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Le corps de l’analyste1

« Le sujet de l’inconscient ne touche à l’âme que par le corps »


J. Lacan, Télévision

Intervenir sur le corps de l’analyste, voilà une opération délicate… Espérons qu’elle ne
soit pas trop douloureuse!
Depuis le « transfert d’affect »2 (Ferenczi) ou d’ « imagos »3 (Freud) à la question de la
supposition de savoir (Lacan), le transfert de savoir en somme, la dimension corporelle semble être
passée sous silence. Où est passé le corps de l’analyste dans cette redéfinition du transfert? Selon
quelle économie se fait cette disparition? On transfère sur un support. On suppose au savoir un su-
jet. Support et sujet entreraient-ils dans un rapport d’équivalence ici? Le sujet ne serait-il qu’un sup-
port? De quoi est faite cette présence de l’analyste qui est requise mais qui ne doit pas être envahis-
sante? une, deux, trois oreilles… c’est déjà bien assez de deux! Il n’y en a pas d’autres, disait Lacan
par allusion au livre de Reik. D’un autre côté, une analyse peut-elle se dérouler sans la présence de
l’analyste, sans la rencontre des corps, comme cela se pratique parfois, à l’occasion, par le biais des
nouvelles technologies comme Skype?

Trop de corps

Historiquement, la médecine a eu affaire au corps biologique, mort éventuellement, expos-


able souvent, manipulable en tous les cas. Cette tradition du toucher a une histoire que la peinture a
bien su saisir, de la leçon d’anatomie de Rembrandt au tableau de Brouillet représentant Charcot à
la Salpêtrière, exhibant une patiente, la « reine des hystériques » Blanche Wittman, évanouie dans
les bras de Joseph Babinski. En pratiquant l’hypnose sur ses premières patientes hystériques, dans
la tradition médicale, Freud se servait de son corps pour induire le processus suggestif. Lorsqu’il
mettra en pratique sa nouvelle méthode cathartique, il gardera de cette expérience le geste de tou-
cher ses patientes pour les aider à la remémoration. Le toucher, la main de l’analyste, en ces temps
premiers de la psychanalyse, agit de façon « magique », purement suggestive, opérant un forçage
transférentiel en vivifiant ce qui était mort, refoulé.

