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Morphologie fractale du reseau hydrographique / The fractal


morphology of river networks

Article  in  Hydrological Sciences Journal/Journal des Sciences Hydrologiques · June 1993


DOI: 10.1080/02626669309492662

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2 authors:

Roger Moussa Claude Bocquillon


French National Institute for Agriculture, Food, and Environme… Saint Joseph University, Lebanon
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Hydrological Sciences -Journal- des Sciences Bydrologiques,3H,3,6/1993 187

Morphologie fractale du réseau


hydrographique

R. MOUSSA
Institut National de la Recherche Agronomique, UR Science du Sol, 2, Place
Pierre Viola, 34060 Montpellier Cedex 1, France
C. BOCQUILLON
Laboratoire d'Hydrologie et Modélisation, Université de Montpellier II, Place
Eugène Bataillon, 34095 Montpellier Cedex 5, France
Résumé Le logiciel TraPhyC-BV a été élaboré pour extraire des
données des modèles numériques de terrain, les composantes de l'hydro-
logie: réseau de drainage, réseau hydrographique, sous-bassins versants
et caractéristiques hydrogéomorphométriques intervenant dans le fonc-
tionnement du bassin versant. A différentes échelles d'observation, le
réseau hydrographique étudié présente une structure très variable. On a
fait appel à la géométrie fractale pour identifier des relations "grandeur
mesurée/jauge de mesure" afin de quantifier l'arborescence et détecter
des propriétés invariantes d'échelle.
The fractal morphology of river networks
Abstract Digital elevation models are used to map automatically the
drainage network and the stream channels and to divide networks of a
drainage basin. This can be done with TraPhyC-BV software. Construc-
tion of a code describing the network topology may form the basis for an
efficient drainage basin information system. This methodology is
designed to aid in the parameterization of a distributed components
approach to basin simulation. The geometric pattern of the stream
network of a drainage basin can be viewed as a "fractal" with a fractional
dimension. This concept is also used to point out self-similarity and to
quantify the tree-like organization of a hydrographie network.

INTRODUCTION

Les facteurs déterminants dans les mécanismes hydrologiques sont extrêmement


variables dans leur répartition spatiale et temporelle ce qui rend la représen-
tation mathématique de ces phénomènes très complexe. La recherche d'une
schématisation de cette complexité est indispensable. La réflexion va porter sur
la complexité via le réseau de drainage.
L'étude quantitative des réseaux de drainage a connu ses débuts avec
Horton (1945) et a continué lentement jusqu'à la fin des années 1960 (Smart,
1968; Strahler, 1964). Il est évident que la forme du réseau hydrographique
varie avec la taille de la maille du modèle numérique de terrain (Mesa &
Gupta, 1987; Tarboton et al., 1988), et pour une taille donnée de la maille en
fonction de l'échelle ou la jauge d'observation.

Open for discussion until I December 1993


188 R. Moussa & C. Bocquillon

La géométrie fractale (Mandelbrot, 1982) est utilisée pour quantifier la


structure arborescente du réseau hydrographique en détectant des propriétés
invariantes d'échelle. Cette analyse passe par la définition de nouveaux descrip-
teurs qui peuvent être avantageusement intégrés dans le cadre d'une modélisation
spatialisée du système hydrologique. Cette méthodologie a été appliquée sur le
bassin versant du Gardon d'Anduze (545 km2) situé au sud de la France.

ANALYSE DES DONNEES GEOMORPHOLOGIQUES POUR


L'HYDROLOGIE

Les données géomorphologiques

Un modèle numérique de terrain (MNT) fournit sur une grille régulière le relief
d'une zone géographique. Le logiciel TraPhyC-BV (traitement physique et
caractéristiques des bassins versants) a été spécialement élaboré pour extraire
de ces données les composantes de l'hydrologie: détermination des éléments du
réseau hydrographique, délimitation des sous-bassins versants et définition de
toutes les caractéristiques hydrogéomorphométriques intervenant dans le
fonctionnement hydrologique du bassin versant (Moussa, 1991).
Le MNT du Gardon d'Anduze, fourni par l'Institut Géographique
National (IGN), a été calculé à partir de la carte IGN au 1:25 000 avec un
intervalle de courbes de niveau de 40 m. Ce MNT dont la taille des mailles
élémentaires est de 250 m, couvre un carré de 30 x 30 km2 (voir Fig. 1). Le
traitement de ce MNT par le logiciel TraPhyC-BV permet de déterminer le
réseau de drainage (voir Fig. 2).
A ce niveau, une seule direction de drainage est définie en chaque maille
et l'arborescence est continue de l'amont jusqu'à l'exutoire. En plus des
caractéristiques géomorphométriques locales (altitude, pente, orientation,
convexité, etc.), deux caractéristiques hydrométriques sont définies en chaque
maille: la distance à l'exutoire et la surface du bassin versant amont.

