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SOMMAIRE

INTRODUCTION ............................................................................................................................................. 2
I. Généralités sur le racisme ................................................................................................................. 4
II. Les effets désastreux du racisme aux USA ...................................................................................... 11
Conclusion ................................................................................................................................................... 25
INTRODUCTION

Pierre angulaire de la démocratie pour les uns, liberté matricielle pour les autres, la
liberté d'expression ne saurait toutefois permettre de dire ou d'écrire tout et n'importe
quoi. À cet égard, nombre de conventions internationales et de législations internes
viennent définir les limites de cette liberté et encadrer son exercice. C'est notamment
le cas en ce qui concerne le discours raciste.

Sur le plan international, le racisme est réprimé, entre autres, par la Convention
internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et par
le Pacte international sur les droits civils et politiques. Sur le plan interne, l'exemple
français est tout à fait caractéristique de la volonté étatique d'endiguer le discours
raciste : sont prohibés l'injure et la diffamation raciales, le discours négationniste et
la provocation à la discrimination, à la haine et à la violence raciales. Bien qu'elles
aient parfois fait couler beaucoup d'encre, ces législations ne soulèvent pas de
problème de constitutionnalité criant.

La question se pose, en revanche, avec davantage d'acuité en ce qui concerne les


États-Unis. En effet, le premier amendement à la Constitution américaine prévoit que
« le Congrès ne fera aucune loi restreignant la liberté de parole ou de la presse ».
Alors qu'une telle conception de la liberté d'expression ne laisse, a priori, pas de place
à une éventuelle prohibition du discours raciste, les États-Unis ont ratifié non
seulement le Pacte international sur les droits civils et politiques mais également la
Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale. Qu'en conclure ? Que la liberté d'expression ne connaît aucune limite aux
Etats-Unis, ceci au mépris des engagements internationaux de ce pays ? Que les
obligations conventionnelles américaines entraînent une interprétation contra legem
du premier amendement à la Constitution américaine adopté, rappelons-le, il y a plus
de deux cents ans ?

Seule une solution nuancée, pondérée, permet de résoudre un tel conflit. C'est sur
cette voie que se sont engagés les États-Unis. En effet, il ne règne pas dans ce pays,
contrairement à ce qui est parfois avancé, une conception « absolutiste » de la liberté
d'expression : la Cour suprême a interprété le premier amendement de telle sorte que
certaines limites - certes encadrées et circonscrites puissent y être apportées. C'est
notamment le cas en ce qui concerne les publications des groupements prônant le
renversement du Gouvernement, ainsi que les publications obscènes ou pédophiles.
La ratification de conventions internationales prohibant le discours raciste semble
donc aller dans le sens dans lequel la Cour suprême a interprété le premier
amendement. Il serait toutefois hâtif d'en conclure que le discours raciste est prohibé
en toutes circonstances outre-Atlantique. En effet, les États-Unis ont assorti la
ratification de ces conventions de scrupuleuses réserves et déclarations
interprétatives. Pour la délégation américaine, le Pacte de 1966 « n'autorise pas les
États-Unis et n'exige pas d'eux qu'ils adoptent des lois ou autres mesures de nature à
restreindre la liberté d'expression et d'association protégée par la Constitution et les
lois des États-Unis ».

Le même type de réserve, rappelant l'importance de la liberté d'expression et vidant


de leur sens les obligations conventionnelles en la matière, a été formulé lors de la
ratification de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciales.

La position américaine est donc claire : les États-Unis n'entendent pas se voir imposer
l'obligation de limiter la liberté d'expression, quand bien même cela se ferait au nom
de la lutte contre le racisme. Ainsi, bien que les États-Unis aient ratifié les deux
principales conventions internationales prohibant le discours raciste, force est de
constater que les réserves et déclarations interprétatives émises par la délégation
américaine assurent une large primauté à la liberté d'expression sur le droit à être
protégé contre le racisme. C'est finalement en distinguant le discours raciste (I) de la
provocation à la violence raciale (II) que la Cour suprême est parvenue à concilier le
premier amendement avec les engagements internationaux souscrits par les États-
Unis en matière de lutte contre le racisme.

I. Généralités sur le racisme

1. Qu’est-ce que le racisme ?

Depuis plusieurs semaines, des manifestations ont lieu aux États-Unis, en France et
dans d’autres pays du monde, pour dénoncer le racisme envers les Noirs. Des
citoyens accusent notamment certains policiers de maltraiter les Noirs à cause de la
couleur de leur peau.
Le racisme, c'est l'idée selon laquelle l'espèce humaine serait composée de plusieurs
races différentes. Certaines de ces races seraient « supérieures », tandis que d'autres
seraient « inférieures ». Cette idée a conduit des peuples à vouloir en dominer
d'autres. Par exemple, les Européens se sont longtemps appuyés sur le racisme pour
dominer les Africains et pratiquer l'esclavage. Il y a quelques décennies, des États
démocratiques, comme l'Afrique du Sud et les États-Unis, avaient encore des lois
racistes !

