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Hygiène et sécurité Dr. S.

ZAIBET
Risques professionnels liés aux gaz et vapeurs anesthésiques

I. Introduction :
o L’anesthésie générale utilise souvent l’inhalation de gaz et/ou de vapeurs anesthésiques.
o L’usage de l’expression gaz anesthésiques implique l’utilisation du protoxyde d’azote : N2O qui ne
permet pas à lui seul de réaliser l’anesthésie.
o L’expression vapeurs anesthésiques correspond aux agents volatils halogénés autrefois éther,
chloroforme, actuellement halothane, isoflurane, enflurane, desflurane, sévoflurane.
o L’utilisation médicale du protoxyde d’azote (N2O) et des halogénés a pour conséquence la contamination
de l’air des sites où se pratique l’anesthésie et l’analgésie par inhalation
o Ces gaz et ces vapeurs sont appelés gaz anesthésiques résiduels (GAR) et peuvent présenter des risques
pour la santé des travailleurs exposés
o Rappelons qu’un médicament dangereux est un médicament ayant au moins l’un des effets suivants :
cancérogène, mutagène, tératogène, toxique pour un organe ou pour la reproduction.
o Le caractère contradictoire des études, la faiblesse méthodologique des premières enquêtes et surtout la
réduction du niveau d’exposition dans les blocs opératoires modernes ont conduit les experts à relativiser
les risques pour la santé.
o Néanmoins, les travailleurs doivent être conscients des risques associés à ces gaz surtout avec :
- L’augmentation importante de l’activité,
- L’augmentation relative de l’utilisation de l’anesthésie inhalatoire
- L’augmentation des actes courts tels les endoscopies ou les actes ambulatoires.
o II semble donc essentiel que ces actes se réalisent dans des conditions satisfaisantes notamment en
matière de sécurité et de qualité de l’air des locaux de travail.
o La concentration d’un gaz présent à l’état de traces dans l’air ambiant s’exprime en parties par million
(ppm) ou volume du gaz considéré par volume d’air [vol/vol]. Pour mémoire : 1 ppm = 0,0001 %.
II. Exposition professionnelle :
1. Les lieux et locaux :
o Au cours d'interventions médicales, les travailleurs de la santé œuvrant dans, différents secteurs peuvent
être exposés à des fuites de gaz anesthésiques au niveau de :
- blocs opératoires (salles d’opération et locaux annexes),
- salles d’endoscopie,
- salles de radiologie interventionnelle,
- salles d’lRM et scanner,
- salles d’exploration hémodynamique,
- salles de naissance,
- salles d’hospitalisation où sont réalisés des gestes douloureux,
- cabinets dentaires (pratique peu répandue en France),
- salles d’opération destinées aux animaux,
- locaux où sont entretenus les respirateurs et cuves à halogénés.
2. Comment l'exposition à des GAR survient-elle?
o Les travailleurs de la santé peuvent être exposés de multiples façons, aux différentes étapes du circuit du
médicament : entre autres :
 Bris à la réception des stocks à la pharmacie;
 Bris lors du transport dans l’établissement;
 Bris/déversement accidentel des gaz anesthésiques pendant le remplissage du vaporisateur,
particulièrement si les bouteilles ne sont pas munies d'un adaptateur de remplissage soudé intégré.
 Des fuites de gaz au cours du branchement initial
 Des fuites dans le système haute pression peuvent se produire entre la bouteille d'oxyde de
diazote (N2O) et le collet ou bien entre les sorties de la colonne de gaz anesthésiques et le tuyau de
N2O.
 Echappement des GAR au pourtour du masque d'anesthésie du patient (surtout si masque mal ajusté)
 Echappement des GAR au pourtour du tube endotrachéal ou du masque laryngé du malade si le
ballonnet n'est pas correctement gonflé ou si les dimensions du dispositif utilisé ne conviennent pas.
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 L'appareil d'anesthésie laisse échapper des gaz.
 Durant la vidange ou la purge du système à la fin d'une intervention médicale.
 Systèmes de ventilation ou de récupération des gaz inefficaces ou déficients.
 Certains tubes, ou joints d'étanchéité peuvent être défectueux.
 expiration des gaz anesthésiques pour inhalation par les patients en salle de réveil;