1 Texte légèrement remanié d’une intervention prononcée à La Saline royale, Arc-et-Senans, à l’occasion
d’un colloque organisé par Espace analytique et le Groupe régional Franche-Comté de la convention psy-
chanalytique intitulé « Passions du corps », juin 2013.
2 S. Ferenczi, « La psychanalyse au service de l’omnipraticien » (1923), Oeuvres complètes, vol.III, Payot,
p.209.
3 S. Freud, « La dynamique du transfert », 1912. Freud reprend le terme d’imago à Jung.
1
Cependant, c’est un trop de corps qui poussera peu après Freud à aménager le dispositif.
Le passage du face à face au dispositif divan-fauteuil est lié, retient-on, à la difficulté que Freud
avait de soutenir le regard scrutateur de ses patientes dix heures durant4. Mais la position allongée,
héritage pour une part de l’hypnose abandonnée, reproduit également le modèle du fonctionnement
psychique du rêve, lorsque la décharge motrice est impossible et que c’est par une voie régrédiente
que les pensées deviennent hallucinatoires. Ce faisant, Freud a soustrait son corps au regard des pa-
tients, en pouvant toutefois regarder ceux-là, dans une asymétrie qui rappelle le couple voyeur-ex-
hibitionniste dans lequel le voyeur complète l’exhibitionniste en devenant la cause même de son
être. L’analyste réduit au regard, à l’écoute, suffit à soutenir l’exposition d’un patient, il complète
en quelque sorte son symptôme. La présence du corps de l’analyste apparaît alors essentielle pour
remplir cette fonction mais ce corps doit être tenu dans une certaine réserve, en se retranchant du
regard notamment. Cependant, Freud remarque que, « en général, l’analysé considère l’obligation
d’être allongé comme une dure épreuve et s’insurge là-contre, surtout quand le voyeurisme joue,
dans sa névrose, un rôle important »5. A ce propos me revient une situation qui met en jeu d’une fa-
çon particulièrement vive la question de la pulsion scopique, dans sa double dimension de voir et
d’être vu, deux destins de la pulsion qui parfois se mêlent. Un jeune patient était venu pour un pre-
mier entretien avec sa mère. Cette femme, obèse, déambulait constamment dans le salon familial
nue. Devant la timide plainte que son fils était parvenu à formuler en séance, la mère avait rétor-
qué: « tu n’as qu’à pas regarder! » L’injonction paradoxale montre comment l’exhibitionnisme de
cette mère fondait dans le regard contraint du fils sa jouissance. Cette mère s’interdit sur un mode
incestueux, jouissant du contact incestueux autant que de son interdit qu’elle dénie en en faisant une
affaire de choix. En quoi la position de l’analyste est-elle différente de cette mise en jeu perverse du
corps? Certes, la contrainte pour le patient, et dans une moindre mesure pour son analyste, réside
dans le ne pas voir (les signes d’approbation ou de désapprobation, de surprise, d’agacement, etc.,
sur le visage de son analyste). Cependant, l’analyste soutient le transfert, en se faisant l’objet de
l’amour de transfert, tout en se tenant à cette réserve de principe de ne pas en jouir. De ce point de
vue, ne pas être vu favorise les projections et les associations libres du patient, tout en préservant
l’écoute de l’analyste. Le corps, celui de l’analyste comme celui du patient, fait obstacle à cette flui-
dité de la pensée associative. Sans doute Freud s’est-il rendu compte que le transfert était opérant
quoi qu’il fasse. Même sans les mains. Toujours est-il qu’à mesure que se constitue le corpus analy-
tique, que s’affine et se perfectionne la théorie psychanalytique à l’égard de la notion de transfert
notamment, le corps de l’analyste se retire, se met en retrait.

Encore

Mais il y en a au moins un qui ne l’entendait pas de cette manière. Les violents échanges
épistolaires entre Freud et Ferenczi à propos de ce qu’ironiquement Freud nomme « la théorie du
baiser » sont bien connus. A côté de la technique active qui consistait en une implication très per-
sonnelle de l’analyste qui asticotait le patient en poussant le plus loin possible sa frustration dans le
but qu’il se rebelle, et parvienne à se séparer, Ferenczi avait inventé un contrepoint, la relaxation,
qui reposait sur une grande permissivité de l’analyste vis-à-vis du patient et qui visait à rendre sup-
portable ce qui sinon ne pourrait se ranger que du côté du sadisme de l’analyste et du masochisme
du patient. Ainsi, on peut lire dans son Journal clinique6:

4 S. Freud, « les débuts du traitement », 1913, in La technique psychanalytique, PUF, 1975, p.93: « Je ne
supporte pas qu’on me regarde huit heures par jour (ou davantage). […] comme je me laisse aller, au cours
des séances, à mes pensées inconscientes, je ne veux pas que l’expression de mon visage puisse fournir au
patient des indications qu’il pourrait interpréter ou qui influenceraient sur ses dires ».
5 S. Freud, « De la psychothérapie », in La technique psychanalytique, PUF, 1999, p. 93.
6 S. Ferenczi, Journal clinique, Payot, p.45. Lire aussi la note 2 qui reproduit la lettre que Ferenczi écrivit à
Freud pour légitimer sa pratique fondée sur l’alternance entre frustration et permissivité, en réponse à la
lettre qu’il avait reçue de Freud dans laquelle celui-ci évoquait avec ironie sa théorie du baiser.
2
Voir le cas de Dm., une dame qui, « obéissant » à ma passivité, se permettait de plus en
plus de libertés et m’embrassait même à l’occasion. Etant donné que cela fut autorisé sans résis-
tance, comme quelque chose de permis en analyse, et tout au plus commenté théoriquement, il ad-
vint qu’elle fît la remarque, comme ça, en passant, dans un groupe de patients qui étaient analysés
par d’autres: « moi je peux embrasser papa Ferenczi aussi souvent que je le veux ». Tout d’abord,
je traitai le désagrément qui s’ensuivit avec une totale absence d’affect, en ce qui concerne cette
analyse. Mais la patiente commença alors à se ridiculiser, de façon pour ainsi dire ostentatoire,
dans son comportement sexuel (dans des réunions mondaines en dansant). C’est seulement la com-
préhension et l’aveu du manque de naturel de ma passivité qui l’a ramenée pour ainsi dire à la vie
réelle, laquelle doit tenir compte des résistances sociales.

