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Villes en parallèle

La gestion des ordures ménagères à Libreville et Abidjan


Pierre-claver Mvele-n'dango'o

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Mvele-n'dango'o Pierre-claver. La gestion des ordures ménagères à Libreville et Abidjan. In: Villes en parallèle, n°40-41,
janvier 2007. Villes du Gabon. pp. 226-241;

doi : https://doi.org/10.3406/vilpa.2007.1444

https://www.persee.fr/doc/vilpa_0242-2794_2007_num_40_1_1444

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Résumé
La gestion des ordures ménagères que les 700 000 habitants de Libreville produisent se heurtent aux
dures réalités du milieu : 80 % de la population vivent dans des quartiers spontanés et 56 % des
logements ne sont pas accessibles par des voies carrossables. Les maigres moyens logistiques dont
dispose la Société de Valorisation des Ordures du Gabon et la faible adhésion des populations
concernées n'y peuvent grand-chose. La collecte ne touche régulièrement que 38 % des ménages et
30 % seulement des déchets produits sont ramassés, pour un taux de 56,65 % à Abidjan. Améliorer la
gestion des ordures ménagères à Libreville nécessite la restructuration des quartiers sous-intégrés
avec un bon réseau viaire, une réelle décentralisation avec transfert des compétences et des moyens,
une information et une éducation permanentes des populations.

Abstract
Management of the domestic waste produced by the 700 000 inhabitants of Libreville is faced with the
harsh realities of the environment : 80 % of the population live in spontaneous housing estates and 56
% of the dwellings cannot be accessed by roads suitable for wheeled vehicles. Considering the poor
logistics means available to the Société de Valorisation des Ordures (waste recycling company) in
Gabon and the lack of awareness from the populations, there is little chance of success. Only 38 % of
the households have their waste collected on a regular basis and only 30 % of the waste produced is
collected, a figure rising to 57 % at Abidjan. Improving the management of domestic waste at Libreville
involves restructuring the under-integrated districts with a good road network, real decentralization with
transfer of skills and means, permanent information and education of the populations.
Pierre-Claver MVELE
■ Résumé : La gestion des ordures ménagères à Libreville et à Abidjian

La gestion des ordures ménagères que les 700 000 habitants de Libreville produisent se heurtent
aux dures réalités du milieu : 80 % de la population vivent dans des quartiers spontanés et 56 %
des logements ne sont pas accessibles par des voies carrossables. Les maigres moyens logistiques
dont dispose la Société de Valorisation des Ordures du Gabon et la faible adhésion des
populations concernées n'y peuvent grand-chose. La collecte ne touche régulièrement que 38 %
des ménages et 30 % seulement des déchets produits sont ramassés, pour un taux de 56,65 % à
Abidjan. Améliorer la gestion des ordures ménagères à Libreville nécessite la restructuration des
quartiers sous-intégrés avec un bon réseau viaire, une réelle décentralisation avec transfert des
compétences et des moyens, une information et une éducation permanentes des populations.

■ Mots clefs : Libreville, quartiers sous-intégrés, ordures ménagères, décharge publique,


secteur formel, secteur informel, éducation permanente

■ Abstract: Management of domestic waste at Libreville and Abidjan

Management of the domestic waste produced by the 700 000 inhabitants of Libreville is faced
with the harsh realities of the environment: 80 % of the population live in spontaneous housing
estates and 56 % of the dwellings cannot be accessed by roads suitable for wheeled vehicles.
Considering the poor logistics means available to the Société de Valorisation des Ordures (waste
recycling company) in Gabon and the lack of awareness from the populations, there is little
chance of success. Only 38 % of the households have their waste collected on a regular basis and
only 30 % of the waste produced is collected, a figure rising to 57 % at Abidjan. Improving the
management of domestic waste at Libreville involves restructuring the under-integrated districts
with a good road network, real decentralization with transfer of skills and means, permanent
information and education of the populations.

