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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO

FAC DEGS DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE


TROISIEME CYCLE

LE TOAKA GASY
DANS LES RITUELS BETSILEO

( Mini - mémoire )
Année 2004

Présenté par
SOLONANDRIAMBOLOLONA Alaikoto Bernhardi
Date de Soutenance : 14 Avril 2006

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INTRODUCTION

Scientifiquement, l’alcool, l’alcool éthylique ou éthanol, est la substance répondant à la


formule chimique C2H5OH. A vrai dire, une telle formule ne nous mène nulle part, ce sont les
fonctions de l’alcool qui en seront significatives. En médecine par exemple, l’alcool est utilisé
pour enrayer les microbes. Ici il joue la fonction purificatrice. Cependant, la présence la plus
fréquente de l’alcool se trouve aux boissons d’où le terme boissons alcoolisées ou alcooliques.
On distingue différentes formes de boissons alcooliques suivant surtout de leur teneur en alcool.
Il y a tout d’abord de la bière, du vin, des rhums et des whiskys divers. En ce qui concerne la
boisson alcoolique locale, on l’appelle tout simplement << Toaka gasy >>.
De nos jours, nul ne douterait plus que la consommation ou le breuvage d’une certaine
quantité de boissons alcoolisées peut enivrer et si cela devient chronique, la personne buveuse
pourra devenir alcoolique. L’alcoolisme entraîne certaines maladies et à part la cirrhose et
l’ulcère, la plus grave sera celle qui atteint le cerveau. Cette dernière peut causer même la mort à
la personne.
A Madagascar, les boissons alcoolisées étrangères envahissent le marché au détriment
des << Toaka Gasy >> que l’Etat interdit formellement toute forme d’utilisation.
Les chrétiens semblent accepter certaine forme de consommation de boisson
alcoolique, seulement le vin. Cela a été prouvé par le premier miracle de Jésus-Christ à Canaan (
Palestine ) vers les débuts de notre ère, en transformant l’eau en vin lors d’une cérémonie de
mariage. Le Christ semble donner là du feu vert pour la consommation d’alcool et plus
particulièrement le vin.
Par ailleurs, ressentant de la fatigue dans leurs activités d’évangélisation, Paul a exhorté
un de ses collègues à boire une petite quantité de vin.
Cependant, ici, chez les chrétiens, c’est seulement le vin qui est privilégié.
Devant ces conceptions diverses où en est-on donc avec les << Toaka gasy >>. Malgré
les dures répressions prises à son encontre, ce produit ne cesse jamais d’inonder les différents
marchés clandestins et les cérémonies rituelles diverses. Effectivement, le << Toaka Gasy >> est
attaché d’un pouvoir mystique si on ne cite que certains faits seulement.

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Tout d’abord pourquoi se fait-il qu’au début de chaque breuvage, on se prend toujours
l’habitude de verser au côté nord-est de la maison, quelques gouttes pour les ancêtres.
Du reste, pourquoi se fait-il également que pendant le convoi funèbre par voiture, les
roues et le moteur de celle-ci devraient- être versées de << Toaka >>.
A part de telle conception nationale commune, les Betsileo sont exceptionnels.
Effectivement devant les différentes ethnies à Madagascar, ils furent très connus avec leur <<
Toaka Gasy >> surtout avec l’illustre << Ambodivoara >> de Fandriana. Un dicton arbore
même leurs relations avec le << Toaka gasy >> en ces termes : << Tsa ny betsileo no mamo fa
ny toaka no mahery >> que nous traduisons librement << ce ne sont pas les Betsileo qui sont
ivres, seulement c’est le << Toaka gasy >> qui est fort >>. Bref, le << Toaka gasy >> a
énormément submergé la culture Betsileo et nous allons en montrer certaines manifestations.
Tout d’abord, dans le << hady fototra >> ou première pause de pierre, de brique ou autres
comme fondation dans une construction de maison, les Betsileo prient et demandent la
bénédiction de Dieu et des ancêtres en versant quelques gouttes de << Toaka gasy >> sur le lieu
et le boivent par la suite. Lorsque la maison fut construite, ils organisent un << lagnonana >>,
une sorte de fête en guise d’un remerciement envers les ancêtres, à laquelle l’usage du << Toaka
gasy >> est considérable.
Il en est de même dans la construction et l’inauguration d’un nouveau tombeau << fasam-
bao >>. Construire un tombeau est dur et sans le recours au << Toaka gasy >> pour apaiser, si
on peut s’exprimer ainsi, les esprits des ancêtres, on risque de ne pas finir à terme le travail.
Jour et nuit, Durant le << fiandrasam-paty >> la veillée funèbre, Les jeux et les danses ne
s’interrompent jamais. Il en est ainsi également pour le << Toaka gasy >>. On disait même que
ceci ne quitte jamais les cadavres. Les ventes s’intensifient autour.
Dans le rite du << Forazaza >> ( circoncision ), le recours au << Toaka gasy >> est aussi
de mise. Effectivement la veille du grand jour << J >> tout le monde se livre au breuvage du <<
Toaka gasy >>.

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Lors du << famadihana >> ou retournement des morts, si l’on se réfère par exemple au
constat des dépenses, on s’apercevra que le << Toaka gasy >> figurera aussi parmi celles-ci.
Considérons à cet effet le phénomène de << Fodiamandry >> ( litt soi-disant se coucher ), soit
la veille du soir du jour de la manifestation, les familles alliées qui viennent de loin et les jeunes
de la communauté organisatrice créent une atmosphère de festivité. En effet, ils organisent des
concours de chants, rehaussés par des troupes de flûtistes et le << Toaka gasy >> contribue pour
une bonne part aux rehaussements des réjouissances.
Concernant aussi la relation entre beaux-frères << mpizao-dahy >>, il est de coutume
qu’ils ne peuvent pas se tutoyer. C’est une personne délicate et pour ne pas être encouru de
sanctions, il faut maîtriser sa langue. Si par négligence, vous tutoyez involontairement votre
beau-frère, vous devez résoudre cela dans le << Toaka gasy >>.
Pour résoudre par exemple le problème de << tako-maso >> ( litt cache – vue ) dans le
rituel du mariage, le jeune prétendant règle l’affaire en invitant le père, les frères ou toute
personne, qui ne peut avoir de relation sexuelle avec la jeune fille, à boire du << Toaka gasy >>.
Somme toute, à chaque fois qu’un évènement heureux ou malheureux arrivent, les Betsileo
ont toujours recouru au << Toaka gasy >>, D’où le choix du thème << LE TOAKA GASY DANS
LES RITUELS BETSILEO >>.
Dans ce cadre, on se propose alors de saisir la conception des betsileo concernant ce
liquide mystérieux. Pourquoi, il occupe tant de place dans leurs vies, pourquoi est-il attribué
d’une telle importance et considération. Voilà en fait, les principales questions qui seront posées
d’une manière permanente, le long de cette recherche.
Face à cette problématique, on arrive maintenant à cette hypothèse générale suivante que
le << Toaka gasy >> n’est utilisé pour rien ou pour une simple réjouissance dans un système
global qu’est la culture Betsileo. Sûrement ceci occupe une grande place dans leurs vies, surtout
à travers les pratiques rituelles diverses.
Pour une nécessité méthodologique, nous comptons expliquer cette hypothèse par la
théorie fonctionnaliste. Ici on est condamné à être fonctionnaliste. Nous devons saisir les
fonctions du << Toaka gasy >> dans le complexe du rite.

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Et comme cette étude concerne toute une culture, le travail monographique a été
indispensable. Ici, entre autres, les recherches géographiques, coutumières ont été mises en
exergue. Pour ce faire, à part les recherches documentaires ou bibliographiques, des recherches
sur terrain à travers les enquêtes ont été privilégiées.
Les enquêtes ont été faites d’une manière arbitraire auprès des anciens ; l’hypothético -
susceptible de posséder la connaissance des rituels. Les informations ainsi recueillies ont fait par
la suite l’objet d’une comparaison et d’un triage. Pendant les enquêtes, des questionnaires guides
ont été élaborés et la technique utilisée a été celle de l’entretien semi-directif en sciences
sociales.
La grande lacune de cette étude résiderait dans le fait que pour cerner toute une culture,
nous n’avons qu’un petit laps de temps seulement alors que la précipitation est origine de tous les
défauts. Nous pouvons même avancer que notre méthodologie est conditionnée par cette
question de temps. Nous aurions dû encore à nous baigner largement avec le déroulement des
rites, mais faute de temps, cela n’a pas pu arriver.
Enfin pour terminer cette partie introductive, il est temps maintenant d’avancer le plan.
Tout d’abord, le travail sera divisé en trois grandes parties. Dans la première partie, nous allons
définir notre champ d’étude en procédant à la présentation générale de la région Betsileo. Ce sera
là en effet que l’étude monographique occupera beaucoup de place. Puis dans la deuxième partie,
nous allons essayer de parler du << Toaka gasy >> et de son environnement et enfin dans la
dernière partie, nous pensons arriver à la phase ultime de notre recherche, à la base même du
présent travail, dans laquelle nous essayerons d’appréhender l’importance du << Toaka Gasy
>> dans les rituels Betsileo.

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PREMIERE PARTIE
PRESENTATION GENERALE DE LA REGION BETSILEO

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I – Délimitation administrative et géographique :

Comme il s’agit de bien déterminer les frontières de ce qui sera l’objet de notre étude,
le monde Betsileo se trouve alors dans la partie sud des hauts plateaux de Madagascar.
Administrativement il se situe dans les deux régions MATSIATRA et MANIA de la province
autonome de Fianarantsoa et couvre 9 sur 23 sous préfectures composant ladite province. Il
s’agit des sous-préfectures de FIANARANTSOA I et II – AMBALAVAO - IKALAMAVONY
– AMBOHIMAHASOA – AMBOSITRA – AMBATOFINANDRAHANA – MANANDRIANA
– FANDRIANA. ( cf. carte )
Géographiquement, Au sud, le Betsileo est délimité par le massif de l’Andringitra et le
pays Bara. Au nord par l’Imerina ou plus exactement le Vakinankaratra. Le méridien
d'Ambatofinandrahana le limite à l'Ouest et la lisière de la forêt Tanala à l'Est. Deux grands
fleuves y prennent naissance, Le Mania et le Matsiatra. Tous deux se jettent dans le canal de
Mozambique. Le Matsiatra appelé en aval le Mangoky. Ce fleuve le plus long de Madagascar a
également pour affluents le Mananatanana et le Zomandao ; deux fleuves se trouvant dans la
région Betsileo. Le Mania sous le nom de Tsiribihina, source de toutes ces eaux qui humidifient
la région d'où la venue du nom Arindrano ( amis des eaux ).
D’une division ancienne, il semblait que le pays était subdivisé en 4 grands territoires ;
MANANDRIANA, ISANDRA, LALANGINA et ARINDRANO.
Le MANANDRIANA avait pour capitale Ambohimahazo. Il s'étendait depuis l'Ivato à
l'Est et Fiadanana au Sud -Est jusqu'à la région de Tsinjavina, anciennement Ivatolava à l'ouest ;
d’Ámbatofangehana au Nord jusqu'au Matsiatra et au Fanindrona son affluent.
L'ISANDRA, partant du Matsiatra se terminait au Sud, un peu avant la vallée du
Lamosina. Limite imprécise à l'Ouest, limites presque en ligne droite du nord au sud depuis le
massif d'Andranogaga jusqu'au rocher de Langela.
Le LALANGINA, s'allonge sur toute la partie orientale de la contrée depuis le
Fanindrona jusqu'aux environs de Sahave. On y distingue Le Mandranozenina, au Sud du
Mandranofotsy, avec Ilalazana comme capitale; L'Ifaliarivo, prolongement de la partie
correspondante en Isandra avec Vinaninoro comme centre; Le Lalanginaivo ou le Lalangina
central avec, pour les villes principales, Ialananindrano et Ankaramalaza.

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Enfin L'ARINDRANO s'étend sur toute la partie méridionale du Betsileo. On y a aussi
distingué depuis longtemps plusieurs régions :
Le Vohibato qui comprend la vallée de Mandranofotsy dans sa partie supérieure jusqu'à
son entrée dans la plaine de Fianarantsoa ; Le Tsienimparihy sur les deux rives de la grande
rivière de Mananantanana ; L'Ialananindrano sud et l'Homatrazo.
Telles furent les répartitions et les appellations les plus connues aux anciens temps.
Ces délimitations semblaient ne pas tenir compte de l'au-delà de la Mania ou le nord de
cette rivière. La sous-préfecture de Fandriana actuelle à été classée à cette époque comme faisant
partie de la région de VAKINANKARATRA. Cependant des chercheurs récents l'ont bien
qualifiée de Betsileo Nord et la division administrative actuelle au moment ou nous écrivons
( Mars 2004 ) l'intègre même dans la province autonome de Fianarantsoa que dans celle
d'Antananarivo.
Ici la dénomination de plateaux peut paraître assez ironique pour désigner le plus
admirable chaos de montagnes et de rochers que l'on puisse observer et imaginer. Des bosses et
des trous, des montées et des descentes, des ondulations sans nombres et sans fin, ressemblant à
une immense mer avec des vagues monstrueuses subitement figées, voilà dans son ensemble le
pays Betsileo. Quand on veut donner un aperçu exact de la configuration de la contrée,
l'imagination la plus inventive se sent en déroute.
Des croupes plus ou moins allongées, que continuent des mamelons décroissants,
finissant eux-mêmes dans l'étalement plus ou moins vaste de la plaine sur le bord des rivières.
Entre ces croupes ou subdivisions de croupes, des creux formant vallon, ravine ou fossé suivant
l'importance, à l'intersection de deux croupes une source qui alimente les hameaux et les rizières.
C'est grâce à ces sources que le Betsileo peut accrocher au flanc des montagnes et assez haut ces
magnifiques rizières à trente, quarante et cinquante échelons.
C'est au pied de ces systèmes montagneux importants que se développent les grandes
vallées et plaines. Ruisseaux des pentes, torrents des ravins, rivières des vallées ont surtout pour
fonctions d'alimenter les rizières qui après avoir rangé ; parfois très haut sur les flancs des
montagnes, leurs pittoresques gradins, s'étalent en finissant dans les plaines.
En sommes, une prodigieuse bousculade de roches dans les sommets, des grands
plateaux arides et déserts ici et là, des croupes sans nombres couvertes d'herbe sèche, et toute la
vie, toute la végétation, toute la richesse dans les plaines ou dans les bas fonds.

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En fait, le monde Betsileo est aussi une région de grandes variations d’altitude qui varie
de 100 à 2000 m. les parties les plus basses : les vallées du Matsiatra et du Mananantanana, les
environs de Fianarantsoa, de Soalala et d'Ambalavao, restent comprises entre 500 et 100 m. La
majeure partie du pays dépasse 1500m.

II – Les conditions climatiques :

La situation géographique du Betsileo sur les hauts-plateaux détermine naturellement les


conditions climatiques. Généralement le climat est doux et humide. La température, très douce,
ne dépasse guère, au cours des mois les plus chauds 29 ou 30 degrés centigrades ; au cours des
mois les plus frais, elle s’abaisse surtout dans les parties les plus élevés à 6 0 et n’atteint
qu’exceptionnellement 00 au fond des vallées à l’aube.
L’année est divisée en deux saisons bien distinctes ;
l’une dite, saison sèche ou saison d’hiver, qui va de mai à septembre inclusivement,
saison sans pluie comme l’indique le premier nom, saison d’arrêt forcé de la végétation.
L’autre, saison des pluies ou saison d’été, que traversent des séries plus ou moins
intermittentes d’orages violents. Elle commence ordinairement à la fin d’octobre ou au
commencement de novembre pour finir en avril. C’est l’époque de la belle verdure, des fleurs et
des fruits.
Le régime des pluies est caractérisé par de violents orages pendant l’été. Les accidents
ne sont pas rares. Une seule décharge produit parfois des effets monstrueux. Quelquefois des
gardiens de bœufs sont morts foudroyés avec quelques-unes unes de leurs bêtes, des maisons
incendiées, des arbres abattus.
Si impressionnants toutefois que soient les éclats de la foudre, si réels que soient les
accidents, les conséquences des pluies torrentielles elles-mêmes sont plus sensibles :
éboulements de terrains, chutes de maisons, chemins démolis, ponts emportés, récoltes
compromises ou ravagées, rien n’échappe à ces déluges destructrices qui submergent tout,
rongent tout, bousculent tout.

