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Heddy-Pierre NKULU MPIANA

Avocat au Barreau de Kinshasa / Matete,


Encadreur et juriste chercheur

JURISTESPACE-RDC

LE DROIT
DE LA PREUVE
Synthèse

Heddy-Pierre NKULU MPIANA


Heddy-Pierre est Avocat au Barreau de Kinshasa (Matete), juriste chercheur et encadreur en droit

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Avocat au Barreau de Kinshasa / Matete,
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Les ouvrages de Heddy-Pierre sont


distribués en ligne (par e-mail)
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H eddy-Pierre NKULU MPIANA


Juriste chercheur, Avocat et encadreur en droit

LE DROIT DE LA PREUVE
SYNTHESE ELABOREE SUR BASE DES OUVRAGES ET DES ENSEIGNEMENTS DES
PROFESSEURS EXTRAORDINAIRES
NYABIRUNGU mwene SONGA ET KALONGO MBIKAYI

N’ayant pas été à la hauteur des conditions IL ENCADRE EN : DROIT CONSTITUTIONNEL ; DROIT
relatives au recrutement des assistants ADMINISTRATIF ; DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ;
arrêtées par son université -UPC- (il a obtenu
CONTENTIEUX ADMINISTRATIFS ; ORGANISATIONS
soixante neufs pourcent trois fois, dont
soixante neufs pourcent en terminal), INTERNATIONALES ; SERVICES PUBLICS ET ENTREPRISES
Heddy-Pierre tient tout de même PUBLIC ; DROIT FISCAL ; DROIT DES SOCIETES ; REGIMES
à emporter un jour le titre de docteur en droit. MATRIMONIAUX, SUCCESSIONS ET LIBERALITES ;
DEONTOLOGIE DES MAGISTRATS, DES AVOCATS ET
FONCTIONNAIRES INTERNATIONAUX, PRINCIPAUX
SYSTEMES JURIDIQUES ET TANT D’AUTRES.
Tél : 0991276140 / 0811632770
Facebook : Heddy-Pierre NKULU
E-mail : chercheur.juriste@gmail.com

2014

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SOMMAIRE
TITRE I : LA PREUVE EN MATIERE PENALE – P 4
Chapitre I : La charge de la preuve – P 4
Chapitre II : Les moyens de preuve – P 5
Chapitre III : L’appréciation des preuves – P 7
TITRE II : LA PREUVE EN MATIERE CIVILE – P 11
Chapitre préliminaire : Généralités – P 11
Chapitre I : Des constatations matérielles – P 12
Chapitre II : Preuve par écrit (littérale ou pre-constituée) – P 12
Chapitre III : Preuve testimoniale – P 22
Chapitre IV : Preuve par présomption – P 26
Chapitre V : L’aveu – P 28
Chapitre VI : Le serment – P 30

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 Notion de la preuve.

En droit, prouver c’est établir la vérité d’un fait d’où découlent des
conséquences juridiques.
Et On entend par preuve juridiquement, les éléments que les parties sont
autorisées à soumettre au juge pour entraîner la conviction de celui-ci et pour
établir le fondement d’une prétention. De manière moins abstraite, plus
particulièrement en matière pénale, la preuve est tout moyen permettant
d’affirmer l’existence d’une infraction ou son absence, la culpabilité ou
l’innocence du prévenu.

NB : On ne prouve pas une règle de droit.

TITRE I
LA PREUVE EN MATIERE PENALE1

L’étude de la preuve en matière pénale sera menée autour de trois


questions :
La charge de la preuve ; les moyens de preuve et ; l’appréciation des
preuves.

CHAPITRE I
LA CHARGE DE LA PREUVE.

Afin de parvenir à la condamnation d’un individu, il est nécessaire que le


juge ait procédé à la reconstitution des faits et la définition légale d’une
infraction. Néanmoins, pour parvenir à cette vérité, à cette certitude judiciaire,
l’accusation et la défense auront chacune exprimé leurs prétentions. Dans ce
duel judiciaire, des obligations pèsent sur l’une ou l’autre partie. Elles
découlent toutes de deux principes fondamentaux : 1) la charge de la preuve
2) le doute profite au prévenu.

Section 1. La charge de la preuve incombe au ministère public.

« Actori incumbit probatio »2. La preuve de tous les éléments constitutifs


de l’infraction et de l’absence des causes d’exonération incombe toute entière
au ministère public.
Ce principe est de bon sens et répond à l’exigence de sécurité des
citoyens. Si l’accusation ne peut apporter la preuve de la culpabilité du
prévenu, celui-ci sera immédiatement libéré de toute charge.
La charge de la preuve porte non seulement sur les éléments constitutifs,
mais aussi sur les éléments négatifs que comporte éventuellement la

1
Lire à ce sujet : NYABIRUNGU mwene SONGA, Droit pénal Général Zaïrois, Editions Droit et Société « DES », Kinshasa,
1989, pp 374 - 386
2
« Actori incumbit probatio » qui veut dire : La preuve incombe au demandeur
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définition légale de l’infraction. Si un élément négatif entre dans la définition


légale du délit, il doit être prouvé par le Ministère public, quelle que soit la
difficulté que celui-ci puisse éprouver.
Il en va de même de l’absence des causes qui excluent la culpabilité ou la
responsabilité.
Cependant, le Ministère public peut se dispenser de prouver des éléments
dont l’existence est vraisemblable, et qui ne sont pas contestés par le
prévenu. Par exemple en matière d’infractions dites matérielles, le Ministère
public se contente d’établir le fait matériel, et si la personne poursuivie ne
conteste pas l’existence de l’élément moral, celui-ci se déduira de la seule
matérialité du fait. « Res in se culpam habet ».

Section 2. Le doute profite au prévenu.

La condamnation ne peut être fondée que sur la certitude du fait et de la


culpabilité de l’agent.
Le doute que n’a pas dissipé le Ministère public profitera au prévenu. Celui-
ci, au cours du procès, peut rester passif et silencieux. « In dubio pro reo ». ce
principe est en fait le corollaire de celui de la « présomption d’innocence » :

Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente tant
que sa culpabilité n’est pas établie au cours d’un procès public où toutes les
garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées3

Il en résulte que le prévenu n’est pas tenu d’établir son innocence par des
preuves décisives. Il suffit qu’il allègue sa version des faits d’une manière
vraisemblable, plausible, de nature à semer le doute dans l’esprit du juge.
Toutefois, en pratique, la personne poursuivie aura intérêt à établir la
preuve de ses allégations si elle le peut. En effet, nous trouvant dans le
système de l’intime conviction, elle doit se méfier de l’effet que peuvent
produire sur le juge d’une part les preuves produites par le Ministère public,
d’autre part, son silence ou ses hésitations. Attendre passivement peut
s’avérer désastreux, et il est plutôt vivement conseillé que l’accusé apporte
dans la mesure du possible la preuve de son innocence.

CHAPITRE II
LES MOYENS DE PREUVE.

La liberté de la preuve : tel est le principe consacré en droit pénal. Par


opposition au droit civil, il n’existe donc pas des modes de preuve exclus du
champ de débat a priori, ni préalablement constitués. Ce principe est lui
même le corollaire de l’intime conviction du juge.

3
Article 11 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme ; Article 17 al 7 de la Constitution du 18 février 2006 : « Toute
personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie par un
jugement définitif. »
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Le juge ne peut refuser, sans motivations particulières, de recevoir les


preuves que les parties sont prêtes à fournir. Il doit, par exemple, en établir
l’inutilité quant à la recherche et à la manifestation de la vérité.
La liberté de la preuve peut trouver ainsi sa justification : « quelques
profondes que puissent être les réformes, il restera que la matière à juger est
humaine et ce titre ne peut être apprécié que par une pensée souple et
nuancée »
Cependant, il existe des limitations à ces principes de la liberté de la
preuve et de l’intime conviction :
1. D’abord, le juge doit respecter la force probante que la loi attache
à certains actes. Il en est ainsi des procès-verbaux faisant foi
jusqu’à preuve du contraire et des procès-verbaux valant jusqu’à
inscription en faux. Pour les autres procès-verbaux, il est entendu
que « le juge apprécie la force probante qu’il convient de leur
attribuer »4.
2. Les moyens de preuve doivent être rationnels.
Seront rejetés ceux qui, logiquement ou d’après l’expérience, ne
sont pas de nature à contribuer à la manifestation de la vérité.
C’est le cas des ordalies ou des pratiques divinatoires. C’est la
même exigence qui explique, pour partie, la méfiance dont font
l’objet certains procédés scientifiques utilisé en vue d’arracher les
aveux, tels que l’hypnotisme et la narco-analyse, procédés
dangereux, car les aveux obtenus ne sont pas nécessairement
conformes à la vérité puisqu’ils tendent à un « déballage » dans
lequel sont mêlés les souvenirs conscients et les pulsions
refoulées dans l’inconscient.
3. Les moyens de preuve doivent être respectueux de la dignité
humaine. C’est ainsi que doivent être combattus les passages à
tabac, les tortures, la ruse, la narco-analyse … utilisés en vue
d’arracher des aveux. Une des résolutions du VIe Congrès de
l’Association Internationale de droit Pénal (A.I.D.P) proclame
qu’aucun procédé artificiel, aucune violence ou pression ne
peuvent être exercés sur l’inculpé pour le déterminer à des aveux.
4. Les moyens de preuve doivent respecter les droits de la défense.
Le juge ne peut recevoir des moyens parvenus à sa
connaissance en dehors des débats et non soumis au débat
contradictoire des parties. « Même dans le fond intérieur, le juge
est tenu de rendre sa décision, non d’après ce qu’il sait comme
homme, mais d’après ce qu’il a appris comme juge ».
Il ne peut non plus admettre des moyens irréguliers, tels que des
documents saisis au cours d’une perquisition irrégulière, ou la
déposition sous serment d’une personne privée du droit de
déposer en justice, ou encore la production en photocopie (ou
copie) non certifiée conforme du document vanté, mais contesté
par une des parties etc.

