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Immigration et crime organisé.

Le
rapport choc qui accable
08/09/2015 - 08h00 Paris (Breizh-info.com) - Le mouvement pour la remigration,
dirigé par Laurent Ozon, a traduit un rapport accablant rédigé sur le site Global
initiatives against transnational organized crimes. Nous le reproduisons ci-
dessous. 

Et si la fabrication de réfugiés n’était qu’un secteur de la criminalité comme les


autres ? 

C’est en substance la conclusion de ce document explosif. Que les motivations soient


politiques, religieuses ou purement crapuleuses, les convergences d’intérêts entre les
groupes armés de la moitié nord de l’Afrique et du Moyen-Orient sont au cœur du
problème migratoire. Faisant feu de tous les trafics ; cigarettes, armes, drogues et
surtout migrants, les criminels répartissent et élargissent leurs zones d’action. 

Loin des insinuations journalistiques, ce rapport tisse également les liens entre le trafic
migratoire et le terrorisme qu’il finance, anéantissant par-là même les considérations
humanitaires de ceux qui veulent nous imposer toujours plus de clandestins, alors que
survivent, seulement en France 150 000 SDF et plus de 8 millions de précaires.

Les réseaux criminels sont en réalité les premiers bénéficiaires de la générosité


européenne, car chaque point de passage est l’occasion de rançonner les candidats à
l’exil. Sous des mots pudiques, se dessine la violence à laquelle sont soumises ces
poules aux œufs d’or : racket, traite d’êtres humains, exploitation sexuelle.

Par une stratégie de dominos, les groupes armés « recrutent » ainsi toujours plus
de réfugiés. Ces « migrants » deviennent à leur insu les banquiers du crime et du
terrorisme, finançant du matériel, des hommes, et des armes. Et ceux qui les
encouragent, les « associés » de ces trafics.

Ce rapport prouve que l’approche politique de la crise migratoire doit radicalement


changer et l’on distingue pour ce faire deux solutions à mettre en œuvre
simultanément. D’une part, il faut anéantir tous les espoirs d’accueil en Europe pour tarir
les routes migratoires tenues par les criminels. D’autre part, il est également crucial de
réaffirmer l’ancrage des réfugiés sur leur propre territoire pour ne pas céder de terrain
aux terroristes.

Le rapport ne vise pas à mesurer les responsabilités politiques dans le chaos libyen
mais à tracer une ébauche des voies d’action offertes aux politiques qui veulent
vraiment agir. Preuve est ainsi faite que toute manœuvre gouvernementale ne suivant
pas ces prescriptions ne fait que se rendre complice de ces trafics, y compris humains.
Face à l’inaction de dirigeants englués dans les bons sentiments et le marketing à visée
électorale, il revient donc aux citoyens de réagir vigoureusement pour briser les pompes
aspirantes migratoires qui ne servent que les mafias ; et aux élus et représentants du
peuple fidèles à l’intérêt collectif, de s’associer à ce sursaut vital en partageant et en
faisant connaître ce travail.

Le véritable courage, c’est de ne plus les accueillir ici pour les aider là-bas. Il
fallait le démontrer, c’est maintenant fait !

Introduction

Depuis plus de mille ans, le Sahara est une région de  contrebande et de trafic de
nombreux types de produits. La Libye, dont les liens avec l’Europe datent de l’Empire
romain, a toujours été une destination et une voie de transit importante pour nombre de
ces activités illicites. Depuis la chute de Kadhafi, la contrebande et le trafic impliquant à
la fois des groupes armés et des réseaux du crime organisé a augmenté de façon
spectaculaire en Libye. La chute du régime avait permis à la traditionnelle répartition
tribale du commerce trans-Sahara, dans les drogues, les produits de contrefaçon, les
migrants et les armes, de croître pour atteindre environ 43-80M$ au maximum, revenus
réparties entre un grand nombre de trafiquants, clans et groupes.

L’augmentation des flux d’argent et de marchandises illégales a des répercussions à


travers l’Afrique du Nord et le Sahel. Cet argent et les armes en provenance de Libye
ont contribué à faciliter la rébellion au Mali en 2010, et continuent à alimenter les conflits
aujourd’hui. Plus important encore, le nombre élevé de migrants le long de la côte en
Afrique du Nord a permis le développement d’un commerce de « passage » beaucoup
plus lucratif, désormais évalué entre 255 et 323 millions de dollar par an, pour la seule
Libye. La valeur de ce commerce surpasse de loin toutes les entreprises de traite et de
trafic dans la région, et a renforcé des groupes terroristes, y compris l’État islamique.