Pourtant, la science a montré que les races n'existaient pas au sein de l'humanité, car
nous partageons tous les mêmes gènes. La biologie, la science de la nature, ne
reconnaît qu'une seule espèce humaine : la nôtre, Homo sapiens. Mais, au-delà de la
science, c'est surtout la morale qui a conduit les humains à lutter contre le racisme.
Comment peut-on accepter que certains soient dominés, méprisés ou persécutés à
cause de leur couleur de peau ou de leur culture?
2. Qu’est-ce que le racisme et la discrimination ethnique aux États-Unis ?

Le racisme et la discrimination ethnique aux États-Unis sont un phénomène majeur


depuis l'époque coloniale et l'époque de l'esclavage. Le racisme institutionnalisé
accordait aux Américains Blancs des droits et privilèges refusés
aux Amérindiens, Afro-Américains, Asio-Américains et aux Latino-Américains.
Les Euro-Américains (en particulier les Anglo-Américains) sont privilégiés par la
loi en matière d'éducation, d'immigration, de droit de vote, de citoyenneté,
d'acquisition de terres et de procédure pénale sur une période allant du XVIIe siècle
aux années 1960. À cette époque, de nombreux groupes non protestants immigrants
d'Europe particulièrement les juifs, les catholiques, les Irlandais, les Polonais et
les Italiens sont victimes d'exclusion xénophobe et d'autres formes de discrimination
fondées sur l'ethnicité dans la société américaine.

Parmi les principales institutions racialement et ethniquement structurées figurent


l'esclavage, les guerres indiennes, les réserves indiennes, la ségrégation
raciale, pensionnats amérindiens et les camps d'internement1. La discrimination
raciale officielle est en grande partie interdite au milieu du XXe siècle et en est venu
à être perçue comme socialement inacceptable et/ou moralement condamnable.

Le racisme se reflète toujours dans les inégalités socioéconomiques et emprunte des


formes d'expression plus modernes et indirectes, la plus prédominante étant
le racisme symbolique. La stratification raciale se perpétue dans les secteurs de
l'emploi, du logement, de l'éducation, des prêts bancaires et du gouvernement.
3. Le racisme semble particulièrement ancré dans la société américaine.
D'où vient-il ?

Racisme aux États-Unis : "Ce que l'on voit aujourd'hui, ce sont les séquelles de
l'esclavage"
Un manifestant court à travers les voitures en feu sur la Chicago Avenue, samedi 30
mai 2020 à Saint Paul, Minnesota. Des heurts entre manifestants et policiers ont
secoué samedi soir plusieurs grandes villes des Etats-Unis, placées sous couvre-feu
pour tenter de calmer la colère qui s'est emparée du pays depuis le décès de George
Floyd, Afro-Américain mort aux mains de policiers, alors qu'il était menotté.

Crédit : AP Photo/John Minchillo

Les images sont impressionnantes. Mais elles n'ont rien d'inédit. Aux Etats-Unis, les
mouvements de protestations en réaction aux inégalités et violences raciales se
répètent depuis les années 1960.

Ce que l'on voit aujourd'hui, ce sont les séquelles de l'esclavage. Et c'est affreux à
dire car beaucoup de progrès ont été faits. La guerre de Sécession a eu lieu, des
esclaves ont été libérés.

Après l'esclavage, s'est mis en place un système d'apartheid extrêmement dur et


violent, mais ce système-là a été démantelé et déclaré illégal. Il y a eu toute la lutte
pour les droits civiques dans les années 1960. Puis dans les années 1990, 2000, 2010,
des protestations pour ce qu'il pouvait se passer quand un Noir était aux mains de la
police. Mais nous voyons qu'elle est toujours là, cette présomption qu'un Noir , qu'un
homme noir surtout, est dangereux et que tout est permis, jusqu'au meurtre. Cela date
de l'esclavage.

4. Combien de temps faut-il pour qu'un pays vienne à jamais à bout de son
histoire ?
Samedi 30 mai 2020, San Francisco, Californie AP Photo/Noah Berger

Je crois que ça n'est jamais fini, mais on aimerait quand même voir de vrais progrès.
Nous avons eu aux États-Unis un président noir, nous avons eu la discrimination
positive qui a permis d'intégrer beaucoup de Noirs dans beaucoup de postes dans les
entreprises et dans les administrations. Elle a pu donner un vrai élan à la création
d'une classe moyenne noire.