4
Article 75 du Code de procédure pénale.
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CHAPITRE III
L’APPRECIATION DES PREUVES.

Le juge apprécie les moyens qu’on lui soumet souverainement, d’après son
intime conviction.
Ce système a succédé à celui des preuves légales. Dans ce dernier, la
valeur des preuves était tarifiée. A chaque moyen de preuve, la loi ou la
coutume attachait telle valeur probante, et dès qu’elle était produite, elle
s’imposait au juge qui devait condamner. Et quand elle n’était pas rapportée, il
devait acquitter, quelle que soit par ailleurs sa conviction personnelle.

Le système de l’intime conviction est aussi celui des preuves morales.

La loi se borne à réglementer la recherche, la constatation et la production


des preuves, mais laisse au juge la liberté entière de leur appréciation. Une
des meilleures formulations de l’intime conviction fut donnée par l’article 342
du Code français d’instruction criminelle, aujourd’hui intégralement repris par
l’article 427 du Code de procédure pénale :

La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se
sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent
faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle
leur prescrit de s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement et
de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite,
sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa
défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la
mesure de leurs devoirs : « avez-vous une intime conviction ?

« L’intime conviction du juge ne signifie pas que celui-ci peut se livrer à des
décisions arbitraires ou fantaisistes. Sa conviction doit être raisonnable. Et les
cours de cassation se permettent de sanctionner les raisonnements du juge
répressif entachés d’un vice radical ou de contradiction. »
Cela dit, la liberté d’appréciation reste grande et a maintes fois été affirmée
dans la jurisprudence :
- Il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement la
valeur des éléments de preuve régulièrement produits aux
débats et sur lesquels se fonde leur conviction5 ;
- Les tribunaux évaluent librement la valeur probante de l’aveu et
celle de sa rétractation6 ;
- Ils peuvent même écarter cet aveu s’il leur paraît suspect ou
contredit par les autres éléments du procès7 ;

5
Crim. 3 mars 1959, B. 142 ; 21 octobre 1959, B.87.
6
Crim. 31 mai 1949, B.193 ; 5 février 1959, B.87
7
Crim. 3 juillet 1920, Gaz. Pal. 2. 468.
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- Ils ne sont nullement liés par un rapport d’expertise qui constitue


seulement un élément de leur conviction8 ;
- Ils jugent souverainement la force probante des témoignages
produits devant eux9 ;
- Ils peuvent tenir compte des déclarations des co-prévenus, du
moins lorsqu’elles sont renforcées par des indices concordants10.

De manière plus détaillée, voyons quelle appréciation peut être faite de


différents moyens de preuve en droit pénal.

A. Les constatations directes.

Les constatations directes portent sur les données matérielles qui font
l’infraction ou entourent sa commission.
Elles forment la preuve la plus simple et la plus sûre car elles donnent une
vue directe et immédiate sur l’activité infractionnelle, l’auteur matériel et les
circonstances du fait. Elles peuvent porter sur l’objet ou l’instrument de
l’infraction, le plan des lieux, etc.

B. L’aveu.

« L’aveu est constitué par les déclarations du prévenu par lesquelles il


reconnaît le bien fondé des accusations portées contre lui. »
Longtemps, il a été considéré comme la reine des preuves, l’ultima
probatio, d’une part parce qu’il était de nature à rassurer la conscience du
juge, d’autre part qu’on estimait que personne n’avait intérêt à témoigner
contre soi-même.
Aujourd’hui, l’aveu ne bénéficie plus d’un aussi grand crédit.
Des aveux peuvent être mensongers pour des raisons diverses11. Le plus
grand nombre d’aveux se font sous l’effet de l’intimidation, de la peur et de la
souffrance. Il en est ainsi de certains qui sont obtenus par la torture ou, pour
utiliser l’expression du droit ancien, « la question judiciaire ». « C’était, une
invention tout à fait sûre pour perdre un innocent qui a la complexion faible, et
sauver un coupable né robuste ».
Les chroniques judiciaires rapportent aussi de faux aveux faits dans un but
de lucre ou pour avancer dans la hiérarchie d’une association criminelle.
Il existe, enfin des aveux par intérêt, d’autres par dévouement (par
exemple, pour sauver un être cher), d’autres encore par désespoir, ou par
jactance. « La vanité mène facilement à la forfanterie, au détriment de la
vérité ».

8
Crim.12 juin 1958, B. 459 ; 29 juin et 7 décembre 1960, B.345 et 57
9
Crim.27 mars 1931, B. 93 ; 13 janvier 1960, B.19
10
Crim. 15 décembre 1923, D.1924. 1. 187 ; 9 février 1955, D.274. Toutes cette jurisprudence est citée par MERLE et VITU,
cités par le professeur Nyabirungu : NYABIRUNGU mwene SONGA,op-cit, pp 381 - 382
11
Nyabirungu : NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit, p 383

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C’est pourquoi, l’aveu doit être soumis à la critique comme n’importe quel
autre moyen de preuve. L’aveu doit être certain, sincère et vrai. Seuls ont
probants les aveux précis et circonstanciés.

C. Les témoignages.

Le Code de procédure pénale prévoit que l’Officier du ministère public


(article 16) comme le juge (article 74) peuvent faire citer devant eux toute
personne dont ils estiment l’audition nécessaire.
Sont dispensées de témoigner les personnes qui sont dépositaires par état
ou par profession des secrets qu’on leur confie. On pense ici notamment aux
médecins et à toutes personnes qui exercent l’art de guérir, aux Avocats, aux
fonctionnaires de l’Etat12, aux membres de Forces Armées Congolaises13, aux
ministres des cultes, aux banquiers, aux collaborateurs des personnes tenues
au secret professionnel, etc.
La personne citée comme témoin doit, avant de déposer, prêter serment en
ces termes : « Je jure de dire toute la vérité, rien que la vérité ».
On considère que « le serment améliore le témoignage, non seulement
sous le rapport de la sincérité, mais même sous celui de l’exactitude, en
attirant l’attention du témoin sur l’importance de ses déclarations et en rendant
ses assertions plus réservées, de façon à ne pas donner pour certains ce dont
il n’est pas bien sûr ».
Les déclarations des personnes qui déposent sans avoir prêté serment sont
reçues à titre de renseignements.
Longtemps, le témoignage a bénéficié de beaucoup de crédit, surtout
lorsqu’il était de quelqu’un de bonne réputation, désintéressé, et qui déposait
sous serment. Mais, les progrès de la psychologie ont permis de relativiser ce
moyen de preuve. Il est rare qu’un témoignage soit fidèle.
La bonne foi est l’assurance du témoin concourent souvent à la sincérité
d’un témoignage, mais n’assurent pas toujours son exactitude. Le témoin peut
en effet prendre ses impressions et ses désirs pour la réalité. C’est ainsi qu’un
témoignage peut être à la fois sincère et faux.
F. GORPHE, cité par le professeur Nyabirungu, nous rapporte le cas
suivant :
« Un médecin de Stuttgart, qui avait assisté à une cérémonie en prenant
place près de l’Empereur d’Allemagne, affirmait ensuite avoir vu au pantalon
de ce dernier les raies rouges de général et ne supportait aucune contestation
à ce sujet. Il refusa même un parti, tellement il était sûr de ce qu’il avait vu.
Cependant, il fut établi par un adjudant d’une façon incontestable que
l’empereur avait revêtu, avec les insignes de général, l’uniforme de colonel de
son régiment d’infanterie, et qu’il n’y avait donc pas des raies rouges sur le
pantalon. Cette erreur de perception, que le témoin eût sans aucun doute
jurée si cela avait été nécessaire, s’explique par le fait que l’empereur, à cette
occasion, portait sur l’uniforme de colonel les insignes de général et le casque

