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Pour le livre de Thierry Zintz et Mathieu Winand, Management et évaluation de la performance, un

défi pour les organisations sportives, De Boeck, Bruxelles.

Chapitre 6
La performance financière des organisations sportives à but non lucratif:
quels enjeux, quels outils ?

Wladimir Andreff1

Dans la quasi-totalité des secteurs économiques, la performance financière des organisations


est un indicateur à la fois de leur bien fondé et de leur raison d’être, de la qualité de leur
gestion et, sous-jacente, celle de leur gouvernance, de leur profitabilité et de la bonne santé de
chaque organisation, donc de ses chances de survie à moyen et long terme. La performance
financière d’organisations sportives à but non lucratif, telles les associations sous le régime de
la loi de 1901 en France ou les Verein en Allemagne, ou des formules juridiques voisines dans
toute l’Europe du sport, est différente et spécifique. Son analyse varie selon que l’organisation
opère exclusivement dans le sport amateur et de loisir ou qu’elle dispose d’une section (d’une
société2) de sport professionnel ou d’athlètes et d’équipes de haut niveau 3. En France, les
budgets des 264.700 clubs sportifs, dont près de 175.000 sont affiliés à des fédérations agréés
au niveau national, représentent une masse financière de 8.800 millions d’euros et les 219
clubs professionnels 1.945 millions d’euros (Bourg et Nys, 2012).
Ce chapitre présente diverses conceptions de la performance financière et de sa relation avec
la gouvernance d’une organisation (1). Ce cadre d’analyse est appliqué aux organisations
sportives disposant d’une section professionnelle ou de haut niveau (2) et à celles qui n’en

1
Professeur émérite à l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, Président d’honneur de la International
Association of Sports Economists et de la European Sports Economics Association.
2
En France, les associations sportives dont les recettes de manifestations payantes dépassent 1,2 million € ou
dont les rémunérations dépassent 0,8 million € ont l’obligation de créer une société commerciale: entreprise
unipersonnelle en responsabilité limitée, société anonyme à objet sportif ou société anonyme sportive
professionnelle.
3
Il ne sera pas question ici des organisations sportives (centres de remise en forme, de body building, aquagym,
fitness, etc.) du secteur commercial de l’offre de pratique sportive, malgré leur importance relative .; pPour le
seul fitness commercial, le nombre de pratiquants est estimé à plus de 4 millions en Allemagne, 2,5 millions aux
Royaume Uni, 2 millions en Italie, 1,6 million en France et 400.000 en Belgique. Mais leur but est lucratif. Le
sport de haut niveau rémunéré à statut officiellement amateur est ici regroupé avec le sport professionnel;. iIls
différediffèrent peu sous l’angle de la performance financière.

1
disposent pas (3). Les outils de performance financière et de bonne gouvernance sont cruciaux
en temps de crise pour les organisations sportives (4).

1. Performance financière et gouvernance des organisations

Comment saisir la notion de performance financière? La grande majorité des économistes