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Mais l’été touche à sa fin. Après janvier aux pluies diluviennes et aux grandes
chaleurs, vient l’automne à la température décroissante et aux ondées plus rares. Puis voici que le
dernier effort de la pluie : huit jours d’averses ininterrompues. Les vallées sont inondées, les
rizières sont submergées, les plants de riz parfois se couchent lamentablement dans la vase d’où
ils auront peine à se relever.
En mai, les orages se sont tus et le froid commence. Pays, plantes, bêtes et gens
prennent aussitôt un air frileux. La grande herbe des couteaux se dessèche et roussit ; quelques
arbres se dépouillent complètement et de l’Est souffle de plus en plus le vent chargé de bruine.
Ce vent de l’Est ou de l’Alizé est de tous les jours et de toutes les saisons. Les autres
directions sont presque inconnues. Toujours venant du Grand Océan Indien, passant sur la forêt,
souffle un courant continu d’air froid fatigant. En été, il peut être supportable et même
rafraîchissant, en hiver, il devient un véritable fléau.
Le vent nous amène aux cyclones. Le pays Betsileo les connaît, bien que ce ne soit pas
leur terre de prédilection, située un peu plus au nord dans la région de Toamasina,
d’Antsiranana…. Plusieurs ont passé et ont provoqué d’importants dégâts ; des toits arrachés, des
murs renversés, des arbres abattus, des ruines de toutes sortes. En dernier ressort on peut dire
qu’au pays betsileo on peut goutter la douceur de vivre.
III - L’habitat :
III.1 – Les caractéristiques

Jadis, avant la conquête merina, la présence de nombreux Hova ou seigneurs locaux,


était propice au développement des querelles et du brigandage, les nécessités de défense
obligèrent les habitants à se grouper dans des villages fortifies au sommet des collines, entourés
de rangées concentriques de fosse (hadivory ) et de remparts en pierres sèches. Les traces de ces
villages fortifiés persistent encore dans certains lieux.
Lorsque le paysan a pu vivre en paix, il a éprouvé le besoin d’être à proximité de ses
rizières et de ses champs de culture, de jouir de plus d’indépendance. Il a quitté le village fortifié
du haut de la colline pour construire sa maison à mi-pente, à côté de ses champs. Les hameaux
éparpillés ont succédé aux anciens villages agglomérés. Cette évolution vers la dispersion se
poursuit encore à l’heure actuelle.

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III.2 – Les maisons :

Les maisons en bois de jadis, aux parois constituées par des madriers plantés debout et
juxtaposés, ont aujourd’hui disparu. Il n’en reste plus quelques rares exemplaires en ruine.
Les constructions actuelles sont de plusieurs types : les gens aisés possèdent des maisons de
quatre ou six pièces avec étage et véranda. Les murs sont construits en briques d’argile séchés au
soleil, les chaînages d’angle, les piliers de véranda, les encadrements des portes et fenêtres sont
en briques cuites. Certains toits, autrefois en chaume, sont maintenant en tuiles ou en tôles. A
l’intérieur et à l’extérieur, les murs et les plafonds sont revêtus d’un enduit de mortier fait de
terre, de sable et de bouse de vache soigneusement mélangés et pétris.
L’escalier d’accès à l’étage est presque toujours à l’extérieur de la maison ; sous la
véranda. En général, seul le premier étage est utilisé comme habitation, le rez-de-chaussée sert
de réserve ou de magasin.
Pour les gens moins aisés, la maison comporte toujours un étage mais de moindre
dimension ; elle n’a pas le plus souvent de véranda. Les murs sont en terre battue et le toit en <<
bozaka >>. Le premier étage est aussi utilisé comme habitation et le rez-de-chaussée servant à
entreposer le paddy et les instruments agricoles.
Enfin, il existe encore des maisons de construction rudimentaire les <<
TRANOBONGO >>, huttes faites de mottes de terres.
Actuellement, La règle ancestrale d’orientation des maisons vers l’ouest est encore plus
ou moins respectée.

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DEUXIEME PARTIE

LE TOAKA GASY ET SON ENVIRONNEMENT

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Le refroidissement du tuyau serpentin (métallique ou en bambou) est obtenu par canal
irrigué par de l’eau froide constamment renouvelée, dans laquelle il plonge. Au bout du tuyau
est accroché un fil de soie dont le rôle est de diriger les gouttes d’alcool obtenues dans un
récipient réservé à cet effet. Le réservoir doit être fermé hermétiquement par un couvercle.
La préparation comprend deux grandes étapes :
- Dans la première étape, on fait fermenter la matière première ( soit de la canne à
sucre, soit des fruits doux tels que les mangues, l’ananas, soit des racines de l’ambatry
etc… le cas varie selon la région ). On ajoute ensuite une quantité plus ou moins
importante de sucre à la matière première pilée ou découpée en morceaux au préalable :
ceci est dans le but d’en extraire le jus.
- La fermentation se faisait en vase clos durant quatre à huit jours. Cette fermentation
est accélérée par l’adjonction à la matière première et au sucre d’un ferment d’origine
végétale qui diffère aussi suivant les régions. Nous citons entre autres : le << kofafalahy
>>, le << zamborizana >>, le << kindresy >>. Cette adjonction de ferment a aussi pour
but de conférer aux produits finis un certain goût qui devrait les faire apprécier par les
consommateurs. Ces ferments, appelés << laro >>, contiennent généralement tous les
alcaloïdes toxiques pour l’organisme humain.
La distillation vient ensuite, elle est obtenue par chauffage doux du réservoir.
Contenant le mélange hétérogène déjà fermenté. On a souligné ici qu’une source de
chaleur trop forte risque d’altérer la qualité de la boisson alcoolique produite.
Par cette distillation, on atteint trois catégories de boissons alcooliques qui se
distinguent par leur teneur en alcool.
 La << tête >> de distillation ( loha toaka ), titrant entre 70 et 80
degrés,
 Le << cœur >> de distillation ( fon-toaka ) de degré un peu
moindre entre 45 et 65 degrés.
 La << queue >> de distillation ( rambo-toaka ) de degré assez
bas entre 25 à 35 degrés.
Cette troisième catégorie n’entre pas dans le circuit commercial, car elle est jugée trop
faible du point de vue teneur en alcool.

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Pour pouvoir distinguer ces trois catégories d’alcool, les fabricants procèdent à des
méthodes empiriques et les consommateurs avertis en font autant.
La première manière, consiste à prendre un échantillon de la boisson et d’essayer de le
brûler. S’il brûle en une flamme bleue pendant longtemps, le toaka gasy est de bonne qualité, et
est de forte teneur en alcool. Par contre, s’il donne une flamme jaune, c’est qu’il est moins bon et
moins fort.
La deuxième méthode utilise tout simplement la faculté gustative du fabricant. Il en goûte
un tout petit peu et juge de la qualité de son produit. Si l’échantillon dégusté provoque un
picotement ( c’est à dire une sensation de piqûre légère à la gorge ) caractéristique du coté du
palais, c’est qu’il est jugé d’alcool fort. Si rien ne se passe c’est le contraire.
La dernière façon d’agir, consiste à agiter la bouteille contenant la boisson alcoolisée.
L’apparition de nombreuses petites bulles d’air à la surface du liquide, à l’arrêt des secousses
imprimées au contenant, est un signe de bonne qualité de la boisson alcoolique.

III – Variétés et lieux de provenance :

Concernant le << Toaka gasy >> dans les régions Betsileo, selon l’enquête, nous avons
pu distinguer cinq catégories suivant les matières premières utilisées :
- Le << Toaka gasy >> issu de la distillation du miel ou ( Toaka tantely ) ;
- Le << Toaka gasy >> issu de la distillation des fruits (par exemple : mangue) ;
- Le << Toaka gasy >> issu de la distillation de la canne à sucre ou << Toaka
fary >> est le plus apprécié par les fabricants et les consommateurs.
L’illustre << Ambodivoara >> de Fandriana est de cette catégorie; le <<
Toaka dabotany >> d’ Ambalavao, est fait également avec le << fary >> mais
il est moins apprécié que l’ << Ambodivoara >>
- Le << Toaka gasy >> issu de la distillation des racines ( racine d’ambatry, de
manioc et de patate ), Le << Toaka ambatry >> au nord Betsileo est de cette
catégorie.

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- Le << Toaka siramamy >> issu de la distillation du sucre, préalablement
fermenté avec des ferments ordinaires ( laro ) ;
Les interviewés ont bien souligné que seuls le << Toaka tantely >> et le << Toaka fary >>
peuvent être utilisés dans les cérémonies rituelles.

IV– Effet de la consommation :

IV.1 – Les trois stades de l’ivresse :

On s’est inspiré de J. Odermatt pour cette notion de trois stades de l’ivresse. Il ne s’agit
pas d’états nettement tranchés, mais comportant des transitions qui différent d’un sujet à l’autre
et varient chez un même sujet suivant ses conditions momentanées.
1er stade : pré-ivresse
Détente, relaxation, gaieté et consentement sans raison déterminée, relâchement du
contrôle de soi, baisse du sens critique et logique, besoin de parler et de fraterniser, accentuation
des gestes et de la parole, dispersion de l’attention et défaut de concentration, surestimation de
soi et sous-estimation des obstacles, impatience de voir ses désirs réalisés.
2e stade : ivresse légère à moyenne
Perte de sens critique et logique, ainsi que du jugement, difficulté de concentrer son
attention ou de suivre un raisonnement, défaillances dans la coordination des organes des sens et
des réactions musculaires, imprécision des mouvements, prédominance progressive des
impulsions instinctives suivies immédiatement d’actes inconsidérés, brusques changements
d’humeur, allongement des temps de réaction.
3e stade : ivresse grave
Paralysie progressive des fonctions conscientes, allongement des temps de réflexe,
illusions visuelles ou auditives, somnolence irrésistible mettant fin aux libations.

IV.2 - L’alcoolisme :
IV.2.1 - Définition :

Les hommes sont inégaux devant l’alcoolisme. La vulnérabilité à l’égard de l’alcool varie
très fortement d’un individu à l’autre. On ne peut prendre pour critère la seule consommation
d’alcool.

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Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé ( OMS ) : << les alcooliques
sont des buveurs excessifs dont la dépendance à l’égard de l’alcool est telle qu’ils présentent soit
un trouble mental décelable, soit des manifestations affectant leur santé physique et mentale,
leurs relations avec autrui, leur comportement social et économique, soit des prodromes de
troubles de ce genre >>.
Une définition de P. Fouquet fait ressortir la dépendance qui lie le buveur à l’alcool, trait
commun à toutes les formes d’alcoolisme chronique : << Il y a alcoolisme lorsqu’un individu a
perdu la liberté de s’abstenir d’alcool. >>
IV.2.2 - Classification :
IV.2.2.1 - Les quatre groupes d’alcoolisme chronique
1er groupe : l’alcoolisme névrotique
Il s’agit de buveur souffrant de conflits intérieurs, de difficultés caractérielles, d’anxiété,
de frustration, etc…. ? et qui cherche dans l’alcool, la détente, l’allégement et l’oubli. Leur
dépendance à l’alcool, qui représente pour eux une sorte de tranquillisant, est d’ordre
psychologique. Ils boivent souvent seuls et en cachette. Parmi eux, on rencontre des faibles de
volonté, des déséquilibrés, des introvertis, des psychopathes, en un mot, une humanité souffrante.
Par leur excès de boisson, ces buveurs nuisent leur famille, leur travail et leur situation sociale et
économique. Ainsi, aux troubles primitifs s’ajoutent les complications créées par l’abus d’alcool.
2eme groupe : l’alcoolisme non compliqué
Ce sont des sujets sains au départ et qu’une alcoolisation habituelle et continue rend
alcooliques. Ces alcooliques ont commencé et continuent à boire par goût, par imitation, par
entraînement, pour être mieux acceptés par les autres, parce que l’euphorie de l’alcool leur
convient, parce que le milieu dans lequel ils vivent ou leurs occupations fournissent de
fréquentes occasions de boire.
3eme groupe : l’alcoolomanie avec perte de contrôle.
C’est un état de besoin impérieux et progressif. La maladie est d’une extrême gravité,
parce qu’il y a incapacité totale de contrôler ses consommations d’alcool, une fois que
l’alcoolomane de ce groupe a commencé à boire. S’il peut s’abstenir pendant quelques temps, il
perd tout contrôle dès qu’il prend la moindre consommation. Il continue alors ses excès d’alcool
jusqu’à ce que des facteurs internes ou externes y mettent fin.

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4eme groupe : l’alcoolomanie avec incapacité de s’abstenir de boire.
A l’encontre des alcoolomanes du 3eme groupe, ils sont capables, d’adapter plus ou moins
leur consommation d’alcool aux circonstances, à éviter l’état d’ivresse manifeste. Mais ils ne
peuvent plus se passer totalement d’alcool, même pendant 24 heures ; car ils souffrent de signes
de sevrage : fort tremblement, des mains surtout, transpiration, diarrhées, insomnie, irritabilité,
tension nerveuse, angoisse, etc. De nouvelles absorptions d’alcool font disparaître
immédiatement ces malaises.

IV.3 - Les effets sociaux :

L’alcool, en tant que boisson enivrante, est un excitant pouvant causer d’énormes dégâts
au niveau du comportement social. L’alcoolisme fait de l’individu un perturbateur du milieu
familial, social et peut engendre parfois des crimes ou des délits.
L’alcoolisme suscite inévitablement des difficultés dans la vie commune, en plus des
dépenses engagées, l’alcool abolit la réserve naturelle, le tact, le respect du partenaire, les égards
envers autrui. Il affaiblit la maîtrise de soi et libère les impulsions instinctives. Il exacerbe la
sexualité et favorise les relations extra-conjugales. Certains pères de famille abandonnent même
leur foyer, d’autres provoquent une séparation de corps ou un divorce avec leurs épouses. Dans
le cas contraire, il est parfois difficile de déterminer si l’alcoolisme a amené l’atteinte du lien
conjugal ou si celle-ci a conduit à l’alcoolisme ; le plus souvent, on a affaire à un cercle vicieux,
un des facteurs a renforcé l’autre.
Ainsi, l’alcool reste un excellent stimulant, entraînant des conséquences sociales,
économiques et culturelles très graves pour la société et l’Etat.

