais de Daniel Bensaïd rassemblés in La Discordance des
temps, Éditions de la Passion, Paris, 1995.
95. Cf. Jérôme Baschet, « L’histoire face au présent perpétuel. Quelques remarques sur la relation passé-
futur », in F. Hartog, J. Revel (éds), Usages politiques du passé, op. cit., p. 67.
96. Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem, op. cit.. Sur ce procès, voir aussi le film de Rony Brauman et
Eyal Sivan, Un spécialiste.
97. Raul Hilberg, The Politics of Memory, Ivan R. Dee, Chicago, 1996 (tr. fr. Politique de la mémoire,
Gallimard, Paris, 1996).
98. Cf. Dan Diner, « Hannah Arendt Reconsidered : Über das Banale und das Böse in ihrer Holocaust-
Erzählung », in Gary Smith (ed.), Hannah Arendt Revisited. « Eichmann in Jerusalem » und die Folgen,
Suhrkamp, Frankfurt/M, 2000, pp. 120-135.
99. Cf. Pierre Vidal-Naquet, « Et par le pouvoir d’un mot… », Les Juifs, la mémoire et le présent II, La
Découverte, Paris, 1991, pp. 267-275.
100. Voir Yves Ternon, Les Arméniens : histoire d’un génocide, Seuil, Paris, 1983, et Vahakan N. Dadrian,
Histoire du génocide arménien, Stock, Paris, 1996.
101. Cf. Maria Ferretti, La memoria mutilata. La Russia ricorda, Corbaccio, Milano, 1993.
102. Ernesto Galli della Loggia, La morte della patria, Laterza, Bari-Roma, 1999.
103. Cf. le texte de l’allocution du président Ciampi in Filippo Focardi (éd.), La guerra della memoria. La
Resistenza nel dibattito politico italiano dal 1945 a oggi, Laterza, Bari-Roma, 2005, pp. 333-335.
L’expression « les gars de Salò » a été forgée par l’ex-président du Sénat Luciano Violante, membre de la
coalition de centre-gauche de l’Olivier, lors d’une allocution au printemps 1996 (incluse dans le recueil
dirigé par F. Focardi, pp. 285-286). Voir aussi la critique par Antonio Tabucchi au président Ciampi (pp.
335-338, trad. fr. « Italie : les fantômes du fascisme », Le Monde, 19 octobre 2001).
104. Sergio Luzzatto, La crisi dell’antifascismo, Einaudi, Torino, 2004, p. 31. Luzzatto souligne à juste titre
que toute démocratie moderne se fonde sur une « hiérarchie rétrospective de la mémoire », c’est-à-dire sur
des choix qui définissent son identité (p. 30). Les mémoires « symétriques et compatibles » aujourd’hui
revendiquées par le chef de l’État et par une large partie de l’élite politique visent précisément à remettre en
cause les choix faits au moment de la naissance de la république.
105. Claudio Magris, « La memoria è libertà dall’ossessione del passato », Il Corriere della Sera, 10 février
2005.
106. Cf. D. Rodogno, Il nuovo ordine mediterraneo. Le politiche d’occupazione dell’Italia fascista in
Europa (1940-1943), Bollati Boringhieri, Torino, 2003, et C. Di Sante (éd.), Italiani senza onore. I crimini
in Jugoslavia e i processi negati (1941-1951), Ombre Corte, Verona, 2005.
107. Cf. Paloma Aguilar, Memoria y olvido de la guerra civil española, Alianza Editorial, Madrid, 1996.
Sur ce thème, voir aussi les contributions rassemblées dans Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2003,
n° 70, consacré à « Espagne : la mémoire retrouvée (1975-2002) ».
108. Cf. notamment Julián Casanova (ed.), Morir, matar, sobrevivir. La violencia en la dictadura de
Franco, Crítica, Barcelona, 2002.
109. Très significatif, de ce point de vue, l’impact de l’exposition « Exilio », organisée à Madrid en
septembre-octobre 2002 par la Fondation Pablo Iglesias, au Musée national centre d’art Reina-Sofia.
110. Voir notamment l’ouvrage cité de Paloma Aguilar, Memoria y olvido de la guerra civil española, et
Ismael Saz Campos, « El pasado que aún no puede pasar », Fascismo y franquismo, PUV, Valencia, 2004,
pp. 277-291.
111. Bruno Groppo, « Traumatismos de la memoria e imposibilidad del olvido en los paises del Cono Sur »,
in Bruno Groppo, Patricia Flier (eds), La imposibilidad del olvido, Ediciones Al Margen, La Plata, 2001,
pp. 19-42.
112. Dan Diner, « Gestaute Zeit. Massenvernichtung und jüdische Erzählung », Kreisläufe, Berlin Verlag,
Berlin, 1993, pp. 123-140.
113. Cf. notamment Ilan Pappé, La Guerre de 1948 en palestine. Aux origines du conflit israélo-arabe, La
Fabrique, Paris, 2000. Voir aussi les observations de Michel Warschawski, Israël-Palestine. Le défi
binational, Textuel, Paris, 2001, pp. 39-46. Sur la naissance de l’historiographie palestinienne, cf. Rashid
Khalidi, Palestinian Identity, Columbia University Press, New York, 1997 (trad. fr. L’Identité
palestinienne. La construction d’une conscience nationale moderne, La Fabrique, Paris, 2003), et aussi
Elias Sanbar, « Hors de lieu, hors du temps. Pratiques palestiniennes de l’histoire », in François Hartog,
Jacques Revel (éds), Les Usages politiques du passé, op. cit., p. 123.
114. Peter Novick, The Holocaust in American Life, Houghton Mifflin, New York, 1999.
115. Cf. Dan Diner, « Cumulative Contingency. Historicizing Legitimacy in Israeli Discourse », Beyond the
Conceivable. Studies on Germany, Nazism, and the Holocaust, University of California Press, Berkeley,
2000, p. 215.