■ Key words: Libreville, under-integrated districts, domestic waste, public rubbish tip,
formal sector, informal sector, permanent education

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LA GESTION DES
ORDURES MÉNAGÈRES
À LIBREVILLE Pierre-Claver
ET ABIDJIAN MVELE*

■ Libreville, la capitale du Gabon, avec 700 000 habitants en 2005, soit 23


fois plus qu'en 1960 (31 000 habitants), concentre près de la moitié de la
population totale du pays (1,5 million d'habitants dont 73 % dans les villes).
Une telle masse humaine génère beaucoup de déchets, autrement dit des résidus
des produits consommés ou utilisés. Pour la protection de l'environnement, ces
déchets doivent être évacués et éliminés. C'est un problème social très
important qui va mobiliser les autorités locales et centrales pour trouver les
voies et moyens de gérer avec rationalité les déchets.
Une telle situation se retrouve aujourd'hui dans beaucoup d'autres pays
africains, en particulier en Côte-d'Ivoire avec la ville d'Abidjan, sa capitale
économique (3 000 000 habitants, soit 25 fois plus qu'en 1960).
Les déchets urbains étant de divers types, nous ne nous intéresserons ici
qu'aux déchets ménagers et plus exactement aux ordures ménagères, autrement
dit celles qui proviennent des ménages, des commerces, de l'artisanat et des
petites entreprises.

* Géographe, Département de Géographie, Université Omar Bongo, Libreville, Maire-


adjoint de Libreville

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La gestion des ordures ménagères à Libreville et Abidjan

Nous verrons comment sont gérées les ordures ménagères à Libreville et


les résultats obtenus; nous allons souvent, pour une meilleure appréciation, de
façon relative, faire des comparaisons avec Abidjan. Nous le ferons en
considérant d'abord la production des ordures ménagères et le cadre juridique
de leur gestion, puis leur évacuation et élimination et le financement ; enfin,
l'observation des résultats de cette gestion nous permettra d'en juger et de
formuler quelques idées pour leur amélioration.

■ LA PRODUCTION DES ORDURES MÉNAGÈRES

Les quantités des déchets générées par les villes de Libreville et


d'Abidjan augmentent continuellement par le fait de leur forte croissance
démographique. De 180 000 tonnes en 1999, la production annuelle, pour
Libreville, est passée à environ 229 950 tonnes en 2005 ; à Abidjan, elle est
passée de 776 178 tonnes en 1990 à 982 220 tonnes en 1996 et elle devait
atteindre 1 246 687 tonnes en 2002.
Il avait été calculé en 1996 que chaque jour à Libreville, ce sont plus de
800 tonnes d'ordures qui sont produites ; c'est bien plus aujourd'hui ; y sont
compris et en grande quantité, les déchets des activités commerciales et
industrielles. La production journalière et par personne est de 0,9kg ; c'est
0,4 kg à Abidjan (0,41 kg dans les quartiers populaires et 1,23 kg dans les zones
industrielles). Les ratios moyens ici sont plus élevés que la moyenne estimée au
niveau des principales métropoles des pays en voie de développement qui est de
0,5 kg/hab/j. Cette grande différence de poids est surtout liée à la composition
des déchets qui est en majeure partie faite de fermentescibles, et aussi au taux
d'humidité élevé de ces régions.
En effet, Libreville et Abidjan sont sous l'influence du climat tropical
humide. Elles reçoivent, en moyenne respectivement, 2 870 mm et 2 200mm de
pluie par an, étalés sur 9 mois et 7 mois. Donc les poubelles étant très rarement
munies de couvercles (à Libreville, les bennes métalliques de 10, 15 et 20 m3
n'ont pas de couvercles), cette pluviométrie importante imbibe les déchets et les
rend plus lourds, surtout qu'ils sont composés à 65 % de matières organiques à
Libreville et à 5 0,6 % à Abidjan.
Cette grande quantité d'ordures est dispersée sur un territoire communal
dont la superficie est estimée à 16 000 hectares (la ville de Paris a 10 500