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TROISIEME PARTIE

LE TOAKA GASY DANS LES RITUELS BETSILEO

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Approche théorique :
I – La définition :

Avant d’entamer, nous jugeons utile au début de signaler que cette partie théorique s’est
beaucoup inspirée de l’analyse faite par Jean Maisonneuve dans son livre << Le rituel >>.
Epistémologiquement, il est d’abord nécessaire d’élucider les deux termes << rite >> et
<< rituel >>. En effet, on ne peut guère distinguer ; le rituel désigne le système de rites dont
ceux-ci sont les composants. Par exemple, Le rituel de la circoncision chez les Malgaches
comprend une pluralité de rites festifs et cérémoniels. L’adjectif << rituel >> n’est autre alors
que cette conformité aux prescriptions du rite.
Tout d’abord, il faut reconnaître que définir les termes << rite >> ou << rituel >> n’est
pas du tout facile. Les chercheurs sont encore loin d’avoir l’unanimité sur ce point. Par ailleurs
ces concepts ne se sont pas seulement l’objet d’une discipline mais portent aussi le statut de
transdisciplinaire. Comme une démarche logique et en adoptant aussi celle de l’auteur, il est
mieux de partir de certaines conceptions des diverses disciplines, puis voir les notions adjacentes
associées au même processus pour parvenir à une définition un peu consistante, constituant un
point de repère pour l’analyse ultérieure.
En ethnologie et en sociologie, << les rituels désignent un ensemble ( ou un type ) de
pratiques prescrites ou interdites, liées à des croyances magiques et / ou religieuses, à des
cérémonies et à des fêtes, selon les dichotomies du sacré et du profane, du pur et de l’impur >>.
Une telle définition semble écarter les rites séculiers qui n’ont rien de rapport avec la magie ni la
religion.
En psychologie sociale il s’agit de saisir la dimension interactionnelle d’une ritualité, en
s’attachant an sens vécu et au niveau de conscientisation des conduites chez les acteurs.
La psychanalyse par contre, tout en reconnaissant la fonction collective des rituels,
s ‘intéresse plutôt à leurs formes et à leurs fonctions : à la démarche adoptée par l’individu dans
le cadre de situations banales sous l’effet d’une compulsion de répétition et d’obsessions plus ou
moins névrotiques ( au niveau par exemple de l’alimentation, de la toilette ou du vêtement )

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Et même en éthologie, la ritualisation relève d’un processus d’évolution des espèces et
concerne l’adaptation de schèmes archaïques de comportement à une fonction spécifique de
communication. On peut constater cela à travers les parades de séduction ou d’intimidation chez
plusieurs espèces. Mais cela requiert une toute autre affaire et on ne sait pas si on a vraiment le
courage d’étendre ce concept de l’humain à l’animal.
Les différentes disciplines semblent s’accorder sur certains points que les rites désignent
toujours des conduites spécifiques liées à des situations et à des règles précises, marquées par la
répétition.
Pour mieux cerner un terme, il est toujours de pratique de le comparer avec des mots
voisins et analogues ; les notions adjacentes.
Coutumes – routines
Evidement, on est tenté facilement de réduire le rite à certains usages présentant un
caractère routinier et stéréotypé. Cependant aux routines, on se contente seulement de répéter
sans en assimiler la raison et le sens de ce que l’on fait. On cherche toujours à se référer à
certaines valeurs, quelquefois contestées mais qui sont encore largement prégnantes sans en
toutefois comprendre la signification. Ainsi le rite reste-il pourvu d’un halo de sens et de
symbole irréductible à la seule utilité. Beaucoup de rites archaïques subissaient l’effet rongeur
de la routine ; certaines complications et épreuves avaient pu aller jusqu’à la mutilation sans que
ces rites soient pour autant absurdes ni gratuits. Afin de mieux comprendre, on peut distinguer
aussi << ritualité >> et << ritualisme >>. Le second a beaucoup trait à la routine des
comportements rituels, dépourvue de signification elle tend facilement vers la caducité.
A côté, le rite présente un caractère immuable à travers de très longues périodes de temps
et cela qui le distingue d’une simple coutume. Il fait référence à des forces latentes ou à des
valeurs insignes ; bref à un certain sacré.
Code
Ce terme désigne le système de signaux permettant d’interpréter ou de transmettre un
message. Les signaux peuvent être de nature diverse ; linguistiques, gestuels, mécaniques.
Plusieurs codes sont susceptibles de ritualisation si on ne se réfère par exemple qu’au mode de
salutation des jeunes, utilisé comme une sorte de rituel.

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14
Cependant à la différence du rite, le code peut- être aisément modifié comme le mode de
salutation qui évolue et change tous les temps.
Cérémonie – culte
Ces termes sont étroitement associés pour certains auteurs tandis que d’autres ont tenté
d’établir entre eux une distinction.
Premièrement, on fait de la cérémonie une catégorie très générale de la communication
sociale dont le rite serait la forme mystique qui peut prendre d’ailleurs un caractère privé tel que
la prière solitaire par exemple.
Deuxièmement, en évoquant tout simplement certains mots de la même famille le <<
cérémonial >> et le << cérémonieux >> ( l’étiquette )
Enfin, on désigne par culte ces pratiques spécifiques exprimant la vénération ( envers un
dieu, une entité, une personne ). Par ailleurs l’étymologie caeremonia assimile aussi le culte par
le respect du sacré.
On appréhende alors le terme cérémonie aux formes ou aspects de pratiques collectives
fortement organisées.
Le rite et symbole :
Le dictionnaire Larousse entend par symbole cet << être ou objet qui représente une chose
abstraite qui est l’image d’une chose. Le chien est le symbole de la fidélité, la balance est le
symbole de la justice >>. Ainsi l’anneau, le drapeau ou la croix sont successivement les
symboles du mariage, de la patrie et du Christ. Il s’agit d’une chose absente de notre perception
immédiate qui est représentée, figurée par l’objet symbolique. Il assure le lien entre l’invisible et
met en jeu l’imaginaire. En fait, dans la pratique. Le rituel recourt toujours aux symboles surtout
dans les relations avec le spirituel et l’invisible.
On aperçoit donc combien rite et symbole sont solidaires même s’il existe des systèmes
symboliques sans rituel, comme dans le cas des mathématiques. L’addition symbolisée par le
signe (+) n’est rien de rituel, il n’est qu’une addition sans référence à quoi que ce soit. I. Chiva
désigne même tout rituel religieux, civil ou quotidien par << technique sociale symbolique >>.
Toujours dans le but de mieux saisir le concept, il s’avère aussi indispensable de parler un
peu des éléments qui lui sont étroitement liés et qu’il ne pourrait exister ni fonctionner sans eux.

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Il s’agit des trois concepts : la foi, le sacré et le corps que l’on dénomme les << corrélats du rite
>>.

On entend par ce concept foi, cette attitude mentale rattachée à un ensemble de <<
croyances >> à un être suprême, à des forces occultes ou à des valeurs ( idéales ) qui revêtent
pour le croyant un caractère sacré. S’il peut exister des rites sans dieu et sans mystique, il ne
saurait y avoir de rite sans foi.
Etymologiquement, le sacré s’oppose au profane en désignant ce qui est séparé, le non
initié qui ignore les usages et les règles. Comme la notion de valeurs, vue précédemment le sous-
tend, le champ du sacré ne se borne exclusivement à la transcendance, la communion avec un
monde surnaturel, supra-humain, il peut concerner aussi le domaine de l’immanence, rattachée à
des valeurs séculières. C’est ainsi qu’on peut par exemple parler des lois sacrées de l’hospitalité.
Quant au troisième terme, on peut dire que sans le corps, la foi ne peut pas s’exprimer et
s’incarner. Il n’existe sans doute aucun rituel qui ne prenne le corps comme support direct ou
indirect de son action ou de son projet.
Apres avoir épier, les allées et venues du concept, on s’accorde alors à faire sienne la
définition de Jean Maisonneuve du rituel en ces termes : << C’est un système codifié de
pratiques, sous certaines conditions de lieu et de temps, ayant un sens vécu et une valeur
symbolique pour ses acteurs et ses témoins, en impliquant la mise en jeu du corps et un
certain rapport au sacré >>1

1
MAISONNEUVE J. << Les rituels >>, Paris, PUF, col << Que sais-je ? >>.

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II – Le rôle des rituels :

Il paraît que la seule définition ne semble pas suffisante pour mieux appréhender la
signification des rituels. Il faut la compléter par les objectifs visés. Qu’est ce que l’on entend
vraiment avec ces pratiques quasi-inimaginable ? Cette question nous amène alors aux rôles des
rituels.
Selon l’approche psychosociologique, il importe de dégager les fonctions, les
significations en se referant à la fois au climat groupal lors du déroulement du rite et au vécu
propre des acteurs, donc à l’ensemble des situations, sentiments, représentations dont il assure à
la fois l’expression et la régulation.
Au-delà des buts explicites ; protection divine, fécondité, intronisation, etc.….l’auteur a
assigné aussi aux rituels trois fonctions majeurs :
- Fonction de maîtrise du mouvant et de réassurance contre l’angoisse :

Les pratiques rituelles libèrent l’inquiétude humaine devant les péripéties de la vie. Elles
canalisent aussi les émotions puissantes telles que la haine, la peur, le chagrin et l’espérance dans
de nombreux rites archaïques. Beaucoup d’entre elles servent aussi à maîtriser symboliquement
l’espace et le temps afin de réduire leurs contraintes et leur fluidité. Cela est manifeste par
exemple dans des cas de la sacralisation d’un lieu et la consécration des périodes ou des étapes
de la vie ( rites saisonniers ).

- Fonction de médiatisation avec le divin ou avec certaines formes et valeurs


occultes ou idéales :

Il s’agit d’une conciliation avec des puissances qui nous échappent : divinité, esprits
bénéfiques ou maléfiques, idéaux aléatoires. Reconnaissant ses limites face aux aléas de la vie,
l’homme recourt toujours à des opérations symboliques : gestes, signes, objets figuratifs
auxquels il prête une certaine efficacité. Tel est le sens par exemple des prières.
La référence à un certain sacré subsiste aussi dans les rituels laïcs ou séculiers sous forme
de << valeurs idéales. Cela est manifeste surtout au niveau des discours politiques.

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- Fonction de communication et de régulation, par attestation et le renforcement du
lien social :

Chaque société ou chaque communauté partageant le sentiment d’identité collective


éprouve toujours le besoin d’entretenir et de raffermir les croyances et les sentiments qui fondent
son unité. Cependant cela ne peut pas être obtenu qu’au moyen de réunions, de rassemblement
où les individus réaffirment en commun leurs communes valeurs. C’est les cas donc de toutes
les fêtes religieuses ou laïques diverses.
Généralement, on peut d’une manière synthétique déduire de toutes ces fonctions que le
rituel, malgré la forme irrationnelle et certain attachement aux forces occultes, ne vise que
l’épanouissement effectif de l’être ; un être qui ne vit pas seulement dans le monde sensible mais
aussi dans le monde du spirituel ; un être pas seulement individuel mais aussi social.
III – La classification des rituels :

On essaie alors de chercher le mieux possible à faire ressortir toutes les classes et / ou les
catégories existantes que l’on ait pu faire avec le rituel. Souvent la dénomination met en jeu la
problématique du domaine concerné et c’est le cas notamment pour les rituels. Tout en proposant
d’autres classifications, Jean Maisonneuve a évoqué deux contributions notoires ; celle de
Durkheim et de J. Cazeneuve. :
Pour DURKHEIM, il a classé les principales attitudes rituelles parmi les formes
élémentaires de la vie religieuse. En effet, il distingue deux grandes catégories : le culte négatif,
constitué par un ensemble de tabous, d’interdits, a pour but d’assurer la séparation du profane et
du sacré. Et le culte positif qui instaure le rapport au sacré.
Le culte négatif avec ses démarches et épreuves constitue donc une condition sine qua non
pour l’accès au culte positif.
Quant au culte positif, celui-ci revêt des formes multiples et se base surtout sur les rites
sacrificiels. Entre autres, on peut pour une simple énumération parler de rites mimétiques,
commémoratifs et représentatifs et expiatoires.
Selon J. CAZENEUVE, il a pu trouver trois classifications du rituel :

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Premièrement, les rites pour la préservation ( tabous ), la purification ( effacement des
souillures ) ou l’aménagement du devenir ( rite de passage ). Il s’agit aussi là du culte négatif de
Durkheim.
Deuxièmement, les rites liés à la magie et à la sorcellerie qui requièrent entre autres dans
leur pratique l’usage d’objets impurs ou répugnants ( ossements, cadavres, excréments).
Généralement, Il s’agit de tous les rites qui privilégient le rapport avec les forces occultes plus
souvent maléfiques ( diable, démon ) que bénéfiques ( esprits tutélaires ).
Enfin troisièmement, les rites qui privilégient le rapport avec le divin transcendant,
suprême qui permettent à l’homme à la fois de participer à son essence de séparer zone sacrée et
zone profane et même de régler sagement sa vie quotidienne. Tels les rites religieux par exemple.
Cependant elles n’en imposent pas moins un système de rites négatifs ( interdits, jeûnes,
épreuves ) et positifs ( prière, offrandes, communion ).

Nous constatons une intrication de la classification, car un rituel peut simultanément


présenter certaines ou toutes les classifications énumérées. La purification peut par exemple aller
de pair avec un rite privilégiant le rapport avec le divin dans un même rituel. D’où l’origine
d’autres classifications. Certains auteurs mettent l’accent sur un type de rituels dont ils présentent
une analyse très approfondie. C’est le cas notamment des travaux que A. Van Gennep a
consacrés aux rites de passage, de ceux de R. Caillois sur les rites festifs ; ceux de C. Rivière et J.
P. Sironneau sur les rites laïques ; ceux de E. Goffman pour les rites quotidiens d’interaction ; de
J. T. Maertens pour les rituels du corps.

IV – Quelques théories du rite :


IV.1 – Le rite et efficacité symbolique :

Il paraît que c’est Durkheim qui a abordé en premier le problème. Il l’a attaqué alors sous
l’angle de la psychosociologie. Partant d’étonnement et de questionnement : << comment les
hommes ont pu en avoir l’idée et surtout comment ils y sont restés si fidèlement attachés >> et
de l’importance de << quelques grains de sable jetés au vent ou quelques gouttes de sang sur un
rocher >>, il a déduit qu’il ne pourrait s’agir que << d’un simple jeu d’images hallucinatoires >>.
C’est une pure subjectivité se rapportant aux ressorts psychologiques de la croyance, loin de la

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valeur objective. Ses réflexions se sont bien exprimées dans le passage suivant : << Pour que
nous soyons fondés à voir dans l’efficacité attribuée aux rites autre chose que le produit d’un
délire chronique dont s’abuserait l’humanité, il faut pouvoir établir que le culte a réellement pour
effet de recréer périodiquement un être moral dont nous dépendrons comme il dépend de nous.
Or cet être existe, c’est la Société. >>. En fait, l’efficacité du rite réside dans sa capacité
d’entretenir d’une manière continue le tonus social et relationnel.
Secundo, Isambert en lançant une vive critique à l’endroit de Levis Strauss a pu formuler
l’hypothèse suivante : << ce qu’on nomme l’efficacité symbolique pourrait bien constituer une
forme spécifique d’explication qui serait une version de la causalité magique acclimatée à la
culture occidentale >>.

En effet, Levis Strauss en reprenant le problème, a pu analyser les modes d’intervention


des shamans d’Amérique centrale. Il a exposé un cas concernant un accouchement difficile : <<
Le shaman procède à une incantation où il prend en quelque sorte la tête du combat contre les
forces nuisibles en référence à un mythe traditionnel dans la tribu de la parturiente, il fournit à sa
malade un langage dans lequel peuvent s’exprimer des états autrement informulables >>. Selon
lui l’efficacité symbolique ne repose pas seulement sur la crédulité du patient, ni sur la simple
suggestion du sorcier, ni sur l’effet du contact ( le shaman ne touche même pas le corps du
malade ), mais il en << parle >> les avatars. On dirait alors qu’il s’agit d’une manipulation
psychologique à visée régulatrice étayée sur une foi.
Or selon toujours Isambert, Levis Strauss s’est placé seulement là sur le terrain de
l’explication et non de la seule compréhension ethnologique d’une autre mentalité. Pour lui <<
l’efficacité symbolique repose sur la croyance, la foi mais elle est efficace puisque (ou lorsque )
elle guérit >>.
L’efficacité ne peut pas être imputée au seul symbole. L’offre d’une procédure symbolique
( shamatique, psychanalytique,… ) resterait stérile face à l’apathie. Croyance et symbole doivent
coexister. Ainsi ressort, la force et la limite du symbole dans sa relation au rituel. Somme toute,
le rite apparaît comme la condition nécessaire d’une efficacité symbolique mais il n’opère que
s’il rencontre une demande d’une suffisante intensité ; attente, désir et surtout croyance.