116. Cf. Tom Segev, Le Septième Million, op. cit., pp. 578-580.
117. Nicole Loraux, La Cité divisée. L’oubli dans la mémoire d’Athènes, Payot, Paris, 1997.
118. P. Novick, The Holocaust in American Life, p. 15.
119. Cf. Maya Morioka Todeschini (éd.), Hiroshima 50 ans, Autrement, Paris, 1995.
120. Susan Sontag, Devant la douleur des autres, Bourgois, Paris, 2003.
121. P. Novick, The Holocaust in American Life, op. cit., p. 279.
122. Arno Mayer, Why did the Heavens not Darken ? The Final Solution in History, Pantheon Books, New
York, 1988 (trad. fr. La « Solution finale » dans l’Histoire, La Découverte, Paris, 1990, p. 35).
123. G. Achcar, Le Choc des barbaries, Complexe, Bruxelles, 2002.
124. Il existe déjà une abondante littérature sur ce monument. Voir notamment le catalogue publié par la
Fondation qui le gère, Stiftung Denkmal für die ermordeten Juden Europas, Materialien zum Denkmal für
die ermordeten Juden Europas. Nicolai Verlag, Berlin 2005.
125. Régine Robin, Berlin chantiers, Stock, Paris, 2001, p. 394.
126. Sur la Neue Wache, cf. Peter Reichel, L’Allemagne et sa mémoire, Odile Jacob, Paris, 1998, pp. 212-
225.
127. Reinhart Koselleck, « Wer darf vergessen werden ? Das Holocaust-Mahnmal hierarchisiert die
Opfer », Die Zeit, 1998, n° 13.
128. Jürgen Habermas, « Der Zeigefinger. Die Deutschen und ihr Denkmal », Die Zeit, 1999, n° 14.
129. Cf. R. Hilberg, La Politique de la mémoire, op. cit., pp. 61-62.
130. Cf. Joshua Fogel (ed.), The Nanjing Massacre in History and Historiography, University of California
Press, Berkeley, 2000.
131. Cf. Ian Buruma, The Wages of Guilt. Memories of War in Germany and Japan, Phoenix, London,
1994.
132. Cf. Florence Beaugé, « Paris reconnaît que le massacre de Sétif en 1945 était “inexcusable” », Le
Monde du 9 mars 2005.
133. Cf. Benjamin Stora, La Gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte, Paris,
1991. Sur le massacre du 17 octobre 1961, cf. Jean-Luc Einaudi, Octobre 1961, Fayard, Paris, 2001, et
Olivier Lecour Grandmaison (éd.), Le 17 octobre 1961. Un crime d’État à Paris, La Dispute, Paris, 2001.
134. Pour une bonne présentation synthétique du « tournant linguistique », cf. François Dosse, La Marche
des idées. Histoire des intellectuels, histoire intellectuelle, La Découverte, Paris, 2003, pp. 207-226. Sur son
impact sur l’histoire sociale, cf. Geoff Eley, « De l’histoire sociale au “tournant linguistique” dans
l’historiographie anglo-américaine des années 1980 », Genèses, 1992, n° 7, pp. 163-193.
135. Roger Chartier, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude, Albin Michel, Paris,
1998, p. 11.
136. Ibid., p. 16.
137. Dominick LaCapra, « Tropisms of Intellectual History », Rethinking History, 2004, vol. 8, n° 4, p. 513.
138. Roland Barthes, « Le discours de l’histoire » (1967), in Le bruissement de la langue. Essais critiques
IV, Seuil, Paris, 1984, p. 175.
139. Hayden White, « The Historical Text as Literary Artefact », Tropics of Discourse. Essais in Cultural
Criticism, John Hopkins University Press, Baltimore, 1985, p. 82. Cette thèse avait déjà été formulée in
Metahistory. The Historical Imagination in Nineteenth-Century Europe, John Hopkins University Press,
Baltimore, 1973, pp. xi-xii, 5-7, 427. Pour une présentation critique des thèses de White, cf. Roger Chartier,
Au bord de la falaise, op. cit., ch. IV, pp. 108-125, et Wulf Kantsteiner, « Hayden White’s Critique of the
Writing of History », History and Theory, 1993, n° 3, pp. 273-295.
140. Parmi les nombreuses analyses critiques de la conception de l’histoire de White, cf. Arnaldo
Momigliano, « La retorica della storia e la storia della retorica : sui tropi di Hayden White », Sui fondamenti
della storia antica, Einaudi, Torino, 1984, pp. 465-476 ; Roger Chartier, « Figures rhétoriques et
représentation historique », Au bord de la falaise, op. cit., pp. 108-128 ; Paul Ricœur, La Mémoire,
l’histoire, l’oubli, op. cit., pp. 320-339 ; et surtout Richard Evans, In Defense of History, Norton, New
York, 1999, ch. III, pp. 65-88.
141. Michel de Certeau, L’Écriture de l’histoire, Gallimard, Paris, 1975, p. 12.
142. Ibid., p. 13.
143. Sur le rapport des archives à l’écriture de l’histoire, cf. Sonia Combe, Archives interdites. L’histoire
confisquée, La Découverte, Paris, 2001.
144. Dominick LaCapra, Writing History, Writing Trauma, op. cit., pp. 1-42. C’est à partir de
considérations analogues que Paul Ricœur tient à qualifier d’« antinomique » la paire « récit historique/récit
de fiction » (La Mémoire, l’histoire, l’oubli, op. cit., p. 339).
145. Reinhart Koselleck, « Histoire sociale et histoire des concepts », L’Expérience de l’histoire, op. cit., p.
110.
