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En quoi l’emploi de la terre crue concilie la culture et le social, l’écologie et l’économie, piliers du développement
durable ?
Les professionnels de la filière construction en terre crue ne sont guère nombreux en France. Mais,
depuis des années, ils remuent ciel et terre pour tenter de sauvegarder des savoir-faire qui se perdent,
revaloriser le premier matériau de construction de l’histoire, moderniser son image et faire reconnaître ses
nombreux atouts pour les bâtiments de demain. Nous souhaitons démontrer au travers de notre mémoire «
La construction en terre crue » les avantages d’un matériau aujourd’hui resté mystérieux dans notre pays,
alors qu’environ 20% des biens architecturaux et urbains classés au patrimoine mondial de l’UNESCO sont
des ouvrages en terre.
Ainsi ce mémoire vise à revendiquer la valeur universelle des architectures de terre à la fois comme
patrimoine et comme solution contemporaine incontournable pour un futur « éco-responsable ».
Chapitre1 : A la rencontre d’un patrimoine mondiale Sur les traces de François Cointereaux, Hassan Fathy, André Accetta,
Martin Rauch, le groupe CRAterre, pour ne citer qu’eux, nous
Chapitre 2 : Les atouts physiques de la terre souhaitons démontrer au travers de notre mémoire « La construction
en terre crue » les avantages d’un matériau aujourd’hui resté
Chapitre 3 : « Habiter la terre », un manifeste pour le droit mystérieux dans notre pays, alors qu’environ 20% des biens
de construire en terre crue architecturaux et urbains classés au patrimoine mondial de l’UNESCO
sont des ouvrages en terre.
Chapitre 4 : Regards sur la construction terre en France et
dans le monde Ainsi ce mémoire vise à revendiquer la valeur universelle des
architectures de terre à la fois comme patrimoine et comme solution
Conclusion contemporaine incontournable pour un futur « éco-responsable ».
* Les travaux de fouilles ont été dirigés par Madame Danielle Stordeur, du Centre National de CONSTRUIRE EN TERRE CRUE
Recherches Scientifiques en France. Europe et Environnement NOVEMBRE 2010
APERCU HISTORIQUE / ARCHITECTURES DE TERRE Julien COULOMBEL Mylène DUQUENOY Olivier TERRONES
Chogha Zanbil est un centre religieux du royaume
élamite dans la province du Khuzestan. On y trouve
notamment une des seules ziggurats dont les ruines
aient été préservées jusqu’à aujourd’hui en dehors de
Mésopotamie (l’autre étant Sialk).
En 1979, Chogha Zanbil est devenu le premier site
iranien à être inscrit au Patrimoine mondial de
l’UNESCO.
Le monument le plus imposant est une superbe
Chogha Zanbil - Khuzestan
ziggourat qui pourrait ne pas être construite de la
même façon que celles de Mésopotamie : au lieu de
terrasses superposées, on se trouve en présence de
quatre étages emboîtés verticalement, méthode qui
n’a pas été repérée ailleurs.
Une ziggourat, ou ziggurat, est un édifice religieux
mésopotamien à degrés constitué de plusieurs ter-
rasses supportant un temple construit à son sommet.
En Chine, les première constructions en terre crue n’étaient autres que des habitats
troglodytes, creusés dans la terre (il y a 7000 ans). Puis l’habitat sort un petit peu de
terre, et les fortifications en terre battue font leur apparition (il y a 3500 ans). Avec la
dynastie des Han apparaissent les premières fortifications en pisé. Cette tradition du
pisé perdure, on connaît en particulier les habitats des Hakkas, constitués d’une
enceinte massive de pisé à l’intérieur de laquelle une vraie petite ville s’installe, et dont
quelques exemples seraient encore habités. Le pisé est toujours utilisé pour la
construction.
Il n’y a qu’une seule porte dans l’enceinte qui peut atteindre plusieurs mètres d’épaisseur.