22
IV.2 – Les rites comme actes d’institution :

Cette théorie revient à Bourdieu. Il a repris le problème de fonction sociale du rite à


partir d’une réflexion sur ce que Van Gennep a nommé rites de passage. Selon lui, cette
expression risque d’occulter un effet essentiel du rite qui est << de séparer ceux qui l’ont subi
non de ceux qui ne l’ont pas encore subi, mais de ceux ne le subiront jamais parce qu’il ne les
concerne pas >>. A ce propos il vaudrait mieux parler de rites de consécration ou d’institution.
Le rituel constitue donc un acte de magie sociale, qui peut soit créer la différence ex
nihilo en conférant des << titres sociaux >>, soit exploiter des différences préexistantes de sexe,
d’âge ou d’ethnie.

Cette investiture confère une identité au concerné et induit indubitablement au non


investi le sentiment de nullité. Cependant nouveau statut impose nouveau rôle. << Celui qui est
institué se sent sommé d’être conforme à sa définition….>> sauf accident dans le cas des mal
intentionnés. Une autre fonction du rituel d’institution est de décourager la tentation de
transgression ou de démission. D’où la raison de diverses épreuves et menaces pour faire
imaginer à l’impétrant les enjeux de son futur statut. Cependant, les actes de la magie sociale ne
peuvent pas réussir que s’ils sont garantis par la croyance collective, la croyance de tous est la
condition de l’efficacité du rituel.

IV.3 – Rites, mimésis et violence :

Cela fait des années que R. Girard a posé, en philosophie, ce problème de la genèse et de
la fonction des rituels. Il a fait une hypothèse d’un état originel de violence généralisée qui n’a
rien avoir avec l’exploitation et l’aliénation de Marx, ni à la rivalité oedipienne entre père et fils
mais à une violence réciproque qui se déchaîne entre égaux, << double >> qui veulent chacun
s’approprier l’autre dans son être et dans son avoir.
La mimêsis qui désigne l’imitation au sens fort, est à la fois, selon toujours cet auteur, la
source de tout apprentissage et de toute rivalité ; force de cohésion et de dissolution. Certains la
redoutent puisqu’elle leur présente de risques et d’autres la méprisent à cause de sa portée aux
conduites du conformisme ou de l’apparence.

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Effectivement, les hommes poussés par un désir mimétique d’appropriation entre en lutte
pour posséder tous ces objets que les membres de la communautés n’ont généralement pas pu se
partager pacifiquement : femmes, nourritures, armes, territoires. La communauté d’antan, ne
disposait pas encore un système judiciaire, aurait d’abord trouvé dans les interdits un frein, puis,
lorsque ceux-ci ne suffisent pas, dans les rites sacrificiels une sorte de violence de rechange
localisée sur un être unique.
La pratique rituelle permet alors d’effectuer sur le dos du substitut une réconciliation
même provisoire et conduit à la sacralisation de la victime.
Le sacrifice apparaît ainsi comme le point culminant de tous les rituels, sa fonction n’est
pas tant d’expier une faute que de détourner la violence et de mettre fin à son escalade.
Cette théorie a cependant suscité de critiques surtout à cause de son caractère paradoxal et
réducteur ; car elle apparaît comme une conception athée du religieux. Et une réduction de la
métaphysique du sacré aux avatars des rapports humains. Or le sacré peut designer autre chose
qu’une transfiguration de la violence humaine, une valeur intrinsèque et suprême.

Approche analytique :
I – Le rituel du < LAGNONANA > :
Le << lagnonana >> est une fête fréquente aux Betsileo du sud. Nous mettons très bien
l’accent sur la question de Betsileo sud car pour le betsileo nord, la partie de l’Ambositra et de
Fandriana, le << lagnonana >> signifie << famadihana >> ou retournement des morts comme ils
disaient souvent << hilagnona >> . En réalité le << lagnonana >> n’a rien avoir avec le
retournement des morts.
Celui dont les vœux ont été exaucés par Dieu et les ancêtres, annoncent à sa famille
qu’il allait exécuter sa promesse de rendre grâce à Dieu pour la réalisation de ses vœux. Par
exemple un couple avait 6 enfants qui furent toutes des filles. Très désireux d’avoir un garçon, il
lançait le vœu de tuer un bœuf ou procéder au << lagnonana >> si son souhait était réalisé.
D’autre exemple aussi pour illustrer ; cas d’un père de famille qui voulait construire une maison.

24
Il lançait alors un vœu que s’il finissait la maison, il ira tuer un bœuf, c’est à dire faire
le << lagnonana >>. C’est une réalisation d’un << vava latsaka >> ou vœu prononcé.
En fait le << lagnonana >> est un << saotra >> ( remerciement ) adressé aux
<< fahasivy >> ( Dieu et les ancêtres ) pour les bienfaits qu’on a reçus d’eux. Cependant il existe
également ce qu’on appelle le << fagnefana >> ( voir ultérieurement ), c’est une sorte aussi de
<< lagnonana >> auquel on cherche à accomplir les obligations non dues. Pour le << lagnonana
>>, on croit que les bienfaits sont venus des << fahasivy >>, sans leurs << fitahiany >> (
bénédictions ) on ne peut pas en arriver là. Si les << fahasivy >> ne bénissent pas, ils peuvent
aussi répandre les malheurs comme on disait souvent dans le << saotra >> : << aza mandofotra
zanak’olona >> ( litt : ne heurt pas une personne >> c’est à dire bénit la et ne lui répand pas de
malheurs ( la maladie, la mort,…). Malgré ce syncrétisme ; maléfiques et bénéfiques, dieu et
ancêtres rattachés aux << fahasivy >>, on peut dire que le << lagnonana >> est un rite religieux
dans lequel la grâce de Dieu et la bénédiction des <razana> sont implorés. Cependant il s’agit
aussi d’une marque de joie et de satisfaction, Le << lagnonana >> occasionne également le rite
festif où tous s’amusent et se distraient. Cette analyse comprendra alors trois étapes ; d’abord en
premier lieu, la préparation, puis le rite du << fanamba fahasivy >> pour en finir au rite du
<< saotra >>. Le long de l’analyse on essaie à scruter les apports du << Toaka gasy >> au bon
fonctionnement du rituel.
I.1 – La préparation :
Quand le souhait fut exaucé, on organisa le << lagnonana >> pour s’acquitter de son vœu.
Un << lagnonana >> s’accompagne toujours d’une tuerie de bœuf sinon il ne serait pas considéré
comme tel. Les fonctions astrologiques ne sont pas des moindres dans la détermination du jour et
du mois des cérémonies. Souvent, le << tompon-dagnonana >> ou concerné consulte le <<
mpanandro >> ( devin astrologue ) pour le choix du jour et mois propice. Pour ce genre de rite,
on choisit souvent le mois de juillet << volambita >> ou le << andro manara >> ( période d’hiver
). Ici l’hiver signifie endurance et pérennité. Pendant ce temps les choses ne meurent pas mais se
rétrécissent seulement. C’est aussi la saison des récoltes et le bon temps, donc la fête aura un
éclat particulier et tout le monde pourront y assister. La festivité débute souvent le vendredi pour
continuer le samedi toute la journée. Souvent on choisit la semaine avant la pleine lune ( feno
miakatra : se rend plein en montant ) pour que la joie soit également pleine.

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Puisqu’il s’agit d’une grande fête, on s’affairait à construire le << trano maintso >>
hangar fabriqué avec des feuilles vertes, à réhabiliter le << valan’aomby >> parc à bœufs, à
couper du bois pour les différentes cuissons tandis que d’autres informaient et invitaient toute la
famille du côté du père et de la mère appelée << ny tany nanalà, ny tany nanatera >> et les
<< toeram-bakirà >> ( lieu d’habitation des vakirà ). L’informateur apportait le << vola tsy
mivaky >> ( argent unique ) à ceux qui, il voulait informer. On informait une famille proche et
celle –ci après invitait ses amis ou voisins proches. Tous ceux-ci collectaient du riz et de l’argent.
On mettait le riz collecté dans le << kiba >> ou << taty misarona >> une sorte de corbeille
couverte. On prenait en liste la somme d’argent collectée et il revenait à l’informé d’augmenter
ou de réduire la somme collectée suivant la somme que le << tompon-dagnonana >> actuel lui
avait donné quand il avait organisé un << lagnonana >> avant. C’est le phénomène d’<< atero
ka alao >> ( donner puis retirer ). La somme à donner ne devait pas être arrondie pour marquer
la continuité de la parenté.
Il revenait alors aux << ray aman-dreny >> de contrôler la bonne marche de tous les
préparatifs : la propreté du domaine, confection des nouveaux << lamaka >> natte pour le
<< lapa > ou << tranon-draza >> qui sera le centre de toute la cérémonie religieuse qu’est le rite
du << saotra >>. Ils s’assuraient que tout le monde a été prévenu pour éviter les blâmes ou
remontrances. << Aleo tsa henin-kena toy izay tsa henin-dahatra >> littéralement << vaux mieux
ne pas être rassasié de viande que ne pas être informé >>
I.2 – Le rite du << Fanamba fahasivy >>:
Dans l’après midi du jour prévu, les invités et le << fokonolona >> des alentours faisaient
leur entrée, accompagnée de chants appelés << horija >> et de danses ; les jeunes filles en tenue
d’apparat portaient chacune sur la tête ce qu’on appelle << tatim-bary >>, corbeille de petite
taille contenant 3 à 4 mesures de riz. << taty mienga ro miditsa >>.
Un << mpisokela >> orateur les accueillait, souhaitait la bienvenue << soa fa tonga >>,
expliquait dans un beau discours plein d’images, propre aux orateurs Betsileo, les causes de la
festivité. De leur côté, les arrivants y répondaient en offrant les << tatim-bary >> en guise de
bénédiction << tso-drano >>. Puis on leur servait un repas dans le << trano maintso >>. Si la
maison était étroite, les invités seraient appelés suivant l’ordre de la venue des << kiba >> car
certains avaient déjà amené leurs parts quelques jours avant. Les premiers arrivés seront les
premiers appelés dans le repas.

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Tard dans la nuit, tous les membres de la famille entraient dans le << lapa >> où l’on
procédait au << fanamba fahasivy >> invocation des ancêtres. On cherchait à invoquer et
rassembler tous les ancêtres qui baladaient encore ailleurs. Cependant Dieu est partout et il suffit
de parler pour qu’il l’entende. On les appelle, les informe de ce qu’on compte faire et de leur
demander bénédiction et qu’ils ne perturbent aussi le déroulement de la fête. Malgré la
dénomination << fahasivy >> ( ancêtres ), Le nom de Dieu est toujours prononcé en premier lieu
dans l’invocation.
Toute l’assistance assise sur le plancher tournant vers le côté nord Est de la maison, tandis
que le maître de cérémonie, le 2<< mpita-fanovo >> accroupis face au << zoro firarazana >>
implorait les mânes. Il y versa un peu de << toaka gasy >>, avant de débiter d’une voix
monocorde les noms de tous les ancêtres de la famille, que l’assistance terminera par << ho soa
ho tsara, Andriantompo, Andriananahary >>. Puis on distribuait le << toaka gasy >>.
La fête continuait toute la nuit dans l’allégresse où des réjouissances diverses se
produisaient. Les femmes entonnaient le << isa be >>, mélopée et les jeunes gens dansaient le
<< kidodo >> accompagné de << jejo >>, sorte de cithare fait de calebasse. On ne devait jamais
utiliser de << toaka gasy > > non plein à cet effet en guise de respect aux << fahasivy >>.
I.3 – Le rite du << Saotra >> :
Morphologiquement, le mot << sao-drazana >> est composé du mot << saotra >>
remerciement et de << razana >> ancêtres, littéralement donc on a : remerciement des ancêtres.
Le << sao-drazana >> est une forme d’expression de gratitude envers les ancêtres << razana >> à
cause de leur bénédiction, leur assistance dans la réalisation des vœux qu’on leur avait
demandés : richesse, descendants, santé, nouvelle maison. Cependant comme on avait signalé
précédemment, avant de s’adresser aux ancêtres les Betsileo appelle toujours en premier lieu
Dieu. Cela mérite encore une recherche approfondie mais pour faute de temps on ne peut pas
encore le traiter ici.

2
Dans la structure sociale Betsileo et dans tout ce qui est tradition, le < mpita-fanovo > tient un rôle
prépondérant. En tant que patriarche, il est le gardien des traditions, le < mpita-kazomanga >, détenteur
des histories ancestrales. Tout ce que la lignée voudrait entreprendre, doit passer par lui. Il a un pouvoir
de décision et peut délibérer dans toutes affaires conflictuelles de la lignée. C’est lui et lui seul qui est

27
Dans la matinée, les jeunes gens se livraient au << tolon’omby >> sorte de tauromachie,
tandis que les femmes, dans leurs chants << horija >> et << isa >>, encourageaient et
acclamaient leur bravoure. Quand le soleil est assez haut << manamy zara ny tsidika >>, on
introduisait dans le parc à bœufs, le zebu destiné au sacrifice. Sa couleur dépendait surtout de la
cause du << sao-drazana >> : mazava loha pour la prosperité et << fotsy >> ou << mena >> pour
la guérison des différentes maladies. Le << mpita fanovo >> et toute l’assistance entraient aussi
dans le << valan’aomby >>, se tournaient vers le côté Nord-Est et procédait au rite
<< soron’omby > sacrifice du zébu. Après avoir béni le zébu avec de l’eau, le << mpita fanovo
>> dans long triade composé d’invocation, prière et remerciement ( quelquefois sans toaka gasy
), offrait aux ancêtres << fahasivy >> le sacrifice. Le << hova panominda >> tranchait la gorge
du zébu en recevant le sang dans une corne et aspergeait du côté Nord de la porte. Pour le
<< saotra >> on peut également tuer une poule ou un coq, offrir un << toaka gasy >> du riz
suivant qu’on a fait vœu.
Venait ensuite le rite de << tsiok’anarana >> littéralement souffler le nom, c’est à dire
que celui qui voudrait se défaire de son nom de jeune fille ou jeune garçon se prononçait en
faisant sept fois le tour de zébu sacrifié puis tapait dessus en annonçait très fort son nouveau
nom.
Peu après on découpait le zébu et on mettait à part certains morceaux de viande pris
dans la partie gauche pour la cérémonie du << saotsa >> << trafony, tratrany, valahan-kena,
atiny, tsinaim-potsiny, fanagany, vodi-feny, lohany >>. Ces morceaux sont mis à cuire sans être
lavés et sans sel dans une grande marmite sauf le << vodi-feny >> et la tête du zébu. Entre temps
les jeunes femmes dans la joie se succédaient autour d’un mortier pour le << totovarisasatse >>.
Ce procédé consiste à piler sans interruption le riz jusqu’à ce qu’il soit complètement
décortiqué. Ce riz, après cuisson, servait aussi au << saotra >>.
Au << lapa >>, le << mpita fanovo >> encastrait sur le mur du côté Nord de la maison,
près du << zoro firarazana >>, le << kipa >> étagère à 2 cases qui servait d’autel, et étalait
dessus des feuilles de bananiers. Ces derniers sont destinés à Dieu << zanahary >>, le second aux

apte à faire le < saotra >. Quiconque tentera de le faire, sans l’avoir consulté, sans sa bénédiction, va au-
devant de la malédiction des < razana >.

