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Coran et en Islam
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admin3372
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– Lors de l’étude de S112/al–ikhlâṣ, nous avons montré que les quatre sourates
débutant par l’impératif dis/qul traitaient d’un sujet unique : la réfutation du polythéisme
par l’argument monothéiste. D’un point de vue chronologique, nous avons de même
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démontré que ces quatre sourates sont toutes mecquoises et sans doute très précoces
dans l’ordre de révélation. Ceci est évident pour S109/al–kâfirûn et S112/al–ikhlâṣ
puisque ces deux sourates s’adressent directement aux polythéistes qurayshites. D’une
part, S112 expose de manière simple et précise le credo monothéiste qui sera au cœur
de la révélation coranique et, d’autre part, S109 se positionne fermement contre le
polythéisme des Arabes.
– Pour autant, une partie de l’Exégèse a soutenu que notre S113/al–falaq tout comme
S114/an–nâs avaient été révélées à Médine. Cette position a sa propre logique, car en
cela, comme nous l’avons exposé, il a été tenu compte d’un hadîth venu compléter
l’exégèse classique de S2.V102. Selon ce récit, le Prophète lorsqu’il était à Médine aurait
été ensorcelé par un juif, deux anges lui auraient alors indiqué de se désenvoûter en
récitant S113 et S114, lesquelles depuis lors sont nommées al–mu‘awwidhatayn/les
deux talismaniques ou protectrices. C’est cette légende qui est à l’origine de la pratique
exorciste consistant à réciter ces deux sourates pour se délivrer de tout envoûtement ou
s’en préserver par avance. Or, de l’avis général, tout comme selon notre démonstration,
nos sourates 113 et 114 sont mecquoises. Si la forgerie de ce hadîth était destinée à
justifier l’interprétation voulue de S2.V102, cette circularité herméneutique a généré une
contradiction chronologique. Ceci prouve donc à la fois l’arbitraire de la chronologie
traditionnelle et le fait que les hadîths et autres circonstances de révélation[1] ont été
imaginés en ordre dispersé, ce qui ne pouvait que générer, comme pour le présent cas,
des situations conflictuelles irréductibles.
– Deux clefs de lecture des sourates 113 et 114 sont donc conjointement à notre
disposition : premièrement le paradigme rationnel intracoranique déniant les croyances
surnaturelles et, deuxièmement, le fait que ces sourates participent avec S109 et S112 à
la réfutation du polythéisme au nom du pur monothéisme. Aussi, notre S113 ne pourra
pas être comprise comme relevant d’un exorcisme coranique, d’une magie blanche,
mais, au contraire, comme étant une dénonciation des superstitions et peurs
irrationnelles qui peuplaient l’imaginaire et le rapport au Monde des Arabes.
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d’avec les croyances irrationnelles que le Coran en S2.V102 a clairement identifiées
comme issues du polythéisme, tout comme y prêter foi relève d’une forme de
polythéisme caché.
– v2 : « Contre le mal qui est commis ». En premier lieu, c’est bien « le mal » frappant
ici-bas les hommes, et dont ils ne comprenaient pas toujours les causes rationnelles, qui
les a amenés à attribuer ce mal à diverses entités occultes et autres sources
mystérieuses de nuisance, dont la sorcellerie. Par ailleurs, si pour le Coran Dieu est Tout-
puissant, Il n’est pas pour autant responsable de tous les maux de la Terre puisque
« quelque bien qui te parvienne vient de Dieu et, tout mal qui t’atteint vient de toi »,
S4.V79, voir notre note-commentaire de ce verset. L’on peut aussi se reporter à notre
article Destin et Libre arbitre selon le Coran et en Islam montrant que le libre arbitre
de l’Homme implique sa responsabilité, pour le meilleur, mais aussi le pire. Il n’est donc
pas admissible que l’on comprenne ce verset comme signifiant « contre le mal qu’Il [Dieu]
a créé », ce qui de plus impliquerait que le Responsable du mal demanderait à ce que
l’on cherche refuge auprès de Lui, c’est-à-dire auprès du Malfaiteur ! Notre traduction :
« contre le mal qui est commis » est strictement littérale puisque en min/contre le
mal/sharri mâ khalaqa/créer, faire, commettre, la position grammaticale du pronom
relatif mâ permet deux sens : le mal que/mâ Il a créé ou : le mal qui/mâ est créé. Selon le
paradigme islamique quant au Destin en toute chose et la négation du Libre arbitre,
lequel impose de croire que même le mal vient de Dieu, le sens retenu est alors je me
réfugie en Dieu contre le mal qu’Il a créé. Selon le paradigme coranique ci-dessus
rappelé, lequel rend l’Homme responsable du mal résultant de ses actes, la seule
solution de sens cohérente est la seconde : je me réfugie en Dieu contre le mal qui est
créé, c’est-à-dire par les hommes, d’où notre « contre le mal qui est commis ». Ainsi
est-il demandé de manière générale au croyant à ce qu’il se « réfugie auprès du
Seigneur de l’Aurore contre le mal qui est commis », ce qui indique aussi qu’il doit
s’appliquer au bien, message essentiel du Coran. De manière particulière, cela signifie
que le croyant monothéiste doit cesser de croire que le mal puisse provenir de pratiques
de magie noire et puisse être, de même, traité ou prévenu par des pratiques de magie
blanche. Dans ce contexte, trois des superstitions les plus courantes en la culture des
Arabes d’alors vont être mentionnées, la quatrième de ces croyances sera envisagée en
S114.