évaluent la performance financière d’une organisation d’après le résultat net d’exploitation
révélé par sa comptabilité: perte d’exploitation (déficit), équilibre des produits et des charges
(des revenus et des dépenses) ou bénéfice (profit). Ce dernier doit être recherché car il assure
la poursuite de l’exploitation, la pérennité de l’organisation et lui permet de croître dès lors
que le profit est en partie ou en totalité réinvesti dans l’organisation. A défaut de profit,
l’équilibre comptable revenus/dépenses est acceptable en ce qu’il n’obère ni l’exploitation, ni
l’existence de l’organisation; cependant, il ne lui permet pas d’autofinancer sa croissance pour
laquelle elle doit alors recourir à l’emprunt, donc s’endetter. Le déficit doit être évité; il révèle
des difficultés d’exploitation et annonce une incapacité d’autofinancement et un besoin
d’endettement, ne serait-ce que pour couvrir le déficit. Si ce dernier perdure, il porte préjudice
à l’investissement et à l’expansion de l’organisation d’une part et, d’autre part, il fait perdre
confiance aux créanciers, les amenant à demander sa liquidation pour récupérer leurs
créances. L’endettement, durable ou a fortiori croissant, est une trace historique des déficits
répétés et cumulatifs de l’organisation.
Ce modèle dominant suppose qu’en économie de marché les organisations cherchent à faire
des bénéfices et à éviter tout déficit, i.e. qu’elles maximisent leur profit sous la contrainte des
ressources dont elles disposent et de celles qu’elles peuvent se procurer par emprunt tout en
restant solvables. La profitabilité est l’indice majeur d’une bonne gestion, conduite par une
structure de gouvernance efficace, dégageant un surplus pour les ayants droit – un dividende
pour les propriétaires d’une firme privée. C’est faire peu de cas du secteur social et des AS
associations sportives à but non lucratif dont les ayants droit sont des adhérents, non des
propriétaires.
Une vision plus adaptée de la performance financière d’une organisation renvoie à la notion
de contrainte budgétaire, i.e. l’impératif pour elle de ne pas dépenser plus que le montant de
ses revenus. Cette notion permet de distinguer entre les systèmes économiques – l’économie
de marché et l’économie planifiée d’Etat (Kornaï, 1980) – ou entre les secteurs – privé,
public, social - de l’économie de marché où les organisations rencontrent des contraintes de
type différent (Kornaï et al., 2003). Dans les secteurs marchands, les organisations subissent
2
une contrainte budgétaire dure; il leur est impossible de dépenser durablement plus que leurs
revenus sous peine de disparaître (faillite). Dans d’autres secteurs, une contrainte budgétaire
lâche (CBL) permet durablement de dépenser plus que ses revenus sans disparaître, quand
l’organisation est assurée d’être financièrement renflouée ou de bénéficier de subventions
d’exploitation publiques; les organisations à but non lucratif sont un cas d’espèce.
Par delà les justifications du renflouement ou du subventionnement d’organisations offrant
des services à dimension sociale, telles l’éduction physique et la pratique sportive, que
signifie une bonne performance financière pour de telles organisations? Celles-ci vont souvent
présenter un déficit non sanctionné par leur disparition. La gestion déficitaire est alors jusqu’à
un certain point encouragée par la certitude du renflouement. Plus la survie de l’organisation
est indépendante de son résultat d’exploitation, plus le déficit risque de se perpétuer ainsi que
les mauvaises pratiques qui en découlent: arriéré de paiement et fiscal, endettement excessif,
recherche de bailleurs de fonds à fonds perdus, opérations financières occultes, insolvabilité et
finalement mise en règlement judiciaire.
La CBL est associée à une mauvaise gouvernance de l’organisation sportive professionnelle
(Andreff, 2007a) et aux institutions et règles qui la font apparaître. Certains mettent en cause
le statut (Verein) à but non lucratif, dont les ayants droit sont les adhérents et les supporters,
car il favorise trop les performances sportives (victoires, recrutement d’athlètes, adhésions),
au détriment de la performance financière, dont les ayants droit seraient des propriétaires –
inexistants dans une Verein (Dietl et Franck, 2007a). Même sans aller jusque là, l’analyse de
la contrainte budgétaire pose la question de trouver une structure de gouvernance forte dans
une organisation à but non lucratif en l’absence de propriétaires privés.
Ainsi conçue, la performance financière reste étroitement quantitative. Une acception plus
large et qualitative s’intéresse à la structure du financement des organisations sportives et à la
stabilité de leurs sources de financement. Les différentes sources de financement d’une
organisation se distinguent par leur importance relative dans le budget total, par leur stabilité,
croissance ou décroissance, et par leur caractère pérenne ou éphémère. Bénéficiant de la
croissance rapide d’une source de financement (ex: les droits de retransmission TV), une
organisation peut plus facilement afficher un déficit sans grave conséquence. En même temps,
la croissance des revenus tirés de la télévision peut rendre cette organisation «télé-
dépendante», trop dépendante d’une seule source de financement majeure. La structure de
financement et sa déformation dans le temps sont instructives quant à la situation courante et
aux perspectives d’expansion de l’organisation. Particulièrement utile en temps de crise, elle
différencie les organisations sportives à section professionnelle et à sportifs de haut niveau
3
des autres (Tableau 1).; Sson analyse est pertinente non seulement pour les grandes mais aussi
pour les petites ASassociations sportives.
Insérer Tableau 1

2. La performance financière des organisations sportives professionnelles

L’approche dominante de la performance financière est, au mieux, adaptée aux équipes des
ligues de sports professionnels nord américains qui sont supposées maximiser leur profit (Fort
et Quirk, 1995). Les clubs sportifs européens cotés en Bourse – étant des sociétés par actions
– sont une autre exception. En principe, ils ces clubs devraient dégager des profits pour
financer leur activité, distribuer des dividendes aux actionnaires et soutenir le cours de
l’action. Des actionnaires déçus par l’absence de dividendes et par un cours de l’action
stagnant ou en baisse, dû à une profitabilité faible ou à un déficit, sont incités à vendre leurs
actions, ce qui précipite plus encore la baisse du cours. Telle est l’histoire de plus de la moitié
des clubs de football qui, après avoir été cotés en Bourse dans l’engouement du début des
années 2000, ont quitté la cote. Elle confirme l’analyse (Aglietta et al., 2008) selon laquelle
l’entrée en Bourse n’est, pour un club sportif professionnel, ni une source de financement
stable et durable, ni une garantie de bonne gestion, en particulier s’il ne respecte pas sa
contrainte budgétaire et dépense plus (en salaires) que ses revenus4.
Les clubs sportifs professionnels en Europe, même organisés en société commerciale, ne sont
pas supposés maximiser leur profit. Leur objectif est de maximiser leurs victoires sportives
(Késenne, 1996) pour être promus en division supérieure ou éviter la relégation en division
inférieure (système de ligue ouverte). Leur gestion, même dans les clubs anglais, n’est
nullement guidée par la réalisation d’un profit. Selon Késenne, ces clubs respectent une
contrainte budgétaire équilibrée (revenus – dépenses = 0). Ceci ne correspond pas à la réalité:
5663% des clubs de football professionnels européens sont étaient en déficit en 201015
(UEFA, 2011). Malgré leurs déficits répétés, quasiment aucun n’est mis en faillite 6. Ils sont
financés à perte par des banques en Espagne (Ascari et Gagnepain, 2007), renfloués par des
millionnaires russes et arabes (Abramovitch/Chelsea, cheikh Mancur/Manchester City), des
fonds d’investissement (Glaser/Manchester United, Qatar Sports Investment/PSG), parfois par

