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Christopher Pollmann

La compétition sportive, même féminine, triomphe de la virilité guerrière ?

I. Le sport de compétition, contribuerait-il, sur le plan éducatif, à une


culture du viol ?
A. La « capacité d’érection » en question : l’inaptitude au viol des hommes non
déformés
- Dans les discours et les reportages sur le viol, la « capacité d’érection » des hommes
violeurs n’est jamais interrogée.
- Pourtant, « [m]ême avec un minimum d’expérience en la matière, on n’est pas sans
savoir que l’appareillage sexuel est sensible aux “perturbations” ; le membre se replie
sur-le-champ quand quelque chose d’extérieur vient perturber l’envie ; de même quand
on pressent de la défense ou du déplaisir chez son ou sa partenaire. »1
- On peut en conclure, comme le font certaines féministes depuis longtemps, que le viol
n’est pas tant un acte sexuel2 qu’une prise de pouvoir extrême, une suprême domination
et dépossession d’autrui.

B. Le viol est un phénomène de masse


- chiffres INED 2015 : 89.300 viols et tentatives de viol de femmes par an (3.800 cas chez
les d’hommes) + 553.000 autres agressions sexuelles de femmes (185.000 d’hommes) ;
seulement 10 % des viols sont poursuivis en justice.

C. La capacité d’érection des violeurs résulterait aussi du système éducatif


- Dans le cadre de leur socialisation, certains garçons sont amenés à apprendre à
surmonter leurs sensations corporelles de déplaisir, à supporter leurs souffrances et
celles d’autrui et ainsi à maîtriser et à commander leur appareillage génital au point de
pouvoir produire une érection et de pénétrer le corps d’une personne non consentante.
- Plus globalement, « [d]ans une société patriarcale, le corps est façonné pour le
combat »3.

D. L’entraînement sportif développerait la capacité de commander une érection


- Dans le sport, on apprend notamment à « se dépasser ». Or, ce qui est précieux à titre
occasionnel devient dangereux quand c’est pratiqué de façon régulière. Car se dépasser
implique de se désensibiliser à l’égard des signaux de son corps, mais sans doute aussi
des signaux d’autrui.
- On apprend ainsi à supporter ses souffrances et celles d’autrui.

II. Le sport de compétition incluant les femmes, participe-t-il du passage


d’une société patriarcale à une société axée sur la performance et la
loi du plus fort ?
- Le sport féminin contribue-t-il à l’émancipation des femmes ? (La question pourrait
également être posée à l’égard du “handisport” des personnes ayant un handicap !)

1 Klaus THEWELEIT, Le rire des bourreaux. Essai sur le plaisir de tuer, Seuil 2019, p. 122.
2 Ibid. p. 123.
3 THEWELEIT, “De Breivik aux terroristes, les tueurs de masse à travers l’histoire”, Le Monde des livres,
29 mars 2016.
- Attention, « à l’intérieur d’une société répressive, même les mouvements progressistes
menacent de s’inverser en leur contraire, tout dépend de leur degré d’acceptation de la
règle du jeu » (Herbert MARCUSE). Or, le sport féminin accepte pleinement la règle de
base qu’il y a un gagnant et des perdants selon des critères quantitatifs !
- La sportive est alors doublement soumise et exploitée : par le cadre capitaliste de la
production des performances et par la domination mâle qui y a cours.

A. Virilisation et chosification des corps


- Le sport de compétition implique une « virilisation » liée à un processus de
transformation du corps subjectif en un corps objectivé, performant, rendu abstrait par
la logique de la mesure du temps et de la performance.
- On assiste à une chosification, une désexualisation et une désensualisation du corps :
« le sport tuera l’érotisme » (Pierre DE COUBERTIN).
- Les hommes sont également soumis à ce processus de virilisation, mais ils en souffrent
globalement moins que les femmes parce que le sport renforce leur identité masculine.
- Le travail sportif passe par la maîtrise, le contrôle et l’encadrement strict des
manifestations de la vie.

B. La gestion profitable et nocive des spécificités corporelles des sportives


- En fonction des exigences de la compétition et du calendrier sportif, les particularités
corporelles des sportives sont tantôt ignorées ou méprisées, tantôt au contraire rendues
productives. Elles sont souvent des freins et parfois des facteurs de performance
sportive :
 règles et « syndrome prémenstruel » (dont semblent souffrir 83 % des sportives) ;
 contraception (pour éviter une grossesse ou pour adapter le cycle menstruel au
calendrier des compétitions) ;
 grossesse (tantôt obstacle à la pratique sportive, tantôt cause d’une croissance du
rendement de 10 à 30 %, d’où le « dopage biologique » en mettant enceinte) et
maternité ;
 réduction des seins (pour accroître la performance).
- Les risques physiques et psychologiques encourus par les sportives particulièrement
nombreux, notamment dus à la triade : désordres alimentaires, perturbation des règles
et ostéoporose.
- La pratique sportive des filles retarde, sur le plan psychoaffectif, sexuel et physiologi-
que, leur puberté et masculinise leur corps.
- La pratique sportive favorise l’ « incontinence d’effort » (dont souffrent près de la
moitié des femmes pratiquant de façon intensive).

C. Des aspects sexistes


- Les sportives servent d’affichage attirant, publicitaire du sport, d’où parfois l’exigence
de tenues sexy.
- La pratique sportive, l’entraînement et les éventuelles blessures et d’autres problèmes
placent les sportives en situation de vulnérabilité sexuelle face à des professionnels
souvent masculins.

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