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222 Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 2, 222-230

Mémoire

Étude de la planification de l’action au moyen du test


du plan du zoo dans la maladie d’Alzheimer
P. Allain1, 2, 3, H. Chaudet3, S. Nicoleau1, 4, F. Etcharry-Bouyx1, 2, 3,
J. Barré1, 4, F. Dubas1, 2, G. Berrut1, 4, D. Le Gall1, 2, 3
1
Centre Mémoire de Ressources et de Recherche, CHU Angers.
2
Département de Neurologie, CHU Angers.
3
Laboratoire de Psychologie (UPRES EA 2646), Département de Psychologie, Université d’Angers.
4
Département de Médecine Interne et Gérontologie Clinique, CHU Angers.
Reçu le : 24/05/2005 ; Reçu en dernière révision le : 22/05/2006 ; Accepté le : 11/09/2006.

RÉSUMÉ
Introduction. Une dégradation des fonctions exécutives est régulièrement rapportée dans la maladie d’Alzheimer, mais les capacités
de planification de l’action paraissent assez peu étudiées dans le cadre de cette pathologie neurodégénérative. Objectif. L’objectif
de cette étude était donc d’examiner les deux principales composantes de la planification (la formulation et l’exécution d’un plan)
dans la maladie d’Alzheimer à partir d’une épreuve simulant l’exécution d’une activité réaliste empruntée à la batterie d’évaluation
comportementale du syndrome dysexécutif. Cette épreuve présente le plan d’un zoo dont le sujet doit effectuer la visite dans deux
conditions : une condition formulation où il doit organiser lui-même ses déplacements en respectant la liste des endroits à visiter et
des règles précises, et une condition exécution où il doit suivre l’itinéraire de visite indiqué. L’épreuve a été proposée à 18 patients
Alzheimer et 15 contrôles âgés sains appariés. Résultats. Les analyses de variance ont principalement montré que les patients avec
maladie d’Alzheimer étaient significativement moins performants que les contrôles pour l’ensemble des paramètres d’appréciation de
la performance (temps, score de séquence, erreurs), ce dans les deux conditions de réalisation. L’écart entre les deux conditions de
réalisation était plus important pour les patients Alzheimer. Les difficultés de planification corrélaient principalement avec les modifi-
cations comportementales (en particulier motivationnelles) constatées par les proches des patients au quotidien. Conclusion. Ce
travail confirme que la maladie d’Alzheimer s’accompagne d’une diminution des capacités de planification de l’action qui paraît liée
à la fois à une difficulté à formuler des plans et à les exécuter et dont l’origine semble en partie liée à des modifications du compor-
tement.
Mots-clés : Maladie d’Alzheimer • Fonctions exécutives • Planification • Test du zoo

SUMMARY
A study of action planning in patients with Alzheimer’s disease using the zoo map test.
P. Allain, H. Chaudet, S. Nicoleau, F. Etcharry-Bouyx, J. Barré, F. Dubas, G. Berrut, D. Le Gall, Rev Neurol (Paris) 2007; 163: 2, 222-230
Introduction. Executive dysfunction is regularly reported in patients with Alzheimer’s disease. Nevertheless few studies have focused on
planning ability in this neurodegenerative disease. Objectives. This study aimed to investigate the formulation and the execution of plans
in Alzheimer’s disease using an ecological planning subtask derived from the Behavioural Assessment of the Dysexecutive Syndrome test
battery, the “Zoo Map Test”. There are two trials. The first trial consists of a “high demand” version of the subtask in which the subjects
must plan in advance the order in which they will visit designated locations in a zoo (formulation level). In the second, or “low demand”
version, the subject is simply required to follow a concrete externally imposed strategy to reach the locations to visit (execution level). The
test was given to 16 patients with Alzheimer’s disease and 13 normal elderly subjects. Results. The two way ANOVAs mainly showed more
difficulties in patients with Alzheimer’s disease than in healthy elderly in both conditions. The difference between formulation and execution
was greater in patients with Alzheimer’s disease than in healthy elderly. Planning impairments mainly correlated with behavioural changes
(in particular motivational changes) observed by patient’s relatives. Conclusion. These results suggest that patients with Alzheimer’s
disease have some problems to mentally develop logical strategies and to execute complex predetermined plans, which are partially related
to behavioural changes.
Keywords: Alzheimer’s disease • Executive functions • Planning • Zoo map test

Correspondance : P. ALLAIN, Unité de Neuropsychologie, Département de Neurologie, Centre Hospitalier Universitaire, 4 rue Larrey,
49033 Angers Cedex 01.
E-mail : PhAllain@chu-angers.fr.