Les cloisons en briques ou en pierres empêchaient le feu de se propager dans l’ensemble
du bâtiment. Au centre d’un Tulou se trouve une cour, qui équivaut à la place du village.
Les maisons rondes de 4 étages mesurent plus de 10m de haut (les plus grandes font près
de 20 m) et ont un diamètre pouvant atteindre 77 mètres. Grâce à l’épaisseur de leurs murs
de 1,5 m, fait de terre battue séchée et de briques, il y fait frais en été et doux en hiver.
Il faudra attendre le Siècle des Lumières pour observer un retour progressif à des
habitats massifs en terre crue (pisé, bauge). Ce renouveau est sans aucun doute dû à
François Cointeraux, qui écrira plus de 70 fascicules (dont une bonne partie traduits et
diffusés sur toute la planète) sur le sujet du pisé. Ce retour en force de la terre crue
concerne donc non seulement l’Europe mais le monde entier. La terre crue continuera
à être utilisée jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, puis sera abandonnée
pour des solutions plus rapides à mettre en œuvre, dans l’urgence de la
reconstruction.
L’intérêt porté aujourd’hui au matériau dans certains pays européens (Allemagne, Pays-
Bas, Danemark, France depuis peu) date du début des années 1980.
Aujourd’hui plus d’un tiers de la population de notre planète habite des constructions de
terre.
Le matériau « roche-mère » de base peut être dur (granit, schiste, grès…), tendre
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précise ses caractéristiques physique, chimique et biologique. A : Couche de sol de surface (« éluvial »), composée de matières organiques, plus
ou moins mixte et mélangée aux minéraux (pauvre en argiles et oxyde de fer). Cette
couche est généralement brune à noire. Il s’agit de la « terre végétale », celle utilisée
pour nous nourrir, et non pour construire !
Selon le climat (pluvieux ou sec), la perméabilité du sol, ou le type d’humus présent,
les éléments solubles migrent respectivement vers le bas (lessivage) ou vers le haut B : Couche de sous-sol : (horizon « illuvial »), riche en fer, oxydes (fer et aluminium),
(enrichissement des couches supérieures). Cette migration des éléments va créer argiles et colloïdes. Granulométrie variée (voir c.) C’est la matière pour construire.
des couches plus ou moins homogènes successives et différenciées appelées «
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C : Couche matériau originel en début de décomposition (roches en début de « pour-
rissement »)
On distingue ainsi des sols « peu évolués » (jeunes), qui sont peu différenciés de la
roche mère (souvent un seul horizon), et des sols « évolués », profonds, avec une Puis : Roche mère.
succession d’horizons lessivés et enrichis.
CONSTRUIRE EN TERRE CRUE
Europe et Environnement NOVEMBRE 2010
LES ATOUTS PHYSIQUES DE LA TERRE Julien COULOMBEL Mylène DUQUENOY Olivier TERRONES
c. Les grains, granulométrie
La terre est constituée de grains de différentes tailles, qui ont
été arbitrairement classés selon les catégories suivantes :
Cailloux : entre 20 cm et 2 cm
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1 : Terre à Pisé
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3 : Terre à Torchis
4 : Terre à Enduit
5: Terre impropre à la construction
(voir plus loin “Procédés constructifs en terre crue”)
Tout le monde aura remarqué que les terres ont des comportements et des tenues
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La base de cette diversité de comportement est liée aux « vides » présents dans
toute structure en terre. En effet, entre les grains, il existe toujours des interstices,
généralement plus ou moins remplis d’air ou d’eau. Le terre est donc un matériau
« triphasique », c’est à dire composée de trois phases que sont les phases solide,
liquide et gazeuse. En fonction des différents états de ces trois phases, la terre est
classée selon les cas ci-après :
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D’une manière générale, on cherche toujours à remplir au maximum les « vides » Les phénomènes mis en œuvre dans un tas « sec » de grains, sont d’ordre phy-
avec des grains, ceci pour permettre de donner plus de « résistance » à l’ensemble. sique et mécanique. Il s’agit de phénomènes de forces de contact et de frottement.
