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Résumé - Cet article porte sur la genèse de l’expertise en sondages d’opinion en Argentine dans les
années 1980 et analyse les conditions sociales et politiques du succès de l’instrument à partir de 1983.
Son institutionnalisation est liée aux transformations des formes de perception et d’action politiques
ainsi qu’au succès des démarches des futurs sondeurs, qui ont proposé les sondages comme outil cogni-
tif et symbolique aux différents acteurs des espaces politique et journalistique lorsque débute le proces-
sus de « transition démocratique ». Il s’agira premièrement de montrer en quoi les changements
politiques qui affectent l’Argentine à partir de 1983 (fin de la dictature militaire, défaite du péronisme)
font partie des conditions de possibilité de l’institutionnalisation des sondages comme outil politique ;
deuxièmement, comment les experts-sondeurs ont contribué à la « modernisation » du champ politique
et, enfin, comment ils ont constitué un espace spécifique à la frontière des mondes politique, médiatique
et universitaire pour imposer la légitimité de leur instrument.
L
argement utilisée dans d’autres pays1, la technique des sondages n’est
que tardivement mobilisée en Argentine pour mesurer les opinions poli-
tiques des citoyens et leurs intentions de vote2. En effet, c’est à partir de
1983, à l’occasion des élections présidentielles qui se sont tenues après sept
années de dictature militaire, que son usage en politique s’est généralisé. Pour la
première fois, le parti péroniste perdait des élections auxquelles il pouvait parti-
ciper et débutait la « transition démocratique ». On pourrait ainsi croire que
l’introduction des sondages dans la politique argentine fait partie d’un proces-
sus de modernisation inévitable, qu’elle est liée à l’entrée de ce pays dans une
période démocratique enfin stabilisée après des années de gouvernements
défaillants vite interrompus par des coups d’État. Leur apparition dans le jeu
politique serait alors un indice de la volonté politique de donner voix à une opi-
nion publique étouffée par l’autoritarisme passé.
Rien n’est moins simple pourtant. D’une part, la technique des sondages
était déjà en cours en Argentine dans le domaine du marketing au moins depuis
les années 1960 et elle constituait un outil disponible bien avant 1983 pour ceux
qui voulaient disposer d’une information sur la concurrence politique et sur
l’état de l’opinion publique. D’autre part, les campagnes électorales antérieures
qui ont eu lieu après d’autres épisodes autoritaires auraient également pu cons-
tituer des moments propices à son usage dans les milieux politique et journalis-
tique3. Quelles conditions sociales et politiques expliquent alors son utilisation
récurrente et acceptée à partir de 19834 ?
1. Pour une histoire de l’introduction des sondages d’opinion en France, cf. Blondiaux (L.), La fabrique de
l’opinion. Une histoire sociale des sondages, Paris, Seuil, 1998 ; Champagne (P.), Faire l’opinion. Le nouveau
jeu politique, Paris, Minuit, 1990 ; sur le cas anglais, Worcester (R.), British Public Opinion. A Guide to the
History and Methodology of Political Opinion Polling, Oxford, Basil Blackwell, 1991. M. Offerlé analyse les
usages actuels des sondages en France dans son travail sur la politique dans ce pays : Sociologie de la vie poli-
tique française, Paris, La Découverte, 2004.
2. Je voudrais remercier tout spécialement Annie Collovald et Xavier Zunigo pour leurs commentaires qui
m’ont aidé à clarifier les arguments de ce papier.
3. Par exemple, le parti péroniste a chargé une entreprise d’études de marketing de réaliser un sondage lors
des élections présidentielles de 1973 qui a été publié dans le journal La Opinion (6 février 1973) dans une
petite colonne de la huitième page.