P. ALLAIN et coll.
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INTRODUCTION n’étaient pas liées à l’atteinte de facteurs plus généraux


(vitesse de traitement et gravité de la démence). Les auteurs
Jusqu’à il y a une dizaine d’années, les troubles des fonc- ont de plus montré que les difficultés observées dans les tests
tions exécutives étaient rarement considérés comme l’une des renvoyaient essentiellement à l’atteinte de deux composantes
caractéristiques essentielles du tableau des déficits neuropsy- exécutives : l’inhibition et la capacité à coordonner le stoc-
chologiques accompagnant la maladie d’Alzheimer (MA). kage et le traitement de l’information. En utilisant la tomo-
Pillon et al. (1986), par exemple, considéraient que les dys- graphie par émission de positons, Collette et al. (1999) ont
fonctionnements exécutifs liés à la MA étaient plutôt discrets relevé l’existence de corrélations entre l’atteinte de la compo-
en début d’évolution du tableau et qu’ils ne devenaient mani- sante inhibition et l’hypométabolisme des régions corticales
festes qu’aux stades les plus évolués de la maladie. À l’appui frontales ainsi qu’entre l’atteinte de la composante stockage
de cette hypothèse, plusieurs études en tomographie par émis- et traitement de l’information et l’hypométabolisme des
sion de positons ont montré que les hypofixations frontales régions corticales postérieures.
étaient peu importantes en début de maladie, s’associant plu- La planification, évaluée par les épreuves de « la Tour de
tôt à des tableaux démentiels plus évolués (Grady et Haxby, Londres » et des « labyrinthes de Porteus » a aussi fait l’objet
1995 ; Kennedy et Frackowiack, 1994 ; Morris, 1996). Les de quelques recherches chez les patients avec MA. Rainville
conceptions paraissent avoir récemment évolué, plusieurs tra- et al. (1998) ont montré qu’elle était altérée chez ces
vaux ayant souligné des difficultés dans les tests des fonctions patients. D’autres auteurs ont montré que ces difficultés de
exécutives chez les patients atteints de MA. planifications pouvaient se manifester très précocement dans
Baddeley et al. (1986 et 1991) et Nestor et al. (1991) ont la réalisation d’activités de vie quotidienne telles effectuer
ainsi montré que les patients avec MA, y compris débutante, un nouveau trajet (Passini et al., 1995), s’habiller (Feyereisen
obtenaient des performances inférieures à celles des contrô- et al., 1999) ou préparer une tasse de thé (Rusted et Sheppard,
les lorsqu’ils devaient effectuer simultanément deux tâches 2002). Piquard et al. (2004) ont étudié les relations entre les
cognitives (voir également Collette et al., 1998). Les tâches déficits observés dans des tests neuropsychologiques éva-
de fluence verbale, évaluant la flexibilité spontanée, ont aussi luant les capacités de planification et les perturbations des
permis de relever des performances plus faibles chez ces activités de vie quotidienne chez des patients atteints de
patients (Bhutani et al., 1992 ; Pasquier et al., 1995). En MA débutante (11 patients). Les auteurs ont utilisé
modalité catégorielle, les anomalies relevées ont d’abord été l’épreuve de la « Tour de Londres » et trois autres tests de
attribuées à un trouble de mémoire sémantique (Randolph
planification empruntés à la batterie d’évaluation comporte-
et al., 1993), mais Troyer et al. (1998) ont démontré
mentale du syndrome dysexécutif (BADS ; Wilson et al.,
qu’elles pouvaient être la conséquence de l’utilisation de
1996) adaptés en langue française (Allain et al., 2004) : il
mauvaises stratégies d’introspection mnésique. Des anoma-
lies de l’inhibition, autre composante centrale du fonctionne- s’agissait du test de la « recherche des clés », du test des
ment exécutif, ont été relevées chez les patients atteints de « six éléments modifiés » et du test du « plan du zoo ». Le
MA, notamment à l’aide du test de Stroop (Spieler et al., protocole incluait également le Mini-Mental State Exami-
1996) et du test de complètement de phrases de Hayling nation (Folstein et al., 1984) et de l’échelle de démence de
(Collette et al., 1999). La génération aléatoire de chiffres ou Mattis. Les activités de vie quotidienne étaient évaluées par
de lettres est aussi une épreuve exécutive sensible (Baddeley, les proches des patients au moyen de : l’échelle d’évalua-
1996). Son utilisation, dans le cadre de la MA, s’est révélée tion des difficultés cognitives (CDS ; Derouesné et al.,
être particulièrement productive. Brugger et al. (1996) ont 1995), une échelle d’évaluation des activités de la vie quo-
ainsi montré que les séquences de chiffres produites par les tidienne composite (NADL ; voir Piquard et al., 2004) et le
patients atteints de MA étaient plus stéréotypées, avec une questionnaire dysexécutif (DEX ; Wilson et al., 1996). Les
tendance à produire les chiffres en ordre croissant. performances des patients avec MA étaient comparées à
Les travaux ayant étudié simultanément divers aspects du celles de 29 contrôles âgés sains et à celles de 11 patients
fonctionnement exécutif dans la MA sont plus rares. Ils ont atteints de démence fronto-temporale. Les performances
bien souvent montré que les troubles exécutifs pouvaient être des 2 groupes de patients étaient comparables et ne se
l’une des manifestations les plus précoces de la maladie, au distinguaient de celles des contrôles (Piquard et al., 2004).
moins chez un sous-groupe de patients (voir par exemple, Les scores à la « Tour de Londres » et aux trois tests de
Binetti et al. 1996 ; Butters et al., 1996 ; Reid et al., 1996). la BADS n’étaient pas corrélés entre eux et il n’existait
Collette et al. (1999), par exemple, ont simultanément évalué aucune relation entre les performances aux tâches de plani-
l’attention divisée (double tâche), la manipulation d’informa- fication et les mesures des activités de vie quotidienne. Ces
tions en mémoire de travail (alpha-span), la préparation à résultats suggéraient que la planification était une macro-
court terme de réponses alternées (delayed alternation task), la fonction complexe qui devait être découpée en différentes
récupération d’informations en mémoire sémantique (fluence opérations plus élémentaires à explorer individuellement.
verbale), l’inhibition (test de Hayling) et le contrôle des L’objectif de ce travail s’inscrit dans cette perspective.
réponses auto-générées (self-ordered pointing task) chez des Notre but était en effet de préciser la nature des troubles de
patients avec MA et des contrôles appariés. Les auteurs ont planification constatés chez les patients avec MA. Nous
montré que les performances des patients étaient inférieures avons ainsi pris appui sur les modèles théoriques du fonc-
dans tous les registres testés et que les difficultés relevées tionnement exécutif (Shallice, 1982 ; Grafman, 1989) et sur