12
Lire l’article 52 de la loi n° 81-003 du 17 juillet 1981 portant statut du personnel de carrière des services publics de l’Etat.
13
Cf. articles 492 à 500 du Code de Justice militaire.
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de général : l’imagination du médecin avait immédiatement ajouté les raies


rouges du pantalon comme conséquence logique des insignes du général »14.
Il faut surtout se méfier des dépositions des enfants, à cause de leur
extrême suggestibilité, des personnes âgées à cause de leur perte de
mémoire. Il faut se méfier des témoignages collectifs et retenir qu’une minorité
peut avoir raison contre une forte majorité.
Enfin, un témoignage peut être faux par intérêt ou par vengeance.
La bible nous offre, à ce propos, un exemple dans le livre de Daniel :
Deux vieillards convoitaient sans se le dire la belle Suzanne, épouse de
Joakim. Un jour qu’ils venaient de se quitter après avoir vu Suzanne dans le
jardin, chacun revint aussitôt sur ses pas, et ils se retrouvèrent ainsi face à
face. Forcés alors de s’expliquer, ils s’avouèrent leur passion et convinrent
d’un moment où ils pouvaient surprendre Suzanne seule. C’est ainsi qu’un
jour, alors qu’elle prenait son bain au jardin, ils firent irruption sur elle et
exigèrent l’indu, en menaçant, en cas de refus, de témoigner contre elle en
disant qu’un jeune homme était avec elle. Suzanne appela alors à grand cris
et les gens de la maison ayant accouru, les deux vieillards exécutèrent leur
menace. Suzanne fut condamnée à mort. C’est en ce moment que Daniel
intervint pour exiger une enquête supplémentaire. Il demanda qu’il puisse les
interroger séparés l’un de l’autre. Au premier, il posa cette question : « si tu
l’as bien vue, dis-nous sous quel arbre tu les as vus ensemble ». Il répondit :
« sous un acacia ». Il fit venir l’autre et lui posa la même question. Il répondit :
« sous un tremble ». Et Daniel maudit les deux vieillards en demandant que
leur mensonge leur retombe sur la tête. Selon la loi de Moïse, on leur fit subir
la peine qu’ils avaient voulu faire subir à leur prochain. « Et de ce jour, Daniel
fut grand aux yeux du peuple ».15

D. Les indices.

Les indices sont formés de tout fait ou de toute circonstance pouvant


conduire à la manifestation de la vérité. Ils forment une preuve indirecte, dont
le point de départ est constitué par des faits ou de circonstances qu’on
suppose établis et dont il s’agit de dégager le rapport avec le fait recherché.
C’est aussi une preuve de second degré en ce sens que les indices
s’appuient, pour être connus, sur le témoignage, les constatations, les aveux
ou les expertises.
Les indices doivent être maniés avec beaucoup de rigueur, car ils
conduisent rarement à une conclusion de la culpabilité. Ils sont plutôt de
départ d’un raisonnement qui, lorsqu’il est bien mené, conduit à la vérité.

14
NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit, p 385
15
Daniel, 13, 1-64.
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TITRE II : LA PREUVE EN MATIERE CIVILE


(art.197 à 245 Code Civil Livre III [Décret du 30 juillet 1888]).

 Remarque :

L’intitulé principal qui regroupe les articles 197 à 245 CCL III peut laisser
croire que ces dispositions ne visent que la preuve des obligations et du
paiement. Toutefois, la doctrine et la jurisprudence sont unanimes à estimer
que ces articles s’appliquent à la preuve civile dans son ensemble, et même à
l’administration de la preuve dans tous les domaines du droit écrit.

CHAPITRE PRELIMINAIRE : GENERALITES

1. Notion de la preuve.

En droit, prouver c’est établir la vérité d’un fait d’où découlent des
conséquences juridiques.
Et On entend par preuve juridiquement, les éléments que les parties sont
autorisées à soumettre au juge pour entraîner la conviction de celui-ci et pour
établir le fondement d’une prétention.

NB : On ne prouve pas une règle de droit.

2. La charge de la preuve :

Le principe est à cet égard énoncé par l’article 197 CCL III. Il découle de
cette disposition que, d’une part : la charge de la preuve est déterminée
par le rôle des parties devant le tribunal. C’est ce qu’expriment deux
adages latins : « actori incumbit onus probandi », c'est-à-dire « la charge
de la preuve incombe au demandeur », et « reus in excipiendo fit actor »,
qui veut dire : « le défendeur, en soulevant une exception, devient
demandeur (au point de vue de la preuve).

3. Attitude du juge.

Deux principes fixent l’attitude qui s’impose au juge dans le domaine de la


preuve, en droit civil :
- Le juge ne peut fonder sa conviction que d’après les procédés de
preuve légaux, il ne peut former conviction d’après la connaissance
personnelle qu’il aurait des faits : c’est le principe de la preuve
réglementaire.
- En principe, le juge reste passif dans le débat sur la preuve : il écoute
les parties, il apprécie les moyens qu’elles lui apportent : c’est ce que
l’on appelle le principe de la neutralité du juge. Toutefois, ce principe
est beaucoup moins rigide que le premier. Ainsi, le juge peut être actif
et ordonner certaines mesures propres à préciser ou à compléter la
preuve : descente sur les lieux, expertise, enquête, etc.
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4. Le formalisme légal de la preuve civile.

Sauf en matière pénale et en matière commerciale, en droit congolais,


l’administration de la preuve n’est pas absolument libre. Les procédés de
preuve sont donc réglementés par la loi et sont hiérarchisés. C’est
pourquoi, l’on dit que la preuve civile est formaliste ; elle ne peut être
administrée que dans des formes prédéterminées par la loi.

Nous allons à présent examiner les différents modes de preuve ; il s’agira


concrètement de l’étude successive des points ci-après :
- Les constatations matérielles ;
- La preuve par écrit, littérale ou préconstituée ;
- La preuve par témoin ;
- La preuve par présomption ;
- L’aveu ;
- Et, le serment.

CHAPITRE I
DES CONSTATATIONS MATERIELLES.

Il existe 5 modes de preuve : preuve par écrit ; preuve par témoins ;


preuve par présomption ; l’aveu et le serment. C’est cinq modes de preuve
ne s’appliquent qu’aux faits et actes juridiques. En dehors de ceux-ci, il arrive
que les parties allèguent des faits purement matériels. Dans pareil cas la
preuve de ces faits peut être administrée par la constatation matérielle (ou
directe), à laquelle procède, soit le juge lui-même, soit, s’il s’agit d’une
question technique, un homme de l’art, appelé expert. Les constations
matérielles ne sont pas des procédures prévues par le Code de procédure
civile. Ce sont notamment la descente sur les lieux et l’expertise.

CHAPITRE II
PREUVE PAR ECRIT (LITTERALE OU PRE-CONSTITUEE).

 INTRODUCTION.

A. Notion.

La preuve littérale est celle qui résulte des écrits dressés en vue de servir
de preuve. Elle est toujours admise en justice.

B. Division principale.

La preuve écrite comporte deux grandes catégories : les actes


authentiques et les actes sous-seing privés.
Ces deux sortes d’actes comportent la signature des parties. Ce n’est
qu’exceptionnellement que les écrits non signés peuvent servir de preuve.
Nous parlerons donc, en premier lieu des actes authentiques et des actes
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sous-seing privé, en second lieu, nous traiterons des actes récognitifs et


confirmatifs, enfin en troisième lieu, nous verrons quels sont les écrits non
signés qui peuvent être invoqués comme preuve.

Section 1 : Actes authentiques et actes sous-seing privé.

§1. Définition.

 L’acte authentique est celui qui a été reçu par un officier public ayant le
droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé, et avec les
solennités requises (art.199 CCL III, lire également l’article 200 CCL III sur
la compétence et la capacité du notaire).
Quand il s’agit de contrat entre particuliers, c’est généralement le notaire
qui intervient comme officier public. L’acte authentique se dénomme dans
ce cas « acte notarié ».
 L’acte sous-seing privé est celui qui est rédigé par des particuliers (parties
elles même ou leurs mandataires).
En principe, les actes juridiques peuvent être constatés par l’un ou l’autre
mode. Toutefois, certains actes ne peuvent être constatés que par un acte
authentique, sous peine de nullité : il s’agit là des actes solennels.
Les différences entre l’acte authentique et l’acte sous-seing privé se
remarquent à de nombreux points de vue :

S / §1. Quid des formalités de rédactions ?

A. Actes authentiques.

1. Les actes authentiques sont soumis à des formes nombreuses, qui ont
pour but d’en assurer la régularité et la véracité.
Ces formes, pour les actes notariés, concerne la compétence territoriale
et personnelle du notaire ; la capacité du notaire ; les formalités
instrumentales ou de rédaction de l’acte.
Ces formalités sont réglées par l’Ordonnance loi n° 66/344 du 09 juin
1966. Les principes sont les suivant :
 L’acte est soumis à un droit perçu au profit du trésor ;
 Il doit être rédigé en un seul contexte, sans blanc ni interlignes ;
 Il doit être signé des parties après qu’il leur en a donné lecture ;
 Il doit porter la signature du notaire.

2. Effets de l’acte authentique nul :

On a vu que la preuve était indépendante du droit ; la nullité de


l’instrumentum n’entraîne pas celle du negotium sauf à l’égard des
actes solennels. Ainsi, la question s’est-elle posé de savoir si le titre, nul
comme authentique ne peut valoir comme acte sous-seing privé.
L’article 200 répond affirmativement. Mais, malgré ses termes
généraux, il faut distinguer : s’il s’agissait d’un negotium qui ne pouvait
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se réaliser que par acte authentique (acte solennel), le titre demeurera


sans aucun effet ; dans les autres cas, le titre vaut comme écriture
privée s’il a été signé des parties.