4. Cet article repose sur une enquête réalisée entre 2001 et 2003 sur l’introduction des sondages d’opinion
et d’intention de vote en Argentine (Les sondages d’opinion et la dynamique de l’espace de la communication
politique en Argentine, depuis le début de la transition démocratique, Mémoire de DEA de sociologie, EHESS,
Paris, 2004). Plusieurs techniques de recueil de données ont été utilisées. Nous avons interviewé : des lea-
ders de parti qui participent activement à la vie politique nationale et qui ont eu une activité politique pen-
dant les années 1980, des journalistes politiques spécialisés travaillant avec des sondages d’opinion et les
principaux experts argentins en opinion publique. Parmi ces derniers, l’enquête s’est concentrée sur trois
notables de l’expertise (propriétaires ou directeurs d’instituts de sondages) qui ont des liens politico-parti-
sans, des investissements académiques et qui interviennent fréquemment dans les médias en tant
qu’experts de l’opinion publique : Julio Aurelio, Edgardo Catterberg et Manuel Mora y Araujo. Ils peuvent
être considérés, avec trois autres notables que nous n’évoquerons pas dans cet article, comme des « pères
fondateurs » des sondages en Argentine. Des sources journalistiques ont également été mobilisées pour
analyser les campagnes électorales des présidentielles de 1983, 1989, 1995 et 1999, des législatives de 1985 et
1987 ainsi que les interventions médiatiques des sondeurs. Nous avons travaillé sur des articles de presse
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Nous montrerons que l’utilisation des sondages est tout d’abord liée à des
transformations dans les façons d’interpréter et de percevoir l’activité politique
et sa relation aux citoyens qu’a entraînées la défaite du péronisme en 1983. Évé-
nement aussi inattendu qu’inédit tant la victoire du péronisme semblait natu-
relle, celle-ci a créé un climat d’incertitude politique favorable à l’acceptation
d’un instrument dont les mesures apparemment objectives et scientifiques
d’une opinion devenue soudainement versatile paraissaient susceptibles de
redonner des points de repères fiables à l’action politique. Mais pour transfor-
mer cette introduction en institutionnalisation réussie, les promoteurs des son-
dages ont dû également convertir hommes politiques et journalistes à l’instrument
en les convainquant de son intérêt pour leur domaine d’activités respectif : des
sociologues « multipositionnés » cumulant une expérience à la fois dans le
milieu du marketing et dans le monde universitaire ont alors, par des démar-
ches actives à partir de 1983, travaillé à faire admettre à ces différents acteurs les
sondages comme des outils cognitifs et symboliques nécessaires. Ces sociolo-
gues vont devenir progressivement des sondeurs à plein-temps, mais selon des
modalités telles que leur professionnalisation n’ira pas sans remettre en cause
les fondements de leur autorité spécifique. L’Argentine représente ainsi un cas
de figure qui donne à voir comment des techniques d’enquête (en l’occurrence
les sondages) entrent dans le jeu politique, se transforment en armes de la lutte
politique tout en participant à des changements à la fois pratiques et mentaux
qui consolident un régime pluraliste de démocratie libérale.
Comment les sondages apparaissent-ils comme la mesure d’une nouvelle
forme de demos5 dans un contexte de mutation des principes de perception (et
donc d’action) du jeu politique argentin ? Comment s’accomplit le travail de
promotion de l’instrument par ceux-là mêmes qui vont en devenir les experts 6 ?
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Quelles tensions cela fait-il naître au sein de leur groupe professionnel et entre
celui-ci et les milieux politiques et journalistiques ? Ces questions vont organiser
notre démonstration.
7. Cf. Aboy Carlés (G.), Las dos fronteras de la democracia argentina. La reformulación de las identidades
políticas de Alfonsín a Menem, Rosario, Homo Sapiens, 2001. Nous utilisons la notion de « national-
populaire » car il nous semble qu’elle pose moins de problèmes conceptuels et historiques que celle de
« national-populisme ». Cette dernière renvoie en effet à un vaste débat sur la catégorie de populisme et sur
sa réalité en Amérique latine. Avec la notion de « national-populaire » nous faisons référence aux caracté-
ristiques des mouvements politiques structurés autour de la notion de peuple comme sujet privilégié
– porteur de l’avenir collectif – et à celle de nation comme limite marquant les principaux clivages. La
conception national-populaire est ainsi une manière de construire les groupes et leur représentation qui
diffère des conceptions classistes et des conceptions individualistes. Sur le national-populaire et le popu-
lisme Martucceli (D.) et Svampa (M.), La plaza vacía. Las transformaciones del peronismo, Buenos Aires,
Losada, 1997.
8. Voir Rock (D.), El radicalismo argentino, Buenos Aires, Amorrortu, 1977.
9. Voir les thèses fondatrices de Germani (G.) : « El surgimiento del peronismo : el rol de los obreros y de
los migrantes internos », Desarrollo Económico, 51, 1973 ; ainsi que les travaux de Murmis (M.), Portan-
tiero (J. C.), Estudios sobre los orígenes del peronismo, Buenos Aires, Siglo XXI, 1973-1974 ; Del Campo (H.),
Sindicalismo y peronismo. Los orígenes de un vínculo perdurable, Buenos Aires, CLACSO, 1983.
10. Torre (J. C.), Los sindicatos en el gobierno, Buenos Aires, CEAL, 1989 ; De Riz (L.), Retorno y derrumbe.
El último gobierno peronista, Buenos Aires, Hyspamérica, 1986.