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hectares). De plus, sur ce vaste espace au site très morcelé, 80 % des logements
sont auto-construits, 70 % d'entre eux sont implantés dans les quartiers
spontanés et 56 % des ménages ne peuvent accéder à leur logement par une voie
carrossable.
Les zones d'habitat spontané, abritant 80 % de la population de
Libreville, sont le produit d'une urbanisation trop rapide et non maîtrisée due à
l'immigration massive et à l'exode rural déclenchés par le dynamisme de
l'activité économique lors du boom pétrolier des années soixante-dix. Certains
sites occupés sont déclarés « zones non aedifîcandi » depuis l'époque coloniale.
Les seules voies d'accès à ces zones sont les voies principales qui
traversent les quartiers sur les lignes de crête. Le reste des quartiers est quadrillé
par des pistes et des passerelles étroites, tortueuses, en pente très glissante
surtout quand il a plu, ou traversant des marécages ou des cours d'eau, (voir
photos A et B, Planche I).

Planche I : Quartiers sous-intégrés (Photographies MOUBOUYI - LRJ)

Photo A: Une piste glissante et tortueuse Photo B : Une passerelle de fortune

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La gestion des ordures ménagères à Libreville et Abidjan

■ LE CADRE JURIDIQUE

Textes généraux

Des lois, des décrets et arrêtés réglementent la gestion des déchets au


Gabon ; ils visent à protéger et à améliorer l'environnement. Nous avons ainsi :
le Code de l'Environnement ou loi 16/93, du 26 août 1993, relative à la
Protection et à l'Amélioration de l'Environnement.
La loi 15/96 du 6 juin 1996 relative à la décentralisation qui précise les
nouvelles compétences de la municipalité, à savoir (art.85), entre autres :
faire respecter les règles d'hygiène prévues par la réglementation,
lutter contre l'insalubrité et les nuisances.

Arrêtés municipaux

L'arrêté n°00 1/2000 du 1er février 2000, portant Règlement Sanitaire,


d'Hygiène et de Salubrité Publique et l'Arrêté n°0003 10/2004 du 20 octobre
2004, reprenant et complétant l'arrêté n°001/2000 portant Règlement Sanitaire,
d'Hygiène et de Salubrité Publique pour la Commune de Libreville.
Les principales dispositions relatives à la gestion des déchets sont
présentées dans le tableau ci-contre :

■ L'ÉVACUATIONDES ORDURES MÉNAGÈRES

Les intervenants

Les déchets urbains constituent un problème social ; l'efficacité de leur


gestion nécessite une synergie dans les actions, une bonne organisation
administrative et technique, une réelle volonté politique et surtout l'implication
des populations. Ainsi, à Libreville comme à Abidjan, la gestion des déchets
urbains fait intervenir deux groupes d'intervenants :
le premier groupe dont la fonction est politico-administrative comprend : la
municipalité, le ministère chargé de l'Environnement, le ministère de
l'Intérieur, le ministère de l'Économie, des Finances et du Plan et puis il faut

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Pierre-Claver MVELE

Tableau 1 - Quelques dispositions relatives à la gestion des déchets solides dans la


commune de Libreville, Arrêté 0001/2000 et Arrêté 000310/2004

Articles Dispositions

2(61) Chaque propriétaire ou locataire de terrain bâti ou non bâti a l'obligation


d'entretenir les sols qu'il occupe, en parfait état de propreté, ceci jusqu'aux
limites mitoyennes de la concession, y compris les trottoirs, les caniveaux
ouverts ou recouverts, la chaussée seule restant à la charge de la ville.

36 (53) (64) Les immondices, ordures ménagères, débris, détritus divers, doivent être
déposés dans les poubelles en matière plastique, munies d'un couvercle.
Ces poubelles seront déposées en bordure de la voie publique à partir de 1 8
heures. Dès le passage du service de collecte, les usagers doivent récupérer
leur poubelle.

41 (64) Si une poubelle est renversée, accidentellement, il appartient à son


propriétaire d'assurer le nettoyage des lieux. Aucun dépôt d'ordures ne doit
subsister sur le domaine public.