La patiente en question, Clara Thomson, qui deviendra une future analyste américaine,
s’était donc autorisée, selon le principe de relaxation et non sans le consentement de Ferenczi, à
l’embrasser à plusieurs reprises, répétant par là-même la scène incestueuse imposée par son père
lorsqu’elle était enfant. On voit comme Ferenczi n’était pas avare de son corps, pour la bonne
cause! Cependant, en lisant son journal clinique, on ne peut qu’être frappé par la sincérité —
l’éthique, même— qui l’animait dans sa pratique en perpétuel questionnement, même si l’on com-
prend la fureur de Freud protégeant comme un garde corps la jeune science psychanalytique et les
craintes qui l’animaient que cela ne se sût dans le milieu, faisant de jeunes émules qui auraient été
tentés de donner de leur corps par devoir psychanalytique…

Le corps discret de l’analyste

Comme le dit en 1937 le chirurgien René Leriche de la santé comme « vie dans le silence
des organes », la (bonne) poursuite d’une cure se signalerait-elle par la disparition du corps de l’ana-
lyste? Dans son Séminaire7, Lacan fait la remarque suivante: « quand quelqu’un vient me voir dans
mon cabinet pour la première fois et que je scande notre entrée dans l’affaire de quelques entretiens
préliminaires, ce qui est important c’est ça, c’est la confrontation de corps, qu’à partir du moment
où on est entré dans le discours analytique, il n’en sera plus question ». Lorsqu’il apparaît dans le
cours d’une cure, ce corps de l’analyste que l’on peut entendre aussi comme décor (le tableau dans
la salle d’attente, l’odeur du cabinet, la couleur du tapis, les autres patients croisés), c’est bien sou-
vent le signe d’un transfert négatif ou érotique, et dans ces deux cas, cela signe la résistance du pa-
tient. « La présence de l’analyste, disait Lacan en 1964, est elle-même une manifestation de l’in-
conscient »8. Ainsi, ce patient qui réalisait pour la première fois, après deux années de cure, qu’il
n’était pas le seul patient et qui soudain se plaignait que ça n’avançait pas, qu’il ne ressentait rien,
son analyste aussi sans doute, exactement au moment où il éprouvait de la jalousie vis-à-vis du pa-
tient précédent qui avait ce jour-là empiété largement sur son horaire habituel. La suite des asso-
ciations sur son frère aîné dont il n’avait presque jamais parlé jusque-là est venue confirmer l’hy-
pothèse à la séance suivante. D’autres patients peuvent au contraire évacuer complètement cette
dimension du corps en n’y prêtant jamais attention dans leur discours tout du moins, lequel se pour-
suit, inéluctablement, quoi qu’il arrive.