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En 1983, l’Argentine renoue avec des élections libres, sans aucune restric-
tion11. La défaite électorale inédite du péronisme marque, entre autres, le début
des transformations des catégories de perception du jeu politique et des certitu-
des antérieures partagées par les acteurs politiques et par les journalistes chargés
de « couvrir » l’actualité. Depuis sa création en 1945, le péronisme incarne, en
effet, une majorité dotée d’une forte assise populaire construite autour de l’idée
de peuple comme unité organique. Le rassemblement des travailleurs sur la
Plaza de Mayo (la place principale de la ville de Buenos Aires) le 17 octobre
1945, pour exiger la libération de J. D. Perón, emprisonné par le gouvernement
militaire de l’époque, représente le mythe fondateur du péronisme12. Le leader
continuera à utiliser la mobilisation sur la Plaza de Mayo pour reproduire le
dispositif de légitimité du mouvement, montrer le poids politique du péro-
nisme et constituer le peuple péroniste en réalité concrète, à la fois expérience
partagée et fondement de l’autorité du leader. Le « peuple péroniste », invoqué
par le leader, se matérialisait ainsi dans ces rencontres13. Mais le péronisme n’a
pas joué seulement comme mouvement politique. Il a contribué à forger, dans
la tête des observateurs et acteurs politiques, des indicateurs pratiques permet-
tant d’estimer les forces en présence. Nombre de participants aux meetings, his-
toire électorale du pays (concrètement l’histoire du péronisme comme parti
majoritaire et vainqueur systématiquement quand il peut se présenter aux élec-
tions) et composition sociale des meetings - puisque « les travailleurs » incar-
nent la forme sociale du peuple, l’estimation de leur participation aux
manifestations renseigne sur la popularité de chaque meeting – sont les critères
traditionnels servant aux évaluations. Lors de la campagne présidentielle de
1983, ce sont eux qui sont mobilisés par les interprètes politiques pour pronos-
tiquer la victoire du péronisme. La débâcle électorale de celui-ci va signer leur
impuissance nouvelle à prédire l’état du jeu politique et le vainqueur éventuel.
Les experts en sondages ont eux au contraire souligné que l’Unión Cívica Radical
pouvait l’emporter. Leurs prévisions se révéleront les plus justes14.
On comprend combien ainsi la défaite du péronisme a joué un rôle impor-
tant dans le bouleversement des catégories de penser et d’agir politiquement en
affaiblissant considérablement les indicateurs politiques traditionnels, qui
étaient partagés par les hommes politiques et les journalistes. Le résultat des
élections présidentielles a mis en question non seulement la force historique du
11. Sur le processus de « transition démocratique » en Argentine et en Amérique latine en général, voir
l’ouvrage classique de O’Donnell (G.), Schmitter (P.C.), Whitehead (L.), eds., Transitions from Authorita-
rian Rule : Prospects for Democracy, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1986.
12. Torre (J. C.), dir., El 17 de octubre de 1945, Buenos Aires, Ariel, 1995 ; Sigal (S.), Verón (E.), Perón o
muerte : Los fundamentos discursivos del fénomeno peronista, Buenos Aires, Hyspamérica, 1988.
13. E. De Ipola a analysé le dispositif politique péroniste constitué autour des meetings à la Plaza de Mayo
(De Ipola (E.), « Desde estos mismos balcones », in Torre (J. C.), dir., El 17 de octubre de 1945, op. cit.
14. Les radicaux font d’ailleurs discrètement la promotion des chiffres produits par ces sondages.
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15. La notion de tradition est définie par R. Williams comme étant une construction sélective : « À partir
d’une surface totale possible du passé et du présent, à l’intérieur d’une culture particulière, certains sens et
pratiques sont sélectionnés et mis en relief alors que d’autres sens et pratiques sont refusés ou exclus »
(Williams (R.), Marxismo y literatura, Buenos Aires, Península-Biblos, 2000 [1977], p. 138).
16. Des dirigeants « traditionnels » défendront les traditions antérieures et analyseront les résultats des
élections de 1983 comme une anomalie appelée à disparaître rapidement. On peut comprendre de cette
manière le discours de Herminio Iglesias, dirigeant traditionnel du péronisme de la province de Buenos
Aires qui a joué un rôle important lors de la campagne électorale de 1983. Après l’échec, ses propres cama-
rades, dans le cadre des luttes internes au parti, le désigneront comme l’un des principaux responsables de
la défaite. A l’époque candidat au gouvernement de cette province, il a déclaré, après le scrutin : « Le péro-
nisme est majoritaire même en perdant les élections, parce que l’on a obtenu 42 % et tous savent que le
radicalisme, de monsieur Alfonsín, n’a pas 52 %. Ici tous les partis ont disparu. Je ne sais pas si cela a été
leur stratégie, mais ça a été arrangé, parce qu’il est bizarre que le docteur Alende [candidat du parti Intran-
sigente] obtienne 2 % des voix, et la démocratie chrétienne 1 % » (La Nación, 2 novembre 1983). Cepen-
dant, avec la victoire du groupe dit « la Rénovation », des dirigeants de toutes les provinces du pays
excluront progressivement de la direction du parti ces leaders et les leaders syndicaux orthodoxes, ce qui
entraînera un changement dans les pratiques et les discours partisans : l’idée de démocratie se verra alors
valorisée. Voir Levitsky (S.), Transforming Labor-Based Parties in Latin America. Argentine Peronism in
Comparative Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 2003. On peut par ailleurs suivre les
analyses de D. Gaxie sur la IVe République afin de comprendre que l’institution des sondages comme outil
politique n’est pas due à sa force intrinsèque entant que technologie mais aux transformations des
« propriétés des champs et des marchés politiques », tant au niveau des formes d’organisation politique
qu’au niveau des perceptions du jeu. C’est en vertu d’un nouvel état des pratiques et des perceptions politi-
ques que les sondages sont apparus comme des outils utiles (Gaxie (D.), « Les structures politiques des ins-
titutions. L’exemple de la Quatrième République », Politix, 20, 1992).