B. Actes sous-seing privé.

Sous réserve de deux exceptions que nous allons examiner ci-dessous,


ces actes n’exigent aucune formalité de rédaction particulière. Un seul
élément est indispensable : la signature de l’auteur ou des auteurs de l’acte.
Ces signatures ou cette signature doivent être apposé à la fin de l’acte.
Tout acte qui ne porte pas de signature (et telle que le droit la défini) est
dépourvue de toute valeur ; un tel acte ne vaudrait même pas commencement
de preuve par écrit.

 Formes particulières à certains actes sous-seing privé :

1. Actes constatant un contrat synallagmatique (art.207 CCL III).

L’article 207 contient deux règles :


Les titres sous-seing privés constatant des contrats synallagmatiques
doivent être rédigés en autant d’exemplaires qu’il y a des parties ayant des
intérêts distinctes. On appelle cette formalité « formalité du double », parce
que la plupart du temps, il n’y a en cause que deux parties. Chaque original
doit contenir la mention du nombre d’originaux dressés.

Sanction :

Est nulle en tant que mode de preuve d’un contrat synallagmatique conclu
entre deux parties, l’acte sous-seing privé qui ne comporte pas la mention
qu’il a été rédigé en double original. Ainsi, donc l’instrumentum est frappé de
nullité et non le négocium. Celui-ci pourra donc éventuellement être établi par
d’autres modes si ces modes sont admissibles.
L’article 207 in fine contient un tempérament : celui qui a exécuté la
convention ne peut plus se prévaloir du défaut de formalité. La nullité est
également couverte quand tous les originaux sont représentés, la certitude de
leur rédaction est alors complète.

L’acte nul pourrait servir de commencement de preuve par écrit.

 Portée de la règle :

La portée de l’article 207 est limitée par certains tempéraments :


a) Il ne s’applique pas aux contrats synallagmatiques dit imparfaits qui
n’engendrent qu’une obligation principale unilatérale ;
b) Il ne s’applique pas non plus pour un motif analogue aux contrats
synallagmatiques déjà exécutés par l’une des parties, quand l’écrit est
dressé ;
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c) On peut éluder la formalité du double en déposant un seul original entre


les mains d’un tiers chargé de le conserver dans l’intérêt commun des
parties.
d) L’article 207 ne s’applique pas aux conventions constatées par lettres
missives ;
e) Enfin, ces prescriptions sont étrangères à la preuve des actes
commerciaux.

2. Promesses unilatérales de sommes d’argent ou de choses appréciables


en argent (c'est-à-dire en qualité, kg, litre …) [art.208 et 209].

La loi n’interdît pas en principe les actes sous-seing privé en blanc-seing,


c'est-à-dire signés d’avance avant la rédaction de l’écrit. Toutefois, afin d’en
éviter les abus, elle édicte en son article 208 une règle spéciale pour les
promesses unilatérales de sommes d’argent ou de choses appréciables en
argent.

 Règle :

L’acte doit ou bien être écrit en entier de la main du souscripteur, ou bien


porter la mention « bon pour » ou « approuvé pour » avec le montant de la
somme en toutes lettres en plus de la signature. Il arrive parfois que l’on
souscrive à des promesses indéterminées dans leur montant.
De formalité du « bon pour » n’empêchent pas de tels engagements, mais il
doit résulter de la formalité que le souscripteur a rendu un compte exact de
l’étendue possible de son obligation. Entre marchands, en particulier, la
formalité du « bon pour » ou « approuvé pour » n’est pas de rigueur lorsqu’il
s’agit de billet ou de promesse sous-seing privé contenant engagement d’une
seule partie envers une autre.
S’il y a plusieurs débiteurs, chacun d’eux doit accomplir la formalité. L’objet
de la règle est uniquement les reconnaissances des sommes ou des choses
qui s’estiment au poids, au nombre, ou à la mesure. Dans la pratique, on l’a
étendue à certains autres actes, notamment contrats et procurations. Cette
extension est sans base légale. L’exigence de la somme en toutes lettres
s’explique par le fait qu’il est facile de falsifier des chiffres que des lettres.

 Sanctions :

La sanction est la nullité. Mais celle-ci, comme dans le cas précédent,


frappe exclusivement l’acte instrumentaire. Les autres modes de preuve
admissibles pourront donc être employés et même l’écrit irrégulier vaudra
commencement de preuve par écrit.
NB : Pour le désaccord entre l’acte et le « bon pour » (Cf. art.209 CCL III, à
comparer avec l’art.60 CCL III).
Exceptions :
L’article 208 CCL III dispense certaines personnes de la formalité :
ce sont d’abord les marchands, c'est-à-dire les commerçants ; les
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laboureurs ; les vignerons ; artisans ; gens de journée et de


service.

S / §2. Quid de la forme exécutoire ?

 Règle.

Les actes authentiques ont la force exécutoire, les actes sous-privés ne


l’ont pas. On appelle force exécutoire d’un titre la faculté qu’il donne à son
titulaire de recourir à l’exécution forcée de plano. Ainsi, le créancier muni d’un
acte notarié peut donc de plano procéder, faute de paiement ponctuel, à la
saisie des biens de son débiteur.
Par contre, le porteur d’un acte sous-seing privé doit s’adresser à la justice
pour obtenir une condamnation de son débiteur, c'est-à-dire « prendre un
jugement » qui sera revêtu de la formule exécutoire.
Notons que la formule exécutoire n’est pas apposée sur la « minute »
(original de l’acte), mais sur la première « expédition » (copie officielle)
appelée « grosse ».

S / §3. Quid de la force probante ?

Par force probante d’un élément de preuve, par exemple d’un écrit, l’on
entend l’aptitude présentée par cet élément de prouver les faits et les actes
qu’il vise. La force probante des écrits doit être appréciée à trois points de vue
différents. Lorsqu’un écrit est proposé au juge en guise de preuve, le juge
doit se poser, à propos de cet écrit, trois questions :
- L’écrit émane-t-il réellement de la personne dont il se réclame, c'est-à-
dire s’il s’agit d’un acte authentique, a-t-il été rédigé par la personne
publique compétente qui affirme, dans l’acte, l’avoir rédigé ; s’il s’agit
d’un acte sous-seing privé, a-t-il été rédigé par la personne privée dont
il porte la signature ? C’est le point de vue de l’origine de l’acte.
- Le contenu de l’écrit, c'est-à-dire le texte qu’il porte, traduit-t-il
exactement ce qui a été convenu entre parties ? Cette rédaction ne
déforme-t-elle pas la réalité des faits tels qu’ils se sont passé ? C’est le
point de vue du contenu de l’acte.
- La date que porte l’écrit est-elle bien celle de sa rédaction ? Cette
troisième question entre logiquement dans les termes de la deuxième.
Si on la traite distinctement, c’est parce que la loi consacre des règles
particulières à la preuve de la date. C’est le point de vue de la date de
l’acte.
Notons, avant d’aller plus loin, que tous les documents produits en
photocopies par les parties à la cause ne possèdent aucune valeur probante.

I. Origine de l’acte.

1. L’acte authentique.

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Aucune disposition de la loi ne fixe l’autorité avec laquelle l’acte


authentique fait preuve de son origine. Aussi, est-ce le droit commun qui règle
le point de savoir par quel mode de preuve il est permis de contester l’origine
de l’acte authentique, c'est-à-dire de démontrer que l’acte authentique
n’émane pas de la personne publique compétente dont il se réclame. Comme
l’origine de l’acte authentique est un élément échappant à l’application de
l’article 217 du Livre III, cette démonstration peut être faite par toutes les voies
de droit, témoins et présomptions compris.

2. L’acte sous-seing privé.

La question de l’origine de l’acte sous-seing privé est réglée par l’article 205
et 206 du Livre III. Aux termes de ces articles, aucun acte sous-seing privé ne
peut être produit en justice sans qu’on le soumette au cours du débat
judiciaire, à celui duquel on prétend qu’il émane. Cette personne se voit alors
obligée, soit de reconnaître que l’acte émane d’elle, ainsi tout doute à propos
de l’origine disparaît, soit de désavouer formellement sa signature, auquel cas
le tribunal ordonne de vérifier judiciairement l’origine de l’acte. A l’issue de la
procédure de vérification d’écriture, soit que le tribunal déclare par jugement
que l’acte émane de son signataire, soit qu’il décide au contraire que l’acte est
faux, l’origine de l’acte sera établie incontestablement.