Dans l’idéal, une répartition « fractale » des tailles de grains dans un tas donnerait Dans ces phénomènes, trois sont intéressants à comprendre pour interpréter le fonc-
une cohérence parfaite. Mais ceci n’est pas évident à réaliser dans la réalité, et un tionnement du « squelette » des structures en terre. Ce sont les phénomènes d’angle
tas de terre non compacté comprend environ 50% de vides ! il faut tout de même
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comprendre que plus la variété des tailles de grains est grande, plus le matériau est
compact.
CONSTRUIRE EN TERRE CRUE
Europe et Environnement NOVEMBRE 2010
LES ATOUTS PHYSIQUES DE LA TERRE Julien COULOMBEL Mylène DUQUENOY Olivier TERRONES
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Tout le monde aura remarqué que l’angle d’un tas qu’on réalise en faisant couler
le sable reste constant. Cet angle dépend du type de sable considéré, et est ap-
pelé angle de repos. Lorsque l’angle augmente, la pente devient instable. L’angle
d’avalanche est celui à partir duquel, les grains roulent les uns sur les autres pour
dévaler la pente, et retrouver ainsi l’angle de repos. Ces angles sont caractéristiques
des grains qui constituent le tas.
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? Tout enfant le sait (ou l’apprend vite !), impossible de réaliser
le moindre pâté avec du sable sec ! Il en est de même avec
Dans un ensemble de grains, les transmissions des efforts par contact et frottements se font de manière n’importe quel mur en terre : le facteur eau est fondamental.
très particulière. Les chaînes de force se mettent en place au grès du hasard, et il y a des zones où les Mais quels sont les phénomènes en jeu du point de vue des
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grains (sans étudier l’argile) ?
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En fait, l’eau agit comme une colle sur les grains ! Lorsqu’on hu-
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comprimés par passes de petites épaisseurs (on remarquera que la partie supérieure de la couche est sous un phénomène connu appelé « pont capillaire ».
toujours plus compacte que la partie inférieure).
Pont Capilaire
Il faut préciser que ce phénomène est possible car le sable (et les grains de la terre)
est hydrophile, et donc « cherche le contact » avec l’eau.
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pas pour créer le « pont capillaire » et donc la cohésion d’un tas de grains (de « sable
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l’interface air-eau. Donc, l’eau est une colle, s’il y a aussi de l’air ! C’est pour cette
raison qu’il existe pour tout type de grain ou de granulométrie, une proportion eau/air/
grain optimum pour lequel la cohésion est la meilleure.
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du tout sphéroïdes. Les argiles ont des formes très variées (voir
photos au microscope), mais elles ont toutes la caractéristique
d’être constituées de feuillets multiples et à différentes échelles
de décomposition.
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entre les micelles / feuillets d’argiles entre eux et avec les au-
tres grains, la cohérence globale de la terre est donc assurée
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Les argiles en tant que matières colloïdales ont des propriétés retrait après séchage de celles-ci.
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la propriété de gon- ment en milieu salé (voir partie 4).
4 de manière assez spectaculaire. Cette propriété est liée aux
forces d’ « osmose », qui font s’éloigner les plaquettes d’argiles
les unes des autres en cas de mélange à de l’eau non salée
basique (nous verrons plus loin les effets de l’acide ou du sel).
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Explication du phénomène d’osmose s’évapore, le retrait est beaucoup plus importatnt pour la smectite.
Cet effet géométrique limite « l’affaissement » des boues d’argiles (voire évite
la sédimentation dans le cas de mélange avec d’autres grains, de sable par
exemple), et laisse une ensemble cohérent et stable, gorgé d’eau : il s’agit bien
là d’un gel.
Or, si cette belle géométrie est détruite par une action extérieure (mécanique),
l’ensemble s’affaisse pour redevenir une boue. Si on laisse à nouveau cette
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C’est cet effet particulièrement agréable qui est apprécié par ceux qui mettent
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sous-tend.