17. Aboy Carlés (G.), Las dos fronteras de la democracia argentina, op. cit. ; Landi (O.), El discurso sobre lo
posible. La democracia y el realismo político, Buenos Aires, CEDES, 1985.
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18. Sur le sujet, cf. l’introduction aux Actes du colloque du CRESAL, Situations d’expertise et socialisation
des savoirs, Saint-Etienne, 1985 ; cf. également Saurugger (S.), « L’expertise, un mode de participation des
groupes d’intérêt au processus décisionnel communautaire », Revue française de science politique, 52, 2002.
19. B. Campbell a montré, dans le cas des débats experts en sciences de la nature, que l’incertitude n’est pas
seulement la cause mais aussi le résultat du travail des acteurs, qui s’en servent comme ressource argumen-
taire (Campbell (B.), « Uncertainly as Symbolic Action in Disputes among Experts », Social Studies of
Science, 15, 1985).
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des liens avec les partis et les organisations intermédiaires. L’indécis, quant à
lui, renvoie au citoyen en tant que votant : incarnant ceux qui restent toujours à
convaincre, cette figure est la personnification de l’incertitude et la cible privilé-
giée des partis en période électorale. Si l’indépendant est une figure mobilisée
historiquement plutôt par les partis de droite20, toujours en attente de la défaite
du péronisme – mouvement perçu comme irrationnel et manipulateur de la
« foule » –, l’indécis ne peut apparaître, de manière quantifiable, qu’à partir de
l’usage des sondages d’opinion.
L’analyse des archives de presse met en évidence le recours de plus en plus
intensif à ces deux figures par les acteurs et observateurs politiques. Si en 1983 les
forces de droite et de centre-droit les invoquent fréquemment dans leurs dis-
cours, il faut attendre les élections présidentielles de 1989 pour que leur emploi
se généralise (notamment par l’Unión Cívica Radical, afin de lutter contre la
perspective d’échec face au candidat péroniste Carlos Menem). Par l’appel aux
indécis, le candidat radical Eduardo Angeloz essayait aussi de s’éloigner de son
parti, discrédité par une conjoncture de crise inflationniste. Il déclarait par
exemple à l’occasion d’un entretien publié par Clarín : « Vous votez au-dessus
des partis politiques, vous ne votez pas pour ou contre Alfonsín, vous votez pour
Menem ou pour Angeloz […]. Je sais que vous êtes un indécis, je sais que vous
vous exprimez dans les sondages, je sais que ces sondages nous parlent de vos
angoisses, de vos frustrations, de vos peurs, ou de vos songes21 » (25 mars 1989).
Ces deux figures ont trouvé une expression politique puissante dans la
notion de gente. Remplaçant progressivement celle de peuple, elle apparaît dans
les discours politiques et journalistiques à la fin des années 1980 comme une
nouvelle appellation du sujet de la représentation démocratique : la gente est
une manière de nommer le demos qui montre la difficulté à l’incarner dans cer-
taines institutions ou dans certains événements, comme le peuple était incarné
dans le péronisme et lors des meetings de la Plaza de Mayo22. L’extension de
l’usage de ces catégories politiques dans les principaux partis de tradition national-
20. Ainsi, en 1983, Francisco Manrique, candidat à la présidence de l’Alliance fédérale et ancien dirigeant
de la droite argentine, oppose comme indicateur pratique de la lutte électorale l’existence d’une « majorité
silencieuse » au poids du nombre de participants aux meetings : « Nous sommes en train de vivre un grand
tournoi politique qui ne tourne pas autour des idées mais qui est centré sur la mobilisation massive de par-
ticipants aux meetings […] Cette bruyante accumulation de possibles votants ne peut pas dissimuler qu’il
existe un grand spectre de volontés, celles qui sont la vraie majorité et qui déterminent les élections. Il s’agit
de la majorité silencieuse, ils sont les indépendants qui ne se laissent pas encadrer par des démonstrations
bruyantes » (La Nación, 11 octobre 1983) [C’est nous qui soulignons].