II. Contenu de l’acte.

Distinguons de nouveau les deux espèces d’actes

1. Acte authentique.

Le contenu de l’acte authentique peut être décomposé en autant de


mentions parmi lesquelles il importe de distinguer celles qui sont l’œuvre
propres de la personne publique et dont la rédaction entre dans la mission
légale de celle-ci. Seules ces mentions sont revêtues de la force probante
particulière qui s’attache à l’acte authentique. Pour les combattre, il faudra se
conformer à la règle portée en l’article 201 du Livre III, c'est-à-dire qu’il faudra
produire en justice une preuve littérale contraire, soit un autre acte
authentique, soit un acte sous-seing privé reconnu. Les autres mentions par
contre n’ont jamais une force probante supérieure à celle qui leur reviendrait
si l’acte avait été passé sous-seing privé. C’est de cette manière que l’article
201 doit être interprété. Cet article fixe uniquement la force probante des
mentions relatives à la convention que l’acte est destiné à constater. Il
demeure muet sur la valeur à reconnaître aux autres mentions et dans cette
mesure, il demande à être complété.
Mentions essentielles : signature du notaire, celle des parties, la date, le fait
que les parties ont exprimé telle ou telle volonté, l’accomplissement des
formalités légales, l’identité des parties résultant des mentions énonciatives.
Pièces produites par elle, les faits juridiques accomplis par les parties devant
l’officier, sincérité des déclarations des parties. Par contre, constituent des
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mentions énonciatives : les couleurs de leurs yeux, habits … et toutes autres


mentions n’ayant pas des rapports directes avec le contenu de l’acte. Ces
mentions constituent de simples commencements de preuve.

2. L’acte sous-seing privé.

Des dispositions combinées des articles 201 et 204 CCL III, il résulte que
deux hypothèses doivent être distinguées :
Ou bien l’acte sous-seing privé est reconnu en justice ou légalement tenu
pour tel. Dans ce cas, la force probante des mentions qu’il porte est identique
à celles des mentions principales de l’acte authentique. Il en découle que ces
mentions prouvent les faits et les actes qu’elles relatent jusqu’à la preuve
littérale contraire. Cette preuve littérale contraire sera administrée par la
production en justice, soit d’un acte authentique, soit d’un autre acte sous-
seing privé reconnu.
Ou bien l’acte sous-seing privé est désavoué par la personne à laquelle on
l’oppose. Dans ce cas, il perd toute la force probante et ne peut plus faire
preuve de son origine, ni de son contenu ou de quelque autre élément que ce
soit.
Il faut souligner avec force que la preuve contraire tant pour l’acte
authentique que pour l’acte sous-seing privé doit être littérale. La procédure
de l’inscription en faux, valable en droit belge, n’est pas organisée en droit
congolais.

III. Date de l’acte.

1. Acte authentique.

La date fait partie de la convention que l’acte authentique prouve aux


termes de l’article 201 CCL III, jusqu’à preuve littérale contraire. Seule par
conséquent, la production en justice, soit d’un acte authentique, soit d’un acte
sous-seing privé reconnu, pourra établir la fausseté de la date que porte l’acte
authentique.

2. L’acte sous-seing privé.

La situation, à l’égard de l’acte sous-seing privé, se présente différemment


selon que l’on envisage la force probante de l’acte entre parties ou à l’égard
des tiers.

a) Entre parties.

Entre parties, la date de l’acte sous-seing privé est traitée comme l’une des
clauses de la convention que l’acte renferme. Il en résulte que deux cas
doivent être distingués : Si l’acte sous-seing privé est reconnu ou légalement
tenu pour tel, la date qu’il porte est établie, aux termes des articles 201 et 204
CCL III combinés, jusqu’à preuve littérale contraire. La conséquence en est
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que ni les témoins, ni les présomptions ne peuvent être invoqués contre la


date ainsi constatée. Si au contraire l’acte n’est pas reconnu, la date qu’il
porte se voit privée de quelque autorité que ce soit.

b) A l’égard des tiers.

Comme il y a toujours lieu de redouter une antidate résultant d’une


connivence des deux signataires de l’écrit privé en vue de frauder les tiers,
l’acte ne fait pas foi de sa date à leur égard. Il faut pour qu’il soit opposable,
que son antériorité résulte de l’acquisition d’une date certaine. Cette
acquisition ne peut résulter que de l’impossibilité de l’antidate, laquelle
découle notamment des deux faits mentionnés dans l’article 210 CCL III,
mais pourra se déduire d’autres circonstances (par ex : légalisation des
signatures) :
La mort de l’une des parties qui ont souscrit l’acte ;
La relation de cet écrit dans un acte authentique comme, par exemple, un
procès-verbal de scellés ou d’inventaires.
Cette énumération de l’article 210 CCL III n’est qu’énonciative. Il incombe
au tiers qui conteste la date d’un acte sous-seing privé d’apporter la preuve
de son antidate, à défaut de le faire, la date indiquée est présumée certaine.
Que faut-il entendre par « tiers » aux termes de l’article 210 CCL III ?
Le mot « tiers » n’a pas dans l’article 210 CCL III la même signification que
dans l’article 63 CCL III où il désigne les personnes qui n’ont pas de rapport
juridique avec les contractants relativement à l’objet du contrat et les
créanciers chirographaires.
Le motif de la loi, qui est de prévenir le danger des antidates, conduit à
décider quelles sont ici les personnes qu’il faut considérer comme tiers dans
l’article 210 CCL III : ce sont celles qui, n’ayant pas figuré dans l’acte sous-
seing privé, directement ou indirectement, ont acquis en leur propre nom, soit
en vertu de la loi, soit en vertu d’une convention passée ou d’une disposition
faite par l’une des parties à l’acte, des droits auxquels porteraient préjudice
des antidates pratiquées après coup.
Ainsi, ne sont pas des « tiers » au sens de l’article 210 CCL III :
Les parties, qu’elles soient présentes ou représentées à l’acte ;
Leurs ayants cause universels ou à titre universel, ceux-ci recueillent en effet,
toutes les obligations contractées par leurs auteurs, quelle que soit leur date ;
Les créanciers chirographaires sauf dans l’hypothèse énoncée ci-après ; ces
créanciers subissent l’effet de tous les actes accompli par leur débiteur sur
son patrimoine.
Par contre sont des « tiers » au sens de notre article :
Les ayants causes à titre particulier des contractants. Ceux-ci doivent subir
l’effet de certains actes passés par leur auteur avant l’acquisition (art.399 CCL
III) ;
Les créanciers chirographaires des contractants lorsqu’ils invoquent contre
l’auteur de l’acte, un droit propre qu’ils tiennent de la loi et non de lui.

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Exception à la règle de l’article 210 CCL III :

L’article 210 CCL III reçoit plusieurs limitations :


De nombreux actes juridiques voient leur date établie par des modes légaux
différents : cession de créance (art.353 CCL III), transmission de meubles
corporels ; tradition (art.39 et 358 CCL III) ; cession de brevet d’invention ;
L’article 210 CCL III ne s’applique pas aux testaments ;
Il ne s’applique pas non plus, en vertu de la tradition, aux quittances ;
Il est toujours loisible aux tiers de renoncer au bénéfice de l’article 210 qui
n’est pas d’ordre public ;
Il est étrange aux matières commerciales, l’article 9 du Décret du 02 août
1913 ne reproduisant pas sa disposition ;
Enfin, un tiers de mauvaise foi ne peut s’en prévaloir.
Il convient au surplus de remarquer que l’article 210 ne s’applique pas aux
actes formant de simple commencement de preuve par écrit.

Section 2 : Actes récognitifs et confirmatifs.

§1. Notions générales et définition.

On appelle « acte récognitif » ou « titre nouvel » celui qui contient la


reconnaissance d’un droit antérieur, déjà constaté par un acte primordial.
On entend par « acte confirmatif », l’acte dressé en vue de valider un contrat
en supprimant le vice qui l’affectait.

A. Actes récognitifs (art.215 CCL III).

L’acte récognitif n’est pas on s’en rend compte par sa définition, une simple
copie. Il est, comme l’acte primordial, signé par les parties. Son utilité est
double :

1. Il sert à faciliter ou à assurer la preuve, quand le titre primordial est


perdu ou en danger de l’être ;
2. Il sert à interrompre la prescription (art.640 CCL III).

La valeur probante des actes récognitifs est traditionnellement réglée par la


distinction suivante :
- Si l’acte récognitif relate spécialement la teneur de l’acte primordial, il
équivaudra à ce dernier (art.215 al.1 CCL III).
Observons qu’il sera délicat de reconnaître si les parties ont entendu faire
un acte récognitif ou une novation, dans ce dernier cas, l’acte
prétendument récognitif serait en réalité un acte primordial.
- Si l’acte récognitif ne relate pas la teneur de l’acte primordial, il ne vaudra
que commencement de preuve par écrit.

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Remarque :

Il est essentiel d’observer que le titre récognitif n’a jamais de valeur que
quand le titre primordial est perdu. Jamais un titre récognitif ne dispense de
reproduire l’acte primordial, quand celui-ci existe encore. Le titre récognitif
n’aura alors que la seule portée d’interrompre la prescription.

B. Actes confirmatifs.

Cette question a déjà été examinée précédemment au moment où nous


avions examiné la nullité des contrats (Cf art.216 CCL III).

Section 3 : Ecrits non signés pouvant servir de preuve (art.211 à 214 CCL III).

§1. Livres des commerçants.

