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Cours 9 éveil à la variation phonétique en classe de FLE

Comme toute langue, le français est doté d’une variation linguistique diversifiée :
standard, soutenu, courant, familier, dialectal, argotique, etc. Ce qui permet des usages
langagiers différenciés selon le contexte et la situation pour une communication
adéquate et réussie. Dans les établissements scolaires, l’enseignement des langues
étrangères est majoritairement guidé et encadré par des manuels qui enseignent
généralement un français standard

Le français standard : la langue enseignée en français langue étrangère. C'est la


langue que l’on attribue aux Parisiens éduqués dans un registre soigné. Elle reflète les
normes. Son imposition se fait aux dépens des variétés régionales qui se sont
maintenues. Souvent qualifié de français de référence. Dans le cadre du FLE, ce
français de référence représente la norme pédagogique, une norme où une certaine
variation est tolérée par tous les Français.Toutefois cette variation ne doit pas trahir les
origines du locuteur, qu'elles soient géographiques et/ou sociales.

« Une série de connaissances et de compétences englobant la compétence linguistique,


divers aspects sociaux-linguistiques et les règles qui régissent l'emploi du langage dans
une société et une culture données. » 1Le but de l'enseignement du FLE va avant tout
poser que l'élève devra apprendre à s'exprimer dans un français correct.
L’enseignement du standard doit être la première préoccupation de l’enseignant.

Un étranger qui parle le standard sera toujours compris et ses écarts de langue seront
beaucoup mieux tolérés que s’il s’exprime dans une variante régionale ou stylistique
plus ou moins bien maîtrisée. La règle d’or est donc qu’il est préférable de parler trop
bien que d’utiliser des variantes familières à mauvais escient.

Nous pensons en effet, à la suite de Valdman (1975 et 2000), qu'il est nécessaire de
redéfinir le but de l'enseignement des langues étrangères: il ne doit pas se limiter
uniquement à l'acquisition d'un certain degré de compétence communicative, mais doit
aussi contribuer à l'éveil de la conscience linguistique de l'élève. L'introduction de la

1
Valdman ,1982, 218
variation très tôt dans l'apprentissage permettra d'insérer dans l'enseignement des
langues vivantes une dimension essentielle: la prise de conscience du comportement
langagier, l'apprentissage de la tolérance linguistique et par là de la tolérance d'une
façon générale, prenant ainsi le relais de l'enseignement de la langue maternelle.

L'attitude de l'enseignant quant à ces variantes jouera un rôle primordial. Il devra


éviter toute survalorisation de la norme enseignée et amener les élèves à distinguer
entre variation et infériorisation. Ils devront ainsi réfléchir sur le rôle de la variation
linguistique dans nos sociétés de plus en plus hétérogènes et seront plus en mesure
d'acquérir une attitude plus objective vis-à vis des langues et de leurs locuteurs d'une
façon générale.

Bien que le phonique constitue un indicateur saillant pour le diaphasique2, il fait


peu l’objet d’un apprentissage explicite en cours du FLE ou dans les manuels. La
variation stylistique est le plus souvent abordée à partir d’exemples lexicaux. Par
contre, la variation phonétique est complexe à définir et à enseigner, et difficile à
assigner à un registre. Les assimilations et les simplifications de la chaine parlée ou les
liaisons facultatives, souvent associées au registre familier, apparaissent de fait autant
dans une interaction entre amis que dans une conférence ou dans la parole publique.3
Bien plus, les traits phonétiques ne peuvent donc pas être immédiatement
associés à un style de parole ou à une structure sociale ; Ils sont plutôt à situer sur
un continuum, et fonctionnent par cumul selon des paramètres complexes, en fonction
de la distance/proximité communicationnelle entre locuteurs 4
c’est leur liaison et
leur fréquence dans un contexte — et non un trait isolé — qui créent un accent.

