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CHAPITRE

Les interconnexions régionales en Afrique via l’énergie électrique

L’électricité constitue le seul secteur dont le produit a un coût de stockage prohibitif ;


aussi, est-il fondamental que la production et la consommation soient en adéquation. Les
réseaux électriques nationaux mais aussi régionaux permettent ainsi de valoriser les excédents
notamment dans le cas des énergies renouvelables. Cette particularité explique la nécessité
d’une régulation et la mise en place d’institutions et d’instruments de gestion et de régulation
des flux de la marchandise électricité. En outre, plusieurs autres raisons imposent aux pays
africains, une approche régionale dans l’offre d’énergie en général et d’électricité en
particulier : l’important lien entre consommation d’énergie et croissance économique,
l’inégale dotation en ressources de base pour la production d’énergie, l’écart entre l’offre et la
demande, l’importance du coût d’installation. De nombreuses initiatives ont été introduites en
Afrique pour limiter la fracture énergétique entre les pays et fournir aux populations et aux
industries de l’énergie en général et de l’énergie électrique en particulier. Il faut le rappeler, la
« mise en commun de l’énergie » est un phénomène relativement récent en Afrique. Les pays
d’Afrique ont débuté la transition vers des marchés régionaux intégrés, après avoir constaté
les avantages de l’exploitation commune des réseaux électriques aux États-Unis et en Europe.
Ils se sont également appuyés sur leur propre expérience acquise au travers des réformes des
secteurs nationaux de l’électricité, ainsi que dans le développement des échanges bilatéraux et
l’élaboration de projets de production d’électricité multinationaux au cours des 30 à 40
dernières années.

Les États africains ont donc fait le choix de pôles énergétiques pour combattre les
inégalités d’accès à l’énergie. Les pôles énergétiques visent à établir des marchés régionaux
de l'énergie et à harmoniser la politique énergétique par grandes zones. Il existe ainsi cinq
pools régionaux en Afrique, couvrant plus ou moins les cinq sous régions du Continent : le
Pôle énergétique d’Afrique Centrale (PEAC), le Comité Maghrébin de l’Electricité
(COMELEC), le Pôle énergétique Ouest africain (PEOA), le Pôle énergétique d’Afrique de
l’Est (PEAE) et le Pôle énergétique d’Afrique Australe (PEAA).

I/ Le PEAC et la régulation régionale de l’énergie en Afrique centrale

Le PEAC est l’instance chargée de mettre en place l’organe de régulation du marché


régional de l’électricité. Afin de promouvoir le marché régional de l’électricité et valoriser
l’important potentiel hydro-électrique, les pays de la CEEAC ont adopté en 2009(CEEAC,
2009) un code du marché de l’électricité qui fixe les principes régissant la production, le
transport, la distribution, le transit et les échanges transfrontaliers dans l’espace de la CEEAC.

Créé en 2003 à Brazzaville, le Pool Energétique de l'Afrique Centrale (PEAC)est un


organisme spécialisé de la CEEAC chargé de la mise en œuvre de la politique énergétique, du
suivi des études, de la construction des infrastructures communautaires, de l'organisation des
échanges de l'énergie électrique et des services connexes. Il est né avec comme pays membres
l’Angola, la R.D. Congo, la Centrafrique, le Congo/Brazzaville, le la Gabon, Guinée
Equatoriale, Sao Tome et Principe, le Cameroun, le Tchad, le Rwanda et le Burundi.
Les principaux objectifs du PEAC sont :

•Sécuriser l’approvisionnement d’énergie électrique des pays membres.

•Faciliter et coordonner la réalisation des projets d’infrastructures électriques régionales.

•Améliorer l’intégration des marchés nationaux des pays membres en vue de la création d’un
marché régional de l’électricité par la mise en place des instruments du marché.

•Accroître le taux d’électrification régionale et satisfaire toutes les formes de demande


d’énergie électrique.

II/ Le Comité Maghrébin de l’Electricité (COMELEC)

Le COMELEC (Comité Maghrébin de l’Electricité) est un organe créé en juin 1974, sur la
base d’un accord préliminaire entre les Directions Générales de la STEG (Tunisie), la
SONELGAZ (Algérie) et de l’ONE (Maroc). Son élargissement à la SONELEC (Mauritanie)
en 1975 puis à GECOL (Libye) en 1989 est intervenu après l’adhésion de la Mauritanie à
l'UMA (Union du Maghreb Arabe) et l'élargissement de cette instance à la Libye en vertu du
traité de Marrakech qui a consacré l'institutionnalisation de l'UMA (Traité du 17 février
1989). Ce comité fédère les efforts de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie, de la Libye et de la
Mauritanie. La COMELEC possède une des connectivités les plus élevées associée à une très
bonne infrastructure. La région est également reliée au Moyen-Orient par l'intermédiaire de la
ligne d'interconnexion entre l'Egypte et la Jordanie et l'Europe via la ligne Maroc-Espagne.

III/ Le Pôle énergétique Ouest africain (PEOA) et les interconnexions sous régionales

Créé en 2000, le PEAO rassemble tous les États membres de la CEDEAO (Bénin,
Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée Bissau, Guinée, Liberia,
Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo), les critères d’appartenance au PEAO ont
d’abord été définis en avril 2002, lorsque le PEAO relevait directement du Secrétariat de la
CEDEAO à Abuja. Adoptés en 2005, les Statuts ont ouvert l’accès du PEAO à un éventail
plus large d’entreprises. Ils définissent le PEAO comme « L’association de sociétés publiques
et privées qui constituent l’Organisation du PEAO ». Cela a réellement marqué le départ
d’une nouvelle ère en retirant aux autorités administratives le contrôle du pool énergétique
pour le remettre aux mains des compagnies d’électricité qui font partie de ses membres. En
2006, le siège du PEAO a été établi à Cotonou au Bénin.

