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1ère ST2S- 2 dominique-moret@wanadoo.

fr
2h
Devoir de français n°2 (D.S.)
Objet d’étude : convaincre, persuader, délibérer (l’essai)

Corpus :
 Document A : Maurice Barrès, discours à la Chambre du 3 juillet 1908 (extrait)
 Document B : Aristide Briand, discours à la Chambre du 11 novembre 1908 (extrait)
 Document C : couverture du Petit Journal, 19 juillet 1908
 Document D : Victor Hugo, préface (1832) du Dernier jour d’un condamné (1829)

Questions sur les textes (6 points)


1. Quelle opinion les locuteurs de chaque document défendent-ils par rapport à la peine de
mort ? (2 pts)
2. Un même argument revient dans ces quatre documents, soit pour être défendu, soit pour
être contesté. Relevez-le dans chacun des documents, et proposez-en une reformulation. (3
pts)
3. Lequel de ces genres argumentatifs vous semble ici le plus efficace pour défendre une thèse ?
Justifiez votre réponse. (1 pt)

Travail d’écriture : au choix (14 points)


Sujet de commentaire :
Vous rédigerez une partie de commentaire qui analysera le texte de Victor Hugo (document
D). Votre partie développera l’idée suivante :
Dans cet extrait, Victor Hugo emploie les procédés de l’écriture polémique : il combat
violemment ses adversaires pour provoquer l’indignation de son lecteur.
oui non oui non
L’idée de la partie est annoncée au début dans Le nom du procédé est donné (ex :
une introduction partielle métaphore, champ lexical ...)
L’idée de la partie est reprise à la fin dans une
Une phrase explique l’effet des procédés cités
conclusion partielle
L’idée de chaque § est annoncée au début du § L’expression est soignée
Les citations sont bien insérées dans les
L’idée de chaque § est reprise à la fin du §
phrases
Le § ne fait qu’un seul ‘bloc’ (pas de retour à
Les procédés sont annoncés avant les citations
la ligne)
Les citations sont bien ciblées (ne sont cités que
les mots nécessaires)

Sujet d’invention :
En décembre 1908, un journal — dont vous inventerez le nom — déplore le fait que la peine
de mort n’ait pas été abolie, malgré les débats à la Chambre des députés. Le rédacteur en chef
exprime, dans l’éditorial, la position de son journal à ce sujet.
Critères d’évaluation :
- respect des caractéristiques de l’éditorial – respect de la - organisation du raisonnement
situation - qualité de la langue (soutenue)
- nombre et qualité des arguments
En 1908, le gouvernement dépose à la Chambre des députés un projet de loi sur la réforme du système
pénal qui prévoit la suppression de la peine de mort. C’est Aristide Briand, garde des Sceaux (c’est-à-dire
ministre de la justice), qui est chargé de présenter ce projet aux députés. Les violents débats que cette
question soulève vont durer plusieurs mois. Le vote final interviendra en décembre, et la peine de mort sera
maintenue par 330 voix contre 201.

Document A : Maurice Barrès, discours


discours à la Chambre du 3 juillet 1908 (extrait)

Pour ma part, je demande que l’on continue à nous débarrasser de ces dégradés, de
ces dégénérés, dans les conditions légales d'aujourd'hui, en tenant compte des indications
qui nous sont fournies par les hommes de science compétents s'ils nous disent que celui-ci
relève des asiles plutôt que de la punition. Je crois qu'il y a lieu de recourir à la punition
exemplaire. Et, par exemplaire, je n'entends pas la publicité ; je crois que l'exemple peut
être plus saisissant encore, tel qu'il est obtenu en Angleterre où la punition capitale, à la
muette, derrière de hauts murs, me semble plus terrifiante encore que cette manière
d'apothéose infâme que nous dressons sur les places publiques. (Applaudissements) […]
Messieurs, j'ai autant d'horreur qu'aucun de vous pour Ie sang versé. […]
Pour ma part, cette même émotion pénible, ne l'éprouverais-je pas, si je devais
assister à ces terribles opérations qui pourtant sont Ie salut, une ressource de guérison?
La vie est en elle-même chose cruelle. Et ce n’est pas avoir fourni un argument contre la
peine capitale de constater ce que personne ne nie - qu'une vision de décollation1 est
chose atroce.
C'est par amour de la santé sociale que je vote Ie maintien et l'application de la peine
de mort.