4
D’autres facteurs explicatifs de l’échec de la cotation boursière des clubs sportifs sont: la baisse excessive du
cours de l’action en réaction à de mauvais résultats sportifs, un capital surtout constitué d’actifs intangibles (la
valeur comptabilisée des joueurs) et une gouvernance faible et insuffisamment contrôlée.
5
6356% en 20101.
6
Ce qui est particulièrement évident dans le football anglais (Kuper et Szymanski, 2009).
4
l’Etat, ainsi le plan salve calcio de 2002 en Italie (Baroncelli et Lago, 2006). Partout en
Europe, les clubs déficitaires accumulent des arriérés de paiement envers leurs fournisseurs
(salaires des joueurs et primes de transfert dues aux autres clubs), des arriérés d’impôt et de
cotisations sociales, ces arriérés étant la principale composante de leur endettement. Même en
France où les clubs sont audités par la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG),
le déficit et l’endettement sont fréquents. L’hypothèse d’une CBL (Andreff, 2012b) traduit un
problème à la fois de performance financière et de gouvernance, de la plus grande actualité
dans le football européen.
En ligue ouverte, pour améliorer leur performance sportive, les clubs professionnels sont
incités à se lancer dans une «course aux armements» en recrutant des joueurs, surtout des
superstars. L’inflation salariale et les primes de transfert qui en résultent sont à l’origine des
déficits et de l’endettement des clubs, ainsi en Ligue 1 du football français (Tableau 2) qui
n’est pas, loin s’en faut, la plus déficitaire et endettée des ligues européennes. Même dans la
ligue la mieux gérée, la Bundesliga, les clubs ne sont pas obligés d’équilibrer leur budget,
alors qu’il leur faut gagner le plus de matchs possible. Ils parient sur leur succès sportif et
surinvestissent en recrutement de joueurs (Dietl et Franck, 2007b); le surinvestissement est
caractéristique de toute organisation à CBL. Non seulement il y a une forte corrélation entre
les salaires versés et le rang de classement des clubs, mais les premiers déterminent les
seconds (Hall et al., 2002). Les clubs professionnels sont face à un arbitrage difficile entre
leur performance sportive, liée à une forte masse salariale, et leur performance financière:
l’absence de déficit récompense une politique modérée de recrutement et de salaires, mais le
prix à payer est une moindre compétitivité sportive. Les clubs de football français ont été
exemplaires de ce dilemme au cours de la dernière décennie 7: tantôt déficitaires et victorieux,
plus souvent moins déficitaires mais éliminés des compétitions européennes (Andreff, 2007b,
Besson, 2008). Sur cette période ont été déficitaires: PSG, Lyon, Marseille, Lille, Monaco,
Bordeaux, Nice, Nancy, Toulouse, Valenciennes, Saint-Etienne, Lorient, Auxerre, Grenoble,
Caen, Nantes, Strasbourg.
Insérer Tableau 2
Ceci révèle l’insuffisante qualité de la gouvernance des clubs de football européens. Soit leurs
dépenses et leur gestion ne sont pas supervisées par la ligue. Soit il existe un audit organisé
par la ligue (DNCG), les déficits et les dettes sont alors moindres, la mauvaise gouvernance
de club est sanctionnée (jusqu’à la relégation en division inférieure), mais pas toujours car les

7
Sur cette période ont été déficitaires: PSG, Lyon, Marseille, Lille, Monaco, Bordeaux, Nice, Nancy, Toulouse,
Valenciennes, Saint-Etienne, Lorient, Auxerre, Grenoble, Caen, Nantes, Strasbourg.
5
auditeurs (experts) ne sont pas indépendants du football (Andreff, 2007a): la preuve de cette
assertion réside dans les déficits/dettes du Tableau 2. Soit les clubs sont contrôlés par un
système de licence en Allemagne depuis 1963, mais leur statut à but non lucratif n’empêche
pas des dérives financières – des clubs ont été exclus du championnat pour ce motif en
commençant par Hertha Berlin dès 1965. Les dirigeants de clubs ne sont pas disciplinés dans
leur gestion financière par la dure contrainte d’équilibrer dépenses et revenus. Comportement
indiscipliné confirmé par le lourd poids des arriérés de paiement dans la dette des clubs.
La structure de financement des clubs professionnels a évolué pendant les années 1990,
passant du modèle de financement SSSL au modèle MMMMG (Andreff et Staudohar, 2000).
Dans le premier, les principales sources de financement sont les spectateurs (recettes de la
billetterie), les subventions (et souscriptions et donations) et les sponsors, d’origine locale.
Dans le second, les fonds provenant des médias (TV) sont prépondérants, complétés par de
nouvelles sources de financement: magnats (oligarques, émirs, millionnaires), merchandising
et marchés du capital (Bourse) et du travail (joueurs formés au club spécialement pour être
transférés), le tout à une échelle géographiquement globale. La «télé-dépendance» financière
du football français est illustrée dans le Tableau 2. Associé à la dérégulation du marché du
travail des sportifs professionnels (depuis l’arrêt Bosman), ce modèle de financement joue de
plus en plus sur la recherche de nouveaux financements pour couvrir les déficits créés par
l’inflation salariale, elle-même due à la course aux armements engagée par des clubs ayant
une CBL. La qualité de la gouvernance en souffre et la gestion financière n’est pas rigoureuse.
Etant donné la structure de financement, la performance financière d’un club professionnel –
avec ici des coefficients moyens du Tableau 2 – s’apprécie à partir de l’expression (1):

