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Colloque international « Développement durable des productions animales : enjeux, évaluation et

perspectives », Alger, 20-21 Avril 2008

Durabilité et politique de l’élevage en Algérie. Le cas du bovin laitier


DJEBBARA Madjid, Département d’Economie Rurale, INA, Alger

RESUME
Les contrecoups des crises cycliques de l’économie mondiale (hausse des cours mondiaux des produits
agricoles stratégiques, faible productivité de l’agriculture…) subis par l’Algérie pour
l’approvisionnement de ses populations et de son industrie de transformation agro – alimentaire ne
sont que les effets d’une offre nationale faible en produits agricoles. C’est dans ce contexte, qu’évolue,
particulièrement, l’élevage bovin dont la production de lait est loin de satisfaire les besoins
grandissants de la population.
Le problème de la dépendance alimentaire et ses effets pervers sur les marchés fragilisent l’économie
nationale ; d’où il résulte qu’une réflexion sur une politique de développement durable dans le secteur
de l’élevage s’impose aux pouvoirs publics.
Ainsi, une politique de l ‘élevage ne peut se faire, durablement, sans une concertation entre les
principaux acteurs (éleveur, transformateur, Etat comme régulateur) pour une meilleure coordination
de leurs décisions par rapport aux objectifs de l’économie et à ceux d’une valorisation des facteurs de
production.
Dans une perspective de développement durable de l’élevage, nous nous proposons d’examiner,
comme exemple, la filière bovin lait en tenant compte de ses dimensions économiques, sociales et
environnementales (écologique) liées à son développement.

INTRODUCTION

La précarité économique concernant les approvisionnements en intrants alimentaires et en produits


animaux (lait, viandes) sur les marchés mondiaux remet en selle en Algérie la politique de l’élevage.
En effet, la hausse des cours de produits stratégiques (blé, lait) est à l’origine du problème des
déséquilibres structurels de l’économie nationale. L’exemple frappant de la dépendance quasi-totale
par rapport aux importations de notre industrie laitière fait que les coûts de production sont, souvent,
revus à la hausse suite au renchérissement des matières premières agricoles. Cela, ne peut qu’induire
des effets négatifs sur le pouvoir d’achat des consommateurs et par conséquent sur leur équilibre
nutritionnel.
Dans ce contexte, les acteurs du développement, et en premier lieu les pouvoirs publics comme
régulateurs, sont astreints, au regard des besoins des populations et de leur engagement aux
conventions internationales, à faire des choix de politiques d’élevage qui tiennent compte, à la fois,
des impératifs économiques, sociaux et environnementaux afin d’arriver, un tant soit peu, à retrouver
les équilibres structurels de l’économie au niveau national, garants de la pérennité du développement.
La problématique d’un développement harmonieux ne peut-être que la résultante ou le compromis de
ce triptyque. La question est de savoir, à la lumière d’un diagnostic de l’élevage, rechercher les
compromis possibles en termes d’efficacité et d’efficience pour les trois indicateurs (économique,
social et environnemental).
Pour cela, nous avons structuré, succinctement, notre contribution en trois points :
 Cadre de réflexion conceptuel
 Etat des lieux de l’élevage bovin laitier en Algérie
 Les politiques possibles

1. CADRE DE RÉFLEXION CONCEPTUEL

Evaluer une politique d’élevage renvoie souvent aux concepts d’efficacité et d’efficience qui sont
définis comme suit :
 Efficacité : c’est la performance en termes d’objectifs fixés : il s’agit d’évaluer une action de
développement réalisée par rapport à une action prévue.
 Efficience : elle permet de mettre en relation le résultat obtenu et les moyens mobilisés
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En ce sens, toute politique de développement met en balance l’efficacité et l’efficience de l’action