Cette synthèse est basée sur des données accessibles à tous et de nombreux
entretiens récents dans la région subsaharienne. Elle vise à mesurer la portée actuelle
et l’ampleur des économies criminelles transsahariennes et souligne leurs possibles
implications sur la stabilité et la sécurité. Le but de cette synthèse est de fournir une
mise à jour des informations pertinentes sur les facteurs de conflits potentiels dans la
grande région du Sahara, à destination des décideurs politiques, des intervenants et
des chercheurs. Ce document a été établi en collaboration entre le Centre norvégien
pour l’analyse globale (Rhipto) et l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale
organisée.

Compte tenu de l’importance des revenus que peut générer le trafic migratoire, cette
synthèse conclut que les principales priorités devraient être  d’une part d’empêcher
Daesh et les groupes armés libyens de tirer profit de cette activité, d’autre part de
couper les voies migratoires transsahariennes établies de longue date qui passent par
le Sahel vers la Libye.
Les économies criminelles trans-sahariennes
La contrebande traditionnelle, impliquant les clans dans tout le Sahara, existe au
moins depuis le VIIIe siècle. Depuis peu, les criminels de la région se sont
concentrés par type de trafics particuliers : les trafiquants et les groupes
terroristes sont spécialisés en cigarettes contrefaites,  les trafiquants de drogue
opérèrent en avions légers pour le trafic de cocaïne, et les trafiquants d’armes ne
travaillent presque qu’avec les groupes activistes armés, pour ne citer que trois
types d’activités. 

Les valeurs de ces principaux trafics dans la région sont estimées à :

•  Trafic de drogue colombienne via Guinée-Bissau : valeur « de rue » 1,25 milliard de
dollar en Europe et 150 millions en Afrique de l’Ouest, générant des revenus locaux de
10 à plus de 20 millions de dollars pour les opérateurs dans le Sahel, l’Algérie et la
Libye.

• La chute du régime libyen a permis à des groupes criminels de profiter largement de


tous les trafics : contrefaçon et contrebande de marchandises, y compris les cigarettes,
les produits pharmaceutiques, agricoles, de construction et de transport. Le montant de
ce commerce est difficile à quantifier.

• La valeur totale du commerce libyen des armes dans l’ère post-Kadhafi est
probablement de l’ordre de 15 à 30 millions de dollars par an. Ces armes sont plus
destinées à des groupes militants en Libye et au Sahel (dont le Mali, le Niger, et le
Tchad) qu’au commerce. Ceci étant, des livraisons d’armes ont été détectées vers des
pays du Golfe et ailleurs en Afrique, et les conséquences négatives du commerce des
armes sont évidemment beaucoup plus élevées que sa seule valeur monétaire.

• Le traditionnel trafic de migrants à travers le Sahara était auparavant évalué de 8 à


20million$, mais avec l’augmentation récente des migrants en transit, la valeur actuelle
du commerce le long de la côte (en contournant les traditionnels voies tribales) – est
estimée entre 255 – 323 millions par an.

Les sections suivantes fournissent une vue des principaux trafics


transsahariens :

Drogue

On estime à 18 tonnes la quantité de cocaïne (originaire de Colombie) qui circule par les
côtes d’Afrique de l’Ouest, en particulier la Guinée-Bissau et la guinéen après un pic de
47 tonnes en 2007. Ces 18 tonnes représenteraient une valeur d’environ 1,25 milliard
de dollar sur le marché européen. Leur trafic fournit donc un revenu substantiel aux
trafiquants d’Afrique de l’Ouest, de l’ordre de 150 millions de dollar par an. Les revenus
liés seraient d’environ 15 à 20 millions en Libye, Tunisie et Algérie.
La cocaïne qui transite par la Libye y arrive généralement par le sud, cheminant par les
voies terrestres depuis la Guinée-Bissau jusqu’à la Méditerranée et l’Europe. Comme la
cocaïne est perçue comme une menace en Europe et en Amérique du Nord, faire
transiter la drogue par le Sahara et la Libye demande de plus en plus de complicités de
la part des agents chargés de la sécurité des Etats traversés.