21. Le sondeur H. Muraro écrit ainsi dans un rapport destiné au comité de campagne péroniste de
l’époque : « Dans la présente campagne préélectorale (1989), les spéculations autour des indécis ont trouvé
une intensité et une magnitude jamais enregistrées auparavant (même pas en 1983) » (Muraro (H.), Poder
y comunicación, op. cit., p. 94).
22. L’affinité de la catégorie de la gente avec d’autres formes du demos comme le peuple, réside par ailleurs
dans le fait qu’en espagnol, à la différence du français, c’est un nom singulier qui réunit un ensemble de
personnes.
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populaire a lieu, en grande partie, à partir du travail des experts avec qui ils
entretenaient des liens. Outre les sondages, ces experts leur offrent toute une
série d’interprétations pour organiser l’action politique.
Les premières interventions des sondeurs dans les journaux nationaux per-
mettent de saisir le répertoire de significations de cette nouvelle période politi-
que où les sondages sont appelés à devenir des boussoles et des miroirs de la
gente et de ses deux figures d’électeurs. Ainsi, lors de la campagne électorale de
1983, l’un des pères fondateurs de l’expertise, le sociologue Manuel Mora y
Araujo23, écrit fréquemment dans le journal de droite La Nación – deuxième
quotidien national – pour expliquer, à partir de certains postulats de la sociolo-
gie fonctionnaliste, l’idée d’une rupture du lien entre les citoyens et les partis et
l’apparition des indépendants et des indécis. Un article intitulé « L’indécision et
la démocratie » est en ce sens éclairant :
« Le système électoral argentin exhibe de nos jours – peut-être plus que jamais –
des attributs d’un système libre et pluraliste, c’est-à-dire d’un vrai “marché élec-
toral”. Il est encore loin de les avoir pleinement atteints, mais il semble qu’il se
déplace dans cette direction. […] Le vote capté de fait par la mobilisation mas-
sive semble être en train de diminuer. De plus en plus d’individus raisonnent et
décident de leur vote. […] Le grand nombre d’indécis que l’on trouve aujourd’hui
révèle, d’une certaine manière, que ce processus qui n’a pas pu encore avoir lieu
dans les faits, historiquement, est en train d’avoir lieu dans les têtes de beaucoup
de citoyens […]. L’indécision n’est pas autre chose que la manifestation d’une
demande électorale insatisfaite. […] Le fait qu’il y ait des citoyens qui raisonnent
et décident autrement que comme les hommes politiques le voulaient n’est plus
un problème du système mais un problème des partis et de leur capacité de sus-
citer des offres plus attractives. » (26 septembre 1983) [c’est nous qui soulignons]
23. M. Mora y Araujo, sociologue de l’Université de Buenos Aires, est peut être la figure la plus prestigieuse
parmi les sondeurs. Faisant partie des premières générations de sociologues argentins, il fait un master en
sociologie à la Faculté latino-américaine de sciences sociales au Chili en 1963. M. Mora y Araujo travaille
ensuite pour l’entreprise Socmerc, dont il sera le directeur et avec laquelle, à partir de mai 1983, il réalise
une série de sondages préélectoraux appelée « baromètre électoral » qui lui permet d’être parmi ceux qui
ont fait de bonnes prédictions du résultat des élections.
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Il faut attendre l’édition de Somos qui suit le scrutin de 1983 pour que soient
défendus ouvertement et définitivement les sondages d’opinion comme outil
de lisibilité du monde social et, plus spécifiquement, des préférences des
citoyens. Près de trois pages de l’hebdomadaire sont dédiées au nouveau pro-
duit journalistique, et notamment au scoop obtenu à partir de l’utilisation des
sondages. L’article est intitulé « Nous l’avons pronostiqué » et les éditeurs
affirment : « Depuis les premiers moments, les sondages de SOMOS et A&C
ont montré le phénomène Alfonsín et ont prédit son triomphe ». Cette célébra-
tion du nouvel outil contraste avec la méfiance affichée par le journal pendant
la campagne lorsque ses propres chiffres donnaient vainqueur le candidat radi-
cal. Tous les doutes et les hésitations d’avant scrutin sont oubliés. En fait,
l’enseignement que l’hebdomadaire veut donner aux lecteurs est aussi un ensei-
gnement pour lui-même : « Parmi d’autres choses, qu’est-ce que ces élections
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ont démontré ? Que les sondages d’opinion servent […] mais, encore plus :
depuis le tout début ils ont visé juste. Maintenant, à la lumière des résultats des
élections, on voit qu’ils étaient une feuille de route raffinée de la carte politique
nationale. » L’image de la boussole, qui guide et oriente, apparaît déjà dans les
premières publications des sondages. L’idée de changement d’époque, d’un
espace politique bouleversé qui doit être ordonné au moyen des nouveaux ins-
truments, d’une route qui nécessite de nouveaux instruments de navigation
pour s’y engager, formera le noyau des raisons que les acteurs se donneront
pour justifier l’utilité de cette technique d’enquête24. Progressivement, après les
élections de 1983, les sondeurs seront engagés par les administrations publi-
ques, par les élus, par les comités de campagne des candidats ou des partis afin
de fournir des données sur « ce que la gente veut25 ». Ils seront à la fois des pour-
voyeurs de données et des analystes, les deux rôles pouvant être ou non joués
par le même expert.