Les livres de commerces (livre journal, copies des lettres, livres


d’inventaires) dûment tenus, font pleine foi entre commerçants pour fait de
commerce (c’est une dérogation au principe que nul ne peut se créer de titre à
soi-même).
Toutefois, entre commerçants et non commerçants, il faut distinguer :
Le commerçant ne peut, en principe, invoquer ses livres contre un non
commerçant, car on ne peut se créer unilatéralement de titre à soi-même.
Cependant, comme il s’agit de livres spéciaux, la loi leur accorde une certaine
valeur, celle d’un commencement de preuve autorisant le juge à déférer le
serment supplétoire (art.211 CCL III). Cette procédure ne peut toutefois avoir
lieu qu’à l’égard des fournitures faites par les commerçants et non pour les
obligations qui auraient toute autre cause (Cf. art.211 CCL III).
Le non commerçant peut se prévaloir des livres d’un commerçant, mais il
peut diviser leur énonciation pour n’en retenir que ce qui est favorable à ses
prétentions (art.212 CCL III). C’est l’application de l’idée de l’indivisibilité de
l’aveu. Cette indivisibilité ne s’applique toutefois qu’aux livres régulièrement
tenus. En cas d’irrégularité, le juge serait en droit de se fonder uniquement sur
les énonciations défavorables au commençant.

§2. Registres et papiers domestiques.

Il arrive que des particuliers tiennent des registres (livres de comptes,


livres « de maison ») ou conservent leurs papiers domestiques.
Il n’y a quant à cela aucune obligation légale, aucune réglementation, aucune
sanction (comme c’est le cas pour les commerçants). Aussi, la loi n’attribue-t-
elle à ces documents qu’une valeur relative :
 En faveur de celui qui a tenu les documents, ceux-ci ne font jamais foi,
même pour autoriser la délation du serment. La jurisprudence admet
pourtant leur production à titre d’appoint, comme simples
renseignements.

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 Contre celui qui les a tenus, ils peuvent faire foi dans les conditions
indiquées à l’article 213 CCL III.

§3. Ecritures mises par le créancier sur le titre (art.214 CCL III).

La loi envisage ici les énonciations écrites émanant du créancier et non


signées de lui. Si ces énonciations tendent à établir la libération du débiteur
elles font foi de manière suivante :
 Ecrites sur un titre resté toujours en possession du créancier, elles fonts
foi au profit du débiteur sauf preuve contraire (Cf jurisprudence).
 Ecrites sur le double d’un titre ou sur une quittance qui se trouve aux
mains du débiteur, elles font foi en faveur de ce dernier.

CHAPITRE III
PREUVE TESTIMONIALE
(art.217 à 224 CCL III [Décret du 30 juillet 1888]).

Section 1 : Définition.

On appelle preuve testimoniale, celle qui se réalise par les déclarations des
personnes qui relatent les faits dont elles ont eu personnellement
connaissance.
NB : La preuve testimoniale a une importance énorme en droit pénal.

Section 2 : Formes diverses du témoignage.

Le témoignage est normalement oral, les déclarations des témoins sont


reçues tantôt à l’audience, ce qui est de règle en matière pénale (audition de
témoins), tantôt hors de l’audience, par un juge commis selon une procédure
réglée dans tous les détails, par le Code de procédure civile (art.29 et suiv.) et
appelé « enquête ».
Les témoignages peuvent aussi être écrits : récit d’un événement dans une
lettre missive, certificats divers donnés par des hommes de l’art ; constats
d’huissier, dressés à la requête des particuliers et qui n’ont d’autres valeurs
particuliers que celles que confère au témoignage la qualité de son auteur.
Tels sont les actes de notoriété dont parle le Code à plusieurs reprises.
Remarquons ainsi qu’on admet la production devant un juge civil d’un
dossier pénal, aux fins d’utiliser les témoignages qui y sont contenus.

Section 3 : Principes qui gouvernent la preuve testimoniale.

1. La preuve testimoniale à la différence de la preuve écrite, ne fait pas foi


obligatoire pour le juge. Celui-ci apprécie librement et souverainement les
affirmations des témoins et peut rejeter la demande d’une partie appuyée
par des témoignages si nombreux et si formels soient-ils.

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2. La preuve testimoniale ne peut être administrée de plano, elle doit être


autorisée par un jugement interlocutoire ordonnant une enquête. Le juge
apprécie aussi souverainement l’opportunité de l’enquête et peut la refuser
s’il s’estime suffisamment éclairé.

3. Les témoins ne peuvent être entendus que sur des faits dont ils ont
personnellement connaissance. Exceptionnellement, la loi se contente
d’une connaissance moins directe dans la preuve par « commune
renommée où les témoins rapportent ce qu’ils savent par oui-dire, c'est-à-
dire par l’opinion publique.
En fait, cette exception est une preuve essentiellement dangereuse, que
la loi n’admet qu’à titre de pénalité, contre les administrateurs des biens
d’autrui qui ont négligé de ménager aux propriétaires gérés des preuves
pour le reprise de leurs biens (un inventaire notamment).

4. La preuve testimoniale est un mode de preuve exceptionnel. L’article 217


CCL III contient à cet égard deux règles de la plus haute importance : la
preuve testimoniale est interdite au-dessus de 2000 FC ; la preuve
testimoniale est interdite contre et outre le contenu d’un écrit.
Nous allons commenter successivement ces deux règles :

A. Première règle :

La preuve testimoniale n’est admise que pour les choses n’excédant


pas 2000 FC. Pour que cette règle puisse s’appliquer, deux conditions
sont nécessaires :
La première est relative à la matière du litige, la seconde, à la valeur du
litige.

 Matière du litige.

Les mots « de toutes choses » prévus à l’article 217 CCL III ne visent
pas seulement les conditions, mais tous les actes juridiques unilatéraux
ou bilatéraux à l’exclusion des faits ou actes matériels, c'est-à-dire ceux
qui ne font naître qu’accidentellement des effets de droit (ex : ivresse,
démence réelle ou prétendue du contractant). Précisons encore qu’il ne
s’agit que des actes juridiques du domaine patrimonial. Les actes du
droit de la famille et de l’état des personnes obéissent à des règles
propres.

 Valeur du litige.

1° maximum fixé par l’article 217 CCL III

Les 2000 FC sont devenus dérisoire à cause de l’érosion monétaire, le


maximum doit donc être revu.

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2° évaluation de l’objet du litige.

 Principe :

C’est au moment de l’acte et non au moment du procès qu’il faut se


placer. Cela résulte du texte même de l’article 217 CCL III, la loi ne dit
pas au juge d’écarter la preuve testimoniale pour tout litige dont la
valeur excède 2000 Francs. Elle enjoint aux parties de « dresser un
acte » pour tout acte excédant cette somme. Or, c’est au moment de la
conclusion de cet acte qu’elles doivent dresser un écrit.

 Conséquence de ce principe :

Si au moment de l’acte, la chose avait une valeur inférieure à 2000


Francs, la preuve testimoniale serait admise alors même qu’au moment
du litige, elle aurait acquis une valeur supérieure. Et l’inverse n’est pas
admis.
L’article 219 tire une nouvelle conséquence du principe dégagé ci-
dessus en décidant que l’on ne peut réduire le chiffre de sa demande
pour obtenir la possibilité de la preuve par témoins. De ce qu’on a formé
une demande dépassant 2000 Francs, la loi présume que la valeur de
l’opération était supérieure à 2000 Francs.
Si dans une même instance, une partie faits plusieurs demandes qui,
jointes ensembles, excéderaient 2000 Francs la preuve n’en sera pas
admise par témoins, encore qu’on alléguerait que ces créances ont des
causes et des dates différentes (art.221 CCL III).
Un tempérament nécessaire est apporté par l’article 221 CCL III
susmentionné in fine.
Pour assurer l’application stricte de la règle précédente, la loi est allée
plus loin encore : elle interdit de morceler les instances et elle enjoint au
titulaire de plusieurs créances contre le même débiteur de les faire
valoir toutes en même temps, sous peine de déchéance de l’action
(art.222 CCL III). Il importerait peu que la réunion des créances ne
donne pas un total de 2000 Francs.

 Exception au principe – intérêts :

La disposition de l’article 218 CCL III déroge, sans justification plausible


au principe énoncé ci-dessus. En vertu de ce texte, on doit tenir compte
des prestations accessoires qui sont dues en vertu du contrat et
notamment des intérêts qui viennent s’ajouter au capital entre le
moment où l’acte est passé et celui où le litige est intenté. Le créancier
qui n’exige pas régulièrement le paiement des intérêts, doit donc
demander un écrit à son débiteur dès que le montant global de sa
créance dépasse 2000 Francs. Donc ici, même si l’acte de départ n’est
pas égal à 2000 Francs, on tient compte des intérêts.

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B. Deuxième règle.

On ne peut prouver par témoin ni outre un écrit, ni contre un écrit. Prouver


contre un écrit, c’est établir que l’acte, soit dans son entier, soit dans une de
ses clauses, est inexacte (c’est à dire simulé). Prouver outre un écrit, c’est
établir que cet acte est incomplet et que des conventions des parties
contiennent quelques choses de plus ; on ne peut prouver contre ou outre un
écrit, même dans les matières inférieures à 2000 Francs (mais établies par
écrit).
Cette règle est rigoureuse, mais il faut bien en préciser la portée : elle est
étrangère au cas où cette preuve porte sur un acte juridique postérieur à l’acte
constaté par écrit et qui aurait éteint l’obligation.
Par contre, la règle s’applique aux actes juridiques postérieurs qui auraient
modifié la teneur d’une convention. Tel est le sens de mots « depuis les
actes » dans notre article 217 CCL III (ex : convention conditionnelle,
novation, etc.).