envisagée. Cette action est évaluée par un ensemble de critères : économiques, sociaux et
environnementaux. Une question demeure néanmoins quant à la pérennité de l’activité induite.
Ainsi, dans le cadre de cette thématique, le lien entre la durabilité et la politique de l’élevage renvoie
au concept de développement durable qui intègre, dans toute approche d’une politique de
développement, les trois dimensions: l’économie, le social et l’environnement.
L'idée de durabilité, historiquement est vieille d’une quarantaine d’années, c’est l’Union Mondiale
pour la Nature (UICN) qui en 1969 parlait de la "pérennité et de l'amélioration du monde vivant,
l'environnement naturel de l'homme, et des ressources naturelles dont dépend le vivant" ce qui faisait
référence à "l'air, l'eau, le sol, les minéraux et les espèces vivantes, y compris l'homme, afin
d'accomplir la meilleure qualité durable de la vie." Ainsi le concept de durabilité a été forgé
explicitement afin de suggérer qu'il était possible de conduire la croissance économique et
l'industrialisation sans dommage pour l'environnement. (Adams, 2006).
En restant dans la sphère de la production agricole peut-on parler d’externalités négatives sur
l’environnement ? L’exemple du productivisme agricole qu’a connu l’Europe Occidentale durant la
seconde moitié du vingtième siècle a été efficace par rapport au but recherché qui est la satisfaction
totale des besoins alimentaires de ses populations jusqu’à constituer des stocks d’excédents
alimentaires dont la gestion par les pouvoirs publics devenait coûteuse.
Ainsi cette politique agricole a permis de construire une agriculture durable du point de vue
économique et social même si aujourd’hui elle est remise en cause par les courants écologiques qui
lui préfèrent une agriculture ″bio″ plus efficiente au regard de ses impacts négatifs sur l’homme et la
nature.
Aujourd’hui, dans un contexte d’opinions ou de vérités scientifiques "alarmistes" sur l’avenir de la
planète, les politiques de développement sont assujetties à rechercher des compromis avec
l’environnement (UICN, 2006) qui semble être une dimension de plus en plus incontournable dans la
prise de décision d’où la nuance de variabilité extrême de la durabilité : "forte" (interdiction ou
limitation de compromis avec l’environnement) ou "faible" (les compromis sont acceptables avec
l’environnement)
Selon la FAO (Rapport, 2006), l’élevage est l'une des causes principales des problèmes
d'environnement les plus pressants, à savoir le réchauffement de la planète, la dégradation des terres,
la pollution de l'atmosphère et des eaux et la perte de biodiversité. Elle a estimé que l'élevage est
responsable de 18 pour cent des émissions des gaz à effet de serre, soit plus que les transports.
Ce constat de pollution de la planète par l’élevage interpelle les Etats pour réviser leurs politiques de
l’élevage. Cependant, les disparités en termes de pollution, résultat d’une production intensive, entre
les différents pays sont grandes d’où il s’ensuit le "droit à polluer" dans le domaine de l’élevage doit
être différencié selon les pays. En prenant en compte le phénomène de la pollution par l’activité
d’élevage, l’Algérie se trouve, actuellement, dans le peloton de queue c'est-à-dire le moins polluant et
donc, logiquement doit d’abord consolider, et d’un point de vue stratégique, la durabilité économique
et sociale de son élevage.
D’un point de vue stratégique néanmoins, c’est la recherche, avant tout, de sa sécurité alimentaire qui
devrait, dans le temps, permettre d’atteindre l’objectif d’autosuffisance alimentaire pour les produits
de large consommation comme le lait. Cela reviendrait à privilégier l’efficacité de l’acte de production
(réaliser l’objectif prévu en terme de quantité de production) par rapport à l’efficience strictement
économique et/ou environnementale. Cela nous amènerait, dans l’immédiat, à développer davantage
les aides publiques à la production aux exploitants qui augmenteraient sensiblement leur rendements.
Toutefois, il est à noter que l’Algérie a souscrit aux conventions internationales sur la protection de
l’environnement qui s’est traduite par une mise en conformité de ses textes juridiques 1 mais cela ne
l’empêcherait pas de trouver des compromis acceptables avec l’environnement

1
Loi n° 01-03 du 12 décembre 2001 relative à l’aménagement et au développement durable du territoire.
Loi n° 03-10 du 19 juillet 2003 relative à la protection de l’environnement dans le cadre du développement
durable.
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2. ETAT DES LIEUX DE L’ELEVAGE BOVIN LAITIER EN ALGERIE

