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Atelier de plaidoirie

Cour Internationale de Justice

Application de la convention contre la torture et autres peines ou


traitements cruels, inhumains ou dégradants (Arménie c.
Azerbaïdjan)

Phase orale - Plaidoirie en audience publique

Présentation du pays

L’Arménie, située dans la région montagneuse du Caucase, entre l'Asie et l’Europe, est l’une
des plus anciennes civilisations au monde (remonte à la Préhistoire et surtout l’Antiquité).
Cependant, c’est au début du XXème siècle que l’Arménie a été vraiment mise en péril avec
le génocide arménien en 1915 par l’Empire Ottoman. Ces massacres feront plus d’1 millions
de morts (entre 1,3 millions et 1,5 millions), pour une population arménienne, estimée en
1914, dans l’Empire Ottoman à 2 millions 1. Ce génocide est nié par le gouvernement turc
depuis lors.

Seulement quelques années après son indépendance face à l’Empire Ottoman, l’Arménie se
retrouve intégrée à l’Union soviétique. Les rivalités entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
débutent lorsque Staline décide de rattacher le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan en 1921, «
pour favoriser la Turquie, proche des Azéris, et punir l’Arménie qui a critiqué le
bolchévisme. En 1923, il érige le territoire en région autonome »2. En 1988, le peuple
arménien défile dans sa capitale, Erevan, prônant le rattachement de l’Artsakh à l’Arménie.
Les députés arméniens du Haut-Karabakh soutiennent cette même volonté et votent le
rattachement de ce dernier à l’Arménie. Une guerre sans précédent durant 6 ans éclate alors.
Entre-temps, en 1991 l’URSS s’effondre et le Haut-Karabakh proclame unilatéralement son
indépendance. En 1992, l’Azerbaïdjan lance des opérations militaires contre le territoire
1 Atlas des crises et des conflits, Pascal Boniface et Hubert Védrine, page 40
2 Site des relations turco-arméniennes à travers l’Histoire, https://turksandarmenians.marmara.edu.tr/fr/les-
recensements-ottomans-et-les-armeniens/
sécessionniste et met en place un blocus. Cette décision déclenche une nouvelle guerre et
entraîne des massacres chez les deux belligérants3. En 1994, les forces armées arméniennes
reprennent le Haut-Karabakh et signent en mai un cessez-le- feu à Bichkek (Kirghizistan). En
avril 2016, le territoire fait face à de nouveaux combats qui sont rapidement arrêtés par
l’imposition d’un cessez-le-feu par Moscou, allié des arméniens. L’Azerbaïdjan en profite
pour reconquérir des milliers d’hectares sur l’armée arménienne4.

Contexte « historique »

Fin 2020, les forces armées de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie s’affrontent au cœur du


Caucase dans l’enclave du Haut-Karabagh sur fond de différend frontalier entre les deux
nations. Dans cette région aux enjeux hautement politiques, géopolitiques, économiques et
ethniques, où près de 7650 personnes ont perdu la vie en 2020 selon l’Uppsala Conflict Data
Programme et selon les estimations officielles. Cette guerre est arrêtée par un accord de
cessez-le-feu signé le 10 novembre 2020 sous patronage russe — Éclate une nouvelle crise à
la nouvelle arméno-azerbaïdjanaise le 12 mai 2021 où des soldats azerbaïdjanais occupent
environ 41 kilomètres carrés du territoire arménien reconnu internationalement — Le 17
novembre 2021, dans une déclaration commune de la présidente de la délégation de l'Union
européenne pour les relations avec le Caucase du Sud, Marina Kaljurand, le rapporteur
permanent du Parlement européen sur l'Arménie, Andrey Kovatchev, et la rapporteure
permanente du Parlement européen sur l'Azerbaïdjan, Željana Zovko, l’opération militaire
lancée par l’Azerbaïdjan le 16 novembre 2021 est qualifiée de « pire violation à ce jour de
l’accord de cessez-le-feu de 2020 sur le Haut-Karabakh ».