24. À la même époque que Somos, l’hebdomadaire Mercado – adressé aux entrepreneurs et aux profession-
nels du marketing – publie des sondages et surtout des analyses de M. Mora y Araujo. Au fur et à mesure
que la date du scrutin s’approche d’autres journaux généralistes publient également des sondages, comme
La Nación, Ambito Financiero, La Prensa, Tiempo Argentino et les hebdomadaires Gente, Argumento Político
et La Semana. Cf. Cordeu (M.) et al., Peronismo. La mayoría perdida, op. cit., p. 96-97. Dans les journaux
étudiés, Clarín et La Nación, l’apparition des sondages n’est pas en 1983 au centre des formes de lecture de
la compétition électorale. Le cas de Clarín est en ce sens éclairant puisqu’il sera l’un des journaux qui utili-
sera le plus l’instrument dans les années suivantes, tout en créant sa propre entreprise de production de
sondages à la fin des années 1980. En 1983, il ne publie pas de sondages. Au contraire, La Nación donne
une importance un peu plus grande aux enquêtes d’opinion, qui demeurent cependant toujours des indi-
cateurs secondaires.
25. Par ailleurs, toute une série de nouvelles techniques de communication en vigueur dans d’autres pays
seront utilisées par les comités électoraux des partis pour améliorer la présentation de soi des candidats.
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pour appliquer son expérience à la politique argentine. Il fait ainsi l’un des
sondages qui pronostique la victoire radicale.
Les difficultés pour obtenir des ressources économiques afin de réaliser un
sondage préélectoral, pour trouver des interlocuteurs intéressés par l’instru-
ment et la faible répercussion de l’enquête dans le milieu journalistique mon-
trent que l’importation de l’expertise n’est pas une entreprise aisée28. Julio
Aurelio sera d’ailleurs contraint de financer une partie du travail :
« La campagne électorale de 1983 a été la première dans laquelle nous avons fait
un travail très important parce qu’en fait ça a été l’un des rares travaux sur l’opi-
nion publique […]. [Question : Ce travail a été publié ?] Il a eu une publication
restreinte, c’est-à-dire qu’il n’a pas été édité. Il y avait des présentations publi-
ques des conclusions du travail peu avant les élections. Il était connu plutôt par
les protagonistes politiques de l’époque, les candidats présidentiels, autant
Alfonsín [radical] que Lúder [péroniste] et quelques personnes liées à d’autres
forces politiques […]. [Question : Qui avait commandé l’étude : les forces politi-
ques ou d’autres groupes ?] Cette étude a été faite en vérité avec un ensemble de
soutiens de dernière minute parce qu’on a décidé de la faire, en fait, lors de mon
séjour ici pendant les vacances, les vacances d’été d’Espagne à la fin d’août. À ce
moment-là, en raison du climat électoral, […] avant de partir, m’ont proposé de
faire cette étude, d’une part des groupes liés à la campagne du péronisme,
d’autre part des entrepreneurs, une fondation aussi, qui était lié à l’Association
des banques de l’Argentine. De toute façon, j’ai fait pour mon propre compte
une partie importante, parce que j’étais très intéressé, il s’agissait de la première
opportunité d’étudier la campagne électorale. [Question : Et les péronistes s’enga-
geaient dans des études de ce type ? Parce que l’on dit qu’ils étaient assez rétifs, les
candidats disaient : “Les sondages ne mesurent rien”…] À l’époque les sondages
n’avaient pas la considération qu’ils ont aujourd’hui. Effectivement, il y avait
beaucoup de gens qui ne se sont pas aperçu des urgences… tant le péronisme
que d’autres forces politiques, ils accordaient beaucoup plus d’importance au
feeling qu’ils avaient directement avec la situation, comme conséquence des
meetings et de… le péronisme avait fait des meetings importants mais le radica-
lisme aussi […]. [Question : Et dans le milieu journalistique, ils connaissaient ce
sondage ?] Pas beaucoup, pas beaucoup. [Question : À l’époque ce n’était pas…]
Non, non, il n’y avait pas de publication. » (entretien avec Julio Aurelio).