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Il s’agit soit de manipuler la terre pour vider au maximum l’air présent (il ne s’agit pas juste de tasser, mais bien de triturer pour
rendre plus homogène, puis de comprimer), soit de remplir les vides avec d’autres grains (il s’agit de travailler sur la granulométrie
et la texture de la terre).
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Il s’agit d’introduire dans la terre une armature qui va s’opposer aux mouvements naturels de la terre (sous la compression, la trac-
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etc…
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Il s’agit de créer une matrice inerte qui est en partie composée avec les argiles. Cette matrice est traditionnellement réalisée par
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lants. La réaction est participative avec les argiles.
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Il s’agit là de réaliser une matrice inerte indépendante des argiles. On réalise une cimentation à travers les vides de la terre. Le
principal stabilisant utilisé est le ciment Portland, mais on peut obtenir le même genre de résultat avec des colles, des résines ou du
sel de silicate de sodium. La réaction permet une stabilisation qui ne s’appuie ensuite que sur le squelette (sable principalement),
et sans rapport avec les argiles.
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de salinité de l’eau ou de son acidité ont Le pisé permet de réaliser des murs épais et plutôt rectilignes, mais les techniques de coffrage peuvent permettre des formes
des effets très importants sur la stabilité plus courbes ou originales.
des argiles (voir chapitre 4 – prospective).
Ces phénomènes sont parfois la cause de
grave liquéfaction de terres (et d’instabilité
de constructions) sous l’effet du lessivage =&
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emples d’argiles qui ont été constituées en arcs et coupoles peuvent être réalisées en adobe.
milieu marins).
e. Torchis
de la paille).
g. Enduit
Les enduits de terre ne sont pas des procédés
« constructifs » en soi, mais sont des applica-
tions les plus élémentaires et simple du matériau
dans un bâtiment. Les qualités des enduits de
terre sont sa grande facilité d’application (beau-
coup plus aisé que les autres enduits chaux, ci-
ment ou plâtre) et sa grande variété de couleurs
ou de matières.
Cette propriété n’est pas anodine, car elle peut être une qualité comme un défaut, notamment pour de qui est de la
thermique (voir b.).
Par ailleurs, la terre peut atteindre de très hautes performances lorsqu’elle est traitée (stabilisée à la chaux et auto-
clavée par exemple), pouvant atteindre une résistance jusqu’à 2000 Bar (200 MPa). En comparaison, les résistances
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Il est vrai cependant que le terre crue proche de l’état naturel (terre paille, adobe traditionnelle etc…) ont des résis-
tances allant plutôt de 20 Bars à 75 Bars (2 MPa à 7,5 MPa). Les BTC classiques stabilisés au ciment ou en terre-
chanvre dépassent les 120 Bars (12 MPa) .
Mais il faut à tout prix replacer le matériau à son usage : pour construire des logements à R+1, 2 ou 3, les descentes
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à 120 Bar, ce qui est tout à fait compatible avec les caractéristiques des éléments précités.
Une des autres qualités exigée au matériau terre et qui suscite souvent la crainte, est sa résistance à l’eau. Dans
ce domaine, les essais en laboratoire ne concordent pas toujours avec la réalité. Force est de constater la grande
durabilité de la terre (ouvrages existants anciens), alors que les essais prédisent une faillite du matériau très rapide.
Certainement que les essais (à l’échelle d’une brique ou d’un « tas » par exemple) ne prennent pas en compte l’aspect
global de la construction en terre (les « bottes et le chapeau » par exemple !), les modes constructifs etc…
Minaret de la mosquée
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Shibam)
hauteur : 53 mètres
construction en terre la plus
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élévée au monde
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de cas.
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La terre possède une inertie thermique réputée, mais celle-ci n’est pas
forcément la panacée. En effet, la terre n’est pas très isolante, et sa ca-
pacité thermique est très inférieure à celle du béton plein à volume égal
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l’échelle nanométrique entre les plaquettes d’argile peut se vaporiser ou se condenser à température ambiante ! il s’agit là encore
de tirer partie des phénomènes étonnant de condensation capillaire !
