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L’humain

L’humain et
et l’inhumain
l’inhumain
→ Chez LOCKE, le concept d’inhumain diffère à la fois un concept de loi. Parce que l’esprit découvre « une
du non-humain et de l’animal, même s’il entretient loi préexistante qui exprime l’essence de la nature
une relation irréductible à ces notions : « C’est l’in- humaine, cette connaissance n’est rien de plus qu’une
humanité au sein de l’humanité. » reconnaissance ».
→ Le non-humain = la Terre que Dieu a donnée en com- → L’idée que le pouvoir souverain puisse s’acquérir
mun au genre humain. Terre (= sol + terre) => nature par la force ou que la force et la ruse soient les
inanimée + ce à quoi elle donne la vie => nature ani- seules vertus dans l’état de nature appartien-
mée. nent à ce que Locke appelle la règle des « bêtes,
→ Sa théorie politique repose sur distinction à la fois chez qui le plus fort l’emporte ».
antérieure à l’humain et à l’inhumain et constitutive : → Par contraste, il précise que tous les hommes
la différence entre l’animal et la bête ou « bête de sont naturellement dans un état très diffé-
proie ». rent, celui-ci étant « régi par un droit de na-
ture » : « nul ne doit léser autrui dans sa vie, sa
ANIMAUX BETES DE PROIE santé, ses libertés, ni ses biens ». Cette loi, en
⚡ (Lion, tigre, loup) Leur exis- retour, dérive du fait que « tous les hommes
Coexistent pacifi- sont l’ouvrage d’un seul Créateur tout puissant
quement avec les tence pose une menace et infiniment sage, tous les serviteurs d’un seul
hommes, ceux que permanente au genre hu- souverain maître ».
l’homme utilise. main et la raison elle-même
→ Locke ne dit pas que la raison est l’instrument
réclame leur destruction
qui nous permet d’accéder à la loi, et il ne dit pas
en tant qu’espèce.
non plus que la loi est un produit de la raison ou
du raisonnement. Plutôt, la raison EST cette loi,
Leur extermination la raison et la loi de la nature sont IDENTIQUES.
est nécessaire à la
→ ESSENCE = norme qui permet à Locke de distin-
survie de l’homme. guer l'humain de ce qui n'a d'humain que l'appa-
rence, autrement dit de l’inhumain.
→ Distinction entre violence rationnelle (état de na- → La question de l’espèce est déterminée par un
ture pacifique et gouverné par la loi => préventive simple choix moral et politique : « se référer » à
ou défensive) et violence « d’agression » (= état de la raison, ou la loi de la nature.
guerre, néanmoins placé sous l’autorité de la loi de la → ESPECE = communauté politique unifiée par le
nature). consentement librement accordé de chacun de
→ La destruction des espèces prédatrices crée à elle ses membres au fait de se référer à la raison et
seule les conditions de sureté et de sécurité pour la d’en assumer les obligations, dont la vérité est
croissance et le développement du genre humain. évidente pour tous, sauf pour ceux qui s’entê-
Locke soutient que les lois de la nature, auxquelles tent à se détourner de ce qui est au-delà de la
tous les hommes sont nécessairement soumis, ne sont contestation et dont la juridiction est univer-
« pas inscrites dans les esprits des hommes », mais selle. Ainsi, l'ignorance de la loi ≠ excuse, il ne peut
qu’elles doivent être « découvertes et établies par y avoir d’ignorance au sens strict, uniquement la
un effort de réflexion et de raisonnement ». Il décision de se détourner de ce qui ne peut pas
existe des idées, celle notamment de Dieu comme lé- ne pas être connu.
gislateur et créateur, qui doivent opérer avant l’ex- → Humanité = association volontaire de ceux qui se
périence des sens pour qu’il soit possible d’en dégager réfèrent à la raison et respectent la loi qu’elle
incarne, avec ses obligations. « En transgressant
le droit naturel, le délinquant déclare1 qu’il vit

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« Déclarer » = déclaration d’indépendance à l’égard
de l’espèce humaine qui est simultanément et indisso-
ciablement une déclaration de guerre à son encontre.