Néanmoins on voit que cette communauté est toujours beaucoup plus frappée par la
pauvreté, par le chômage, par les peines de prison et par ce qu'on appelle, et c'est un
euphémisme, les « bavures policières ».

5. La police américaine est-elle raciste ?

Est-ce que la police est plus raciste que l'Amérique, vous voulez dire ? C'est difficile
à mesurer. Il y a eu une vraie tradition de racisme dans la police américaine et
beaucoup d'actions pour intégrer des policiers qui soient issus de ce que l'on appelle
des minorités - noires, asiatiques, hispaniques, indiennes, indiennes venues d'Inde et
du Pakistan.

Depuis 2015, il y a l'obligation presque générale d'avoir des policiers équipés de


caméra sur leur uniforme. On voit que ça ne suffit pas. Le rapport n'est pas forcément
racial, il est entre l'autorité, même exercée parfois par des policiers non blancs, et des
Noirs.

Et c'est cela même qui nous ramène vraiment à l'histoire de ce pays. Est-ce que les
Etats-Unis sont racistes? Oui, il y a un vrai racisme, comme dans tous les pays du
monde. Mais il y a une histoire particulière du racisme aux Etats-Unis.

La présence des armes attise les tensions, les risques mais aussi les méthodes de la
police. Elles sont d'une brutalité incroyable.

Samedi
30 mai 2020, Miami, Floride. AP Photo/Wilfredo Lee
II. Les effets désastreux du racisme aux USA

1. Les Etats-unis face à leur racisme

La mort de George Floyd relance le débat jamais résolu sur les inégalités raciales.
Dans la rue, les manifestants se mobilisent pour que ce nouvel assassinat d'un Noir
ne soit pas sans conséquences.

Le monde, 2020 est d'ores et déjà une année de convulsions outre-Atlantique. Après
le Covid-19, qui a précipité une crise. Il y’a comme un parfum de 1968 aux Etats-
Unis. Comme en ce moment charnière, synonyme de bouleversements sociaux dans
le monde, 2020 est d'ores et déjà une année de convulsions outre-Atlantique. Après
le Covid-19, qui a précipité une crise économique historique, voilà que la mort de
George Floyd, un Noir américain tué le 25 mai à Minneapolis par un officier de
police blanc qui a mis son genou sur son cou, provoque des manifestations
importantes dans près de 150 villes. Dans les cortèges, il n'y a pas que la violence
policière contre les Afro-Américains qui indigne : les manifestants dénoncent aussi
les inégalités économiques et sociales profondes que vivent les Noirs depuis des
siècles.

Plus de soixante ans après le mouvement des droits civiques, le taux de chômage des
Afro-Américains reste plus élevé que celui des Blancs. L'accès à la propriété, à la
santé et au vote reste plus difficile. Et, depuis 2016, ils sont dirigés par un président
connu pour ses propos racistes, mais convaincu d'être leur champion parce qu'il a fait
baisser leur taux de chômage.
« Malgré la fin de la ségrégation et les progrès dans l'égalité des droits, les Blancs
ne connaissent pas grand-chose de l'expérience noire aux États-Unis. Ils pensent que
la fin de l'esclavage a résolu tous les problèmes, explique Wade Hudson, cofondateur
de Just Us, une maison d'édition spécialisée dans la littérature noire pour la jeunesse.
Aussi tragique soit-elle, la mort de George Floyd nous permet enfin d'avoir les
conversations difficiles sur le racisme institutionnalisé. »
Ce racisme institutionnalisé, les Noirs américains l'ont pris en pleine figure ces
derniers mois. Le Covid-19 a été particulièrement meurtrier dans la communauté.
Soit parce que les Noirs sont bien représentés parmi les « travailleurs essentiels »
(chauffeurs de bus, conducteurs de métro, livreurs, soignants ...) exposés à la
maladie, soit parce qu'ils ont de nombreuses comorbidités (diabète, asthme, obésité,
problèmes cardiaques ...), elles-mêmes découlant de disparités dans l'accès aux soins.
Ce n'est pas un hasard si plusieurs maires noirs en Géorgie, l'un des États ayant décidé
de rouvrir rapidement leurs commerces dès la fin avril, ont critiqué la décision du
gouverneur blanc. Les Noirs représentaient alors 54 % des décès liés au nouveau
coronavirus dans cet État, pour 30 % de la population.