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Ceci dit, pour que l’échange puisse se faire au maximum, il faut que « beaucoup » de surface de terre soit en contact avec l’air,
ce qui n’est pas encore le cas dans les briques et bétons ordinaires (Voir Chapitre 4 – prospective).
Par ailleurs, la qualité hygrothermique de l’air dans une ambiance dont les parois sont en en terre crue est un paramètre impor-
tant, comme le précise un fabricant de brique en terre crue :
« La brique terre crue est un régulateur hygrothermique : Elle peut absorber jusqu’à 3% de son poids en vapeur d’eau (évolution
de sa teneur en eau de 4% à 7%, ce qui permet d’avoir une inertie “ hydrique “ non négligeable en ce qui concerne le confort). Un
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En terme d’ordre de grandeur, on constate par exemple qu’avec seulement 10 m2 de ce matériau en contact avec l’air, l’humidité
produite par une famille de 4 personnes pendant 15 jours (entre 110 litres et 150 litres) peut être absorbée ( !). Cette capacité
est un atout majeur de régulation de l’ambiance en terme d’humidité relative de l’air (devant rester comprise entre 30 et 70 %).
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tiques, selon les mises en œuvre (terre-paille, terre-chanvre, adobes et BTC avec différents « ajouts »…). On peut ainsi moduler
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e. Normes et standards
Pour conclure sur les caractéristiques et usages de la construction en terre crue, il faut préciser que contrairement à ce que l’on croit
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matériau terre conserve encore un grand nombre de secrets, et est plein
de promesses. Nous allons dans les sous-chapitres suivant dégager
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quelques pistes de prospectives sur ce merveilleux matériau qu’est la
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terre.
atomes, molécules, ou entre une molécule et un cristal, qui s’explique de manière correcte par
la physique quantique). Cette force d’échelle moléculaire, présente dans toute matière et en par-
ticulier dans les feuillets d’argiles, a tendance à « rapprocher » les molécules entre elles, et elle
a. La terre, climatiseur naturel augmente plus les molécules sont proches.
Jusqu’à aujourd’hui, les constructeurs en terre se sont rarement intéres- Dans un liquide argileux « sans sel », ces forces sont bien moins intenses que les forces os-
sés à l’eau de gâchage. motiques. Mais lorsque la concentration en sel augmente, les cations sont très présents, et la
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différence relative de concentration de cations entre -les zones entre feuillets- et –les zones exté-
l’eau et / ou de son acidité, il faut expliquer rapidement quelles sont les
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forces et phénomènes en jeu, notamment le phénomène d’osmose. de l’osmose, et la feuillets se rapprochent, ce qui créé des agglomérats et de l’hétérogénéité dans
l’argile.
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L’argile piège alors plus d’eau dans la matière (dans des vides plus “gros” et non plus entre les
l’échelle des feuillets d’argile, qui sont naturellement chargés négative-
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négatives des feuillets, ce qui créer une sur-concentration entre deux formation d’agrégats créé une porosité dans le mélange, qui en séchant devient moins résistante.
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osmotique de l’argile.
CONSTRUIRE EN TERRE CRUE
Europe et Environnement NOVEMBRE 2010
LES ATOUTS PHYSIQUES DE LA TERRE Julien COULOMBEL Mylène DUQUENOY Olivier TERRONES
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atomes d’Oxygène), et ainsi les plaquettes sont chargées positivement sur les bords. Les
faces restant négativement chargées, les bords des plaquettes sont attirées par les faces,
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ment électrostatique.
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gâchage a des effets importants sur la consistance des argiles, avec la même
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séchage) serait une ouverture sur des usages nouveaux de la terre crue !
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est de disperser la poudre de ciment (ou autre) qui a tendance comme l’argile
à créer des agrégats qui pièges l’eau d’une « mauvaise » manière (porosité).
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» qui lui donne une texture « yaourt », plus facile à manipuler. On sait que
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ante. (Voir 1.f.).