selon une autre règle que celle de la raison et de → Le criminel = marque l’existence d’une zone d’in-
l’équité commune établie par Dieu comme mesure distinction entre l’humain et le bestial ; moins
des actions des hommes, en vue de leur sécurité l’homme sous une forme bestiale, d’ailleurs, que la
mutuelle ». Il « devient dangereux pour l’huma- bête sous une forme humaine (une bête poursui-
nité » (II : 8). vant son objectif avec l’application d’un homme,
→ Locke écrit qu’en commettant le « crime, qui et pas n’importe quel objectif, celui de la des-
consiste à violer la loi et à s’écarter de l’obéis- truction et/ou spoliation de l’humanité).
sance à la droite raison », « l’individu dégénère → Chez Locke, l’inhumain est au-delà de tout effet
et proclame qu’il rompt avec les principes de la rétroactif d’une interpellation : à l’origine de
nature humaine pour vivre en créature malfai- l’homme qui a cessé d’être un homme pour devenir
sante ». (II : 10) une créature sauvage, il y a une décision qu’il a
→ La description que donne Locke du comporte- déjà prise, dans la liberté dont il a autrefois dis-
ment du criminel est, simultanément une inter- posé mais qu’il a perdue à présent.
prétation de son sens politique ou théologico- → Punition du criminel : résultat de son acte volon-
politique. Ainsi, l’acte consistant à dégénérer de taire et est d’autant plus légitime et nécessaire.
l’humain vers le bestial trouve son origine dans un
acte de la volonté, une déclaration par laquelle EXEMPLE CONCRET (Deuxième Traité) :
l’individu « abjure » une espèce pour en « embras- → « ce voleur, auquel je ne peux faire aucun mal,
ser » une autre. L’auteur ou le sujet d’une telle sauf en recourant à des voies de droit, s’il m’a
action peut et doit, en conséquence, en être dérobé tout ce que je possède, je peux le tuer
tenu responsable. quand il m’attaque […] dès lors que la loi, […]
→ Le « criminel », « ayant abjuré la raison, cette ne peut pas s’imposer dans l’immédiat pour pro-
règle et cette mesure communes données par téger, contre les actes de violence, ma vie dont
Dieu à l’humanité, déclare la guerre à tous les la perte est irréparable, elle me donne le droit
hommes quand il consomme injustement, sur la de me défendre et celui de faire la guerre,
personne d’un seul, des actes de violence ou de c’est-à-dire la faculté de tuer l’agresseur ; car
meurtre et on peut donc le détruire comme un celui-ci ne me laisse pas le temps de former un
lion ou un tigre, comme l’une de ces bêtes sau- recours devant notre juge commun et il rend im-
vages, près de qui l’être humain ne connaît ni so- possible toute décision permettant de donner
ciété, ni sécurité ». (II : 10) une solution juridique à un différend où le mal
risque d’être irréparable ». (III : 19)
→ L’exemple de cet homme qui ne cherche rien
d’autre que prendre le manteau de Locke ne
devient compréhensible que lorsqu’on comprend
qu’il a abjuré la raison, qui lui commande de res-
pecter la propriété d’autrui, et qu’en tentant
de prendre son manteau, il se déclare non plus
humain, mais INHUMAIN.
→ Il est devenu une bête de proie, pire que le loup
ou le lion, parce que, contrairement à eux, il a
consenti à sa propre dégénérescence et abjuré
→ C’est alors l’existence même des criminels qui est librement son appartenance à l’espèce humaine.
intolérable : leur existence est incompatible On peut alors le détruire, en tant que membre
avec celle de l’espèce humaine qu’ils ont abjurée : d’une espèce dégénérée, d’une contre-espèce,
ils « détruiront à coup sûr » les hommes assez non pas pour ce qu’il a fait mais pour ce que, en
malchanceux pour tomber en leur pouvoir. tant qu’il est inhumain, on le présume capable de
→ « Par sa révolte, il déchoit de sa nature et em- faire.