28
3
ancêtres << fahasivy >> ou << razana >>. Quant au << mpitondra kizotro >> serviteur, leur
part était mis par terre sur une feuille de bananier avec la tête du zébu << lohan’omby >> et le
<< vodi-feny >>. Comme dans tout <<saotsa >>, toute la lignée devait être présente dans le
<< lapa >>, assise face au << zoro firarazana >> avec le << mpita fanovo >> au devant de la
scène, accroupi face à l’autel se lavait les mains, se rinçait la bouche << mioza tanana hakiho >>
et << mihomokomoka havava >> et brûlait du suif de façon que son odeur se répandait dans
toute la maison, n’oubliant surtout pas de rappeler la généalogie entre toute l’assistance. Puis il
implorait << le razana >> à accepter l’offrande et en goûter en disant : << mikama soa, mikama
tsara >>. Et après, il les priait de rentrer chez eux après avoir mangé. On passait sur le feu les
restes du repas pour éloigner les mânes puis on les partageait à la famille et aux invités ou le
<< zara hena >. Le feu est utilisé là pour l’écartement des mânes. Pour le hova, on lui donnait la
partie postérieure du zébu, << valahan-kena >> pour les << hova >>, le << tratran-kena >> pour
les << hova mpanominda >> et le reste pour toute l’assistance. Tout le monde, du plus petit au
plus âgé aura sa part du << henan-tsaotra >> appelé << jaka >> ou << nofonkena mitam-
pihavanana >> littéralement viande qui raffermit l’alliance.
Généralement, le déjeuner n’existait pas. On le remplaçait parfois par le << hira gasy
>> ( chant typiquement malgache ) que l’on dit << namono afo ny teo >> qui signifie que l’on a
clôturé la cérémonie.
Ensuite, les invités rentraient chez eux. Seule la famille restait pour le << fafa lamaka
>> littéralement nettoyage du plancher. C’est le moment choisi par la famille pour faire le bilan,
se congratuler et boire librement.
Le commerce et la vente du rhum local ( toaka gasy ) sont importants durant le <<
lagnonana >>. On peut dire que c’est une << kermesse >> pendant laquelle la cause première de
la réunion est oubliée. C’est une occasion rêvée pour les jeunes gens de se livrer à la libation et à
la prouesse de coureurs de jupons. Il arrive même que des gens parcourent des kilomètres à pieds
pour assister un << lagnonana >> sans y être invités. Le << lagnonana >> est devenu un

3
Les << mpitondra kizotro >> étaient de gens appartenant à classe des serviteurs dans la
société Betsileo. Selon leur croyance, ces hommes continuaient toujours à servir le << hova >>
même dans l’au-delà, donc on devrait les honorer, on devrait leur donner leur part d’offrande lors
des << saotra >>.

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rassemblement de foule où les danses folkloriques et chants traditionnels tendent à disparaître
peu à peu.
Comme on a signalé auparavant, Le lagnonana ne se fait pas seulement dans des
circonstances favorables, il peut se faire dans des cas de malheur. Et nous arrivons là au rituel du
<< fagnefana >> c’est à dire achèvement de la mort ou de l’installation du mort. Généralement,
le rituel ressemble à ceux des << lagnonana >> mais c’est la circonstance qui en diffère.
4
<< Si l’on craint d’avoir, dans l’accomplissement des rites funéraires, commis
quelque oubli, si quelque incident fâcheux survient dans la famille, si l’on a quelque motif de
penser que l’on a prêté flanc à quelque << TAHINA >> ou réclamation du mort dernièrement
enterré, on consulte le devin et sur son avis on multiplie les sacrifices de réparation. On s’ingénie
de toutes manières à calmer l’esprit persécuteur, à l’écarter en allumant au besoin des feux, en
renouvelant surtout les offrandes de riz et de viande jugée par lui insuffisantes, en suppléant aux
rites enfin qui ont pu manquer >>. Comme le << lagnonana >>, Il s’agit toujours d’un rite
religieux qui sert à réparer les obligations non dûes.
Le << fagnefana >> peut avoir plusieurs raisons :
5
<< On a déjà immolé des bœufs, en assez bon nombre, mais il s’est trouvé que le fils de famille
était alors absent. La famille est riche, elle juge à propos de s’offrir un festin supplémentaire. Ou
bien l’on n’a pu tuer des bœufs comme on aurait voulu. C’était le temps de la sécheresse, à
l’époque où les bœufs mal nourris sont très maigres pour fournir abondante distribution. Il y a eu
là un déficit qui réclame réparation, sinon pour la mort, du moins pour les vivants…….
En tout cas que l’on ait le moindre soupçon du voisinage indésirable du mort, on
s’exécutera. Souvent pour le << fagnefana >>, le déjeuner existait qu’on qualifie de << Toko
lava >> ( on cuisine toujours ).

4
Monographie du betsileo
5
Monographie du Betsileo

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Cependant si tuer des bœufs ne peut se faire tous les jours et n’est pas à la portée de petites
bourses, tuer une poule ou un coq, répandre un peu de rhum, offrir un peu de riz, convient à
toutes les conditions de personnes et cela c’est encore l’appel aux ancêtres, c’est encore le <<
saotra >>. Et nous voilà maintenant au rituel du << tono – akoho >>.
II – Le rituel du << TONO - AKOHO >> :
<< Tono-akoho >> littéralement grillade de poulet.
La pratique consistait tout simplement à griller un coq ou une poule à un endroit sacré
appelé 6<< kibory >> ou dans la maison ou au << tsihin-tany >>. Au fond, le << tono akoho >>
ne diffère pas du tout du << lagnonana >> puisqu’il concerne toujours d’un << saotra >> adressé
aux puissances divines ( fahasivy ) pour l’accomplissement des faveurs demandées. On peut
même dire qu’il s’agit d’un << lagnonana >> en plus petit. Seulement la différence est qu’au
lieu d’inviter la grande famille, on ne parle ici que la famille nucléaire ; au lieu d’en faire un
sacrifice en bœuf on en fait avec une poule ou un coq.
le sanctuaire dépendait de la circonstance et on devait toujours consulter le <<
mpanandro >> pour la préparation diverse. La veille, on procédait au rite du << fanamba
fahasivy >> pour l’invocation des ancêtres. La procédure reste la même qu’il n’est plus
nécessaire de le reparler.
Pour la circonstance ; on construisait un autel à 2 étages superposés à l’endroit choisi,
pour l’office. On plaçait la part du << zanahary >> sur la partie supérieure, celle des << razana
>> dans la partie inférieure et à terre par-dessus un << ravi-maitso >> celle des << mpitondra
kizotro >>.
Pour terminer le rite, toute l’assistance mangeait la volaille avec du riz cuit et brûlait les
ossements avant de rentrer.

6
Le << kibory >> est constitué d’amas de pierres sèches appelé << vato-maty >> de
forme conique près d’un chemin. Il s’agit de la dernière volonté d’un défunt qui souhaitait que sa
famille vienne à cet endroit pour demander protection et bienveillance et d’y accomplir des
vœux. C’est aussi un endroit sacré où les passants jettent une pierre au-dessus en émettant un
souhait.

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III – Le rituel du << FORAZAZA >> ou CIRCONCISION :
Ce rituel est pratiqué presque dans toute l’île. Son origine et son introduction dans la
civilisation malgache ne sont pas très bien déterminés. D’après la bible, les juifs pratiquent la
circoncision et il paraît que jadis des juifs avaient passé jusqu’à Madagascar couper des arbres
pour la construction du tour de Babel. La question est de savoir si c’étaient eux qui avaient
introduit ce rite et que le peuple malgache avait continué à le pratiquer ?
Le << forazaza >> est une épreuve par laquelle tous les garçons de bas age ( 2 à 3 ans )
doivent passer avant son intégration dans le monde des hommes. Il s’agit d’un rite de passage, si
on reprend le terme de Van Gennep, dans lequel le petit garçon se sépare de son monde de demi-
homme pour s’intégrer dans le monde des hommes. C’est un passage difficile pour l’enfant si
bien que tout le monde soit mobilisé pour qu’il soit affranchi dans les meilleures conditions. Les
<< fahasivy >> doivent être invoqués pour leur bénédiction. La grande famille, les proches et le
<< fokonolona >> sont invités. Ici les rites magico - religieux, festifs avec certains interdits
s’interfèrent pour aider l’enfant à franchir l’obstacle et à supporter la douleur. Le rituel se
déroulera en trois étapes ; premièrement la préparation, puis le rite du << fanamba fahasivy >> et
enfin l’opération elle-même.

III.1 – La Préparation :
Le rituel du << famorana >> se prépare deux ou trois semaine et même un mois
auparavant. Les préparatifs consistent à engager une discussion auprès de toute la famille de près
ou de loin surtout les grands parents ( les ray aman-dreny ) du père et de la mère de savoir s’il est
d’abord temps maintenant de procéder au < manao am-pototra ny zaza > ou tout simplement de
circoncire l’enfant. La discussion devait déboucher sur les dépenses à engager quand la décision
fut prise ; le nombre des bœufs à tuer, le riz et le toaka gasy à utiliser et ainsi de suite.
Vu la complication de l’opération, on consulte toujours un << mpanandro >> pour le
choix du jour et mois propice à la cérémonie. Cependant, quoiqu’il en soit, il est interdit de
circoncire le jour anniversaire de la naissance du garçon. On remercie souvent le << mpanandro
>> avec une quelque somme d’argent ou du < Toaka gasy >. Si un aîné ( un Ray aman-dreny )
des deux familles ( du père et de la mère ) a déjà eu quelques notions en < fanandroana > ( le fait
de choisir le jour favorable ), on n’aurait plus besoin de recourir à l’aide du devin. Comme il
s’agit d’un rituel de joie, généralement on choisit les jours de la semaine avant la pleine lune <<

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feno miakatra >>. La circoncision se fait souvent en hiver car la blessure est censée guérir plus
vite par temps froid.
On prépare tous les nécessaires à l’opération ;
< FITSONGO > instrument tranchant en métal avec lequel on excisera le prépuce,
< FOTOTSE > socle en bois sur lequel il appliquera le prépuce,
< AKOHOLAHY MENA > un coq de couleur rouge dont le sang servira à bénir.
< VOATAVOARIVOLAHY > calebasse à gorge rétrécie pour puiser le < ranovita > l’eau
destinée à laver les instruments et la plaie.
< DANGOLAHY > mortier sur lequel on s’assoira pour maintenir sur les genoux celui qui fera
l’objet de la circoncision.
< FARI-RAIKI-BOLOLONA > pieds de canne à sucre pourvus de ses feuilles, <
TAHON’AKONDRO > ( tige de banane ) < ZOZORO > une < LANCE > ; signifiant la félicité
et la fécondité ; seront érigés au coin Nord-Est < zoro- firarazana > du < lapa > maison dans
laquelle se déroulera la cérémonie.

III.2 – Le rite du << fanamba fahasivy >> :

Une fois le jour choisi, on procédait à la demande d’autorisation auprès du Fanjakana


( Etat ) et à l’information de toute la famille ( les vakirà font partie de la famille ) et voisins.
L’information du < Rain-jaza ou mpitaiza > ( l’officiant: Celui qui va réaliser l’opération )
s’appelait chez le Betsileo < dika rano > ( traverser un cours d’eau ).
La veille du jour prévu, après le coucher du soleil, est prévue pour l’entrée au < Lapa >
maison dans laquelle se déroulera la cérémonie. C’est le phénomène du < miditsa an-dapa > ( litt
entrée au lapa ) avec les chants de musiques folkloriques diverses et des danses marquant le
commencement de la fête. Un aîné prit la parole pour souhaiter bienvenue aux invités et
expliquer les motifs de la cérémonie. C’était une occasion pour l’assistance, de prendre
connaissance de la généalogie de la lignée.

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Vers 20 heures environs, on faisait le dîner. Tout le monde est invité. Les chants et
danses s’interrompaient un peu et n’en reprenaient qu’après le repas.
Toute la nuit, tout le monde s’adonnait de tout cœur aux chants et aux danses et au <
toaka gasy >. Le gosse était juché sur les épaules de son père, il faisait en sorte que l’enfant ne
s’endorme pas. On s’abstenait de tout rapport sexuel qui est censé pouvant entraîner
complication à l’opération.
Vers minuit, musiques et danses s’arrêtaient et on arrivait au rite du < manandratra
zaza > ( présentation de l’enfant ) en s’adonnant au rite du << fanamba fahasivy >>. Le
changement et le devenir sont sources d’anxiété qu’il faut recourir aux bénédictions des <<
fahasivy >> pour se réconforter et qu’ils ne compliquent aussi l’opération. On croit qu’ils sont
l’origine des bienfaits et des malheurs sur l’homme. S’ils veulent que l’opération se complique,
ils peuvent le faire et vice versa.
III.3 – L’opération proprement dite :
Vers 2 heures du matin, les lehilahy mahery ( garçon fort ) et un ray aman-dreny du
village partaient chercher le < Ranovita > ( la bouillon de la rivière ) en chantant et dansant avec
les musiques folkloriques de toutes sortes. Ils amenèrent des < fary >, des lances, des tambours
des harmonicas... Ets. Ils avaient encore tous de parents vivants. Avant de puiser, on fait un petit
<< saotra >> en y versant un peu de < toaka gasy > et jeta une monnaie pour le respect des
mânes de la rivière.. Ce fut le < ray aman-dreny > seul pouvant puiser de l’eau avec le <
voatavoarivolahy > calebasse s’il y en avait ou autres. Pendant cela les < lehilahy mahery >
frappèrent l’eau avec le < fary >.
Sur le chemin de retour près du < lapa >, des luttes après se produisirent entre ceux qui
portaient la calebasse et ceux qui les attendaient. Ces derniers faisaient en sorte d’empêcher le <
ranovita > d’arriver au lapa tandis que les premiers protégèrent avec vigueur le <
voatavoarivolahy > pour ne pas se casser. De ce fait, le porteur du < ranovita > sera bien entouré,
caché par ses camarades. L’issue du combat déterminera la personnalité probable de l’enfant : si
la calebasse n’est pas cassée, il aurait la qualité d’un homme puissant, vigoureux, brave. Mais
dans le cas contraire, il serait qualifié de femmelette. Si par malheur ( cas rare ) on réussit à
renverser la calebasse, les < lehilahy mahery > iront encore puiser de nouveau. On posa alors le
< Ranovita > au < zoro firarazana > près des < fary >, < tahon’akondro >, < zozoro > et lance.

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A l’aube, moment choisi pour l’opération, les chants et les danses redoublaient <
homme, homme, homme >. Il s’agit d’un souhait adressé à l’enfant pour qu’il soit vrai homme.
on le revêtit d’un < malabary > ( vêtement purement malgache ressemblant à un toge de prêtre ).
Pendant que les femmes sortaient du < lapa > tout en chantant et en dansant, le < rainjaza >
présentait le < saotra > et préparait ses instruments qui ont été aspergés du sang de coq rouge.
On plaçait au seuil de la porte le < dangolahy > mortier, devant lequel est érigé le < fototse >.
Des chandelles sont allumées pour bien éclairer l’officiant.
Pendant toute l’opération, tout le monde devait défaire tout ce qui est nœud ou ceinture
et ne devait pas s’appuyer aux murs pour ne pas affaiblir l’enfant. Assis sur le mortier, on plaçait
l’enfant sur les genoux et tandis que l’assistance décuplait les chants et danses, le < rainjaza >
excisait le prépuce d’un coup sec, à l’aide du < fitsongo >. Puis il crachait sur la plaie. La foule
criait < lahy > < lahy >.
Le < dangolahy > et tous les objets furent jetés dans la cour. Tout le monde s’empressa
de les avoir et des luttes se produisirent de nouveau. Pour le < dangolahy >, si le propriétaire le
perdit dans la lutte alors qu’il voulut encore l’avoir, il devait entamer le processus du < miavotra
>. Ce qui signifie qu’il doit verser une somme d’argent pour l’avoir de nouveau.
Le fait d’avaler le prépuce de l’enfant revint alors à son père ou à son oncle. Apres
l’opération, le < rainjaza> nettoyait ses instruments et se lavait les mains avec le < ranovita >. Il
recevait ensuite une petitre somme d’argent appelé < hasin-tanana > ou tandrafototse > ou fehin-
tanana et le circoncis le < hasin-jaza > ou < soa fa vita > félicitations ; chants et danses
continuaient de plus bel.
Une semaine avant et pendant la cicatrisation de la plaie, les parents doivent s’abstenir
de faire des rapports sexuels, de même que les invités durant la cérémonie. Si la cicatrisation
retardait trop, les gens se moquaient de l’enfant en le traitant de < be fandikisa > ou < be kide >,
atteint par la syphilis ou chancre mou pour dire indirectement que ses parents n’avaient pas pu
s’abstenir.
Le < rainjaza > devait visiter l’enfant 3 jours, une semaine et un mois après l’opération.