 Caractère de l’article 217 CCL III.

Selon la jurisprudence, cette disposition n’est pas d’ordre public et les


parties sont libres de convenir que la preuve testimoniale pourra être admise
dans les affaires dont le taux dépasse le taux légal (la doctrine a une position
contraire).

 Exceptions aux deux règles de l’article 217 CCL III.

Quatre grandes exceptions atténuent les principes rigoureux de l’article 217


CCL III et autorisent la preuve testimoniale des actes juridiques :

A. En matière commerciales.

Comme l’annonce l’article 217 in fine, ses principes ne s’appliquent pas en


matière commerciale (art.9 du Décret du 02 août 1913). Signalons toutefois
que certains contrats importants du droit commercial doivent être rédigés par
écrit. Ex : le contrat de société.
La jurisprudence décide que la preuve par témoins, à défaut d’écrit ou de
commencement de preuve par écrit d’actes juridiques excédant deux mille
Francs, en matière commerciale doit être refusée lorsqu’il s’agit de faits
juridiques important, dont la preuve littérale a été possible et est d’usage.

B. Commencement de preuve par écrit (art.223 CCL III).

On entend par là un écrit, au sens large du mot, émané de la personne


contre laquelle on l’invoque et rendant vraisemblable le fait allégué, tels sont,
par exemple, une lettre missive, un projet d’acte signé.
La jurisprudence a considérablement élargi la notion du commencement de
preuve par écrit, y incluant notamment le chèque. La question de savoir si
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l’acte écrit invoqué rend vraisemblable le fait allégué relève de l’appréciation


souveraine du juge de fond.

C. Impossibilité pour le créancier de se procurer une preuve littérale de


l’obligation qui a été contractée envers lui.

1. Principes (art.224 CCL III).

Les alinéas 2 et 3 de l’article 224 sont les applications de ce principe qui,


d’après la jurisprudence, doit généraliser et doit s’entendre non seulement de
l’impossibilité matérielle mais aussi de l’impossibilité morale de se procurer
une preuve écrite.
Ex : relation entre médecins et clients, entre maître et domestique pour les
gages, parfois entre parents.
C’est en vertu de ces idées que la jurisprudence décide aussi :
Que l’article 217 ne s’applique en principe qu’entre les parties contractantes
et que les tiers peuvent prouver par tous les moyens l’existence d’un contrat
ou d’un acte juridique. Il y a souvent pour eux d’ailleurs l’impossibilité
matérielle, lorsqu’ils n’ont pas été présents à la convention ;
Que les parties elles-mêmes peuvent recourir à la preuve testimoniale pour
établir que la convention cache une fraude à la loi. Ex : donation déguisée
sous forme de prêt faite à une concubine. Il y a impossibilité de se procurer
une preuve écrite de la fraude, car ce serait annoncer son intention de violer
l’engagement ;
Que l’usage de ne pas contracter par écrit des fournitures des livres fait à
crédit équivaut à l’impossibilité morale pour le fournisseur de se procurer une
preuve écrite.

2. Perte du titre par cas fortuit (art.224 al.4 CCL III).

Dans cette hypothèse il faut observer qu’il faudra avant d’établir la teneur
de l’acte juridique dont le titre a été perdu, prouver trois choses :
Qu’il existait un titre écrit ;
Qu’il a été un titre écrit ;
Qu’il a été détruit par cas fortuit.

CHAPITRE IV
PREUVE PAR PRESOMPTION.

Introduction.

Les présomptions, dit l’article 225 CCL III, sont des conséquences que la loi
ou les magistrats tire d’un fait connu à un fait inconnu. Il y a deux sortes de
présomptions : les présomptions humaines ou du magistrat ; et les
présomptions légales.

Section 1 : Présomptions humaines (art.229 CCL III)


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§1. Définition-principes qui les gouvernent.

Les présomptions humaines sont celles qui résultent des indices soumis au
juge. Le juge ne peut les admettre que si elles sont graves, précises et
concordantes. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait « des présomptions », un seul
indice s’il est assez grave, peut être pris en considération. Dans tous les cas,
le juge du fond est en cela souverain pour leur recevabilité.
Une règle fondamentale domine la matière des présomptions humaines :
elles sont, quant à leur recevabilité, soumises à toutes les règles qui gouverne
la preuve testimoniale. La loi fait exception pour les cas de dol et fraude, et
l’on sait que la preuve testimoniale est également admise dans ce cas.
D’après la jurisprudence, dans les matières où la preuve par présomption
est admissible, les tribunaux peuvent puiser les éléments de leur conviction
dans une procédure répressive, même si l’instruction a été classée sans suite.

Section 2 : Présomptions légales (art.226 à 228 CCL III).

§1. Généralités et classifications.

Ici, c’est la loi qui tire la conséquence d’un fait connu à un fait inconnu. Il
convient d’observer que la présomption ne constitue pas vraiment une
dispense de preuve, mais un déplacement du fait à prouver. La loi dispense
d’établir un fait difficile et reporte la preuve sur un fait facile ; cela apparaît très
clairement dans l’article 174 CCL III.
La présomption légale fait foi et s’impose au magistrat, tandis que comme
nous l’avons vu, la présomption humaine est du domaine de son appréciation
souveraine.
La classification de la présomption légale est basée sur deux fondements (il
y a deux classifications) :
1. La loi peut décider que ce qui est vrai dans la plupart des cas doit être
tenu pour tel dans tous les cas. Ex : art.176 Livre I, art.174, 175 Livre
II ;
2. Elle peut se baser sur des motifs d’intérêt public. Ex : art. 227 Livre II.

Telle est la seule véritable classification scientifique des présomptions.


Celle que le Code s’efforce d’établir à l’article 226 CCL III n’en vaut pas une,
car l’aveu et le serment ne sont pas des présomptions, mais des modes de
preuves spéciaux.

§2. Force probante.

On distingue deux espèces de présomptions légales :


La présomption irréfragable ou absolue (ou juris et de jure) ;
La présomption simple ou relative (ou juris tantum).
Les présomptions irréfragables ne souffrent d’aucune preuve contraire ; les
présomptions simples au contraire, peuvent être renversées.
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Comment distinguer dans quelle espèce on doit ranger telle ou telle autre
présomption ? L’article 228 CCL III répond à cette question. D’après ce texte,
il y a présomption irréfragable quand la loi annule certains actes ou quand la
loi dénie l’action en justice.
L’article 228 CCL III sus-mentionné annonce toutefois deux restrictions à la
force probante des présomptions absolues. En effet, d’une part, la loi réserve
souvent elle-même la possibilité d’une preuve contraire, comme par exemple,
dans les articles 175 et 260 CCL III, et d’autre part, il est en principe permis
de combattre une présomption absolue en déférant le serment ou en tendant
d’obtenir un aveu.
La doctrine et la jurisprudence fait cependant une distinction : l’aveu et le
serment ne peuvent être opposés qu’aux présomptions qui reposent sur les
considérations logiques et ne mettent en jeu que des intérêts privés (ex :
art.481). Au contraire, les présomptions absolues qui sont fondées sur des
circonstances d’ordre public ne sauraient être infirmées, fut-ce par l’aveu ou le
serment. Il en est notamment ainsi de la présomption d’autorité de la chose
jugée et de la présomption de la libération résultant de la prescription
libératoire (à l’exception des courtes prescriptions).

Section 3 : Présomption d’autorité de la chose jugée.

Voir cours de procédure civile.

CHAPITRE V
L’AVEU.

Section 1 : définition et valeur de l’aveu.

L’aveu est la reconnaissance par l’une des parties (cela est donc différent
du témoignage, qui provient d’un tiers) de l’exactitude d’une allégation dirigée
contre elle.
Pour éviter notamment les cas de pressions et de plaisanteries,
l’admissibilité de l’aveu est soumise à des limites :
1. Il y a des matières où pour éviter les collusions et des renonciations à des
droits indisponibles, la loi prohibe l’aveu. Tel est le cas des procès de
divorce, en séparation de corps et en séparation des biens ;
2. La doctrine suivie par la jurisprudence, par ailleurs, exige
traditionnellement une certaine capacité pour faire des aveux : ceux-ci
engagent, en effet, le fond du droit et entraînent souvent la perte du
procès ;
Aussi, sont –ils dénués d’effets lorsqu’ils émanent d’un incapable (mineur,
interdit). On peut dire d’une manière générale que pour pouvoir avouer, il
faut pouvoir disposer de l’objet de la contestation. L’aveu d’un mandataire
ne lie le mandant que si celui-ci avait donné à son représentant un pouvoir
spécial.

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Section 2 : Règles relatives à la force probante.

On distingue à ce point de vue deux sortes d’aveu :

§1. Aveu extrajudiciaire.

