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Faculté de Droit
Année universitaire 2021-2022
L1 section B
Fiche de TD n°7
Séance n°7 : La République parlementaire (I)
I. Notions à connaître
II. Documents
Messieurs les sénateurs Avec les élections de l'année dernière, j'ai voulu
choisir pour ministres des hommes que je
Messieurs les députés,
supposais être en accord de sentiments avec la
J'ai dû me séparer du ministère que présidait M. majorité de la Chambre des Députés. J'ai formé,
Jules Simon et en former un nouveau. Je dois dans cette pensée, successivement deux
vous faire l'exposé sincère des motifs qui m'ont ministères. Le premier avait à sa tête M. Dufaure,
amené à prendre cette décision. vétéran de nos assemblées politiques, l'un des
Vous savez tous avec quel scrupule, depuis le 25 auteurs de la Constitution, aussi estimé pour la
février 1875, jour où l'Assemblée nationale a loyauté de son caractère qu'illustre par son
donné à la France une constitution républicaine, éloquence. M. Jules Simon, qui a présidé le
j'ai observé, dans l'exercice du pouvoir qui m'est second, attaché de tout temps à la forme
confié, toutes les prescriptions de cette loi fon- républicaine, voulait, comme M. Dufaure, la
damentale. concilier avec tous les principes conservateurs.
Malgré le concours loyal que je leur ai prêté, ni Je n'en reste pas moins, aujourd'hui comme hier,
l'un ni l'autre de ces ministères n'a pu réunir dans fermement résolu à respecter et à maintenir des
la Chambre des Députés, une majorité solide institutions qui sont l'œuvre de l'Assemblée de qui
acquise à ces propres idées. M. Dufaure a je tiens le pouvoir et qui ont constitué la
vainement essayé l'année dernière, dans la République.
discussion du budget, de prévenir des innovations Jusqu'en 1880 je suis le seul qui pourrait proposer
qu'il regardait justement comme très fâcheuses. d'y introduire un changement et ne médite rien de
Le même échec était réservé au Président du ce genre
dernier cabinet sur des points de législation très
graves au sujet desquels il était tombé d'accord Tous mes conseillers sont comme moi, décidés à
avec moi qu'aucune modification ne devait être pratiquer loyalement les institutions et incapables
admise. d'y porter aucune atteinte. Je livre ces
considérations à vos réflexions comme au
Après ces deux tentatives, également dénuées de
jugement du pays.
succès, je ne pourrais faire un pas de plus dans la
même voie sans faire appel ou demander appui à Pour laisser calmer l'émotion qu'ont causée les
une autre fraction du parti républicain, celle qui derniers incidents je vous inviterai à suspendre
croit que la République ne peut s'affermir sans vos séances pendant un certain temps. Quand
avoir pour complément et pour conséquence la vous les reprendrez, vous pourrez vous mettre,
modification radicale de toutes nos grandes toute autre affaire cessante, à la discussion du
institutions administratives, judiciaires, budget, qu'il est si important de mener bientôt à
financières et militaires. terme.
Ce programme est bien connu, ceux qui le profes- D'ici là, mon gouvernement veillera à la paix pu-
sent sont d'accord sur tout ce qu'il contient. Ils ne blique : au dedans il ne souffrirait rien qui la
diffèrent entre eux que sur les moyens à employer compromette. Au dehors, elle sera maintenu, j'en
et le temps opportun pour l'appliquer. ai la confiance, malgré les agitations qui troublent
une partie de l'Europe, grâce aux bons rapports
Ni ma conscience, ni mon patriotisme ne me per- que nous entretenons et voulons conserver avec
mettent de m'associer, même de loin et pour toutes les puissances, et à cette politique de
l'avenir, au triomphe de ces idées. Je ne les crois neutralité et d'abstention qui vous a été exposée
opportunes ni pour aujourd'hui ni pour demain. A tout récemment et que vous avez confirmée par
quelque époque qu'elles dussent prévaloir, elles votre approbation unanime.
n’engendreraient que le désordre et l'abaissement
de la France. Je ne veux ni en tenter l'application Sur ce point, aucune différence d'opinion ne
moi-même, ni en faciliter l'essai à mes s'élève entre les partis. Ils veulent tous le même
successeurs. but par le même moyen. Le nouveau ministère
pense exactement comme l'ancien, et pour bien
Tant que je serais dépositaire du pouvoir j'en attester cette conformité de sentiment la direction
ferais usage dans toute l'étendue de ses limites
politique étrangère est restée dans les mêmes
légales, pour m'opposer à ce que je regarde mains.
comme la perte de mon pays.
Si quelques imprudences de parole ou de presse
Mais je suis convaincu que ce pays pense comme compromettaient cette accord que nous voulons
moi. Ce n'est pas le triomphe de ces théories qu'il tous, s'emploierais, pour les réprimer, les moyens
a voulu aux élections dernières. Ce n'est pas ce que la loi met en mon pouvoir et, pour les
que lui ont annoncé ceux —c'étaient presque tous prévenir, je fais appel au patriotisme qui, dieu
les candidats— qui se prévalaient de mon nom et merci, ne fait défaut en France à aucune classe de
se déclaraient résolus à soutenir mon pouvoir. S'il citoyens.
