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Parmi les cinq matières cruciales pour la fabrication des batteries lithium-ion que

sont le manganèse, le nickel, le graphite, le lithium et le cobalt, seuls les deux


derniers "pourraient faire l’objet de déficits momentanés" à court et moyen terme,
affirme Elsa Olivetti, professeur assistant au MIT. Les autres sont trop largement
utilisés dans l’industrie pour que la croissance du segment batteries ait une influence
sur la disponibilité de l’offre. Le développement du stockage pourrait toutefois venir
soutenir les cours du nickel (en surcapacité) et du cuivre, dont les gisements
s’appauvrissent aussi vite que croît son usage, notamment pour le câblage
électrique. Elsa Olivetti exclut un ralentissement de la croissance du marché des
batteries lié à un manque de matières, du moins dans les quinze prochaines années.

Source d’inquiétude depuis l’émergence de la batterie lithium-ion, le lithium fait


l’objet de controverses. Manquera-t-il ou non à l’industrie ? Dans le doute, Tesla
envisage d’investir avec le chilien Sociedad Quimica y Minera (SQM) dans une usine
de raffinage de lithium pour nourrir sa gigafactory dans le Nevada. Plus que
l’extraction, ce sont les capacités de transformation qui inquiètent les utilisateurs.
Avec 40 millions de tonnes, les ressources, elles, sont massives et bien réparties,
mais sous-exploitées. L’extraction se fait par deux moyens : la mine et l’exploitation
des lacs salés partiellement asséchés, comme en Amérique latine, qui a l’avantage
de pouvoir être développée en moins d’un an, contrairement à une mine dont la
construction prend plusieurs années. C’est cette voie qu’explore Eramet, qui a
développé un procédé innovant de séparation sans évaporation des saumures. Le
groupe minier et métallurgique français pense arbitrer d’ici à 2019 un investissement
de 400?millions de dollars en Argentine, pour produire annuellement 20 000 tonnes
équivalent carbonate de lithium à compter de 2021.

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Une explosion de la demande

La capacité mondiale de production de lithium est estimée à 200 000 tonnes,


dévolues pour moitié à la fabrication de batteries. Elle pourrait monter à 500 000
tonnes en 2020, si les projets en cours se concrétisent. Mais la demande croît plus
vite encore. "L’Union européenne a fait le choix de ne pas considérer le lithium
comme matière première critique, une situation d’autant plus étonnante que les
technologies liées aux transitions énergétiques figurent parmi ses priorités absolues
en matière de recherche et de développement industriel. Cette approche, qui peut
s’expliquer par l’utilisation potentielle d’autres technologies (cadmium, vanadium,
sodium, fer), est néanmoins contre-intuitive au regard des travaux et avancées
technologiques des principaux acteurs", note Nicolas?Mazzucchi, chercheur à la
Fondation pour la recherche stratégique dans un rapport récent.

La question du cobalt est plus épineuse encore. Ses prix ont triplé en deux ans,
notamment en raison des projections de croissance du véhicule électrique. Les
craintes sont aussi géopolitiques et sociétales. Plus des deux-tiers du cobalt extrait à
travers le monde proviennent de la République démocratique du Congo, une
production effectuée dans des conditions extrêmement difficiles, parfois par des
enfants. Une situation dénoncée par des ONG qui mettent en évidence les défauts
de surveillance de leur supply chain par les principaux fabricants de batteries. La
récente révision du code minier congolais, qui rehausse les royalties sur la
production de métaux stratégiques, a aussi participé à l’emballement mondial autour
de ce métal critique dont les réserves sont très inégalement réparties. Sur les 100
000?tonnes extraites en 2017, la Chine en aurait consommé 80 % selon l’Institut
d’études géologiques des États-Unis (USGS). La demande croissant plus vite que
l’offre a entraîné une course à la sécurisation des approvisionnements par les
industriels [lire l’encadré ci-contre].

