M. TRUMBO. Monsieur le président, j’ai une déclaration que je
souhaiterais lire pour l’intégrer dans le rapport, s’il vous plaît. M. STRIPLING. M. Trumbo, un instant, s’il vous plaît. Nous souhaitons mener l’audition de la manière la plus ordonnée possible, et je suis convaincu que vous souhaitez coopérer. M. TRUMBO . Oui, certainement. M. STRIPLING. Êtes-vous accompagné d’un conseil ? M. TRUMBO. Oui. M. STRIPLING. Et voulez-vous identifier votre conseil ? M. TRUMBO. M. Bartley Crum et M. Robert Kenny. Puis-je demander à la présidence d’avoir la possibilité de lire ma déclaration pour le compte- rendu ? LE PRESIDENT. Oui, pouvons-nous voir votre déclaration ? M. TRUMBO. Oui. LE PRESIDENT. Pour déterminer si elle est pertinente pour cette enquête. (La déclaration est donnée au président) M. STRIPLING. Avez-vous une copie ? M. CRUM (s’adressant à M. Trumbo). Avez-vous une copie supplémentaire pour M. Stripling ? M. TRUMBO. Oui. M. STRIPLING. M. le président… Le président. La présidence est prête à statuer. M. TRUMBO. Je vous demande pardon, Monsieur? LE PRESIDENT. M. Trumbo, nous avons jeté un coup d’œil très attentif sur cette déclaration. C’est notre usage de permettre aux témoins de lire des déclarations pertinentes pour l’enquête sur l’infiltration communiste présumée dans l’industrie cinématographique. Nous avons conclu, d’ailleurs unanimement, que cette déclaration n’était pas pertinente pour l’enquête. C’est pourquoi la présidence décide que cette déclaration ne sera pas lue. M. TRUMBO. La présidence a jugé une déclaration de Gerald L. K. Smith pertinente pour ses enquêtes. LE PRESIDENT. Cette déclaration est hors sujet. M. TRUMBO. Et en quoi la mienne est-elle différent de celle-là, Monsieur ? LE PRESIDENT. Comme témoin, si vous vous conduisez comme l’a fait hier le premier témoin, on ne vous accordera pas le privilège d’être un témoin devant une commission du Congrès, devant cette commission du Congrès. Poursuivez, M. Stripling. M. STRIPLING. M. Trumbo… M. TRUMBO. Je voudrais savoir ce que contient mon témoignage dont cette commission a peur qu’il soit lu au peuple américain ? LE PRESIDENT. Poursuivez, M. Stripling, posez une question. M. TRUMBO. Je voudrais présenter certains témoignages. LE PRESIDENT. (tapant de son marteau). Posez une question, M. Stripling. M. TRUMBO. Je voudrais présenter des témoignages. LE PRESIDENT. Vous êtes hors sujet. M. STRIPLING. Dites votre nom, s’il vous plaît. M. TRUMBO. Dalton Trumbo. M. STRIPLING. Quelle est votre adresse actuelle? M. TRUMBO. 329 South’ Rodeo Drive, Beverly Hills, Californie. M. STRIPLING. Quand et où êtes-vous né, Monsieur ? M. TRUMBO. Je suis né à Montrose, Colorado, le 9 décembre 1905. M. STRIPLING. Quel est votre profession ? M. TRUMBO. Ma profession est celle d’un écrivain. M. STRIPLING. Depuis quand écrivez-vous pour l’industrie cinématographique ? M. TRUMBO. Depuis 1934 ou 35, je crois. M. STRIPLING. Êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ? M. TRUMBO. A ce stade, Monsieur, j’aimerais vous présenter un témoignage précis portant sur cette affaire. M. STRIPLING. Monsieur le président. M. TRUMBO. Je… M. STRIPLING. Un instant, s’il vous plaît. M. TRUMBO. Je voudrais présenter des témoignages … LE PRESIDENT (frappant du marteau). Une minute... M. TRUMBO. Sur mon travail. LE PRESIDENT. Quelle était la question… M. TRUMBO. Du général Arnold de l’Armée de l’Air. LE PRESIDENT (tapant du marteau). Bon, une minute… M. TRUMBO. … D’un juge municipal… LE PRESIDENT. (tapant de son marteau). Un instant. La présidence veut savoir quelle était la question pour voir si votre réponse est pertinente. Quelle était la question ? M. STRIPLING. M. Trumbo, je vais vous poser différentes questions, toutes auxquelles on peut répondre par « oui » ou « non ». Si vous voulez donner une explication après avoir fait cette réponse, je suis sûr que la commission sera d’accord. Toutefois, afin de mener cette audience de manière ordonnée, il est nécessaire que vous soyez réceptif à la question, sans faire un discours en réponse à chaque question. M. TRUMBO. Je comprends, M. Stripling. Toutefois, votre travail est de poser des questions et le mien est d’y répondre. Je répondrai « oui » ou « non », s’il me plaît