À cela s'est ajoutée la menace, constante, d'être tué par un Blanc. En mai, les États-
Unis ont été émus d'apprendre le meurtre d’Ahmaud Arbery, un jeune Noir tué par
deux Blancs alors qu'il faisait son jogging. En mars, Breonna Taylor, une Noire de
Louisville (Kentucky), a perdu la vie sous les balles de la police lors d'une
intervention chez elle, fondée sur des informations erronées. Et juste avant la mort
de George Floyd, le pays a été le témoin de deux actes de racisme ordinaire : le
candidat démocrate présumé à la présidentielle, Joe Biden, a déclaré lors d'une
émission animée par un Afro-Américain :« Si vous ne votez pas pour moi, vous n'êtes
pas noir » ; et dans une vidéo devenue virale, on voit une femme blanche menacer
d'appeler la police après qu'un homme noir lui a calmement demandé de mettre son
chien en laisse à Central Park, le parc new-yorkais. « La situation avait tout d'une
poudrière », résume Khalil Muhammad, professeur à Harvard et spécialiste des
questions raciales.

Depuis la mort de George Floyd, les manifestations se multiplient donc. Dans les
cortèges, on parle d’oppression, de libération des Noirs, mais aussi de privilège
blanc, ce concept qui veut que les Blancs bénéficient d'avantages et de privilèges du
simple fait de leur couleur de peau. Dont celui d'être moins susceptible d'être arrêté
(et tué) par la police. Dans la ville progressiste de Minneapolis comme ailleurs dans
le pays, les rassemblements attirent une foule multiraciale et multigénérationnelle,
qui évoque la coalition formée par Barack Obama en 2008. Cela n'est surprenant qu'à
moitié. Depuis l'irruption dans le débat public en 2014 de Black Lives Matter (BLM,
« Les vies noires comptent »), mouvement de lutte contre la violence policière et le
racisme systémique, les démocrates jeunes et diplômés sont devenus plus sensibles
aux questions de justice raciale. Selon l'institut Pew, la part des démocrates blancs
qui estiment que « le pays doit faire plus pour assurer l'égalité des droits des Noirs
avec les Blancs » a bondi de 30 points entre 2008 et 2017 (passant de 50 % à 80 %).

Ces démocrates se montrent également de plus en plus favorables au concept de «


réparations » ( dédommagement accordé aux descendants d'esclaves), un thème
brièvement abordé lors de la primaire du parti. Et les Blancs de gauche reconnaissent
davantage que leurs homologues républicains que les Noirs font face à des
discriminations dans l'accès au vote et dans leur traitement par la police. Le débat
autour de la politique de séparation familiale appliquée par le gouvernement Trump
contre les familles cherchant à entrer illégalement aux États-Unis par le Mexique a
accentué cet engagement antiraciste. Dans les années 1960 quand il y a eu les
assassinats et les émeutes, le 3 juin. Aujourd'hui, il y a quelque chose de différent :
quand nous regardons ces manifestations, nous voyons un plus grand échantillon de
la population manifester pacifiquement [...]. Ce n'est pas la conséquence de discours
de la classe politique, mais de l'activisme de nombreux jeunes dans tout le pays. »

Si le climat de 2020 est différent de celui de 1968, selon l'ex-président, les deux
années ont toutefois un point commun qui n'a pas échappé aux historiens : ce sont
toutes les deux des années électorales. En 1968, le climat contestataire avait permis
au républicain Richard Nixon d'être élu après une campagne fondée sur la
restauration de « la loi et l’ordre ». Donald Trump, qui a menacé d'envoyer l'armée
en cas de poursuite des émeutes pour rassurer l'électorat centriste inquiet de voir le
pays s'enfoncer dans le chaos, parviendra-t-il à faire de même ? Selon plusieurs
sondages, Joe Biden est donné gagnant dans plusieurs États clés, où le soutien au
Président s'est érodé chez les seniors à cause de sa gestion catastrophique du Covid-
19. Même chose chez les évangéliques et les catholiques blancs, révulsés par ses
provocations contre les manifestations. Ces dernières jouissent d'un large soutien
dans l'opinion, malgré les pillages.

Même si la présidentielle est dans les esprits des manifestants, ce n'est pas l'élection
la plus importante à leurs yeux. En effet, les financements et les règles encadrant les
18 000 départements de police municipaux sont déterminés essentiellement au
niveau des villes et des États fédérés, et non par le gouvernement national à
Washington. Dans plusieurs villes, les marcheurs réclament notamment des coupes
dans le budget de la police au profit de programmes pour les minorités. Un appel
entendu à Los Angeles, où le maire démocrate, Eric Garcetti, a annoncé une
réduction de 100 à 150 millions de dollars des fonds alloués au LAPD (Los Angeles
Police Department). Pour sa part, le groupe Campaign Zero, qui œuvre à l'élimination
de la violence policière, a lancé une campagne nommée « Can't Wait » avec huit
mesures (utilisation de l'arme à feu en dernier recours, documentation de l'usage de
la force, interdiction des procédures d'étranglement ou d'étouffement ...) pour réduire
le nombre de morts causées par la police. L'association, soutenue par Obama, appelle
les manifestants à mettre la pression sur leurs maires, responsables de la nomination
du chef de la police, pour instaurer ces mesures.

