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Chapitre 3 

: Dégradation des formes d’ondes de la tension et du courant

1. Introduction
L’utilisation croissante des équipements informatiques et de l’électronique de puissance sur
les réseaux électriques contribue à la dégradation du courant et de la tension d’alimentation et
engendre des perturbations EM. En effet, des récepteurs, tels que les moteurs asynchrones et
les transformateurs participent à la distorsion des formes d’ondes du courant et de la tension.
Les convertisseurs statiques contribuent à la prolifération de ces perturbations. Ces dernières
se traduisent par des pertes électriques ou encore des dysfonctionnements sur le réseau
électrique d’alimentation.
2. Perturbations électriques et leurs origines
Comme nous l’avons vue dans la section précédente, le développement des usages de
l’électricité dans l’industrie induit des exigences dans la qualité de l'énergie à fournir.
La qualité de l’énergie électrique fournie aux utilisateurs dépend de celle de la tension
et du courant au point de livraison. Elle peut être affectée par certains incidents, soit
externes comme la défaillance de la source d’alimentation ou bien inhérents à l’installation.
Ces défauts détériorant la qualité de la tension se manifestent sous forme de différentes
perturbations.
2.1. Les harmoniques, les inter-harmoniques et les infra-harmoniques
Dans de nombreux cas, le courant consommé par les charges n’a plus une forme de sinusoïde
pure. La distorsion en courant implique une distorsion de la tension dépendant également de
l’impédance de source. Les perturbations dites harmoniques sont causées par l’introduction
sur le réseau électrique de charges non-linéaires comme les équipements à base d’électronique
de puissance (variateurs, convertisseurs statiques, gradateurs de lumière, postes de soudure).
Plus généralement, tous les matériels incorporant des redresseurs et des électroniques de
découpage déforment les courants et créent des fluctuations de tension sur le réseau de
distribution basse tension. C’est la concentration de nombreux pollueurs en harmoniques qui
génère énormément de perturbations sur le réseau [18].
Les harmoniques sont définis comme étant une superposition sur l'onde fondamentale à 50 ou
60 Hz, ayant une fréquence multiple entiers de l’onde fondamentale. La figure 3.1 montre un
exemple des harmoniques d’ordre impair superposé sur l'onde fondamentale. Les principales
sources d’harmoniques sont : les charges non linéaires, et les dispositifs contenant des
éléments qui commutent (les convertisseurs statiques, fours à arc, inductances saturées,
transformateurs, machines tournantes, etc…) [18].

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Figure 3.1 : Fondamental et harmoniques

Les inter-harmoniques elles se superposent à l'onde fondamentale mais ne sont pas des
multiples entiers de la fréquence du réseau comme montre la figure 15[18]. Leurs origines
principales sont les convertisseurs de fréquence, les variateurs de vitesse et les équipements
de contrôle et commande, etc…

Figure 3.2 : Fondamental et inter-harmoniques

Les infra-harmoniques sont des signaux de fréquence inférieure à celle du fondamentale. La


figure ci-après illustre un exemple d’analyse spectrale des harmoniques d’un signal
périodique perturbé [18].

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Figure 3.3 : Représentation spectrale des harmoniques et des inters et infra


harmoniques

2.2. Les variations de fréquence


Une variation sensible de la fréquence du réseau peut apparaitre sur les réseaux des
utilisateurs non interconnectés ou alimentés par une source autonome (groupe électrogène).
Au niveau des réseaux de distribution ou de transport, cette variation de la fréquence est très
rare et n'est présente que lors de circonstances exceptionnelles, comme dans le cas de certains
défauts graves sur le réseau. Dans les pays européens, dont les réseaux sont interconnectés, la
norme EN 50160 précise 50 Hz ±1 % pendant 95 % d’une semaine, et [+ 4 %, - 6 %] en cas
de perturbation très importante [19].

Amplitude de la tension

Temps

 Figure 3.4 : Variation de fréquence

2.3. Les fluctuation de tension


Les fluctuations de tension sont des variations périodiques ou erratiques (aléatoires) de
l'enveloppe de la tension. Ce sont des variations brutales de l'amplitude de la tension situées
dans une bande de ±10% et se produisant sur un intervalle de temps de quelques centièmes de
secondes. Elles sont en particulier dues à la propagation sur les lignes du réseau de courants
d'appel importants [19]. L'origine principale de ces courants est le fonctionnement d'appareils
dont la puissance absorbée varie de manière rapide, comme les fours à arc et des machines à

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souder. Ces fluctuations se traduisent par des variations d'intensités, visibles au niveau de
l'éclairage causant une gêne visuelle perceptible pour une variation de 1% de la tension. Ce
phénomène de papillotement est appelé Flicker. Un exemple de fluctuation de tension est
montré dans la figure 3.5.