Document B : Aristide Briand, discours à la Chambre du 11 novembre 1908 (extrait)

J'ai retenu une partie du discours de l'honorable M. Barrès. M. Barrès semble voir
dans la réprobation qu'éprouve ce pays pour la peine de mort une sorte d'affaiblissement
de son énergie morale et comme la marque de quelque impuissance.
M. Barrès disait : il faut avoir Ie courage des responsabilités ; il ne faut pas craindre
de punir et même de punir jusqu'à la mort.
Cette responsabilité est aisée à prendre. II n'est pas difficile de Iivrer un homme à
l'exécuteur des hautes oeuvres. Quand l'opinion publique est excitée comme elle l'est en
ce moment, quand elle exige impérieusement du sang, lui obéir, c'est un geste commode.
Les responsabilités sont bien plus lourdes quand il s'agit de remonter les courants de
l'opinion publique. II faut plus de courage pour lui résister que pour se Iaisser dominer par
l'aveuglement de la foule. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à
gauche.)
[…]
Pour ma part, j'ai étudié la question au point de vue de I'utilité de la peine. Je me suis
dit : si les chiffres de la criminalité, soit en France, soit à l'étranger, démontrent qu'il serait
imprudent de supprimer la peine de mort en ce moment, s'il m'apparaît qu'elle a une
puissance d'intimidation, eh bien ! je Ie dirai à la Chambre et je renoncerai à soutenir Ie
projet du Gouvernement. C'est parce que, de tous les documents que j'ai consultés, il est

1 Décollation : action de couper la tête


résulté clairement pour moi que la peine de mort était inefficace, qu'elle n'était pas
intimidante, comme on l'a dit, que je me suis présenté devant vous pour tâcher de vous
faire participer à la conviction profonde qui s'est faite en moi.
Au surplus — et je termine par là — on a traité bien légèrement Ie côté Ie plus grave
du problème : la peine de mort n'est pas réparable.
Oh ! Je sais ! On a dit : Oui, il y a bien d'autres choses qui ne sont pas réparables
dans la vie ! II y a bien d'autres cas dans lesquels des injustices irrémédiables
s'accomplissent. Messieurs, ici, c'est la société qui agit. (Très bien ! très bien ! à l 'extrême
gauche et à gauche. )

Document C : couverture du Petit Journal, 19 juillet 1908


Document D : Victor Hugo, Le Dernier jour d’un condamné (1829),
(1829), préface de 1832.

Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort


nécessaire. D'abord, — parce qu'il importe de retrancher de la
communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui
nuire encore. — S'il ne s'agissait que de cela, la prison perpétuelle
suffirait. A quoi bon la mort ? Vous objectez qu'on peut s'échapper
d'une prison ? Faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la
solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des
ménageries ?2
Pas de bourreau où le geôlier3 suffit.
Mais, reprend-on, — il faut que la société se venge, que la
société punisse. — Ni l'un, ni l'autre. Se venger est de l'individu,
punir est de Dieu.
La société est entre deux. Le châtiment est au-dessus d'elle, la
vengeance au-dessous. Rien de si grand et de si petit ne lui sied4. Elle
ne doit pas « punir pour se venger » ; elle doit corriger pour
améliorer. Transformez de cette façon la formule des criminalistes,
nous la comprenons et nous y adhérons.
Reste la troisième et dernière raison, la théorie de l'exemple.
— Il faut faire des exemples ! Il faut épouvanter par le spectacle du
sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter ! —
Voilà bien à peu près textuellement la phrase éternelle dont tous les
réquisitoires des cinq cents parquets5 de France ne sont que des
variations plus ou moins sonores. Eh bien ! nous nions d'abord qu'il y
ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise l'effet
qu'on en attend. Loin d'édifier le peuple, il le démoralise, et ruine en
lui toute sensibilté, partant6 toute vertu. Les preuves abondent, et
encombreraient notre raisonnement si nous voulions en citer. Nous
signalerons pourtant un fait entre mille, parce qu'il est le plus récent.
Au moment où nous écrivons, il n'a que dix jours de date. Il est du 5
mars, dernier jour du carnaval. A Saint-Pol, immédiatement après
l'exécution d'un incendiaire nommé Louis Camus, une troupe de
masques7 est venue danser autour de l'échafaud encore fumant.
Faites donc des exemples ! Le mardi gras vous rit au nez.