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IV – Le tandra vady ( mariage traditionnel Betsileo ) :

Le << fanambadiana >> est un rite pratiqué dans le monde entier et les Betsileo a leur
façon de le pratiquer. C’est le passage du célibat à la vie conjugale. Comme tous les rites de
passage, le rituel comporte aussi trois étapes ; la séparation avec la famille d’origine, l’attente (
ou marge ) avec l’<< alafady >> et l’intégration avec le << fehe-ponegnana >>. Les rites de
séparation visent à maintenir l’équilibre en compensant la perte de la personne qui quitte sa
famille. C’est la signification en quelques sortes des différents pièges lancés lors de la
présentation du << fandeo >> ou << vodiondry >> ( postérieur du mouton ). En tant que rite de
passage le << tandra vady >> fait aussi appel aux procédés religieux et festifs auxquels certains
tabous tiennent place.

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IV.1 – Le rituel d’<< ala-fady >> ( enlèvement des tabous )

En général, chez le Betsileo les jeunes gens ne sont pas libres de ce qu’ils veulent
prendre pour époux ou pour épouse. Ils suivent toujours l’ordre de leur parent. Effectivement,
dès que les jeunes gens sont en âge de se marier, les parents lui ont déjà réservé ou trouvé à qui
on doit se marier. Ils attendent seulement le désir de l’enfant pour lui montrer la personne de sa
vie. Ceci est peut être fait pour aider les jeunes gens de ne pas se tromper dans le choix de mari
ou de femme. Car il faut scrupuleusement savoir de qui vient cet enfant, ses origines ses
ancêtres, etc…sinon le mariage ne peut pas se faire. Ceci vient aussi de l’intention de ne perdre
les richesses qu’ils disent < harea tsy very > ( richesse non-perdue ) ou < lova tsy mifindra >
chez les merina. C’est de l’endogamie pure ou mariage entre parent. Cependant de nos jours, de
telle coutume le < vady namboarina > tend peu à peu à disparaître, car les jeunes gens voulant
manifester leur liberté, se font toujours connaissance entre eux en cachette avant. Notons aussi
qu’il existait autrefois une forme de mariage du nom de < sara-jaza>. Il s’agit de fiancer dès
leurs jeunes âges les enfants de deux familles.
Avant de contracter le mariage, le jeune homme doit d’abord accomplir l’< ala-fady >.
Comme le terme l’indique, il s’agit bien d’enlever les tabous, c’est à dire demander permission
de pouvoir s’approcher de la jeune fille.
Pour le faire on a toujours l’habitude de consulter un < mpanandro >. Cependant
actuellement beaucoup de < Ray aman-dreny > ( aîné ) en connaissent déjà le jour propice et
ne prend pas la peine de consulter un spécialiste. Parfois on l’a fait un ou deux jours avant la
pleine lune qu’on dit souvent < feno miakatra > ou se rend plein en montant. Cependant il faut
tenir compte que le Betsileo ne fait jamais grand chose pendant le mois d’octobre. C’est un mois
chaud disent –ils qu’on risque toujours d’échouer tout ce qu’on entreprend. Par la suite on
informe la famille de la jeune fille du jour de l’< ala-fady > et cela se fait avec une somme
d’argent. Si par mal chance l’argent sera retourné, il ne faudrait plus espérer, c’est fini.

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Le jour désigné, la famille du jeune homme surtout sa mère arrive vers le < misandratra
andro > vers 10 à 11 heures environ. Le jeune homme ne doit jamais y aller pendant ce temps. La
conversation commence et elle consiste à présenter l’intention de chercher épouse et d’enlever
tout empêchement de leur relation. On exécute alors toutes ces intentions avec une petite somme
d’argent. Du temps ancien, on fait l’< ala-fady > avec quatre choux que le Betsileo traduit tout
simplement < Katisoa >. C’est l’argent la plus petite du temps de la première République. Tout
cela sera comblé par un déjeuner préparé par la famille de la jeune fille. On ne doit jamais
manger là quelque chose vivant de sang c’est- à- dire on doit faire en sorte que le repas soit le
plus simple possible. On informe après toute la famille de la jeune fille que l’< ala-fady > est
déjà présenté. Cet argent sera ensuite partagé à toute la famille de la future épouse pour signifier
à ces derniers que quelqu’un a demandé la main d’une de leur proche et ils ne devaient donc pas
s’étonner de la voir chez autrui, pendant un certain temps. Cependant si la somme est
insuffisante, on en achète du sel et le distribue.
Après cela, la jeune fille habitait chez ses futurs beaux-parents pendant une dizaine ou
une quinzaine de jours environ, dans le but de faire plus ample connaissance mutuellement. C’est
le phénomène de < fairin-dahy > ou < fizahan-toetra > ( évaluation réciproque des caractères ),
la période d’attente ou de marge. De telle forme de cohabitation reste inadmissible aux yeux des
chrétiens et cela conditionne peut-être le raccourcissement de temps attribué à cette étape. Aux
termes de cette < période d’essai >, le prétendant reconduisait la jeune fille à proximité de son
village en lui offrant une somme d’argent avec lequel elle va s’acheter sa robe de mariée, s’il y a
accord entre les futurs beaux-parents. Sinon, l’argent sera considéré comme une marque de
gratitude.
Cependant il existe aussi certain < ala-fady > particulier du moment où on n’a pas
encore procédé au rite précédent. Surpris de leur relation, par une personne tabou à la jeune fille,
le jeune homme est obligé de lui présenter tout de suite l’ < ala-fady > ou le < tako-maso > (
cache-vue ). On classe comme personne tabou à la jeune fille, toute personne qui ne peut pas
avoir de relation sexuelle avec elle telle que son père, son frère, son oncle,…..etc. Le jeune
homme s’acquitte alors de ce < tako-maso > en l’invitant à boire du < toaka gasy > ou de lui
donner quelque somme d’argent. Il faut retenir que le < tako-maso > est individuel ; Seule cette
personne à qui il a donné le < tako-maso > en est acquittée, les autres ont encore le droit de le lui
demander.

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IV.2 – Le rituel du < tandra vady > ou < fehe-ponegna > :

Après < l’ala-fady > on s’adonne à la préparation du < fehe-ponegna > ( litt
organisation de l’habitation ) ou << vodiondry >> en Imerina. Pour le choix du jour, le circuit
sera le même que celui de l’ << ala-fady >>. Généralement, le mois de février et le mois d’août
sont tabous pour la cérémonie de mariage. Par contre, le vendredi ou dimanche, au premier
quartier de lune est favorable pour ce genre de cérémonie.
Le jour convenu, la famille du jeune homme envoyait trois hommes de confiance,
comme porte-parole, chez celle de la jeune fille, pour demander, selon les règles, la main de cette
dernière. Cette délégation se considérait comme quelqu’un de sans défense face à des ennemis
biens armés, d’où son appellation de < vatan-dray manatom-petrika >, littéralement, comme le
front qui va à la rencontre d’un coup de poing.
De peur d’être humiliés, les trois hommes, une fois à l’intérieur de la maison, prenaient
place dans la partie sud appelée < Iava >, près de la porte pouvant servir de sortie, le cas échéant,
donc par où ils pouvaient emprunter sans encombre si jamais leur démarche se soldait par un
échec.
Ils annonçaient le but de leur visite par un beau discours, pleines d’images et de
formules très recherchées : le < SOKELA >, discours typiquement Betsileo. De leur côté, les
membres de la famille de la jeune fille, par le biais d’un orateur, répondaient et donnaient leurs
avis. La conversation accompagnée de pièges divers gagne alors le terrain. C’est la raison parfois
que l’on cherche toujours une personne de joute oratoire, car chaque fois que vous commettez
une erreur, vous payez.
Si les deux parties se mettaient d’accord, les porte-paroles du prétendant offrent, en
gage du mariage; le < Fandeo > ou le < vodiondry > ( postérieur du mouton ), et une bêche qui
n’a pas encore servi ou < angady mainty ou angady kitro >, aux parents de la jeune fille. Du
temps ancien, on offrait vraiment une vraie selle de mouton et d’< angady mainty >. La jeune
fille étant considérée comme une plante qu’on va devoir transplanter et la bêche signifie qu’on
doit travailler réellement pour avoir une famille heureuse. Seulement de nos jours, on a changé le
<< fandeo >> par une somme d’argent. Et pour sceller le mariage, un repas de fête était organisé.

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La famille de la jeune fille se sont mis en frais : viande de bœuf ou de volaille, riz et <<
Toaka gasy >>. C’est le rite d’intégration dans lequel tout le monde se réjouit de la création
d’une nouvelle famille.
Satisfaits d’avoir gagné, les porte-parole, accompagnant la jeune fille mariée, se
précipitèrent de rentrer. Mais avant leur départ, la famille donneuse offrait a cette dernière une
dot appelée < fehe > ; elle se composait d’un panier appelé < taty >, d’une natte ou < tsihy >,
d‘un van ou < sahafa >, d’un panier à linge ou < kibaha >, d’une natte pour servir le repas ou <
fandambana > , le < vahan-dovia > ou < tsiandetse> et des poufs ou < fitoeram-bory> pour ses
beaux-parents. Puis la jeune mariée sera placée, avec ses bagages, au coin nord-est, le < zoro
firarazana >, de la maison pour recevoir la bénédiction des << fahasivy >> ( avec usage du
toaka gasy ) et celle << tso-drano >> ( aspersion d’eau) de toute la famille.
Sur le chemin du retour, la nouvelle mariée, parée de < lamba landy >, sera mise en
évidence, en tête de file, suivie de ses compagnons de route, afin que de loin, tous ceux qui sont
restés au village puissent l’apercevoir. Souvent il arrive aussi que certaines personnes de la
famille donneuse accompagnent la jeune fille dans sa nouvelle famille. Arrivé au village et avant
de franchir le seuil de la porte, ses beaux-parents la bénissaient pour qu’elle soit heureuse et ait
beaucoup d’enfants. Ici les << fahasivy >> doivent également être informés.
Après les différents compte-rendus du voyage, une grande fête avec un grand festin était
organisé pour toute l’assistance. Après le dîner, les accompagnateurs peuvent rentrer ou rester
faire la veille. Durant la nuit des réjouissances diverses se produisent et surtout des libations avec
du < toaka gasy >.
Une semaine après le mariage, les jeunes mariés rendaient visite aux parents de la jeune
fille ou faire le < mamerin’andro >. C’est une occasion pour le jeune homme de faire
connaissance avec ses beaux-parents et toute la famille. C’est ainsi alors que prend fin la
célébration du mariage traditionnel Betsileo. Actuellement les jeunes gens tendent petit à petit à
procéder aux mariages public et chrétien.

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V – Le rituel du VAKIRA ( pacte de sang ):
Le << vakira >> n’est pas seulement un rituel purement Betsileo. Presque toutes les
ethnies de Madagascar le pratiquent, mais chaque région a son originalité. Il est né d’une relation
entre des individus qui n’ont pas de lien de parenté. Une relation de confiance qui risque d’être
brisée que l’on recourt tout de suite à la pratique du << vakira >>. Le << vakira >> est un accord
solennel donc entrepris volontairement par deux personnes pour raffermir et préserver leur lien
d’amitié et celui de leurs familles. Par le serment du sang, ils entretiennent une relation soit
paternelle, soit maternelle, soit fraternelle et se comportent comme tel. Celui ou celle qui trahit le
serment sacré s’expose à un malheur. Le rituel combine à la fois la laïcité, la magie et la religion.
Avant d’entrer dans le vif du rituel parlons un peu des objets utilisés.

V.1 - Les objets utilisés :

Ci-après alors les divers objets nécessaires à l’accomplissement de ce rituel :


< Hazomanga > : bois à vertu sacrée que seul le guérisseur traditionnel ( ombiasa) peut
conserver.
< Zoro-tany valo > : de la terre venant des quatre points cardinaux et des 4 côtés de la maison.
C’est pour dire que le monde entier est au courant du pacte qu’on va faire et en est témoin.
< foroha fito > : sept tisons de bois symbolisant la mort qu’on souhaite à celui ou celle qui trahit
l’alliance.
< Taik’omby tsa hita reny > : bouse de zébu dont on ignore la provenance signifiant l’errance
pour celui qui trahit.
< lefona > : Sagaie, l’arme qui tuera celui ou celle qui manque à ses paroles.
< vola > piece de monnaie et < volafotsy > piece en argent, demontrant le caractere sacré du rite.
< Akotry > : paddy ou riz en cosses pour saigner la poitrine des contractants.
< finga > : Assiette.
< Rano mihernina > : eau de la source ou bouillon d’un cours d’eau.
Certaine version ajoutait aussi du < TG > dans cette composition.

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V.2 - Le rituel proprement dit :
C’est dans la maison de celui ou celle qui demande l’alliance que se déroulera la cérémonie, au
jour fixé toujours par l’astrologue. Les familles des 2 parties assistent et sont donc témoins de
l’alliance.
Avant l’imprécation, on procédait d’abord au rite du << fanamba fahasivy >> que nous
avons déjà beaucoup parlé antérieurement.
Le maître de la cérémonie, un imprécateur, met dans l’assiette tous les objets précités
nécessaires au rite ; il plante la sagaie sur les < foroha fito > et demande aux contractants de
maintenir cette dernière : la main du demandeur se place au dessous de celle à qui il demande
l’alliance.
Il prononce ensuite des paroles de malédiction, tout en tambourinant la manche de la
sagaie, à l’aide d’un couteau : Hanao vakirà R…….. sy R………., tsa hifanisy ratsy, ho tsara
fihavanana, lehe tsa mifamadika. Lehe misy mamadika, ireto raha ireto ro hamono aze, tsa hahita
tane, tsa hahita lanitse, ho mate an-defona an-tanana. Ho maty fito ka mieny, folo ka
manjerijery….. > litteralement : < R……. et R …….. ici présents vont contacter une alliance par
serment du sang ; ils ne se feront pas de mal, entretiendront une bonne relation, s’il n’y a pas
trahison de leurs parts. Au cas où l’un d’eux trahirait, ces objets le tueront, il ne verra ni la terre
ni le ciel et il sera tué par cette sagaie qu’il tient. Sept de ses proches seront frappés par la mort
qui ne s’arrêtera qu’au nombre de dix morts.
A la fin du <tsitsika > ( imprécation ), les contractants prennent de l’eau dans l’assiette à
l’aide d’une cueillere pour en faire boire son partenaire tour à tour sept fois de suite. Tous ceux
qui veulent se purifier peuvent en boire aussi. Puis l’imprécateur saigne la poitrine de chacun des
contractants à l’aide du grain de paddy pour leur faire lécher réciproquement leur sang.
Alors, la cérémonie se termine par la déclaration de l’alliance fraternelle ou paternelle
ou maternelle des contractants selon ce qui a été convenu.
La pratique du << vakira >> se fait rare actuellement dans cette région, vu le
changement de la mentalité des gens. Ils ne le pratiquent que dans le but d’en tirer profit ( terre,
richesse…..) parce qu’à partir du moment où le << vakira >> est déclaré, les deux parties sont
tenues de se porter assistance à n’importe quelle circonstance, à n’importe quel prix et par
n’importe quel moyen, sinon le < fihavanana > sera mis en cause et le traître subira les

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malédictions évoquées par l’imprécateur. Le tout est couronné par quelques rafraîchissements
pour tout le monde.