0,53 DTV + 0,16 Spect + 0,19 Spons + 0,03 Subv + 0,09 Merch – 0,68 MS – 0,32 CF = 0 (1),

où DTV sont les droits de retransmission télévisée, Merch les revenus tirés du merchandising
et des marchés, MS la masse salariale (cotisations sociales incluses) et CF les coûts fixes du
club (frais de transport, frais généraux, amortissements). Une bonne performance financière et
une bonne gouvernance consistent d’abord à égaliser les revenus et les dépenses, ce qui n’est
pas à la portée de la majorité des clubs de football professionnels européens pour qui
l’expression (1) est < 0 (déficit); ensuite à ajuster des revenus variables aux dépenses
variables, salariales principalement. Certains revenus sont fixes sur la saison: la subvention, le
sponsoring et une partie des DTV (en Ligue 1 du football français la moitié des DTV est
indexée sur les performances sportives et médiatiques). Sont variables 0,275 DTV, 0,16 Spect,
6
et 0,09 Merch, soit 52,5% des revenus face à 68% de dépenses variables. D’un point de vue
qualitatif, une bonne performance financière est de contenir la part de la masse salariale dans
le budget à la hauteur des revenus variables, donc de surveiller surtout les ratios MS / budget
et MS / DTV8 (Tableau 2). En Ligue 1, le premier ratio a tendance à être trop élevé: 10 points
au-dessus des droits de TV et de l’ensemble des revenus variables, en pourcentages de budget:
de plus, il croît jusqu’à 73% en 2010 et 75% en 2011. Le second ratio montre que les salaires
sont d’environ 30% supérieurs aux revenus de la télévision. Malgré les audits et le contrôle de
la DNCG, la performance financière se détériore plutôt qu’elle ne s’améliore.

3. La performance financière des organisations sportives à but non lucratif

Pour les organisations sportives à but non lucratif sans section professionnelle (AS:
associations sportives dans la suite), les sources et la structure du financement sont plus
importantes que la contrainte budgétaire dans l’appréciation de la performance financière. La
loi de 1901 en France ne prévoit que quatre catégories de ressources pour les AS à but non
lucratif: cotisations, subventions, dons manuels, et libéralités entre vifs et testamentaires aux
associations reconnues d’utilité publique. La jurisprudence, et le Conseil constitutionnel en
1984 ont reconnu le caractère non limitatif de cette liste. Finalement, toutes les ressources qui
ne leur sont pas interdites tout en étant nécessaires à la réalisation de leur objectif sont
accessibles aux AS.
En France en 2011, le budget moyen de 167.719 AS agréés, d’une taille moyenne de 104
adhérents, était de 33.000 € et de 105.000 € pour celles qui sont employeurs (d’au moins un
salarié); en revanche, il est de 2,5 millions € pour un club de football de niveau national
amateur, 9 millions € pour un club professionnel de sport collectif hors football et 56 millions
€ pour un club de football professionnel. Avec un budget limité, l’objectif des AS n’est
évidemment pas le profit, ni même de gagner le plus de matchs possible tout en restant
financièrement solvable. Il est le plus souvent de faire participer le plus grand nombre, ou les
membres d’une communauté locale ou affinitaire, à une pratique sportive. Dans les grandes
AS, il est complété par l’offre de services sportifs, éventuellement payants (carte neige, voile,
vélo, etc.). La performance financière est alors de réussir à réunir les moyens assurant
d’atteindre ces objectifs; ce qui n’exclut pas l’exigence d’une bonne gestion financière.