2 ménagerie : zoo.
3 geolier : gardien de prison
4 ne lui sied : ne lui convient
5 parquet : magistrats chargés de veiller à l'application de la loi.
6 partant : conjonction marquant la conséquence (synonyme ici de par conséquent).
7 masques : personnes qui portent des masques.
Eléments pour le sujet de commentaire :
Victor Hugo, Le Dernier jour d'un condamné (1829),
préface de 1832.
I – Dans cet extrait, Victor Hugo emploie les procédés de l'écriture polémique : il combat
violemment ses adversaires pour provoquer l'indignation de son lecteur.

1 – Mépris des adversaires


Désignations dépréciatives :
- « ceux qui jugent et qui condamnent » (deux verbes employés de façon absolue, sans
complément : caricature )
- « criminalistes » : simplification abusive, connotation de mort
- pronom « on », volontairement vague et plutôt dépréciatif.
Ironie dans la présentation de leur action :
- " la phrase éternelle dont tous les réquisitoires des cinq cents parquets de France ne sont que
des variations plus ou moins sonores " : expressions généralisantes, qui soulignent le caractère
répétitif et automatique de ces phrases… réflexe, pas de réflexion.

2 – Provocation de l’indignation des lecteurs


- image qui compare implicitement les détenus à des animaux : " si vous ne croyez pas à la
solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ? "
- sens de la formule : « Pas de bourreau où le geôlier suffit » ; « corriger pour améliorer » ;
« Le mardi gras vous rit au nez ». Ces formules sont caractérisées par des rythmes binaires, qui
sonnent bien et se retiennent aisément.
- Même effet avec les anaphores : « nous nions… nous nions » ; « ni l’un, ni l’autre » ; « il
faut… il faut »
- Contraste volontaire entre la gravité du sujet (la mort) et le thème de la fête : « carnaval » ;
« troupe de masques » ; « mardi gras » => montre combien cette gravité n’est pas respectée,
pas prise au sérieux.

II – il met en scène la confrontation avec le locuteur

1 – L’interpellation du lecteur ((qu’il


qu’il soit ou non l’adversaire)
- Question oratoire : « A quoi bon la mort ? » ; « Si vous ne croyez pas à la solidité des
barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ? »
- Impératifs : « Faites mieux votre ronde » ; « Transformez de cette façon » ; « Faites donc des
exemples »
- Pronoms « vous », et « nous » pour l’auteur, qui inclut ainsi tous ses destinataires, façon de les
influencer à se mettre de son côté.

2 – Un dialogue fictif avec les adversaires


- typographie du dialogue : tirets, et verbes de parole (« dit-on », « reprend-on »…). Impression
que les adversaires sont présents face à lui.
- l’organisation du texte est soulignée par des connecteurs logiques : « D'abord », « mais »,
« Reste la troisième et dernière raison » ; chaque argument des adversaires trouve sa réfutation
immédiate, et l’auteur a donc le dernier mot…
- réfutation la plus radicale : le troisième argument, la « théorie de l’exemple », est contredit en
4 temps : « Loin d'édifier le peuple (1), il le démoralise (2), et ruine en lui toute sensibilité (3),
partant toute vertu (4) »
Corrigé des questions : devoir de français n°2 (D.S.)
1908 : abolir la peine de mort ?
Objet d’étude : convaincre, persuader, délibérer (l’essai)

