Dans les territoires occupés du Sahara occidental, alors que se profilaient à
peine les révoltes qui allaient embraser l’Afrique du nord et le Moyen
Orient, ce soulèvement aux formes et à l’ampleur inédite avait aimanté, voilà dix ans, des milliers de participants venus planter leurs tentes en plein désert, à Gdeim Izik, à une quinzaine de kilomètres de Laâyoune. Les occupants de ce vaste camp de protestation exigeait des conditions de vie dignes, du travail, des logements et que cesse la féroce répression contre les Sahraouis engagés pour le droit à l’autodétermination de leur peuple, piétiné depuis 1975 par la monarchie marocaine. Lancée le 12 octobre, l’initiative avait fini par dépasser les autorités marocaines, incapables de contenir cet élan populaire malgré leur déploiement sécuritaire démesuré. D’où la violence digne des années de plomb du règne d’Hassan II mobilisée pour démanteler le camp le 8 novembre. La police fait feu, à balles réelles, sur les contestataires. Dans ce chaos, onze agents des forces de sécurité sont tués ; jamais la lumière ne sera faite sur les circonstances exactes de leurs décès. Les porte-voix de la révolte de Gdeim Izik, eux, sont brutalisés, embarqués, torturés. Des dizaines de militants sont arrêtés. Naâma Asfari, un défenseur des droits humains qui a contribué par ses vidéos à donner un écho international au camp de protestation, arrêté la veille de l’opération, est tabassé jusqu’à l’évanouissement, avant d’être transféré dans un lieu inconnu. Ses amis, sa famille restent cinq jours sans aucune nouvelle de lui. Sa trace n’est retrouvée que le 12 novembre : des témoins rapportent l’avoir vu vivant, au tribunal de première instance de Laayoune, avec d’autres détenus, à demi-nu, le corps couvert par les stigmates des traitements inhumains et dégradants infligés pendant sa garde à vue incommunicado. Sans audience ni avocats, le procureur du roi décide alors de transférer son dossier et ceux de ses codétenus, au tribunal militaire de Rabat. Tous sont transférés à la prison de Salé. En 2013, au terme d’un procès inique, devant une assistance appelant à la peine de mort, vingt-cinq militants, accusés des meurtres des agents des forces de sécurité mobilisés pour le démantèlement du camp de Gdeim Izik, seront condamnés à des peines allant de vingt ans de prison à la perpétuité. Quatre ans plus tard, un arrêt de la Cour de cassation annulait la décision du tribunal militaire, en vertu d’une réforme interdisant la comparution de civils devant une juridiction militaire. Surtout, le comité de l’ONU contre la torture condamnait le Maroc suite à une plainte introduite par l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) et par les avocats français de Naâma Asfari : ce prisonnier politique, concluait cette instance, avait bien été condamné sur la base d’aveux extorqués sous la torture. Trois ans plus tard, nouveau procès, civil cette fois, et nouvelle mascarade judiciaire. Et derrière les apparences de débats contradictoires, les mêmes méthodes, et finalement les mêmes sentences. Le 19 juillet 2017, sur la base, comme uniques « preuves », de procès-verbaux de police signés sous la contrainte, les prisonniers politiques sahraouis, enfermés tout le long du procès dans les cages de verre réservées aux « terroristes », voyaient confirmées, à l’exclusion de deux d’entre eux, leurs condamnations à des peines lourdes, injustes, jusqu’à la perpétuité pour huit d’entre eux. Naâma Asfari, lui, écopait de trente ans de prison. Ils sont encore aujourd’hui dix-neuf Sahraouis de Gdeim Izik derrière les barreaux, dispersés dans les prisons marocaines, loin du Sahara occidental. L’un d’entre eux, Mohammed El Ayoubi, démoli par la torture, a fini par succomber, en 2018. Un autre, condamné par contumace à la perpétuité, est toujours réfugié en Espagne. Tous clament leur innocence. Ils ont observé, depuis dix ans, d’innombrables grèves de la faim pour obtenir le droit de lire, d’écrire, de faire du sport, de recevoir des visites, du courrier et des journaux. Plusieurs fois expulsée du Maroc sans motif et sans avoir pu quitter l’aéroport, l’épouse française de Nâama Asfari, Claude Mangin- Asfari, se bat sans trêve pour faire valoir son droit de visite Sa simple présence sur le territoire représenterait, selon les autorités marocaines, une dangereuse « menace à l’ordre public ». L’état de santé de certains de ces prisonniers politiques est alarmant. Dernier recours : le pourvoi en cassation examiné ces jours-ci par la plus haute juridiction marocaine, qui doit rendre son verdict le 25 novembre. Dix ans après Gdeim Izik, au Sahara occidental occupé, la situation politique reste bloquée, le pillage des ressources naturelles s’intensifie, l’arbitraire reste la seule loi. Contre le droit à l’autodétermination consacré par les résolutions de l’ONU, le roi du Maroc s’accroche, avec la bénédiction de Paris, à son « plan d’autonomie » qui parachèverait l’annexion de l’ex-colonie espagnole. Depuis plusieurs semaines, la tension se concentre, de nouveau, à Guerguerat, point de passage vers la Mauritanie, dans la zone tampon contrôlée par les casques bleus de la Minurso, où la construction en 2016 par Rabat d’une route goudronnée, sous la garde de l’armée, tient de l’ouverture d’une brèche illégale. A l’époque, le déploiement sur place de combattants indépendantistes avait donné lieu à un face à face tendu, jusqu’au retrait marocain. Depuis plusieurs semaines, ce sont des civils sahraouis qui occupent la zone, bloquant par des sit-in le trafic routier. Le Front polisario met en garde contre toute intervention marocaine, « civile ou militaire », pour déloger ces manifestants : la moindre « atteinte » à leur sécurité serait tenue, prévient-il, pour une « agression » qui ferait voler en éclat le cessez-le feu de 1991.
Comparación PUSL entre la publicación en inglés y francés en press.un.org de los discursos de los ponentes pro saharauis del Comité Especial de descolonización (C-24) Sesión reanudada el 12-23 de junio de 2023