de répondre ainsi. Je répondrai avec mes propres mots. Seul un crétin ou un esclave peut répondre par « oui » ou « non » à nombre de questions. LE PRESIDENT. La présidence est d’accord avec votre argument selon lequel vous n’avez pas besoin de répondre par « oui » ou « non » aux questions. M. TRUMBO. Merci, Monsieur. LE PRESIDENT. Mais vous devriez répondre aux questions. M. TRUMBO. Merci, Monsieur. LE PRESIDENT. Allez-y, M. Stripling. M. TRUMBO. Puis-je... s’il plaît à la présidence, je ne vais pas faire un discours. J’ai seulement des témoignages de personnes responsables concernant la nature de mon travail. J’ai ici 20 documents dont je propose et souhaite qu’ils soient inclus dans le procès-verbal afin que l’on sache quel est mon travail, et ce que la commission pourrait chercher à dissimuler au peuple américain dans le futur. M. STRIPLING. Monsieur le président… LE PRESIDENT. Maintenant, ne faites pas une telle déclaration. Ce n’est pas correct. Puis-je demander quel pourrait être la longueur de l’une de ces déclarations ? M TRUMBO. J’ai le regret de vous dire qu’elles sont en moyenne de 115 à 150 ou 170 pages (…). LE PRESIDENT. Et combien voulez-vous en mettre dans le compte-rendu ? M. TRUMBO. J’en ai 20. Ce n’est pas toutes celles que j’ai écrites. LE PRESIDENT. Je pense que la présidence devra statuer. M. TRUMBO. Mais, Monsieur... LE PRESIDENT. Elles sont trop longues. M. TRUMBO. Mon travail a été l’objet d’attaques. LE PRESIDENT. Trop de pages. M. TRUMBO. Alors puis-je présenter des déclarations de témoignage concernant mon travail venant de personnes responsables ? LE PRESIDENT. D’accord, vous laissez l’enquêteur poser ses questions, et ensuite vous y répondrez du mieux que vous pouvez. M. STRIPLING. Je serai heureux de parcourir tous vos travaux, M. Trumbo. M. TRUMBO. J’en suis conscient, mais hier le travail d’un homme a été évoqué après qu’il a quitté la barre. Je voudrais discuter maintenant de mon travail. M. STRIPLING. Bien, M. Trumbo. Je vais répéter la question : Êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ? M. TRUMBO. Je vais répondre à cette question dans un moment. Je veux seulement protester contre le fait qu’on m’ait dénié le droit de présenter des témoignages, de présenter des déclarations du général Arnold, de juges pour enfants, de la Direction de la division cinéma de l’UNRAA, de l’Aumônier naval responsable des projets cinématographiques de la U.S. Navy. Je les considère comme pertinent. Et cette protestation exprimée, je vais m’occuper de votre question. M. STRIPLING. Êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ? M. TRUMBO. M. Stripling, le droit des travailleurs américains à des listes de membres secrètes et inviolables a été conquis dans ce pays au prix fort du sang et de la famine. Ces droits sont devenus une tradition américaine. Par la Voix de l’Amérique (station de radio de propagande internationale – Ndt) nous avons diffusé au monde entier l’affirmation de la liberté de nos travailleurs. LE PRESIDENT. Répondez-vous à la question ou faites vous un autre discours ? M. TRUMBO. Monsieur, je réponds vraiment à la question. LE PRESIDENT. Parce que si vous voulez faire un autre discours vous pouvez trouver un coin ici-même où vous pourrez faire ces discours. M. TRUMBO. Je suis volontaire pour faire cela, aussi. LE PRESIDENT. Bien, quelle était la question, M. Stripling ? M. STRIPLING. La question, M. le président, est … J’ai demandé à M. Trumbo s’il était membre de la Guilde des scénaristes. M. Trumbo. Vous m’avez posé une question qui vous permettrait de traîner ici tout syndiqué des États-Unis pour qu’il s’identifie comme membre d’un syndicat, de le soumettre à l’avenir à l’intimidation et à la coercition. Ceci, je crois, est une question inconstitutionnelle. LE PRESIDENT. Donc, faites-vous un autre discours, ou cela est-il la réponse ? M. TRUMBO. Ceci est ma réponse. LE PRESIDENT. Bien, ne pouvez-vous répondre : Êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes, en disant « oui » ou « non », ou « j’imagine », ou « peut-être », ou quelque chose comme cela ? M. TRUMBO. J’aimerais vous satisfaire. Puis-je essayer de répondre à nouveau à la question? LE PRESIDENT. Bien, nous aimerions certainement