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L'homme du XXe siècle l'a bien compris.

En témoigne En attendant Godot de Samuel


Beckett. Tout au long de cette pièce, deux hommes ont une conversation ordinaire en
attendant un troisième homme qui n'arrive jamais. Nos vies sont comme cela, dit
Beckett, nous attendons pour tuer le temps. Mais qu’est-ce que nous attendons ? Nous
n'en savons rien. Beckett donne une tragique représentation de l'être humain au travers
d'une autre pièce dans laquelle le rideau se lève sur une scène jonchée de détritus.
Pendant trente longues secondes, l'auditoire immobile fixe en silence les détritus. Puis le
rideau tombe. Point final.

Les philosophes existentialistes français Jean-Paul Sartre et Albert Camus l'avaient


également compris. Dans sa pièce Huis clos, Sartre voit la vie comme un enfer - et la
pièce se termine par ces paroles de résignation : « Eh bien ! Continuons. » Voilà
pourquoi Sartre compare ailleurs la vie à une « nausée ». Camus considérait, lui aussi, la
vie comme absurde. À la fin de sa nouvelle, L'étranger, le héros découvre, à travers une
intuition furtive, que l'univers est vide de sens et qu'il n'y a pas de Dieu pour lui en
donner un.

Ainsi donc, s’il n'y a pas de Dieu, la vie perd tout son sens. L'homme et l'univers sont
dépourvus de toute signification ultime.

Sans Dieu et sans immortalité la vie n'a pas de valeur


absolue.
Si la vie se termine à notre mort, cela ne fait aucune différence que l'on ait vécu comme
Staline ou comme un saint. Pourquoi ne pas vivre comme bon nous semble, étant donné
que la destinée d’une personne n’a pas le moindre rapport avec son comportement ?
Comme l'a dit Dostoïevski : « [...] sans l’immortalité [...] tout est permis ». Sur un tel
fondement, l'écrivain Ayn Rand a parfaitement raison de prôner les vertus de l'égoïsme.
Il faut vivre pour soi ; vous n'avez de comptes à rendre à personne ! En effet, il serait
ridicule d'agir différemment, car la vie est trop courte pour la mettre en péril en agissant
autrement que par pur intérêt personnel. Il serait stupide de se sacrifier pour une autre
personne. Kai Nielsen, un philosophe athée qui s'efforce de défendre la viabilité d'une
éthique sans Dieu, finit par admettre :

Nous n'avons pas su démontrer que la raison réclame une réflexion d'ordre moral, ni que
les individus vraiment rationnels, c'est-à-dire détachés de toute idéologie ou de tout
mythe, ne sont pas obligatoirement égoïstes ou amoraux au sens classique du terme. La
raison ici n'est pas juge. Le tableau que je vous ai dépeint n'a certes rien d'agréable. Le
fait d'y penser me déprime... La pure raison pratique, même avec une bonne
connaissance des données factuelles, ne mènera personne à la morale. [1]

Mais la question devient beaucoup plus grave encore. Car, indépendamment de


l'immortalité, s'il n'y a pas de Dieu, alors il ne peut y avoir de normes objectives
concernant le bien et le mal. Nous restons confrontés, selon les mots de Jean-Paul
Sartre, au seul fait de l’existence, fait dénué de toute valeur. Les valeurs morales ne sont
qu’affaire de préférence personnelle, ou des dérivés de l'évolution et du
conditionnement sociobiologiques. Dans un monde sans Dieu, qui peut décider quelles
actions sont bonnes ou mauvaises ? Qui peut décréter que les valeurs d'Adolphe Hitler
sont inférieures à celles d'un saint ? La notion de moralité est totalement dévaluée dans
un univers sans Dieu. Un éthicien athée contemporain l'exprime ainsi : « Dire que
quelque chose est mauvais parce que [...] c'est interdit par Dieu est parfaitement
compréhensible pour une personne qui croit en un Dieu qui édicte des lois. Mais
déclarer que quelque chose est moralement mauvais [...] alors qu'aucun dieu n'existe
pour légiférer et l’interdire, ce n'est pas compréhensible [...] » « La notion d'obligation
morale [est] inintelligible en dehors de l'idée de Dieu. Les mots demeurent, mais leur
sens a disparu [2]. » Dans un monde où il n'y a pas de législateur divin, il ne peut y avoir
ni bien, ni mal objectifs ; seuls subsistent, à la place, des jugements subjectifs,
influencés par la culture ou les choix personnels. D'où l'impossibilité de condamner la
guerre, l'oppression ou la violence comme des maux. Tout comme il devient impossible
de faire l’apologie de la fraternité, de l'égalité ou de l'amour, sous prétexte qu’ils
relèveraient du bien. En effet, dans un monde sans Dieu, le bien et le mal n'existent pas.
Tout est réduit au simple fait d'être là, fait sans valeur, et personne ne peut dire qui de
nous deux (vous et moi) a raison ou tort.

Sans Dieu et sans immortalité la vie n’a pas de but


ultime
Si la mort attend à bras ouverts l’homme à la fin de sa course, quel est alors le but de sa
vie ? Se peut-il que tout cela soit pour rien ? Sans raison d'être ? Qu'en est-il de l'univers
? Est-il dépourvu de toute finalité ? S'il est destiné à la tombe glaciale, enseveli dans les
abysses de l’espace lointain, la réponse est forcément oui ; il n'a pas de finalité. Il n’y a
ni 'objectif, ni avenir p

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