42 (64) Dans les quartiers où le ramassage des ordures n'est pas assuré par les
camions collecteurs, les usagers utiliseront des sacs plastiques qu'ils
déposeront sur la voie publique à des endroits et heures indiqués. Il est
interdit de brûler les ordures.

ajouter pour Abidjan : la Direction et le Contrôle des Grands


travaux, soit cinq intervenants ; ceux-ci sont plus nombreux à
Libreville puisqu'il faut ajouter aux quatre précités, le ministère de
la Santé Publique et de la Population, le ministère des Travaux
Publics, de l'Équipement et de la Construction, le ministère de
l'Habitat, de l'Urbanisme et des Travaux Topographiques, le
ministère chargé de la Ville, le ministère de la Planification, soit en
tout neuf intervenants politico-administratifs,
le deuxième groupe, celui des acteurs techniques est composé des
intervenants directs sur le terrain. On y distingue deux secteurs : le
formel et l'informel.
Le secteur formel est représenté à Libreville depuis juillet 2002, par la
Société de Valorisation des Ordures du Gabon (SOVOG). La SOVOG est une

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La gestion des ordures ménagères à Libreville et Abidjan

société anonyme du droit gabonais, filiale du groupe SEDEP (Société d'Études


et de Développement technico-économique Polynésienne) qui existe à Tahiti et
dans plusieurs autres pays. Dans le secteur formel à Libreville, l'on trouve aussi
de petites entreprises et associations qui sont tout à fait en règle, soit avec le
ministère du Commerce, soit avec le ministère de l'Intérieur, soit avec les deux,
et qui interviennent dans la précollecte. Il y a donc là une complémentarité ;
celle-ci se retrouve à Abidjan, mais à un niveau plus élevé. En effet, le
contractant principal est Ash International Disposai et la Motoragri est son sous-
traitant au niveau de la gestion de la décharge d'Akouédo. La décharge publique
de Mindoubé à Libreville, par contre, est gérée par la SOVOG et c'est là sa
mission première, à savoir la valorisation des ordures collectées et déversées à
la décharge par d'autres entreprises. La SOVOG, actuellement, fait aussi bien la
collecte des déchets que la gestion de la décharge ; elle est aidée par des
précollecteurs des secteurs formel et informel. Elle dispose d'un effectif actuel
de 255 agents (éboueurs, chauffeurs, balayeurs, personnel d'encadrement et la
direction). La société ASH, quant à elle, dispose de 1765 agents dont 288
éboueurs, 80 chauffeurs et 600 balayeuses. La ville d'Abidjan étant cinq fois
plus peuplée que Libreville et bien plus étendue, on aurait pu penser que la
SOVOG devrait avoir en proportion quelque 350 agents, et même bien plus
puisqu'elle cumule la collecte et le traitement (Ash+Motoragri).
Les acteurs du secteur informel, à Libreville comme à Abidjan, sont les
ménages et les précollecteurs. Les premiers sont les principaux générateurs des
ordures ménagères. Ils en disposent de cinq façons à Libreville et de quatre à
Abidjan : soit ils les stockent dans des poubelles en attendant le passage des
véhicules de ramassage, soit ils vident les poubelles une fois pleines dans les
coffres à ordures installés à des endroits précis par les concessionnaires : la
SOVOG à Libreville ou ASH à Abidjan, soit ils paient les précollecteurs pour
les enlever, soit ils s'en débarrassent où ils peuvent (terrains vagues, ravins,
caniveaux, cours d'eau); à Libreville, la cinquième façon reste l'utilisation
d'une bonne partie des ordures ménagères, surtout la partie biodégradable, les
fermentescibles, comme engrais des jardins de case, en formant des amas de
fumier derrière les habitations, où l'on fait pousser des légumes, bananiers,
papayers, citronniers, etc... (voir photo E, Planche II). Les précollecteurs sont de
simples particuliers ou de plus en plus, surtout à Libreville, des individus
regroupés en associations ou en Organisations Communautaires de base dans le