La langue est pour Guerin, un « ensemble infini d’actualisations s’organisant à partir


des deux notions opposées que sont l’immédiat et la distance ». Elle est un
Continuum communicatif non fondé sur l’opposition formel/informel,
oral/écrit mais proche/distant. Le standard n'est plus «la référence», mais une
actualisation de la langue associée à la distance communicative, qui se caractérise par

2
Gadet, 2007, p.10
3
Lodge et al., 1997
4
Koch& Œsterreicher, 2001
la sélection d’unités linguistiques, dont l’interprétation est indépendante d’un savoir
partagé .Ce n'est plus « le » français, mais l’une de ses actualisations ;

Par contre, Le non standard est une forme susceptible d’être employée dans des
contextes où la proximité - physique et/ou symbolique - entre les partenaires est
minimale, entraînant la sélectiond’unités linguistiques qui ne peuvent être interprétées
qu’à partir d’un savoir partagé
Je suis → J’suis → chuis → chu
(2) Il y a → Y a
(3) Tu es / Tu as → T’es / T’as
(4) Oui → Ouais / Non → Nan
Ces exemples démontrent la réduction phonétique ou la mutation articulatoire dans les
énoncés oraux très récurrents dans la communication quotidienne. Ils sont a priori
considérés comme erronés selon les normes basées sur l’écrit, et absents dans la
plupart des manuels. Cependant, ce sont les parlers que nous entendons le plus souvent
dans les conversations courantes.

Lhote, 1995 ; Guimbretière, 1992, et de data-driven learning (Johns, 1993), proposent


une activité didactique visant à sensibiliser les apprenants aux indices phoniques de la
variation stylistique :

-Après une phase d’écoute et d’observation d'un extrait sonore, les apprenants sont
appelés à transcrire ce qu’ils ont cru percevoir ;

-Le transcodage en tant qu’activité didactique en FLE joue un rôle initiatique,


d’observation et de familiarisation avec la langue ordinaire ;

-Pour le phonique, il constitue un outil d’éveil à la variation, favorisant l’écoute et le


repérage de traits de prononciations dans un contexte de proximité et de connivence
la production n’est donc pas visée

-Travail global sur l’oralité : développement de stratégies d’analyses et de


segmentation de la chaine parlée ;

-Focalisation sur la dimension segmentale et suprasegmentale, censée


favoriserl’enrichissement du système phonético-phonologique de l’apprenant.
La transcription, sous différentes formes, n’est pas une activité inconnue en didactique
des langues5 ; mais, elle n’est néanmoins pas proposée par la plupart des manuels de
prononciation, qui offrentsurtout un travail de phonie/graphie ;

-Dans le transcodage, la scripturalité ne constitue pas une fin en soi, mais un


passage dansun aller-retour, de l’oral à l’oral par l’écrit ;

-L’observation en contexte introduite par le transcodage d’interactions brèves et


authentiques permet alors de contourner la difficulté à dresser une liste de traits de
prononciation qui corresponde à un style de parole pré-déterminé, de façon à ce que
l’apprenant se rende compte des traits reflétant une langue de tous les jours.

Conclusion

Si l’on souhaite préparer les étudiants à interagir verbalement avec les locuteurs de
telle ou telle communauté linguistique francophone, on doit être en mesure de leur
présenter ces grandes caractéristiques non seulement de manière déclarative (« Au
Québec il y a de l’assibilation [...] »), mais aussi de manière procédurale, en leur
faisant écouter, de manière raisonnée, les données sonores en question, et ce afin de
développer chez eux un certain degré de familiarité avec les variétés considérées.6

5
(Lebre-Peytard et coll., 1981 ; Biggs & Dalwood, 1976 ; Lynch, 2007 ; Stillwell et coll., 2010 ; Pimsleur, 1979 ;
Tyne 2009a ; Boulton & Tyne, 2014, pour une synthèse)
6
Detey, 2010, 157.

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