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Le béton auto-cicatrisant

4 minutes de lecture
Par Bouygues Construction, 
25 septembre 2020
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Gels, champignons ou bactéries, plusieurs pôles de recherche


dans le monde travaillent sur des procédés proactifs de béton
auto-cicatrisant, en anticipant les fissures dès la conception ou
la mise en place du béton
La fissuration du béton est un phénomène courant qui intervient pour diverses
raisons : la nature de sa composition, son temps de séchage, les efforts de traction
appliqués ou les vibrations pour n’en citer que quelques-uns. Les fissures sont
acceptables dans la mesure où elles ne remettent pas en cause la stabilité et la
durabilité de l’infrastructure. L’utilisation de polymères permet de reboucher les
fissures et redonner de la résistance au matériau, notamment si on ajoute un produit
anticorrosif qui vient limiter la corrosion des armatures.

On s’aperçoit que des constructions byzantines (IVème siècle ap. J.C) comme la
Sainte-Sophie à Constantinople ou des constructions romaines contiennent des
cristaux résultant de réactions chimiques causées par des silicates de calcium et de
l’eau, évitant ainsi l’agrandissement des fissures un certain moment après la mise en
service du bâtiment. Ce phénomène d’auto-cicatrisation du béton n’est donc pas
nouveau et provient soit de l’hydratation du ciment résiduel soit de la carbonatation
(piégeage du CO2 ambiant). Cependant, cela ne peut concerner que des fissures
relativement petites de quelques dixièmes de millimètres.

Plusieurs pôles de recherches travaillent depuis ces dernières années sur des
procédés de béton auto-cicatrisant, aussi appelé béton auto-réparant ou auto-
régénératif. Les pistes de solutions reposent sur l’exploitation de bactéries, de
champignons ou de gels.

Les solutions
L’utilisation de bactéries est une solution pour favoriser cette auto-cicatrisation.
L’idée est de produire du carbonate de calcium par des bactéries ou des micro-
organismes et un bouillon nutritif. L’idée n’est pas nouvelle, car cette bio-
minéralisation est utilisée depuis une vingtaine d’année pour le traitement de la pierre
par la société Amonit sous la forme de patch : le Café de la Paix ou la Chambre de
Commerce de Toulon ont déjà été traitées il y a plus de 10 ans avec du béton auto-
cicatrisant.

L’idée ici est de l’intégrer au béton lors de sa fabrication afin qu’il ne s’active que lors
de l’apparition d’une fissure. Depuis une dizaine d’année, la recherche s’anime sur ce
sujet. Des articles récents font état d’une équipe de chercheurs de l’université de
Colorado travaillant sur l’intégration de la photosynthèse au béton. Le principe
consiste en l’introduction de bactéries dans le béton, pour capter la lumière et le
dioxyde de carbone présents dans l’air afin de produire du carbonate de calcium. Ce
« béton vivant » serait une manière de colmater les fissures du béton mais cette piste
nécessite de nombreux ajustements comme la durée de vie des bactéries et les
capacités physiques du béton par exemple.

D’autres équipes de chercheurs exploitent le potentiel des bactéries évoqué plus


haut. A l’université de Delft, des recherches ont été menées sur l’incorporation de
bactéries et de lactate de calcium dans des capsules d’argile, intégrées comme
granulats dans la fabrication du béton. Les capsules se fissurent en même temps
que le béton et provoquent l’activité bactérienne, à l’origine de la production de
carbonate de calcium venant colmater les fissures. Auto-cicatrisant !

Dans la même lignée, des chercheurs des Etats de New York et du New Jersey
travaillent sur l’implémentation dans le béton de champignons. Comme les bactéries,
ils réagiraient à l’eau et l’oxygène apportés lors de la fissuration du béton et
produiraient du carbonate de calcium qui viendraient boucher les fissures.

Lire aussi : Du béton tricoté


Mise en pratique et concrétisation sur le marché
Le principe développé par les chercheurs de l’Université de Delft a été testé à partir
de 2011 et s’est concrétisé par un produit pour béton auto-cicatrisant, en
collaboration avec l’Université. La solution commercialisée par la startup
néerlandaise Basilisk peut être utilisée sur des structures existantes ou nouvelles.
Elle peut réparer les fissures jusqu’à 0,8mm de large sur les infrastructures déjà
existantes et a notamment été testée sur un parking à Apeldoorn aux Pays-Bas.
D’autre part, l’utilisation sur les nouvelles infrastructures permet de prévenir les
fissures jusqu’à 1mm de large, une fois la solution mélangée au reste des
constituants du béton lors de la préparation du béton. Ce procédé a été utilisé pour le
projet de construction de bassin d’eau en béton, dans le port de Rotterdam en 2017.

En Belgique, un test récent à échelle réelle a été effectué sur un principe similaire
dans la dalle de couverture d’un regard de visite en béton. La solution
autocicatrisante à base de bactéries a été ajoutée dans la bétonnière avant coulage.
Si les résultats obtenus dans le laboratoire sont encourageants, il est trop tôt pour
que les chercheurs belges puissent tirer des conclusions sur l’application de cette
méthode. En effet, si les conditions sont réunies pour une bonne auto-cicatrisation, le
béton n’avait pas encore fissuré lors d’une inspection un an après. Cependant, c’est
un pas important pour convaincre les acteurs de la construction de l’intérêt de la
méthode d’auto-cicatrisation du béton, d’autant plus que les solutions se multiplient.

Si les retours d’expériences d’application à taille réelle de ce béton auto-cicatrisant


sont peu nombreux, c’est également parce que le coût de cette méthode est
conséquent. A ce jour et d’après les estimations de la startup néerlandaise, il faudrait
doubler le prix au mètre cube par rapport à un béton classique. Il est également
difficile de savoir à partir de quelle taille de fissure le procédé n’est plus opérant, et
quelle continuité mécanique offre cette auto-réparation. A défaut, elle assurerait un
rôle de protection vis-à-vis de la durabilité. Un sujet délicat est également la
résistance des capsules notamment dans les phases de malaxages du béton qui
peuvent les casser et donc altérer ou annuler l’efficacité de la solution.

Sur le même sujet, des chercheurs s’intéressent à des polymères sous la forme de
gels qui une fois intégrés à des matériaux, absorberaient le CO2 de l’air ambiant pour
se renforcer et se solidifier. Ils ne sont aujourd’hui pas assez résistants pour être
considérés comme des matériaux de construction. Les recherches se poursuivent…

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