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des études empiriques (Chevignard et al., 2000 ; Allain et al., de confirmer le diagnostic clinique et d’exclure des troubles
2005) qui suggèrent que la planification engage au moins les susceptibles de perturber la passation de l’épreuve de plani-
2 niveaux cognitifs : 1) la formulation du plan des actions fication. L’évaluation de la compréhension du langage écrit
utiles pour atteindre un but en respectant les contraintes a été réalisée avec l’épreuve de compréhension écrite du pro-
imposées par la tâche ; 2) l’exécution du plan qui correspond tocole Montréal-Toulouse (MT86, Nespoulous et al., 1992).
à la capacité à contrôler le bon déroulement du plan préétabli L’évaluation de la compréhension orale a été effectuée à
(voir aussi Hayes-Roth et Hayes-Roth, 1979). l’aide du sous-test d’exécution d’ordres du Boston Diag-
Notre objectif était de savoir si les troubles de la planifi- nostic Aphasia Examination (BDAE, Mazaux et Orgogozo,
cation régulièrement observés chez les patients avec MA 1981). La reconnaissance visuelle a été évaluée à l’aide du
étaient liés à une incapacité à créer des plans d’action et/ou sous-test des images enchevêtrées du Poppelreuter (1917).
à en contrôler l’exécution. Autrement dit, les patients Les valeurs limites retenues pour ces épreuves, afin d’inclure
atteints de la MA présentent-ils un déficit de la formulation les patients avec MA dans l’étude, étaient celles données
et/ou de l’exécution des plans d’action ? dans les manuels (elles couvrent la performance de 90 p. 100
des sujets témoins évalués lors de la normalisation de ces
épreuves). La mémoire de travail a été évaluée à l’aide des
PATIENTS ET MÉTHODES épreuves d’empan de l’Échelle Clinique de Mémoire de
Patients avec MA Wechsler Révisée (WMS-R, Wechsler, 1991) et la mémoire
épisodique à l’aide de l’épreuve de rappel libre/rappel indicé
Dix-huit patients (11 femmes et 7 hommes) répondant au à 16 items étalonnée par le groupe de réflexion sur l’évalua-
diagnostic probable de MA selon les critères du DSM IV et tion de la mémoire (GREMEN, Van der Linden et al., 2004).
du NINCDS-ADRDA (McKhann, 1984) ont été sélection- Aucune valeur limite n’était retenue pour les tests de
nés. La possibilité d’une dépression a été écartée par un mémoire. Toutes ces épreuves neuropsychologiques ont éga-
examen psychiatrique. La moyenne d’âge des patients était lement été données aux contrôles sains. Elles ont été admi-
de 73,1 +/– 7,2 ans. Le niveau d’éducation moyen était nistrées dans l’ordre où nous les présentons ici.
de 8,3 +/– 2,1 années d’étude depuis le cours préparatoire.
Le score était compris entre 19 et 24 points (moyenne : QUESTIONNAIRE DYSEXECUTIF
20,8 +/– 1,6) au Mini-Mental State Examination (MMSE). Le bilan neuropsychologique des patients atteints de la
La démence était donc légère chez tous les patients (Sellal MA a été complété par l’administration d’un questionnaire
et Kruczek, 2001). Les patients vivaient tous à leurs domi- dysexécutif (DEX) emprunté à la BADS (Wilson et al.,
ciles avec (16 patients) ou sans (2 patients) l’aide d’un pro-
1996). Ce questionnaire, conçu à la suite des travaux de
che. La mesure du degré de dépendance dans les activités
Stuss et Benson (1984, 1986), recherche des difficultés exé-
de vie quotidienne au moyen de la grille IADL (Instru-
cutives dans la vie quotidienne, notamment des difficultés
mental Activities of Daily Living) en 4 items de Lawton et
de planification, au travers de 20 questions. L’outil comporte
Brody (1969) a confirmé la diminution de l’autonomie
2 versions, l’une est remplie par le patient (DEX patient) et
(score moyen : 1,8 +/– 1,3 ; valeurs extrêmes : 0-4).
l’autre par un proche (DEX proche) du patient au quotidien.
Les questions couvrent 4 registres de changement : émotionnel
Témoins (exemple de question portant sur le registre émotionnel :
« J’ai du mal à exprimer mes émotions » dans la version
Les 15 sujets âgés sains utilisés comme contrôles (8 femmes DEX patient et « Il/elle a du mal à exprimer ses émotions »
et 7 hommes) étaient sans antécédent de pathologie céré- dans la version DEX proche), motivationnel (« Je peux
brale ou psychiatrique et vivaient autonomes à leur domicile avoir envie de faire quelque chose à un moment donné et
(score moyen grille IADL : 0,1 +/– 0,2 ; valeurs extrêmes : cela peut ne plus m’intéresser dans la minute qui suit »),
0-1). Ils étaient âgés en moyenne de 71,6 +/– 6,9 ans et comportemental (« J’agis sans réfléchir en faisant la pre-
avaient été scolarisés en moyenne 9,3 +/– 2,1 ans depuis le mière chose qui me vient à l’esprit ») et cognitif (« Je
Cours Préparatoire. Tous ont obtenu un score au moins égal trouve difficile de fixer mon attention sur quelque chose et
à 27/30 (moyenne : 28,9 +/– 1,1) au MMSE. je suis facilement distrait »). La confrontation du DEX
Les 2 groupes étaient appariés en âge (t(31) = 0,58 ; patient et du DEX proche permet d’apprécier la conscience
p = 0,56) et en niveau d’étude (t(31) = – 1,40 ; p = 0,17). des troubles dysexécutifs.
Les proportions d’hommes et de femmes étaient statistique-
ment comparables (chi2 = 0,20 ; ddl = 1 ; p = 0,65). ÉVALUATION DE LA PLANIFICATION
La planification a été évaluée à l’aide d’un sous-test
Méthodes emprunté à la BADS, le test du plan du zoo. Dans ce test,
il est demandé au sujet d’indiquer, à l’aide de feutres de
ÉVALUATION NEUROPSYCHOLOGIQUE couleur sur le plan d’un zoo représenté sur une feuille de
Chaque patient atteint de MA a satisfait aux exigences papier de format standard, le parcours qu’il emprunterait
d’une évaluation neuropsychologique minimale permettant pour visiter une série de lieux déterminés (par exemple la