146. Régine Robin, La Mémoire saturée, op. cit., p. 299.
147. Voir sur ce débat, les contributions rassemblées in Saul Friedlander (ed.), Probing the Limits of
Representation. Nazism and the « Final Solution », Harvard University Press, Cambridge, 1992 (notamment
le débat entre H. White (« Historical Emplotment and the Problem of Truth », pp. 37-53, et Carlo Ginzburg,
« Just One Witness », pp. 82-96). Ginzburg saisit dans les thèses de White une nouvelle version de la
philosophie idéaliste du jeune Benedetto Croce exprimée dans un ouvrage de 1893 intitulé La storia ridotta
sotto il concetto generale dell’arte (pp. 87-89).
148. François Bédarida, « Temps présent et présence de l’histoire », Histoire, critique et responsabilité,
Complexe, Bruxelles, 2003, p. 51.
149. Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire, La Découverte, Paris, 1987, pp. 148-149.
150. Claude Lanzmann, « La question n’est pas celle du document mais celle de la vérité », Le Monde, 19
janvier 2001, p. 29. Il s’agit d’un commentaire à l’exposition « Mémoire des camps » (cf. Clément Chéroux
(éd.), Mémoire des camps. Photographies des camps de concentration et d’extermination nazis (1933-
1999), Marval, Paris, 2001). La position de Lanzmann a été développée par George Wajcman, « De la
croyance photographique », Les Temps Modernes, 2001, n° 613, pp. 47-83, et par Elisabeth Pagnoux,
« Reporter photographe à Auschwitz », ibid., pp. 84-108. Sur ce débat, voir l’ouvrage fondamental de
Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Éditions de Minuit, Paris, 2003, ainsi que l’excellent essai
d’Ilsen About et Clément Chéroux, « L’histoire par la photographie », in Études photographiques, 2001, n°
10.
151. Claude Lanzmann, « Parler pour les morts », Le Monde des débats, mai 2000, p. 15.
152. Claude Lanzmann, « Holocauste, la représentation impossible », Le Monde, 3 mars 1994, p. VII.
153. Claude Lanzmann, « Hier ist kein Warum », Au sujet de Shoah. Le film de Claude Lanzmann, Belin,
Paris, 1990, p. 279.
154. Primo Levi, « Se questo è un uomo », Opere I, Einaudi, Torino, 1997, p. 23.
155. Dominick LaCapra, « Lanzmann’s Shoah : “Here There Is No Why” », History and Memory After
Auschwitz, op. cit., p. 100.
156. Primo Levi, « La ricerca delle radici », Opere II, Einaudi, Torino, 1997, p. 1367.
157. Giorgio Agamben, Quel che resta di Auschwitz. L’archivio e il testimone, Bollati-Boringhieri, Torino,
1998, p. 8 (tr. fr. Ce qui reste d’Auschwitz, Rivages, Paris, 1999).
158. Primo Levi, « I sommersi e i salvati », Opere II, op. cit., p. 1056 (tr. fr. Les Naufragés et les Rescapés,
op. cit., p. 83).
159. Giorgio Agamben, Quel che resta di Auschwitz, op. cit., p. 153.
160. Ibid., p. 47.
161. Cf. Régine Robin, La Mémoire saturée, op. cit., p. 250.
162. Cf. Dominick LaCapra, (« Approaching Limit Events : Siting Agamben », History in Transit.
Experience, Identity, Critical Theory, Cornell University Press, Ithaca, 2004, p. 172.
163. Philippe Mesnard et Claudine Kahn, Giorgio Agamben à l’épreuve d’Auschwitz, Kimé, Paris, 2001, p.
125.
164. Cf. l’introduction de Henry Rousso à son recueil Vichy. L’Événement, la mémoire, l’histoire,
Gallimard, Paris, 2001, p. 43.
165. Cf. Raul Hilberg, Exécuteurs, victimes, témoins, Gallimard, Paris, 1993. Cette tendance est soulignée
par Richard L. Evans, « History, Memory, and the Law. The Historian as Expert Witness », History and
Theory, 2002, vol. 41, n° 3, p. 344.
166. Daniel J. Goldhagen, Les Bourreaux volontaires de Hitler, Seuil, Paris, 1997.
167. Stéphane Courtois (éd.), Le Livre noir du communisme. Crimes, terreur, répression, Laffont, Paris,
1997.
168. Cf. Jean-Noël Jeanneney, Le Passé dans le prétoire. L’historien, le juge et le journaliste, Seuil, Paris,
1998, p. 24, et Olivier Dumoulin, Le Rôle social de l’historien : de la chaire au prétoire, op. cit., pp. 163-
176.
169. Cf. Marc Olivier Baruch, « Procès Papon : impressions d’audience », Le Débat, 1998, n° 102, pp. 11-
16. Cf., sur ce thème, Olivier Dumoulin, Le Rôle social de l’historien, op. cit., et Norbert Frei, Dirk van
Laak, Michael Stolleis (Hg.), Geschichte vor Gericht. Historiker, Richter und die Suche nach Gerechtigkeit,
C.H. Beck, München, 2000.
170. Henry Rousso, La Hantise du passé, Textuel, Paris, 1998, p. 97. Cf. aussi Éric Conan, Henri Rousso,
Vichy, un passé qui ne passe pas, Gallimard, Paris, 1996, pp. 235-255.
171. Friedrich Schiller, « Resignation », Werke und Briefe, Deutscher Klassiker Verlag, 1992, Bd. 1, p. 420.
Cf. Reinhart Koselleck, « Historia magistra vitæ », in Le Futur passé. Contribution à la sémantique des
temps historiques, EHESS, Paris, 1990, p. 50 ; et aussi, pour une actualisation du problème, Daniel Bensaïd,
Qui est le juge ? Pour en finir avec le tribunal de l’Histoire, Fayard, Paris, 1999.