Technologies et matières alternatives

Dans les laboratoires, la priorité est donc donnée à la réduction de la teneur en


cobalt des batteries lithium-ion. Le coréen SK Innovation et son concurrent LG Chem
ont annoncé la production prochaine de batteries au lithium NMC?811, dont la
cathode contient 80 % de nickel pour 10 % de manganèse et 10 % de cobalt. Elles
viendraient supplanter les NMC?111 (nickel, manganèse et cobalt à parts égales) à
622. L’anode, quant à elle, est généralement en graphite (naturel ou artificiel).
Quelque 1,2 million de tonnes de graphite ont été extraites en 2016, principalement
en Chine (780 000?tonnes). L’un de ses usages industriels majeurs est la fabrication
d’électrodes pour les fours à arc électrique des aciéries recyclant la ferraille. Un
consortium chinois construit une usine géante d’anodes pour batteries, capable de
traiter 260 000?tonnes par an, et sera concurrencé par Hitachi Chemical au Japon,
qui a un projet d’une capacité de 100 000?tonnes. En France, la branche graphite et
carbone d’Imerys produit du graphite naturel et synthétique au Canada, en Suisse et
en Namibie. Expert des minéraux de spécialités, le groupe propose aussi du noir de
carbone conducteur pour les batteries.

La principale concurrente du lithium-ion pour le stockage de masse est la batterie à


flux Redox au vanadium. C’est celle choisie par l’américain UniEnergy Technologies
(UET) et le chinois Rongke Power pour construire à Dalian, en Chine, une batterie
géante ayant deux fois la capacité et six fois la puissance de celle conçue par Tesla
et Neoen à Hornsdale, en Australie. Mais ce n’est pas le développement de cette
technologie qui a récemment fait doubler le prix du vanadium. « La hausse du prix
du pentoxyde de vanadium est en fait liée à un déficit d’offre en Chine. D’une part, le
programme Blue sky a contraint les producteurs chinois à réduire leur production.
D’autre part, une nouvelle régulation impose pour la construction d’immeubles un fer
à béton de qualité antisismique contenant davantage de vanadium (300?grammes
par tonne d’acier) », explique Christian?Hocquard, consultant indépendant et ancien
du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Le vanadium est le
vingt-deuxième?élément le plus abondant sur terre. Il s’en extrait quelque 80 000
tonnes par an, dont la moitié en Chine.

Diversification des matières

Les autres technologies concurrentes n’ont, pour l’immense majorité, pas fait leurs
preuves au niveau industriel. Des innovations laissent toutefois espérer une
diversification des matières impliquées, telle cette batterie low-cost du MIT à base de
matériaux courants (du soufre, de l’air, de l’eau et du sel) qui permettrait de diviser
par cinq le coût "batterie" du kilowattheure (qui ne représente lui-même qu’un tiers
du coût total du stockage, développement, construction et gestion de l’énergie
compris). Ou ces tests récents pour remplacer la coûteuse cathode lithium-cobalt
par du graphène couvert de nanofilaments de vanadium dans une batterie zinc-ion.
Les travaux se multiplient aussi sur les matières organiques qui pourraient substituer
ou booster les métaux critiques des batteries actuelles. Les algues, rouges ou
vertes, font l’objet de recherches pour leur capacité à synthétiser des
nanomatériaux, comme le carbone poreux pour remplacer le graphite. Plus crédible
pour le stockage de masse, la batterie lithium-air n’en finit pas de jouer avec les
nerfs des chercheurs qui travaillent dessus. Mais Toyota et le MIT croient encore à
ses promesses. L’air, lui, ne devrait pas venir à manquer.

Les industriels en lice dans la course au cobalt

La substitution du cobalt dans les batteries n’étant pas pour demain, les industriels veulent
massivement sécuriser leurs approvisionnements. Le chinois GEM fait la course en tête après la
négociation d’un contrat de trois ans auprès du premier producteur mondial, Glencore. « Si le
cobalt tombe aux mains des chinois, vous ne verrez pas de véhicules électriques produits en
Europe », fanfaronnait le DG du groupe minier Ivan?Glasenberg, peu après avoir vendu au
chinois un tiers de sa production. Une bonne manière de placer rapidement les deux autres tiers.
Volkswagen a connu un premier échec après avoir proposé une garantie d’achat sur dix ans
sans s’engager sur le prix. Lot de consolation, du cobalt de Glencore finira dans ses batteries,
son fournisseur Catl s’approvisionnant chez GEM. La téléphonie s’inquiète aussi. Tandis que
Samsung SDI relançait le recyclage de téléphones usagés, la filiale négoce Samsung C & T
négociait un accord pluriannuel d’achat auprès de Somika en République démocratique du
Congo. Apple avait lancé des discussions similaires dès février. À ce rythme, il ne restera pas
grand-chose pour le stockage sur les réseaux électriques. 

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