Amplitude de la tension

Temps

Figure 3.5: Fluctuation de tension –Flicker

2.4. Les creux de tension et les coupures brèves


Un creux de tension est une chute brutale de l’amplitude de la tension. Il est caractérisé par sa
profondeur et sa durée. La norme européenne EN 50160 fixe la diminution de la tension à une
valeur située entre 1 et 90 % de la tension nominale pendant une durée d’une demi-période à
50 Hz soit de 10 ms jusqu’à 1 mn [19].
La mesure d’un creux de tension s’effectue par la détermination de la valeur efficace de la
tension toutes les demi-périodes (avec recouvrement d’une demi-période). Une coupure brève
est un cas particulier du creux de tension. Sa profondeur est supérieure à 90 %, et elle est
caractérisée uniquement par sa durée, inférieure à 3 mn. Les coupures longues sont
supérieures à 3 mn. Les creux de tension sont dus à l’apparition de défauts sur l’installation ou
sur le réseau de distribution. Les coupures brèves sont généralement la cause de manœuvres
des automatismes des réseaux de distribution.

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Amplitude de la tension

Temps

Figure 3.6: Creux de tension et coupures brèves


2.5. Les surtensions
On parle de surtension dés lors que la tension appliquée à un équipement sort d’un gabarit
probablement défini. Celui-ci peut être fixé contractuellement. C’est le cas des contrats tarif
vert ou émeraude proposés par les distributeurs d’énergie électrique, qui fixent les tolérances
de tension à 50 ou 60 Hz entre phases et qui définit également les surtensions impulsionnelles
à 50 ou 60 Hz entre phase et terre [19]. Les surtensions sont moins fréquentes que les creux de
tension et sont généralement dues à des courts-circuits dans les systèmes à neutre isolé qui
engendrent à la fois des creux de tension et des surtensions. Elles peuvent également être
provoquées par des phénomènes d’origine atmosphérique (foudre), par des déclenchements de
charges importantes, par des mauvais fonctionnements de régulateurs de tensions ou par des
manœuvres sur le réseau. Elles se caractérisent généralement par une durée très brève et
s’assimile le plus souvent à des transitoires.
2.6. Le déséquilibre de tension
Trois grandeurs de même nature et de même pulsation forment un système triphasé équilibré
lorsqu’elles ont la même amplitude et sont déphasées de ±120°. Lorsque les grandeurs ne
vérifient pas ces conditions de phase et d’amplitude, on parle d’un système triphasé
déséquilibré. Le déséquilibre est généralement dû à des charges monophasées car dans ce cas
les courants absorbés sur les trois phases sont d’amplitude et/ou de phase différente, d’où un
déséquilibre des trois tensions. Le déséquilibre des tensions peut également être dû à des
charges triphasées, lorsque celles ci ne sont pas symétriques [19].
On parle d’un déséquilibre d’amplitude lorsque les trois tensions n’ont pas la même valeur
efficace, et d’un déséquilibre de phase lorsque le déphasage entre les trois phases successives
n’est pas de 120°. Le niveau de déséquilibre est lié à la fois à la puissance et la localisation
des charges perturbatrices, et à la puissance de court-circuit du réseau amont. Le bouclage des
réseaux, favorable à l’obtention d’une puissance de court-circuit élevée, permet de diminuer
le degré de déséquilibre. Le déséquilibre de tension engendre des composantes inverses de
courant, qui provoquent des couples de freinage parasites et des échauffements dans les

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moteurs à courant alternatif. Ils peuvent également perturber le fonctionnement des dispositifs
à thyristors à commande de phase.