8
On démontre économétriquement (Andreff, 2007b) que les droits de TV reçus par les clubs de Ligue 1 et Ligue
2 déterminent les salaires qu’ils versent et sont de plus en plus utilisés pour adoucir leur contrainte budgétaire.
7
Les AS sont encore plus différenciées entre elles du point de vue de la performance financière
que ne le sont les clubs professionnels entre eux. Il est nécessaire d’introduire une typologie
dans l’analyse. D: dès 1980, on distinguait les petits clubs uni-sport, les clubs multi-sport à
dominante disciplinaire (un sport domine parmi les pratiquants) et les clubs dont une ou
plusieurs équipes participent à l’élite amateur (Andreff, 1980). La structure de leur
financement est nettement différente. Pour le premier type, la première source de financement
était les subventions, suivies par les dons privés et cotisations, puis les recettes de la buvette et
des produits divers (tombolas, bals, etc.), enfin les recettes de billetterie. Avec le second type,
les recettes de billetterie devenaient prépondérantes (62%), venaient ensuite des redevances
provenant de la fédération sportive et les challenges remportés (16%), les recettes diverses
(9%), les subventions (8%) et le sponsoring et la publicité (5%). Pour le troisième type, la part
écrasante de la billetterie (81%) était complétée par le sponsoring (15%), les subventions d’un
montant élevé comparé aux associations des types précédents ne représentant que 4% du
budget. Au sein même de chaque type, les disparités de financement entre les AS sont très
marquées. Ainsi en CFA (football national amateur), l’écart entre les budgets des clubs était
de 1 à 5, l’écart entre le montant de la plus forte subvention accordée par une commune et la
plus faible était de 1 à 14, et la part des subventions publiques dans le budget s’échelonnait de
9% à 46% - dans le même championnat (Bourg et Nys, 2006).
Cette typologie des AS a été mise à jour (Bourg et Nys, 2012). Elle distingue un modèle de
financement ASSL - adhérents-spectateurs-subventions-local – dominant jusqu’en 1960. Ce
modèle; il est encore l’apanage des petites AS sans rapport avec le sport d’élite ainsi que
d’AS uni-sport. Puis le modèle de financement SSSL s’est répandu d’abord dans les clubs
professionnels jusque vers 1995, puis vers les associations amateur multi-sport ou ayant une
(des) équipe(s) de niveau national. Il perdure dans celles-ci ainsi que dans le handball ou le
volleyball professionnels9, tandis que les clubs professionnels de football et à un moindre
degré de rugby et de basketball passaient au modèle MMMMG10.
Sur l’ensemble des AS françaises en 2001, 18% avaient un budget annuel inférieur à 1.000 €,
29% se situaient entre 1.000 et 5.000 €, 18% entre 5.000 et 10.000 € (soit 65% de petites AS),
31% entre 10.000 et 100.000 € et 4% entre 100.000 et 1 million € (Poupaux, 2005). En 2003,
le budget annuel moyen d’une AS se cantonnant dans le sport loisir était de 12.900 €, de
17.400 € quand elle participait à une compétition départementale, 35.700 € quand elle était
engagée dans une compétition régionale, 52.500 € en compétition nationale et 57.500 € en
9
La structure de financement moyenne d’un club de handball D1 (2009) est: subventions 50%, sponsoring 38%,
spectateurs 12%; celle d’un club de volleyball Pro A: subventions 66%, sponsoring 27%, spectateurs 3%.
10
Dénommé SATI – sponsors, actionnaires, télévision, international – par Bourg et Nys (2012).
8
compétition internationale (Beretti et Calatayud, 2006). Le budget moyen était de 96.550 €
pour un club de rugby, 69.906 € pour un club de natation, 65.521 € pour un club multi-sport,
mais il tombait à 6.915 € dans un club de cyclotourisme, 12.819 € dans un club de boules,
14.917 € dans un club de volleyball (amateur) et 16.948 € dans un club de gymnastique.
En fait, les petites AS, les plus nombreuses, ne se coulent dans le moule d’aucun des trois
modèles de financement: les sportifs constituent la première source de financement
(cotisations, licence, droits d’engagement, dons), complétée par une subvention municipale
(une sorte de modèle ASL), certaines étant même trop petites pour obtenir une subvention ou
alors d’un montant symbolique. Pour les petites AS, la buvette est parfois une source de
recettes non négligeable, mais l’ouverture d’un bar ou d’une buvette dans une enceinte
sportive est réglementée (loi Evin en France). Comme toute organisation à but non lucratif,
les AS peuvent organiser six manifestations de bienfaisance ou de soutien à leur activité par
an, en franchise de TVA (bals, spectacles, concerts, kermesses, ventes de charité, etc.).
Insérer Tableau 3
Les premiers financeurs des AS en France se situent dans le secteur privé, les ménages et les
entreprises contribuant en moyenne en 2003 à hauteur de 68% par des cotisations (31%), des
recettes d’activité (29%), des dons, du mécénat et du sponsoring - ensemble 8% (Tableau 3).
Bien que 85% de ces AS reçoivent des financements publics, les subventions ne représentent
que 33% de leurs ressources (dont 20% en provenance des communes, 5% des départements,
2% des régions et 4% de l’Etat central). En Allemagne, le poids relatif des financements
publics, provenant surtout des Länder, est bien moindre (10%) et celui des revenus procurés
par les adhérents nettement plus important (56%).
Selon son importance dans la structure de financement de l’AS, le rôle de la subvention est
très variable. Quand elle tombe en dessous de 10% du budget, il est marginal. C’est le cas des
grandes AS qui participent à l’élite. Alors, la subvention n’est pas indispensable à la survie de
l’AS pour qui elle est un moyen de desserrer sa contrainte budgétaire et pour la municipalité
une façon de maintenir un lien avec un club phare, son image et sa notoriété. La subvention a
un rôle stabilisateur des finances de l’AS lorsque sa part dans le budget monte jusqu’à 25-
30%. Elle est souvent la source de revenus la plus certaine et la plus stable; l’AS établit son
budget en général en comptant au moins sur la reconduction de la subvention de l’année
précédente, alors que les autres recettes (cotisations, recettes d’activité, sponsoring) sont plus
aléatoires. La subvention constitue un apport de liquidités qui améliore la trésorerie de l’AS et
peut lui éviter un endettement bancaire. La subvention a un rôle moteur dans le
fonctionnement de l’AS quand sa part dans le budget dépasse 30%. En couvrant plus du tiers
9
des dépenses, elle devient un élément crucial de la stratégie et, par voie de conséquence, de la
performance financière des AS. Ce dernier cas recouvre la grande majorité des AS du sport
amateur et même les clubs professionnels dans certains sports (basketball, handball, volleyball
en France) qui attirent une affluence limitée (comparée au football et au rugby) et ont de ce
fait une taille financière modeste. Le problème est que d’une municipalité à l’autre ce rôle
moteur de la subvention est très inégal, parfois il n’est même pas moteur, ce qui introduit une
distorsion dans l’équilibre compétitif des championnats concernés. Le maintien d’un club
dans l’élite amateur dépend souvent de l’effort consenti par la municipalité. Une moindre
proportion d’AS est dépendante des subventions en Allemagne: 76,2% d’entre elles en
reçoivent, 19,3% du Land et 54,3% des municipalités (Breuer et Wicker, 2010).
Beaucoup d’AS du sport amateur présentent un déficit structurel et ne satisfont pas en
permanence à la contrainte budgétaire: revenus = dépenses. La subvention vient alors combler
l’écart entre dépenses et revenus. Les justifications de la subvention publique sont que les AS
engendrent des déficits structurels pour les raisons suivantes: 1/ grâce à la subvention, elles
proposent une offre de pratique sportive à un prix inférieur au prix du marché, observé
notamment dans le secteur commercial du sport; le prix subventionné facilite l’accès à un plus
grand nombre de pratiquants aux revenus modestes (Andreff, 2012a); 2/ les AS offrent à la
population des activités présentant un caractère d’intérêt général (en termes d’éducation, de
santé, de morale, de consensus social); 3/ elles sont soumises à des contraintes spécifiques
(calendrier des activités sportives, déplacements, équipements) impliquant des coûts fixes
importants, proches de 100% des coûts dans les petites AS sans salarié; 4/ elles ne réalisent
pas de gains de productivité, ou alors très faibles (comme les théâtres, les opéras), même en
cas de bonne gestion, a fortiori si elle est moins bonne.
La question de la performance financière appréciée sous l’angle de la contrainte budgétaire se
pose donc dans un contexte complètement différent de celui présenté pour les clubs
professionnels. En partant des données du Tableau 3 pour la France, la contrainte budgétaire
s’écrit en moyenne pour les grandes AS (assimilées ici à celles qui ont au moins un salarié):