L’argile présente dans la terre est très généralement dans un état agrégé,
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L’usage de soude dans un béton d’argile limite l’usage d’autre produits stabi-
lisants.
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ants sont issus de l’industrie du pétrole (ce sont des polymères), et contien-
nent souvent des formaldéhydes ou des naphtalènes, ou d’autres COV, on
est en droit de se poser la question de l’utilisation mesurée de ces produits ? CONSTRUIRE EN TERRE CRUE
Europe et Environnement NOVEMBRE 2010
LES ATOUTS PHYSIQUES DE LA TERRE Julien COULOMBEL Mylène DUQUENOY Olivier TERRONES
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Il est intéressant de voir qu’au niveau des réactions chimiques, la réaction (dite « pouzzolanique ») qui produit le ci-
ment Portland moderne (Chaux + argiles cuites), et la réaction de la chaux sur les argiles crues est la même : elles
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Pour revenir sur les stabilisants de la terre, la stabilisation à la chaux (interaction directe de la chaux sur l’argile) est
donc beaucoup plus lente que la stabilisation au ciment (squelette dissocié des argiles). Dans les deux cas, une én-
ergie très importante est nécessaire à la « préparation » de la chaux, et dégage une grande quantité de CO2 dans
l’atmosphère.
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tion de nouveaux « ciments » et par extension de stabilisation de la terre.
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sodium ou potassium (soude caustique ou potasse), qui réagissent très bien avec les pouzzolanes (donc l’argile).
Les réactions se font à basse température, mais le grand risque est l’utilisation sur chantier de bases très agressives,
dangereuses et potentiellement polluantes.
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Il est assez étonnant de constater que le nature produit d’elle-même des ciments au travers de différents organismes
: de la coque de l’œuf de poule, aux diatomées en passant par les coccolithes, on voit que la synthèse de ciment
(à base de calcaire et silice) à basse température est possible. Il ne paraît peut-être pas si aberrant d’exploiter ces
organismes, notamment certains organismes unicellulaires, pour fabriquer des bio-ciments, avec une énergie bien
moindre, et peut émettrices de CO2.
Il faut savoir que la moitié de l’humanité vit sur des « Latérites » (ou Plinthites selon les dénominations).
Ce sont des sols de type argileux, très riches en oxyde de fer II, qu’on retrouve beaucoup sur les terres
émergées des zones tropicales (en tout 1/3 des surfaces émergées sur Terre sont recouverts de latérites).
Ces terres, exposées à l’air, font réagir les oxydes de fer II, qui s’oxydent en oxyde de fer III. Par ce pro-
cessus, la terre se durcit très fortement, et de manière naturelle. Ce monde d’induration de la terre est à
étudier de près pour les pays tropicaux.
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La recherche va bon train aujourd’hui sur les associations entre des produits d’origine animale ou végétale
et des éléments minéraux, et notamment la terre et les argiles.
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l’argile !
En effet, il existe de nombreuses entreprises, usines, matériels, process dans le monde qui ont
depuis longtemps (25 ans pour les blocs comprimés) passé le pas vers l’industrialisation.
qui est encore aujourd’hui trop souvent considérée de manière trop simpliste et sans développe-
ment possible.
Nous l’avons vu dans les chapitres précédents, la terre crue est un domaine de recherche particu-
lièrement fertile, en particulier dans les recherches sur son association avec d’autres matériaux
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Le secteur technique de la construction en terre crue est en pleine mutation et est en plein accord
avec les logiques écologiques qui doivent guider nos sociétés contemporaines.
La terre est toujours présente dans l’architecture contemporaine. Depuis onze millénaires, l’humanité fait preuve d’une étonnante
capacité à bâtir en terre crue, depuis les simples habitations jusqu’aux
Concurrencée par l’afflux des matériaux de construction palais et aux villes entières. Aujourd’hui, dans des contextes et des
industrialisés depuis 1945, la terre crue a largement perdu de son territoires très variés, ce matériau de construction reste toujours le
importance dans les constructions urbaines et rurales en France. plus utilisé puisqu’un tiers de la population mondiale vit dans un
Elle n’en a pas pour autant disparu. habitat en pisé, briques d’adobe, torchis, bauge ou blocs comprimés.