Fig. 1 MNT du Gardon d'Anduze.


Morphologie fractale du réseau hydrographique 189

Fig. 2 Le réseau de drainage.

Analyse de la forme du réseau de drainage

Le transfert de l'eau en rivière s'effectue en suivant l'arborescence du réseau


hydrographique. Connaissant l'hydrogramme à l'entrée de chaque tronçon de
rivière, l'hydrologie propose de calculer l'hydrogramme de sortie. Plusieurs
facteurs interviennent: la géomorphologie, le milieu souterrain, la pédologie,
le couvert végétal, etc. L'écoulement en rivière dépend essentiellement de la
structure du réseau hydrographique (longueur du réseau, surface du bassin
versant en chaque point, pente, etc.).
Ce réseau peut être vu de façon différente suivant la nature de l'analyste:
géomorphologue, hydrologue ou géographe. Pour l'hydrologue, les grandeurs
essentielles sont le débit en un point du réseau et le temps mis par ce débit
pour atteindre l'exutoire. On choisit un débit ( 0 caractéristique quelconque
dont le premier terme explicatif est la surface drainée (S), ce qui fournit une
représentation paramétrique de Q{S). Comment décrire le réseau de drainage
d'un bassin versant au travers de l'échelle surfacique?
La forme du réseau hydrographique va dépendre de l'échelle d'obser-
vation. Le réseau hydrographique est défini à partir du réseau de drainage
tronqué de façon que tous les points "sources" aient un bassin versant amont
d'une surface seuil S. S est l'échelle d'observation, on dira aussi seuil de
troncature d'observation. Pour un seuil S donné, le réseau peut être carac-
térisé par:
190 R. Moussa & C. Bocquillon

la longueur totale du réseau hydrographique L = J{S, S0);


le nombre de points extrémités N = g(S, S0); et
la longueur du drain le plus long Q = h(S, S0).
L, N et Q sont fonction de S et de la surface totale S0 du bassin versant.
Figure 3 montre l'évolution de la forme du réseau hydrographique du bassin
versant du Gardon d'Anduze pour S allant de 0.5 à 10 km2.

ANALYSE MORPHOMETRIQUE FRACTALE

La géométrie fractale

Mandelbrot (1982) a introduit la notion de "fractal" pour quantifier l'évolution


de la forme d'une grandeur avec l'échelle d'observation. L'objectif initial est
la description de formes, en particulier de formes appartenant à la nature (ici
l'arborescence du réseau hydrographique) et difficilement définissables dans la
géométrie classique. L'irrégularité des formes peut être caractérisée par la
dimension fractale qui sert à quantifier le degré de complexité et fragmentation
d'un objet naturel. Un autre aspect concerne l'homothétie interne (auto-
similarité): lorsque tout morceau d'une courbe est homothétique à l'ensemble,
la courbe sera dite posséder une homothétie interne. Une forme garde alors le
même aspect quelle que soit l'échelle d'observation. Les degrés d'irrégularité,
correspondant à diverses échelles, sont en gros égaux (Barnsley, 1988).
Le terme fractal évoque qu'une partie, observée à une échelle plus fine
est à l'image du tout. Cette relation "grandeur/échelle d'observation" se traduit
par une loi mathématique, plus ou moins complexe, dite "d'invariance
d'échelle".
La dimension fractale (valeur fractionnaire), par opposition à la
géométrie euclidienne à dimensions entières, représente ces relations et semble
mieux adapter pour décrire les aspects naturels et contribue à la définition de
nouveaux descripteurs de forme indépendants de la jauge de mesure.