Le cannabis et la résine de cannabis transitent eux aussi par la Libye. Selon les calculs,
le Maroc est le premier ou le deuxième producteur de cannabis. Le produit chemine
jusqu’en Europe, son principal marché, en passant par des réseaux en Égypte et dans
la région des Balkans. Deux chemins existent entre le Maroc et l’Égypte. La première
route passe par le sud et traverse le Sahel pour contourner la frontière fermée entre le
Maroc et l’Algérie, la deuxième longe les côtes du nord du continent. Le volume de
cannabis qui passe par la Libye demeure inconnu, par manque d’analyse sur ce sujet,
mais il est probablement très important et l’on sait que contrairement à la cocaïne, la
majeure partie des revenus issus de ce trafic reste dans la région et finance des trafics
armés.

Contrefaçon et contrebande

Les Etats du Maghreb Algérie, Libye, Maroc et Tunisie et l’Égypte fument 44% des
cigarettes de tout le continent. Le commerce illégal de tabac y serait d’environ 1miiliard
de dollar par an, le Mali représentant une plaque tournante majeure grâce aux réseaux
établis par Mokhtar Belmokhtar, salafiste algérien co-fondateur d’AQMI et qui gère
désormais son propre réseau autonome, Al Mourabitoun (signifiant Les Almoravides,
dynastie des XI et XII siècles).

Le trafic de faux médicaments ou de médicaments interdits est florissant dans la Libye


postrévolutionnaire, à la fois pour les groupes criminels en recherche de profits et pour
les pharmaciens désireux de stabiliser leurs revenus dans une situation désormais
chaotique d’après-guerre. De la même façon, de nombreuses milices ont pillé des sites
publics à la recherche d’équipement de construction et agricoles qu’ils ont vendus au
marché noir dans toute la région, les bénéfices leur permettant de se fournir en armes et
moyens de transports pour renforcer leur trafic.

En dehors du trafic de cigarettes profondément enraciné et aux réseaux bien établis, les
produits contrefaits et vendus en contrebande sont surtout des opportunités saisies au
vol et ne contribuent pas de façon systématique au financement de groupes spécifiques
ou d’acteurs belliqueux. Bien souvent, les produits sont simplement jetés à l’arrière d’un
camion au hasard d’un voyage retour d’un autre trafic pour arrondir les bénéfices.

Armes 

En 2011, l’armée libyenne était estimée à 76000 membres actifs et 40000 agents de
réserve, avec un arsenal de 250 à 700000 armes à feu, dont trois quarts de fusils
d’assaut. A la chute de Kadhafi et la désintégration de l’État libyen, ces armes sont
tombées aux mains de groupes armés et de trafiquants. Les conflits en Libye sont
toujours alimentés par les soldats et les armes qui formaient jusqu’alors la colonne
vertébrale de la puissance de l’Etat.

Le prix d’un AK-47 en Libye varie généralement de 150 à 1000 dollars, parfois plus,
sachant que la moyenne sur le reste du continent avoisine les 500 dollars. Pour des
armes plus évoluées, comme des MANPADS ou des SA-7 (lance-missiles sol-air
portatif), il faut compter plusieurs milliers de dollars par pièce. Le trafic d’armes en Libye
varie de 4 à 15 millions par an pour les armes légères. En comptant les munitions, ce
trafic atteint 15 à 30 millions, bien que la valeur réelle pourrait être double compte tenu
de la grande incertitude sur le nombre d’armes impliqué.

La puissance de feu du régime a également un impact important sur les pays frontaliers.
L’UNODC (Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime) a laissé entendre que
l’arsenal du régime Kadhafi comptait 22000 lance-missiles dont au moins 17000 sont
portés manquants et 400 sont partis dans le trafic avec certitude. On estime qu’entre 10
et 20000 armes à feu libyennes ont rejoint le Mali, le Niger, le Tchad et le Soudan. 
Certaines estimations donnent des chiffres bien plus importants, parfois quadruplés,
suite à la chute de l’armée libyenne et des institutions de l’Etat.

Beaucoup de preuves pointent le rôle critique d’armes et de milices venant de Libye


dans le déclenchement du mouvement séparatiste au Mali en 2011, et de façon durable
en alimentant l’instabilité mais aussi des attaques contre du personnel des Nations
Unies et d’autres cibles. En outre, l’accès aux armes et leur contrôle dans la région du
Sahara est devenu un élément critique pour être capable de contrôler les routes de
trafic et les territoires.