était interrogé de nouveau et de manière à
prévenir tout malentendu, il repousserait, j'en suis Mes ministres vont vous donner lecture du décret
sûr, cette confusion. qui, conformément à l'article 2 de la loi
constitutionnelle du 16 juillet 1875, ajourne les
J'ai donc dû choisir, et c'était mon droit constitu- chambres pour un mois.
tionnel, des conseillers qui pensent comme moi
sur ce point qui est en réalité le seul en question.
"Le Président de la République française, Fait à Versailles, le 18 mai 1877
Vu l'article 2 de la loi du 16 juillet 1875,
Maréchal de Mac-Mahon
Décrète :
Art. premier — Le Sénat et la Chambre des Duc de Magenta
Députés sont ajournés au 16 juin 1877.
Art. 2. — Le présent décret sera porté au Sénat
par le Président du Conseil et à la Chambre des
Députés par le Ministre de l'intérieur.
Je devais (…) vous mettre en garde contre certains bruits qui ont été répandus et dont on alimente la basse presse,
à savoir que si le suffrage universel dans sa souveraineté, je ne dirai pas dans la liberté de ses votes, puisqu’on fera
tout pour restreindre cette liberté, mais dans sa volonté plénière, renomme une majorité républicaine, on n’en tiendra
aucun compte. Ah ! tenez, Messieurs, on a beau dire ces choses ou plutôt les donner à entendre, avec l’espoir de
ranimer par là le courage défaillant de ses auxiliaires et de remporter ainsi la victoire : ce sont là de ces choses qu’on
ne dit que lorsqu’on va à la bataille ; mais, quand on en revient et que le destin a prononcé, c’est différent ! Que dis-
je, le destin ? Quand la seule autorité devant laquelle il faut que tous s’inclinent aura prononcé, ne croyez pas que
personne soit de taille à lui tenir tête. Ne croyez pas que quand ces millions de Français, paysans, ouvriers,
bourgeois, électeurs de la libre terre française, auront fait leur choix, et précisément dans les termes où la question
est posée ; ne croyez pas que quand ils auront indiqué leur préférence et fait connaître leur volonté, ne croyez pas
que lorsque tant de millions de Français auront parlé, il y ait personne, à quelque degré de l’échelle politique ou
administrative qu’il soit placé, qui puisse résister. (Vive approbation.)
Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se soumettre ou se
démettre. (Double salve d’applaudissements. - Bravos et cris répétés de : Vive la République ! Vive Gambetta !)
Lille, 15 août 1877, in Discours et plaidoyerspolitiques de M. Gambetta, éd. J. Reinach, Paris, Charpentier, t. 7, 1883, p.
Messieurs les Sénateurs, juge sans appel, et ne saurait être érigé en système
de gouvernement. J'ai cru devoir user de ce droit
Messieurs les Députés,
et je me conforme à la réponse du pays.
La Constitution de 1875 a fondé une République
Les élections du 14 octobre ont affirmé, une fois parlementaire en établissant mon irresponsabilité,
de plus, la confiance du pays dans les institutions tandis qu'elle a institué la responsabilité solidaire
républicaines. et individuelle des ministres.
Pour obéir aux règles parlementaires, j'ai formé Ainsi sont déterminés nos devoirs et nos droits
un cabinet choisi dans les deux chambres, respectifs. L'indépendance des ministres est la
composé d'hommes résolus à défendre et à condition de leur responsabilité. Ces principes,
maintenir ces institutions par la pratique sincère tirés de la Constitution, sont ceux de mon
des lois constitutionnelles. gouvernement.
L'intérêt du pays exige que la crise que nous
traversons soit apaisée : il exige avec non moins
de force qu'elle ne se renouvelle pas.
L'exercice du droit de dissolution n'est, en effet,
qu'un mode de consultation suprême auprès d'un
Doc. 6 : Message du Président Jules Grévy au Sénat du 6 février 1879
M. Waddington, ministre des affaires étrangères, président du conseil. Messieurs les
sénateurs, je vais avoir l’honneur de lire au Sénat le Message de M. le président de la
République :
- Messieurs le sénateurs,
Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte
contre la volonté nationale, exprimée par ses organes constitutionnels. (Vive approbation sur
les mêmes bancs.)
Dans les projets de lois qu’il présentera au vote des Chambres et dans les questions soulevées
par l’initiative parlementaire, le Gouvernement s’inspirera des besoins réels, des vœux
certains du pays, d’un esprit de progrès et d’apaisement ; il se préoccupera surtout du
maintien de la tranquillité, de la sécurité, de la confiance, le plus ardent des vœux de la
France, le plus impérieux de ses besoins. (Très-bien ! à gauche et au centre.)
Dans l’application des lois, qui donne à la politique générale son caractère et sa direction, il se
pénétrera de la pensée qui les a dictées, il sera libéral, juste pour tous, protecteur de tous les
intérêts légitimes, défenseur résolu de ceux de l’État. (Nouvelle approbation.)
Dans sa sollicitude pour les grandes institutions qui sont les colonnes de l’édifice social, il
fera une large part à notre armée, dont l’honneur et les intérêts seront l’objet constant de ses
plus chères préoccupations. (Très-bien ! très-bien !)
Tout en tenant un juste compte des droits acquis et des services rendus, aujourd’hui que les
deux grands pouvoirs sont animés du même esprit, qui est celui de la France, il veillera à ce
que la République soit servie par des fonctionnaires qui ne soient ni ses ennemis, ni ses
détracteurs. (Applaudissements à gauche.)