Les élevages en Algérie sont conditionnés par un ensemble de conditions du milieu physique et
humain qui, d’emblée, semblent contraignantes pour leur développement à savoir : une aridité du
climat, une superficie agricole utile qui a tendance à se rétrécir par rapport à la population (0,27
ha/hab.) et le phénomène de morcellement des terres qui prend des proportions inquiétantes
notamment dans le Tell.
Cela s’est traduit par des pratiques de production extensives dans la conduite des élevages
caractérisées par un faible développement de la sole fourragère et l’utilisation d’un potentiel
génétique local peu performant. Cependant, certains élevages font exception telle la filière avicole qui
dans sa quasi totalité est tributaire du marché mondial (souches hybrides et aliments importés) et le
bovin à haut potentiel génétique (pies rouge et noire, Montbéliarde…) importé pour la production
laitière.
Cette situation a accentué le phénomène de dépendance alimentaire en produits animaux avec un
recours massif aux importations. La filière lait est largement extravertie. L’industrie de transformation
laitière tourne quasiment avec du lait en poudre importé.

Tableau 1 – Evolution des importations de laits et produits laitiers en Algérie

années quantités indice à base prix unitaire valeur


(tonnes) fixe des
quantités USD/ T (millions
importées USD)
2000 188 089 100 1 987 373,7
2001 121 661 65 2 121 258,0
2002 235 016 125 1 849 434,6
2003 211 118 112 2 157 455,3
2004 251 565 134 2 963 745,5
2005 250 281 133 2 686 672,2
2006 250 098 133 2 559 640,1

Source : Douanes algériennes (cnis)

Les statistiques, par exemple, sur l’évolution des importations de lait et produits laitiers en Algérie
montrent que durant la période 2000 – 2006 que l’indice (base 100 en 2000) des quantités importées a
augmenté de 33 points en l’espace de six années. Egalement le cours de la tonne de lait sur le marché
mondial connaît de fortes hausses. Cela n’a fait qu’augmenter la facture pour la production de lait qui
est estimée en moyenne annuellement à 511 millions d’USD durant la période considérée. Pour la
même période (2000-2005), l’effort d’investissement réalisé pour la production de lait local (y compris
les fourrages) représente 36% des montants alloués aux productions animales par le FNRDA qui sont
de l’ordre de 16 milliards de DA (Ferrah, 2006). Toutes ces aides accordées par les pouvoirs publics
semblent insuffisantes pour une production de lait cru local. On estime que le taux de couverture en
lait par la production nationale est de 40% ce qui ne représente que 44 l/ hab. /an pour une
consommation totale de 110 l/hab./an.

Les travaux de recherche et les études menés sur les insuffisances de production de systèmes
d’élevage laitiers par rapport aux potentialités existantes ont révélé une série de problèmes d’ordre
structurels et de gouvernance de différentes natures qui ont tendance à diminuer, le gain de
production attendu. Nous pouvons citer les principales contraintes :

a) Les fourrages. Les statistiques du MADR2 montrent que la superficie cultivée en fourrage a
nettement régressée. Elle est passée de plus de 0,5 million d’hectares en 1990, à moins de 300

2
Ministère de l’agriculture et du développement rural
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perspectives », Alger, 20-21 Avril 2008