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Pierre-Claver MVELE

cadre du projet pilote formé dans la Gestion Urbaine Partagée (G.U.P.) des
ordures ménagères initié dans quatre quartiers par le biais du PNUD
(Programme des Nations Unies pour le Développement) en partenariat avec la
mairie de Libreville. Ils travaillent à leur compte et sont payés à la tâche par les
ménages avec lesquels ils ont passé un contrat le plus souvent verbal. Alors qu'à
Libreville, les précollecteurs déposent les déchets ménagers récupérés dans les
bacs à ordures de la SOVOG, à Abidjan l'on a observé beaucoup de
précollecteurs se débarrasser des déchets collectés où ils peuvent (ravins,
terrains vagues, lagunes, etc...), ils ne sont soumis à aucune règle ou règlement.
Ainsi à Abidjan, ils sont souvent en conflit avec ASH qui, rémunérée au
tonnage, se plaint de se voir ainsi privée d'un certain revenu.
Il convient de noter aussi la présence, non loin des bacs déposés sur
certains sites à problèmes, de jeunes gens, deux par deux en général, pour
veiller sur la bonne utilisation de ces bacs : ne rien verser par terre, ne pas y
jeter des déchets industriels ou interdits, et aussi pour effectuer une précollecte
dans les environs immédiats, cela aux frais de la SOVOG.

La logistique

Les moyens logistiques dont disposent les acteurs urbains de la gestion


des ordures ménagères à Libreville comprennent du matériel lourd utilisé
uniquement par les sociétés et la D.E.U. (Direction de l'Environnement Urbain)
et du matériel léger (brouettes, râteaux, pelles, fourches...), essentiellement
utilisé par les acteurs du groupe privé surtout informel.
La SOVOG dispose aujourd'hui de cinq engins compacteurs (6 en janvier
2004) ou camions-bennes-tasseuses ou bennes à ordures ménagères (B.O.M.)
servant à la collecte manuelle ou semi-automatique ; quatre tractopelles, des
bennes métalliques de 10,15 et 20 m3 (au nombre de 62 en janvier 2004 mais un
peu moins actuellement) et un camion de type amplirol (3 en janvier 2004) pour
leur levée ; des bacs plastiques (1 200 de 770 litres et 1 300 de 1 100 litres en
janvier 2004, mais il en resterait moins de la moitié en service en janvier 2006)
pour la collecte semi-automatique par les B.O.M.
À cet équipement lourd s'ajoutent, d'une part, le matériel léger constitué
de balais, râteaux, pelles, bottes et gants, et, d'autre part, des véhicules de
liaison. Le constat ici est que les moyens logistiques de la SOVOG ont diminué

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La gestion des ordures ménagères à Libreville et Abidjan

par rapport à ce qu'ils étaient il y a deux ou trois ans. Cela est dû aux ennuis
mécaniques causés par l'état défectueux des voiries urbaines et aux mauvaises
utilisations des bacs à ordures par des usagers. Ainsi, la durée de vie d'un bac
qui est normalement de sept ans, est réduite à 1 8 mois à Libreville. Les mêmes
causes produisent les mêmes effets à Abidjan où la société ASH disposait d'un
parc de 93 véhicules à la fin de l'année 1995, mais « de ces 93 véhicules, seul le
tiers fonctionne » avait noté la Direction de l'Environnement de la mairie
d'Abidjan en 1995.

Les stratégies municipales

Comme à Abidjan, la gestion des déchets ou l'organisation du travail sur


le terrain à Libreville, incombent à la municipalité qui travaille de concert avec
les associations et les entreprises privées intervenant dans ce secteur. Le schéma
de gestion est le même, à savoir : précollecte, collecte et évacuation vers la
décharge publique.
La précollecte et la collecte
On distingue plusieurs systèmes de collecte, à savoir :
la précollecte, autrement dit la récupération des sachets remplis
d'ordures auprès des ménages ou le ramassage des ordures formant
des tas sauvages à des endroits inaccessibles aux camions pour aller
les déposer dans les bacs à ordures ou bennes posés à des endroits
accessibles. Aujourd'hui, c'est la SOVOG qui reste seule sur le
terrain, alors qu'il y a quelques années, les zones étaient des
arrondissements répartis entre trois sociétés concessionnaires (SGA,
GPS, Antigone). Elle se fait ici porte-à-porte avec des sacs
plastiques qu'on amène directement dans des bacs ou avec des
brouettes dans lesquelles on peut d'abord entasser les sacs poubelles
pas trop volumineux avant d'aller les verser dans les bacs,
la collecte porte-à-porte par les camions-poubelles (boni) suivie de
l'évacuation vers la décharge,
le dépôt des ordures dans les bacs à ordures ou bennes appartenant à
la société privée SOVOG ; ces bacs sont ensuite évacués par des
camions adaptés après que les manœuvres de la SOVOG aient
nettoyé tout autour dans un rayon de 5m conformément au contrat,