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-v3 : « et contre le mal de l’obscurité qui s’introduit ». Comprendre ici qu’il s’agirait de
désigner « le mal de l’obscurité/ghâsiq quand elle s’approfondit/waqab »[2] revient à
admettre les antiques peurs des hommes qui, enveloppés par la nuit, l’imaginaient
peuplée de créatures maléfiques, les lueurs de l’aurore délivrant alors le monde de cette
emprise. Selon la perspective de déconstruction rationnelle des craintes archaïques et la
réfutation de toute forme de sorcellerie ou de magie, cf. S2.V102, le v3, comme nous
l’avons indiqué ci-dessus, fait allusion au fait que les Arabes polythéistes croyaient à
l’emprise de forces occultes sur la raison et le corps des hommes, croyance du reste
quasi universelle. Par ailleurs, si le terme ghâsiq qualifie effectivement le début de la nuit
noire : « l’obscurité », le verbe waqaba ne signifie pas s’approfondir, devenir sombre,
s’étendre et autres significations similaires fournies par les commentaires et les
traductions, toutes faussement induites par l’idée exégétique d’une simple description
physique de la nuit s’assombrissant. Sémantiquement, le verbe waqaba signifie au sens
propre s’introduire, se dérober, se cacher et, au sens figuré, au sujet d’un malheur :
envahir, cerner, envelopper. En lien avec les fausses croyances que le Coran dénonce,
l’on est donc amené à penser que par « le mal de l’obscurité qui s’introduit » est
donnée l’image de tous les états psychiques et altérations physiques profondes que les
hommes en leur ignorance attribuaient à divers process de possession dus à des êtres
maléfiques, djinns, sorciers et autres. Autant de superstitions sans fondement que le
Coran rejette rationnellement au nom de la foi en l’unicité de Dieu laquelle implique
qu’aucun élément de la création divine puisse détenir la moindre parcelle de pouvoir
occulte. Ainsi, « Dis : Je me réfugie auprès du Seigneur », seul Maître et seul
détenteur du pouvoir, « contre le mal » de l’ignorance et des superstitions consistant à
croire que certains troubles et maux qui nous atteignent proviennent de cas de
possession, « de l’obscurité qui s’introduit » en nous.
-v4 : « et contre le mal de celles qui soufflent sur les nœuds ». Ce verset mentionne
donc la deuxième des croyances magiques irrationnelles rejetées en cette sourate. Il
s’agit de désigner ainsi l’envoûtement, pratique répandue quasi universellement et
connue des Arabes qui visiblement l’attribuaient spécifiquement à des femmes.[3] Selon
cette technique de magie noire, le sorcier réalisait un certain nombre de nœuds tout en
soufflant ou postillonnant dessus comme pour y insuffler de son pouvoir. Ce maléfice est
alors réputé envoûter celui contre lequel il est dirigé. L’Exégèse a tout particulièrement
validé la réalité opérante de ce type d’ensorcellement et a ainsi fondé la croyance
islamique en cette superstition. En effet, nous avons vu que la tradition exégétique a
affirmé que le Prophète avait été ensorcelé par un juif[4] et, en ledit hadîth, il est précisé
que le sortilège en question comportait une corde à onze nœuds ! La boucle fut bouclée,
le nœud herméneutique étrangla les esprits. Bien évidemment, tout comme
précédemment, selon le paradigme critique du Coran niant toute réalité à la sorcellerie
sont présentement rejetées et condamnées ces croyances et pratiques relevant du
chamanisme et du paganisme. Que les polythéistes arabes aient pu croire à cela se
comprend, qu’un croyant monothéiste y porte foi est bien plus problématique, car seul
Dieu possède le pouvoir d’influer sur le cours des évènements et des êtres. Qu’un
musulman contemporain persiste encore à y croire au non de sa foi relève d’une
schizophrénie piétiste, pathologie de l’âme et de l’esprit. Le Coran s’oppose fermement à
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la croyance en la Sorcellerie et la Magie et la foi monothéiste telle qu’il l’envisage
appelle à une lecture rationnelle du Monde, seul paradigme à même d’allier Foi et
Raison.
-v5 : « et contre le mal d’un envieux qui porte envie ». Il s’agit là de la troisième
croyance qu’il est demandé de fuir afin de se réfugier en Dieu seul contre toutes les
superstitions infondées qui construisent l’irrationalité du rapport des hommes au Monde.