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maison des éléphants, la cage des lions, l’enclos des lamas, Le test comporte 2 conditions. Bien que l’objectif soit le
etc.). L’organisation du parcours implique le respect de cer- même dans chacune des conditions, à savoir visiter 6 des
taines règles dont notamment le fait de commencer la visite 12 lieux possibles, les instructions données au départ
par l’entrée et de la terminer par l’aire de pique-nique, de varient d’une condition à l’autre. Dans la première (condi-
n’utiliser certaines des allées du zoo qu’une seule fois, etc. tion formulation du plan), la plus exigeante, le sujet doit
Le plan et les consignes ont été établis de telle sorte qu’il lui-même organiser ses déplacements en respectant la liste
n’y ait que 4 parcours possibles sans enfreindre les règles des endroits à visiter et des règles précises (Test du plan
imposées. du zoo version 1 sur la figure 1). Cette condition évalue

Test du Zoo Version 1 Test du Zoo Version 2

Règles Règles
Imaginez que vous allez Imaginez que vous allez
visiter un zoo. Votre tâche visiter un zoo. Votre tâche
consiste à organiser un consiste à organiser un
itinéraire afin de visiter les En planifiant votre itinéraire itinéraire afin de visiter les En planifiant votre itinéraire
endroits suivants (pas vous devez obéir aux règles endroits suivants dans cet vous devez obéir aux règles
nécessairement dans cet suivantes : ordre : suivantes :
ordre) : 1. De l’Entrée allez visiter
– La Maison des Eléphants – Commencez à L’Entrée l’Enclos des Lamas. – Commencez à L’Entrée
– La Cage aux Lions et finissez à L’Aire de 2. De l’Enclos des Lamas et finissez à L’Aire de
– L’Enclos des Lamas Pique-nique. visitez la Maison des Pique-nique.
– Le Café Eléphants.
– Les Ours – Vous pouvez utiliser les 3. Après avoir visité les – Vous pouvez utiliser les
– Le Sanctuaire des Oiseaux chemins ombragés autant Eléphants allez au Café pour chemins ombragés autant
de fois que vous le un rafraîchissement. de fois que vous le
souhaitez, mais une seule 4. Du Café allez voir les Ours. souhaitez, mais une seule
fois ceux qui ne le sont pas. 5. Visitez les Lions après les fois ceux qui ne le sont pas.
Ours.
– Vous ne pouvez faire 6. Depuis les Lions rendez – Vous ne pouvez faire
qu’une seule promenade vous au Sanctuaire des qu’une seule promenade
à dos de chameau. Oiseaux. à dos de chameau.
7. Finalement, terminez votre
visite par un Pique-nique.

Fig. 1. – Test du plan du zoo.


Zoo map test.