000 hectares en 2003. Les explications avancées sont liées, indubitablement à la libéralisation des
assolements et à l’atomisation des exploitations agricoles 3, particulièrement dans les périmètres
irrigués. D’ailleurs une étude que nous avons réalisée, dans le cadre d’un projet franco –
maghrébin4 dans le périmètre irrigué de la Mitidja Ouest a montré que 73% des exploitations
collectives (EAC) sont ″éclatées″ ou divisées en plusieurs mini exploitations (chaque exploitant
cultive le lopin de terre qui lui revient après un partage informelle de l’exploitation agricole). A la
faiblesse de la disponibilité, il faut ajouter la faiblesse de la qualité du fourrage qui constitue une
contrainte de taille pour l’élevage bovin laitier. La majeure partie du fourrage (70%) est composée
par des espèces céréalières (orge, avoine…). La luzerne, le trèfle d’Alexandrie et le sorgho
n’occupent que très peu de surfaces.
b) L’eau d’irrigation. Le développement de l’élevage nécessite des volumes d’eau importants. Dans
le cas de nos périmètres irrigués en grande hydraulique se pose le problème de la sécurité de
l’approvisionnement en eau des activités agricoles qui en consomment beaucoup. L’arbitrage des
quotas d’eau à allouer à la consommation domestique, à l’agriculture et à l’industrie ainsi qu’une
distribution aléatoire (fuites dans le réseau, piratage des eaux…) n’incite pas les agriculteurs à
développer la sole fourragère.
c) La technicité des éleveurs. La maîtrise insuffisante de la conduite technique des élevages s’est
traduite par un faible niveau de rendement. Ce constat s’explique par une désorganisation de la
profession agricole dont l’origine remonte au démantèlement des domaines agricoles socialistes
(DAS) qui s’est faite sans qu’il y ait, pour le moins, une répartition équitable des compétences
dans les collectifs d’attributaires d’où une déperdition du caractère professionnel de l’activité
agricole. Il faut noter, également, que le niveau d’encadrement technique insuffisant dans les
exploitations ne peut s’appuyer que sur la vulgarisation agricole mais actuellement les actions de
vulgarisation ne semblent pas toujours répondre aux attentes des producteurs.
d) La politique économique. En matière de production de lait cru local, il semble que les incitations,
dans le cadre du FNRDA5, sous forme de primes, à l’éleveur sont insuffisantes. Il s’agit de la
prime d’incitation à la production locale de lait livré à la transformation, à raison de 7 DA/litre, la
prime à la collecte et livraison de lait cru, à raison de 4 DA/litre et une prime de 2 DA/l pour le
transformateur. A cela, il faudrait ajouter Ies subventions pour l’investissement à la ferme pour les
éleveurs qui disposent de plus de 6 vaches. A la lumière des dernières augmentations des prix des
céréales sur le marché mondial, ces primes sont à revoir à la hausse. D’ailleurs, dans une étude
récente (Ferrah, 2006), on a estimé que les coûts de production du litre de lait de vache ont
rapidement progressé. En 2000, le coût était en moyenne de 22,4 Da/ l pour passer en 2004 à 27,1
Da soit une augmentation de 21 % en l’espace de quatre années ce qui démontre la sensibilité des
coûts par rapport au niveau de productivité et aux coûts des intrants.
e) Le mouvement associatif. Le désengagement de l’Etat de la gestion de la sphère de production
agricole a laissé un vide organisationnel. L’Etat a voulu le combler en créant un cadre juridique
pour le développement du mouvement associatif6. Pour ce faire, les pouvoirs publics créent en
1991 les chambres d’agriculture7 dont la mission première est d’asseoir l’action collective en
incitant les producteurs agricoles à s’organiser en associations de filières professionnelles.
L’impact réduit des organisations de la profession agricole sur le monde agricole n’a pas
convaincu les agriculteurs, qui restent en marge du mouvement associatif et n’arrivent pas à
assimiler clairement le rôle effectif et concret du mouvement associatif. En effet, à l’échelle
nationale, seulement 2 % des agriculteurs sont adhérents aux associations agricoles (Djebbara et
al, 2006) ce qui dénote que la professionnalisation de cette filière est contrariée par les stratégies
individuelles développées par les acteurs et se traduit par le manque d’organisation de la filière lait
entre les différents acteurs (producteurs, collecteurs, transformateurs).

3
1 023 799 exploitations (données du Recensement Général de l’Agriculture (RGA) de 2001)
4
Projet systèmes irrigués modernes au Maghreb (SIRMA)
5
. Fonds National de Régulation du Développement Agricole
6
Loi n°90-31 du 4 décembre 1990 relative aux associations.
7
Décret exécutif n° 91 – 31 de 1991
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Il semble, à travers les différentes analyses sur le développement de la filière lait, que les problèmes
présentés ci -dessus sont les principaux obstacles qui ont tendance à bloquer le développement intégré
de cette filière.