Modestes ou monumentales, ces architectures sont présentes dans
Les techniques, les matériaux, l’outillage, le savoir faire dans 190 pays : elles témoignent d’une qualité de vie au quotidien et
le bâtiment se sont totalement transformés dans la seconde moitié d’innovations techniques qui mêlent étroitement savoir-faire et audace,
du XXe siècle. La terre crue a également évolué. Elle a suivi le art et virtuosité.
mouvement général de l’évolution de l’architecture : recherche d’une
mise en œuvre plus rapide, matériaux prêts à l’emploi, matériaux • Construire en terre, c’est repenser à la fois globalement et
aux qualités spécifiques plus poussées (thermiques, localement l’emploi des ressources de notre planète, en associant
acoustiques…). terre, eau et soleil dans un véritable défi technique, culturel, social,
économique et environnemental.
Par contre la terre crue se révèle imbattable dans un domaine • Construire en terre, c’est défendre le droit de mettre en œuvre
difficile et d’une urgente actualité : la construction respectueuse de un matériau de construction naturel et écologique, abondant,
l’environnement. Dans la recherche d’une architecture possédant de facilement disponible et accessible au plus grand nombre, afin de
réelles qualités environnementales, peu énergivore, en ressource permettre aux plus démunis de bâtir leur habitat « avec ce qu’ils ont
illimitée, ne produisant pas de déchets (la terre retourne à la terre), sous les pieds ».
l’architecture de terre crue se situe au premier rang avec le bois. • Construire en terre, c’est promouvoir les ressources locales,
à la fois humaines et naturelles, améliorer les conditions de vie,
valoriser la diversité culturelle et maintenir les systèmes d’entraide
sociale pour la construction et l’entretien du cadre bâti.
• Construire en terre, c’est employer un « béton naturel » qui
offre une réelle alternative écologique et économique face à des
matériaux et des procédés de production nocifs pour
l’environnement.
le village de KOUTABA:
L’immense chantier sera l’occasion d’apprendre et
de maîtriser des techniques modernes de
construction fondées sur l’amélioration du savoir-
faire traditionnel.
Gourna - Egypte
En 1945 l’architecte égyptien Hassan Fathy est chargé de construire Le village sera laissé à l’abandon, très dégradé, menacé de destruction,
un important village : Gourna, près de Louxor. faisant les frais de cette bureaucratie, mais Hassan Fathy écrira un
Après une étude de la société paysanne, de ses traditions, de ses livre “construire avec le peuple” qui reste une référence dans le
activités, de ses conditions de vie, Hassan Fathy proposera des domaine. Il réalisera près de 160 projets, non seulement en Égypte,
solutions révolutionnaires et construira un village d’une grande mais aussi en Iraq et au Pakistan.
beauté, un des plus grands lieux architecturaux du Tiers Monde
moderne. Il inventera une urbanisation humaine inspirée des Le 14 mars 2010, un programme de restauration du village de New
traditions locales, utilisera le matériau millénaire : la brique de boue, Gourna est lancé avec l’aide du Centre du Patrimoine mondial de
formera sur le chantier des paysans-maçons ; tout en luttant contre l’UNESCO.
une bureaucratie sceptique et corrompue.