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spécifiquement les capacités de planification du sujet. En et écrite. Néanmoins, les scores relevés chez les patients
effet, afin de limiter le risque d’erreur, il doit anticiper atteints de MA restaient supérieurs aux seuils de normalité
l’ordre dans lequel il va se rendre aux différents endroits (supérieurs ou égaux aux valeurs limites données dans le
désignés. S’il se déplaçait d’un lieu à l’autre en suivant tableau I), suggérant une préservation de la compréhension
l’ordre proposé dans les consignes, il commettrait inévita- du langage. Les performances mnésiques à court ou à long
blement beaucoup d’erreurs. terme des patients étaient en revanche très significativement
Dans la seconde (condition exécution d’un plan), le sujet inférieures à celles des contrôles.
doit simplement suivre les instructions pour réaliser une
performance sans erreur (Test du plan du zoo version 2 sur
la figure 1). Questionnaire dysexécutif (Fig. 2)
La comparaison des performances dans les deux condi-
tions permet une évaluation quantitative des capacités de Les questionnaires dysexécutif (DEX) n’ont été complé-
planification spontanée du sujet lorsque l’assistance cogni- tés que par les patients atteints de MA et leurs proches.
tive est minimale (Wilson et al., 1996). Elle autorise égale- Chaque question était cotée sur une échelle de Likert en
ment une évaluation quantitative de sa capacité à suivre une 5 points (allant de « jamais » à « très souvent » soit de 0 à
stratégie concrète, imposée de l’extérieur, lorsque l’aide 4), permettant d’obtenir un score global de déficit calculé
cognitive est maximale (Wilson et al., 1996). en additionnant les scores obtenus à chaque question ainsi
que des sous-scores relatifs à chaque registre de change-
ment exploré. Ces sous-scores ont été calculés en addition-
RÉSULTATS nant les scores obtenus aux questions relatives à chacun des
registres. Les patients atteints de la MA évaluaient signifi-
Évaluation neuropsychologique (Tableau I) cativement moins sévèrement (Test de Student pour séries
appariées : t(17) = – 3,26 ; p = 0,004) leurs problèmes
Les scores moyens du groupe des patients atteints de MA dysexécutifs quotidiens que les proches (scores DEX total
aux tests neuropsychologiques étaient tous inférieurs à ceux moyens : 21,6 +/– 12,1 aux patients versus 37,7 +/– 18,2
des contrôles âgés sains. De façon plus précise, les écarts aux proches). Les écarts étaient significatifs pour les
étaient significatifs pour les tests de compréhension orale 4 registres appréhendés par le DEX. Les scores moyens au
DEX étaient respectivement pour les patients versus les
proches : 3,7 +/– 3,2 versus 5,8 +/– 3,1 pour le registre
Tableau I. – Performances des patients atteints de MA et des émotionnel (t(17) = – 2,32 ; p = 0,03), 3,9 +/– 2,8 versus
sujets âgés sains aux épreuves neuropsychologiques. 7,4 +/– 3,5 pour le registre motivationnel (t(17) = – 3,88 ;
Tableau I. – Performances of patients with Alzheimer’s disease and
healthy elderly controls on neuropsychological tests. p = 0,001), 8,5 +/– 5,1 versus 14,2 +/– 8,5 pour le registre
comportemental (t(17) = – 2,49 ; p = 0,02) et 5,4 +/– 3,4
Patients Contrôles Valeur versus 10,3 +/– 4,4 pour le registre cognitif (t(17) = – 3,55 ;
avec MA Âgés Sains De P* p = 0,002).
Compréhension Écrite
(MT 86 score/13)
Moyenne (écart-type) 11,4 (0,9) 12,7 (0,6) 0,0001 Émotion

Extrêmes (limite inférieure) 10-13 (10) 11-13 (10)


Compréhension écrite (BDAE
score/15)
Moyenne (écart-type) 12,6 (1,4) 14,3 (1,2) 0,0009
Extrêmes (limite inférieure) 10-15 (10) 11-15 (10) Cognition Motivation
Gnosies (Poppelreuter score/8)
Moyenne (écart-type) 7,8 (0,4) 8 (0) NS
Extrêmes (limite inférieure) 7-8 (7) 8-8 (7)
Mémoire de travail (WMS-R 8,9 (1,8) 11,9 (2,4) 0,0003
score/24)
Comportement
Rappel libre/indicé 16 items
DEX patient DEX proche
Rappel libre total (3 rappels/48) 12,5 (3,7) 29,6 (5,6) 0,0001
Rappel total (3 rappels/48) 30,2 (7,8) 45,3 (2,4) 0,0001 Fig. 2. – Représentation des scores moyens à chacun des regis-
tres du DEX questionnaire.
Reconnaissance (score/16) 11,6 (1,5) 15,9 (0,3) 0,0001
Representation of mean scores for each broad areas of the DEX
* : t de Student ; NS : non significatif. questionnaire.

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Tableau II. – Performances des patients atteints de MA et des sujets âgés sains au test du plan du zoo.
Tableau II. – Performances of patients with Alzheimer’s disease and healthy elderly controls on the zoo map test.

Patients avec MA Contrôles Âgés Sains


Condition Condition Total Condition Condition Total
Formulation Exécution Formulation Exécution
Temps (secondes)
Planification 30,4 (29,4) 27,1 (33,4) 57,5 (41,4) 173,3 (135,4) 19,4 (58,9) 192,7 (177,9)
Exécution 567,2 (333,8) 314,7 (151,9) 881,9 (403,8) 324,7 (127,5) 79,7 (69,9) 404,4 (113,4)
Score Séquence 2 (1,1) 5,3 (2,9) 7,3 (3,1) 7,3 (2) 8 (0) 15,3 (2)
0-4* 0-8* 1-11* 1-8* 8-8* 9-16*
Erreurs
Lieu 3,3 (1,7) 0 (0) 3,3 (1,7) 0,1 (0,2) 0 (0) 0,1 (0,2)
Déviation 1,2 (1,9) 0,7 (1,4) 1,9 (2,9) 0 (0) 0 (0) 0 (0)
Allée 2,5 (2,4) 0,8 (1,1) 3,3 (2,8) 0,3 (0,8) 0 (0) 0,3 (0,8)
Ligne Continue 1,9 (2,1) 0,9 (1,4) 2,8 (2,8) 0,1 (0,2) 0 (0) 0,1 (0,2)
Total des Erreurs 8,9 (3,1) 2,4 (2,1) 11,3 (4,3) 0,5 (0,9) 0 (0) 0,5 (0,9)
4-15* 0-7* 5-22* 0-3* 0-3*
Les scores donnés sont des moyennes avec l’écart type entre parenthèses avec quelques valeurs extrêmes (*).