Amplitude de la tension

Temps

Figure 3.7: Déséquilibre de tension

2.7. Les courts-circuits


Un court-circuit sur une ligne d’alimentation se traduit par plusieurs effets. En conduction, la
tension de la ligne tombe à zéro durant le temps d’élimination du défaut. L’équipotentialité de
l’installation devient mauvaise durant le temps d’élimination d’un défaut phase-masse.
Par ailleurs, le courant de court-circuit génère un champ transitoire sensiblement supérieur au
champ nominal. En fin l’action d’un organe de coupure peut créer des impulsions à front raide
(en haute tension) ou des surtensions [7], [19].
2.8. Composante continue dans les réseaux alternatifs
Dans les réseaux alternatifs, la présence de certaines charges telles, que des redresseurs, peut
engendrer une composante continue [7], [19].
2.9. Rayonnement des lignes d’énergie
Les caténaires, en traction électrique, et les lignes HT aériennes sont des antennes longues et
efficaces de champ magnétique. La boucle rayonnante est la surface entre les conducteurs
aller  et le conducteur retour. Une ligne de 20 kV supporte typiquement un courant nominal
de 500 A et une ligne de 400 kV environ 2 kA. Le champ rayonné par une ligne longue est
inversement proportionnel avec le carré de l’éloignement D (distance du point d’observation
par rapport à la ligne). Cette décroissance, qui reste rapide, est toutefois plus lente que pour
les sources localisées [7].
2.10. L’enclenchement et le court-circuit des lignes aériennes
Un phénomène sévère en basse fréquence peut apparaître lors du réenclenchement d’une ligne
électrique aérienne à haute tension en défaut. Une ligne longue à vide génère en son extrémité
une surtension pouvant atteindre deux fois la tension nominale. Sur une ligne en court-circuit,
un courant oscillatoire s’établit entre les conducteurs « aller » et « retour ». L’effet d’un tel
phénomène est d’induire une tension dans chaque boucle de masse. Pour une ligne de 20 kV,
la tension crête induite peut atteindre 1 kV crête dans un cas défavorable [7].

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2.11. Décharges électrostatiques


Une décharge électrostatique (ESD pour ElectroStaticDischarge) est un passage de courant
électrique (impulsions de courant) d’un objet vers un autre objet (direct ou indirect) ayant un
potentiel électrique différent. Ce phénomène se déroule d’une manière imprévisible et
momentanée. En génie électrique, ce terme est employé pour qualifier les courants
indésirables qui peuvent endommager les équipements et dont les conséquences sont souvent
irréversibles. Ce type de perturbation résulte de l’échange d’électrons entre les matériels ou
entre le corps humain et les matériels. Ce phénomène est favorisé par la combinaison de
matériaux synthétiques (plastiques, tissu ...) et une atmosphère sèche [7], [19].
Les décharges électrostatiques sont caractérisées par :
 Une très faible durée du temps de montée de l’impulsion1 ns.
 Durée de l’impulsion 60 ns.
 Caractère isolé du phénomène : 1 décharge.
 Une tension très élevée à l’origine de la décharge (2 à 15 kV)

Figure 3.4: Décharge électrostatique

2.12. Le phénomène de foudre


La foudre est, depuis Benjamin Franklin (1749), un phénomène largement étudié. Ce
phénomène naturel possède des effets spectaculaires et destructeurs. Elle est définie comme
une décharge électrique, provenant d’un nuage orageux (activité orageuse), associée à une
impulsion de courant transitoire de très forte amplitude.
Trois effets électriques et électromagnétiques majeurs de la foudre sont décrits dans la
littérature spécialisée à savoir [7]:
 le premier effet est l’effet direct celui du foudroiement d’une structure passage d’un
fort courant de décharge pouvant atteindre des centaines de kA), ouvrage électrique
etc...Ainsi lorsque la foudre tombe sur une ligne conductrice (ligne de transport ou

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distribution d’énergie électrique) ou une installation électrique, une surtension


