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2003 en France : Figure 3 - Évolution des moyennes estivales (du 1er juin au 31 août) des températures quotidiennes maximales
(haut), moyennes (centre) et minimales (bas) en France depuis 1950.
de la sécheresse
à la canicule La figure 1 présente l’évolution de la tem- pour les prévisions à moyen terme s’est
pérature quotidienne moyenne à Paris : il montrée particulièrement performante
Les précipitations d’octobre 2002 à jan- est particulièrement remarquable qu’elle (Gazzini et al., 2004).
vier 2003 ont permis un remplissage cor- dépasse le décile supérieur pendant douze
rect des nappes et des réserves en eau, jours consécutifs, du 4 au 15 août. La figure 2 illustre le fait que des tempé-
mais un temps faiblement perturbé dès ratures excédentaires ont été observées
février et des températures nettement au- La canicule a bien été prévue par dès le mois de mars. C’est le mois de juin,
dessus de la normale saisonnière en mars Météo-France, qui, outre les prévisions avec un écart de +4,7 °C par rapport à la
et avril ont favorisé la croissance de la habituelles, a communiqué vers le grand normale 1971-2000, qui enregistre l’ex-
végétation, entraînant une demande en public par l’intermédiaire de commu- cédent le plus important, suivi d’août
eau accrue, notamment dans les réser- niqués météorologiques de presse, (+4,4 °C) et juillet (+1,8 °C). L’été 2003
voirs superficiels. La sécheresse des sols compte tenu de l’ampleur de l’événement est le plus chaud jamais observé depuis le
s’est installée dès mars, réduisant ainsi prévu : le 1er août (mise en place de la début de la mise en place d’un réseau
très fortement l’évaporation, ce qui a eu canicule), le 7 août (poursuite pour d’observation en France. Il est bien plus
pour résultante une augmentation de la encore une semaine) et le 13 août (fin de chaud (de 1,7 à 2,7 °C) que les trois pré-
température près du sol ; cela constitue un l’épisode). En particulier, dans celui du cédents étés les plus chauds (1976, 1983
des volets de la rétroaction positive de 7 août, l’attention sur le risque sanitaire et 1994 pour la température maximale,
l’humidité des sols. De juin à août, la si- est explicite, en raison de la durée et de 1994 pour la température moyenne).
tuation s’est aggravée avec les fortes cha- l’amplitude prévues. Ces communiqués Mais, surtout, il est plus chaud pour les
leurs et l’absence de pluies. Sécheresse et de presse ont très largement été repris par températures minimales de 3,5 °C que la
canicule se sont alors conjuguées, et, dès tous les médias : télévision, presse écrite moyenne 1950-1980 et de 1,7 °C que
la mi-juillet, des incendies ont ravagé le et parlée. La prévision d’ensemble à 1994, le deuxième été le plus chaud
sud-est de la France. moyenne échéance du Centre européen (figure 3). Pour le trimestre estival juin-
juillet-août, un calcul de durée de
retour(1) fournit les valeurs suivantes pour
Figure 2 - Température moyenne mensuelle en France pour l’année 2003 (en rouge) calculée à partir des stations les températures :
représentatives des 22 régions économiques et comparée aux normales mensuelles (en jaune). – moyenne des températures minimales
et moyennes journalières : de l’ordre de
190 ans ;
Normale mensuelle – moyenne des températures maximales
TM mensuelle journalières : de l’ordre de 140 ans.
a b
a b
Figure 6 - Nombre de jours avec : a,température maximale (Tx) supérieure à 35 °C et b, température maximale (Tx) supérieure à 40 °C sur la période 1er au 18 août 2003
(pour les stations d’altitude inférieure à 500 mètres).