3. LES POLITIQUES POSSIBLES

On ne peut aujourd’hui parler de politiques possibles sans apporter les observations et/ou les analyses
nécessaires sur les politiques passées en matière d’élevage.
Le modèle intensif de production agricole planifié préconisé dans les années 70 visait à moyen et long
terme l’objectif d’autosuffisance alimentaire du moins la réduction de la dépendance alimentaire sur
les produits stratégiques de première nécessité tels que le lait et les céréales. Ce fut un échec patent. La
vision technique relativement cohérente de projets de développement intégrés ou de projets de
substitution d’importation à développer dans des zones de fortes potentialités, notamment dans les
grands périmètres nouveaux et/ou hérités de la colonisation, était la garantie de l’Etat pour répondre
aux besoins alimentaires des populations.
L’étude de la production agricole et de l’élevage bovin laitier dans le périmètre irrigué du Haut Cheliff
(37 010 ha), comme exemple de cette politique, l’illustre bien. En effet, les orientations de
développement de cet espace agricole ont été raisonnées sur la base d’un système de production
agricole intégré développant des échanges forts entre les productions végétales et animales. Ainsi, les
schémas de développement retenus ont préconisé l’accroissement des superficies fourragères et la
valorisation des sous produits tel que les pailles et la pulpe de la betterave à sucre pour assurer
l’alimentation d’un cheptel bovin laitier à haut potentiel de productivité. En retour, le fumier produit
par le cheptel bovin contribuera à améliorer la fertilité des sols.
La mise en œuvre de ce projet de développement a montré que la production laitière a doublé sur une
période de six années. Elle est passée de 2,5 millions de litres en 1971 à plus de 5 millions de litres en
1976 (Djebbara, 1986). Pour la même période étudiée (1971-1976), l’effectif bovin du secteur étatique
(domaines autogérés) a triplé. Il est passé de 1000 à 3000 vaches. En revanche, durant cette période il
a été constaté une baisse drastique du rendement en lait par vache avec une moyenne économique
annuelle par vache de 2000 litres largement en deçà par rapport aux prévisions du projet qui étaient de
2 800 litres pour atteindre un seuil 3200 litres au bout de la quinzième année.
Cette croissance de la production de lait était liée beaucoup plus à l’accroissement de l’effectif bovin
qu’à sa productivité ce qui a eu comme conséquence une augmentation des coûts fixes de production.
Le prix de vente interne du lait, en comparaison avec celui du marché mondial, devenait prohibitif
pour les transformateurs. Ainsi, l’industrie laitière publique (ONALAIT) confrontée à une distorsion
des prix du litre de lait entre le prix au producteur qui est passé rapidement de 0,8 Da le litre en 1969 à
3 Da en 1981 et le prix à l’importation pour la même période de 0,5 Da/l à 0,80 Da/l (Djebbara, 1986)
s’est complètement détournée de la collecte du lait de vache, pour des exigences de rentabilité
économique, au profit de l’importation de lait en poudre.
Le déséquilibre observé entre la surface fourragère et la charge animale dans le périmètre a posé le
problème de coordination des différents acteurs pour le développement de la filière lait.
Les stratégies individuelles divergentes développées par les différents acteurs en raison d’une politique
des prix de biens agricoles inadaptée au contexte du niveau de productivité local et du niveau des prix
sur le marché mondial ont eu comme conséquence la régression de la filière lait. On voit bien que du
point de vue de la durabilité la filière lait dans ses volets économique et social a été négative.
Devant cette situation d’échec du développement de la filière lait quel serait l’alternative qui pourrait
garantir sa durabilité? En termes de politiques possibles pour le développement agricole, l’exemplarité
de la politique agricole commune (PAC) européenne montre l’efficacité en matière de satisfaction des
besoins alimentaires des populations. C’est un système de régulation et de subvention mis en place par
la communauté européenne pour augmenter les rendements agricoles tout en maintenant les revenus
des exploitants.
Depuis son entrée en vigueur en juillet 1962 les objectifs assignés à la PAC (Politique Agricole
Commune) par le traité de Rome visaient à accroître la productivité pour garantir les
approvisionnements, à stabiliser les marchés, ainsi qu’à assurer un niveau de vie équitable à la
population agricole et des prix convenables pour le consommateur. Cependant, elle a connu de
nombreuses réorientations. L'objectif principal vise aujourd'hui à garantir une agriculture européenne
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perspectives », Alger, 20-21 Avril 2008