Métamorphose du corps

Il y aurait donc un premier transfert du corps de l’analyste vers le corpus analytique dans
un mouvement de « désubstanciation », pour reprendre ce terme qu’un théologien du XVIIè siècle,
Pierre Allix proposait en place de la transsubstantiation, c’est-à-dire une forme de vidage progressif
de la substance, une distance prise avec la personne-même de l’analyste, à mesure que la science
7 J. Lacan, …Ou pire, Le Séminaire XIX, 21 juin 1972.
8 J. Lacan, Les quatre concepts fondamentaux, Le Séminaire XI, 15 avril 1964.
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psychanalytique se constitue en se heurtant aux impasses et aux illusions 9 du transfert érotique no-
tamment. Puis un deuxième mouvement logique vient puiser dans le corpus analytique matière à
verser au compte du savoir supposé de l’analyste. Dans l’opération, le corps de l’analyste, soustrait
au regard du patient pour mieux supporter ses réimpressions infantiles, cède la place à la supposi-
tion de savoir dont l’analyste se fait le corps-support. On peut y voir l’expression d’une réintégra-
tion profane du corps. Mais dans ce second temps de réintégration, le corps n’est plus le même. En
effet, le corps de l’analyste est dans la théorie freudienne le support du connu, sous la forme de ré-
éditions des figures parentales notamment, tandis que dans son prolongement lacanien, il devient le
support de l’inconnu, d’un savoir prêté à l’analyste, déposé là par le patient et que pourtant le pa-
tient ignore. « Etre le support ça veut dire seulement être supposé »10 rappelle Lacan. Et qui est
supposé, sinon Dieu dont Lacan nous dit dans L’Envers de la psychanalyse qu’il « n’est pas saisis-
sable, sinon en tant que corps »11? Dieu si l’on veut, ou le grand Autre, c’est « celui qui a un corps
et qui n’existe pas »12. Ceci correspond très fidèlement à la définition de ce qu’est la « présence
réelle » du Christ. Le cardinal Thomas de Vio, dans le contexte des controverses théologiques des
premières décennies du XVIème siècle, écrivait: « Personne n’est assez fou pour dire que l’esprit
est le corps; mais nous disons que le corps du Christ a un mode d’être spirituel dans le sacrement. Il
est même présent comme un vrai corps dans le sacrement mais il n’existe pas sous la modalité du
corps ». On le voit, le sujet supposé savoir dont le corps de l’analyste se fait le support, c’est au
commencement du transfert la figure du grand Autre. « L’Autre, le corps du symbolique, fait le
corps de s’y incorporer »13. Paradoxe de ce corps qui n’existe pas, matérialité immatérielle, corps
désincarné ou incarnation d’une non existence…
Mais avant ce moment liminaire d’accroche du transfert, Lacan met l’accent, comme nous
l’avons déjà souligné, sur l’importance de la « confrontation de corps » lors des entretiens prélimi-
naires, qui produit des affects qu’il appelle les « bons sentiments » pris dans le discours du maître,
avant que ne s’instaure du discours analytique. Et les bons sentiments, ajoute-t-il, « ça se fait avec
de la jurisprudence »14. Qu’est-ce à dire sinon qu’ils sont indexés sur un déjà dit, une orthodoxie?
L’affect, Lacan le définit comme effet corporel du signifiant, effet non de sens mais de jouissance
propre au discours du maître. Il laisse à penser que ce temps inaugural qui marque la rencontre du
patient et de l’analyste, sous les auspices du discours du maître qui apparaît comme l’envers de la
psychanalyse et qui pousse au travail en faisant miroiter au patient une fin possible de la division
subjective, sera balayé une fois instauré le discours analytique par l’entrée dans le transfert. Le
temps suivant, celui de la cure à proprement parler, vise à défaire le grand Autre de sa tunique pour
laisser entrevoir ce qui était initialement voilé, l’objet a. « Ce qu’il y a sous les habits et que nous
appelons le corps, nous précise Lacan, ce n’est peut-être que ce reste que j’appelle l’objet a »15.

Aussi peut-on schématiser ces différents temps de l’analyse à partir de ce qui est produit:
— L’affect « entre corps et discours »16 serait ce qui marque la rencontre inaugurale entre
patient et analyste.
— L’Autre comme figure du sujet supposé savoir marque l’entrée dans le transfert.
— L’objet a comme prélèvement corporel, produit d’une coupure, objet hors corps, devient
l’étoffe du sujet à la fin de la cure, lors de la chute de la supposition de savoir.