0,29Adhérents + 0,25 (6 Manif+Spect) + 0,05 Spons + 0,40 Subv – 0,43 MS – 0,57CF = 0 (2).

Une bonne performance financière paraît moins difficile à atteindre que pour un club
professionnel dans la mesure où la masse salariale est souvent inférieure aux coûts fixes et
elle représente une moindre proportion du budget total (43% contre 68%). On voit là le rôle
moteur de la subvention. D’un autre côté, les revenus stables et quasiment certains (40%) ne
10
couvrent pas la totalité des coûts fixes, ce qui comporte deux implications: a/ la grande AS
doit attirer assez d’adhérents et suffisamment développer son activité pour que ses cotisations
et ses revenus d’activité finissent de couvrir ses coûts fixes; b/ ses revenus variables liés aux
adhérents (cotisations) sont en général insuffisants pour faire face à sa masse salariale, ce qui
rend la gestion financière délicate et … c/ permet de comprendre pourquoi les grandes AS
cherchent à attirer le plus de spectateurs possible (par de bonnes performances sportives, une
réputation, un palmarès, etc.) et des sponsors (par des effectifs importants de pratiquants et
une bonne image).
Seulement un quart environ (37.500) des AS emploient au moins un salarié en France. Pour la
majorité des petites AS sans aucun salarié la contrainte budgétaire est:

0,35 Adhérents +0,08 (Dons, Mécénat) + 0.32 (6 Manif + Activité) + 0,25 Subv – CF ≤ 0 (3).

La gestion financière est plus délicate que pour les grandes AS et les clubs professionnels. Du
côté des dépenses, la seule marge de manœuvre se situe dans les «autres dépenses», pour
moins de 10% du budget total. Quant à la subvention, elle ne couvre en moyenne que le quart
des coûts fixes. Les autres revenus sont aléatoires, sensibles à l’engouement et aux revenus
des adhérents ou aux humeurs et intentions d’un mécène ou de généreux donateurs, en
particulier en période de crise (4 infra). La petite AS fait donc souvent face au difficile
arbitrage entre équilibrer son budget en taillant dans ses coûts fixes (moins de matériel,
d’équipements, moindre diversité de l’activité) ou satisfaire ses adhérents et en attirer d’autres
en développant ses activités (pratique sportive plus que spectacle) au prix d’un déficit. Elle
compte sur la subvention municipale pour y parvenir, mais celle-ci n’est pas en général du
montant requis pour atteindre l’équilibre budgétaire, d’où le signe de l’inégalité (3) désignant
un déficit probable, chronique pour certaines petites AS. Cela ne signifie pas que la petite AS
bénéficie sans cesse d’une CBL, elle doit rendre compte à la municipalité de l’utilisation de la
subvention. Mais celle-ci est le plus souvent reconduite: cela ne crée pas d’incitation à réaliser
une meilleure performance financière de l’AS (se rapprocher d’un budget équilibré), ni donc à
améliorer la gouvernance opérée par des dirigeants élus, même si la subvention est justifiée.