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l'évacuation périodique des tas sauvages par les services


municipaux. Au niveau des marchés municipaux, on peut trouver
des petites sociétés (AGLI, SANIV1T), en train d'effectuer, à la
demande du maire de Libreville, le nettoyage et le dépôt des
ordures dans le bac le plus proche ou directement à la décharge, Les
services municipaux (D.E.U.) arrivent aussi à le faire.

L 'évacuation des ordures et leur traitement


Le transport des ordures ménagères se fait par des véhicules de la
SOVOG à partir des ménages, des bacs, des dépotoirs ou des sites de transfert
vers la décharge de Mindoubé au Sud-Est de Libreville ; sont utilisés à cet effet
des camions bennes à ordures ménagères (bom) en principe 24 heures sur 24, et
7 jours sur 7.
Ces camions vont, suivant un schéma directeur de collecte porte-à-porte,
préalablement établi, passer devant les habitations, les immeubles, etc. s'arrêter
à côté de chaque poubelle pour que les éboueurs, à l'aide d'une technique
spéciale, opèrent le ramassage de tout le contenu de la poubelle ; une fois le
plein du coffre atteint, le camion va tout déverser à la décharge publique et puis
revient continuer le circuit. Une poubelle doit être vidée de son contenu une fois
par jour. Il en est de même pour les bennes métalliques qui sont transportés par
des camions adaptés pour être vidés à la décharge publique et puis ramenés à
l'endroit habituel.
À côté de la SOVOG, s'active aussi la mairie. Les services de la
Municipalité assurent, quant à eux, une partie de la collecte par conteneurs et le
nettoiement des marchés municipaux, comme le marché de Mont-Bouët, le plus
grand de l'agglomération et même du pays.
Quand un camion arrive à la décharge, il passe normalement par le pont
bascule afin de mesurer le poids des déchets apportés. Une opération sommaire
de tri ou de récupération par des personnes qui exploitent la décharge, suivra
dès le déversement du contenu ; elle consistera à mettre à part ce que les uns et
les autres trouvent de réutilisables (bouteilles, ferrailles, touques, pièces
automobiles, caisses en bois, cartons, etc...).
Les d'ordures ménagères réceptionnées (voir tableau 2) augmentent
d'année en année ; il en est, hélas, de même des quantités générées du fait de la
croissance démographique.

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La gestion des ordures ménagères à Libreville et Abidjan

Tableau 2 - les quantités d'ordures ménagères réceptionnées à la décharge


de Mindoubé (en tonnes et tonnes/jour).

Année Poids total Moyenne/jour

1996 41 928 126

1997 47 087 129

1998 56 324 154

1999 (6 mois) 27 516 151

2001 73 025 200

2005 196 000 600

Source : PAPSUT et SOVOG (2005)

Le site actuel de la décharge publique qui reçoit toutes sortes de déchets


(domestiques, industriels) est arrivé à saturation ; il va être bientôt abandonné,
puisque l'aménagement du nouveau site, à quelques deux kilomètres de là, est
opérationnel depuis le début de l'année 2006.
La gestion de la décharge par la SOVOG, se limite encore au buîtage et
terrassement des ordures ainsi qu'à leur recouvrement par du sable (voir photo
C, Planche II).