En outre, des revendications spécifiques voient le jour dans chaque État en fonction
de la législation locale. À New York, par exemple, les associations réclament
l'abrogation d'une loi, « 50-A », qui permet de garder secrètes les archives sur les
actions disciplinaires engagées contre les officiers de police. « Nous devons nous
concentrer sur l'échelon local et changer les personnes qui font la loi », explique
Rashad Robinson, président de Color of Change, un groupe qui milite pour
l'amélioration de la situation des Noirs américains. Il pense aux maires, bien sûr, mais
aussi aux procureurs locaux, « qui comptent parmi les personnes les plus puissantes
dans le domaine de la justice ». Ils sont élus pour des mandats de quatre ans.

Chez les manifestants, on veut croire à un tournant. Bons nombres ne pensent pas
que le système puisse changer. Mais cette génération nouvelle n'a pas les mêmes
limitations. LES ETATS-UNIS peuvent mobiliser de grandes foules grâce aux
réseaux sociaux.

2. Les inégalités raciales aux Etats-Unis, un problème persistant et un défi


pour la classe politique

En quelques semaines, plusieurs faits divers sont venus rappeler le racisme rampant
qui persiste aux Etats-Unis. Les Noirs ont en outre payé un lourd tribut à l'épidémie
de coronavirus et sont parmi les premières victimes de la crise économique. Si les
démocrates ont toujours les faveurs des Afro-Américains, il n'est pas certain que Joe
Biden avait jusqu'ici pris la mesure des réformes à engager.
Les émeutes qui se multiplient aux Etats-Unis ont cristallisé ces derniers jours le
sentiment de racisme rampant qui persiste aux Etats-Unis. (REUTERS/Patrick T.
Fallon)

Une explosion de violence pour un ras-le-bol social. Les émeutes qui se multiplient
dans les grandes villes américaines depuis la mort, aux mains de la police, de l'Afro-
américain George Floyd à Minneapolis le 25 mai, ont cristallisé ces derniers jours le
sentiment de racisme rampant qui persiste aux Etats-Unis. Le meurtre, en février,
d'un joggeur noir en Géorgie par un ancien policier et son fils, puis la mort, sous les
tirs de la police, d'une ambulancière noire dans le Kentucky en mars, ont scandalisé.
Selon le site Mapping police violence, 1.098 personnes ont été tuées par la police l'an
dernier, dont 259 Noirs (406 Blancs et 212 de race inconnue). Même à New York,
ces derniers jours, le faux témoignage d'une femme blanche appelant la police à
Central Park en se disant « menacée par un Afro-Américain », qui observait en réalité
les oiseaux, a enflammé les réseaux sociaux.

Espérance de vie inférieure


A ces épisodes récurrents s'ajoute un contexte doublement inflammable. Les Noirs
ont, d'abord, payé un lourd tribut à l'épidémie de coronavirus, qui a déjà fait plus de
100.000 morts aux Etats-Unis. Alors que les Afro-américains représentent 13,4 % de
la population (pour 60 % de Blancs et 18 % d'Hispaniques), ils constituent plus d'un
quart (26,1 %} des cas de Covid-19 recensés, sur un large échantillon analysé par les
Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC). Parmi les malades
hospitalisés, les Noirs sont aussi 4,5 fois plus représentés que les Blancs non
hispaniques - et les Hispaniques 3,5 fois plus.

« Nous savons, depuis toujours, que des maladies comme le diabète, l'hypertension,
l'obésité et l'asthme touchent de manière disproportionnée les minorités, en
particulier les Afro-Américains ».

Ces dernières années, les Noirs avaient une espérance de vie à la naissance de trois
ans et demi inférieure à celle des Blancs.

Aux avant-postes de la crise

Les conséquences sociales de la pandémie ont, ensuite, plus largement touché les
minorités, surreprésentées dans les métiers faiblement qualifiés et aux avant-postes
de la crise. Ainsi, 39 % des personnes travaillant en février et vivant dans un foyer
touchant moins de 40.000 dollars de revenus par an avaient déjà perdu un emploi en
mars, selon une étude de la Réserve fédérale publiée mi-mai. Malgré une décennie
de croissance aux Etats-Unis, « les écarts de bien-être économique selon la race et
l'ethnicité sont restés au moins aussi importants qu'en 2013, même si l'économie s'est
renforcée et que le bien-être général s'est amélioré », constate aussi le rapport de la
banque centrale sur les conditions de vie des Américains. Fin 2019, malgré un taux
de chômage au plus bas (3,5 % de la population active), un Noir sur quatre (et un
Hispanique sur quatre aussi) indiquait encore ne pas travailler à plein temps et
cherchait à travailler davantage. Les Noirs sont encore 14 % à ne pas avoir de compte
bancaire, quand ils ne sont que 3 % parmi les Blancs.