4. Les outils de la performance financière et la bonne gouvernance en temps de crise

Vu leur modèle de financement, les AS sont très vulnérables à la crise économique; les clubs
professionnels aussi, bien que dans une moindre mesure. La stagnation ou la baisse du
11
pouvoir d’achat réduit la dépense sportive des ménages et, celle-ci étant la principale source
de financement des AS, ceci a un effet négatif sur le nombre d’adhérents (en dissuadant les
ménages pauvres de continuer une pratique sportive), sur les recettes tirées des cotisations et
sur les recettes d’activité. Une chute de 2% du pouvoir d’achat est de nature à faire baisser de
1% le volume de financement du sport puisqu’il dépend pour moitié de l’apport des ménages.
Or, les achats d’articles de sport n’ont guère été affectés par la crise (Barget, 2011); donc
l’essentiel de la baisse se reporte sur les cotisations, la pratique et le spectacle sportifs.
Il peut y avoir un effet de substitution au sein des dépenses des ménages, en temps de crise,
entre la pratique sportive, le spectacle sportif et le sport télévisé, surtout si celui-ci est gratuit
ou moins coûteux. Ainsi, 17% des Allemands et 34% des Anglais enquêtés envisageaient de
réduire leur dépense en assistant moins à des spectacles sportifs, et 19% des Allemands
souhaitaient les remplacer par du sport regardé à la TV (Andreff, 2010); mais surtout, 39%
des clubs anglais ont vu baisser le renouvellement de leur adhésions (CCPR, 2010),
impliquant une baisse du revenu des cotisations de 40%; 60% des clubs ont aussi souffert
d’une chute des revenus commerciaux. Ils ont dû réduire leurs investissements en équipement
et leurs dépenses (salariales) d’encadrement.
Etant donné le rôle important des subventions pour les AS, avec la crise l’endettement des
municipalités devient un problème qui se transmet aux AS. Les municipalités doivent
rembourser leur dette et, en attendant, subissent une restriction de leurs crédits bancaires. Le
montant des subventions pour le sport est destiné à stagner, voire à se réduire. La Cour des
Comptes a suggéré que celles-ci soient totalement coupées pour les clubs professionnels
français. En Allemagne, 40% des AS ont connu un recul des aides publiques.
Quant aux entreprises agissant comme sponsors, leur financement dépend de la manière dont
elles traversent la crise. Plusieurs stratégies sont apparues avec la crise. Certains sponsors
«historiques» n’ont rien changé comme BNP Paribas (Roland-Garros), Société Générale
(rugby), LCL (Tour de France), Bouygues Telecom (cyclisme et voile) ou Ericsson (voile).
D’autres ont abandonné le sponsoring sportif de certains sports comme Honda et Crédit
Suisse (F 1), Caisse d’Epargne (cyclisme), Royal Bank of Scotland (golf, tennis), Kawasaki
(moto), Kodak (courses NASCAR), Lexus (golf), Quinn Insurance (golf), Vodafone (cricket),
AIG (football). Des sponsors ont réduit leur apport financier au sport, tels Northern Rock, XL,
Fortis, Dexia, Lagardère, ou l’ont concentré sur les spectacles sportifs les plus exposés
(Lacoste). Plus une AS est petite, plus elle risque d’être mise de côté par ces stratégies de
crise. Les chaînes de TV, pour l’heure moins sensibles à la crise, financent principalement le
sport professionnel et les AS du sport amateur ne peuvent trouver là un substitut aux
12
réductions de budget dus à la crise. L’affluence au stade dans les principales ligues
européennes de football, et dans d’autres sports professionnels, a chuté à partir de 2008,
malgré des baisses de prix du ticket d’entrée au stade (Andreff, 2012a). La crise financière du
football européen est antérieure de plusieurs années11 à la crise globale datant de 2008;
évidemment, cette dernière ne facilite pas la performance financière.
Dans le cas des clubs professionnels, les outils de la performance financière et d’une bonne
gouvernance sont en débat depuis une décennie (Collin, 2004; Andreff, 2007a; Aglietta et al.,
2008): ne pas compter sur la cotation en Bourse pour améliorer la situation, réduire
l’endettement des clubs, en finir avec leurs déficits récurrents et la CBL12, exiger d’eux une
absolue transparence comptable et financière, diminuer les conflits d’intérêt parmi les
dirigeants des sports professionnels, renforcer la gouvernance des clubs et la surveiller par des
audits et un contrôle de gestion exercés par des experts indépendants, sanctionner la mauvaise
performance financière. Où en est, par exemple, l’Europe du football à cet égard?
Les clubs anglais financièrement défaillants sont mis en administration judiciaire (47 cas entre
1992 et 2008). Après quoi le surinvestissement en salaires, le déficit et la dette recommencent
à croître (Hamill et Walters, 2010). En France, les clubs sont tenus de rendre leurs comptes
publics; la DNCG publie régulièrement depuis 2004 leurs comptes d’exploitation et leurs
bilans (de même dans le rugby et le basketball français depuis lors). D’aucuns y ont vu une
exception française exemplaire (Gouguet et Primault, 2006). Le contrôle de gestion tend à se
généraliser dans l’Europe du sport professionnel. Depuis la saison 2004-2005, l’UEFA a
introduit un système de licence de club visant à garantir la poursuite de son activité jusqu’à la
fin de la saison quand il est qualifié en compétition européenne. Le club doit présenter un
business plan montrant sa capacité à couvrir ses besoins en liquidité, fournir une déclaration
en cas de liquidités insuffisantes et notifier toute déviation par rapport au budget et au compte
de pertes et profits annoncés; il ne doit déclarer aucun arriéré de salaires, d’impôt ou de
paiement. Depuis lors, une trentaine de clubs sportivement qualifiés pour les compétitions de
l’UEFA n’ont pas obtenu la licence pour y participer à cause d’insuffisances financières.
A partir de septembre 2013, l’UEFA va mettre en œuvre le fair play financier qui doit
empêcher les clubs de dépenser durablement plus que leurs revenus, les encourager à opérer
sans dettes et sans contribution (renflouement) des propriétaires ou de tiers et favoriser

