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2h
Devoir de français n°2 (D.S.)
Objet d’étude : convaincre, persuader, délibérer (l’essai)
Corpus :
Document A : Maurice Barrès, discours à la Chambre du 3 juillet 1908 (extrait)
Document B : Aristide Briand, discours à la Chambre du 11 novembre 1908 (extrait)
Document C : couverture du Petit Journal, 19 juillet 1908
Document D : Victor Hugo, préface (1832) du Dernier jour d’un condamné (1829)
Sujet d’invention :
En décembre 1908, un journal — dont vous inventerez le nom — déplore le fait que la peine
de mort n’ait pas été abolie, malgré les débats à la Chambre des députés. Le rédacteur en chef
exprime, dans l’éditorial, la position de son journal à ce sujet.
Critères d’évaluation :
- respect des caractéristiques de l’éditorial – respect de la - organisation du raisonnement
situation - qualité de la langue (soutenue)
- nombre et qualité des arguments
En 1908, le gouvernement dépose à la Chambre des députés un projet de loi sur la réforme du système
pénal qui prévoit la suppression de la peine de mort. C’est Aristide Briand, garde des Sceaux (c’est-à-dire
ministre de la justice), qui est chargé de présenter ce projet aux députés. Les violents débats que cette
question soulève vont durer plusieurs mois. Le vote final interviendra en décembre, et la peine de mort sera
maintenue par 330 voix contre 201.
Pour ma part, je demande que l’on continue à nous débarrasser de ces dégradés, de
ces dégénérés, dans les conditions légales d'aujourd'hui, en tenant compte des indications
qui nous sont fournies par les hommes de science compétents s'ils nous disent que celui-ci
relève des asiles plutôt que de la punition. Je crois qu'il y a lieu de recourir à la punition
exemplaire. Et, par exemplaire, je n'entends pas la publicité ; je crois que l'exemple peut
être plus saisissant encore, tel qu'il est obtenu en Angleterre où la punition capitale, à la
muette, derrière de hauts murs, me semble plus terrifiante encore que cette manière
d'apothéose infâme que nous dressons sur les places publiques. (Applaudissements) […]
Messieurs, j'ai autant d'horreur qu'aucun de vous pour Ie sang versé. […]
Pour ma part, cette même émotion pénible, ne l'éprouverais-je pas, si je devais
assister à ces terribles opérations qui pourtant sont Ie salut, une ressource de guérison?
La vie est en elle-même chose cruelle. Et ce n’est pas avoir fourni un argument contre la
peine capitale de constater ce que personne ne nie - qu'une vision de décollation1 est
chose atroce.
C'est par amour de la santé sociale que je vote Ie maintien et l'application de la peine
de mort.
J'ai retenu une partie du discours de l'honorable M. Barrès. M. Barrès semble voir
dans la réprobation qu'éprouve ce pays pour la peine de mort une sorte d'affaiblissement
de son énergie morale et comme la marque de quelque impuissance.
M. Barrès disait : il faut avoir Ie courage des responsabilités ; il ne faut pas craindre
de punir et même de punir jusqu'à la mort.
Cette responsabilité est aisée à prendre. II n'est pas difficile de Iivrer un homme à
l'exécuteur des hautes oeuvres. Quand l'opinion publique est excitée comme elle l'est en
ce moment, quand elle exige impérieusement du sang, lui obéir, c'est un geste commode.
Les responsabilités sont bien plus lourdes quand il s'agit de remonter les courants de
l'opinion publique. II faut plus de courage pour lui résister que pour se Iaisser dominer par
l'aveuglement de la foule. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à
gauche.)
[…]
Pour ma part, j'ai étudié la question au point de vue de I'utilité de la peine. Je me suis
dit : si les chiffres de la criminalité, soit en France, soit à l'étranger, démontrent qu'il serait
imprudent de supprimer la peine de mort en ce moment, s'il m'apparaît qu'elle a une
puissance d'intimidation, eh bien ! je Ie dirai à la Chambre et je renoncerai à soutenir Ie
projet du Gouvernement. C'est parce que, de tous les documents que j'ai consultés, il est
2 ménagerie : zoo.
3 geolier : gardien de prison
4 ne lui sied : ne lui convient
5 parquet : magistrats chargés de veiller à l'application de la loi.