III. Connaissance du risque :


o Selon, le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) certaines études affirment que
l'exposition à long terme à de faibles concentrations de gaz anesthésiques résiduels n'ait aucun effet nocif
sur la santé,
En 2007 le NIOSH, a indiqué que l'exposition à des concentrations élevées de gaz anesthésiques résiduels
– même pendant une courte période – peut entraîner les problèmes de santé suivants (Céphalées,
Irritabilité, Fatigue, Nausées, Somnolence, etc.….
o Néanmoins, beaucoup de risques sont décrits dans plusieurs études :
A. Risque sur la fertilité :
o Peu de publications concernent spécifiquement les effets des gaz anesthésiques sur la fertilité
o Ces troubles de reproduction ne s’observent pas lorsque les locaux sont munis d’extracteurs des gaz 
o Aux faibles concentrations, l’enflurane (0,01 %) et l’isoflurane (0,1 %) n’ont pas d’effet sur la fonction de
reproduction ni d’effet mutagène
o Une baisse de la fertilité, évaluée par le nombre de cycles sans contraception nécessaire à l’obtention d’une
grossesse, est observée chez les jeunes femmes lorsqu’elles sont exposées plus de 5 heures par semaine à
des concentrations de N2O estimées élevées du fait de l’absence de dispositif d’extraction des gaz 

B. Risques d’avortement spontané


o Une étude (1967) établit une association possible entre un taux plus élevé d’avortements spontanés chez les
anesthésiologistes et l’utilisation de protoxyde d’azote (N2O), d’halothane et d’éther.
o Une méta-analyse de tous les articles publiés entre 1984 et 1992 a démontré un risque plus élevé
d’avortement spontané pour les mères qui étaient exposées à des gaz anesthésiques dans le cadre de leur
travail : quand les femmes travaillent plus de 3 heures par semaine en atmosphère polluée
o Malheureusement, plusieurs biais doivent être pris en compte, entre autres :
 Les mères étaient souvent co-exposées à plusieurs gaz anesthésiques pour inhalation, dont le protoxyde
d’azote.
 Les risques associés à ce gaz sont mieux connus et il est de moins en moins utilisé et souvent réservé à
l’induction; les études ont été réalisées alors que ce gaz était utilisé couramment.
o À de très faibles concentrations, l’halothane n’a pas d’effet significatif sur le taux des avortements

C. Risques d’anomalie congénitale


o Aux faibles concentrations les halogénés n’ont pas d’effet significatif sur la fréquence des anomalies
congénitales
D. Risques d’accouchement prématuré
o Une étude réalisée chez les vétérinaires montre un risque plus élevé d’accouchement prématuré chez celles
exposées au moins une heure par semaine aux gaz anesthésiques.
.
E. Risque de génotoxicité : Effet mutagène et cancérigène 
o Plusieurs études ont démontré des effets génotoxiques chez les travailleurs exposés
o Une diminution de la réponse oxydative a également été observée chez du personnel de salles d’opération
o Le risque de cancer secondaire à l’exposition aux gaz anesthésiques apparaît comme peu probable
o Il faut garder en tête que les dommages à l’ADN ont de nombreuses sources exogènes (le tabagisme, acteurs
environnementaux) et aussi des facteurs endogènes (la génétique, le sexe, l’âge) qui influencent ce risque.
F. Des effets neurocomportementaux :
o Une diminution significative des capacités et d’exécution motrice chez des volontaires sains exposés à
des concentrations très faibles de N2O (50 ppm) et d’halothane (1 ppm)
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o Une baisse de la performance à des tests de mémoire et de perceptions audiovisuelles
o Irritabilité et troubles de l’humeur
o Des céphalées,
o Des dysesthésies à type de fourmillements sont rapportées à des niveaux élevés d’exposition au N2O
o Ataxie et troubles de la coordination
o Une fatigue,
o Une perte d’appétit, nausées
o Une baisse des habiletés psychomotrices,
o Une baisse de la vitesse de réaction,
o Un phénomène de tolérance aux gaz anesthésiques semblable à celui observé avec l’alcool
o Peu d’influence sur les capacités de jugement du personnel soignant et donc sur la sécurité du patient
Mais Il est encore difficile d’attribuer ces effets à l’utilisation d’un seul gaz, puisque les agents
halogénés sont habituellement utilisés en combinaison avec le protoxyde d’azote.