Contexte factuel

Le conflit arméno-azerbaïdjanais perdure et, sporadiquement, des affrontements surviennent


entre les deux belligérants soutenus diplomatiquement tantôt par l’Union européenne, tantôt
par la Turquie, tantôt par la Russie. Le conflit armé opposant la Russie à l’Ukraine change le
paradigme et accroît le risque géopolitique dans la région, le faible nombre de forces de la
Communauté des États Indépendants (CEI ou CIS en anglais) conduit à l’augmentation du
nombre de combats et d’escarmouches — Ces affrontements se sont intensifiés à compter de
3 Atlas des crises et des conflits, Pascal Boniface et Hubert Védrine, page 40
4 Ibidem
la nuit du 12 au 13 septembre 2022, où de nouvelles violences sont survenues entre les forces
armées des deux parties. En effet, les forces azerbaïdjanaises ont attaqué plusieurs villes sur
le territoire arménien, dont Goris et Sotk, pendant dix heures d’affilée, avec « de l’artillerie,
des mortiers, des drones et des fusils de gros calibre » (défenseuse des droits arménienne,
Kristine Grigoryan) — Ces attaques furent particulièrement meurtrières et l’Arménie
comptait plus de 50 combattants décédés dans cette seule nuit, soit tout autant que du côté de
l’Azerbaïdjan. Les combats ont à ce jour conduit à la mort de 300 personnes depuis leur
résurgence.

Objet du différend

De la requête introduite par l’Arménie (et exceptions préliminaires succinctes)

Requête déposée par l’Arménie sur des Allégations de violations par l’Azerbaïdjan de ses
obligations au regard de la convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants en raison d’actes visant des soldats arméniens. La requête
devant la Cour Internationale de Justice se fonde sur l’Article 30 de la Convention contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En effet, les États de
l’Arménie et de l'Azerbaïdjan sont tous deux parties à la Convention et n’ont ni l’un ni l’autre
formulé de réserves à l’article 30.

En l’espèce, la Cour est saisie d’un différend opposant deux États souverains membres de
l’Organisation Nations Unies, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Ils sont l’un et l’autre situés sur
une partie du territoire de l’ancien État connu sous le nom « Union des Républiques
Socialistes Soviétique » (« URSS »). Le différend porte sur l’application et de l’exécution
d’une convention internationale à laquelle ils sont parties, savoir: la « Convention contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». L’Arménie et
l’Azerbaïdjan ayant ratifié cette dernière, respectivement en 1993 et en 1996, la Cour a pour
tâche d’examiner les demandes d’ordre juridique et les allégations factuelles formulées par
l’Arménie à l’encontre de l’Azerbaïdjan.

Dans le cadre de l’atelier de plaidoirie, nous considérerons avoir dépassé l’arrêt des
exceptions préliminaires, que la requête est recevable et que l’arrêt rendu portera sur le fond.
Résumé des faits menant à l’objet du différend (fond)

En droit, le Demandeur tenu d’indiquer l’objet du différend dans sa requête — Cour


établissant elle-même objectivement l’objet du différend.

En l’espèce, la requête introduite par l’Arménie porterait sur le chef d’actes de torture et
autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants

Au cours des combats survenus entre le 13 et le 14 septembre 2022, un soldat de sexe féminin
appartenant au corps de l’armée arménienne aurait été tuée dans la ville de Vayots Dzor, en
Arménie. Quelques heures plus tard, une vidéo de cette combattante apparaît sur les réseaux
sociaux. Cette captation vidéo, diffusée initialement sur des messageries cryptées pro-azéri,
aurait été réalisée par des soldats de l’Azerbaïdjan. Si l’identité de la victime demeure à
confirmer (selon un média de la communauté arménienne aux Etats-Unis, Asbarez, il s’agirait
d’Anush Apetyan, 36 ans et mère de trois enfants), l’État-major arménien ainsi que le
Premier ministre du pays ont toutefois confirmé qu’il s’agissait bien d’un de leurs membres et
que les violations alléguées dépassaient les règles établies par le droit international
humanitaire.