172. Marc Bloch, « L’analyse historique », Apologie pour l’histoire, Armand Colin, Paris, 1974, p. 118.
Edward H. Carr, What is History ?, Macmillan, London, 1961, ch. I.
173. Pierre Vidal-Naquet, Mémoires I. op. cit, pp. 113-114 (ce passage est tiré de Chateaubriand, Mémoires
d’outretombe, La Pléiade-Gallimard, Paris, p. 630).
174. Carlo Ginzburg, Il giudice e lo storico, Einaudi, Torino, 1991 (tr. fr. Le Juge et l’Historien, Verdier,
Paris, 1997, p. 23).
175. Carlo Ginzburg, Le Juge et l’Historien, op. cit., p. 16.
176. Ce qui conduisait Georges Duby, peut-être de façon un peu hâtive, à écrire que « la notion de vérité
historique s’est modifiée […] parce que l’histoire désormais s’intéresse moins à des faits qu’à des
relations » (L’Histoire continue, Odile Jacob, Paris, 1991, p. 78).
177. Carlo Ginzburg, « Spie, radici di un paradigma indiziario », in Miti, emblemi, spie. Morfologia e
storia, Einaudi, Torino, 1986, pp. 158-209 (tr. fr. Mythes, emblèmes, traces, Flammarion, Paris).
178. Jean Améry, Jenseits von Schuld und Sühne, Klett-Cotta, Stuttgart, 1977 (tr. fr. Par-delà le crime et le
châtiment, Actes Sud, Arles, 1995).
179. Charles Péguy, « Le jugement historique », Œuvres, vol. I, « La Pléiade » Gallimard, Paris, 1987, p.
1228. Ce texte est inclus in F. Hartog, J. Revel (éds), Usages politiques du passé, op. cit., p. 184.
180. Interview de Marek Edelman par Pol Mathil, Le Soir du 19 avril 2003.
181. Theodor W. Adorno, « Erziehung nach Auschwitz », Stichworte. Kritische Modelle 2, Suhrkamp,
Frankfurt/M, 1969 (trad. fr. « Éduquer après Auschwitz » (1966), in Modèles critiques, Payot, Paris, 1984,
p. 205).
182. Jürgen Habermas, « Conscience historique et identité post-traditionnelle », Écrits politiques, op. cit., p.
294.
183. Zygmunt Bauman, Modernity and the Holocaust, Polity Press, Cambridge, 1989, p. 114 (trad. fr.
Modernité et Holocauste, La Fabrique, Paris, 2002, pp. 191-192).
184. Giorgio Agamben, « Qu’est-ce qu’un camp ? », in Moyens sans fin, Rivages, Paris, 2002, p. 49.
185. Federica Sossi, « Témoigner de l’invisible », in Catherine Coquio (éd.), L’Histoire trouée. Négation et
témoignage, L’Atalante, Nantes, 2003, p. 398.
186. Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme, Quarto-Gallimard, Paris, 2002, p. 598.
187. Pierre Vidal-Naquet, Mémoires II. Le Trouble et la lumière, La Découverte-Seuil, Paris, 1998, p. 107.
188. Cf. Dan Diner, Verkehrte Welten, Eichborn, Frankfurt/M, 1993.
189. Georges Perec, W ou le Souvenir d’enfance, Gallimard, Paris, 1975, p. 220.
190. Jean-Pierre Chrétien, « Un nazisme tropical », Libération, 26 avril 1994.
191. Dolf Oehler, Le Spleen contre l’oubli. Juin 1848. Baudelaire, Flaubert, Heine, Herzen, Payot, Paris,
1996.
192. Cf. Sophie Wahnich, La Liberté ou la mort. Essai sur la Terreur et le terrorisme, La Fabrique, Paris,
2003.
193. Cf. Marie-Claire Lavabre, Le fil rouge. Sociologie de la mémoire communiste, Presses de la Fondation
des Sciences Politiques, Paris, 1994. Le concept de « contre-société » a été forgé par Annie Kriegel,
Communismes au miroir français, Gallimard, Paris, 1974, p. 183.
194. La formule appartient à Klaus Hildebrand, « Das Zeitalter der Tyrannen », Historikerstreit. Die
Dokumentation der Kontroverse um die Einzigartigkeit der Nationalsozialistischen Judenvernichtung,
Piper, München, 1987, pp. 84-92.
195. Pour une histoire de ce concept, cf. Enzo Traverso (éd.), Le Totalitarisme. Le XXe siècle en débat,
Seuil, Paris, 2001.
196. Francis Fukuyama, La Fin de l’histoire et le dernier homme, Flammarion, Paris, 1993.
197. François Furet, Le Passé d’une illusion. Essai sur l’idée de communisme au XXe siècle, Laffont-
Calmann-Lévy, Paris, 1995, p. 18.
198. Daniel Bensaïd, Le Pari mélancolique. Métamorphoses de la politique, politique des métamorphoses,
Fayard, Paris, 1997.
199. Walter Benjamin, « Einbahnnstrasse », Gesammelte Schriften, Suhrkamp, Frankfurt/M, 1977, Bd. I, 3,
p. 1232.
200. Cf. Rainhert Koselleck, « “Champ d’expérience” et “horizon d’attente” ; deux catégories historiques »,
Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Éditions de l’EHESS, Paris, 1990, pp.
307-329. Sur l’avenir de l’idée de communisme, cf. surtout les réflexions de Perry Anderson, « The Ends of
History », A Zone of Engagement, Verso, London, 1992.