VI - Le rituel du FAHAFATESANA ( les funérailles ):

Nul ne sait que la mort est un évènement terrible et douloureux. Elle ne prévient pas et
tout le monde doit y passer. Puisque les Betsileo confèrent au défunt une sorte d’influence
posthume ( il rejoint maintenant le rang des << fahasivy >>), le rituel consiste alors à honorer
suffisamment le cadavre pour mériter sa protection et éviter sa vengeance. La séparation est
pénible, qu’il faut savoir aussi maîtriser les affects à travers la pratique rituelle. Une pratique qui
met en relation directe vivants et mort. On ne procède pas ici aux << fanamba fahasivy >>
puisqu’on est déjà en face d’un << fahasivy >> qui mérite honneur, il faut seulement les informer
de la venue de leurs pairs.
Actuellement on ne distingue plus les < fatin-kova > ou les cadavres nobles. Tout le
monde est au même pied d’égalité et le < hova > n’existe plus que seulement dans les pensées
des gens.
La mort est venue, tout de suite, les familles proches ( tsoa-tanana ) se sont affairées
alors dans l’exécution de toutes les tâches qui attendent. On ferme la bouche et les yeux, on
redresse les pieds et les mains, on lie avec sept cordons la mâchoire, les genoux, les orteils et les
doigts. On procède au < fampandroana > ( faire baigner le cadavre ). Si le cadavre est une
femme, il revient aussi aux femmes de la faire baigner et vice versa si c’est un homme. On met
le cadavre sur un < akalana > ( billot ). On le baigne de la tête aux pieds sans revenir. Une fois
la baignade finie, on l’habille et le couvre d’un < lamba > ( linge ). Les eaux de la baignade sont
versées dans un trou d’environ 30 cm de profondeur, creusé dans le coté sud-est de la maison.
Pour remercier les baigneurs, on les offrait du < toaka gasy > ou quelque somme d’argent.
Dans ce cas, on préfère mieux l’offrande en << Toaka gasy >> que la somme d’argent.
Très touchée de la disparition subite, certains ne peuvent pas retenir ses larmes que les
voisins en entendent bien. Cependant ils n’osent pas encore venir rendre visite sans être
informés. Une fois mis au courant, ils se précipitent pour faire le << minenegna >> ou le <<
manalady >> ( paroles de consolation prononcées par les visiteurs ).

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En général, la veillée funèbre persiste pendant une ou deux nuits. Le premier jour,
seulement, les < tsoa-tanana > les familles proches de proximité, sont réunies. Toute la journée,
il ne sera pas encore question de tuerie de bœuf. Cependant pour certaines familles riches, au
moment du dernier souffle d’une de leur parenté, elles procèdent aux < tsindriaigna > ou se livrer
dans la tuerie d’un bœuf. Durant la nuit, des < zafindraony > ( chansons folkloriques ) et des
chants religieux se font entendre avec du café et du << toaka gasy >> comme apéritifs.
Du deuxième jour, Les familles éloignées, une fois informées, viennent de plus en plus.
Et c’est ici que l’on procède alors à la tuerie de bœuf. On nous a aussi informé que si le cadavre
est une femme, ce sera une vache que l’on va abattre et un bœuf si c’est un homme. Il existe une
sorte d’association villageoise qui va s’occuper de la collecte de riz et de la préparation de tous
les repas.
Avant le déjeuner, on se livre au < SOKELA > ( discours ). Ici le contenu consiste à
informer tout le monde de l’itinéraire du défunt quelques jours avant sa mort. Si c’est une
maladie par exemple ; on raconte la maladie, les frais médicaux, etc…On en parle aussi du
nombre des bœufs tués, du riz collecté et des < lamba > ( linge ) servant de linceul au défunt.
Le creusement du tombeau se fait dans la matinée du jour de l’enterrement. Il revient donc au <
lehilahy mahery > d’exécuter ce travail. Cependant avant le premier coup de bêche d’un aîné,
l’autorisation du défunt et l’information de ses pairs pour son arrivée s’imposent. Le << toaka
gasy >> est toujours en jeu dès qu’on tente de se mettre en communication avec les << fahasivy
>>. Il est toujours de coutume de les informer avant de commencer un ouvrage aussi important
tel que l’ouverture et construction de tombeau et la construction d’une maison. On cherche
toujours leur bénédiction.
Ce sera dans l’après –midi alors que l’on procède à l’enterrement proprement dit. Un <
saotra > précède la sortie de la maison. Le transport du cadavre se fait avec des < sondry > (
nattes) qui sera brûlés après son utilisation. Si le tombeau est nouveau, le cadavre en fait sept
fois le tour dans le but de couper le chemin au malheur ( le chiffre sept signifie rupture ; ito
symboliquement rapproché du f-ito ou sept ).

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Arrivé au tombeau, le cercueil est posé sur le sol. Tout le monde est réuni, le silence est
fait et c’est l’heure des discours. Le chef de famille prend la parole, rappelle l’histoire des
derniers jours du défunt et remercie tout le monde. Il est de coutume que l’on ne pratique jamais
l’enterrement le lundi et le jeudi. Cependant si on est forcé de le faire, il faut creuser un jour
d’avance le tombeau.
En Général les tombeaux des Betsileo se divisent en deux parties ; l’une pour les morts
femmes et l’autre pour les hommes. Ces deux parties sont séparées par une sorte de corridor
consacré seulement pour les < faty lena > ( cadavre humide ). Le < zazarano > ou cadavre d’un
bébé moins de 6 mois n’a pas droit d’être enterré dans le tombeau.
Apres la fermeture du tombeau, on ne se lasse jamais de remercier tout le monde ; Les
lehilahy mahery ; les < vehivavy mahery > et toute l’association villageoise.
Au retour de l’enterrement, le << tsoa-tanana >> procède à la coutume du <<
fanosorana >> auquel on cherche à écarter le défunt du monde des vivants pour qu’il cesse de les
poursuivre. Si le << fanosorana >> n’est pas encore réalisé, personne ne peut pas toucher aux
ustensiles du défunt et ne peut pas non plus arranger la maison. Ce rite se fait toujours avec du
<< toaka gasy >>.
Suivant les règlements en vigueur dans le pays, les tombeaux ne peuvent pas être
ouverts un an après l’enterrement. Les morts survenues pendant ce laps de temps doivent être
d’abord enterrée en dehors dans le < fasa-poronina ou anirotra > avant d’entrer dans son vrai
tombeau.

VII – Le rituel du FAMADIHANA ( retournement des morts ):

Le rituel du << famadihana >> n’existait pas chez les Betsileo du sud. Ils le pratiquaient
seulement lors du transfert des cadavres au nouveau tombeau construit. Même, ils ne faisaient
pas cela que lors d’un enterrement. Ceci se pratiquait surtout chez les Betsileo du nord qu’ils
appelaient aussi souvent << lagnonana >> qui n’a rien avoir avec le << lagnonana >> précédant.
Le << famadihana >> est une grande cérémonie qui dure deux ou trois jours. Il consiste
soit à ramener dans le tombeau ancestral le cadavre décédé loin de son village natal, soit à
envelopper de nouveau linceul les corps d’ancêtres morts depuis un certain temps.

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L’idée fondamentale est d’obtenir la bénédiction des ancêtres dans tout ce qu’on fait
pour qu’il n’y ait pas de malheur sur les vivants. Le rituel tend aussi à renforcer la cohésion de la
grande famille. En raison de considération économique, on tend maintenant vers la diminution
des nombres des invités, autrement dit, on réduit au strict nécessaire les dépenses indispensables.
Généralement, le << famadihana >> combine à la fois la fête et la religion. C’est aussi un rituel
saisonnier puisqu’il a lieu seulement du mois de juin à septembre pour éviter peut-être les pluies
ou pour profiter les grandes vacances des enfants. Habituellement le << famadihana >>
comprend quatre étapes : les préparatifs, la veille et le jour de l’exhumation et enfin la cérémonie
au tombeau.

VII.1 – Les préparatifs :

Tout commence par la déclaration de l’intention. Celle-ci a été décidée par la famille
concernée et portée vers un espace plus large qu’est les membres de l’<< anaran-dray >> (
héritage laissé par les ancêtres ). La réunion porte sur différents points à savoir les ancêtres à
retourner, les tombeaux à ouvrir, la dimension spatiale des participants, le nombre de bœufs et de
porcs à abattre,…
Vient ensuite la répartition des taches. Le << mpanandro >> est consulté pour le choix
des jours fastes et certaines règles à suivre au cours de la cérémonie. Après on entreprend les
démarches habituelles auprès de l’administration.
Les constants de dépenses se résument alors comme suit :
achat des < lambamena > ( linceul ),
nombre de bœufs et de porcs à abattre,
riz et boissons alcoolisées,
rémunérations des musiciens,
Coûts des taxes diverses pendant les formalités administratives.

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VII.2 – La veille :

Dès la veille, la journée qui précède immédiatement le jour de la cérémonie au tombeau,


on procède à l’abattage des bêtes et à la cuisson qui se fera pendant presque toute la nuit. Cette
tâche revient au < vinantolahy > ( gendres ) et zanak’anabavy ( enfants des sœurs ). Avant
l’opération, on doit demander la bénédiction des ancêtres, à cet effet le << toaka gasy >> est de
mise. Le doyen verse une petite quantité au sol et aux bœufs à abattre. On distribue après le reste
aux jeunes gens qui vont abattre les bœufs.
L e soir, le < fodiamandry > ( la veillée ) commence. Eventuellement on organise un bal
et les jeunes se libèrent.

VII.3 – Le jour de l’exhumation :

Le << birao >> précède la cérémonie au tombeau. Les invités arrivent et apportent ce
qu’on appelle le << kao-drazana ou sao-drazana >> . Il s’agit d’une petite somme d’argent avec
un petit panier de riz décortiqué selon les règles de la réciprocité. La pratique veut que l’on
rende un peu plus ce que l’on a reçu dans une occasion antérieure. C’est le mécanisme de l’<
atero ka alao > ( litt apporter puis retirer ). Puis ils prennent part aux repas, souvent dans la cour,
préalablement tapissée de nattes.
Entre temps le < KABARY > ( discours ) se déroule. Il se résume comme suit, la
famille promotrice expose tout ce qui a trait à la manifestation. A cet effet, les < lambamena >
sont déployés devant le public, les riches font étalage de leurs richesses ici. Les invités se
succèdent en << kabary >> en vue d’offrir successivement leurs dons. Des entités sollicitées
clôturent cet acte d’offrir par des << tso-drano >> et remerciement pour la famille promotrice
ou les << zana-drazana >> ( descendants des ancêtres ). Le porte-parole de la famille promotrice
termine le << kabary >> en remerciant les différents groupes porteurs de dons.

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VII.4 – La cérémonie au tombeau :

L’ouverture du tombeau a été faite le matin. Avant d’enlever la grande pierre au seuil
du tombeau, on doit d’abord présenter le << saotra >> une courte invocation des ancêtres qui
consiste à demander leurs bénédictions. A ce sujet, la famille promotrice offre du << toaka gasy
>>.
Dans le courant de l’après-midi, on passe à la dernière étape ; à la cérémonie au
tombeau. Les morts sont sortis un à un, dans l’ordre hiérarchique décroissant. Le procédé
classique d’enveloppement est de déchirer en longueur un bord du linceul pour en faire quelques
bandes qui vont servir de ligatures. On fait en général, trois ou cinq ligatures toujours en nombre
impair. Au cours de ces diverses pratiques on a assisté à des concours de danse. Plusieurs cas de
breuvage de TG se sont fait aux alentours. Quelquefois, les familles riches font montre de leur
richesses en faisant monter sur scènes des groupes folkloriques malgaches ( mpihira gasy ). Une
fois achevée l’enveloppement de tous les corps, vient le moment de ré-enterrement et c’est le
grand ancêtre qui entre le dernier pour fermer la porte selon la coutume. La cérémonie se termine
par un << kabary fisaorana >> ( discours de remerciement ). Pour ce faire, le discoureur se tient
débout au-dessus du tombeau, entouré de représentants de la famille organisatrice.
Apres ce discours, un homme âgé entame la fermeture de la tombe, et quelques hommes
( surtout les gendres ) vont achever cette tâche, tandis que tout le monde rentre. C’est le moment
donc de dire que le devoir est fini ( vita ny adidy ). La fête ne se fait que tous les 5 à 6 ans. Les
jours interdits sont le mardi et le jeudi.
Il est vrai que cette coutume occasionne tant de dépenses mais elles sont amoindries par
le mécanisme de l’ <atero ka alao >. Cependant le < famadihana > reste toujours bénéfique dans
la mesure où il raffermit la cohésion sociale et l’appartenance à des ancêtres communs. Le social
et le culturel dominent donc ici l’économique.

VIII – Le Toaka gasy : élément principal du rituel

A travers ces descriptions, des questions diverses tournent encore dans notre esprit.
Que signifie l’appellation en premier lieu du nom de Dieu dans le rite du << fanamba fahasivy
>> ? Est-il membre mais pourquoi cette appellation catégorique de << fahasivy >> ( ancetres ) ?

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Les bœufs, les coqs, le riz symbolisent quoi ?. Cependant vu le temps que nous disposions, nous
ne comptons plus orienter notre attention sur d’autres choses que le << toaka gasy >>.
Comme tous les malgaches et les chrétiens, les Betsileo croient également en la vie dans
l’au-delà comme les différents rituels précédents l’ont bien montré. Pour eux les morts sont
encore en vie dans l’au-delà près de < Zanahary > ( Dieu ) et ne cesse pas de surveiller et de
donner protection aux vivants. On croit que malédictions et bénédictions viennent d’eux et c’est
par le respect ou non adressé qu’on en tire bienfaits ou malheurs.
Si par exemple, plusieurs malheurs se succèdent, on croit bien qu’il s’agisse d’un devoir
non accompli envers les ancêtres ; On ne les a pas peut-être suffisamment honorés. On n’a pas
tenu peut être la promesse de procéder au rituel de << lagnonana >>, on n’a pas encore réalisé le
<< fagnefana >>, le << famadihana >> ou oublié tout simplement le rite du << fanamba
fahasivy >>.
Si par contre dans le cas contraire, des bienfaits arrivent, ils sont censés aussi venir de la
protection des << fahasivy >> qu’il faut toujours savoir les remercier. D’où le recours des
betsileo à toutes circonstances de la vie au << fitahian’ny razana >> ou protection des ancêtres.
Il semble que les vivants sont à chaque instant obligés de présenter le << saotra >> et de
procéder au << fanamba fahasivy >> de peur d’être encouru par la malédiction ou pour avoir la
bénédiction.
Les << fahasivy >> sont très exigeants et qu’il ne faut jamais lancer une parole en l’air
qu’ils puissent entendre ou << aza manao vava ren’Andriamanitra >>. Vous devez accomplir ce
que vous avez parlé sinon vous risquez d’être attrapés par quelques choses de malheur. Ils
acceptent toujours comme << saotra >> certains sacrifices ; bœuf et coq ou poule, le riz et le <<
Toaka gasy >> mais pour se mettre en contact avec eux il faut toujours procéder au << fanamba
fahasivy >>. Ce qui signifie également qu’il faut toujours recourir à l’usage du << toaka gasy
>>. Car le processus du << fanamba fahasivy >> ou de l’invocation des ancêtres ne se fait jamais
sans le << Toaka gasy >>.
A travers les descriptions analytiques précédents, nous avons toujours constaté, le
recours à maintes reprises des Betsileo à l’invocation des ancêtres dans chaque rituel. Il n’existe
aucun rituel auquel le << Toaka gasy >> n’est pas impliqué intensément surtout dans le rite du
<< fanamba fahasivy >> ou tout simplement dans le << saotra >> pour les Betsileo du nord.

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Il est employé pour invoquer les << ancêtres >> et sans cela on ne croit pas qu’ils
tendent oreilles. Les vins ou autres rhums étrangers sont inadmissibles pour ce genre de rite.
Généralement, le << Toaka gasy >> est d’usage dans toutes relations avec les <<
fahasivy >>. Les vivants ont besoin de les remercier pour les bénédictions qu’ils ont dispensées,
dispensent et dispenseront. On a besoin de les respecter ou de les satisfaire à leurs besoins pour
écarter les malédictions. C’est le cas alors des rituels du << fagnefana >> et du << famadihana
>> car les morts exigent par exemple d’être bien couverts. On a besoin également de leurs
assistances dans la réalisation de quelques choses de grande importance, comme dans le cas par
exemple du << forazaza >>, du << vakirà >>, dans l’ouverture du tombeau et dans les
constructions diverses. En fait, le << Toaka gasy >> est un liquide mystique servant de relai
entre le visible et l’invisible.
Somme toute, dans leurs pratiques rituelles, les Betsileo, ne peuvent jamais de se passer
du << Toaka gasy >>. Le << saotra >> constituant le centre de tous les rituels ne peut pas se
faire sans le << Toaka gasy >>. Sans le << saotra >>, les Betsileo se sentent séparés de leurs <<
fahasivy >>, sources de toutes les bénédictions. Les croyances envers les << fahasivy >> sont
encore profondément enracinées qu’il reste toujours chose difficile de procéder à n’importe
quelle poursuite de tout usage du << Toaka gasy >>.