Le trafic de migrants

Il y a désormais un très grand nombre de trafiquants de migrants et réfugiés venant de


Syrie via le Liban et l’Égypte. Les Syriens comptent en effet pour la plus grande part des
migrants exploités via la Libye, même si un nombre rapidement croissant de migrants
sub-sahariens arrive aussi par ces voies. Ce business florissant est aujourd’hui la
source de revenus la plus accessible pour les réseaux de crimes organisés et les
groupes armés, leur permettant ensuite d’acheter des armes, de conquérir de plus
grands territoires, de former des armées, et de pratiquer du racket.

Le trafic migratoire a augmenté de façon spectaculaire à partir de la Libye et de la


Tunisie. Grâce à des moyens variés, dont des accords avec l’Italie, le régime de Kadhafi
avait drastiquement limité les flux migratoires et les trafics d’individus entre les deux
pays : seuls 4500 réfugiés avaient été décomptés en 2010. En 2014, ce chiffre a
explosé pour atteindre au moins 170 000, malgré l’insécurité croissante en Libye et les
dangers de la traversée de la Méditerranée. D’après Frontex, les migrants qui arrivent
en Europe en traversant la Méditerranée depuis la Libye (route dite de méditerranée
centrale) représentent environ 60% des arrivées clandestines en Europe. Pour les 170
000 migrants qui ont utilisé cette voie en 2014, les deux premiers pays d’origine étaient
la Syrie (39651 migrants) et l’Erythrée (33559), le reste venait d’Afrique sub-saharienne
(26340).

Les migrations forcées et illégales (mais volontaires) ont assez augmenté pour devenir
une des plus importantes sources de revenus en Libye, et un vaste spectre de groupes
en profite. Depuis la chute de Kadhafi, les milices harcèlent les migrants et leur famille
pour leur extorquer des fonds ou vont jusqu’à vendre des migrants aux trafiquants.

Quiconque a accès à un bateau peut tirer profit substantiel en mettant des migrants à
l’eau. De façon générale, les passeurs facturent 800 à 1000 dollars par personne pour
le passage vers la Libye, et encore 1500 à 1900 pour le périple en Méditerranée,
souvent en extorquant les fonds de force. Selon le type de bateau, une traversée peut
accueillir plusieurs centaines de migrants. Une fois en mer, peu d’attention est portée au
devenir de ces migrants ou à leur destination finale, les passeurs présument qu’ils
seront secourus à un moment de la traversée. On a par ailleurs peu de preuves que les
passeurs aient établi des services d’accueil pour l’arrivée en Europe.

Pour atteindre la Libye, les réfugiés syriens passent souvent par l’Égypte ou le Soudan,
deux des quelques pays qui n’exigent pas encore de visa pour les citoyens syriens.
Sous le gouvernement Morsi, les Syriens étaient largement bienvenus en Égypte et
nombreux s’y sont établis au début de l’exode des réfugiés. Depuis sa chute toutefois,
les comportements ont changé et se sont durcis envers les réfugiés syriens de plus en
plus nombreux. Beaucoup ont donc continué leur trajet jusqu’en Libye, d’où l’on peut
partir vers l’Europe. Les difficultés d’accès grandissantes pour l’Égypte ont poussé les
migrants à prendre des routes plus au sud, par le Sinaï, là où les contrôles officiels sont
plus faibles, ce qui a en conséquence contribué à impliquer Daesh dans le racket et
l’aide au passage illégal. Ceci crée des incitations qui permettent à Daesh d’augmenter
ses profits en exacerbant les flux migratoires grâce à des attaques ciblées sur les civils
dans leurs zones conquises ou en ciblant les camps de réfugiés frontaliers avec la
Jordanie et le Liban. Cette tactique a été largement utilisée par les rebelles congolais,
en créant des réfugiés puis en les exploitant. Augmenter le nombre de réfugiés syriens
et faciliter le commerce sur le dos des migrants peut ainsi aider Daesh à prendre
position indirecte en Libye.

Pour la population sans cesse grandissante de migrants sub-sahariens, de nombreuses


routes sont accessibles. Les réfugiées d’Erythrée, de Somalie, et de la corne de
l’Afrique à traverser le Soudan, passer par la mer rouge et la péninsule du Sinaï, une
région où le gouvernement égyptien perd de plus en plus contrôle. Une ancienne voie
allant de Djibouti au Yémen en passant par les pays du Golfe est depuis désertée à
cause des contrôles importants de ces derniers. Ajoutons que compte-tenu de
l’instabilité du Yémen, les flux migratoires vont désormais en sens inverse, avec des
centaines de Yéménites arrivant à Djibouti et grossissant l’exode vers l’ouest ou passant
par une nouvelle route le long de la mer noire, au nord. Les Somaliens, les Erythréens,
et désormais les Yéménites, sont éligibles de prime abord au statut de réfugiés en
Europe, ce qui rend l’investissement du trajet pour les plages d’Europe particulièrement
juteux.