28. En raison de ses relations, J. Aurelio a cherché des alliés dans le parti péroniste, son travail étant de plus,
selon lui, une contribution à la campagne du parti. Selon les témoins de l’époque, les hommes politiques
péronistes n’étaient prêts à investir ni leur temps ni leur argent dans les sondages, comme en témoigne le
récit de la rencontre entre l’un des principaux dirigeants du péronisme, Antonio Cafiero, et J. Aurelio : ce
dernier s’est présenté dans le bureau de Cafiero pour demander un rendez-vous ; Cafiero, « par politesse »,
lui a concédé « cinq minutes » (Cordeu (C.) et al., Peronismo. La mayoría perdida, op. cit., p. 164).
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C’est alors que les soutiens financiers permettent d’entreprendre une activité
professionnelle économiquement viable. Comme le montre Silvio Waisbord 29,
les conseillers qui commencent à entourer les candidats sont des hommes pro-
ches des partis. Julio Aurelio ne fait pas exception à la règle. Après avoir parti-
cipé à la campagne du péroniste Antonio Cafiero, il devient son conseiller
lorsqu’en 1987 ce dernier remporte les élections au poste de gouverneur de la
province de Buenos Aires30. Le sondeur devient ainsi l’un des experts officiels
de ce parti : l’année suivante, lors des élections internes pour élire le candidat à
la présidentielle de 1989, Julio Aurelio déclare dans un entretien au journal La
Nación : « Quel que soit celui qui gagne “l’interne” du 26 juin, le 27 au matin je
travaillerai encore pour le parti » (La Nación, 26 août 1988). Cependant,
contrairement aux affirmations de Silvio Waisbord, le rôle des experts ne se
confond pas avec celui des militants. Certes, Julio Aurelio travaille pour le parti
avec lequel il est identifié politiquement, mais il le fait depuis une position qui
se veut technique, comme l’atteste cette auto-définition :
« Mon boulot spécifique dans la campagne de Cafiero est de travailler pour har-
moniser les propositions du candidat avec les attentes de la gente, ce qui souvent
est assez difficile. Des fois, je recueille des données de la société qui contredisent
la logique interne du parti et alors ma mission est un peu plus compliquée.
Néanmoins, précisément, l’un des apports qu’un expert peut faire dans ce
domaine est d’aider à rendre moins sectaire le parti dans lequel il est investi. Je
n’utilise jamais des chiffres idéologisés, mais j’essaie d’offrir une vision objective
des attentes des adhérents et de la société en général. » (La Nación, 26 août 1988)
Si à l’époque Julio Aurelio doit, à l’instar d’autres sondeurs, être considéré
comme un expert péroniste plutôt que comme un militant, la tension entre
l’expertise et l’engagement partisan se manifeste de plus en plus dans les années
suivantes. En effet, les sondeurs se présenteront moins comme des hommes
proches des partis que comme des experts capables d’avoir un regard objectif
sur la politique et sur le monde social : la prétention à l’objectivité et à une
représentation technique de la gente paraît d’autant plus légitime qu’elle est
soutenue par la justesse des pronostics.
Le cas d’Edgardo Catterberg est assez différent de celui de Julio Aurelio. Il
partage avec lui le passage par une formation en sociologie, cette fois à l’Université
80
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de Buenos Aires. Faisant partie des sociologues influencés par les sciences socia-
les américaines, il part aux États-Unis pour faire un doctorat en science politi-
que à l’Université de Caroline du Nord où il approfondit ses connaissances en
matière d’enquête empirique. À partir de 1980, il travaille pour l’Institut de psy-
chologie sociale appliquée (IPSA), une entreprise d’études de marché et d’opi-
nion publique créée en Argentine en 1959. Ce travail lui permet d’arriver en
1983 avec une certaine expérience dans le domaine des études d’opinion. En
effet, comme professionnel de l’entreprise, il mène au moins quatre enquêtes
quantitatives et une qualitative sur le sujet. En 1983, Edgardo Catterberg fait
partie d’une équipe de publicitaires et de sondeurs en travaillant comme conseiller
(gratuitement à l’époque) pour la candidature de Raúl Alfonsín (Unión cívica
radical). Il s’agit là de la première expérience de participation systématique des
experts dans la campagne de l’un des partis majoritaires31. Même si certains
courants du radicalisme sont intéressés par la possibilité de mesurer les opi-
nions par les sondages, les clients continuent cependant à être plutôt des entre-
prises privées. Toujours comme sondeur d’IPSA, Edgardo Catterberg fait ainsi
l’un des sondages pronostiquant le triomphe radical.