que vous nous satisfassiez. M. TRUMBO. S’il y avait eu une commission du Congrès, dont tous les membres auraient voté la loi Taft-Hartley... (Loi votée en 1947, à laquelle le président Truman s’était opposé, qui restreint sévèrement le droit de grève et le retire aux fonctionnaires d’État et des collectivités locales – Ndt) M. McDOWELL. Oh, ceci n’est pas une réponse à la question. (Le président frappe du marteau) M. TRUMBO. … On aurait considéré que cette commission comme hostile au monde du travail. LE PRESIDENT. Bien, M. Trumbo. M. McDOWELL. Ce n’est pas une honte, vous savez, de se présenter comme un membre d’un syndicat aux États-Unis. La plupart d’entre nous appartient à quelque chose. LE PRESIDENT. Maintenant la question est, M. Trumbo : Êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ? M. TRUMBO. M. le président, je ne considérerais pas comme une honte d’être membre d’un syndicat. M. McDOWELL. Bien sûr que non. M. TRUMBO. Mais les syndicats ont droit au secret pour leurs listes de membres. LE PRESIDENT. Je reviens à la question : Êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ? M. TRUMBO. M. le président, cette question est conçue dans un but particulier. Premièrement… LE PRESIDENT (tapant du marteau). Est-ce que vous… M. TRUMBO. … Premièrement, il s’agit de m’identifier avec la Guilde des scénaristes ; deuxièmement il s’agit de chercher à m’identifier avec le Parti communiste et par là, de détruire cette guilde... LE PRESIDENT (tapant du marteau). Refusez-vous de répondre à la question ? M. TRUMBO. Je ne refuserai de répondre à aucune de vos questions, Monsieur. LE PRESIDENT. Bien, vous refusez de répondre à cette question, … M. TRUMBO. Vraiment, je ne refuse pas de répondre à la question. LE PRESIDENT. Je vais vous poser la question… M. TRUMBO. Vous me demandez… LE PRESIDENT. Êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ? M. TRUMBO. Je répète… LE PRESIDENT (tapant du marteau). Exemptez le témoin. M. TRUMBO. Suis-je dispensé ? M. STRIPLING. Juste un instant, M. le président. M. TRUMBO. Suis-je dispensé ? M. STRIPLING. J’ai encore des questions… M. TRUMBO. Suis-je dispensé ou non ? LE PRESIDENT. Non, juste une minute. L’enquêteur en chef veut poser quelques questions. M. STRIPLING. Juste un moment. J’ai quelques autres questions, M. Trumbo, que je voudrais vous poser. Êtes-vous maintenant, ou avez-vous jamais été un membre du Parti communiste ? M. TRUMBO. M. le président, d’abord j’aimerais savoir si la qualité de ma dernière réponse était acceptable, puisque je suis toujours à la barre ? LE PRESIDENT. Ceci n’a rien à voir avec votre réponse à la dernière question. M. TRUMBO. Je vois. LE PRESIDENT. Ceci est une nouvelle question, maintenant. M. TRUMBO. Je vois. M. STRIPLING. Vous devez avoir une certaine raison de poser cette question. M. McDOWWELL. Oui, nous… M. TRUMBO. Vous avez une raison. Je comprends qu’on a donné aux journalistes une prétendue carte du Parti communiste m’appartenant… Est- ce vrai ? M. STRIPLING. Ceci n’est pas vrai. LE PRESIDENT. Vous ne posez pas la question. M. TRUMBO. Je l’ai posée. LE PRESIDENT. L’enquêteur en chef pose les questions. M. TRUMBO. Je vous demande pardon. LE PRESIDENT. Êtes-vous ou n’avez-vous jamais été membre du Parti communiste ? M. TRUMBO. Je crois que j’ai le droit d’être confronté à n’importe quelle preuve en appui de la question. J’aimerais voir ce que vous avez. LE PRESIDENT. Oh, bien, vous le pouvez ! M. TRUMBO. Oui. LE PRESIDENT. Eh bien, vous le pourrez, très bientôt. (Rires et applaudissements) LE PRESIDENT (tapant du marteau). Le témoin est dispensé. Impossible. M. TRUMBO. Ceci est le commencement ... LE PRESIDENT (tapant du marteau). Une minute… M. TRUMBO. … D’un camp de concentration américain. LE PRESIDENT. Ceci est une tactique typiquement communiste. Ceci est une tactique typiquement communiste. (Tapant du marteau). (Applaudissements) LE PRESIDENT. Bien, il n’y aura pas de manifestation des personnes dans le public. Les gens du public sont les hôtes de cette commission. Ceci est une commission du Congrès et nous devons maintenir l’ordre. Ceux qui sont debout ou déambulent, doivent, s’il vous plaît, s’asseoir.
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