Dans cette vidéo particulièrement violente, la qualité de soldat et d’être humain a été
totalement reniée par les auteurs de ces violences. En effet, il ressort en premier lieu que
celle-ci gît au milieu d’autres troupes arméniennes, en violation au respect dû au morts prévu
par les multiples conventions internationales en matière de droit international humanitaire. En
deuxième lieu, l’Arménie allègue que son combattant aurait été victime d’actes de tortures
ante mortem ou post mortem en ce qu’elle apparaîtrait presque nue ; ses bras seraient relevés
au-dessus de sa tête ; qu’elle serait également énucléée, le trou laissé dans l’orbite étant
comblé par une pierre ; qu’un doigt coupé ante mortem ou post mortem aurait été mis dans sa
bouche et que son corps ferait état de multiples traces de blessures et lacérations, notamment
de sa poitrine à son estomac. Ces actes sont constitutifs de crimes de guerre et sont réalisés en
violation de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants.
Le ministre arménien des affaires étrangères a, pour sa part, indiqué à des diplomates
étrangers lors de sa visite aux Nations Unies à New-York que le cas de cette combattante
n’était pas le seul et qu’il « existe des dizaines d’exemples comme celui-ci ».

Problématisation de l’affaire

1. En premier lieu, la Cour devra déterminer si elle peut conclure qu’un Etat a commis
des actes de torture, traitement inhumains ou dégradant sans qu’un individu ait
préalablement été reconnu coupable de tels actes par un tribunal compétent, qu’il soit
national ou international.
2. En deuxième lieu, la Cour devra s’interroger si les actes de torture, traitement
inhumain ou dégradant commis pourraient:
a. Être attribués à l'Azerbaïdjan en application des règles du droit international
coutumier de la responsabilité internationale des Etats.
b. Au regard des faits incriminés, cette interrogation s’étend sans préjudice à la
question de savoir si de tels actes ont été commis par des personnes ou des
organes dont le comportement est attribuable à l'Azerbaïdjan, État défendeur.
3. En troisième lieu, de déterminer si des actes de la nature de ceux qui sont mentionnés
à l’article 1er de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, autres que ces actes eux-mêmes, ont été commis par des
personnes ou des organes dont le comportement est attribuable à l’Etat défendeur,
selon ces mêmes règles du droit de la responsabilité internationale. Ici, est notamment
visé l’article 4 paragraphe 1 où figure la complicité ou une participation à l’acte de
torture.
4. Enfin, la Cour devra statuer sur la question de savoir si l’État a-t-il respecté ses
obligations tant de prévenir que de punir les actes de torture, de traitements inhumains
ou dégradants, exigences qui découlent notamment des articles 2 et 4 de la
Convention ?

Demandes de l’État demandeur

Sur la base de ces éléments de preuve et des arguments juridiques exposés dans le mémoire à
venir, l’Arménie prie la Cour de dire et juger :
1. Que l’Azerbaïdjan, directement ou par le truchement de ses auxiliaires, agents ou tout
intérêt, a violé et continue de violer la convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, en se livrant aux actes précédemment
évoqués, savoir :
a. Avoir commis des actes par lesquels une douleur ou des souffrances aiguës,
physiques ou mentales de manière intentionnellement infligées à une personne
b. D’avoir commis ces actes dans le dessein de la punir d'un acte qu'elle ou une
tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou
de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce
personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination, en
l’espèce en raison de son sexe
c. Par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre
officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.
2. Que l’Azerbaïdjan a violé et continue de violer la convention contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en aidant et
encourageant des individus et des groupes se livrant à des actes de torture ;
3. Que l’Azerbaïdjan a violé et continue de violer la convention contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en manquant à son
obligation de prévenir et de punir les actes de torture ;
4. Que l’Azerbaïdjan doit immédiatement mettre fin aux actes susmentionnés et prendre
des mesures immédiates et efficaces pour s’acquitter pleinement de ses obligations
aux termes de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants ;
5. Que l’Azerbaïdjan doit effacer les conséquences de ses actes internationalement
illicites et rétablir la situation qui existait avant que les violations de la convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

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