Les réfugiés venant d’Afrique de l’Ouest, du Centre et plus au sud ont tendance à suivre
les vieilles routes de commerce à travers le Sahel, comme la route allant du Mali à la
Libye en passant par le sud de l’Algérie ou encore par le Niger, d’Agadez (un nœud de
circulation) puis par le sud de la Libye jusqu’à la côte. L’instabilité de la Libye e bien
évidemment offert des opportunités sans précédent d’atteindre l’Europe pour ces
migrants très largement économiques. Ce business lucratif est responsable d’une
augmentation énorme du nombre de groupes impliqués dans ce trafic, des habituelles
tribus nomades du Sahara tels que les Touareg et les Tebou qui concourent au voyage
de 5 à 20000 migrants par an, à partir de n’importe où vers la Libye. Les migrants
peuvent être obligés de travailler plusieurs mois lors d’escales sur ces routes de trafic,
les abus physiques et sexuels étant assez fréquents. Orchestrer des migrations illégales
massives requiert un « contrat » établi avec les passeurs des tribus, comprenant aussi
des autochtones de clans au Mali, au Niger et au Tchad.

Les groupes armés et le financement du terrorisme


L’importance des activités criminelles dans le financement des groupes djihadistes ne
saurait être sous-estimée. La fragmentation de la Libye et l’insécurité régnante ont eu
un effet d’entraînement dans tout le Sahel et le Maghreb, créant ainsi des havres de
paix pour les groupes terroristes qui peuvent désormais opérer en complète impunité. Il
semble que les opportunités d’alliance ne leur manquent pas tirer profit ou racketter les
divers trafics du nombre croissant de groupes armés et de réseaux criminels dans la
région.

La formation « d’économies de protection » qui peuvent au gré s’intégrer à un trafic ou


le taxer a de sérieuses conséquences sur la stabilité et la sécurité régionales. Dans
certaines régions, cette économie mafieuse surpasse l’activité économique légale et
sape la capacité de l’Etat à gérer les affaires. Alors que différentes dynamiques et
caractéristiques sont en jeu, toutes ces ressources accumulées, contrôlant ou
protégeant les trafics à travers le Sahara, ne viendront en aucun cas aider à une
meilleure gouvernance ou un meilleur contrôle de l’Etat. Elles serviront plutôt à perturber
ou à saper le pouvoir et sa légitimité, et permettront de profiter des opportunités de
trafics sur les ressources pour gagner de l’influence durant ces périodes de transition
démocratiques.

Les groupes terroristes transsahariens 

La Libye sert de base arrière sûre à plusieurs groupes terroristes et/ou djihadistes qui
opèrent dans le Sahel.  Il y a deux principales raisons à cela. Premièrement, La
déchéance rapide du régime de Kadhafi a laissé une vacuité à la tête de l’Etat et fourni
des opportunités à des minorités comme les Touareg (victimes de persécutions sous le
régime Kadhafi) de prendre leur revanche et d’asseoir leur pouvoir. Deuxièmement,
l’opération française Serval menée au nord-Mali a plutôt réussi à repousser les groupes
armés et terroristes en dehors du pays, groupes qui ont trouvé la sécurité en Libye.

La situation en Libye est assez complexe, avec de nombreuses milices combattant


entre elles. Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) est toujours actif dans une grande
partie du Sahel, mais le groupe le plus dangereux opérant en Libye est probablement Al
Mourabitoun, mené par Mokhtar Belmokhtar. S’y ajoutent, Ansar-Edine (signifiant les
défenseurs de la religion), Boko-Haram et Ansar-el Sharia (les défenseurs de la loi
islamique) tous respectivement très actifs au Mali, au Niger et en Libye, il y en outre
toujours eu des contacts entre Boko-Haram et les groupes agissant au Sahel.