IX – Les vertus mystiques du Toaka gasy :

On a pu constater qu’à chaque cérémonie rituelle, le << Toaka gasy >> se présente
toujours comme un élément principal. Il ne nous reste qu’à savoir quel rôle joue le << Toaka
gasy >>, élément matériel, dans toute l’opération pour obtenir le résultat bénéfique recherché.
Quelles sont alors ses vertus mystiques que les Betsileo lui attribuent ?
D’après eux, l’utilisation et la considération du << Toaka gasy >>, comme élément
principal, repose sur trois vertus mystiques :
- Le << Toaka gasy >>, symbole de vie.
- Le << Toaka gasy >>, symbole de puissance.
- Le << Toaka gasy >>, symbole de respect.

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IX.1 – Le Toaka Gasy symbole de vie :

D’abord, au niveau de la pratique sociale, le << Toaka gasy >> est censé posséder la vie.
Un élément matériel qui anime et même réanime celui que l’on croyait abandonné par la vie.
Dans le rituel du << fahafatesana >>, le défunt, avec du << Toaka gasy >> semble encore avoir
une vie qui le fait communiquer aux vivants.
La vertu mystique du << Toaka gasy >> consiste à travers les cérémonies rituelles, à
exercer une influence sur le monde surnaturel. Prenons par exemple le cas des véhicules
transportant un cadavre. Pour prévenir les pannes ou faire repartir le véhicule tombé en panne, on
verse quelques gouttes du << Toaka gasy >> ou du rhum ( quelquefois pour les gens de la ville ),
sur les quatre roues et près du moteur. L’objectif est d’honorer les << fahasivy >> et de leur
demander la bénédiction afin qu’ils redonnent au véhicule la vie pour pouvoir répartir ou pour
qu’il n’y ait plus de pannes.

IX.2 – Le Toaka Gasy : symbole de puissance :

De par sa teneur en alcool, le << Toaka gasy >> est une boisson très puissante, capable de
dominer l’homme. Ainsi les Betsileo le qualifient de << Rano mahery >> ( eau forte ) capable
de rendre faible le plus puissant.
Auparavant, le << Rano mahery >> en usage actuel dans le rituel du << forazaza >> était
du << Toaka gasy >> qu’ on allait chercher au loin, chez le fabricant.
Employé dans le rite, il confère à celui qui le boit ou sur lequel il est aspergé, sa vertu
puissante. Outre la vie, le << Toaka gasy >> possède également, la vertu mystique de procurer
la puissance. On croit, au cours de la célébration du rite à ce que le << Toaka gasy >> agit sur
des êtres immatériels et sur le monde invisible. Dans la construction d’un tombeau par exemple,
ceux qui creusent en boivent pour en avoir du courage.

IX.3 – Le Toaka Gasy: symbole du respect :

En dernier lieu, le << Toaka gasy >> symbolise également le respect. Pas seulement du
respect envers les << fahasivy >> mais aussi envers les hommes.

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Ceci est tellement manifeste, à chaque fois qu’on procède au débouchage d’une bouteille
de << Toaka gasy >>, lors d’une cérémonie ou même d’une rencontre fortuite. Effectivement,
avant d’entamer un breuvage ou une aspersion quelconque, on se prend toujours l’habitude de
verser quelques gouttes, soit au << zorofirarazana >>, soit au pied d’un << vatolahy >> ( litt
pierre mâle ) selon le lieu du rite ou de la rencontre. Il s’agit d’un hommage à rendre aux <<
fahasivy >>.
Conçu comme une boisson ancestrale et populaire, le << Toaka gasy >> est surtout pour
les ruraux, la boisson la plus appréciée par rapports aux autres produits alcooliques locaux et
importés. C’est la raison pour laquelle qu’ils n’hésitent jamais à offrir aux convives ou aux
personnalités dignes de respect, une ou deux bouteilles de << Toaka gasy >> qui, au niveau des
pratiques sociales malgaches, occupe encore une place importante.
X – Le Toaka Gasy : élément de réjouissance :
Malgré les valeurs mystiques du << Toaka gasy >>, il ne faut pas aussi oublier qu’il est
également conçu, à travers les pratiques rituelles, comme un élément de réjouissance. On n’a pas
trouvé de rituels où il n’y a pas eu de réjouissance même dans le rituel du << fahafatesana >>.
Depuis le << forazaza >> jusqu’au << famadihana >>, on peut dire même qu’il n’y que de
réjouissance avec du << Toaka gasy >>. Celle-ci se fait surtout durant la nuit pour chaque rituel.
Cependant, elle prend de l’intensité pendant le rituel funéraire.
Voici ce qu’en décrit par exemple Dubois : Durant la nuit << lorsque la salle est ainsi
chauffée quelqu’un s’écrie << asio kianja ! >> ( faites au centre une petite place ). On se tasse.
Des danseurs se lèvent…..Même des parents, des enfants du mort se mettent à danser
………Distribution de rhum pour surchauffer encore l’assemblée…… Le tapage va crescendo.
Des chroniqueurs racontent des histoires amusantes………..Tout cela altère, nouvelles
distributions de rhum. L’ivresse monte, des enfants de 5 à 7 ans prennent part à ces libations.
C’est comme une course au délire de l’ivresse et de la passion…….. Et ces scènes se
renouvellent plusieurs nuits de suite,……Certains s’en vont comme fous ……..en criant : <<
mamo aho >> ( je suis ivre ) ; << biby aho >> ( je suis un animal ) et poursuivent quiconque en
vue. D’autres, terrassés par la boisson, sont couchés comme morts sur le sol, inconscients de ce
qui se fait autour d’eux >>.

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Selon Razafintsalama Adolphe, à part le fait de vitupérer au nom de l’hygiène ou de la
morale, il a fallu aussi dégager la cohérence symbolique de ces excès orgiaques, en tant que
réaction de la vie contre la menace de mort.
Ces réjouissances tirent alors ses raisons d’être dans la pratique même du rituel ; que ce
soit pour montrer les réactions face aux malheurs, la mort ou pour manifester ses bonheurs face
aux bienfaits reçus; cas du << lagnonana >> par exemple. Et tout cela se fait toujours avec du
<< Toaka gasy >>.

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CONCLUSION

Maintenant, nous arrivons au terme de notre parcours. Depuis le début, nous avons fixé
donc comme objectif l’appréhension de l’importance du << Toaka gasy >> dans les rituels
Betsileo. Pourquoi se fait-il qu’à chaque fois qu’il y ait cérémonie, Le << Toaka Gasy >> restait
toujours présent.
Effectivement, le << Toaka gasy >> occupe indéniablement une place de premier ordre
dans les rituels Betsileo. Comme tous les malgaches, les Betsileo croient également aux <<
Andriananahary sy ny razana >> ( Dieu et les ancêtres ), aux << fahasivy >> ( ancêtres ), c’est-
à-dire aux puissances divines et ancestrales. Ils croient que ces derniers peuvent les voir, les
entendre, les surveiller,…et surtout peuvent les dispenser bénédiction ou malédiction.
Ils pensent que leurs vies dépendent de Dieu et de leurs ancêtres et à chaque fois qu’ils
décident d’entamer une quelconque entreprise, ils ne manquent jamais à leurs présenter du
<< saotra >> ( remerciement ) auquel ils cherchent toujours de la bénédiction. S’ils faillent par
exemple à une obligation, ils se précipitent à le réparer par le << saotra >> de peur d’être
encouru par la malédiction.
En pays Betsileo, les << fahasivy >> acceptent comme << saotra >> certains sacrifices ;
bœuf et coq ou poule, le riz et le << Toaka gasy >> cependant pour se mettre en contact avec
eux il faut toujours procéder au << fanamba fahasivy >>. Ce qui signifie qu’il faut toujours
recourir à l’usage du << toaka gasy >>, car le processus du << fanamba fahasivy >> ou de
l’invocation des ancêtres ne se fait jamais sans le << Toaka gasy >>.
A travers les descriptions analytiques précédentes, nous avons toujours constaté, le
recours à maintes reprises des Betsileo à l’invocation des ancêtres dans chaque rituel. Il n’existe
aucun rituel auquel le << Toaka gasy >> n’est pas impliqué surtout dans le rite du << fanamba
fahasivy >>. Il est employé pour invoquer les << fahasivy >> et sans cela on ne croit pas qu’ils
tendent oreilles. Les vins ou autres rhums étrangers sont inadmissibles pour ce genre de rite.
Généralement, le << Toaka gasy >> est d’usage dans toutes relations avec les <<
fahasivy >>. Les vivants ont besoin de les remercier pour les bénédictions qu’ils ont dispensées,
dispensent et dispenseront. On a besoin de les respecter ou de les satisfaire à leurs besoins pour
écarter les malédictions. C’est le cas alors des rituels du << fagnefana >> et du << famadihana
>> car les morts exigent par exemple d’être couvert de nouveau linceul. On a besoin également

54
de leurs assistances dans la réalisation de quelques choses de grande importance, comme
dans le cas par exemple du << forazaza >>, du << vakirà >>, dans l’ouverture du tombeau et
dans les constructions diverses. En fait, le << Toaka gasy >> est un liquide mystique servant de
relais entre le visible et l’invisible.
Le long de notre parcours, nous avons trouvé que le << Toaka gasy >> symbolise la vie,
la puissance et le respect. Une vie qui anime et réanime même celui que l’on croyait abandonné
par la vie. Une puissance, capable de rendre faible le plus puissant, qui le fait agir sur des êtres
immatériels sur le monde invisible. Enfin, il est également employé pour honorer les << fahasivy
>> et pour accueillir les visiteurs.
Somme toute, dans leurs pratiques rituelles, les Betsileo, ne peuvent jamais se passer du
<< Toaka gasy >>. Le << saotra >> constituant le centre de tous les rituels ne peut pas se faire
sans le << Toaka gasy >>. Or, sans le << saotra >>, les Betsileo se sentent séparés de leurs <<
fahasivy >>, sources de toutes les bénédictions.
Ici, nous n’avons aucunement pas l’intention d’institutionnaliser l’usage du << Toaka gasy
>> mais d’évoquer, la valeur mystique que possède cette boisson de fabrication locale, à travers
les pratiques rituelles Betsileo. Nous pensons qu’avec notre humble contribution, le présent
mémoire peut nous aider à élargir notre champ de vision dans toutes les décisions à prendre ; de
bien savoir distinguer le coté négatif et positif dans chaque chose pour ne pas adopter
uniquement un seul point de vue.

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BIBLIOGRAPHIQUE

1. CALLET ( Le Père ) << Tantara ny Andriana eto Madagasikara >> Editions Presse
Catholique- Tananarive 1895.
2. CAZENEUVE , << Sociologie du rite >>, PUF, 1971.
3. COUSINS ( W.E. ) << Fomba malagasy >>, Tananarive, Imprimerie Protestante
Imarivolanitra,1963.
4. DUBOIS ( Henri ) << Monographie des Betsileo >>, Paris, Institut d’Ethnologie, 1938.
5. DUVERGER ( Maurice ) << Méthodes des Sciences sociales >>, Paris, PUF, 1961.
6. FAUBLEE ( J ) << Les esprits de la vie à Madagascar >> PUF, Paris, 1954 .
7. HANDFEST ( Ch ) << Histoire de Fisakana . Betsileo du Nord >> Imprimerie moderne de
l’Emyrne.
8. ISAMBERT Francois << Rite et efficacité symbolique >> Ed. du CERF, 1979.
9. LEVIS-STRAUSS Cl., << Anthropologie structurale I >>, Plon, 1958.
10. MAISONNEUVE J. << Les rituels >>, Paris, PUF , col. << que sais-je ? >>
11. ODERMANTT ( J ) << L’alcool aujourd’hui >>. Editions SAS.
12. PROFITA ( P ) << La société malgache et ses valeurs ancestrales >> Ambatondrazaka, 1978
13. RAINIHIFINA ( Pasteur ) << Tantara, lovantsaina Bestileo, T2 : Fomba Betsileo >>
Imprimerie Catholique Fianarantsoa, 1985.
14. RAJAOSON ( François ) << Contribution à l’étude du Famadihana sur les hauts plateaux de
Madagascar >>, thèse de III eme Cycle - Sorbone, Paris, 1969.
15. RASOLOMANANA ( Denis ) << Valeurs traditionnelles et communautés villageoises à
Madagascar >> ( Etude d’une collectivité du Nord Betsileo ), Thèse de III cycle - Paris,
1971.
16. RATSIMBAZAFIMAHEFA ( P ) << LE FISAKANA : archéologie et couches culturelles
>>. Musée d’Art et d’Archéologie de l’Université de Madagascar > Tananarive, 1971.
17. RAZAFINTSALAMA A. << Ny finoana sy ny fomba malagasy >> Edisiona Md. Paoly,
Filles de St Paul, Antananarivo, 1998.
18. ROBERT ( D ) << OLOMBELONA >> Editions l’Harmatton, Paris, 1979.
19. VAN GENNEP << les rites de passage >> Mouton, 1969.

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TABLE DES MATIERES

Introduction 2
Première partie : Présentation générale de la région Betsileo 6
I – Délimitation administrative géographique 7
II – Les conditions climatiques 10
III – L’habitat 11
III.1 - Les caractéristiques 11
III.2 - Les maisons 12
Deuxième partie: Le << Toaka Gasy >> et son environnement 13
I – Définition 14
II – Mode de fabrication 14
III – Variétés et lieux de provenance 17
IV – Effets de la consommation 18
IV.1 Les trois stades de l’ivresse 18
IV.2 L’alcoolisme 18
IV.2.1 Définition 18
IV.2.2 Classification 19
IV.3 Les effets sociaux 20
Troisième partie : Le << Toaka gasy >> dans les rituels Betsileo 21
Approche théorique 22
I – La définition 22
II – Le rôle du rituel 25
III- La classification du rituel 26
IV – Quelques théories du rite 28
IV.1- Le rite et efficacité symbolique 28
IV.2 – Les rites comme actes d’institution 29
IV.3 – Rites, mimésis et violence 30
Approche analytique 30
I – Le rituel du << LAGNONANA >> 31
I.1 - La préparation 32

57
I.2 - Le rite du << FANAMBA FAHASIVY >> 33
I.3 – Le rite du << SAOTRA >> 34
II- Le rituel du << TONO AKOHO >> 37
III Le rituel du << FORAZAZA >>
38
III.1 - La préparation 39
III.2 - Le rite du << FANAMBA FAHASIVY >> 40
III.3 - L’opération proprement dite 40
IV – Le << TANDRA VADY >> 42
IV.1 - Le rituel d’ << ALA-FADY >> 42
IV.2 - Le rituel du << TANDRA VADY >> ou << FEHE-PONEGNA >> 42
V – Le rituel du << VAKIRA >> 46
V.1 - Les objets utilisés 46
V.2 - Le rituel proprement dit 47
VI – Le rituel du << FAHAFATESANA >> 48
VII – Le rituel du << FAMADIHANA >> 51
VII.1 Les préparatifs 51
VII.2 La veille 52
VII.3 Le jour de l’exhumation 52
VII.4 La cérémonie au tombeau 53
VIII – Le << Toaka gasy >> élément principal des rituels 53
IX – Les vertus mystiques du << Toaka gasy >> 56
IX.1 – Le Toaka gasy : symbole de vie 56
IX .2- Le Toaka gasy : symbole de puissance 56
IX.3 Le Toaka gasy : symbole de respect 56
X – Le << Toaka Gasy >> : élément de réjouissance 57
Conclusion 59
ANNEXE 61
BIBLIOGRAPHIE
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