En 1985, dans la ville nouvelle de l’Isle-d’Abeau, à 30 Trois hectares du site sont répartis en onze îlots que se partagent dix
kilomètres à l’est de Lyon, un quartier expérimental explore une voie équipes d’architectes sélectionnées sur concours. Celles-ci sont
de construction alternative pour des logements sociaux en déclinant novices dans la maîtrise d’une ressource mal connue, et les entreprises
le matériau terre sous toutes ses formes. Une aventure unique en qui vont les accompagner font également leurs premiers pas. Si
France, qui n’a toujours pas été réitérée aujourd’hui. Voilà près de l’opération est complexe, elle n’attire pas moins de soixante-douze
vingt-cinq ans naissait un quartier que certain qualifiait d’utopique : entreprises et bureaux d’études : un chiffre record pour un acte isolé
le Domaine de la Terre. Un ensemble de soixante-cinq logements dans le logement. Car l’enjeu est de former des architectes et des
sociaux composé de maisons individuelles et de petits collectifs artisans pour recréer une filière disparue. Forts de leur expérience,
disposés en flanc de colline. L’originalité du projet vient de son ils devront contribuer à diffuser très largement le matériau. Le
matériau de construction, la terre, qui n’avait jamais donné lieu à un Domaine de la Terre sera une vitrine destinée à lui redonner de la
projet d’une telle envergure en France. Le Domaine a été bâti sur les modernité. En 1985 et pendant quelques années qui suivent, les
hauteurs de Villefontaine, une commune qui fait partie de visiteurs affluent en effet du monde entier pour découvrir le quartier.
l’Isle-d’Abeau, ville nouvelle érigée en 1970 sur des terrains agricoles.
Cette urbanisation intensive ne déroge pas à la règle de l’époque où
le béton y régnait en maître -ce qui reste toujours d’actualité -.
Rauch est venu à la construction en terre glaise non par le compréhension technique et sa maîtrise s’aiguisent dans l’éducation
biais de l’architecture, mais par sa propre formation et des premiers à l’auto assistance. La rencontre avec des modes d’habitat et de vie
projets de céramiste et de sculpteur. Le travail immédiatement créatif anciens, en vigueur dans les pays pauvres, va de pair avec l’observation
sur la terre glaise et l’argile a donné à son développement une base des crises provoquées par la superposition de technologies coûteuses,
fortement émotionnelle en même temps que profondément technique. productrices de constructions lourdes à réparer, non recyclables,
Une des premières constructions en terre glaise de Rauch a été la telles que le monde développé en exporte. Ainsi son élan artistique
réalisation d’une machine outil, un four de cuisson de dimensions conserve-t-il des perspectives planétaires. La sculpture en argile fait
inusitées pour la production, à partir de pièces détachées en place à la construction en terre glaise. Carrelages et fours cèdent la
céramiques, de grandes céramiques avec et pour Maria Bilger. place à des modèles et des constructions d’ambitions plus vastes :
Le chemin qu’on a suivi ultérieurement montre de façon toujours on vise la transformation du terrain en un espace géométrique
plus accusée cette unité, devenue aujourd’hui très rare, entre le habitable.
producteur et le créateur.
Rauch s’intéresse tout particulièrement à la technique du pisé,
Comme quelques uns de ses confrères, il travaille pendant un procédé dans lequel, le matériau n’est pas recouvert
plusieurs mois en tant qu’assistant au développement en Afrique. ultérieurement d’un enduit ou rendu brillant. En laissant l’habitation
Cette étape renforce son sens social en même temps que sa en pisé sans crépi d’après des découvertes effectuées sur des
Le savoir faire est là, des pionniers comme Martin Rauch ont
travaillé dur pour le mettre au point, des réalisations pilotes ont réussi
à franchir les obstacles juridiques et pratiques. Le stade de l’alternative
est dépassé depuis longtemps. L’avenir s’ouvre devant le pisé
moderne !
Hopital Régional à Feldkirch en Autriche - 1993 -
MARTIN RAUCH Architecte
EARTH ARCHITECTURE
Ronald RAEL
BATIR en TERRE Editions Princeton Architectural press
Laetitia FONTAINE et Romain ANGER New York - 2009
Editions BELIN
Collection Cité des sciences et de
l’industrie - janv 2009
Revue
ECOLOGIK
N° 12- Dec 2009/ Janv 2010
TRAITE DE LA CONSTRUCTION EN TERRE
CRAterre
Editions Parenthèses - janv 2006
Revue
PATRIMOINE MONDIAL
N° 48- janv 2008