C’est celui qui est fait en dehors de la présence du juge ou, ce qui revient
au même, dans une autre instance. L’aveu extrajudiciaire peut être écrit ou
verbal.
L’admissibilité de ce mode de preuve est liée à celle de la preuve
testimoniale (art.231 CCL III). Quant à l’aveu extrajudiciaire écrit, c’est en
réalité un écrit, auquel s’appliqueront les règles de la preuve littérale.
La jurisprudence décide que l’aveu extrajudiciaire fait par un co-débiteur
solidaire ne lie que lui seul et non pas l’autre (ou les autres) co-débiteur.

§2. Aveu judiciaire (art.232 CCL III).

L’aveu judiciaire est celui qui est fait en justice dans l’instance et en
présence du juge. C’est l’aveu proprement dit.
La procédure employée pour s’efforcer d’obtenir des aveux est la
comparution personnelle. Il va de soi que l’aveu peut être spontané, par ex :
dans des conclusions. Selon la jurisprudence, un aveu judiciaire doit être
consigné dans un procès-verbal. Il ne peut découler d’une simple déclaration
du juge.
La force probante de l’aveu est complète, l’article 232 al.2 CCL III dit qu’il
fait foi. Le juge doit donc s’incliner devant lui et tenir pour vrai ce qu’il contient.
Cette efficacité de l’aveu souffre pourtant de deux restrictions :

1. Indivisibilité de l’aveu – Principes.

Le plaideur qui fait un aveu se borne rarement à reconnaître le fait allégué


contre lui sans modification, ni additions. Il lui donne une couleur ou y relève
des circonstances qui en modifient les effets juridiques. Par ex : « je reconnais
vous avoir emprunté telle sommes mais sans intérêt », ou encore, « je
reconnais avoir reçu telles actions au porteur, mais à titre de don manuel et
non à titre de dépôt ». C’est ce qu’on appelle aveu qualifié.
Celui qui avoue peut aussi ajouter au fait primitif un fait distinctif que celui-
ci. Par ex : « Je reconnais vous avoir emprunté la somme de 100 000 FC,
mais je vous l’ai remboursée. C’est ce qu’on appelle « aveu complexe ».
L’article 232 al.3 CCL III décide que l’on ne peut diviser l’aveu contre celui
qui l’a fait et l’on applique cette règle aux deux sortes d’aveux dégagés ci-
dessus.
Il est toutefois de tradition de faire une distinction dans les aveux
complexes : les faits rapportés par la partie dont émane l’aveu sont-ils
connexes avec le fait primitif, l’on considère l’aveu comme indivisible. Il en
sera ainsi lorsque le second fait ne pourrait exister sans le fait primitif. Par
exemple : aveu d’un prêt accompagné de l’affirmation du remboursement :
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Les faits sont-ils au contraire non connexes, l’aveu peut être divisé contre
celui dont il émane (Cf. la jurisprudence).

Portée du principe.

Diviser un aveu, c’est prendre ce qui est favorable et rejeter ce qui est
défavorable, voilà ce qui est défendu. L’aveu du défendeur qui, reconnaissant
avoir contracté une dette envers le demandeur, avoue l’avoir éteinte par
paiement est un aveu indivisible.
Mais, l’indivisibilité de l’aveu n’interdit nullement à une partie de prouver
selon les règles, la fausseté partielle de l’aveu de l’adversaire. Ainsi, dans le
cas du prêt prétendument remboursé, on pourra établir le non
remboursement.
Parfois, même cette preuve contraire est inutile, l’inexactitude partielle de
l’aveu étant d’emblée démontrée par les faits de la cause. Tel est le cas où les
aveux faits par une partie sont contradictoires.

2. Irrévocabilité de l’aveu.

L’aveu est en principe irrévocable une fois qu’il a été prononcé. Il n’est pas
nécessaire pour cela que la partie bénéficiaire de cet aveu soit intervenue
pour le recevoir expressément. Cependant, afin d’éviter toute erreur de
mémoire et toute dénégation dans l’avenir, cette partie agit prudemment en
demandant acte de l’aveu de la partie adversaire. Notons que la jurisprudence
est généralement en sens contraire.
L’aveu est pourtant révocable pour cause d’erreur de fait. Par exemple : un
héritier fait aveu d’une créance contre son auteur, par après, il retrouve une
quittance du créancier.
Par contre, jamais l’aveu ne peut être rétracté pour cause d’erreur de droit.

CHAPITRE VI
LE SERMENT.

Section 1 : Définition.

Le serment est l’acte à la fois civil et religieux, par lequel une personne
prend Dieu à témoin de la vérité d’un fait ou de la sincérité d’une promesse et
l’invoque comme vengeur du parjure. Le faut serment est puni par la loi (Code
pénal, art.132 CCL III).

Section 2 : Catégories de serment.

Il y a deux catégories de serments probatoires : le serment décisoire et le


serment déféré d’office.

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§1. Serment décisoire ou litisdécisoire.

C’est une convention, sorte de transaction, sous le contrôle du juge, par


laquelle l’une des parties s’en remet à la conséquence de son adversaire pour
faire dépendre du serment la solution du litige. Le juge dans ce cas, cesse
d’avoir un rôle actif ; il n’est plus qu’un simple spectateur qui enregistre le
résultat de la procédure et il est lié par ce résultat (art.233 al.1 CCL III).
Toutefois, à cause de l’abaissement du sentiment religieux au court de ces
dernières périodes, la jurisprudence a décidé que le juge peut refuser la
délation du serment quand il possède déjà des éléments de conviction
suffisants ou quand il juge que les faits sur lesquels cette délation est
réclamée ne sont ni pertinents, ni vraisemblables.

 Fonctionnement du serment décisoire.

Un des plaideurs offre de renoncer à sa prétention si l’autre affirme sous


serment le fait sur lequel elle fonde sa prétention contraire. Celui à qui le
serment ainsi déféré peut :
 Soit prêter le serment auquel cas il gagne son procès ;
 Soit refuser de le prêter, d’où il perd ;
 Soit le référer à son adversaire auquel cas celui-ci jure ou refuse de
jurer ; ce qui entraîne pour lui les mêmes conséquences de l’article 237
CCL III.

 Règles qui régissent le serment litisdécisoire.

Le serment ne peut en principe porter que sur des faits personnels à la


partie à laquelle on le défère (articles 235 et 238 CCL III). C’est ce que l’on
appelle « serment de connaissance ». Par exception, dans un cas comme
celui de l’article 655 al.2 CCL III, la loi admet le serment dit de crédibilité.
Selon la jurisprudence, il n’est pas possible de déférer le serment à une partie
qui ne figure pas personnellement au procès, telle une société.
Le serment peut porter sur toutes espèces de contestations, sauf celles qui
sont relatives à l’état des personnes, et d’une façon plus générale sur celles
qui mettent en jeu une question d’ordre public. En effet, c’est une convention
et on ne peut dans une convention aller à l’encontre des règles d’ordre public.
Jamais, le serment une fois prononcé, l’adversaire n’est admis à en prouver
la fausseté (art.239 CCL III). Ce serait revenir indirectement sur la chose
jugée. C’est pourquoi une jurisprudence unanime décide que si on peut
évidemment poursuivre pénalement l’auteur d’un faux serment, on ne peut le
condamner civilement à des dommages-intérêts.

§2. Serment déféré d’office.

Le serment déféré d’office est essentiellement du précédent ; c’est une


simple mesure d’instruction auquel le juge peut recourir en certains cas, mais
qui ne le lie pas et dont il apprécie librement la valeur.
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Il est supplétoire ou estimatoire (art.242 CCL III).

a) Le serment supplétoire (art.243 CCL III).

C’est celui que le juge peut déférer d’office, quand il n’est pas convaincu
par les preuves produites devant lui et qu’il veut en corroborer la conclusion
ou en compenser l’insuffisance.
L’article 243 CCL III fixe les deux conditions pour que le juge demande ne
soit pleinement justifiée et d’autre part, qu’elle ne soit pas complètement
dénuée de preuve.
Il résulte de là qu’à la différence du serment décisoire (art.236 CCL III), le
serment supplétoire ne peut être proposé en l’absence du serment décisoire
(art.236 CCL III), le serment supplétoire ne peut être proposé en l’absence de
toutes preuves.
S’il s’agit d’un fait susceptible d’être démontré par témoins, le juge a toute
liberté pour proposer le serment supplétoire, sous la seule condition qu’il y ait
dès à présent certains éléments de conviction résultant de témoignage déjà
fournis, ou des présomptions simples, si faibles soient-elles, contraire à la
preuve littérale et nécessaire, le juge ne peut recourir au serment supplétoire,
en l’absence d’écrit, que si il y a un commencement de preuve par écrit.

b) Le serment estimatoire ou in litem (art.245 CCL III).

C’est une variété du serment supplétoire, assez rare dans la pratique. Il est
employé quand il s’agit d’évaluer une chose, objet d’un litige.
Ex : une malle perdue dans un accident. Seul le juge peut le déférer et
uniquement au demandeur, les conditions d’admissibilité sont : qu’il n’existe
pas d’autres moyens de constatation ;
Que le juge fixe la somme jusqu’à concurrence de laquelle le demandeur
se crut sur son serment.

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