Tous ces groupes profitent des différents trafics et commerces en expansion, étant
donné qu’il y a peu de véritables opérateurs économiques dans la région du Sahel. Al
Mourabitoun est le plus célèbre, son fondateur Belmokhtar disposant d’une expérience
de longue date dans le trafic de cigarettes et d’armes, avec des réseaux bien établis
dans tout le Sahel et le Maghreb. Ce groupe est désormais en lien avec les trafiquants
de cocaïne, via une fusion avec MUJOA (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique
de l’Ouest) en 2013. Les membres de MUJOA au Mali sont suspectés d’être liés au
trafic de cocaïne. AQMI est quant à lui renommé pour ses enlèvements avec demandes
de rançons servant à financer ses activités terroristes. Cette habitude semble toutefois
avoir pris fin, plus faute de cibles rentables que de changement de stratégie.

Tant AQMI que Al Mourabitoun jouit d’une totale liberté de mouvement dans certaines
régions du Mali, du sud de l’Algérie, mais les deux groupes conservent leurs bases
arrière en Libye. Il n’y en effet qu’en Libye qu’ils ont pu établir des bases logistiques et
des camps d’entraînement en toute quiétude et sans risque d’être détectés. Ceci étant,
ils maintiennent des caches d’armes, de petits camps et des postes logistiques au Mali,
Niger et en Algérie. Ces deux groupes savent tirer parti des terrains montagneux
accidentés : cela leur permet de masquer leurs pistes, protéger des caches d’armes, et
même de mettre en échec les scanners infrarouges (les signatures de température
peuvent en effet être masquées dans les caves naturelles ou parmi les rochers chauffés
par le soleil). Les régions montagneuses souvent exploités par les groupes terroristes
sont notoirement difficiles à pénétrer pour les armées occidentales et l’incursion franco-
tchadienne dans l’Adrar des Ifoghas en 2012 est l’une des rares exceptions.

Même une opération française continue dans la région, l’opération Barkhane, n’a eu que
peu d’effets pour stopper les groupes armés. Cette opération ciblait les groupes
djihadistes régionaux, basée sur une coopération entre la France et cinq pays du Sahel
(Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), cette opération permettrait à la France
de définir ses cibles à son souhait dans les cinq pays. Malgré un certain succès, les
récentes attaques de Mokhtar Belmokhtar et de d’Al Mourabitoun ont montré que les
groupes avaient assez préservé leurs capacités logistiques, leurs ressources, leur
matériel et leur personnel pour attaquer des cibles stratégiques. Al Mourabitoun
bénéficie largement des liens avec les cartels de la drogue depuis sa fusion avec
MUJOA en 2013 ; AQMI est quant à lui plus enclin à retourner à ses méthodes de trafic
et d’enlèvements pour financer ses activités.
Un autre facteur de complication est la mesure dans laquelle les groupes djihadistes et
les réseaux criminels sont jumelés avec les groupes armés insurgés du mouvement de
libération Azawad. Ce dernier prend officiellement part aux accords de paix avec le
gouvernement malien, sous l’égide de la communauté internationale. Il est donc hors de
portée même pour les forces françaises et ses activités criminelles (comprenant trafic
d’armes et de drogues) ont été largement minorées dans le cadre du process politique.
Des situations similaires se retrouvent en Libye, par exemple avec les mouvements
touareg qui peuvent porter des éléments djihadistes, sont très actifs dans les trafics
d’êtres humains et le transport de cocaïne. La tribu nomade Tébou forme un groupe qui
est isolé des discussions politiques tant en Libye qu’au Mali. Ce groupe, qui s’étend sur
quatre pays au Sahel et au Maghreb, avec une concentration en sud-Libye et au Tchad,
s’est rapidement engagé sur le commerce de migrants et on dit que son contrôle
territorial s’étend largement vers le sud au Niger.

Le rôle de L’État islamique dans le Sahara

Le rôle de l’IS dans le Sahara est en constante évolution et il est encore trop tôt pour en
faire une évaluation valable. Alors que le groupe n’a fait matériellement aucune
incursion de ses activités dans le Sahel, ni n’a reporté de serments d’allégeances par
d’autres groupes comme Boko-Haram, l’état chaotique de la Libye et la première
apparition d’une cellule issue de l’IS en Afrique en nord rendent bien possible que l’IS
décide de faire de la Libye une base, pour l’entraînement et l’organisation ou pour son
expansion.

Le flux de migrants en plein essor sera très motivant pour une expansion de l’IS vers
l’ouest et le Maghreb, considérant que les ressources jusqu’alors mobilisées (trafic de
pétrole et de biens culturels) deviennent de plus en plus contraintes. Par ses activités au
Moyen-Orient, Daesh a montré sa capacité à contrôler un territoire et à racketter autant
l’économie légale que l’économie souterraine. Il a sans doute devenu de loin supérieur à
tout autre groupe armé non-étatique dans le monde, capable d’établir efficacement des
systèmes d’audit, des services sociaux et du contrôle.

