Vous êtes sur la page 1sur 4

HISTOIRE DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE (1949-1978)

I. LES DÉFIS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE EN 1949

La République populaire de Chine est proclamée à Pékin sur la Place Tiananmen le


1er octobre 1949.
C’est un nouveau régime, qui succède à la République de Chine dirigée par Chiang
Kaï Chek.

La RPC va devoir relever quatre défis considérables :

- Restaurer la souveraineté chinoise en libérant la Chine des intrusions


étrangères et en fixant des frontières stables et reconnues.

- Rattraper le retard de croissance accumulé depuis le XIXe siècle. Le « siècle


des humiliations » a plongé la Chine dans le marasme. Il s’agit maintenant de l’en
sortir pour de bon.

- Construire un État moderne capable d’administrer un pays qui a besoin


d’ordre et d’unité

- Accomplir cette révolution sociale dont le communisme chinois porte la


promesse et qu’il a expérimentée dans les bases rouges depuis les années 1930. La
question agraire, notamment, représente un défi considérable pour le PCC.

1. Un pays dans un état de délabrement inouï

En 1949, l a Chine est un pays d évasté par des décennies de guerre civile et
d’invasion étrangère.

C’est un champ de ruines où survit péniblement une population d’une pauvreté sans
précédent.

- C’est cette Chine que décrit Alain Peyrefitte :

« La Chine d’avant 1949, c’est un pays du Moyen-Âge, un pullulement de


mendiants à moignons, d’enfants couverts de plaies, de cochons noirs et de chiens
efflanqués ; des loques, parmi lesquelles se glissent quelques brocarts. Quand les
éléments se fâchaient, la famine balayait tout. Les paysans étaient ruinés d’avance ;
en cas de sécheresses ou d’inondations, ils ne disposaient pas de la moindre réserve
»1.

- D’une pauvreté inouïe, le pays ne représente plus qu’une part infime du PIB
mondial. Il en représentait 30% en 1820, avant que le déclin de la dynastie Qing et
l’intrusion des puissances prédatrices ne ruinent cette prospérité.
- E n 1949, il en représente 3 %.
1 Alain Peyrefitte, Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera, Plon, 1973, T. 2, p. 85.

- Nourrissant à peine le monde rural, l’agriculture est tragiquement sous-


équipée. Par rapport à 1936, la production de céréales a baissé de 25 %, celle de soja
de 50 %. Plus de 12 % des terres cultivables sont inondées en raison de la destruction
des digues.

- L’industrie, qui ne représentait que 10 % du PIB, est tombée à 56 % de son


niveau de 1936.

- Les équipements sont dans un état lamentable. Ravagés par la guerre et


l’anarchie, les canaux et les digues sont délabrés.

- Faute d’entretien, le réseau ferroviaire est dans un état lamentable. Sur ses 27
000 km, 7000 km sont inutilisables.

- Composée à 90% de paysans faméliques, la population a le niveau de vie le


plus faible de la planète : il est inférieur à celui de l’Inde ex-britannique et de
l’Afrique sub-saharienne.

- Sur cette terre où l’existence ne tient qu’à un fil, l’espérance de vie est de 36
ans.

- Abandonnée à son ignorance dans un pays à la civilisation


plurimillénaire, la population compte 85% d’analphabètes.

2. Les atouts du parti communiste chinois

A près la défaite des nationalistes, le PCC est le seul maître à bord, et ses
responsabilités sont énormes. Dans une Chine dévastée, il représente un pôle de
cohésion et de stabilité.

C’est lui qui va donner son orientation à la politique de l’État chinois rénové. Mieux
encore, il fait corps avec cet État, et l’on voit apparaître un véritable Parti-État, qui
est l’organe dirigeant de la société.

- C’est un parti de masse, structuré et discipliné. En octobre 1949, il compte 4


500 000 adhérents dans un pays de 500 millions d’habitants. Une grande partie de
la jeunesse y adhère pour participer à la révolution sociale et contribuer à la
renaissance nationale de la Chine.

- Ce parti de masse obéit aux règles du centralisme démocratique inspiré du


modèle bolchevique. La minorité se plie aux décisions de la majorité, et les fractions
au sein du parti sont interdites. Une fois les décisions prises, les instances du parti les
appliquent.

- Au côté du PCC, un réseau d’organisations de masse contrôlées par les


communistes encadre la population pour diffuser les mots d’ordre et mobiliser les
différentes couches de la société en vue de l’accomplissement des objectifs fixés :
organisations de jeunesse, organisations féminines, etc..
- Le parti a une organisation centralisée. Il est dirigé par un comité permanent
du bureau politique, composé de 5 membres. Ce groupe est dominé par la figure de
Mao Zedong, président du parti.