Illustration sur Paris tures minimales, maximales que – dans le domaine de la pollution, car
moyennes. Le seul record qui n’a pas aux pics d’ozone observés, particulière-
À Paris, où Météo-France dispose d’une été battu est celui du maximum absolu, ment forts et permanents pendant tout
série chronologique depuis 1873, on peut mais on a observé dans la région des l’épisode, est alors venu s’ajouter un pic
illustrer les propos précédents en étu- valeurs plus élevées, en particulier à de dioxyde d’azote ;
diant les séquences de jours consécutifs Saint-Maur (Val-de-Marne). – en diminuant la ventilation et en
où la température maximale a dépassé accentuant donc encore le risque de
les 35 °C. On note de telles séquences : Il faut insister particulièrement sur les 11 non-dispersion des polluants et de non-
en 1998 – quatre jours du 8 au 11 août – et 12 août qui sont deux jours tout à fait refroidissement du corps humain.
et en 1911 – cinq jours du 8 au 12 août. exceptionnels intervenant à un moment
Sur cette séquence de 1911, les valeurs où les conséquences cumulatives de la L’humidité relative, qui est reconnue
moyennes sont les suivantes : tempéra- canicule sont déjà très sensibles dans de comme un facteur aggravant de la cani-
ture minimale : 19,2 °C ; température multiples domaines. Le vent qui est cule, n’est pas ici un élément détermi-
maximale : 36,2 °C ; température devenu très faible en fin de période les nant, car l’humidité est restée
moyenne : 27,7 °C. 11 et 12 a eu également un double rôle : généralement faible.
La canicule
en Europe
La canicule de la première quinzaine
d’août a touché, mais dans une moindre
mesure en termes de pertes de vies
humaines, les pays voisins. La figure 7
illustre les régions d’Europe où la vague
de chaleur a été la plus prononcée par
rapport à leur propre climatologie.
L’impact sanitaire
Il existe, dans la mémoire collective
récente, des vagues de chaleur ayant
engendré une forte mortalité. À l’étran-
ger, les canicules qui ont suscité les plus
forts impacts médiatiques sont celles
ayant touché Chicago (739 décès sup-
plémentaires en juillet 1995 lors d’une
vague de chaleur de quatre jours, suite à
des températures ayant atteint 40,0 °C le
Tableau 2 - Synthèse des effets sanitaires de la vague de chaleur d'août 2003 en Europe de l’Ouest.
Pays Décès additionnels Température maximale la plus haute relevée
France 15 000 44,1 °C à Saint-Christol-lès-Alès le 12-08-2003, contre 44,0 °C à
Toulouse-Francazal le 08-08-1923.
Allemagne Plus de 2 000 40,2 °C à Karlsruhe le 09-08 et à Karlsruhe et Freiburg i. Br. le 13-08
(égalant le record de Gaermersdorf le 27-07-1983)(1)
Royaume-Uni 2 045 38,5 °C à Faversham (Kent) le 10-08 et 37,9 °C à l’aéroport de Heathrow
(ancien record : 37,1 °C à Cheltenham le 03-08-1990)
Italie 4 175 Le record de 46,2 °C (25-06-1982) n’a pas été battu. Le record pour les stations
actuellement existantes reste 45,4 °C (02-07-1998)
Espagne 141 46,2 °C à Cordoue le 01-08-2003, à comparer avec les 46,6 °C au même endroit
le 23-07-1995 et avec les 47,0 °C à Séville le 06-09-1946 (donnée plus discutable)
Portugal 1 316 (mais sans doute 47,3 °C à Amareleja le 1er août (ancien record : 46,5 °C
plus de 2 000) le 24-07-1995 au même endroit)
Belgique 150 38,6 °C à Aubange le 08-08 (ancien record : 38,4 °C à Ronquières le 06-07-1957)
Pays-Bas 1 000 à 1 400 37,8 °C à Arcen le 07-08, le record reste de 38,6 °C à Warnveld le 24-08-1944
Suisse Pas d’estimation 41,5 °C à Grono le 11-08-2003 (ancien record : 39,0 °C à Bâle)
(1) La température moyenne du trimestre estival juin-juillet-août 2003 a été estimée par le Deutsche Wetterdienst à 19,6 °C et sa durée de retour à 1 000 ans.
32 La Météorologie - n° 46 - août 2004
Figure 11 :
• courbe rouge : température quotidienne moyenne
en 2003 à Paris,
•courbe bleue : température quotidienne moyenne
en 2002 à Paris,
• histogramme rouge : nombre quotidien de décès
à Paris en 2003,
• histogramme bleu : nombre moyen quotidien
de décès à Paris sur la période 1999-2002.
(Source : Météo-France et Institut de veille sanitaire).
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