Les démocrates préférés

Dans ce paysage social, les démocrates ont toujours les faveurs des Afro-Américains.
Près de neuf sur dix (88 %) ont voté pour Hillary Clinton en 2016, et, pendant les
primaires, le candidat à l'investiture Joe Biden a émergé grâce au vote noir en
Caroline du Sud. Mais leur vote n'est pas acquis : s'ils votent davantage que les
Hispaniques, leur taux de participation a chuté de sept points (à 59,6 %) lors du
dernier duel présidentiel par rapport à l'ère Obama, qui avait fait naître des espoirs -
en partie déçus - de réforme.

Si le programme de Joe Biden est déjà plus à gauche que celui du camp démocrate
lors de ces derniers scrutins, il n'est pas certain qu'il avait pris la mesure des réformes
à engager pour les minorités. « Si vous votez Trump c'est que vous n'êtes pas noir »,
a-t-il lancé ces derniers jours à un Noir, provoquant de l'agacement.

Certains représentants de la communauté afro-américaine comme Jesse Jackson, qui


avait pris position pour Bernie Sanders, ou Stacey Abrams, pressentie parmi d'autres
pour le poste de candidate à la vice-présidence, devraient tenter de peser dans les
débats qui s'ouvrent. Car à défaut de convaincre dans ce que les démocrates peuvent
apporter aux Noirs, c'est la réponse sécuritaire de Donald Trump face aux inquiétudes
de la majorité blanche qui pourrait prévaloir dans les urnes.

3. Violence raciale aux États-Unis répercussions mondiales

Les manifestations contre la violence raciale et la brutalité policière aux États-Unis


ont des répercussions mondiales et appellent à une réflexion globale sur le racisme
institutionnel. Lisa Anderson, Professeur invitée et Dean Emerita de l'Université de
Columbia, propose une analyse de la situation aux États-Unis tout en établissant des
comparaisons avec le Printemps Arabe.

Ce qui se passe actuellement aux États-Unis est à la fois spécifiquement américain,


mais aussi le reflet d'une dynamique mondiale. Commençons par la ville de New
York, où j'habite.

Après des mois de confinement visant à limiter la propagation de la pandémie de


Covid-19, à la fin du mois de mai New York comptait déjà près de 17 000 décès dus
à la maladie. Préoccupée non seulement par la maladie mais aussi par la vie
quotidienne et le budget des ménages, la population devenait de plus en plus
anxieuse. Les écoles ayant annoncé qu'elles ne rouvriraient pas avant septembre, les
parents se sont empressés de superviser les devoirs scolaires de leurs enfants, tout en
s'inquiétant d'un été sans éducation ni diversion. Alors que les loyers mensuels
arrivaient à échéance, les promesses de réouverture progressive de l'activité
économique semblaient terriblement lointaines.

Il est vite devenu évident que la maladie était discriminante, par classe et donc par
couleur. Le taux de mortalité des Latino-Américains et des New-Yorkais noirs était
au moins deux fois plus élevé que celui des Blancs. Dans une ville où les personnes
de couleur constituent les trois quarts des travailleurs essentiels, le taux de mortalité
disproportionné a révélé à la fois l’importance réelle des emplois qu’elles occupent,
et la discrimination systématique dont elles font l’objet. Les trois cinquièmes des
employés de nettoyage sont hispaniques, et plus de 40 % des employés des transports
publics sont noirs. En outre, les Newyorkais noirs représentent 22 % de la population
de la ville, mais 28 % des décès dus au Covid-19.

Ce sombre tableau du caractère racial de l'inégalité aux États-Unis en toile de fond,


plusieurs exemples de brutalité raciste de la part de la police ont fait la une des
journaux. La plus frappante est la désormais célèbre vidéo du meurtre de George
Floyd, un homme noir accusé d'avoir utilisé de la fausse monnaie pour acheter un
paquet de cigarettes. Le monde entier a observé ce policier de Minneapolis
s'agenouiller, appuyant son genou sur le cou de Floyd pendant près de neuf minutes,
tandis qu'il criait qu’il ne pouvait pas respirer jusqu'à ce qu’il gise là, inerte, mort par
asphyxie. La vidéo, macabre et choquante, a suivi une longue série de vidéos
provenant du pays entier qui ont révélé, une fois encore, le danger d'être noir en
Amérique. Un homme de couleur, Ahmaud Arbery, a été assassiné alors qu’il faisait
son jogging en Géorgie, et une femme blanche, se disant menacée, a appelé la police
lorsqu'un ornithologue noir lui a demandé de mettre son chien en laisse à Central
Park, comme le veut pourtant la loi.