6 partant : conjonction marquant la conséquence (synonyme ici de par conséquent).
7 masques : personnes qui portent des masques.
Eléments pour le sujet de commentaire :
Victor Hugo, Le Dernier jour d'un condamné (1829),
préface de 1832.
I – Dans cet extrait, Victor Hugo emploie les procédés de l'écriture polémique : il combat
violemment ses adversaires pour provoquer l'indignation de son lecteur.
Les locuteurs des quatre documents ne partagent pas tous la même opinion.
En effet, Maurice Barrès, lors de son discours à la Chambre du 3 juillet 1908 (document A),
défend le maintien de la peine capitale ; il l’affirme notamment par cette phrase : « C’est par amour
de la santé sociale que je vote le maintien et l’application de la peine de mort »(l. 16-17). La rédaction
du Petit Journal paru le 19 juillet 1908 (document C) semble partager cette opinion, puisque sa
couverture illustre l’exemplarité de la peine de mort, rappelant en légende que « la prison n’effraye
pas les apaches. — La guillotine les épouvante. »
A l’inverse, Aristide Briand, dans son discours à la Chambre du 11 novembre 1908 (document
B), s’oppose clairement à la peine capitale, car il considère que, face à une opinion publique excitée,
cette sanction est « un geste commode » (l. 8) ; il affirme que la peine de mort est « inefficace »,
qu’elle n’est pas « intimidante » (l. 18-19). De son côté, Victor Hugo, dans la préface du Dernier jour
d’un condamné (document D) répond à tous les arguments de ses adversaires — les partisans de la
peine de mort — en rappelant surtout que l’emprisonnement à vie suffit à libérer la société des
criminels : « Pas de bourreau où le geôlier suffit », résume-t-il l. 9.
5. Un même argument revient dans ces quatre documents, soit pour être défendu, soit pour être
contesté. Relevez-
Relevez-le dans chacun des documents, et proposez-
proposez-en une reformulation. (3 pts)
Tous les documents développent l’argument de l’exemplarité : il s’agit de savoir, pour justifier
ou combattre la peine de mort, si celle-ci est intimidante, c’est-à-dire si l’application de ce châtiment
effraye les délinquants et les dissuade de mal agir.
Du côté des partisans de la peine de mort, Maurice Barrès évoque cet argument en réclamant
de « recourir à la punition exemplaire » (l. 4), et la couverture du Petit Journal en donne une
illustration en deux temps : un “apache” se pavane entre deux gendarmes au moment où il est
conduit en détention, mais les représentants de la loi doivent traîner un condamné à mort en le tirant
par les bras, car il est terrorisé à la vue de la guillotine.
Au contraire, Aristide Briand, alors ministre de la Justice, réfute longuement l’argument de
l’exemplarité : il explique avoir « étudié la question au point de vue de l’utilité de la peine », en
consultant des données chiffrées de plusieurs pays, mais « de tous les documents qu[‘il] a consultés, il
est résulté clairement […] que la peine de mort n’était pas efficace, qu’elle n’était pas intimidante,
comme on l’a dit » (l. 17-19).
Enfin, Victor Hugo consacre un paragraphe entier à cet argument, qu’il nomme « la théorie de
l’exemple ». « Nous nions d’abord qu’il y ait exemple », répond-il (l. 23), « Nous nions que le
spectacle des supplices produis l’effet qu’on en attend » (l. 24-25) ; il illustre sa position par un
exemple récent : des danses de carnaval autour d’un échafaud…
6. Lequel de ces genres argumentatifs vous semble ici le plus efficace pour défendre une thèse
thèse ?
Justifiez votre réponse. (1 pt)
Si la couverture illustrée d’un périodique semble le support le plus pertinent pour diffuser une
opinion au plus grand public, le genre du discours me semble personnellement le plus efficace dans
l’argumentation. En effet, l’auditoire est présent, et l’orateur peut donc jouer de tous les outils de
l’éloquence (ton de voix, interpellations…) pour les toucher. D’autre part, la présence des points de
vue contradictoires dans un même lieu rend les réfutations plus efficaces : A. Briand formule une
réponse ciblée aux arguments de Maurice Barrès, et toute l’assemblée peut ainsi entendre le débat.