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expression « racisme antimusulman » est impropre car elle nourrit la confusion.

L’appartenance à une ethnie n’est pas choisie tandis que ce qui relève d’une
religion est de l’ordre du choix personnel. Chacune de ces deux formes de discri-
mination relève par ailleurs d’instruments internationaux différents : pour ce qui
est des discriminations raciales ou ethniques, c’est la Convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale qui s’applique ; les
discriminations religieuses relèvent, elles, du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques. Il ne faut pas occulter toutefois qu’il existe des cas de cumul
des deux formes de discrimination : on parle alors d’« intersectionnalité » ou de
« double discrimination ». Pour être parfaitement exact, le CERD s’est accordé
sur les expressions « discrimination, exclusion ou haine antimusulmane » pour
faire référence à la religion, et « discrimination, exclusion ou haine anti-Arabes »
lorsqu’il s’agit d’ethnie.
D’autres ont également pu recommander l’usage du terme « musulmanopho-
bie ». Le mot « musulmanophobie » permettrait de condamner exclusivement
l’hostilité manifestée à l’encontre des personnes ayant une appartenance réelle
ou supposée à la religion musulmane, au contraire du terme « islamophobie » qui
a pu être utilisé pour contrer toute critique de l’islam. Cependant, ce terme est
lui aussi imparfait, en raison du suffixe « phobie ». Il semblerait en outre artificiel
d’en préconiser l’emploi alors même que son usage est rare, au contraire du
terme « islamophobie ».
D’autres terminologies, qui ont pourtant été adoptées comme étendards de
la lutte contre les discriminations, n’en sont pas moins imparfaites. Le mot
« antisémitisme », par exemple, dérivé de la racine « sémite » devrait renvoyer au
sens strict du terme aux discriminations visant généralement les peuples juifs et
arabes, et non pas exclusivement les personnes juives. Pourtant, le terme s’est
imposé aujourd’hui sous cette dernière acception et est ainsi compris de tous.
En outre, les terminologies de substitution ne seraient pas non plus à l’abri
d’une instrumentalisation. Finalement, les expressions « racisme antimusulman »
ou « musulmanophobie » pourraient tout aussi bien être prises en otage pour le
compte d’idéologies radicales 18.
De même, les termes « xénophobie » et « homophobie », largement employés
par le grand public et la presse, mais également par les gouvernements, les
organisations et institutions internationales, n’échappent pas à la critique de l’as-
similation à la maladie mentale, de par leur construction sur le suffixe « phobie ».
D’un point de vue terminologique, aucune de ces expressions n’est exempte
de griefs. Finalement, c’est moins la parfaite exactitude de la sémantique de
notions aux contours souvent difficiles à délimiter, que leur large appropriation
et leur force expressive qui devraient plaider en faveur ou non de leur emploi.

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