(conduite) apparaît dans cette ligne. L’installation de câbles de garde au dessus des
lignes électriques aériennes permet parfois de remédier à ce problème. Le
foudroiement d’installations électriques est lui aussi évité, dans de grandes
proportions, en utilisant les parafoudres (exemple protection d’un transformateur de
puissance dans une centrale électrique). Les structures de génie civil (bâtiment,
habitation surélevée, …) sont elles aussi protégées, à un degré donné, à l’aide de
paratonnerres.
 Le deuxième effet est celui de l’élévation (montée) en potentiel de la terre: le
phénomène responsable d'une élévation de potentiel de la terre est l'écoulement d'un
courant électrique dans le sol. Au point d'impact d'un coup de foudre, le courant de
foudre s'écoule et diffuse dans le sol, en générant des différences de potentiel entre
différents points de celui-ci (appelé tension de pas), du fait de la résistivité qui le
caractérise. Si on admet que le sol, à une très grande distance de l'impact, reste au
potentiel zéro, tout point situé autour de l'impact est nécessairement porté à un certain
potentiel : c'est par définition l'élévation, ou la montée en potentiel de ce point. La
montée en potentiel est maximale au point d'impact lui-même. Le gradient de
potentiel, que l'on peut définir comme étant la différence de potentiel entre deux points
du sol distants de un mètre, s'exprime quant à lui comme étant le produit de la
résistivité locale par la densité de courant locale. Enfin, cette différence de potentiel
est responsable de remontées de potentiel dangereuses dans les prises de terre
d’installations industrielles et domestiques.
 Le troisième effet est l’effet indirect qui consiste en la libération dans l’air d’un champ
EM impulsionnel accompagnant le courant de foudre. Ce champ EM peut se coupler
avec n’importe qu’elle structure conductrice et donner naissance à une surtension
(induite) qui perturbe le fonctionnement des systèmes raccordés à cette structure (coup
de foudre tombant au voisinage d’une ligne conductrice ou d’une installation
électrique).
Les surtensions sont de deux types (figure 3.5) :
 Surtension homopolaire / de mode commun: C'est une surtension qui apparaît entre
l'ensemble des conducteurs d'une ligne ou d'un câble (phases et neutre) et la terre ou la
masse métallique d'un appareil mis à la terre. Les éléments dont les masses sont reliées
à la terre risquent un claquage diélectrique (perte de la propriété d’isolation) de leurs
composants isolants.
 Surtension symétrique / de mode différentiel: C'est une surtension qui apparaît entre
les différents conducteurs actifs d'une ligne ou d'un câble (entre phases ou entre phase
et neutre). En général, les surtensions symétriques se caractérisent par des amplitudes
nettement plus faibles que les surtensions homopolaires.

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L L
U Z Z
N N

Mode différentiel Mode commun

Figure 3.5 : Surtensions de foudre en mode différentiel et en mode commun

2.13. Bruit de commutation des moteurs à collecteur


Les moteurs à balais génèrent des étincelles. Ces dernières se comportent comme un
interrupteur très rapide. Les câbles d’alimentation deviennent le siège de courant HF, avec des
fronts de montée de l’ordre de quelques dizaines de nanosecondes, voire moins. Ces
perturbations HF de mode commun peuvent perturber directement les cartes électroniques
d’extrémité (mesure, régulation…), bruiter les câbles voisins par diaphonie. Une solution
simple est de filtrer chaque conducteur par rapport à la masse. Il suffit en général de monter
un petit condensateur (quelques nanofarads) entre chaque balai et la masse du stator [7].
2.14. Courant de mode commun des convertisseurs statique
Tout convertisseur à découpage (alimentation à découpage, convertisseurs continu-continu,
variateur de vitesse…) génère des courants de mode commun HF entre l’entrée d’alimentation
et la sortie. La meilleure solution pour réduire ces courants HF est de filtrer tous les câbles du
convertisseur par des filtres HF [7].
2.15. Manœuvres d’appareils de coupures
L’amorçage d’un arc dans le vide ou dans le SF6 s’accompagne d’un rayonnement sévère. On
estime qu’à 1 m d’un conducteur soumis à un arc sous 10 kV on atteint un champ de l’ordre
de 5 kV/m crête. L’amplitude de ce champ est proportionnelle à la tension avant l’arc [7].
3. Effets des perturbations électromagnétiques
Dans la plupart des applications, les perturbations EM ont des effets indésirables sur le réseau
électrique et sur les consommateurs à savoir [20]:
 Pertes et surchauffe dans les transformateurs, câbles, lignes électriques et machines
électriques.
 Courant excessif dans le conducteur neutre des systèmes triphasés à quatre fils,
provoqué par les harmoniques impaires triples du courant.
 Réduction du facteur de puissance, par conséquent moins de puissance active.

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 Résonances électriques dans le système d'alimentation, menant aux tensions


maximales excessives, entraînant le vieillissement et l'échec prématuré des
appareillages électriques, des moteurs, des transformateurs, et les isolants.
 Phénomènes d’induction sur les lignes téléphoniques.

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