Hypothèses d'homogénéité et de similitude

L'analyse des fonctions / et g ne peut se faire que si elles conservent des


propriétés identiques d'un point à l'autre d'un réseau. C'est la condition
d'homogénéité. Le réseau est dit homogène si tous les sous-réseaux de même
surface S, sont caractérisés par les mêmes relations L(S/S0) et N(S/S0), soit les
mêmes fonctions / et g (Bocquillon, 1980). Pour un réseau très grand, les
fonctions L et N peuvent être considérées comme continues. La condition
d'homogénéité signifie que si, sur Fig. 4, (S/S0) = (5"/5), le nombre
d'extrémités du réseau S0 tronqué à S est le même que celui de S tronqué à S'
et les longueurs sont à l'échelle par rapport aux surfaces.
Morphologie fractaie du réseau hydrographique 191

[ S *$\ \
jCg^S^
© ©
r'f^ff** vr •-&• s
JH£»"ÏH

\ / >gjâ
^É^r^ ./>
?
3£>"

f 5 ta a S
2/
| U « SMOI0MS| | Los QfflMHS | ^is^- Anâuza

N= 188 ; L=357km ; £2= 40km N= 120 ; L = 271 km ; £2 = 59 fo«

S = 10 km2
tf=22 ; L = 136km ; £2= 37 km N=10 ; L = 108km ; n-=36km

S = S0km2 S=100km2
N=4 ; L = 66km ; £2 = 30km N = 2 ; L^37km ; £2= 22 km
Fig. 3 Evolution de la forme du réseau hydrographique avec S.
192 R. Moussa & C. Bocquillon

Sous certaines conditions, on pourra considérer que le réseau possède


une propriété de similitude interne. A toute échelle, le problème est le même
et il n'existe pas de seuil de surface modifiant la structure. En adimensionnel,
les équations s'écrivent:

N = ¥ S (1)
S0

S (2)
L/(s0yA = $
S0

0/(5^ = K
s (3)
S0

Fig. 4 Homogénéité et similitude.

La dimension fractale

A différentes échelles d'observation, les grandeurs hydrologiques étudiées (N,


L et Q) présentent des structures très variables. On s'intéresse aux relations
entre N, L, 0 et SIS0 en utilisant les hypothèses de fractalité, soit une propor-
tionnalité entre chacune de ces grandeurs et l'échelle d'observation (S'A), soit
une relation de la forme a.(S>A)'b.
La variable N(S) représente le nombre de points extrémités pour un
réseau tronqué à un seuil S. Mandelbrot (1982) montre que la dimension
fractale d = 2b. La dimension fractale renseigne sur le degré de remplissage
de l'espace en points: dans l'espace à deux dimensions, la valeur de d peut
varier de 0 à 2. La valeur de d est d'autant plus proche de 2 que le réseau
devient de plus en plus ramifié quand S tend vers 0, et par suite les points
sources tendent à remplir tout l'espace. Par contre d = 0 pour un réseau
hydrographique formé d'un seul tronçon à extrémité unique.
La variable L(S) représente la longueur totale du réseau hydrographique
à différentes échelles d'observation. Dans ce cas (comme pour Q(5)) la
Morphologie fractale du réseau hydrographique 193

dimension fractale est d = 1 + 2b (1 < d < 2). La dimension fractale


s'approche de 2 lorsque le réseau hydrographique (ou le drain le plus long)
devient trop ramifié tendant à remplir tout l'espace quand S diminue. Par
contre d est proche de 1 dans le cas d'un réseau peu dense.

Calcul de la dimension fractale

Les équations des droites de régression, en échelle bilogarithmique, de N, L et


Q en fonction de (S/S0) s'écrivent:
-0.77
(4)
N = 0.71

-0.36

L/(S0)iA
= 1.17 (5)

-0.06

Q/(S0)' A
= 1.13 (6)

Les droites de régression sont calculées sur les parties rectilignes des
courbes (voir Figs 5, 6 et 7), soit pour 0.3% < S/S0 < 5%. On obtient
respectivement des pentes de -0.77, -0.37 et -0.06 correspondant à des'
dimensions fraetales de 1.54, 1.74 et 1.12 respectivement. La nature fractale
met en évidence d'une part la similitude interne de la structure du réseau
hydrographique et d'autre part le degré de complexité des courbes. Plus la
dimension fractale est grande, plus la courbe tend à remplir le plan.

00

l ;^-X<
10

\ . i
1
l .\L..i:.y::r::r:i::a::

3.1 1 10
S/So (%)

Fig. 5 Relation N en fonction de S/S0.


194 R. Moussa & C. Bocquillon

L/v§o
100 F • 1 ! 1 :

0,1 1 10 100
S / S o (7.)

Fig. 6 Relation L(Sj'A en fonction de S/S0.