Test du plan du zoo (Tableaux II et III) Quant au score de séquence, les effets groupe, condition
et interaction étaient tous significatifs avec de moins bonnes
Les paramètres pour apprécier la performance étaient les performances chez les patients atteints de MA, de moins
mêmes dans les 2 conditions expérimentales : le temps de bonnes performances en condition formulation du plan
planification, le temps d’exécution total, le score de séquence et un déclin plus important du score de séquence dans la
(nombre de lieux appropriés visités dans le bon ordre), le condition formulation du plan par rapport à la condition
nombre de lieux inappropriés visités, le nombre de sorties exécution du plan dans le groupe de patients avec MA.
des allées, le nombre d’allées utilisées plus d’une fois et le Enfin, pour ce qui concerne le total des erreurs, l’effet
nombre de ruptures dans la continuité du trajet, ces 4 derniers groupe était significatif, révélant des erreurs beaucoup plus
critères permettant de calculer par simple addition un score nombreuses chez les patients avec MA. La condition
total d’erreurs. Les performances des 2 groupes ont été
comparées au moyen d’analyses de variances factorielles.
L’effet groupe était significatif pour le temps de planifica- Tableau III. – Résultats des ANOVAs factorielles du test du zoo.
tion montrant que, toutes conditions confondues, les sujets Tableau III. – Statistical results (factorial ANOVAs) for the zoo
contrôles âgés sains mettaient plus de temps à prévoir les tra- map test.
jets que les patients avec MA. L’effet condition expérimen- Effet Effet Effet
tale était également significatif, montrant que, tous sujets groupe condition d’interaction
confondus, la condition formulation du plan de visite deman-
F P F P F P
dait plus de temps de planification que la condition exécution
du plan de visite. L’interaction entre les facteurs était égale- Temps de 13,65 0,0005 18,49 0,0001 16,95 0,0001
planification
ment significative : les contrôles mettaient beaucoup plus de
temps à prévoir le trajet dans la condition formulation que Temps d’exécution 22,38 0,0001 24,31 0,0001 0,006 NS
dans la condition exécution alors que les patients avec MA Score séquence 70,96 0,0001 18,64 0,0001 7,62 0,007
mettaient un temps comparable dans les deux conditions.
Erreurs lieux 53,87 0,0001 58,44 0,0001 53,87 0,0001
Pour ce qui concerne le temps total d’exécution, l’effet
groupe était significatif montrant que les patients avec MA Erreurs déviations 8,83 0,004 0,65 NS 0,65 NS
mettaient plus de temps à planifier et produire des parcours. Erreurs allées 17,78 0,0001 7,90 0,006 3,95 0,01
L’effet condition était également significatif, montrant Erreurs de continuité 16,28 0,0002 2,52 NS 1,90 NS
que la condition formulation du plan demandait plus de
Total des erreurs 117,12 0,0001 48,35 0,0001 36,18 0,0001
temps que la condition exécution du plan. L’interaction
entre les facteurs n’était pas significative. NS : non significatif.