4. Quelle opinion les locuteurs de chaque document défendent-


défendent-ils par rapport à la peine de mort ? (2
pts)

Les locuteurs des quatre documents ne partagent pas tous la même opinion.
En effet, Maurice Barrès, lors de son discours à la Chambre du 3 juillet 1908 (document A),
défend le maintien de la peine capitale ; il l’affirme notamment par cette phrase : « C’est par amour
de la santé sociale que je vote le maintien et l’application de la peine de mort »(l. 16-17). La rédaction
du Petit Journal paru le 19 juillet 1908 (document C) semble partager cette opinion, puisque sa
couverture illustre l’exemplarité de la peine de mort, rappelant en légende que « la prison n’effraye
pas les apaches. — La guillotine les épouvante. »
A l’inverse, Aristide Briand, dans son discours à la Chambre du 11 novembre 1908 (document
B), s’oppose clairement à la peine capitale, car il considère que, face à une opinion publique excitée,
cette sanction est « un geste commode » (l. 8) ; il affirme que la peine de mort est « inefficace »,
qu’elle n’est pas « intimidante » (l. 18-19). De son côté, Victor Hugo, dans la préface du Dernier jour
d’un condamné (document D) répond à tous les arguments de ses adversaires — les partisans de la
peine de mort — en rappelant surtout que l’emprisonnement à vie suffit à libérer la société des
criminels : « Pas de bourreau où le geôlier suffit », résume-t-il l. 9.

5. Un même argument revient dans ces quatre documents, soit pour être défendu, soit pour être
contesté. Relevez-
Relevez-le dans chacun des documents, et proposez-
proposez-en une reformulation. (3 pts)

Tous les documents développent l’argument de l’exemplarité : il s’agit de savoir, pour justifier
ou combattre la peine de mort, si celle-ci est intimidante, c’est-à-dire si l’application de ce châtiment
effraye les délinquants et les dissuade de mal agir.
Du côté des partisans de la peine de mort, Maurice Barrès évoque cet argument en réclamant
de « recourir à la punition exemplaire » (l. 4), et la couverture du Petit Journal en donne une
illustration en deux temps : un “apache” se pavane entre deux gendarmes au moment où il est
conduit en détention, mais les représentants de la loi doivent traîner un condamné à mort en le tirant
par les bras, car il est terrorisé à la vue de la guillotine.
Au contraire, Aristide Briand, alors ministre de la Justice, réfute longuement l’argument de
l’exemplarité : il explique avoir « étudié la question au point de vue de l’utilité de la peine », en
consultant des données chiffrées de plusieurs pays, mais « de tous les documents qu[‘il] a consultés, il
est résulté clairement […] que la peine de mort n’était pas efficace, qu’elle n’était pas intimidante,
comme on l’a dit » (l. 17-19).
Enfin, Victor Hugo consacre un paragraphe entier à cet argument, qu’il nomme « la théorie de
l’exemple ». « Nous nions d’abord qu’il y ait exemple », répond-il (l. 23), « Nous nions que le
spectacle des supplices produis l’effet qu’on en attend » (l. 24-25) ; il illustre sa position par un
exemple récent : des danses de carnaval autour d’un échafaud…

6. Lequel de ces genres argumentatifs vous semble ici le plus efficace pour défendre une thèse
thèse ?
Justifiez votre réponse. (1 pt)

Si la couverture illustrée d’un périodique semble le support le plus pertinent pour diffuser une
opinion au plus grand public, le genre du discours me semble personnellement le plus efficace dans
l’argumentation. En effet, l’auditoire est présent, et l’orateur peut donc jouer de tous les outils de
l’éloquence (ton de voix, interpellations…) pour les toucher. D’autre part, la présence des points de
vue contradictoires dans un même lieu rend les réfutations plus efficaces : A. Briand formule une
réponse ciblée aux arguments de Maurice Barrès, et toute l’assemblée peut ainsi entendre le débat.

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