RELATION FONCTIONNELLE ENTRE LES GRANDEURS N, L


ETQ

Il s'agit de déterminer des relations analytiques entre N, L et fi valables quelle


que soit l'échelle d'observation S/S0.

Relations générales

Soient deux réseaux de drainage tronqués à S et S - dS (dS > 0), et soit S0


la surface totale du bassin versant. La longueur cumulée du réseau tronqué à
S - dS, soit L(S — dS,S0), est égale à la somme des termes suivants:
L(S,S0): longueur dVréseau tronqué à S (S < S0);

D//SO

o.oi I 1—i—<—i—t i i M i—i—i r i i 11


0.1 1 10 100
S / S o (%)

Fig. 7 Relation U(Sj'A en fonction de S/Sa.


Morphologie fractale du réseau hydrographique 195

N(S,S0).L(S - dS,S): dans l'unité S, des éléments du réseau tronqué à


S - àS en nombre N(S,S0);
dZV.L(S - dS,S) : des éléments liés à la variation du nombre d'extrémités
dN quand la surface de troncture passe de 5 à S - ÛS;
soit:
L(S - dS,S0) = L(S,SJ + NiSJJMS ~ <tf,S) + dN.L(S - AS,S) CO
Pour un réseau très grand et pour S < S0, les fonctions N,LetQ peuvent
être considérés comme continues. Dans le cas général, les deux fonctionsL(S,S0)
et Q(S,S0) sont continues alors que N(S,S0) est une fonction discrète. La
définition de la différentielle dN fait appel à la théorie mathématique des
"distributions". Sous les conditions précises d'application, cette théorie permet
la définition et la manipulation de la fonction dérivée d'une fonction discrète
comme dans le cas d'une fonction continue. On cherche à exprimer N(S,S0) en
fonction de L(S,S0). Pour cela on va simplifier l'expression (7).
Or:

lim L ( 5 ' 5 o ) " ^ f " d ^ o ) - L'S(S,S0) (8)


ds-o dS
On note par hs'(S,S0) la dérivée de L(S,S0) en S. Cette dérivée n'est
autre que la limite quand dS tend vers 0 de l'expression ci-dessus. Dans le cas
particulier où S0 = S, on obtient:
lim L(S,S)-L(S-dS,S) = L.^SfS) ( o r L{SS) = 0) (9)
às-o dS
Pour S < S0, soit pour les fortes valeurs de N et dans le cas où dN est
négligeable devant N, on peut écrire:
L'^SJ - 2V(S,S0)X'S(S,S) (10)
soit:
L
*WJ - ^i (»)
On obtient une relation entre 2V et la dérivée de L. Il s'agit ensuite
d'expliciter cette relation dans le cas d'une similitude interne.

Cas d'une similitude interne

Dans ce cas, en utilisant l'équation (2), on peut écrire:

(12)
L(S,S0) = ( S / * . *
196 R. Moussa & C. Bocquillon

La dérivée de L(S,S0) en fonction de S s'écrit:

L'(S,S0) -
(s0YÂ .$'
s* (13)
d'où: L's(S,S) = ^ . # ' ( 1 )

$'(S/S0) étant la fonction dérivée de $(S/S0). La valeur de $' est d'autant plus
importante dans le cas où, pour une faible variation de la surface de troncature
amont S, on a une forte augmentation de la longueur totale du réseau hydro-
graphique (cas d'un bassin versant trop ramifié par exemple). $'(1) représente
la valeur limite de #' lorsque S tend vers S0.
En remplaçant dans la relation (11) on obtient:

vs $' S
(14)
S s So
N(S,S0) = *
S0 $'(1)
A
La connaissance de l'une des fonctions $ ou ^ permet de déterminer l'autre.
On va étudier le cas où la relation N(S,S0) admet une définition analytique
exacte.

Hypothèse de fractalité sur N

Généralement, l'analyse morphométrique fractale du réseau hydrographique


consiste à établir une relation entre la longueur du réseau et l'échelle
d'observation (méthode de comptage des boîtes par exemple). Dans le cadre de
ce travail, on s'intéresse à un autre aspect de la fractalité: il s'agit du degré de
bifurcation du réseau hydrographique. On cherche une relation entre le nombre
de points sources N(S,S0) et la jauge de mesure (S/SJ.
Si on admet l'hypothèse de fractalité, la relation N(S,S0) est bien définie
analytiquement (Mandelbrot, 1982). On peut écrire:

N(S,S0) = * =K (15)