Ce sombre tableau du caractère racial de l'inégalité aux États-Unis en toile de fond,


plusieurs exemples de brutalité raciste de la part de la police ont fait la une des
Journaux.

Ces incidents de discrimination et de violence avérés se sont ajoutés aux conditions


dramatiques liées à la crise de santé publique et à la douleur économique généralisée,
déclenchant une réaction explosive. Les foules ont émergé par milliers à travers les
États-Unis, bravant le confinement pour protester contre le racisme et la brutalité
policière. Le mouvement Black Lives Matter, né en 2013 suite à l'acquittement d'un
homme blanc accusé du meurtre de Michael Brown, adolescent noir désarmé du
Missouri, a pris un nouvel essor alors que des manifestations nocturnes se
propageaient à travers le pays.

Si certaines manifestations se sont terminées par des actes de vandalisme et de


pillage, d'autres vidéos ont rapidement proliféré sur les réseaux sociaux, montrant
des altercations entre agents des forces de l'ordre et manifestants légitimes, ainsi que
des méthodes de plus en plus brutales et militarisées de contrôle des foules utilisées
à l'encontre des manifestants. Le président Trump a alors menacé de recourir à la
violence, se servant de Twitter pour faire écho au slogan notoirement raciste des
années 1960, "quand le pillage commence.

fusillade commence" ("when the footing starts, the shooting starts"). Le 1er juin,
alors qu'il s'adressait à la nation pour promettre une résolution des tensions au nom
de la loi et de l'ordre, il a autorisé l'utilisation de gaz lacrymogène lors d'une
manifestation non violente proche de la Maison Blanche. Cette même nuit, le maire
de New York a imposé un couvre-feu, après plusieurs nuits chaotiques au cours
desquelles la police a infligé des représailles lors de manifestations par ailleurs
largement pacifiques.

Les couvre-feux sont pourtant rares aux États-Unis : la dernière fois qu'un couvre-
feu officiel a été imposé à New York, c'était en 1943. La raison d'alors, comme la
raison d'aujourd'hui, est révélatrice. Le maire de New York, Fiorello La Guardia,
avait imposé un couvre-feu pour mettre fin aux manifestations à Harlem, provoquées
par la fusillade d'un soldat afro-américain par la police.

Le racisme et la brutalité policière sont aussi vieux que l'Amérique elle-même ; c'est
la trace de l'esclavage. Les manifestations de cette semaine ont cependant été
inhabituelles, de par leur diversité. La Ligue nationale de football, par exemple, a
reconnu qu'elle aurait dû soutenir plus tôt les protestations des joueurs contre le
racisme et les brutalités policières et a exprimé son soutien au mouvement Black
Lives Matter, tandis que Twitter a décidé d'ajouter un avertissement sur le tweet de
Trump car son message "incitait à la violence". Mais ces contestations trouvent
également un écho au-delà des États-Unis, notamment au Moyen-Orient. Les
nouvelles fortifications autour de la Maison Blanche ont incité un journaliste du New
York Times à affirmer que "le symbole universellement reconnu de la démocratie
américaine ressemble de plus en plus à une forteresse assiégée au cœur de la capitale
du pays, une version Washington de la zone verte qui a abrité les officiels américains
et irakiens à Bagdad pendant le pire de la guerre". Le Washington Post a par ailleurs
cité des responsables des services de renseignement de l'ONU, craignant que "les
troubles et la réponse militariste de l'administration ne soient parmi les nombreuses
mesures de dégradation qu'ils signaleraient en rédigeant un rapport sur les États-Unis
pour le service de renseignement d'un autre pays".

Au cours des décennies qui ont suivi, à partir des années 1970, les États-Unis ont en
effet connu une croissance spectaculaire de leur population carcérale, et ils ont
aujourd'hui le taux d'incarcération le plus élevé du monde, avec un détenu sur cinq.
La plupart des personnes incarcérées sont pauvres et détenues pour des délits
mineurs, mais ne peuvent pas payer leur caution. Le système de justice pénale
américain criminalise la pauvreté ; l'incarcération dans ce pays est à la fois une cause
et une conséquence du manque de ressources et des mauvaises perspectives d'emploi.
Et les personnes de couleur sont surreprésentées dans les prisons américaines. Les
Noirs américains, qui constituent 13 % de la population totale, représentent 40 % des
personnes incarcérées.