Après les élections de 1983, il crée sa propre entreprise de sondages tout en
combinant cette activité avec la direction du Secrétariat d’information publi-
que, dépendant de la présidence de la nation. Bien qu’ayant pour fonction de
fournir des informations sur l’opinion publique au gouvernement, le budget du
bureau est limité32. Dans les années 1980, il travaille ainsi à la fois dans la fonc-
tion publique et dans l’entreprise privée, avec María Braun, autre sociologue de
l’Université de Buenos Aires, également experte d’IPSA, qui sera à partir de
1995 la directrice de la filiale argentine de la société anglaise de sondages Mori.
Comme Julio Aurelio, Edgardo Catterberg devient un homme de confiance de
son parti, et c’est à partir de ces liens qu’il peut faire progressivement entrer
l’utilisation des sondages dans le gouvernement et dans les comités de campagne
radicaux.
La deuxième stratégie des sondeurs consiste à convaincre et à « éduquer » les
journalistes politiques en leur montrant en quoi les sondages – parce qu’ils produi-
sent des informations exclusives – peuvent devenir des produits journalistiques.
31. Lors de la campagne électorale de 1973, le parti de droite Nueva fuerza avait aussi fait une campagne
« moderne » en utilisant des technologies de publicité politique.
32. La nomination du personnel du nouveau gouvernement radical est l’occasion de l’entrée de certains
sociologues dans l’administration publique. Ils sont chargés d’étudier la nouvelle société de la transition
démocratique ainsi que les effets des politiques publiques que le gouvernement envisage d’entreprendre.
Cette nouvelle position des experts favorisera une commande plus fréquente de sondages à des entreprises
privées. Les postes obtenus par certains sondeurs dans le gouvernement radical de R. Alfonsín n’indiquent
pourtant pas une « consécration » des sondages. Les experts travaillent plus comme des auxiliaires techni-
ques de l’administration que comme de vrais experts c’est-à-dire, dans le sens que nous donnons au terme,
comme des intervenants dans la lutte symbolique de la communication politique pour la définition du
monde social ayant une certaine autonomie à partir de la mobilisation de formes techniques de connaissance.
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33. L’analyse de la publication de sondages dans la presse pendant les campagnes électorales permet de voir
comment progressivement, à partir des années 1980, ils sont placés au centre de l’information sur la com-
pétition. Dans les journaux analysés, il y a un déplacement progressif de la présentation des chiffres des
pages périphériques aux pages principales, jusqu’à la une dans les années 1990. Une pratique commune se
constitue, qui consiste à publier périodiquement, les mois précédents le scrutin, des « sondages exclusifs »
révélant les préférences changeantes de la gente. Ces sondages sont parfois comparés aux « exclusivités »
antérieures publiées par le journal, représentant ainsi des principes journalistiques de lecture de la compé-
tition.
34. Cf. Abbot (A.), The System of Professions. An Essay on the Division of Expert Labor, Chicago, The Uni-
versity of Chicago Press, 1988.
35. Cette revue est « la bible nord-américaine de l’industrie électorale » selon S. Waisbord (El gran des-
file…, op. cit., p. 71).
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des expériences. Les sondeurs argentins vont ainsi participer aux associations
internationales liées à l’activité, comme la World Association For Public Opi-
nion Research (WAPOR) et l’Association latino-américaine de conseillers poli-
tiques (ALACOP), à la création de laquelle ils ont beaucoup contribué.
44. La dimension « artistique » de la discipline, selon les mots d’un sondeur interviewé, est par ailleurs une
manière de manifester la clôture de l’espace de l’expertise à un groupe réduit de sondeurs qui ont à la fois
de l’expérience, des savoirs et des capacités « extraordinaires ».
45. Le contrat de propriété des sondages entre sondeurs et hommes politiques ne garantit pas seulement la
confidentialité des chiffres. Il garantit aussi que les sondeurs, même les plus indépendants et les moins liés
aux partis, respecteront les intérêts de leurs commanditaires.
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Gabriel VOMMARO est doctorant à l’EHESS Ses recherches portent sur la culture et les
(CSE), où il a obtenu un DEA. Il a par ailleurs pratiques politiques en Argentine depuis le
obtenu un Master de recherche en sciences début de la transition démocratique, le rap-
sociales à l’Université de Buenos Aires où il port entre les médias et le politique, les
a enseigné la théorie sociale et la théorie configurations, les réseaux et les espaces
politique. Il est actuellement enseignant- de sociabilité politique et le rapport entre
chercheur à l’Université de Général Sar- sciences sociales et expertise.
miento (Institut du développement humain,
Département d’études politiques).
gvommaro@yahoo.com.ar
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