Le financement
Le financement de la gestion des déchets est de la responsabilité de la
mairie de Libreville et du Trésor Public (ministère des Finances). Chaque année
depuis 2002, c'est la mairie et non plus le ministère des Travaux Publics, de
l'Équipement et de la Construction, qui intègre dans son budget la somme de
3,6 milliards de francs CFA (5,5 millions d'euros) mise chaque année par l'État
pour la gestion des déchets à Libreville. La mairie suit le travail sur le terrain et
donne l'ordre au Trésor Public de payer la SOVOG, à raison de 300 000 000
francs CFA (450 000 euros) par mois pour toutes les opérations : collecte et
traitement des déchets. À Abidjan, la société ASH est rémunérée, par contre, en
fonction du rendement, soit 10 419 francs CFA (15 euros) la tonne mise en

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décharge. Un forfait lui est accordé seulement pour le balayage et le curage des
caniveaux ; il est fixé à un montant de 153 002 250 francs CFA (233 000 euros)
par mois.
Alors qu'à Libreville, le financement de la gestion des déchets est resté
inchangé, quant à son montant, du fait d'une subvention de l'État et d'un budget
municipal plafonnés respectivement à 3,6 milliards (5 millions d'euros) et
13,6 milliards de francs CFA (21 millions d'euros) depuis plusieurs années, à
Abidjan, le coût de la collecte a évolué dans le sens de l'augmentation de la
population et donc de la production des ordures ménagères ; de 3,368 milliards
de francs CFA (5 millions d'euros) en 1992, ce coût est passé à 4,286 milliards
(7 millions d'euros) en 1993 et 5,186 milliards de francs CFA (8 millions
d'euros) en 1994 pour une quantité d'ordures ménagères collectée qui est passée
de 441 940 tonnes à 436 234 tonnes et 555 245 tonnes. La mairie d'Abidjan suit
tant soit peu cette évolution grâce aux taxes spéciales de prélèvement d'ordures
qu'elle collecte sur les factures de consommation d'électricité des ménages à
raison de 2,50 francs CFA/kwh (0,004 euros) et qui s'ajoutent à la subvention
du gouvernement central. Ceci ne se fait pas à la mairie de Libreville.
A côté du financement par l'État et la municipalité, existe celui opéré par
les ménages, les individus ou les PME, essentiellement pour la précollecte. Les
précollecteurs débarrassent les ménages de leurs ordures contre la somme de
300 francs CFA (0,466 €) par sac de 100 litres. Celle-ci peut être relevée
jusqu'à 500 francs CFA (0,76 €) pour les commerçants.
Depuis deux ans, le PNUD met aussi 300 millions de francs CFA
(450 000 euros) par an pour soutenir la Gestion Urbaine Partagée à Libreville.

■ DES RÉSULTATS INSUFFISANTS

Les résultats sont très maigres. Les quantités de déchets réceptionnées à


la décharge sont nettement inférieures aux quantités générées ; cela, malgré une
progression observée d'année en année (tableau 2). Il y a eu régression quand
on sait, d'après une étude de la Direction Générale de la Santé et de l'Hygiène
Publique (DGSHP) réalisée en 1989, que 49 % des ordures produites arrivaient
à la décharge, ce qui était déjà très insuffisant. Le directeur général de la
SOVOG déclarait, lors de sa conférence de presse en septembre 2002, qu'à
Libreville: « seuls 30 % des déchets produits sont ramassés » ; à Abidjan, c'est

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La gestion des ordures ménagères à Libreville et Abidjan

53,65 %. La collecte ne répond pas aux besoins. En effet, elle ne touche


régulièrement que 38 % des ménages à Libreville.
C'est une collecte sélective; alors que les quartiers résidentiels et
centraux sont mieux desservis avec un taux de collecte de 80 %, les quartiers
périphériques et les quartiers sous-intégrés avec, respectivement, des taux de 20
et 6 %, sont très mal couverts. De plus, la décharge de Mindoubé ne répond pas
aux normes reconnues compte tenu des types de déchets qu'elle reçoit. La
conséquence de ces graves insuffisances est que des décharges sauvages se
multiplient encore surtout en périphérie de la ville (voir photos D, E et F,
planche II).