brasse celle des bêtes ». (XV : 172) Locke : on ne → CONTRE ESPECE = Locke laisse entendre la pos-
peut pas simplement les détruire : on DOIT le sibilité qu’elle existe mais la suspend d’un même
faire, et même les exterminer en tant que mouvement. Ses illustrations et exemples impli-
groupe. quent toujours des individus solitaires
(« l’agresseur ») et la guerre elle-même, généra- hiérarchiser les « hommes » selon leur degré de
lement envisagée comme un conflit entre rationalité.
groupes, se réduit au strict minimum : « donne à → Selon Locke, Dieu a donné le monde plutôt « pour
l’homme le droit de faire la guerre à l’agresseur ». s’en servir, à l’homme d’industrie et de raison »
(III : 19) (V : 34). Ce qui différencie les hommes entre eux
→ De la même manière, l’esclavage est réduit à « la c’est l’usage qu’ils font de leur propriété donc
continuation de l’état de guerre entre conqué- de leur raison : s’ils occupent seulement une
rant légitime et son captif » (IV : 24), ce dernier terre fertile sans en exploiter son potentiel,
« encourt la peine capitale par sa faute, par c’est qu’ils ne font pas usage de leur raison =
quelque action qui mérite la mort ». degré de rationalité BAS. Ceux qui sont « dans le
besoin et misérables », malgré la fertilité d’une
terre qu’ils se contentent d’occuper et qui,
Faute : abjuration parce que l’assiduité caractéristique de la raison
de la nature humaine et la décla- leur fait défaut, ont clairement, précisément
ration qui vaut à l’individu la qua- parce qu’ils sont ou pourraient être des hommes,
lification d’inhumain. Comme les choisi de ne pas se référer à la raison. Et, de
bêtes, de tels individus peuvent même que l’on peut priver de vie ou de liberté
être tués ou soumis, si l’on sursoit ceux qui, par l’usage de la violence, violent la loi
à leur destruction, au « pouvoir que la raison nous enseigne, on peut priver de ce
despotique et arbitraire de leur qu’ils possèdent ceux qui manquent à améliorer
maître » (esclavage) la terre comme la raison l’enseigne. Toute résis-
tance envers une telle appropriation ne ferait
que confirmer leur ressemblance avec les bêtes
→ Mais ni l’individualisation de l’humanité, dans la so- sauvages parmi lesquelles ils vivent.
ciété civile comme l’état de nature, ni la réduc- → L’espèce humaine, unique en cela peut-être
tion de la guerre et de l’esclavage à une con- parmi toutes les créatures de Dieu, vit dans
frontation entre deux individus, ne suffisent en- l’ombre de la communauté de ses déserteurs,
tièrement, chez Locke, à écarter la menace cette race inhumaine, la contre-espèce dont
même qu’était censée neutraliser l’exclusion de l’existence collective pose une menace intolé-
l’espèce humaine de certains individus qui avaient rable à l’humanité.
« violé les lois de la nature » et s’exposaient ainsi
à la mort ou à la réduction à l’esclavage.
→ « L’état de nature est régi par un droit de na-
ture qui s’impose à tous ». (II : 6) « La raison, qui
est ce droit », n’enseigne pas simplement que
« nul ne doit léser autrui dans sa vie, dans sa
santé » ou le priver de sa liberté ; elle enseigne
aussi que l’on ne peut léser ses « biens ». Le cha-
pitre V, « De La Propriété », abonde ainsi en ap-
pels à la « raison, ou la loi de la nature ».
→ La raison nous dit que, tandis que le monde avait
été originellement donné par Dieu en commun à
tous les hommes, c’est à eux d’en faire usage
pour leur conversation et leur commodité.
→ Locke : « la superficie de terre qu’un homme tra-
vaille, plante, améliore, cultive et dont il peut
utiliser les produits, voilà sa propriété ».
→ Mais cette loi de raison, qui parait caractériser
l’Indien autant que l’Européen, et donc le genre
humain dans existence universelle (empirique),
sert en réalité de NORME qui permet de

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