Le « mal » en question peut être identifié à ce que les cultures populaires, là aussi de
manière quasi universelle, nomment le mauvais œil puisque ceci suppose comme réel le
fait qu’un simple regard émanant d’une personne mal intentionnée, le plus souvent par
envie : « le mal d’un envieux », puisse détruire d’une manière ou d’une autre les choses
ou êtres à qui il « porte envie ». Rationnellement et physiologiquement, le regard n’est
pas un phénomène qui part de l’œil vers l’objet regardé, mais l’inverse, c’est-à-dire la
perception passive par l’œil de la lumière réfractée par la chose regardée.[5] Ceci étant, et
comme précédemment, l’Exégèse a entériné la croyance au mauvais œil au mépris de sa
condamnation coranique en l’inscrivant dans le marbre du Hadîth. Citons parmi de
nombreux dits : « Le mauvais œil est une réalité »[6] et cette affirmation anti-monothéiste
semble avoir été pleinement assumée : « Si une chose peut devancer la prédestination,
c’est le mauvais œil » ! [7] S’imaginer que des gens puissent intervenir dans l’ordre de la
création de Dieu et contre la puissance de Sa détermination s’oppose en la foi vraie en
Dieu et sa Toute-puissance. Que les premiers exégètes et les générations de musulmans
après eux aient pu croire à de telles ignorances reflète uniquement les mentalités et le
niveau de connaissances de leurs époques. Que des musulmans actuels persistent à
croire au mauvais œil fait se demander s’ils ne seraient pas tous victimes d’un mauvais
œil leur faisant prendre les vessies exégétiques pour les lanternes de la raison !
Au final, en cette sourate aura été dénié toute réalité à trois superstitions profondément
ancrées dans l’imaginaire des hommes : la possession, v3, l’envoûtement, v4, le
mauvais œil, v5. Il est ainsi demandé aux croyants de ne chercher de soutien qu’en Dieu
et de ne craindre que Lui, car Il est le seul qui détienne le pouvoir sur Sa création, toute
autre croyance n’est qu’illusion prétention et égarement. Cependant, alors même que
cette sourate ainsi que S114 sont placées sous l’égide de S109 et de S112, sourates
exprimant la pure foi monothéiste en un Dieu unique et en Sa Toute-puissance non
partagée, l’Exégèse islamique a réfuté la réfutation rationnelle coranique des croyances
et superstitions s’originant dans l’irrationalité des polythéismes. Le différentiel entre le
Coran et l’Islam est encore une fois patent.
Quoi qu’il en soit, ce que le Coran citait afin de le mieux dénier a été interprété comme
sous-entendant une validation coranique des phénomènes de magie et de
sorcellerie. Alors que le Coran demande de se réfugier en Dieu contre toutes ces
superstitions, l’on a bien voulu comprendre qu’il s’agissait là de se protéger en Dieu
contre la réalité de ces pratiques maléfiques, Dieu étant alors comme un contre-pouvoir.
Mais, pour qui veut faire usage et de sa foi et de sa raison, comment admettre que Dieu
puisse être en même temps le mal et sa guérison ! Par ailleurs, nous le répétons, le fait
que Coran mentionne des pratiques de sorcellerie et de magie et le fait que bien des
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hommes croient à leur efficacité n’est absolument pas la preuve que le Coran en a ainsi
validé la réalité et l’efficience, bien au contraire, cf. S2.V102. Ce que donc le Coran
condamna, l’Exégèse le refusa et, par suite, elle valida les pratiques talismaniques
destinées à combattre les méfaits imaginaires de la sorcellerie et de la magie, notamment
par la récitation de S113 et S114. À vrai dire, la persistance de ces archaïsmes détourne
malheureusement les musulmans de la voie de la rationalité et du progrès à laquelle le
Coran les appelait et les appelle encore. L’Islam, fruit de la mentalité des hommes, s’est
efforcé de réduire cette révolution révélée et d’imposer croyances et superstitions comme
constitutives de notre foi…
Dr al Ajamî
[3] En effet, an–naffâthât/celles qui soufflent est un féminin pluriel. L’auteur musulman de
ce hadîth était donc plus misogyne que ces ancêtres et n’imaginait pas qu’une femme
puisse avoir le pouvoir de nuire au Prophète puisqu’il a attribué ledit envoûtement par
une cordelette nouée à un homme, le juif dénommé Labîd Ibn al–A‘ṣam ! L’on pourrait
aussi en déduire que judéophobie et misogynie font bon ménage…
[4] Cf. Sorcellerie et Magie selon le Coran et en Islam ; S2.V102, au chapitre : • Que
dit l’Islam.
[5] La croyance au mauvais œil repose en effet sur une très ancienne théorie quant à la
nature du regard. Pour les Égyptiens, les Grecs et les cultures de l’Orient-proche, le
regard vient de l’œil comme les rayons du Soleil font qu’il est celui qui voit tout. De la
sorte, le soleil est l’œil du jour, la lune l’œil de la nuit et leurs rayonnements sont ce par
quoi ces deux astres voient, il en est donc de même de l’œil humain. Ainsi, puisque le
regard pour eux venait de l’œil lui supposa-t-on selon cette “logique” un pouvoir sur les
choses : le mauvais œil !
[7] « » ولو كان شيء سابق القدر لسبقته العين : hadîth authentifié rapporté par Aḥmad Ibn Ḥanbal.
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