L’objectif principal du PEAO est d’intégrer les réseaux électriques nationaux dans des
réseaux électriques régionaux unifiés, et de garantir aux citoyens des pays de la CEDEAO une
alimentation en électricité stable et fiable à des prix compétitifs.

Parmi les pools énergétiques de l’Afrique subsaharienne, c’est le PEAO qui se fait le
mieux entendre sur la scène politique, lorsqu’il promeut le développement d’une
infrastructure régionale de production et de transport d’électricité.
IV/ Le pôle énergétique d’Afrique de l’Est (PEAE) et les lignes d’interconnexion

Le Pool énergétique de l’Afrique de l’Est (PEAE) est une instance


intergouvernementale basée à Addis-Abeba en Éthiopie, dont la mission consiste à mettre en
commun les ressources d’énergie électrique d’une manière coordonnée et optimisée, afin
d’alimenter la région en électricité abordable, durable et fiable. Créé en 2003, le PEAE
rassemble le Burundi, la RDC, l’Egypte, l’Ethiopie, le Kenya, le Rwanda, le Soudan, la
Tanzanie, l’Uganda et la Lybie. Le PEAE, est le pool énergétique le plus récent en Afrique, a
été créé par le COMESA en 2006 en vue de promouvoir la distribution de l’énergie électrique
dans la région.

L’objectif du PEAE est de « mettre à la disposition des pays d’Afrique de l’Est de


l’électricité abordable et fiable, en mettant en commun toutes les ressources énergétiques
disponibles dans la région d’une manière optimisée et coordonnée, afin d’augmenter le taux
d’accès à l’électricité de la population de la région et de promouvoir l’intégration régionale ».
Le PEAE vise à :

-Mettre en place un environnement propice aux investissements dans l’énergie ;

-Veiller à l’optimisation des ressources énergétiques au sein de la sous-région par la


coordination des investissements régionaux en faveur de la production, du transport et de la
distribution d’électricité ;

-Recourir aux interconnexions des systèmes électriques et aux échanges d’électricité afin de
réduire le coût de l’électricité ;

-Assurer une coordination efficace et effective des différentes initiatives dans les domaines de
la production, du transport et des échanges d’électricité.

V/ Le pôle énergétique d’Afrique Australe (PEAA)

Le PEAA a été créé par l’Afrique du Sud, la Namibie, le Botswana, la Zambie,


l’Angola, le Zimbabwe, le Mozambique, le Malawi, le Lesotho, la R.D. Congo, la Tanzanie et
le Swaziland.

Ce Pool énergétique a comme objectif principal d’alimenter en électricité fiable et


abordable les consommateurs de tous les membres du PEAA, dans le cadre d’une utilisation
des ressources naturelles raisonnable et respectueuse de l’environnement, et de faciliter le
développement d’un marché de l’électricité concurrentiel. Le SAPP, qui a démarré sous la
forme d’une association de compagnies d’électricité nationales, a été fondé officiellement en
août 1995 lors du sommet de la SADC qui s’est tenu en Afrique du Sud et au cours duquel les
États membres (excepté Maurice) ont signé un protocole d’accord entre États. C’était le
premier pool énergétique officiel en Afrique subsaharienne.

Les principaux objectifs des membres sont notamment les suivants :

-Fournir un forum pour le développement d’un système d’électricité interconnecté de normes


internationales, robuste, efficace, fiable et stable ;
-Coordonner et mettre en application les normes régionales communes de qualité de
l’alimentation, les mesures et le suivi des performances des systèmes ;

-Favoriser le développement de l’expertise régionale ;

-Augmenter l’accessibilité de l’électricité dans les communautés rurales

En conclusion, la création des cinq pools énergétiques de la région est à l’origine


d’une tendance ayant pour effet de promouvoir le commerce régional et rendre le secteur plus
favorable aux affaires, grâce à son lot d’effets positifs sur l’accès, l’efficacité du système, le
coût et le développement durable. Les pools énergétiques ont également permis la création
d’importantes interconnexions entre pays des cinq sous-régions du Continent et parfois entre
sous régions. Ceci a facilité la mise en place d’un marché d’électricité qui apparaît comme un
véritable régulateur de l’offre et de la demande, surtout en période de pic dans certaines
régions.

Si, d’une part, la création de ces pools énergétiques nécessite un renforcement ciblé
des capacités, on peut alors considérer, d’autre part, l’évolution des pools énergétiques de
l’Afrique comme un processus à part entière de renforcement des capacités à long terme. Par
exemple, le développement actif du PEAO au cours de la décennie écoulée a contribué à faire
évoluer les mentalités nationales, en les faisant passer d’une position d’indépendance
énergétique nationale à tout prix à une position de coopération bénéfique avec les pays
voisins.

Thèmes de réflexion

1) Apprécier l’organisation et le fonctionnement des institutions suivantes : CAF, BAD,


NEPAD à la lumière des théories fonctionnaliste et néo fonctionnaliste.
2) L’intergouvernementalisme et l’intégration régionale en Afrique à partir de l’exemple
de l’Union Africaine (UA).
3) Evaluer les réformes nationales des Etats membres de la CEMAC imputables à
l’institution communautaire ( système LMD par exemple).

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