Actuellement, une grande partie des réfugiés transitant par la Libye sur le chemin de
l’Europe est de Syrie, mais sont canalisés à travers une chaîne de trafic du Liban à la
Libye. IS  a délibérément mené des attaques contre les camps de réfugiés à l’Ouest de
la Syrie pour augmenter le flux de migrants sur les routes des passeurs contrôlées par
l’organisation, afin de générer des revenus additionnels. Il y a donc une tendance à voir
une augmentation des réfugiés si les troubles en Syrie et en Irak venaient à affecter la
stabilité du Liban ou de la Jordanie.

La faiblesse du Sinaï est un véritable problème, considérant la proximité des places


fortes de Daesh avec la Syrie et la Jordanie. Toutefois, il est possible que Daesh se
retrouve en concurrence avec d’autres groupes armés ou djihadistes en Libye et au
Sahel si l’organisation décidait de poursuivre son extension vers l’ouest ou le sud,
conduisant ainsi à de violents conflits. Les Tebou par exemple ont établi plusieurs zones
sous contrôle sur une bande est du Sahel et aux frontières tchadiennes. Ils ont
également sécurisé des puits de pétrole et tiennent le monopole du trafic de migrants de
la corne de l’Afrique vers la Libye. Cependant, des alliances stratégiques ont déjà été
conclues par le passé entre des groupes du Sahel, en particulier contre des ennemis
communs. Il n’est donc pas possible de prédire aujourd’hui comment les interactions
peuvent évoluer.

Pour le moment, il est clair que le potentiel stratégique et financier d’un engagement de
Daesh au Sahel est considérable ; et les mouvements de populations forment un
terreau propice au recrutement de combattants à l’étranger et à leur couverture, ce qui
forme la force de l’Etat islamique de longue date.

Conclusion

Il y a peu de place pour le doute quant à l’immense inquiétude que suscite le nœud
entre crime et terrorisme dans le Sahara. Il y a de plus en plus de preuve que des
groupes armés, y compris des groupes extrémistes ceux recourant à la violence, tirent
pleinement profit des activités économiques criminelles avec une grande impunité. Avec
le statu quo actuel, le scenario le plus probable est que les forces d’AQMI et d’Al
Mourabitoun restent à leur niveau pendant que celles de Daesh augmentent, ce qui
signifie que les attaques dans le Sahel vont se poursuivre contre des cibles de fortes
valeurs, y compris des attaques suicides et visant des cibles occidentales (ambassades,
hôtels, night clubs) ainsi que des symboles de puissance des Etats. Plus longtemps un
groupe criminel reste inattaqué par les forces légitimes, plus ses réseaux sont établis,
plus grande est son influence lors de discussions dans un process politique, sous
réserve qu’ils en fassent le choix.

D’un point de vue politique, les réponses apportées aux conflits, à l’instabilité et au
terrorisme doivent être réinterprétées sur ces bases. Les décisions par défaut qui
consistent à renforcer les frontières risquent de n’avoir que peu d’impact compte tenu
des grands territoires et de l’utilisation des voies maritimes ainsi que de la dispersion
des groupes sur les différents territoires. En outre, l’enchevêtrement d’intérêts
politiques, terroristes et criminels porte de grandes implications sur les stratégies de
retour à la paix. En effet, il est d’autant plus difficile d’intégrer les groupes criminels dans
un processus de paix qu’ils bénéficient des divers trafics et rackets qui disparaitraient en
temps de paix. Ils manquent donc de motivations à rejoindre un Etat structuré sauf à
légaliser des économies criminelles sous couvert d’un processus démocratique et
diplomatique, mais fournissant peu de retour réel de stabilité et de développement pour
les populations.

De toutes ces activités criminelles, la plus urgente à traiter est celle du trafic de migrants
à travers la Méditerranée car l’augmentation des flux finance en retour les groupes
radicaux impliqués dans les trafics au Sinaï et en Égypte, liés à la Libye, la Syrie, l’Irak,
y compris Daesh. Une plus grande implication des réseaux de crimes organisés dans
les trafics est possible sur les voies venant et allant vers la Jordanie, ainsi que sur celles
qui transitent vers la Libye ou l’Égypte. L’augmentation du nombre de réfugiés syriens,
en particulier résultant d’attaques de Daesh près de Damas (comme nous avons
observé autour des camps de réfugiés) est susceptible d’alimenter les trafics de
migrants et la traite d’êtres humains. Cela augmente nettement a capacité des groupes
armés à se retrancher plus profondément en Libye et à capter des sources de revenus
en dehors de l’Irak et la Syrie.