G. Des effets hépatotoxiques : hépatites ont été observés


o La toxicité hépatique concerne exclusivement les halogénés 
o Associés à l’utilisation de l’halothane chez les patients en postopératoire, et chez les travailleurs lors
d’exposition professionnelle prolongée, bien que cet agent ne soit plus utilisé.
o Le niveau d’exposition nécessaire pour observer ces effets demeure inconnu
o Parmi les facteurs de risque identifiés, on relève l’obésité, le sexe féminin, l’âge intermédiaire et surtout
la répétition des expositions sur une période courte.
o Son mécanisme est immuno-allergique comme en témoigne la présence dans le sérum des sujets
d’immunoglobulines (Ig) G dirigées contre des protéines microsomiales hépatiques
o Plusieurs cas d’hépatites auto-immunes induites par l’halothane après exposition chronique ont été noté
o En France, l’hépatite à l’halothane est reconnue comme une maladie professionnelle 
o Les gaz anesthésiques plus récents tels que l’isoflurane, le desflurane et l’enflurane ne semblent pas
mener à des dommages hépatiques chez les travailleurs exposés,
o le sévoflurane n’est pas immunogène, ce qui écarte le risque d’hépatite auto-immune.
Il est actuellement établi qu’une exposition professionnelle aux halogénés les plus récents ne
comporte aucun risque hépatique
H. Effet sur le système immunitaire :
o Dépend de l’agent utilisé, du degré d’exposition, et de l’âge des sujets exposés
o L’exposition à des concentrations élevées d’halothane et de protoxyde d’azote entraine des modifications
de la formule sanguine avec une disparition des basophiles, une diminution durable des lymphocytes B et
des cellules tueuses naturelles (NK) et augmentation des lymphocytes CD2 et CD4
o L’exposition chronique à de faibles concentrations de N2O et d’isoflurane entraine une diminution des
lymphocytes T (CD3) et une majoration des cellules tueuses NK
o une inhibition de l’apoptose des neutrophiles suite à une exposition chronique au N2O, sévoflurane et
isoflurane
I. Toxicité hématologique :
o Les halogénés sont dépourvus de toxicité sanguine.
o La toxicité hématologique du protoxyde d’azote est connue depuis les années 1950 avec apparition d’une
aplasie médullaire suite à une sédation au N2O.
o Elle est associée àune diminution de la concentration plasmatique en vitamine B12 et en folates
o L’administration du N2O à la concentration de 70 % entraine des anomalies des lignées sanguines,
mégaloblastose et hypersegmentation des neutrophiles, dès la 24e heure
o Des niveaux d’exposition plus faibles sont sans conséquences ; même en l’absence de dispositif
d’évacuation des gaz.
On peut en conclure que, dans le cadre d’une exposition professionnelle à de faibles concentrations de
protoxyde d’azote, la survenue d’effets hématologiques est improbable

