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mbition de définir et d’interpréter le populisme a engendré une littérature consi-

dérable, en augmentation sensible depuis au moins les années 1960 – bien avant la
puissante
vague de cette nature qui agite nombre d’États aujourd’hui et a mis au pouvoir des
leaders
populistes dans certains autres. Le moins qu’on puisse dire est que, malgré quelques
fulgurances analytiques çà et là, le brouillard conceptuel qui a longtemps prévalu sur le
sujet
n’est pas entièrement dissipé. Les raisons en sont que le périmètre des phénomènes
qu’on
peut ranger sous l’étiquette « populiste » est quelque peu incertain, et qu’à l’intérieur
de ce
périmètre leurs manifestations sont d’évidence très diverses. Une telle diversité, qui
tient
pour une part à leur sensibilité aux contextes des temps et des lieux, laisse peu
d’espoir de
pouvoir en traiter d’une manière qui les englobe toutes : les tentatives de
généralisation à
large bords historiques et géographiques semblent vouées à l’échec.1
On peut sans doute, de façon plus modeste, camper tout à la fois le paysage et le
problème sous forme idéal-typique, en précisant les conditions qui communément
président
à l’émergence et au développement de mouvements populistes, c’est-à-dire dirigés
contre les
(ou des) élites. De ce point de vue, quatre points retiennent l’attention. Le premier est
que de
tels mouvements ont partie liée avec la démocratie, ou à défaut avec la république :
sans
mécontentement de citoyens en grand nombre convaincus qu’ils sont dépossédés d’un
ou
plusieurs de leurs attributs légitimes, pas de populisme – seulement des protestations
ou des
révoltes de sujets, serfs ou esclaves ; le second, qu’ils émergent à la faveur d’une
conjoncture d’anomie qui se prolonge : sans dérèglement du jeu des institutions, pas
de
populisme non plus, puisqu’il serait alors privé de motifs immédiats de mobilisation, de
chances de soutien dans l’opinion, et de perspectives politiques ; le troisième, que ces
mouvements émergent soit par le bas (auquel cas leur colère est dirigée contre les
élites
gouvernantes, et leurs leaders sans beaucoup d’expérience politique préalable), soit
par le
haut (ce qui survient quand des partis de gouvernement soucieux de rester au pouvoir
instrumentalisent l’animosité populaire envers des élites économiques ou sociales
s’opposant
à leur action, ou envers des contraintes, gênantes pour eux, imposées de l’extérieur) ;
le
dernier, qu’emportés par la radicalité qu’ils opposent au dérèglement institutionnel, de
tels
mouvements peuvent se retourner contre les principes démocratiques ou républicains,
et
frayer la voie à des options autoritaires et liberticides dont ils sont parfois, sinon
souvent
(mais non toujours) porteurs

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