201. Wolfgang Schieder, Faschismus als soziale Bewegung, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1983.
202. Tim Mason, « Whatever happened to ‘Fascism’ ? », Nazism, Fascism and the Working Class. Essays
by Tim Mason, Cambridge University Press, 1995, pp. 323-331.
203. Ernst Nolte, « Vergangenheit, die nicht vergehen will », et Jürgen Habermas, « Ein Art
Schadensabwicklung », Historikerstreit, Piper, München, 1987, pp. 39-47 et 62-76.
204. Martin Broszat, Saul Friedländer, « Um die “Historisierung des Nationalsozialismus”. Ein
Briefwechsel », Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, 1988, n° 36 (tr. fr. « Sur l’historisation du national-
socialisme. Echange de lettres », Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz, 1990, n° 24, pp. 43-86).
205. K. Mannheim, Ideologie und Utopie (1929), Verlag Schulte & Bulmke, Frankfurt/M, 1969, pp. 130-
131.
206. Cf. Ulrich Herbert, « Deutsche und jüdische Geschichtsschreibung über den Holocaust », in M.
Brenner, David N. Myers (Hg.), Jüdische Geschichtsschreibung heute. Themen, Positionen, Kontroversen,
C.H. Beck, München, 2003, pp. 247-258. Ce postulat est au centre de la reconstruction de la trajectoire de
l’historiographie ouest-allemande par Nicolas Berg, Der Holocaust und die westdeutschen Historiker.
Erforschung und Erinnerung, Wallstein, Berlin, 2003.
207. Daniel J. Goldhagen, Les Bourreaux volontaires de Hitler, op. cit. Voir à ce sujet Enzo Traverso, « La
Shoah, les historiens et l’usage public de l’histoire », L’Homme et la société, 1997/3, n° 125, pp. 17-26.
208. Voir Winfried Schulze, Otto G. Oexle, (Hg.), Deutsche Historiker im Nationalsozialismus, Fischer,
Frankfurt/M, 1999. Pour un bilan d’ensemble, cf. Marina Cattaruzza, « Ordinary Men ? Gli storici tedeschi
durante il nazionalsocialismo », Contemporanea, 1999, II, n° 2, pp. 331-339.
209. Edouard Husson, Comprendre Hitler et la Shoah, Presses universitaires de France, Paris, 2000, pp.
271-272.
210. Cf. Omer Bartov, « The German Exibition Controversy. The Politics of Evidence », in O. Bartov, A.
Grossmann, M. Nolan (eds), Crimes of War. Guilt and Denial in Twentieth Century, The New Press, New
York, 2002, pp. 43-60.
211. Institut für Sozialforschung (Hg.), Verbrechen der Wehrmacht. Dimensionen des Vernichtungskrieges
1941-1944, Hamburger Edition, Hamburg, 2002.
212. Enzo Traverso, « La singularité d’Auschwitz. Problèmes et dérives de la recherche historique », in C.
Coquio (éd.), Parler des camps, penser les génocides, Albin Michel, Paris, 1999, pp. 128-140.
213. Karl-Dietrich Bracher, Zeitgeschichtliche Kontroversen. Um Faschismus, Totalitarismus, Demokratie,
Piper, München, 1976.
214. Hans-Helmut Knütter, Die Faschismus-Keule. Das letzte Aufgebot der deutschen Linken, Ullstein,
Frankfurt/M, 1993, p. 14.
215. Wolfgang Kraushaar, « Die auf dem linken Auge blinde Linke. Antifaschismus und Totalitarismus »,
Linke Geisterfahrer. Denkanstösse für eine antitotalitäre Linke, Verlag Neue Kritik, Frankfurt/M, 2001, pp.
147-155.
216. Dan Diner, Das Jahrhundert verstehen. Ein universalhistorische Deutung, Luchterhand, München,
1999.
217. R. Kühnl, Der Faschismus, Distel, Berlin, 1998.
218. W. Wippermann, Faschismustheorien. Die Entwicklung der Diskussion von den Anfang bis heute,
Primus Verlag, Darmstadt, 1995.
219. Jerzy W. Borejsza, Schulen des Hasses. Faschistische Systeme in Europa, Fischer, Frankfurt/M, 1999.
220. Ernst Nolte, Le Fascisme dans son époque, Julliard, Paris, 1970 ; son interprétation « historico-
génétique » du totalitarisme est présentée dans sa correspondance avec François Furet, Fascisme et
communisme, Plon, Paris, 1998.
221. Pour un bilan de l’historiographie de la RDA sur le nazisme, cf. Karl Heinz Roth, « Glanz und Elend
der DDR-Geschichtswissenschaft ueber Faschismus und zweiten Weltkrieg », Bulletin für Faschismus-und
Weltkriegsforschung, 2001, n° 17, pp. 66-72. Sur la question du génocide juif, cf. Konrad Kwiet,
« Historians of the German Democratic Republic on Antisemitism and Persecution », Leo Baeck Institute
Yearbook, 1976, vol. 21, pp. 173-198.
222. Voir David Beetham (ed.), Marxists in fece of Fascism. Writings by Marxists on Fascism from the
Inter-War Period, Manchester University Press, 1983.
223. Enzo Traverso, « Le totalitarisme. Jalons pour l’histoire d’un débat », Le Totalitarisme, op. cit., p. 27.
224. L’historien ouest-allemand Hermann Weber estime à 150 000 le nombre de communistes emprisonnés
sous le régime nazi, dont 20 000 auraient été exécutés (Kommunistischer Widerstand gegen die Hitler-
Diktatur, 1933-1939, Gedenkstätte deutscher Widerstand, Berlin, 1990, p. 3).
225. S. Friedländer, « The Wehrmacht and Mass Extermination of the Jews », dans l’ouvrage cité Crimes of
War, p. 23.