Le N2O ne subit aucune biotransformation dans l’organisme


Il se comporte comme un agent oxydant qui inactive la vitamine B12 (oxydation irréversible de son atome
de cobalt.) dont la forme réduite est la coenzyme d’une enzyme cytosolique, la méthionine synthétase, qui
catalyse des réactions nécessaires à la synthèse de myéline de neurotransmetteurs et le renouvellement du
tissu hématopoïétique
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J. Autres effets :
1. Toxicité rénale :
o Aucune toxicité rénale n’est imputable au protoxyde d’azote et aux halogénés récents dans le cadre
d’une exposition professionnelle.
2. Diminution de l’activité du centre respiratoire
3. Toxicité pulmonaire
Un seul cas d’asthme grave survenu chez un anesthésiste, confirmé par un test de provocation positif à
l’enflurane, a été publié
4. Allergie cutanée
o Des cas de dermite allergique de contact aux vapeurs d’halothane et d’isoflurane ont été rapportés
IV. Prévention de l'exposition aux GAR :
o Les gaz et vapeurs anesthésiques doivent être administrés dans le respect des bonnes pratiques
médicales
o La prévention de l’exposition aux GAR passe par un programme efficace de gestion comportant :
A. Mesures d'ingénierie
1. Un système de ventilation et de récupération des gaz bien conçu
 Disposer de systèmes d’évacuation des GAR=une première ligne de défense contre l'exposition :
 indépendant du système principal de ventilation de l'hôpital.
 assurant la collecte, l'extraction et l'élimination adéquate des gaz 
 limite les émanations dans l'atmosphère en piégeant les gaz anesthésiques et en les recyclant.
 bien tenu à l'aide d'un programme d'inspection et de maintenance, afin de prévenir les fuites,
 Un système de chauffage, de ventilation et de conditionnement d'air (CVCA) adéquatement conçu
permettant la dilution et l'élimination des GAR non recueillis par le système d'évacuation
 Ventilation des locaux assurant un renouvellement de l'air de l’ordre de 15-20 volumes/h dans les
salles d’opérations.
 Utiliser un bas débit de gaz frais
 Aucun objet tel qu'un bureau, un charriot ou une chaise n'entrave la ventilation dans la salle
d’opération..
2. Utilisation d'équipement adéquatement conçu
 Masque doté d'une gaine suffisamment large permettant de recueillir les gaz expirés par le patient.
 surveillance en continu des gaz dans les voies aériennes par analyseurs d’halogénés et de gaz
3. Des programmes efficaces d'entretien et d'inspection  des appareils d’anesthésie, du système
d'évacuation des GAR, et du système de ventilation devraient être élaborés et appliqués conformément
aux directives recommandées par le fabricant pour s'assurer de l'absence de fuites.
4. Utilisation d'équipement adéquat pour minimiser les fuites pendant le remplissage initial ou les
remplissages ultérieurs d'un vaporisateur
B. Pratiques de travail : à éviter :
o Le choix, l'ajustement ou le positionnement inadéquat du masque,
o Le gonflement insuffisant du ballonnet du tube trachéal ou du masque laryngé,
o Le mauvais branchement des tubes et raccords de l'appareil d'anesthésie,
o L'administration de gaz anesthésiques avant la mise en marche du système de récupération des GAR,
o L'omission de couper l'alimentation en gaz après avoir retiré le masque du patient, ou le retrait hâtif du
masque avant la vidange du système.
C. Contrôle de la qualité de l'air :
o Permet de mesurer l'exposition aux GAR dans les zones de travail comme dans les zones avoisinantes
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o Aide à déceler et à localiser une fuite de gaz, et à accroître l'efficacité des mesures correctives
(mesures d'ingénierie et de pratiques de travail).
o Peut se faire en continu ou de façon périodique;
o Durant l’entretien de l’anesthésie, le seuil de 25 ppm pour le protoxyde d’azote et de 2 ppm pour les
halogénés est recommandé.
o La mesure d’un gaz à l’état de traces dans l’atmosphère peut s’effectuer
 sur site par spectrophotométrie infrarouge ;
 en laboratoire par l’analyse de prélèvements ;
 par l’utilisation d’un badge dosimètre passif individuel.

D. Communication des renseignements et formation à l'égard des risques


 L’employeur doit élaborer, et mettre en œuvre un programme, destiné aux employés et comprenant:
o Disponibilité de fiches signalétiques traitant tous les gaz anesthésiques employés;
o Description des risques pour la santé et la sécurité associés aux agents anesthésiques utilisés;
o L’étiquetage approprié des bouteilles, réservoirs et conteneurs;
o Information sur les dispositions prises par l'employeur, telles que les mesures d'ingénierie, les pratiques
de travail sécuritaires, le mode d'emploi de tout équipement de protection individuelle, et des appareils
de surveillance en continue.
o Préciser clairement la procédure d'urgence pour maîtriser les fuites de gaz,
o Les déversements doivent être traités tels des situations d'urgence. Seuls les membres du personnel
ayant reçu la formation et l'équipement appropriés peuvent nettoyer et maîtriser un déversement
d'agents anesthésiques
o En outre, le programme de formation doit préciser toutes les méthodes et indices permettant de détecter
la présence et la fuite de gaz anesthésiques.

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