Planche II : Les ordures ménagères à Libreville (Photographies MOUBOUYI - LRJ)

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Les causes de ces insuffisances sont multiples, nous retiendrons :


l'enclavement et le sous-équipement des quartiers non structurés,
sous-intégrés où vivent 80 % de la population de la ville,
le mauvais état des routes,
un cadre réglementaire et institutionnel mal adapté aux enjeux
urbains,
une politique de l'habitat social non soutenue,
des moyens financiers insuffisants au regard des besoins toujours
croissants,
l'insuffisance de la sensibilisation auprès des populations,
l'insuffisance des moyens logistiques des sociétés de ramassage,
une mauvaise organisation du système de collecte par ces mêmes
sociétés.

Les causes des graves insuffisances constatées étant connues, il


conviendrait de s'y attaquer en menant un certain nombre d'actions, à savoir,
entre autres :
la lutte contre la squattérisation, en développant l'urbanisme
opérationnel, la restructuration des quartiers spontanés de Libreville
en révisant certains textes d'urbanisme et les mécanismes
d'attribution du foncier,
la sensibilisation des populations sur la collecte et le ramassage des
déchets, les risques liés au rejet des ordures dans la nature, les cours
d'eau et les caniveaux,
le développement de la participation communautaire,
la mise en place d'un bon Schéma Directeur de Gestion des Déchets
(SDGD) à Libreville,
la réalisation d'une vraie décentralisation des compétences et des
moyens et l'augmentation des capacités d'intervention des
municipalités.

■ Le constat est le même : que ce soit à Libreville ou à Abidjan, malgré le


changement de concessionnaire pour la collecte et l'élimination des déchets,
l'amélioration des conditions de paiement à Libreville et même l'augmentation

239 Villes en parallèle /n° 40-41 /2007


La gestion des ordures ménagères à Libreville et Abidjan

à Abidjan de la part du budget allouée à cette tâche, l'apport des précollecteurs


et le soutien des partenaires nationaux et internationaux, le problème des
déchets reste entier. L' inaccessibilité des trop nombreux quartiers spontanés,
sous-intégrés où vivent 80 % des 700 000 habitants de Libreville n'explique pas
tout, puisque l'on observe aussi quelques amoncellements de déchets dans les
quartiers résidentiels et dans le centre-ville où le réseau viaire est bon. Ce
problème vient, avant tout, d'un manque d'organisation, d'un chevauchement
des compétences, de la non-application des textes réglementaires, et aussi, bien
sûr, d'une insuffisance de moyens financiers, humains et matériels. A cela
s'ajoute un manque de sensibilisation et d'éducation de la population, dont la
majorité est fraîchement issue de l'exode rural.
Pour remédier à ces insuffisances, il faut s'attaquer à leurs causes
profondes : cela nécessite une réelle implication des pouvoirs publics locaux et
de la population et une forte volonté politique de la part des pouvoirs politiques
centraux.

■ Bibliographie

Ministère du Tourisme, de l'Environnement et de la Protection de la Nature


(1999), Plan National d'Action pour l'Environnement (PNAE), tome 1 :
l'État du Gabon au seuil des années 2000, Libreville, 133 p.
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l'environnement, ministère de la Planification, de l'Environnement et du
Tourisme en Partenariat avec le PNUD, Libreville, 8 p.
NYANGALA VOLA G. (2003-2004), Bilan environnemental de la collecte et
du transport des déchets urbains dans le 6eme arrondissement de la
commune de Libreville (Nzeng-Ayong), Université Omar Bongo. ENEF et
mairie de Libreville, mémoire de stage DESS en Évaluation
environnementale, 52 p.

Villes en parallèle / n° 40-41 / 2007 240


Pierre-Claver MVELE

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et Plans d'Actions, Stratégie de Développement Urbain , volume 3,
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PAPSUT (1999), Stratégie Urbaine du Gabon. Équipements Urbains, Plan
d'Actions, Libreville, 44 p.
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apparemment sans solution (e-mail, bounk a @ hotmail com / ysanel 561
fgjrogers corn)
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faisabilité technico-économique, Libreville 27 p.
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Libreville. Termes de références de l'étude d'impact sur l'environnement,
Libreville, 21 p.
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Libreville-Gabon, Université Omar Bongo, ENEF, mairie de Libreville,
mémoire de stage DESS en techniques et méthodes de gestion de
l'information environnementale, 70 p.

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