compétitive, respectueuse de l'environnement (depuis le 1er janvier 2005 a été introduit un critère
d’éco - conditionnalité des aides PAC) et soucieuse des attentes du consommateur.
En Algérie, la politique agricole a été raisonnée dans la même conception générale que la PAC sauf
qu’elle ne concerne qu’elle même. Elle n’a pas été raisonnée, pour des considérations politiques
intrinsèques aux pays du Maghreb, dans un ensemble plus grand qui serait, logiquement, l’espace
maghrébin, ce qui aurait donné, probablement, une meilleure orientation de production en termes
d’avantages comparatifs.
Au début des années 2000, pour dynamiser le secteur agricole, les pouvoirs publics en Algérie ont axé
leur politique de développement agricole (PNDA)8 sur les aides directes aux agriculteurs pour ensuite
l’élargir à la société rurale (PNDAR)9.
La nouvelle approche de développement rural va expérimenter une méthode fondée sur le principe de
l’intégration des actions et de la participation des acteurs locaux dans les dynamiques de projet
(Bessaoud, 2006). Cela ne peut que renforcer la cohésion sociale et par conséquent permettre de mieux
identifier les projets de développement intégrés.
En ce sens, les politiques de développement sectoriels devraient viser à une forte intégration de la
filière lait. En fin de compte, cela revient à réfléchir à une chaîne d’approvisionnement définie comme
un ensemble de relations coordonnées entre fournisseurs, industriels, distributeurs et commerçants
assurant la transformation d’une matière première en des biens de consommation finale (Le Gal et al.,
2007). Cette approche en terme de chaîne d’approvisionnement a été testée dans un périmètre irrigué
de 100 000 ha (Tadla) au Maroc. L’intérêt de cette démarche est d’inspirer une meilleure coordination
sectorielle aux décideurs qui concerne le périmètre irrigué fournisseur d’eau, les agriculteurs
producteurs de matières premières agricoles et les entreprises de transformation et distribution.
Au plan opérationnel, l’analyse des modes de coordination entre différentes fonctions (de l’eau brute
livrée à la transformation du lait brut en lait conditionné et dérivés) et acteurs permet d’identifier les
actions à même d’améliorer les performances de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

CONCLUSION

Une politique d’élevage durable en Algérie dépend de la connaissance approfondie des systèmes
d’élevage en repérant les maillons faibles de sa durabilité (économique, sociale et environnementale)
et de trouver des compromis en terme d’aides publiques aux différents acteurs de la ″chaîne
d’approvisionnement du lait″ pour améliorer son efficacité productive.

Adams W.M, 2006. Le futur de la Durabilité. Repenser l'environnement et le développement au vingt et unième
siècle. Union mondiale pour la nature (IUCN)
Bessaoud O., 2006. La stratégie de développement rural en Algérie. Options Méditerranéennes, Sér. A / n°71,
Djebbara M., 1986. Calcul économique et mise en valeur en irrigué en Algérie. Cas du Haut Chéliff. Magister
en Sciences Agronomiques, INA, 1986. 194 p.
Djebbara M., Chabaca M- N., Hartani T., Mouhouche B., Ouzri B ., 2006. Rôle de l’action collective dans le
développement de la profession agricole dans la wilaya de Blida (Algérie). Actes du séminaire Wademed,
Cahors, France, Cirad, Montpellier, France
Ferrah A., 2006. Aides publiques et développement de l’élevage en Algérie. Contribution à une analyse
d’impact (200 -2005). Cabinet GREEDAL.COM
Le Gal P-Y., Kuper M., Moulin C–H., Puillet L., Sraïri M-T., 2007. Dispositifs de coordination entre
industriel, éleveurs et périmètre irrigué dans un bassin de collecte laitier au Maroc. Cahiers Agricultures vol. 16,
n° 4, 2007
Rapport FAO, 2006. Livestock long shadow. Environmental issues and options. FAO/LEAD, 390 p.
http://www.virtualcentre.org/en/library/key_pub/longshad/A0701E00.pdf

8
Plan National de développement agricole
9
Plan National de développement agricole et rural

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