226. M. Broszat, « Resistenz und Widerstand », Nach Hitler, C.H. Beck, München, 1986, pp. 68-91. Pour
une présentation de ce débat, cf. Ian Kershaw, Qu’est-ce que le nazisme ? Problèmes et perspectives
d’interprétation, Folio-Gallimard, Paris, 1997, ch. 8. Pour une critique du concept de Resistenz, cf. Saul
Friendländer, Memory, History and the Extermination of the Jews of Europe, Indiana University Press,
Bloomington, 1983, pp. 92-95.
227. Theodor W. Adorno, « Que signifie : repenser le passé ? », Modèles critiques, Payot, Paris, 1984, pp.
97-98.
228. Dan Diner, « Antifaschistische Weltanschauung. Ein Nachruf », Kreisläufe, Berlin Verlag, Berlin,
1995, p. 91. Pour suivre l’émergence de l’Holocauste au centre du débat historiographique ouest-allemand,
cf. Nicolas Berg, Der Holocaust und die westdeutschen Historiker, op. cit., pp. 379-383 (sur l’absence de
focalisation sur l’Holocauste par les théories du fascisme des années 1960).
229. Étienne François, « Révolution archivistique et réécriture de l’histoire : l’Allemagne de l’Est, in Henri
Rousso (éd.), Nazisme et stalinisme. Histoire et mémoire comparées, Complexe, Paris, 1999, p. 346.
230. Jürgen Habermas, « Conscience historique et identité post-traditionnelle », Écrits politiques, op. cit.,
pp. 315-316.
231. Cf. l’interview à Renzo De Felice in Jader Jacobelli (ed.), Il fascismo e gli storici oggi, Laterza, Bari-
Roma, 1988, p. 6. Pour une mise en parallèle de l’approche de Nolte avec celle de De Felice, cf. Wolfgang
Schieder, « Zeitgeschichtliche Vershränkungen über Ernst Nolte und Renzo De Felice », Annali dell’Istituto
italo-germanico di Trento, 1991, XVII, pp. 359-376.
232. George Steinmetz, « German exceptionalism and the origins of Nazism : the career of a concept », in I.
Kershaw, M. Lewin (eds), Stalinism and Nazism. Dictatorships in Comparison, Cambridge University
Press, 1997, p. 257.
233. Parmi les derniers ouvrages importants consacrés à ce thème, cf. Valérie Igounet, Histoire du
révisionnisme en France, Seuil, Paris, 2000, Florent Brayard, Comment l’idée vint à M. Rassinier, Fayard,
Paris, 1996, et Nadine Fresco, Fabrication d’un antisémite, Seuil, Paris, 1999.
234. Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire, op. cit.
235. François Bédarida, Comment est-il possible que le « Révisionnisme » existe ?, Presses de la Comédie
de Reims, Reims, 1993, p. 4.
236. P. Vidal-Naquet, « Thèses sur le révisionnisme », Les Assassins de la mémoire, op. cit., p. 108.
237. Edouard Bernstein, Les Présupposés du socialisme, Seuil, Paris, 1974.
238. Sur la projection européenne de ce débat, cf. Bruno Bongiovanni, « Révisionismo e totalitarismo.
Storie e significati », Teoria politica, XIII, 1997, n° 1, pp. 23-54. Une partie des pièces de ce débat ont été
rassemblées par Henri Weber in Kautsky, Luxemburg, Pannekoek, Socialisme, la voie occidentale, Presses
universitaires de France, Paris, 1983.
239. Walter Laqueur, Histoire du sionisme, Calmann-Lévy, Paris, 1973 (ch. VII, « Par le fer et par le feu :
Jabotinsky et le révisionnisme »), pp. 371-420.
240. Voir surtout, à ce propos, Edouard Husson, Comprendre Hitler et la Shoah, op. cit., (ch. III), pp. 69-
84.
241. Gabriel Kolko, The Politics of War, Random House, New York, 1968.
242. Gar Alperovitz, Atomic Diplomacy. Hiroshima and Potsdam, Penguin Books, New York, 1985 (éd. or.
1965), et The Decision to Use the Atomic Bomb, Vintage Books, New York, 1996.
243. Pour une présentation d’ensemble des travaux de cette école, cf. Nicolas Werth, « Totalitarisme ou
révisionnisme ? L’histoire soviétique, une histoire en chantier », Communisme, 1996, n° 47-48, pp. 57-70.
Parmi les travaux de synthèse de ce courant historiographique, cf. Sheila Fitzpatrick, The Russian
Revolution, Oxford University Press, New York, 1994.
244. Voir Claudio Pavone, « Negazionismi, rimozioni, revisionismi : storia o politica ? », in Enzo Collotti
(éd.), Fascismo e antifascismo. Rimozioni, revisioni, negazioni, Laterza, Bari-Roma, 2000, pp. 34-35.
245. Voir surtout François Furet, Penser la Révolution française, Gallimard, Paris, 1978. Pour une
reconstruction de ce débat, cf. Steven L. Kaplan, Adieu 89, Fayard, Paris, 1993. Parmi les critiques du
révisionnisme de Furet, cf. Michel Vovelle, « Réflexions sur l’interprétation révisionniste de la Révolution
française »,, Combats pour la Révolution française, La Découverte, Paris, 2001. Sur la projection
internationale de ce débat, cf. Bruno Bongiovanni, « Rivoluzione borghese o rivoluzione del politico ? Note
sul revisionismo storiografico », in B. Bongiovanni, Le repliche della storia. Karl Marx tra la rivoluzione
francese e la critica della politica, Bollati Boringhieri, Torino, 1989, pp. 33-61 ; G.C. Comninel, Rethinking
the French Revolution. Marxism and the Revisionist Challenge, Verso, London, 1987.