À cette augmentation de la population carcérale s'ajoute la militarisation du maintien


de l'ordre. Après le 11 septembre en particulier, les forces de police locales ont reçu
des uniformes et des équipements militaires supplémentaires (béliers, grenades,
véhicules blindés de transport de troupes ...), ce qui les incite à utiliser des armes et
des tactiques conçues pour le champ de bataille : on estime qu'au moins cinq cents
forces de police locales ont reçu du ministère de la défense des véhicules construits
pour résister à des bombes. La formation qui accompagne cet armement est connue
pour encourager les policiers à adopter une mentalité de "guerrier" et à considérer les
personnes qu'ils sont censés servir comme l'ennemi.
4. UN RACISME ANCRÉ DANS TOUTE LA SOCIÉTÉ

L'ampleur des manifestations « Black Lives Matter » à travers le monde, en réaction


au meurtre de George Floyd par un policier blanc à Minneapolis, est frappante. La
mort de cet homme noir asphyxié sous le genou du policier a suscité l'indignation
mondiale. Avec raison. Car elle est emblématique d'une discrimination contre les
personnes afro-américaines très ancrée dans la société américaine.

Chaque année, ce sont plus de mille personnes qui sont tuées par la police aux États-
Unis : deux fois plus de Noirs que de Blancs, alors que les personnes de couleur ne
représentent que 15% de la population américaine. On retrouve cette
surreprésentation également dans les prisons ou dans le couloir de la mort.

Personne ne devrait craindre pour sa vie en raison de la couleur de sa peau. Pourtant,


si vous naissez Noir aux États-Unis, vous aurez bien plus de risques de mourir sous
les balles de la police ou d'être condamné à mort pour un délit qui aurait valu une
peine de prison à un Blanc. La discrimination commence dès la naissance : les
femmes afro-américaines ont quatre fois plus de risques de succomber à des
complications liées à leur grossesse que les femmes blanches. Une disparité qui reste
fixe depuis plusieurs décennies.

La crise du coronavirus a également mis en évidence les discriminations raciales dans


ce pays : les populations afro et latino-américaines sont surreprésentées parmi les
personnes qui décèdent du Covid-19. Pauvreté, obésité, travail précaire, pas d'accès
à des soins en raison du manque d'une assurance maladie et impossibilité de se
confiner : tous les ingrédients sont réunis pour frapper davantage les minorités
raciales ou ethniques.

Seules des mesures actives de lutte contre la discrimination et des changements de


lois permettront aux États-Unis de faire des progrès. Une loi qui veut abolir le
profilage racial avait été proposée en 2001 et a été remise à l'ordre du jour du Congrès
l'an dernier. Les Noirs sont en effet régulièrement la cible d'interpellations et de
fouilles injustifiées et humiliantes, dans la rue ou dans des centres commerciaux, ou
encore d'abus physiques lorsqu'ils sont amenés au poste de police.

Il faut aussi que le Parlement adopte une loi pour limiter le recours à la force
meurtrière par la police. Dans certains États américains, les agents utilisent des armes
létales et peuvent tirer sans sommation. Les lois sont trop floues et ne limitent pas
l'usage des armes à feu aux cas de légitime défense ou pour protéger la vie de tiers.

On pourrait espérer que la mort de George Floyd serve de déclencheur à des réformes
profondes pour lutter contre le racisme aux USA. Cet espoir risque d'être douché par
la campagne électorale et par le président qui jette de l'huile sur le feu avec des
discours violents et discriminatoires.
Conclusion
Le mouvement n'en est peut-être qu'à ses débuts, mais ses effets sont déjà visibles
aux États-Unis. Les manifestations contre le racisme et les violences
policières déclenchées par la mort de George Floyd ont apporté une série de
changements dans le pays. Réponse d'autorités politiques, décisions de grandes
entreprises...

Les manifestants veulent faire changer les mentalités quant au traitement des Afro-
Américains. Mais même en cas d'alternance démocrate, peu croient à un changement
réel.
Table des matières
INTRODUCTION ............................................................................................................................................. 2
I. Généralités sur le racisme ................................................................................................................. 4
1. Qu’est-ce que le racisme ? ............................................................................................................ 4
2. Qu’est-ce que le racisme et la discrimination ethnique aux États-Unis ? ..................................... 6
3. Le racisme semble particulièrement ancré dans la société américaine. D'où vient-il ? ............... 7
4. Combien de temps faut-il pour qu'un pays vienne à jamais à bout de son histoire ? .................. 8
5. La police américaine est-elle raciste ?........................................................................................... 9
II. Les effets désastreux du racisme aux USA ...................................................................................... 11
1. Les Etats-unis face à leur racisme ............................................................................................... 11
2. Les inégalités raciales aux Etats-Unis, un problème persistant et un défi pour la classe
politique…………………………………………………………………………………………………………………………………………15
3. Violence raciale aux États-Unis répercussions mondiales .......................................................... 18
4. UN RACISME ANCRÉ DANS TOUTE LA SOCIÉTÉ ........................................................................... 23
Conclusion ................................................................................................................................................... 25

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