Quatre autres dirigeants jouent un rôle important :

- Liu Shaoqi, homme d’appareil qui est le N°2 du parti depuis les années 40
- Zhou Enlai, excellent gestionnaire qui sera premier ministre de 1949 à 1976
- Zhu De, officier de carrière rallié au PCC en 1927 et chef de la prestigieuse
Armée populaire de libération
- Chen Yun, l’économiste du groupe

En fait, Mao domine le groupe dirigeant du PCC depuis 1935, mais il n’est le
véritable chef du parti que depuis les années 1942-1945.

Socle idéologique du PCC, la « pensée maozedong » est alors imposée à tous


les adhérents au cours de longues sessions d’études .

Au 7 e congrès du parti, en juin 1945, les nouveaux statuts du parti font de la


doctrine maoïste le fondement théorique de la politique communiste.

Au côté de Marx, Engels, Lénine et Staline, Mao est le guide de la révolution


chinoise. Mais sa doctrine ne se contente pas de copier le marxisme européen. Si le
génie de Mao est exalté par le parti, c’est parce qu’on le crédite d’avoir adapté avec
succès la doctrine de Marx, Engels et Lénine aux réalités chinoises.

Un des principes maoïstes, en effet, c’est le primat de la pratique sur la théorie. Si


une idée s’impose dans le mouvement réel de l’histoire, si elle triomphe
politiquement, c’est qu’elle est vraie.

Or le maoïsme a triomphé : il a libéré et unifié la Chin e.

A partir de 1949, il va accomplir une véritable révolution sociale, doter le pays d’une
industrie, abolir le patriarcat, éradiquer les épidémies, supprimer l’analphabétisme,
etc..

- Soudé autour de Mao, le PCC est donc une force de mobilisation, une force
de combat, qui oriente le mouvement de la société vers la réalisation des objectifs
du socialisme.

- C’est un parti qui compte très peu d’ouvriers, 3 % environ. Il se réclame de la


dictature du prolétariat, mais le prolétariat industriel représente moins de 1 % de la
population. Le PCC est surtout un parti de paysans encadrés par des intellectuels.

3. L’urgence de la question agraire


Avec ses forces et ses faiblesses, le PCC va devoir affronter les contradictions d’une
société terriblement archaïque et terriblement inégalitaire.
Le Guomindang a dirigé une grande partie de la Chine de 1927 à 1949, mais il n’a
réalisé aucune réforme sociale d’envergure.

Les paysans pauvres croupissent dans la misère, et dès 1945 la révolution agraire se
déchaîne dans les campagnes.

L ’agronome américain William H. Hinton en a fait une description détaillée .

- Installé de 1946 à 1949 dans un village du sud-est du Shanxi, il relate la


radicalité de la révolution paysanne dans une société archaïque, impitoyable pour les
démunis.

- Ceux qui ne travaillent pas la terre et vivent du travail des autres, de la


location et de l’usure, sont les propriétaires fonciers.
- Ceux qui possèdent des terres, les travaillent eux-mêmes et emploient des
ouvriers agricoles, sont les paysans riches.

Ces deux catégories sociales représentent 10 % de la population et détiennent 70


% des terres.

- Ceux qui travaillent eux-mêmes la terre sont les paysans moyens.


- Ceux qui possèdent une petite parcelle et vendent une partie de leur travail
sont les paysans pauvres.
- Ceux qui ne possèdent rien et travaillent pour les autres sont les journaliers.

- « Les journaliers, les paysans pauvres et les paysans moyens, qui


représentaient 90 % de la population rurale, possédaient moins des 30 % des terres,
seulement quelques animaux de trait, et une infime quantité d’instruments et de
véhicules. Ces conditions les mettaient perpétuellement à la merci des plus fortunés
et les condamnaient à une vie de véritable servitude ».

Dans cette société stratifiée, la violence règne :

« Les maris battaient leurs femmes, les belle-mères battaient leurs brus, les
paysans battaient leurs enfants, les propriétaires fonciers battaient leurs fermiers, et
la troupe chargée du maintien de l’ordre battait ce qui se trouvait sur son chemin. Les
seules créatures vivantes pouvant espérer échapper aux coups étaient les mâles
adultes de la classe possédante et les animaux de trait qui étaient à la base de
l’économie »2.

C’est à cette société rurale archaïque et inégalitaire que va s’en prendre la révolution
maoïste.

2
William H. Hinton, Fanshen, La révolution communiste dans un village chinois, Plon, 1971, p. 39 et p.
69.

Vous aimerez peut-être aussi