246. Pour une reconstruction d’ensemble de ce débat, cf. Ilan Greilsammer, La Nouvelle Histoire d’Israël,
Gallimard, Paris, 1993. En français, cf. Ilan Pappé, La Guerre de 1948 en Palestine, op. cit.
247. Nicolas Werth, « Goulag : les vrais chiffres », L’Histoire, 1993, n° 169, p. 42.
248. Jürgen Habermas, « Eine Art Schadensabwicklung. Die apologetischen Tendenzen in der deutschen
Zeitgeschichtsschreibung », Historikerstreit, Piper, München, 1987, pp. 62-76 (tr. fr. Devant l’Histoire,
Cerf, Paris, 1990).
249. François Furet, Ernst Nolte, Fascisme et communisme, op. cit., pp. 88-89.
250. Ernst Nolte, « Vergangenheit, die nicht vergehen will », Historikerstreit, op. cit., pp. 39-47, et La
Guerre civile européenne 1917-1945, Editions des Syrtes, Paris, 2000.
251. Hans-Ulrich Wehler, Entsorgung der deutschen Vergangenheit ? Ein polemischer Essay zum
« Historikerstreit », Beck, München, 1988
252. Saul Friedländer, « A Conflict of Memories ? The New German Debates about the “Final Solution »,
History, Memory, and the Extermination of the Jews of Europe, Indiana University Press, Bloomington,
1993, pp. 33-34.
253. Pour une vision d’ensemble de l’œuvre de R. De Felice dans l’historiographie italienne du fascisme,
cf. Gianpasquale Santomassimo, « Il ruolo di Renzo De Felice », in E. Collotti (éd.), Fascismo e
antifascismo, op. cit., pp. 415-429.
254. Renzo De Felice, Il rosso e il nero, op. cit.
255. Voir notamment, Robert J. Paxton, La France de Vichy, Editions du Seuil, Paris, 1997 (éd. or. 1975).
256. J. Habermas, « De l’usage public de l’histoire », Écrits politiques, op. cit., pp. 247-260.
257. François Furet, Le Passé d’une illusion, op. cit. Je reprends cette critique à Daniel Bensaïd, Qui est le
juge ? Pour en finir avec le Tribunal de l’Histoire, op. cit.
258. Claudio Pavone, Una guerra civile. Saggio sulla moralità della Resistenza, Bollati Boringhieri,
Torino, 1990 (trad. fr. Une Guerre civile, Seuil, Paris, 2005).
259. Au sujet de Irving, cf. Richard J. Evans, Telling Lies about Hitler. The Holocaust, History and the
David Irving Trial, Verso, London, 2002 ; au sujet de Bernard J. Lewis, qui considère le génocide des
Arméniens « une vision arménienne de l’histoire », cf. Yves Ternon, « Lettre ouverte à Bernard Lewis et à
quelques autres », in Leslie A. Davis, La Province de la mort. Archives américaines con concernant le
génocide des Arméniens, Complexe, Bruxelles, 1994, pp. 9-26.
260. Krzysztof Pomian, « Storia ufficiale, storia revisionista, storia critica », in Mappe del Novecento,
Bruno Mondadori, Milano, 2002, pp. 143-150.
Index
des noms cités
a
Achcar, Gilbert 59
Adenauer, Konrad 44, 86, 103
Adorno, Theodor W. 44, 82, 103
Agamben, Giorgio 71-73, 84
Alperowicz, Gar 111
Aly, Götz 97
Améry, Jean 44, 78
Anderson, Perry 29
Antonescu, Jon 104
Arafat, Yasser 16
Arendt, Hannah 35, 46, 47, 84
Aron, Robert 37
b
Babeuf, Gracchus 91
Barbie, Klaus 74
Barthes, Roland 67
Bauman, Zygmunt 84
Bédarida, François 68, 109
Begin, Menhaem 17
Benjamin, Walter 12, 18-20, 24, 34 42, 92
Bensaïd, Daniel 92
Bergson, Henri 23, 27
Berlusconi, Silvio 81, 116
Bernstein, Edouard 110, 111, 119
Blair, Tony 81
Bloch, Ernst 45, 93
Bloch, Marc 76
Borejsza, Jerzy W. 100
Borges, Jorge-Luis 38
Bosch, Jérôme 89
Bracher, Karl-Dietrich 99
Broszat, Martin 30, 32, 33, 95, 96, 99, 106
Browning, Christopher 35
Brumlik, Micha 62
Bubis, Ignaz 44
Bush, George W. 16
c
Certeau, Michel de 68
Chalamov, Varlam 47
Chartier, Roger 67
Chateaubriand, René de 76
Cheney, Dick 81
Chrétien, Jean-Pierre 87
Ciampi, Carlo Azeglio 49
Cochin, Augustin 112
Cohn-Bendit, Daniel 86
Conquest, Robert 113
Conze, Werner 97
Courtois, Stéphane 74
d
Da Silva Catela, Ludmila 40
De Felice, Renzo 36, 37, 106, 115-117
De Gaulle, Charles 86
De Man, Henri 110
Diner, Dan 52, 100, 104
Dollfuss, Engelbert 104
Dreyfus, Alfred 79, 109
Dumoulin, Olivier 11
e
Edelman, Marek 82
Eichmann, Adolf 35, 46, 47, 52, 56
Elkana, Yehuda 57
Eisenman, Peter 60
Elias, Norbert 83
Engels, Friedrich 110
f
Fanon, Frantz 86
Fest, Joachim 34