11
Voir les deux numéros spéciaux du Journal of Sports Economics - 7 (1) 2006 et 8 (6) 2007- consacrés à la
crise financière du football en Europe.
12
On y ajoute parfois une régulation plus stricte, la crise pouvant en créer l’opportunité (Primault, 2011),
notamment l’introduction d’un plafonnement salarial (salary cap); en théorie, cette mesure ne peut être efficace
tant que les clubs jouissent d’une CBL (Andreff, 2012b).
13
l’investissement dans la formation de jeunes joueurs et dans des installations sportives.
Pendant une période transitoire, jusqu’en septembre 2015, seront tolérés un déficit annuel de 5
millions € sur trois ans et une injection exceptionnelle de capital de 45 millions € sur trois
ans13. Des sanctions sont prévues pouvant aller jusqu’à la disqualification des compétitions
UEFA (Müller et al., 2012). Ces règles sont en cours d’extension à tous les clubs, pas
seulement ceux susceptibles de se qualifier sur le terrain pour les compétitions européennes.
Elles vont durcir la contrainte budgétaire des clubs, pas encore abolir la CBL tant que le
déficit exigé d’eux ne sera pas strictement égal à zéro.
Dans les AS à but non lucratif sans section professionnelle, de taille modeste, les dirigeants
sont parfois en peine de fournir les comptes à la demande d’une municipalité ou d’un sponsor;
seul le trésorier est détenteur d’une expertise pour tenir les comptes (dans le meilleur des cas),
donc du pouvoir d’agir sur la performance financière, d’autant plus que la plupart des
adhérents ne s’intéressent pas à l’état des comptes, sauf la situation de caisse. Souvent les
comptes n’existent pas sous la forme de bilan et de compte d’exploitation, mais se résument à
la tenue d’un livre journal, malgré la recommandation répétée de longue date d’appliquer d’un
vrai cadre comptable complet, même si simplifié et adapté (Andreff, 1980). Les AS
subventionnées sont tenues de fournir des documents comptables mais les municipalités ne les
exigent pas pour les subventions de faibles montants, ce qui est une situation répandue.
Les déficits des petites AS ayant des causes structurelles et chroniques, la performance
financière est difficile à atteindre, surtout si on l’assimile à l’équilibre des dépenses et des
revenus. Le paradoxe est que ces organisations faisant face à une gestion financière difficile la
confient à des dirigeants qui ne sont pas nécessairement formés au préalable pour cette tâche.
En France, seule une minorité des dirigeants d’AS appartiennent aux catégories socio-
professionnelles où l’acquis en compétences gestionnaires est certain: en 2005, 10% des
dirigeants sportifs (toutes fonctions confondues) provenaient des professions libérales et chefs
d’entreprise, 7% des cadres supérieurs, 16% des cadres moyens, 11% des enseignants, 19%
des employés, 8% des ouvriers, 18% des retraités, 7% des inactifs et 4% autres. La
recommandation première, devenue leitmotiv, est la formation des dirigeants sportifs à la
gestion; mais n’est-ce pas un peu tard quand ceux-ci accèdent à ces fonctions pendant ou
après une vie professionnelle sans rapport avec la gestion comptable et financière? Les initier
aux notions de performance financière, CBL, bonne gouvernance, et surtout aux techniques
sous-jacentes, prend du temps, parfois plus longtemps que la durée de leur mandat. En outre,

13
En 2011, 14 clubs européens présentaient un déficit supérieur à 45 millions € et 32 entre 5 et 45 millions € (sur
734 clubs recensés).
14
certains élus n’aiment guère être soumis aux exigences des experts, fussent-elles celles de leur
trésorier, a fortiori celles d’un expert financier externe et indépendant. On pourrait certes
songer à créer un système d’audit des AS à but non lucratif auprès des fédérations sportives,
mais souvent il ne pourrait que constater le problème des déficits structurels des petites AS,
sans pouvoir suggérer de solution car le cœur des difficultés est un financement faible
d’organisations de taille réduite.

Conclusion: l’arbitrage entre l’élu et l’expert

Les dirigeants sportifs sont des élus bénévoles. La performance financière des AS requiert de
l’expertise gestionnaire et du doigté pour trouver et gérer des fonds, au-delà de la subvention.
Le statut associatif d’organisation à but non lucratif privilégie l’élection, la réalité
économique du sport exige de nos jours l’expertise financière. Les dirigeants élus des AS ne
sont pas en majorité experts comptables, analystes financiers, managers professionnels ou
économistes. Conviendrait-il de n’élire que ce type de compétences à la tête des AS, au prix
de quelque entorse au statut associatif? Ou bien faut-il inciter les dirigeants des AS à
équilibrer les comptes ou au moins à rapprocher les dépenses des revenus, ce qui renforce de
facto le pouvoir des trésoriers? L’arbitrage n’est pas nouveau, toujours délicat.

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16
Tableau 1 - Structure de financement du sport professionnel et des organisations sportives

Source de financement Sport Toutes organisations sportives **


professionnel * Europe 27 Allemagne France
Entreprises 70% 14% 8% 10%
dont: Sponsors 23% 5%
Chaînes TV 47% 5%
Ménages 29% 50% 76% 50%
dont: Billetterie 22%
Merchandising 7%
Collectivités territoriales 1% 24% 15% 30%
Etat (ministères) 0 12% 1% 10%
* Moyenne des clubs des 5 plus grandes ligues de football européennes en 2006.
** En 2005, source: Amnyos (2008).

Tableau 2 : fichier Excel attaché

Tableau 3: La structure de financement des associations sportives à but non lucratif


en Allemagne et en France
(en %)

Sources de Cotisations Dons, mécenat Recettes Subventions


financement   sponsors d'activité publiques
Allemagne  
Echantillon d'AS* (2004) 55 2 32 11
Echantillon d'AS* (2006) 56 2 32 10
France  
Toutes les AS (2000) 38 9 23 30
AS sans salarié (2001) 35 8 32 25
AS employeurs (2001) 29 5 25 40
Toutes les AS (2003) 31 8 29 32
Dépenses Frais de Equipements Dépenses liées Autres
  personnel et matériel à l'activité dépenses
Allemagne toutes AS(2004) 46 47** 7
France (2003)  
AS sans salarié 0 16 74 10
AS employeurs 43 8 41 8
Toutes les AS 30 10 51 9
* 3173 AS en 2004, 13068 en 2006 ** Inclut équipements et matériel
Sources: Poupaux (2005), Bereti et Calatayud (2006), Tchernonog et al. (2007),
Breuer et Poupaux (2008), Breuer et Wicker (2010).

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