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formulation du plan était significativement plus génératrice elle suggère l’existence d’un double déficit de la formula-
d’erreurs que la condition exécution du plan. tion et de l’exécution des plans d’action dans un groupe de
L’interaction était significative, indiquant que l’augmen- patients présentant une MA légère à modérée.
tation des erreurs était plus importante chez les patients Les difficultés relevées dans la tâche de planification uti-
atteints de MA dans la condition formulation du plan. lisée ici paraissent difficilement imputables à un trouble de
Nous avons par ailleurs procédé, chez les patients avec la compréhension du langage ou à un trouble gnosique. En
MA, à une analyse de corrélation entre le score de séquence effet, les performances des patients avec MA aux épreuves
total du test du plan du zoo (somme des scores séquentiels neurolinguistiques et perceptives restaient dans les limites
des conditions formulation et exécution) et les scores aux de la normale. De plus, nous n’avons observé aucune cor-
tests cognitifs, au DEX proche (obtenus pour chaque regis- rélation entre les scores aux tests évaluant les fonctions ins-
tre) et à la grille IADL afin de déterminer la nature des liens trumentales et ceux obtenus à l’épreuve du plan du zoo. La
possibles entre la perturbation des processus de planification, possibilité d’un trouble mnésique est également à écarter
des fonctions cognitives, du comportement et de l’autonomie dans la mesure où les patients et les contrôles ont été éva-
dans la MA. Le score d’erreurs global (somme des scores lués à partir d’une tâche utilisant un matériel concret et des
d’erreurs totaux des conditions formulation et exécution), consignes laissées à disposition du sujet. La charge mné-
autre indicateur fiable des capacités de planification au test monique était donc relativement limitée. De plus, même si
du plan du zoo, n’étant pas corrélé au score de séquence les performances mnésiques à court (mémoire de travail)
total, nous avons également examiné ses relations avec les et long terme (mémoire épisodique) des patients avec MA
variables dépendantes d’intérêts des tests cognitifs, du DEX étaient très inférieures à celles des contrôles, elles ne cor-
proche et de la grille IADL. Nous nous sommes centrés sur rélaient pas non plus avec les scores de la tâche du plan du
ces variables pour limiter le nombre de corrélations. Concer- zoo. L’absence de lien entre le score au MMSE et les scores
nant le score de séquence total, nous avons relevé qu’il ne au test du plan du zoo indique que les difficultés des
corrélait avec aucun test cognitif alors qu’il corrélait signifi- patients atteints de la MA à la tâche de planification ne sont
cativement avec les scores du DEX proche représentant les pas non plus liées à la sévérité de la démence. Les résultats
registres émotionnels (rho = – 0,51 ; P = 0,03), motivationnels obtenus lors des analyses de régression vont dans le même
(rho = – 0,61 ; P = 0,01), comportementaux (rho = – 0,72 ; sens.
P = 0,002) et cognitifs (rho = – 0,63 ; P = 0,009) du syn- Les résultats de ce travail confortent ceux d’autres études
drome dysexécutif. Nous avons également observé une cor- ayant conclu à la présence de troubles de la planification
rélation significative entre le total des erreurs et le score des activités complexes chez les patients atteints de MA,
motivationnel du DEX proche (rho = – 0,47 ; P = 0,05). Le soit sur la base de tâches classiques de type « Tour de
score à la grille IADL ne corrélait pas avec les mesures de Londres » (Rainville et al., 1998 ; Piquard et al., 2004),
planification. soit sur la base de tâches plus proches d’activités de vie
Ces analyses de corrélations ont été complétées par des quotidienne, comme par exemple la recherche d’un itiné-
statistiques multivariées complémentaires, utilisant la régres- raire (Passini et al., 1995), l’habillage (Feyereisen et al.,
sion linéaire multiple. L’objectif était d’identifier les 1999) ou la préparation d’une tasse de thé (Rusted et
meilleurs prédicteurs des difficultés de planification au plan Sheppard, 2002).
du zoo. Nous avons utilisé le score de séquence total et le Dans notre étude, la séparation entre la phase de formu-
score d’erreurs total comme variables dépendantes. Les sco- lation d’un plan d’action de celle de son exécution, permet
res aux tests cognitifs relevant des écarts inter-groupes signi- de préciser la nature des difficultés des patients avec MA à
ficatifs (MMSE, MT86, BDAE, WMS-R, épreuve de rappel résoudre des problèmes complexes. Effectivement, le défi-
libre/rappel indicé à 16 items), les scores au DEX proche cit des patients avec MA dans les 2 conditions suggère que
émotionnel, motivationnel, comportemental et cognitif, l’âge leurs difficultés de planification ne consistent pas seule-
et le niveau d’étude et le score à la grille IADL ont été utili- ment en une difficulté à générer des algorithmes de résolu-
sés comme variables indépendantes. La régression linéaire tion leur permettant de résoudre des problèmes complexes,
multiple obtenue pour le score de séquence total a montré mais également en une difficulté à suivre des plans pré-
que l’unique variable à entrer dans l’équation était le score organisés ce, y compris à des stades modérés d’évolution
au DEX proche motivationnel (r = .75 ; r2 ajusté = .56 ; de la pathologie. Une perspective de travail serait d’étudier
F = 20,67 ; P = .0003). Ce modèle traduit le fait que l’indice une subdivision du processus de formulation. En effet, for-
de motivation explique 56 p. 100 de la variance du score muler un plan d’action implique probablement de se fixer
total de séquence au test du plan du zoo. La régression obte- un but, le maintenir, créer des étapes intermédiaires, les
nue pour le score d’erreurs total n’a rien montré. maintenir et les manipuler ; autant d’étapes qui mériteraient
d’être étudiées plus en détail.
Quant à savoir si l’utilisation de la tâche du plan du zoo
DISCUSSION peut nous renseigner sur l’autonomie au quotidien des
patients atteints de MA, il est difficile de statuer sur la base
Cette étude met en évidence une perturbation de la plani- de nos résultats. Ceci étant, l’absence de corrélations signi-
fication de l’action dans la MA. De manière plus précise, ficatives entre les scores obtenus au test du plan du zoo et

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© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Mémoire • Étude de la planification de l’action au moyen du test du plan du zoo dans l’Alzheimer 229