Fischer, Fritz 111
Fitzpatrick, Sheila 112
Foucault, Michel 25
Franco, Francisco 51, 104
François, Étienne 105
Friedländer, Saul 30, 32, 33, 95, 96, 99, 103, 106
Fukuyama, Francis 91
Furet, François 25, 91, 112, 114, 117
g
Getty, Arch 112
Ginzburg, Carlo 25, 77, 78
Globke, Hans 44
Goldhagen, Daniel J. 44, 74, 95, 96, 98
Gramsci, Antonio 9, 112
Grass, Günther 62, 80
Graziani, Rodolfo 37
Grossman, Vassili 47
h
Habermas, Jürgen 34, 39, 61, 62, 82, 95, 106, 114, 116
Halbwachs, Maurice 23, 26-28, 30, 32
Hartog, François 20
Hegel, Georg Wilhelm Friedrich 23-25, 75
Herling, Gustav 47
Herzl, Theodor 110
Hilberg, Raul 43, 46, 63
Hillgruber, Andreas 33
Hitler, Adolf 16, 34, 37, 82, 95, 102
Hobbes, Thomas 83
Hobsbawm, Eric J. 11, 23, 43
Horkheimer, Max 82
Hussein, Saddam 16
j
Jabotinksy, Vladimir 110, 111
Jeanson, Francis 85
k
Kahan, Claudine 73
Kautsky, Karl 110
Kershaw, Ian 34
Knütter, Hans-Helmut 99
Kohl, Helmut 61
Kolko, Gabriel 111
Kollwitz, Käthe 62
Koselleck, Reinhart 14, 62, 68
Kracauer, Sigfried 22, 38, 60
Kraushaar, Wolfgang 100
Kühnl, Reinhard 100
Kureishi, Hanif 45
l
LaCapra, Dominick 67
Lanzmann, Claude 69-71
Le Goff, Jacques 10
Lénine, Vladimir 110
Levi, Primo 30, 71, 72
Lévi-Strauss, Claude 63
Lewin, Moshe 112
Löwy, Michael 42
Luxemburg, Rosa 110
m
Magris, Claudio 50
Mannheim, Karl 96, 97
Mariátegui, José-Carlos 13
Marx, Karl 91, 92, 110
Mason, Timothy 94
Mayer, Arno J. 59
Mesnard, Philippe 113
Michelet, Jules 114
Milosevic, Slobodan 16, 82
Mommsen, Hans 33, 100
Mondolfo, Rodolfo 110
Morris, Benny 53, 112
Mosse, George L. 36
Mussolini, Benito 36, 37, 48, 99, 100, 102, 104, 115, 116
Myers, David N. 36
n
Neumann, Franz 63
Nolte, Ernst 33, 95, 100, 114, 115, 117
Nora, Pierre 10, 27-30, 32
Nordau, Max 110
Novick, Peter 55-60
o
Oakeshott, Michael 18
Oehler, Dolf 88
p
Pätzold, Kurt 100
Papon, Maurice 74, 75, 78
Pappé, Ilan 53, 112
Paxton, Robert J. 116
Péguy, Charles 79
Perec, Georges 87
Pinochet, Augusto 74, 79, 87
Pirandello, Luigi 13
Poliakov, Léon 43-45
Poutine, Vladimir 81
Priebke, Eric 74
Proust, Marcel 18-20
r
Ranke, Leopold 113
Reagan, Ronald 61
Ricœur, Paul 18, 21
Robin, Régine 60
Roosevelt, Franklin Delano 55
Rosenberg, Ethel 56
Rosenberg, Julius 56
Rousso, Henry 43, 47, 75
Russell, Bertrand 86
s
Said, Edward 29
Salazar, Antonio de Oliveira 104
Salvemini, Gaetano 112
Santen, Sal 86
Saramago, José 17
Schieder, Theodor 97
Schiller, Johann Christoph Friedrich 75
Schinkel, Karl Friedrich 61
Sciascia, Leonardo 13
Scorsese, Martin 45
Sebald, W.G. 31
Segev, Tom 17
Sills, David L. 10
Simmel, Georg 39
Singer, Isaac Bashevis 45
Smith, Adam 88
Soboul, Albert 114
Sofri, Adriano 77
Soljenitsyne, Alexandre 47
Sontag, Susan 58, 60
Sorel, Georges 110
Spielberg, Steven 70
Staline, Josef Vissarionovitch 48, 89
Sternhell, Zeev 116
t
Tchebbedé, Haïlou 38
Thompson, Edward P. 13-25
Tito, Josip Broz 111
Tocqueville, Alexis de 25, 88, 112
Touvier, Paul 74
Truman, Harry 111
v
Vidal-Naquet, Pierre 30, 69, 76, 85, 108, 109
w
Walser, Martin 44, 61
Weber, Max 83
Wehler, Hans-Ulrich 33, 115
White, Hayden 67-69
Wiesel, Elie 58
Wieviorka, Annette 15
Williams, Raymond 10
Wippermann, Wolfgang 100
Wulf, Joseph 45
y
Yeltsine, Boris 48
Yerushalmi, Yosef
Hayim 27, 30, 32
z
Zola, Émile 74
Du même auteur
e-ISBN : 9782358721233
Couverture
Page de titre
Introduction : L’émergence de la mémoire
I. Histoire et mémoire : un couple antinomique ?
Remémoration
Séparations
Empathie
II. Le temps et la force
Temps historique et temps de la mémoire
Mémoires « fortes » et mémoires « faibles »
III. L’historien entre juge et écrivain
Mémoire et écriture de l’histoire
Vérité et justice
IV. Usages politiques du passé
La mémoire de la Shoah comme religion civile
L’éclipse de la mémoire du communisme
V. Les dilemmes des historiens allemands
La disparition du fascisme
La Shoah, la RDA et l’antifascisme
VI. Révision et révisionnisme
Métamorphoses d’un concept
Le mot et la chose
Note bibliographique et remerciements
Notes
Index des noms cités
Du même auteur
Chez le même éditeur
Copyright