On appellera a "coefficient de bifurcation". Pour S donné, lorsque a


augmente, 2V* augmente, a renseigne sur le "degré d'éclatement" de la structure
arborescente. Dans le cas d'un réseau hydrographique à exutoire unique,
S = S0, on a N = 1 soit K = 1; L = 0 soit $(1) = 0.
La combinaison des deux relations (14) et (15) implique:
*-V4

$' .$'(1) (16)

Cette équation s'intégre sous la forme:


Morphologie fractale du réseau hydrographique 197
l
A-a
$ ' _5 -|8
(17)
V4-a' 5„
j8 étant la constante d'intégration. Comme $(1) = 0 on a:

0= i m (18)
Vi — a
Donc:
V4-o
_5 (19)
$ =A = 0 -1
tf
D'où:
'A-a
(20)
$ = Lr s_ -1 W
5„
Si les hypothèses de départ sont vérifiées, fi sera une constante. On
l'appellera "coefficient de forme". Pour 5 donné, lorsque /S augmente, L
augmente.
Lorsque les deux hypothèses de similitude interne et de fractalité sont
vérifiées, deux constantes caractérisent le réseau hydrographique indépen-
damment de l'échelle de l'observation. Il s'agit du coefficient de bifurcation a
et du coefficient de forme 0.

Relation entre Q et L

On propose de déterminer une relation entre Q et L. Lorsque S varie de dS, Q


varie de dfl qui n'est autre que la variation de la longueur d'un réseau à une
seule extrémité:
dQ(S,S0) = dL(5,S) (21)
D'après la relation (13), on peut écrire:
Q'(S,SB) = L'£S,S) = W(S)*W(l) (22)
qui s'intégre:

Q(S,S^ = f-L.*'(l).d<r (23)

Soit alors:
Q(S,S0) = *'(!)[! -(S/S0)'A] (24)
198 R. Moussa & C. Bocquillon

En remplaçant $'(1) par sa valeur dans l'expression (18), on obtient une


deuxième relation qui permet de calculer une autre constante d'intégration fi'.
1 1 (25)
fi' = A
(s0y (2ot-i)i-(s/s0yA
De même, si toutes les conditions de départ sont remplies, l'expression de fi'
est une constante. On peut aussi écrire la relation Q(S/S0):
Q (StSyiSJ* = fi'(2a - 1)[1 - (S/S0),A] (26)
1A
Q(S, S0)/(S0) représente le rapport de la longueur du plus long drain à la
longueur moyenne des drains SjA. fi' est un paramètre caractéristique de la
distribution des longueurs des drains: c'est un coefficient d'allongement.
Les équations (5) et (19) et les équations (6) et (26) ne sont pas identiques.
Dans les équations (5) et (6), L et 0 sont proportionnelles à (S/S0)a. Cette propor-
tionnalité est valable pour S < S0 et n'est plus vérifiée lorsque S tend vers S0.
Les relations (19) et (26) essaient de tenir compte de la relation exacte L(S,S0) et
Q(S,S0), en introduisant les conditions: A^=1,L = Q = 0 pour S = S0.

APPLICATIONS

Le bassin du Gardon d'Anduze

L'application sur le bassin du Gardon d'Anduze conduit aux résultats présentés


sur les Figs 5 et 6. En reprenant l'équation (4) de la droite de régression de N
en fonction de (S/SJ, on trouve a = 0.769. A chaque valeur de S, correspond
une valeur de L et Q. Connaissant Q, on peut alors calculer fi et fi' en utilisant
respectivement les relations (20) et (25). On trouve fi = 2.67 (voir Fig. 8) et
fi' = 3.33 (voir Fig. 9).

k pr

~+7?#

_j i i i ' i i
0.01 0,1 1 10
(S/So) %

* valeurs calculées B moyenne


Fig. 8 Calcul de fi à partir de L.
Morphologie fractale du réseau hydrographique 199

0 I 1 1—i i i i i il 1—i I i i ni] 1 [ i I i iiil 1—uJ i i il


0,01 0,1 1 10 100
(S/So) %

* valeurs calculées 6' moyenne

Fig. 9 Calcul de j8 ' à partir de Q.