S’attaquer aux flux migratoires est un véritable enjeu et les interventions au large des
côtes libyennes ont peu de chance de faire réduire les flux de migrants compte tenu de
l’étendue de la zone de repêchage. Au contraire, elles peuvent augmenter les départs,
étant donné le peu d’attention que les trafiquants portent au sort des migrants qu’ils
mettent sur les bateaux une fois les plages libyennes quittées. Ainsi toute intervention
pour secourir les bateaux de réfugiés doit s’accompagner d’une analyse ciblée sur
comment réduire les bénéfices de trafics et comment faire en sorte que les sauvetages
ne fassent qu’alimenter le modèle économique de Daesh, ce qui va bien au-delà de l’ère
libyenne.

Recommandations

Il est vital de réduire la motivation des migrants et des réfugiés à passer en Libye par les
maillons du crime organisé. Non seulement pour réduire les risques physiques des
migrants eux-mêmes mais aussi pour porter atteinte à la plus grande opportunité
financière de Daesh  en Afrique du Nord. La meilleure façon de faire est :

 Améliorer les aides d’urgence aux réfugiés au Liban, en Syrie et en Jordanie en


augmentant significativement l’aide portée et la protection aux camps de réfugiés,
 Faire des campagnes de promotion auprès des refugiés pour les informer des risques
d’abus, d’esclavage et même de mort inhérents au recours de réseaux de passeurs,
 Cibler plus efficacement les réseaux de passeurs et les points de passage (ndt : points
d’étranglement dans le texte), comme les côtés libanaises, le Sinaï, l’Égypte et le
Soudan, détourner et faciliter les flux migratoires par des voies terrestres. Le Sinaï
devrait être l’objet d’une attention particulière, ainsi que les flux en provenance du
Yémen vers cette voie,
 Améliorer significativement les renseignements et les analyses sur les routes, les points
de passage et les organisations structurées de trafic migratoire, au plus près des pays
d’origine,
 Sur le long terme, réduire l’exode des réfugiés fuyant les zones de conflit est la seule
solution. Cependant, les mesures ci-dessus sont des actions de court terme qui peuvent
être prises et empêcher l’afflux de ressources financières vers les groupes radicaux,
mais aussi empêcher la déstabilisation complète du Liban ou de la Jordanie et par voie
de conséquence le financement de groupes armés dans le Sinaï en Égypte et en Libye.

Bibliographie

Mark Shaw and Fiona Mangan, Illicit Trafficking and Libya’s Transition: Profits and
Losses, United States Institute for Peace, Washington DC 2014
Tuesday Reitano and Mark Shaw, Fixing a Fractured State? Breaking the cycles of
crime, conflict and corruption in Mali and the Sahel, Global Initiative against
Transnational Organized Crime, Geneva 2015

Arezo Malakooti, Mixed Migration: Libya at the Crossroads, Mapping of Migration


Routes from Africa to Europe and Drivers of Migration in Post-revolution Libya, UNHCR,
Tripoli 2013

Brian McQuinn, After the fall: Libya’s evolving armed groups, Small Arms Survey,
Geneva 2012 Frontex, Annual Risk Analysis 2015, Warsaw 2015

About 
This brief was prepared as a joint collaboration between:

RHIPTO, the Norwegian Center for Global Analysis, set up to support the UN with rapid
response capacities regarding acute and timely information and analysis relating to risks
to the environment, development, peace and security.

The Global Initiative against Transnational Organized


Crime (www.globalinitiative.net), an independent network of prominent law enforcement,
governance and development practitioners who are dedicated to seeking new and
innovative strategies to end organized crime.

Document publié sur le site internet Global initiatives against transnational


organized crimes, traduit de l’anglais par le Mouvement pour la Remigration le 30
Août 2015. 

https://globalinitiative.net/wp-content/uploads/2015/05/TGIATOC-Libya_-a-growing-hub-
for-Criminal-Economies-and-Terrorist-Financing-in-the-Trans-Sahara-web.pdf

Crédit photo : DR


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mention de la source d’origine

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