à la grille IADL indique qu’à des scores faibles pour la pla- le score de séquence total. Ainsi, toute explication de la
nification ne correspond pas nécessairement un score faible difficulté à formuler des plans d’action en termes de déficit
pour l’autonomie. Il conviendrait d’étudier ce point avec de mémoire de travail (difficulté à maintenir et manipuler
d’autres outils d’évaluation de l’autonomie, le faible niveau des étapes intermédiaires) ne semble pas suffisante.
de sensibilité de la grille IADL étant bien connu. La comparaison entre l’évaluation par les patients et par
Nous avons vu que la performance au test du plan du zoo les proches des problèmes exécutifs dans la vie quotidienne
corrélait significativement avec les scores au questionnaire à l’aide du questionnaire DEX a montré que les patients avec
DEX rempli par les proches. De manière plus précise, en MA sous-estimaient leurs problèmes cognitifs, comporte-
prenant en considération les différents registres appréhen- mentaux, émotionnels et motivationnels. Ces données suggè-
dés par le questionnaire DEX, nous avons montré que les rent, d’une part, que les troubles exécutifs s’associant à la
anomalies de planification constatées au plan du zoo chez MA peu évoluée ne sont pas seulement cognitifs, mais qu’ils
les patients avec MA, au travers du score de séquence total, concernent également les aspects comportementaux, émo-
étaient corrélées aux modifications émotionnelles, motiva- tionnels et motivationnels de la symptomatologie dysexé-
tionnelles comportementales et cognitives. Le total des cutive. D’autre part, elles confirment que l’anosognosie
erreurs au test du plan du zoo était lui corrélé au score moti- des difficultés neuropsychologiques décrite chez les patients
vationnel du DEX proche. Nos analyses de régression ont avec MA peut concerner d’autres registres que la seule
en partie confirmé, cette observation montrant que les per- dimension mnésique (voir notamment Feher et al., 1991 ;
turbations motivationnelles paraissaient être les meilleurs Gainotti, 1975 ; Reisberg et al., 1985).
prédicteurs des difficultés de planification observées chez En conclusion, cette étude conforte l’intérêt de distinguer
les patients atteints de MA au travers du score de séquence le niveau formulation et le niveau exécution du plan
total. d’action pour étudier la planification dans le cadre de la
Ces résultats diffèrent de ceux rapportés par Piquard et MA. La démarche nous a permis de montrer que la MA
al. (2004), ces auteurs n’ayant constaté aucune relation s’accompagne, dès la phase légère, d’un double déficit lié à
entre leur évaluation neuropsychologique de la planifica- une difficulté à formuler des plans et à les exécuter. Elle
tion et le score au questionnaire DEX auprès de patients nous a aussi permis de montrer que ce déficit corrélait
avec MA aux caractéristiques cliniques superposables. Les davantage avec les modifications cognitives, comportemen-
troubles de la planification paraissaient seulement liés à la tales, émotionnelles et surtout motivationnelles constatées
sévérité des déficits cognitifs. par les proches qu’avec les modifications cognitives obser-
Nos corrélations sont par contre plus conformes à celles vées dans les tests. Il conviendrait maintenant d’affiner la
décrites par Van der Linden (2004) à propos de patients division du processus cognitif de planification et d’étudier
victimes de traumatismes crâniens graves soumis aux tests plus précisément chaque division. Par ailleurs, l’influence
des modifications comportementales sur ces troubles de pla-
de la BADS ainsi qu’à la version française de l’Échelle
nification est à étudier de manière plus précise.
d’Iowa des Changements de Personnalité (Barrash et al.,
2000). Dans cette étude, Van der Linden (2004) a dégagé
un lien significatif entre la performance au test modifié des RÉFÉRENCES
6 éléments et différentes mesures de changement de per-
sonnalité dont des mesures de la sphère émotionnelle. Nous ALLAIN P, NICOLEAU S, PINON K et al. (2005). Executive functioning
avons également montré (Allain et al., 2004) chez des in normal aging: A study of action planning using the Zoo Map
Test. Brain Cogn, 57: 4-7.
patients victimes de traumatismes crâniens sévères, une ALLAIN P, ROY A, KEFI MZ, PINON K, ETCHARRY-BOUYX F, LE GALL D.
relation étroite entre performance au test des 6 éléments de (2004). Fonctions exécutives et traumatisme crânien sévère :
la BADS et les difficultés émotionnelles rapportées par les Une évaluation à l’aide de la « Behavioural Assessement of the
proches. Ces résultats suggèreraient que des changements Dysexecutive Syndrome ». Rev Neuropsychol, 14 : 285-323.
affectant les réactions émotionnelles pourraient jouer un BADDELEY AD. (1996). Exploring the central executive. Quat J
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rôle important dans l’altération des compétences en plani-
BADDELEY AD, BRESSI S, DELLA SALA S, LOGIE R, SPINNLER H.
fication. Pour confirmer cette hypothèse il serait souhaita- (1991). The decline of working memory in Alzheimer’s disease.
ble d’associer aux mesures de planification une mesure plus A longitudinal study. Brain, 114: 2521-2542.
directe des réactions émotionnelles des patients. BADDELEY AD, LOGIE R, BRESSI S, DELLA SALA S, SPINNLER H.
Le fait que les patients avec MA prennent moins de temps (1986). Dementia and working memory. Quat J Experim Psy-
chol, 38A: 603-618.
que les sujets contrôles pour prévoir leurs trajets dans la BARRASH J, TRANEL D, ANDERSON SW. (2000). Acquired personality
condition formulation (celle où ils commettent le plus disturbances associated with bilateral damage to the ventrome-
d’erreurs) pourrait également être interprété comme allant dial prefrontal region. Development Neuropsychol, 18: 355-381.
dans le sens d’un lien étroit entre modification comporte- BHUTANI GE, MONTALDI D, BROOKS DN, MCCULLOCH JA. (1992). A
mentale et déficit de planification. Il est en effet possible neuropsychological investigation into frontal lobe involvement in
dementia of the Alzheimer type. Neuropsychology, 6: 211-224.
d’interpréter cette attitude comme témoignant plutôt d’une BINETTI G, MAGNI E, PADOVANI A, CAPPA SF, BIANCHETTI A, TRA-
baisse de la motivation ou de l’intérêt que d’une meilleure BUCCHI M. (1996). Executive dysfunction in early Alzheimer’s
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P. ALLAIN et coll.

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