Le bassin de l'Adour

Une analyse identique à celle effectuée précédemment est menée sur le bassin
versant de l'Adour (16 000 km2) situé à l'extrême sud-ouest de la France. Le
MNT de base couvre une zone de 180 x 180 km2, la taille de la maille
élémentaire est de 1000 m. L'analyse morphométrique fractale est effectuée
d'une part sur le bassin global (Adour 1, Fig. 10(a)) et d'autre part sur un
sous-bassin versant (Adour 2, Fig. 10(b)).
Les résultats sont montrés dans le Tableau 1.

| L'MttUH

Fig. 10 Le bassin versant de l'Adour; (a) Adour 1 et (b) Adour 2.

Interprétation

Le coefficient de bifurcation (a) indique le degré d'éclatement du réseau hydro-


graphique. Les valeurs de a sont du même ordre de grandeur dans les trois cas
200 R. Moussa & C. Bocquillon

Tableau 1 Analyse comparative de a, /S et |3 '


a 0 0'
Gardon 0.77 2.67 3.33
Adour 1 0.77 2.87 3.44
Adour 2 0.71 3.03 5.23

(légèrement inférieur dans le cas Adour 2). Les valeurs de /3 et 0' renseignent
sur la forme du bassin versant. Par exemple, la valeur de jS passe de 3.4 pour
un bassin de forme arrondie (Gardon, Adour 1) à 5.2 pour un bassin de forme
allongée (Adour 2). Ces valeurs sont tout-à-fait comparables à celles trouvées
par Bocquillon (1980) pour des réseaux d'assainissement urbains.

CONCLUSIONS: INTERETS ET LIMITES DE LA METHODE

La géométrie fractale s'avère bien adaptée pour décrire l'évolution d'une


grandeur donnée en fonction de l'échelle de mesure. Contrairement aux
descripteurs traditionnels de forme, dépendant de la jauge de mesure, la
dimension fractale caractérise la structure indépendamment de l'échelle de
l'étude. De nouveaux descripteurs indépendants de la jauge d'observation sont
alors proposés: coefficient de bifurcation (a), coefficient de forme (fi) et
coefficient d'allongement (fi').
Les nouveaux descripteurs sont utiles pour quantifier et classer les
grandeurs mesurées (arborescence du réseau hydrographique, forme du bassin
versant, ...). Il sera par exemple intéressant de comparer les dimensions
fractales de plusieurs réseaux hydrographiques de formes différentes ou celles
de réseaux naturels et d'autres générés à partir de modèles statistiques.
L'analyse fractale fait intervenir des dimensions non entières et pourra peut être
contribuer à mieux interpréter les nombreuses "lois en puissance" (loi de
Manning-Strickler par exemple) découvertes empiriquement. Une autre per-
spective d'analyse consiste à étudier la réponse hydrologique d'un bassin
versant en relation avec la dimension fractale.
Cependant, une bonne connaissance des limites de la méthode est indis-
pensable. Plusieurs fois, les techniques de traitement du MNT butent sur les
anomalies du fichier source du MNT. La précision du résultat final est liée
aussi bien à la qualité des données qu'aux méthodes de calcul et aux techniques
de lissage utilisées lors de la détermination du réseau de drainage.

REFERENCES

Barnsley, M. F. (1988) Fractals Everywhere. Academic Press, Boston USA.


Bocquillon, C. (1980) Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Rapport du Laboratoire d'Hydro-
logie et Modélisation, Université de Montpellier II, France.
Horton, R. E. (1945) Erosional development of streams and their drainage basins; hydrophysical
Morphologie fractale du réseau hydrographique 201

approach to quantitative morphology. Bull. Geol. Soc. Am. 56, 275-370.


Mandelbrot, B. B. (1982) The Fractal Geometry of Nature. W. H. Freeman & Co, San Francisco, USA.
Mesa, O. J. & Gupta, V. K. (1987) On the main channel length-arearelationship for channel networks.
Wat. Resour. Res. 23(11), 1907-1918.
Moussa, R. (1991) Variabilité spatio-temporelle et modélisation hydrologique. Thèse de Doctorat de
l'Université de Montpellier II, France.
Smart, J. S. (1968) Statistical properties of stream lengths. Wat. Resour. Res. 4(5), 932-936.
Strahler, A. N. (1964) Quantitative geomorphology of drainage basins and channel networks. In:
Handbook ofApplied Hydrology éd. Ven Te Chow, McGraw-Hill, New York, USA.
Tarboton, D. G., Bras, R. L. &Rodriguez-Iturbe,J. (1988) The fractal natureof river networks. Wat.
Resour. Res. 24(8), 1317-1322.

Received 6 April 1992; accepted 15 January 1993


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