9 Bien entendu, le risque d’illusion ne guette pas tant le patient que l’analyste: Freud remarquait que, du
point de vue du patient, rien ne distingue l’amour de transfert de l’amour « véritable », mais il mettait plutôt
les analystes en garde contre le danger de se croire celui ou celle véritablement visé(e) par l’amour des pa-
tients.
10 J. Lacan, …Ou pire, Le Séminaire XIX, 3 février 1972.
11 J. Lacan, L’envers de la psychanalyse, Le Séminaire XVII, p.74.
12 Ibid., p.43-59
13 J. Lacan, « Radiophonie », in Scilicet 2/3, 1970.
14 J. Lacan, …Ou pire, Le Séminaire XIX, 21 juin 1972.
15 J. Lacan, Encore, Le Séminaire XX, Seuil, p.12.
16J. Lacan, …Ou pire, Le Séminaire XIX, 21 juin 1972
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Si l’on peut interroger la pertinence d’un tel cloisonnement (le discours analytique n’est ja-
mais assuré de ne pas être remplacé par moment par le discours du maître), il est certain que l’en-
trée dans le transfert modifie la façon dont se pose la question du corps de l’analyste. Celui-ci doit
recueillir « en-corps »17 ce qu’il entend de l’analysant pour lui permettre d’être « l’interprétant ».
Cet en-corps, c’est l’objet a, autrement dit l’objet de l’autre. Là apparaît la fondamentale division du
sujet qui renouvelle ainsi la question du statut de ce bout de corps: s’il est détachable, il n’apparte-
nait donc pas en propre au corps de l’analyste?

Le corps glorieux

L’analyste ne doit se réduire ni à lui-même, ni aux autres qu’on projette sur lui. L’éthique
première du psychanalyste, c’est ainsi de survivre à son propre meurtre sans tuer pour autant l’autre
qui l’agresse.18

Cette formulation de la fin d’une cure ouvre autrement la question du corps de l’analyste:
non pas réduit définitivement à supporter l’objet a, touchant à ce « désêtre » en devenant un dé-
chet comme on l’entend trop souvent, mais en ressuscitant sous la forme, selon la formule consa-
crée au Christ après sa résurrection, d’un « corps glorieux », d’un corps qui précisément n’existe
pas. Mais avant que cette résurrection n’aie lieu, Saint Jean écrit que Marie-Madeleine se rend sur
le tombeau du Christ et se lamente de ne plus trouver son corps. Au son de la voix du Christ qui lui
demande pourquoi elle pleure, sous les traits d’un jardinier, elle se retourne et le reconnaît. Mais à
ce moment-là, le Christ lui dit le célèbre « noli me tangere ». A quoi il ajoute, ce que l’on retient
moins souvent, « car je ne suis pas encore monté vers le Père. » Nul ne peut être assuré par avance
de voir le corps ressusciter en corps glorieux, d’être à nouveau supposé au savoir après une destitu-
tion subjective, de retrouver une unité de corps, fût-elle éphémère. Pour qu’un corps devienne glo-
rieux, il faut que s’en mêle du Père… Dans l’intervalle donc, sans savoir assurément à qui appar-
tient ce corps, ou même s’il est bien un corps vivant, ou une chimère, il est nécessaire de respecter
une sorte d’évitement du contact, du toucher. Noli me tangere… C’est peut-être là que nous retrou-
vons la raison profonde de la limite que Freud a imposé au travail analytique à l’égard du toucher.
Et peut-être aussi, cette analogie avec la transsubstantiation du Christ permet-elle de souligner l’in-
fluence majeure que la théologie chrétienne a eue sur la pensée de Lacan. Par ses paradoxes, la
question de la présence de l’analyste trouve des résonances étonnantes avec le traitement par les
théologiens d’un autre paradoxe fondateur de notre culture, celle du Christ.
Il se pourrait bien que cette modalité particulière de présence soit le nécessaire prix à
payer pour pouvoir occuper cette place impossible, encore. C’est-à-dire pour supporter en l’accep-
tant cette passion du corps de l’analyste, « survivant à son propre meurtre », afin de mieux revivi-
fier la passion à faire l’analyste.

Hélène Blaquière

17 J. Lacan, Ibid., 21 juin 1972.


18 F. Perrier, « L’éthique du psychanalyste », La chaussée d’Antin, Albin Michel, p. 572.
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